Un organisme en plein épanouissement (1990-2004)

Un organisme en plein Épanouissement (1990-2004)

Au cours des années 90 et à l'aube du nouveau millénaire, le SCRS a évolué, connaissant sensiblement mieux les attentes que l'on fondait sur lui en matière de reddition de comptes et évoluant à l'aise dans ce rôle. Le CSARS était aussi en plein épanouissement et accueillait de nouveaux employés ainsi que de nouveaux présidents et membres. Ses relations avec le SCRS ont été marquées par un approfondissement du respect mutuel des deux organismes pour leurs responsabilités et leur travail respectifs, fait que le CSARS a admis à maintes reprises dans ses rapports annuels tout au long de cette décennie.

Dans quelle mesure le CSARS a-t-il accès à l'information classifiée?
La Loi sur le SCRS autorise le Comité « à avoir accès aux informations [...] qui relèvent du Service ou de l'inspecteur général ». En conséquence, le CSARS a le pouvoir absolu de se pencher sur tous les dossiers et activités du SCRS, si délicats soient-ils et quel qu'en soit le niveau de classification. Les documents confidentiels du Cabinet (soit les communications écrites et verbales entre les ministres) sont les seuls renseignements qui soient hors de sa portée.

L'amélioration des relations au fil des années 90 a été l'effet direct de la croissance et de la maturité du SCRS à titre d'organisme civil, mais le mérite en revient aussi en partie au deuxième président du Comité, John Bassett (1989-1992). L'influence que celui-ci a exercée sur le CSARS est reconnue par Maurice Archdeacon, qui décrit M. Bassett en ces termes : « un homme pleinement accompli et d'un grand charisme... qui avait une grande capacité d'écoute et une mémoire remarquable. Tous ceux qui l'avaient rencontré le respectaient, ce qui l'a servi exceptionnellement bien dans son travail avec le SCRS. Même s'il a été au CSARS pendant trois ans seulement, il compte à son actif de grandes réalisations, notamment pour ce qui est d'aider à nouer des rapports plus efficaces avec le Service ».

La conception que M. Bassett se faisait du SCRS et du professionnalisme plus grand dont celui-ci faisait preuve est exprimée clairement dans le rapport annuel du CSARS pour 1991-1992, où l'on peut lire : « Ceux qui ont suivi le SCRS avec intérêt ont pu constater que notre rapport annuel, qui était à l'origine une liste de critiques directes et implicites, est devenu depuis quelques années un compte rendu beaucoup plus favorable des activités du SCRS. Ce changement progressif mais net dans le ton et le contenu de nos rapports annuels est simplement dû au fait que le SCRS s'est presque entièrement transformé et qu'il ne peut plus être considéré comme le descendant direct du Service de sécurité de la GRC ».

Rapports en vertu de l'article 54

Il vaut la peine de noter deux rapports qui ont été établis en vertu de l'article 54 sous la présidence de M. Bassett au CSARS : Air India et l'enquête sur l'attaque contre l'ambassade d'Iran. Ces rapports sont des études d'un type spécial, relevant de l'article 54 de la Loi sur le SCRS, selon lequel le CSARS peut faire rapport de toute affaire entourant l'exercice des fonctions du Service. Les rapports semblables sont rares : en 2004, on n'en recensait que sept dans la dernière décennie.

  • Air India – Le CSARS a entrepris une longue étude sur la tragédie d'Air India, survenue en 1985, dans laquelle un avion d'Air India en provenance de Vancouver avait été détruit par une bombe placée à bord, entraînant dans la mort tous les passagers et tous les membres de l'équipage. Le rapport annuel du CSARS, dont il avait différé la publication après étude d'un dossier bien présenté par la Couronne sur la nécessité d'éviter de s'ingérer dans une enquête policière en cours, a servi à répondre à bien des questions au sujet de la capacité prédictive du SCRS. Dans ce rapport, publié en novembre 1992, le Comité a fait état de défaillances dans la conduite de l'enquête par le SCRS, mais il a conclu que celui-ci n'était pas en mesure de prévoir l'attentat à la bombe.
  • Attaque contre l'ambassade d'Iran – Le Comité a examiné le rôle joué par le SCRS avant et pendant l'attaque contre l'ambassade d'Iran à Ottawa, en 1992, par des membres des Moudjahiddins du peuple. Le CSARS a décelé une faille dans la manière dont le Service avait traité l'information avant l'attentat, mais il a conclu que, même si cette information était parvenue en temps opportun à la bonne personne, elle n'aurait probablement pas amené une personne raisonnable à avertir la police.

