2013 TSSTC 3

Référence : DP World (Canada) Inc. c. Syndicat international des débardeurs et magasiniers, section locale 500 et al., 2013 TSSTC 3

Date : 2013-01-21
Dossier : 2010-43 et 45
Rendue à : Ottawa

Entre :

DP World (Canada) Inc., appelante/intimée à l'appel incident

et

Syndicat international des débardeurs et magasiniers, section locale 500, intimé/appelant à l'appel incident John Sullivan et Gino Guzzo, intimés

Affaire : Appel et appel incident interjetés en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l'encontre de deux instructions émises par un agent de santé et de sécurité

Décision : Les instructions sont annulées

Décision rendue par : M. Jean-Pierre Aubre, agent d'appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l'appelante/intimée à l'appel incident : M. Alan D. Winter, avocat, Harris & Company LLP

Pour les intimés/appelants à l'appel incident : Mme Stephanie Drake, avocate, Victory Square Law Office LLP

MOTIFS DE LA DÉCISION

[1]             Il s'agit d'un appel et d'un appel incident interjetés en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l'encontre de deux instructions émises par l'agent de santé et de sécurité (l'agent de SST) Pierre Ka-Ling Wong le 25 octobre 2010. Avec l'accord de toutes les parties, ces appels sont décidés en se fondant uniquement sur le rapport d'enquête de l'agent de SST, la preuve documentaire présentée par les deux parties ainsi que leurs observations écrites. Il n'y a donc pas eu d'audience formelle en personne devant un agent d'appel.

Contexte

[2]             La présente affaire porte sur des appels déposés par deux parties contre les instructions émises par l'agent de SST Ka-Ling Wong à la date mentionnée précédemment. À cette date, deux instructions ont été émises, dont une à DP World (Canada) Inc. (DP World), une entreprise de manutention qui exerce ses activités dans la province de la Colombie-Britannique et qui exploite aussi un terminal à conteneurs sur la côte sud de l'arrière-port de Vancouver. L'autre instruction a été émise à deux employés de DP World, John Sullivan et Gino Guzzo.

[3]             Ces instructions portaient sur une opération particulière de chargement du grain dans des navires. Cette opération consiste à charger le grain dans des conditions météorologiques défavorables par les trous de chargement de ciment dans le panneau d'écoutille de chargement des navires afin de veiller à ce que la qualité du grain ne soit pas affectée par la pluie.

[4]             Comme l'a décrit l'appelant à l'appel incident, la section locale 500 du Syndicat international des débardeurs et magasiniers (le Syndicat), dans ses observations du 6 juin 2011, et qui n'est pas contesté par l'appelante DP World, la pratique par beau temps sur les quais du port de Vancouver est d'ouvrir le panneau d'écoutille des navires céréaliers et de verser le grain par l'écoutille ouverte. Le chargement du grain par l'écoutille ouverte offre une meilleure visibilité pendant le processus et permet à la poussière de se dissiper rapidement. Toutefois, lorsque les conditions météo sont défavorables, l'inconvénient de cette procédure est que le grain devient mouillé et que le grain mouillé se gâte facilement.

[5]             Les trous de chargement de ciment sur les navires qui en disposent sont des trappes d'accès qui n'ont pas été conçues pour charger le grain. Elles ont un diamètre de deux pieds et sont décrites par le Syndicat comme semblables à une plaque d'égout dans une rue. Il semblerait que la taille, la forme et l'emplacement des trous de chargement de ciment varient grandement d'un navire à un autre et qu'il n'existe pas de norme dans l'industrie à ce sujet. Il n'est pas contesté que, lorsque le grain est chargé par les trous de chargement de ciment, la poussière qui est causée par cette opération ne peut se dissiper aussi facilement ou rapidement que lorsque les panneaux d'écoutille sont ouverts, et elle peut donc s'accumuler dans l'espace clos. Lorsque la poussière céréalière s'accumule dans un espace clos, elle est susceptible de causer une combustion explosive. La probabilité d'une telle combustion dépend de divers facteurs, y compris le type de produit céréalier, la dimension des particules, la concentration de la poussière, le débit, l'humidité, la teneur en eau du grain et la source d'inflammation.

[6]             C'est dans ce contexte général que nous allons maintenant aborder l'objet de ces appels. Les deux instructions faisant l'objet des présents appels ont été émises après une enquête menée par l'agent de SST Wong au sujet des refus de travailler des intimés John Sullivan et Gino Guzzo, relativement à une opération de chargement de grain par les trous de chargement de ciment dans un navire au terminal céréalier de James Richardson International à Vancouver, en Colombie-Britannique.

[7]             Le navire en question est appelé le Edel Weiss et, bien que son pavillon d'enregistrement n'a pas été précisé, l'agent de SST mentionne dans son rapport que tous les navires recevant du grain au port de Vancouver sont des navires battant pavillon étranger. La déclaration de refus de travailler par les deux employés susmentionnés ne m'a pas été fournie et, selon l'appelante, le danger créé par l'accumulation supposément excessive de poussière pendant le processus était à la base du refus de travailler des employés. Il importe de noter que les deux instructions ont été émises par l'agent de SST Wong en vertu du paragraphe 145(2) du Code relativement à un « danger » recensé par l'agent de SST. Ces instructions sont habituellement appelées des instructions relatives à un danger.

[8]             La première instruction émise par l'agent de SST à DP World (pour faciliter la compréhension, appelée PW 25 oct. 2010) est portée en appel à la fois par DP World et le Syndicat. Elle semble directement liée à deux autres instructions qui avaient déjà été émises à DP World en 2007 par un autre agent de SST (l'agent de SST D’Sa) visant la même activité générique de chargement du grain. Pour bien comprendre le contexte de l'affaire qui nous occupe, il est donc nécessaire de parler de ce qui s'est passé entre les instructions de 2007 et celles qui sont à la base des présents appels.

[9]             Les instructions de 2007, également émises en vertu du paragraphe 145(2) du Code, décrivaient comme suit le « danger » recensé par l'agent de SST D'Sa :

[Traduction] Le processus de chargement du grain par les trous de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille constitue un danger puisque ces trous de chargement n'ont pas été approuvés pour le chargement du grain. Une documentation et des procédures adéquates approuvées par les autorités compétentes doivent être fournies avant le chargement.

[10]             En réponse aux instructions de 2007 et pour se conformer à cette ordonnance, DP World a eu recours aux services d'un expert, Genesis Engineering Inc. (Genesis), et lui a demandé de procéder à une enquête et à des essais, et de produire un rapport sur la sécurité du chargement du grain par les trous de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille, et d'approuver des procédures de travail sécuritaire pour de telles opérations. Cette enquête de Genesis a mené à la production d'un rapport final (après trois rapports provisoires) le 9 décembre 2009. Ce rapport ainsi que les trois rapports provisoires ont été fournis à l'agent de SST (D’Sa) et au Syndicat.

[11]             Le rapport comprenait une pièce jointe, intitulée « Manual Opacity Probe », qui décrit la conception et le fonctionnement d'un outil, une sonde d'opacité, à utiliser pour satisfaire à une des mesures de sécurité mentionnées dans les conclusions du rapport de Genesis. La sonde d'opacité permettrait également d'établir et d'évaluer à divers niveaux la concentration de poussière céréalière lorsque le panneau d'écoutille est fermé pendant une opération de chargement par le trou de chargement de ciment. Par conséquent, la sonde permettrait de moduler le débit de chargement ou même de l'interrompre afin d'assurer des conditions de travail sécuritaires.

[12]             Le rapport de Genesis a mené à l'élaboration d'une procédure de travail sécuritaire, intitulée « Pouring Grain through Feeder Holes – Draft Procedure, January 19th, 2010 ». Ce document décrit des procédures détaillées pour le chargement du grain par les trous de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille. Cette procédure comprenait un mécanisme et un processus de surveillance du niveau de poussière céréalière par des tests visuels d'opacité à l'aide de la sonde d'opacité manuelle mentionnée précédemment, comme le recommandait le rapport final de Genesis. Lorsque cela avait été présenté au premier agent de SST (2007, D’Sa), celui-ci a jugé et confirmé par écrit le 29 janvier 2010 que les exigences de ses instructions de 2007 avaient été satisfaites. Cette communication de l'agent de SST mentionnait également que l'employeur devait consulter le comité local de santé et sécurité avant de finaliser ces procédures de sécurité.

[13]             En réponse à la conclusion de l'agent de SST, l'employeur DP World a abandonné l'appel qu'il avait présenté contre cette instruction de 2007 et a choisi de reprendre ce type de chargement lorsque les procédures de travail sécuritaire avaient été terminées. Les exigences formulées par l'agent de SST D’Sa au sujet de la consultation nécessaire avant de finaliser les procédures sur le chargement par le trou de chargement de ciment semblent avoir mené à un grand nombre d'échanges, surtout entre la British Columbia Maritime Employers Association (la BCMEA), au nom de l'appelante, et la section locale 500 du Syndicat, au nom des représentants des travailleurs siégeant au comité local. Ces échanges ont eu lieu de diverses façons, par la poste, par télécopieur et par des réunions, comme le prouvent les documents fournis par l'appelante, que j'ai lus en entier.

[14]             Il existe toutefois une question litigieuse entre les parties à savoir si les dossiers sur ces échanges constituent réellement une consultation. Il en sera question plus tard dans la présente décision. Je mentionnerai simplement pour le contexte que les consultations auraient commencé dès 2009 alors que Genesis, l'expert embauché par l'employeur, effectuait son enquête et faisait des essais sur des navires pour le problème de chargement du grain. Cette consultation s'est poursuivie jusqu'en octobre 2010, alors que l'appelante a recommencé le chargement du grain par le trou de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille après l'adoption et la mise en œuvre par l'appelante des nouvelles procédures de travail sécuritaire.

[15]             Bien qu'il ne soit pas nécessaire à ce moment de lire tous ces échanges, il est possible d'en tirer que les parties au litige ne sont jamais arrivées à un consensus sur les problèmes soulevés dans cette affaire. Les opinions extrêmes allaient de l'avis exprimé par la BCMEA que le Syndicat ne donnerait jamais son accord, d'une part, à la déception exprimée par le Syndicat au sujet du processus de consultation et à sa contestation du fait que la BCMEA l'avait consulté de bonne foi, d'autre part.

[16]             Après avoir été informée qu'elle s'était conformée aux instructions de l'agent de SST D’Sa, la BCMEA a aussi reçu des copies des communications préparées par deux représentants du Programme du travail du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (Eva Karpinski, ingénieure en hygiène industrielle, et Evan Vandoros, ingénieur en sécurité industrielle). Ces communications documentaient leurs commentaires sur le rapport final de Genesis et les procédures de travail sécuritaire qui avaient été préparées pour le chargement du grain par le trou de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille. La BCMEA a transmis ces documents, qui semblent soulever des préoccupations au sujet des conclusions de Genesis, à Genesis pour obtenir ses commentaires.

[17]             Le 19 mars 2010 (donc après la lettre de conformité de l'agent de SST D’Sa, mais avant les refus de travailler qui ont mené aux instructions émises le 25 octobre 2010 par l'agent de SST Wong qui font l'objet du présent appel), Genesis a répondu aux communications de Vandoros et de Karpinski pour présenter les explications suivantes :

[Traduction] Tous les problèmes soulevés par Eva Karpinski et Evan Vandoros du Programme du travail de RHDCC ont été évalués au cours de l'étude. Le chargement du grain par un trou de chargement de ciment est considéré sécuritaire lorsque les procédures de chargement adéquates sont suivies.

[18]             Par la suite, aucun autre commentaire n'a été donné par les ingénieurs, même si au moins un représentant de RHDCC leur a demandé de commenter. Il convient de noter ici un événement important survenu entre les instructions émises en 2007 par l'agent de SST D’Sa et la décision d'octobre 2010 de la BCMEA et de l'appelante de recommencer le chargement du grain par le trou de chargement de ciment. Puisqu'elles étaient d'avis qu'elles avaient terminé l'élaboration des procédures de chargement sécuritaire, l'employeur, DP World, et les membres de la BCMEA ne chargeaient pas le grain par les trous de chargement de ciment.

[19]             Comme il est mentionné ci-dessus, la première instruction émise en 2010 par l'agent de SST Wong fait l'objet d'un appel de DP World et du Syndicat. Cette instruction oblige DP World à [Traduction] « demander à une personne compétente d'évaluer les constatations décrites dans le rapport de Genesis Engineering Inc. et de répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat potant sur la sonde d'opacité utilisée pour le chargement du grain ».

[20]             Il incombe de noter ici que, mise à part la formulation précédente de l'instruction qui semble demander à la partie à laquelle elle est adressée de prendre certaines mesures, cette instruction relative à un danger ne décrit ce danger qu'en se servant de la terminologie générale qui se trouve au paragraphe 128(1) du Code et de la formulation générale utilisée dans les instructions, soit « Ledit agent de santé et de sécurité estime que l'utilisation d'une machine ou chose/qu'une situation existante dans le lieu constitue un danger pour un employé au travail. »

[21]             Il faut noter que le paragraphe 128(1) du Code mentionne, on pourrait dire de façon générale, l'utilisation ou le fonctionnement d'une machine ou d'une chose, le danger dans un lieu ou l'accomplissement d'une tâche qui constitue un danger et la « question » devant faire l'objet de l'enquête d'un agent de santé et de sécurité en vertu du paragraphe 129(1) pour décider de l'existence d'un danger en vertu du paragraphe 129(4) du Code. Dans le cas de DP World, son appel soulève trois motifs présentés de manière subsidiaire.

[22]             Le premier motif, qui mentionnait que l'agent de SST Wong avait commis une erreur de droit et excédé sa compétence, a déjà été réglé dans une décision antérieure. Les deux autres motifs d'appel de DP World, toujours mentionnés à titre subsidiaire par l'appelante et qui demandent l'annulation des instructions, sont les suivants : [Traduction] «“L'agent de SST Wong a commis une erreur en jugeant qu'il existait une situation dangereuse pour un employé, ce qui était une condition préalable nécessaire pour que l'agent de SST Wong émette les instructions de 2010 en vertu du paragraphe 145(2) du Code. » et, si l'appel était refusé pour ce motif, l'appelante demandait l'annulation des instructions [Traduction] « parce qu'elles semblent fondées sur l'opinion erronée de l'agent de SST que l'appelante n'avait pas satisfait à ses obligations statutaires de consulter le comité local au sujet de la mise en œuvre des procédures de travail sécuritaire pour les opérations visées par les refus de travailler » des employés Sullivan et Guzzo.