Quelle est la différence entre le CSARS et l'inspecteur général du SCRS?
L'inspecteur général du SCRS est un organe indépendant de surveillance interne qui se penche sur les activités du Service et relève directement du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Le CSARS est un organisme indépendant qui exerce sa surveillance de l'extérieur et rend compte au Parlement. Le but premier de l'inspecteur général est d'évaluer le rapport annuel du directeur du SCRS, qui est un document classifié, alors que le CSARS effectue des études approfondies sur les activités du Service, qu'il enquête au sujet des plaintes reçues et qu'il rédige un rapport annuel destiné à être déposé au Parlement. L'inspecteur général n'a pas de processus public comparable en matière de plaintes.

Nouvelle direction et décision judiciaire phare

À la fin de 1992, un changement est survenu à la direction du CSARS avec la nomination de l'avocat montréalais Jacques Courtois à titre de troisième président du Comité (1992-1996). Sous sa direction, le Comité a dû faire face aux conséquences d'une décision importante, l'arrêt Thomson, que la Cour suprême du Canada avait rendue cette année-là. Cette affaire concernait une personne (Thomson) qui s'était vu refuser un poste au ministère de l'Agriculture à cause d'une évaluation de sécurité défavorable par le SCRS. L'intéressé a interjeté appel de cette décision auprès du CSARS qui a tenu une audience et recommandé qu'on lui accorde l'habilitation nécessaire. Cette recommandation a été rejetée par le sous-ministre de l'Agriculture, donnant lieu à une série de décisions judiciaires qui ont abouti à une décision finale de la Cour suprême du Canada. Celle-ci a statué que les recommandations du CSARS dans les affaires d'habilitation de sécurité ne liaient pas le gouvernement, ce qui fut un revers et une déception pour le Comité.

Heritage Front

Le leadership de M. Courtois et les compétences de tous les membres du Comité ont été mis à l'épreuve en 1994 lorsque des allégations largement diffusées sont venues au jour au sujet d'une source du SCRS, Grant Bristow, qui œuvrait au sein du groupe néonazi nord-américain appelé Heritage Front. Cette affaire a été l'objet d'une grande attention de la part des médias et du public et a amené de nombreux spécialistes à la considérer comme « le premier essai sérieux » pour le régime canadien d'obligation redditionnelle en matière de renseignement de sécuritéNote de bas de page 15. Selon Maurice Archdeacon, l'étude sur le Heritage Front a été « l'une des plus intéressantes qu'il nous ait été donné de faire ». Pour son enquête, le Comité a étudié plus de 25 000 pages de documents et interviewé au-delà de 100 personnes. Dans un rapport de plus de 200 pages au solliciteur général du Canada, le CSARS a largement documenté l'enquête du Service sur le Heritage Front. Une version expurgée de ce rapport a aussi été rendue publique.

Le CSARS a conclu que le SCRS avait eu raison d'enquêter sur la direction de ce groupe extrémiste. Les membres du Comité ont par la suite défendu ce point de vue en témoignant pendant plus de 16 heures devant le Sous-comité de la Chambre des communes sur la sécurité nationale. Le CSARS a reproché à Bristow d'avoir fait vaciller la frontière de ce qu'était un comportement acceptable dans son rôle au sein du Heritage Front, mais il a aussi dit que les Canadiens lui étaient redevables d'avoir fait œuvre utile. Il vaut la peine de noter que le magazine The Walrus a publié en août 2004 un reportage d'Andrew Mitrovica sur le rôle joué par Bristow dans l'affaire du Heritage Front. Dans son article, l'auteur a noté que, par suite de l'étude du CSARS, « l'hystérie médiatique qui avait entouré Bristow a tôt fait de s'évanouir, car la presse a accepté en grande partie les constatations du CSARS et considéré l'affaire comme régléeNote de bas de page 16 ».

Que faut-il faire pour porter plainte contre le SCRS?
Au CSARS, le processus des plaintes est régi par la Loi sur le SCRS. Si vous voulez porter plainte contre « des activités du Service », l'article 41 de la Loi s'applique. Si votre plainte concerne le refus ou la révocation d'une habilitation de sécurité dont vous avez besoin pour obtenir ou conserver un emploi ou un contrat auprès du gouvernement fédéral, c'est l'article 42 de cette même loi qui s'applique. Dans les deux cas, la procédure à suivre pour porter plainte est décrite sur le site Web du CSARS.

Une vigueur renouvelée

En 1996, après moins de quatre ans à la présidence du CSARS, M. Courtois est décédé à la suite d'une brève maladie. Madame Paule Gauthier lui a succédé à titre de quatrième titulaire de ce poste. Elle avait déjà été membre du Comité de 1984 à 1991 et en 1995-1996, et elle avait en outre présidé l'Association du Barreau canadien (1992-1993). Beaucoup ont salué sa nomination à la présidence comme le début d'une nouvelle ère de vitalité pour le CSARS. Selon le réputé politologue Reg Whitaker, de l'Université York, ce nouveau leadership a suscité « une confiance renouvelée à l'endroit du CSARSNote de bas de page 17 ». La nomination de Mme Gauthier est survenue moins de deux ans après celle de Ward Elcock à titre de directeur du SCRS. Ensemble, ces deux chefs de file ont contribué à insuffler une vigueur renouvelée au sein de leurs organismes respectifs.