[23]             Au sujet de l'instruction émise à DP World, l'appelant à l'appel incident, le Syndicat, n'a pas mentionné dans son avis d'appel s'il demandait l'annulation ou la modification de l'instruction. Toutefois, la formulation du motif de l'appel semble indiquer qu'il demande la modification de la première instruction. Selon le Syndicat, il interjette appel de l'instruction [Traduction] « parce qu'elle ne couvre pas tous les problèmes liés à cette opération », comme l'exige l'instruction, et que [Traduction] « l'évaluation du rapport par la personne compétente a porté sur un nouveau rapport produit après l'émission de l'instruction ».

[24]             La deuxième instruction, qui est envoyée aux deux employés ayant invoqué le refus de travailler, Sullivan et Guzzo (PW 25 oct. 2010 A), et les renvoie essentiellement à l'instruction émise à DP World, leur ordonne de ne pas utiliser ni faire fonctionner la sonde d'opacité pour le chargement du grain tant que DP World ne se conforme pas à l'instruction qui lui a été émise. DP World interjette appel de cette instruction pour les mêmes raisons que celles émises pour son appel contre l'instruction dont elle est l'objet; donc le résultat de l'appel visant la première instruction (PW 25 oct. 2010) dictera le résultat de l'appel visant la deuxième instruction.

[25]             Comme il est mentionné ci-dessus, les deux instructions qui font l'objet d'un appel faisaient suite à une enquête menée par l'agent de SST Wong, qui a produit un rapport assez long (comprenant de nombreux documents en annexe) que j'ai eu l'occasion d'examiner en entier. Il n'est pas nécessaire de reproduire le rapport intégral dans la présente décision, mais puisqu'il constitue la base des instructions portées en appel, il vaut mieux citer ses conclusions au long pour bien comprendre le raisonnement de l'agent de SST Wong.

[26]             Il faut toutefois noter que sa portée est large et qu'il semble mentionner des questions dépassant la portée du Code et donc ma compétence, puisque je suis tenu d'établir en vertu du Code si, au moment des refus de travailler et de l'enquête qui a suivi, il existait un danger au sens du Code pour des employés d'un employeur de compétence fédérale et qui tombait dans le champ d'application du Code.

[27]             Il faut également souligner dès le départ que les conclusions de l'agent de SST Wong indiquent un fort désaccord avec les conclusions qu'avait préalablement tirées l'agent de SST D'Sa sur les mêmes questions dans ses instructions de 2007 et avec la décision de l'agent D'SA en 2010 que l'employeur s'était conformé à ses instructions de 2007 ainsi qu'aux instructions de 2010 émises par l'agent de SST Wong. Voici une partie du texte et des conclusions de l'agent de SST Wong :

[Traduction] (1) Il y a quelques années, une entreprise maritime norvégienne a approché ce bureau maritime de Transports Canada (BMTC) pour obtenir l'approbation de charger le grain par le « trou de chargement de ciment » des navires portant le drapeau norvégien. Les trous de chargement de ciment sont des ouvertures sur les panneaux d'écoutille de navires et, comme leur nom le suggère, ils peuvent servir à charger le ciment lorsque les conditions météorologiques sont défavorables. Ils ne visent pas à charger d'autres cargaisons pouvant causer une explosion de poussière.

 (2) Ce bureau a informé l'entreprise qu'elle devait d'abord obtenir la permission de son « État de pavillon » ou de sa « société de classification » au nom de l'État du pavillon pour approuver le chargement par le « trou de chargement du ciment ». L'État du pavillon est celui représenté par le drapeau qui flotte sur le navire, dans ce cas-ci le gouvernement de la Norvège.

 (3) Bien entendu, l'entreprise n'a pas pu obtenir l'approbation de l'État du pavillon ni de la société de classification et on croit que c'est pour des raisons de RESPONSABILITÉ et parce que l'Organisation maritime internationale (l'OMI) n'a pas donné son appui.

 (4) Par la suite, il semble que quelqu'un dans l'entreprise aurait songé à mettre en scène un refus de travailler dans le but d'obtenir une « instruction » et de présenter ensuite une procédure pour se conformer à l'instruction. Cela semble être une approche détournée.

 (5) La BCMEA ou son avocat a tenté de transférer la responsabilité au BMTC (lettre datée du 29 décembre 2009 de la part de son avocat) [...] en demandant au BMTC d'approuver la procédure :

 « Établir si l'instruction PD/07/04A est adéquate et si vous convenez que le grain peut être chargé de façon sécuritaire par le trou de chargement de ciment », autrement dit, ils ont tenté de forcer le BMTC à approuver l'étude d'ingénierie et leur « procédure » de chargement datée du 5 octobre 2010.

(6) On peut noter que les navires qui chargent du grain en Colombie-Britannique sont tous des navires étrangers et que le contrôle du travail de ces navires relève du chef de bord et est effectué par son équipage. Le navire devrait donc avoir un document indiquant la procédure et l'approbation du chargement par le trou de chargement de ciment par l' « État du pavillon » ou par la « société de classification au nom de l'État du pavillon ». Toutefois, aucun de ces documents ne se trouve à bord. La première instruction émise par l'agent de sécurité aurait dû comprendre l'approbation de l'État du pavillon, comme il est mentionné ci-dessus dans l'instruction PD/07/04A datée du 25 avril 2007 ci-jointe donnée par P. D’Sa…

[…]

(8) L'agent de santé et de sécurité (P.D.) a publié un document daté du 29 janvier 2010 informant la BCMEA qu'elle s'était conformée à son instruction.

(9) Un autre refus a été donné le 25 octobre 2010 relativement au rapport d'ingénierie, à la « sonde » et à diverses questions…

L'agent de sécurité soussigné s'est rendu sur le navire au sujet du refus de charger par le trou de chargement de ciment et il déclare ce qui suit : PW25OCT2010. « Une personne compétente doit évaluer les constatations du rapport de Genesis Engineering INC. et répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat et portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain. »

Mon instruction susmentionnée a été annulée par le même agent de sécurité (P. D.) sans en discuter avec moi, bien qu'il était possible de me joindre par téléphone.

 CONCLUSION:
A) Dès le départ, il est entendu qu'un État de pavillon et une société de classification dignes de confiance semblent avoir refusé d'approuver un document pour le chargement du grain par le trou de chargement de ciment en raison de leurs craintes au sujet de la responsabilité.

B) Il est reconnu que les explosions de poussière constituent un danger grave. Je dispose de rapports au sujet de deux explosions dans le terminal céréalier dans le Greater Vancouver Regional District, en Colombie-Britannique.

C) Compte tenu du fait qu'il est question de navires battant pavillon étranger et de leurs équipages. Il est prudent que l'État du pavillon proposant présente la question directement à l'Organisation Maritime Internationale (OMI) par l'intermédiaire de son propre gouvernement, qui est le gouvernement de la Norvège dans le cas qui nous occupe, pour une recherche complète et crédible et une mise en œuvre dans le cadre d'un acte international par l'intermédiaire de l'OMI et l'ajout de la question dans le Recueil international de règles sur les grains, l'International Maritime Solid Bulk Code (l'IMSBC) et dans la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, mieux connue sous le nom de SOLAS 1974. Ainsi, il ne s'agira pas d'une mesure unilatérale du Canada ou d'un seul État, mais d'un consensus sur le plan international.

Les détails de ma conclusion sur les faits, soit qu'il n'est pas sécuritaire de charger le grain par le trou de chargement de ciment, sont les suivants :

1) Il y a de nombreuses lacunes dans le rapport de Genesis Engineering Inc., ce qui est l'une des raisons pour lesquelles un examen par un tiers a été demandé par l'agent d'appel.

2) Il semble que l'examen par un tiers ne vient que donner un appui, sans les mesures de précaution réelles qui semblent manquer dans le rapport de Genesis. Par exemple :

a) La sonde n'était pas mise à la terre dans la coque du navire, surtout pendant le retrait et l'insertion. La sonde donne uniquement la concentration à l'ouverture et n'indique pas la valeur réelle dans la cale à marchandises.
b) Il n'y avait pas de mise à la terre sécuritaire et adéquate entre le tuyau de chargement et le navire.
c) Même si un câble de mise à la terre était utilisé entre le panneau d'écoutille et le tuyau de chargement, le lien ne se fera pas dans certaines conditions, par exemple lorsque le panneau d'écoutille flotte sur la garniture de caoutchouc.
d) Il est possible que la poussière céréalière s'accumule à l'intérieur de la cale sur les poutres et dans la face intérieure du panneau d'écoutille, et la poussière céréalière serait libérée au moment d'une première explosion, ce qui alimenterait une seconde explosion au potentiel catastrophique.
e) L'éclairage électrique et les câbles se trouvant dans la cale à marchandises ne sont pas mentionnés dans le rapport comme étant une source d'inflammation. C'est une précaution courante dans la marine d'isoler électriquement ces connexions électriques.
f) Les sources d'inflammation susmentionnées ne peuvent être totalement éliminées. Il demeure donc une source d'inflammation. Dans ce cas, les exigences du Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime d'une limite explosive inférieure (LEI) de 10 % doivent être respectées. De plus, des pièces métalliques chaudes peuvent se détacher et tomber dans le tuyau. Toutefois, Genesis Engineering affirme qu'il n'y avait [Traduction] « aucune source d'inflammation », affirmation avec laquelle nous sommes en désaccord.

3) Pendant le « refus d'effectuer le chargement » le 25 octobre 2010, les employés ont présenté diverses plaintes et questions au sujet du rapport de Genesis à propos de la sécurité, et les représentants de l'employeur présents (au moins 4 personnes) ont été incapables d'y répondre. Une des questions portait sur la façon dont la sonde exprime la quantité de poussière céréalière (gm/m3). De plus, il avait été mentionné que le contremaître ne recevait qu'une formation de cinq minutes. En réalité, un contremaître a mentionné aux agents de santé et de sécurité qu'il n'avait reçu aucune formation. Si le contremaître n'a reçu aucune formation, comment peut-il diriger son équipe de manière sécuritaire pour éviter les accidents et les explosions? Il faut noter aussi que l'équipage des navires ne possède aucune procédure et ne reçoit aucune formation, même si ses actions sont toutes aussi importantes pour la sécurité…

4) Le Syndicat (les employés) s'est plaint que la consultation exigée pour les procédures de sécurité n'avait pas été effectuée de façon satisfaisante. Les employés ont affirmé qu'ils avaient présenté des commentaires dans les réunions antérieures, mais que ces commentaires avaient été ignorés ou laissés de côté pendant les réunions suivantes.

5) Une des lettres de la BCMEA mentionne que la Grain Commission reconnaît que le chargement du grain par le trou de chargement de ciment est une procédure normale partout dans le monde, mais personne n'a produit de document faisant autorité et démontrant que le gouvernement d'un port étatique a approuvé un tel chargement. Par conséquent, ces allégations sont considérées comme anecdotiques. Il est primordial de noter que, partout dans le monde, les gouvernements fédéraux ne sont pas entraînés dans des litiges au sujet du chargement par le trou de chargement de ciment et qu'ils en acceptent les responsabilités. Et il est aussi intéressant de noter tout le sérieux dont a fait preuve le gouvernement des États-Unis dans les nombreuses audiences publiques et les recherches d'experts sur le sujet qui ont suivi.

6) Effectuer un chargement par le trou de chargement de ciment est comme effectuer un chargement dans un environnement clos et l'humidité externe a peu d'incidence sur un tel volume de chargement. Le rapport affirme que d'autres études indiquent que la LEI est de 20 à 55 gm/m3; pour plus de prudence, il vaut donc mieux se servir de la limite inférieure de 20 gm/m3.

7) L'arrêt rapide du chargement pourrait ne pas être possible. Par exemple, la personne qui s'occupe du chargement doit consulter le contremaître, qui doit téléphoner au terminal, qui peut avoir d'autres procédures à suivre avant de cesser ou de ralentir le chargement, ce qui prend un temps démesuré.

8) Selon le rapport de Genesis, des essais ont été effectués avec un pourcentage de poussière fine préétabli ou faible. Mais le chargement réel peut présenter un pourcentage de poussière fine différent, donc potentiellement plus élevé (c'est-à-dire qu'aucun test n'est effectué), ce qui peut augmenter le risque d'explosion. De plus, le terminal accumule de la poussière qui se retrouve réintroduite dans le tuyau, et cette poussière fait partie de la cargaison.

9) Une autre source d'inflammation pendant le chargement a été mentionnée par de nombreux observateurs. Lorsque le grain est dévié pour changer sa direction, on peut voir que la goulotte à cet endroit est alors incandescente.

10) Il semble que le rapport de Genesis n'a pas tenu compte des trois examens de RHDCC effectués par Evan Vandoros, M. Ing., ing. (joints au document déjà envoyé).

11) L'équipage du navire, qui constitue un élément de sécurité important, ne possède pas de procédure ni de formation. Une approche internationale uniformisée est donc nécessaire.

[28]             Le refus de travailler qui a mené à l'enquête de l'agent de SST Wong et aux instructions est survenu lorsque l'appelante DP World a demandé aux membres de la section locale 500 du Syndicat de charger le grain par le trou de chargement de ciment dans des conditions météorologiques défavorables sur le navire Edel Weiss. Cela représentait à ce moment la reprise de ce type de chargement depuis son interruption en 2007 après les instructions de l'agent D'Sa.

[29]             Les employés qui ont présenté le refus considéraient que ce type d'opération comportait un risque et s'inquiétaient du fait que, à leur avis, la sonde d'opacité ne leur donnait pas une lecture exacte du niveau de poussière et que contrairement à l'ancienne cabine de grue opérée par les travailleurs, le nouveau système de grue de chargement à distance du terminal ne donnait pas d'avertissement (grâce à une lumière) lorsque le système de dépoussiérage du terminal était désactivé.