Ce regain de vigueur s'est traduit dans le rapport annuel de 1998-1999, où le Comité a noté qu'après 15 ans d'existence de la Loi sur le SCRS, des « conclusions relativement fiables » pouvaient être tirées quant à l'état du renseignement de sécurité au Canada. « À vrai dire, une vingtaine d'années après que le juge McDonald a énoncé les grands principes destinés à soustendre l'appareil du renseignement de sécurité, le fossé ne cesse de se creuser entre le monde pour lequel les lois et les usages existants ont été conçus, il y [a] près de vingt ans, et celui qui nous entoure, en 1999. »

En qualité de présidente du CSARS, Mme Gauthier s'est intéressée de près au mandat du Comité en matière d'enquête sur les plaintes. Elle a présidé plus de 22 audiences publiques et de 14 audiences ex parte concernant 8 affaires, depuis sa nomination à la présidence, et elle a paraphé à ce jour 5 rapports écrits. En outre, plusieurs études dignes de mention ont été menées sous sa direction :

Comment les Canadiens peuvent-ils en savoir davantage sur le CSARS?
Chaque année, le Comité prépare un rapport annuel qui est déposé publiquement au Parlement et il l'affiche sur son site Web. Il y fournit un compte rendu de chacune de ses études, de chaque enquête qu'il a menée et de chacune des plaintes auxquelles il a donné suite. Comme le CSARS est tenu par la loi de ne dévoiler aucune information classifiée et de protéger la vie privée des intéressés, son rapport annuel est une version expurgée de ses rapports internes.

  • Ernst Zündel — Les médias nationaux ont attribué au CSARS le mérite d'avoir aidé à faire échouer la tentative d'Ernst Zündel, qui niait l'existence de l'holocauste, en vue de devenir citoyen canadien. Zündel a tenté de s'opposer au pouvoir du Comité d'enquêter sur son affaire, entre autres d'examiner les constatations antérieures selon lesquelles le SCRS avait conclu que Zündel ne pouvait obtenir la citoyenneté canadienne parce qu'il représentait une menace pour la sécurité nationale. En 1997, la Cour d'appel fédérale a confirmé le pouvoir du CSARS. Par la suite, la Cour suprême a refusé d'entendre un appel de la décision du tribunal inférieur.
  • L'extrémisme islamique sunnite — À la suite des événements du 11 septembre 2001, le CSARS a effectué une vaste étude au sujet de l'enquête menée par le SCRS sur l'organisation Al-Qaïda et sur l'extrémisme islamique sunnite en général. Le Comité n'a trouvé « aucun élément ni information permettant de penser que le Service avait en mains des renseignements qui auraient dû l'alerter quant à l'imminence des événements du 11 septembre et, du même coup, l'amener à en informer le gouvernement ».
  • Ahmed Ressam — Le Comité a examiné les activités du SCRS concernant l'affaire Ahmed Ressam, agent secret d'Al-Qaïda né en Algérie et arrêté en 1999 aux États-Unis relativement à un complot d'attentat à la bombe. Dans son rapport, dont la majeure partie demeure classifiée afin de protéger des enquêtes en cours, le CSARS a soutenu que Ressam avait pu échapper à la surveillance précédemment, au moment où il ourdissait son attentat, parce que les fonctionnaires du Bureau canadien des passeports lui avaient délivré par erreur un passeport sous un faux nom.
  • Maher Arar — Même si l'on ne peut exposer les détails de cette affaire parce qu'ils font actuellement l'objet d'une enquête publique, ce cas illustre l'épineux dilemme auquel se heurte souvent le Comité. Du fait qu'il est tenu par la loi de protéger à la fois la sécurité nationale et la vie privée, il lui est souvent difficile de faire saisir pleinement la rigueur et la complexité de ses études ou de fournir des détails qui puissent aider à corroborer ses constatations et recommandations. Le CSARS a amorcé son étude en vertu de l'article 54 avant la création de la Commission d'enquête et il a présenté ses constatations au Ministre en mai 2004. Même si le rapport classifié a été fourni à la Commission, le Comité a été critiqué injustement lorsque le gouvernement en a publié une version lourdement expurgée sans le consulter. Le CSARS a déclaré publiquement qu'il n'aurait « aucune objection » à ce que la Commission rende public un résumé de son rapport classifié lorsqu'elle aurait terminé sa propre enquête.

Notes de bas de page

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2016-12-02