[30]             Puisque l'employeur a convenu de déplacer le chargement vers une autre grue, réglant ainsi la question de la lumière d'avertissement, les refus et l'enquête de l'agent de SST ont alors porté sur les préoccupations au sujet de l'utilisation de la sonde d'opacité pour mesurer le niveau de poussière pendant la procédure de chargement. À ce moment, il semblerait que les préoccupations du syndicat intimé au sujet de l'utilisation de la sonde d'opacité étaient les suivantes :

  • l'employeur ne pouvait donner une valeur précise du niveau de poussière à tout moment à l'aide de la sonde d'opacité;
  • le Syndicat voulait que l'appelante utilise un instrument de lecture directe, plutôt qu'une sonde d'opacité, pour surveiller le niveau de poussière pendant le chargement du grain;
  • la sonde d'opacité ne donnait pas une lecture précise du niveau de poussière pendant le chargement du grain par le trou de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille du navire;
  • la consultation du comité local par l'appelante et la BCMEA était inadéquate et la section locale 500 du Syndicat n'avait pas approuvé les procédures de travail sécuritaire concernant l'utilisation de la sonde d'opacité.

[31]             De même, il semblerait que l'appelante et la BCMEA avaient donné à l'agent de SST Wong les réponses suivantes aux préoccupations soulevées par le syndicat intimé :

  • il n'existait aucun instrument de lecture directe pouvant fonctionner aux niveaux proposés par le syndicat intimé;
  • sur la base du rapport de Genesis obtenu conformément aux instructions précédentes de l'agent D'Sa, l'employeur appelant pouvait confirmer que, bien qu'une valeur précise ne pouvait pas être donnée à l'égard du niveau de poussière à un endroit précis de la sonde, la valeur n'était pas au-dessus de la limite explosive inférieure (LEI) et les procédures exigeaient l'interruption avant que ce niveau soit atteint pour qu'un facteur de sécurité adéquat soit maintenu;
  • l'utilisation de la sonde d'opacité avait déjà été considérée comme sécuritaire et approuvée par une « personne compétente » (Genesis) et l'agent de SST D’Sa de Transports Canada avait déjà affirmé que le rapport et les procédures rédigées en réponse satisfaisaient aux exigences des instructions antérieures de l'agent D'Sa, donc son utilisation ne constituait pas un danger immédiat et n'était pas assujettie à un autre examen de l'agent de SST Wong;
  • au moment du versement du grain dans cette affaire, la poussière était claire et le superviseur de l'équipe pouvait voir bien plus loin que la sonde d'opacité, jusqu'à la pile de grain dans la cale du navire, ce qui appuie l'affirmation qu'il n'existait pas alors de danger immédiat;
  • l'appelante et la BCMEA, au nom de l'appelante, avaient plus que satisfait à l'obligation de consulter le comité local en vertu de l'alinéa 125(1)z.06) du Code, comme cela avait été reconnu, du moins verbalement, par les représentants du Syndicat Paulo Branco et Michael Rondpre, et l'obligation de consulter de l'appelante n'exigeait pas, comme le suggérait l'agent de SST Wong, que les parties s'entendent sur toutes les questions ou tous les problèmes.

[32]             C'est en se fondant sur ces opinions des deux parties que l'agent de SST Wong en est venu à émettre ses instructions de danger en vertu du paragraphe 145(2) du Code à l'appelante DP World et aux deux employés ayant invoqué le refus de travailler.

[33]             Bien que l'élément suivant peut ne pas être directement lié au problème soulevé par ces instructions, il constitue, à mon avis, une partie importante des circonstances de la présente affaire pouvant avoir une incidence sur mon étude de l'affaire, puisqu'il est survenu après l'émission des instructions.

[34]             Puisque l'instruction de l'agent de SST Wong à l'appelante DP World affirmait que [Traduction] « [u]ne personne compétente doit évaluer les constatations du rapport de Genesis Engineering Inc. et répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain », bien qu'elle était en désaccord avec l'opinion de l'agent de SST Wong et qu'elle contestait les instructions en appel, l'appelante a tout de même eu recours aux services d'EHS Partnerships Ltd. (Glyn Jones) à titre de personne compétente pour examiner le rapport final de Genesis daté du 9 décembre 2009 et répondre aux préoccupations soulevées par la section locale 500 du Syndicat au sujet de l'utilisation de la sonde d'opacité visuelle. Cela a permis d'obtenir un rapport à l'intention de la BCMEA, daté du 1er novembre 2010, qui a été transmis à l'agent de SST D’Sa le même jour.

[35]             L'appelante n'a pas expliqué pourquoi elle, ou la BCMEA, a choisi de transmettre ce rapport à l'agent de SST D'Sa au lieu de l'agent de SST Wong, qui avait rédigé les instructions, mais on pourrait affirmer que toute personne ayant l'autorité d'un agent de santé et de sécurité peut faire l'affaire. Sans entrer dans les détails de cet examen, on peut mentionner qu'il conclut ce qui suit : [Traduction] « Compte tenu des résultats de l'examen, nous sommes d'avis que le travail a été réalisé en suivant des principes valables, de façon suffisamment détaillée, et que les résultats et ses constatations ne peuvent être réfutés. À notre avis, l'étude et les constatations sont valides. » Suit le 2 novembre 2010 un courriel de l'agent de SST D’Sa à l'intention de la BCMEA confirmant que les instructions émises en octobre 2010 à l'appelante par l'agent de SST Wong ont été respectées. Ce courriel, ainsi que le rapport d'EHS Partnerships, a été transmis à la section locale 500 du Syndicat le même jour.

Question(s) en litige

[36]             Les instructions faisant l'objet des présents appels ont été émises en vertu du paragraphe 145(2) du Code et sont appelées des instructions « de danger ». Cette disposition prévoit que, lorsqu'un agent de santé et de sécurité en vient à la conclusion, après une enquête, que les faits et circonstances d'une situation ou d'un événement tombent dans une des catégories énumérées dans ce paragraphe, soit l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche, constitue un danger pour un employé au travail, l’agent de santé et de sécurité en avertit l’employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de corriger la situation ou de modifier la tâche constituant un danger et de protéger les personnes contre ce danger.

[37]             Le sous-alinéa 145(2)a)(i) réfère à un risque, une situation ou une tâche comme éléments pouvant constituer un danger. Par conséquent, pour qu'une instruction en vertu du paragraphe 145(2) soit valide et maintenue en appel, l'agent d'appel qui examine le dossier doit d'abord conclure qu'un danger précis, correspondant à une forme décrite dans cette disposition du Code, existait effectivement au moment du refus de travailler d'un ou de plusieurs employés qui a éventuellement mené à une enquête d'un agent de santé et de sécurité et que cette enquête a mené à une ou plusieurs instructions.

[38]             Dans l'affaire qui nous occupe, comme il est mentionné précédemment, l'appelante DP World conteste les instructions pour deux raisons, présentées de façon subsidiaire. La première de ces raisons est que, au moment du refus de travailler des deux employés qui participaient à l'opération de chargement par le trou de chargement de ciment, il n'existait pas de danger justifiant les instructions, et la deuxième est que ces instructions de danger étaient fondées sur une conclusion fautive de l'agent de SST Wong que l'appelante avait manqué à son obligation de consulter le comité local au sujet de la mise en œuvre des procédures de travail sécuritaire pour le chargement par le trou de chargement de ciment qui avait fait l'objet du refus de travailler, bien que l'agent de SST n'avait pas mentionné d'infraction réelle au Code dans ces instructions.

[39]             Enfin, l'appelant à l'appel incident n'affirmait pas qu'il existait ou non un danger justifiant qu'une instruction soit émise, mais plutôt qu'en présence d'un danger, l'instruction émise est incomplète ou insuffisante et qu'elle doit être modifiée pour tenir compte de ce qu'il décrit comme les [Traduction] « préoccupations qui demeurent au sujet de la sonde d'opacité, des conditions dangereuses pendant le chargement par le trou de chargement de ciment et de la méthodologie du rapport de Genesis », et en outre que l'employeur doit être tenu de faire examiner le rapport de Genesis par une nouvelle tierce partie qualifiée compte tenu de ces préoccupations, avec des essais à différents niveaux d'humidité et vitesses de versement, et qu'il devrait lui être interdit de procéder à de tels chargements, sauf pour les essais, jusqu'à ce qu'il se soit conformé à une telle instruction.

[40]             Compte tenu de ce qui précède, du fait que les instructions ont été émises en vertu du paragraphe 145(2) du Code et du fait que ces instructions et le rapport d'enquête de l'agent de SST Wong ne mentionnent pas une infraction à une ou plusieurs dispositions du Code ou de ses règlements, il est clair que la question centrale qui sous-tend les motifs soulevés par les parties est de savoir si, au moment des refus de travailler qui ont mené aux instructions de l'agent de SST Wong, il existait ou non un danger justifiant l'émission de ces instructions. Voilà la question que je dois d'abord examiner, en tenant compte de la formulation réelle de ces instructions. Si je conclus qu'il existait vraiment un danger à ce moment, il peut alors être nécessaire d'évaluer les autres questions soulevées par chacune des parties.

Observations des parties

[41]             Comme il a déjà été mentionné, les présents appels sont décidés en fonction des observations écrites fournies par l'appelante et l'appelant à l'appel incident. Les parties ont toutes deux rédigé ces observations en traitant séparément de chacune des questions mentionnées dans le paragraphe précédent. Elles l'ont fait en formulant des observations principales à l'appui de leur position et des observations à titre de réplique aux arguments présentés par l'autre partie. Celles-ci ont été suivies, dans le cas du Syndicat, par une brève réponse à la réplique visant certains arguments présentés par l'appelante DP World en guise de réplique aux arguments principaux présentés par le Syndicat, et l'appelante DP World a répondu à son tour en partie à certains éléments de la réponse à la réplique par le Syndicat. Les observations suivantes sont celles de l'une ou l'autre des parties, sous quelque forme que ce soit, qui traitent de la question principale de l'existence du danger.

A) Observations de l'appelante DP World au sujet du « danger ».

[42]             DP World soumet que le chargement du grain par le trou de chargement de ciment ne constituait pas un « danger » ou, pour reprendre sa formulation, qu'au moment des refus de travailler et de l'enquête de l'agent de SST Wong, il n'existait pas une situation à risque qui constituait un danger justifiant que des instructions de danger soient émises en vertu des alinéas 145(2)a) et b).

[43]             Soulignant que les premiers mots du paragraphe 145(2) du Code prévoient qu'une instruction soit émise « [si l'agent de santé et de sécurité] estime que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail », l'appelante renvoie à la définition du mot « danger » à l'article 122 du Code, où la formulation parle de « Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade [...], avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. »

[44]             Pour avoir une bonne idée de ce que signifie cette formulation, l'appelante est d'avis qu'il faut consulter le document intitulé Interprétations, politiques, et guides (les IPG) publié par RHDCC, qui administre le Code par l'intermédiaire du Programme du travail et par l'entremise des agents de santé et de sécurité nommés en vertu de la législation, puisque ce document présente des lignes directrices pour faciliter l'interprétation et l'application de la définition de « danger » en vertu de la partie II du Code. Ainsi, quant à la définition de « danger », RHDCC décrit dans cet IPG (905-1-IPG-062) les caractéristiques du « danger » en termes de « Ce dont il s'agit » et « Ce dont il ne s'agit pas » :

Ce dont il s'agit :

  • Le danger correspond à une situation, réelle ou potentielle, qui exige que l'employé soit immédiatement protégé contre une situation, une tâche ou un risque pour prévenir une blessure ou une maladie probable.

Ce dont il ne s'agit pas :

  • Il ne faut pas forcément associer un danger à une situation qui présente une possibilité quelconque de blessure ou de maladie ni à une situation où il existe des mesures efficaces pour atténuer la possibilité de blessure ou de maladie.
  • Une maladie ou une blessure minimale ou insignifiante ne constitue pas un danger.
  • Des situations fictives ou fondées sur des spéculations ne constituent pas un danger.

[45]             L'appelante s'est aussi référée aux mêmes IPG où les mots « risque ou situation éventuels » et « activité future » sont décrits comme signifiant que « ces circonstances doivent être susceptibles (et non pas qu'une simple possibilité) de se produire à l'avenir. Pour déterminer si c'est le cas, il faut tenir compte des circonstances antérieures et présentes. Cela exclut les situations fictives ou fondées sur des spéculations. Il ne faut pas forcément que le risque ou la condition se répète et peut être établi comme une occurrence ponctuelle ».

[46]             Compte tenu de cela, l'appelante soutient que la conclusion de l'agent de SST Wong selon laquelle il existait un danger dans la situation qui nous occupe ne répond pas à la définition de « danger » dans le Code et dans les IPG, où RHDCC donne des indications aux agents de santé et de sécurité, entre autres, qui exercent leurs activités en vertu de la législation. DP World maintient que la seule référence possible à un danger allégué dans les instructions de 2010 de l'agent de SST Wong, de la façon dont elles sont formulées, serait la mention des [Traduction] « préoccupations de la section locale 500 du Syndicat portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain » et que l'agent de SST Wong ne décrivait pas la présence d'un danger réel ou potentiel exigeant la protection immédiate des employés.

[47]             L'appelante a ajouté que, selon les souvenirs du responsable de la formation de la BCMEA (Donovan Hides) au sujet des discussions des parties pendant l'enquête de l'agent Wong, au moment du versement du grain qui a donné lieu aux refus, la poussière dans la cale était claire et le superviseur de l'opération pouvait voir bien plus loin que la sonde d'opacité, jusqu'à la pile de grain dans la cale, ce qui appuierait la conclusion d'absence de danger à ce moment.

[48]             De surcroît, l'appelante soutient que les procédures de travail sécuritaire en place visant l'utilisation de la sonde d'opacité exigeaient que l'opération de chargement soit interrompue avant que le niveau de poussière atteigne la limite explosive inférieure (LEI) afin de veiller au maintien d'un facteur de sécurité adéquat.

[49]             DP World en conclut donc que l'affirmation, par l'agent de SST Wong, qu'il existait un danger n'était pas appuyée par des preuves objectives et était simplement fondée sur les préoccupations hypothétiques et spéculatives du Syndicat intimé au sujet de l'utilisation de la sonde d'opacité.

[50]             D'après l'appelante, le fait est, et était à l'époque, que l'utilisation de la sonde d'opacité visuelle pour le chargement du grain avait été complètement décrite dans le rapport final de Genesis et dans les procédures de travail sécuritaire approuvées par Genesis, et que ces deux documents avaient déjà été acceptés par un autre agent de santé et de sécurité, l'agent de SST D'Sa, qui avait envoyé une lettre de conformité en janvier 2010 au sujet des instructions qu'il avait émises en 2007. L'appelante affirme donc que, puisque l'utilisation de la sonde d'opacité pour le chargement du grain avait déjà été approuvée par l'agent de SST D'Sa et le BMTC, il serait manifestement déraisonnable de suggérer que la simple utilisation de la sonde d'opacité constitue « un danger pour un employé au travail » au point de justifier les instructions émises en 2010 par un autre agent de SST en vertu du paragraphe 145(2) du Code.

B) Observations de l'intimé, la section locale 500 du Syndicat, au sujet du « danger ».

[51]             L'intimé affirme qu'il continue de fonder ses observations sur les points qu'il avait déjà formulés et qui ont été intégrés dans le contexte factuel mentionné précédemment. Toutefois, il a aussi indiqué qu'il fondait ses observations sur les faits supplémentaires suivants au sujet de la poussière céréalière.

[52]             D'abord, l'intimé répète ce qui avait déjà été affirmé par d'autres sources et qui n'est pas remis en question, soit que la poussière céréalière est explosive et que des explosions de poussière céréalières sont déjà survenues dans des élévateurs à grain, notamment dans le port de Vancouver en 1974. Ainsi, quatre éléments de base doivent être présents pour causer une explosion : le carburant, l'oxygène, le confinement et une source d'inflammation.

[53]             Parmi ces quatre éléments, l'intimé a soutenu que la cale d'un navire dont l'écoutille est fermée, mis à part deux petits trous de la taille d'un trou d'homme (un pour le chargement et un pour évacuer la poussière céréalière) répond aux exigences de confinement et de source d'oxygène.

[54]             Pour ce qui est du carburant, il s'agit dans ce cas-ci de la poussière céréalière, qui devient combustible lorsque la quantité en suspension dans l'air est égale ou supérieure à la concentration explosive minimale (la « CEM », aussi appelée ailleurs dans la présente décision et dans les documents la limite explosive inférieure ou « LEI »). Le Syndicat intimé affirme que, bien que la CEM de la poussière céréalière varie selon le produit, elle doit être en moyenne de 50 à 100 g/m3 et que, en général, plus les particules de poussière céréalière sont petites, plus la poussière est explosive. Par conséquent, différents types de grain produisent des particules de différentes tailles et une quantité différente de poussière par poids, et présentent donc des risques d'explosion différents. Les cargaisons de grain courantes dans le port de Vancouver sont le blé, l'orge, le canola, les pois et le lin.

[55]             Enfin, au sujet de l'embauche de la société Genesis Engineering par la BCMEA pour faire des essais sur le chargement par le trou de chargement de ciment, le Syndicat intimé note qu'il est indiqué dans son rapport que les impuretés, soit les déchets retirés du grain pendant le nettoyage et que les élévateurs peuvent rajouter dans une certaine mesure au produit chargé, peuvent hausser le niveau de poussière à un niveau dangereux lorsque les impuretés rajoutées au produit avant le chargement sont excessivement poussiéreuses.

[56]             Bien que la plupart des sources d'inflammation de la poussière ont été mentionnées dans les différents documents qui font partie du dossier, l'intimé en énumère quelques-unes :

  • les flammes et la chaleur directe
  • l'échauffement spontané et l'inflammation spontanée
  • le travail à chaud, soit la chaleur générée par la soudure ou la coupe
  • les matières incandescentes, soit les particules de feu couvant
  • les surfaces chaudes, comme les tuyaux de vapeur et les lampes électriques
  • les étincelles électrostatiques
  • les étincelles électriques
  • les étincelles de frictions et les points chauds
  • les étincelles d'impact
  • l'électricité statique
  • la foudre et les ondes de choc

[57]             L'intimé reconnaît que le Code accorde aux agents d'appel des pouvoirs importants pour réviser les instructions des agents de santé et de sécurité, qu'en vertu de la législation un agent d'appel peut enquêter sur les circonstances et les raisons de l'instruction qu'il examine et que cet examen est un processus de novo.

[58]             Parallèlement, le Syndicat décrit l'enquête que doit mener un agent de santé et de sécurité qui enquête sur un refus de travailler comme étant une enquête sur les faits dans le but d'établir, en fonction des faits et circonstances particulières que l'agent de SST recueille au cours de son enquête, s'il existe un danger à ce moment ou, si le danger est éventuel, qu'il ne s'agit pas de situations fictives ou fondées sur des spéculations, selon la définition de « danger » dans le Code.

[59]             Ainsi, le Syndicat décrit la position de l'employeur dans le présent appel comme étant fondée sur l'affirmation que le rapport de Genesis préparé à la demande de la BCMEA constitue une conclusion définitive et inattaquable que le chargement du grain par les trous de chargement de ciment ne constitue pas un danger dans la mesure où les procédures de la BCMEA adoptées à la suite de ces rapports sont suivies, ce qui signifie que, puisque ces procédures et rapports ont été approuvés par Transports Canada (à la suite des constats de conformité par l'agent de SST D’Sa en ce qui a trait aux deux instructions de 2007 et de 2010), ils ne peuvent être remis en question. Toutefois, le Syndicat est d'avis que la résolution des instructions de 2007 (par la reconnaissance de la conformité par l'agent de SST D'Sa en janvier 2010) ne concluait pas la question de la sécurité de ce type d'opération de chargement du grain en tout temps et dans toutes les circonstances.

[60]             En fait, l'intimé souligne à ce sujet que, bien que les instructions de 2007 et de 2010, la dernière ayant été émise par l'agent de SST Wong, aient été jugées par l'agent de SST D'Sa comme ayant été respectées, d'autres personnes au sein de Transports Canada, y compris l'agent de SST Wong, demeuraient préoccupées au sujet de la sécurité de ce type de chargement.

[61]             Puisqu'il n'est pas nécessaire que le danger allégué soit immédiat et qu'il peut être éventuel, l'intimé considère que l'argument de l'appelante au sujet du niveau de poussière au moment où l'agent de SST Wong a émis l'instruction ne met pas fin au débat. En réalité, sur la question du danger éventuel, le Syndicat intimé offre un certain nombre d'exemples de situations dangereuses passées au cours de ce type de chargement appuyant l'affirmation que la décision de l'existence d'un danger à un moment précis doit être prise au cas par cas en tenant compte de facteurs comme le terminal, le navire, l'équipement de chargement, la vitesse de chargement, les conditions météorologiques, le type de grain chargé, etc.

[62]             L'un de ces facteurs est le « risque d'inflammation ». L'intimé a cité de nombreux exemples ou incidents qui ont été portés à son attention par ses membres. Dans un cas du milieu des années 1980, un membre a vu du grain en combustion lente et de la fumée dans la cale d'un navire sans source d'inflammation connue. Les pompiers avaient dû intervenir. Selon d'autres membres, le « coude » à la fin du tuyau pour le chargement par le trou de chargement de ciment devient extrêmement chaud, au point de devenir incandescent ou de produire de la vapeur lorsque la pluie tombe sur le tuyau, en raison de la friction créée par la vitesse élevée de versement et le changement de direction lorsque le produit passe par le coude.

[63]             D'autres membres ont noté la possibilité que des étincelles soient causées par les contacts occasionnels entre la tête du tuyau et le couvercle du trou de chargement de ciment. Bien que les procédures de la BCMEA mentionnent que le trou doit être garni de caoutchouc pour réduire le risque d'étincelle, cela ne peut apparemment prévenir tout contact puisque les marées et les vagues peuvent faire bouger le navire. Selon d'autres membres du Syndicat, un autre risque d'étincelle peut être associé aux pièces de métal accidentellement échappées dans le tuyau à partir de l'élévateur de grain, qui peuvent entrer en contact avec le métal déjà chaud au bas du coude.

[64]             Un autre risque ou ensemble de risques soulevé par l'intimé a trait aux conditions de travail sur le panneau d'écoutille. Au cours du chargement par le trou de chargement de ciment, la conjugaison de l'eau de pluie et de la poussière ou du produit sur le panneau d'écoutille peut rendre les conditions difficiles. Pour appuyer cette affirmation, l'intimé a cité l'exemple d'un de ses membres qui, en 1996, a glissé sur le produit mouillé se trouvant sur le panneau d'écoutille, est tombé dans la cale du navire et a subi de graves blessures.

[65]             Dans le même ordre d'idées, le Syndicat considère que le processus d'insertion de la sonde d'opacité dans le trou de chargement de ciment peut créer le même risque, particulièrement si le couvercle en treillis sur le trou n'est pas bien ajusté pour éviter les mouvements, ce qui pourrait causer la chute de la personne qui manipule la sonde d'opacité. D'après l'intimé, il semblerait que certains membres ont mentionné qu'aucun équipement antichute n'est fourni pendant le chargement par le trou de chargement de ciment malgré le fait que certains panneaux ont une hauteur de 8 à 9 pieds et que la surface du panneau d'écoutille peut être glissante en raison de l'eau qui s'accumule et du produit échappé, ce qui cause un risque de chute.

[66]             Le Syndicat intimé note également que l'inhalation de poussière céréalière constitue un risque de sécurité supplémentaire pendant le chargement par le trou de chargement de ciment et particulièrement dans le cadre de l'utilisation de la sonde d'opacité, puisque l'employé qui la manipule doit placer sa tête directement au-dessus du trou de chargement utilisé pour la ventilation pour lire la sonde d'opacité, et que la poussière qui remonte par le trou de ventilation se retrouve directement dans le visage du débardeur qui lit la sonde.

[67]             Cette poussière peut à l'occasion être si épaisse qu'il ne peut lire le chiffre 4 (qui est le plus près du débardeur et qui indique la concentration de poussière la plus élevée) sur la sonde. La poussière céréalière peut présenter en elle-même un risque pour la santé des travailleurs qui y sont exposés et le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime (le SSTMM) prévoit que la concentration dans l'air de poussière céréalière à laquelle les travailleurs sont exposés ne peut dépasser 10 mg/m3.

[68]             L'intimé note que les rapports de Genesis suivent un modèle de concentration plus faible dans la cale du navire, soit 25 % d'une LEI de 50 g/m3, ce qui est bien au-delà de la limite d'exposition prescrite par le SSTMM. Ces préoccupations ont été soulevées par la BCMEA en octobre 2010 et, bien qu'il ait été indiqué que des procédures seraient élaborées au sujet de l'exposition à la poussière céréalière pendant la lecture de la sonde d'opacité, il semble que rien n'ait été fait. Le Syndicat reconnaît toutefois que des masques peuvent être utilisés pendant l'opération de chargement du grain.

[69]             Comme il a déjà été mentionné, les instructions faisant l'objet de l'appel ont été émises en vertu du paragraphe 145(2) du Code, en principe en raison de la présence ou de l'existence d'un « danger » au moment des refus de travailler. En se référant au texte de ces instructions, l'appelante a commenté que la seule référence possible à un danger était la mention, par l'agent de SST Wong, des [Traduction] « préoccupations de la section locale 500 du Syndicat portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain ».

[70]             Dans ses observations sur le « danger », le Syndicat intimé mentionne que [Traduction] « les diverses préoccupations au sujet de la sonde d'opacité étaient les premières motivations des refus de travailler qui ont mené aux instructions de 2010 » et il a présenté les observations suivantes à ce sujet. Tout d'abord, en ce qui concerne la soi-disant sonde d'opacité visuelle, l'intimé a affirmé qu'un instrument plus précis devrait être utilisé, contrairement à la position adoptée par la BCMEA et l'appelante voulant qu'il n'existe pas de tel instrument à un prix abordable. Le Syndicat a mentionné l'instrument utilisé par Genesis Engineering pour ses essais (le Rader Hi-Volume Dust Sampler).

[71]             L'intimé a aussi mentionné une technologie existante qui se sert de lasers ou de faisceaux lumineux ainsi que de réflecteurs et qui est utilisée pour mesurer le pourcentage d'opacité des aérosols de fumée et il s'est dit d'avis que l'appelante et la BCMEA n'avaient pas suffisamment vérifié si cet équipement pouvait être utilisé (en y apportant des modifications, si nécessaire) pour mesurer l'opacité de la poussière céréalière. L'intimé est plutôt d'avis que la BCMEA et l'appelante avaient décidé d'utiliser la sonde d'opacité, à moindre coût, que le Syndicat jugeait imprécise et qui augmentait l'exposition des employés à la poussière céréalière.

[72]             De même, le Syndicat fait valoir que même si Genesis Engineering avait recommandé d'utiliser un brumisateur et de l'eau pour réduire la poussière, le Syndicat est encore une fois d'avis que cette option ne semble pas avoir été évaluée par l'appelante, malgré le fait que cela pourrait vraisemblablement être économique et facile à mettre en œuvre.

[73]             L'intimé porte une grande attention au fait que les conclusions et les recommandations du rapport de Genesis qui ont été mises en œuvre par l'appelante s'appuient sur l'hypothèse qu'un niveau inférieur à 25 % de la limite explosive inférieure (LEI) est sécuritaire pour le chargement et qu'une LEI de poussière céréalière de 50 g/m3 est la norme dans la documentation sur le sujet.

[74]             Toutefois, l'intimé souligne le désaccord apparent exprimé par l'ingénieur en sécurité industrielle du Programme du travail de RHDCC (Evan Vandoros), soit qu'une telle LEI fait partie d'une fourchette de valeurs signalées par la documentation, qui varie entre 20 et 55 g/m3, et le fait qu'en vertu du SSTMM (au paragraphe 255(6)), au sujet de l'inflammation d'une concentration d'un agent chimique dans l'air ou d'une combinaison d’agents chimiques dans l’air dans un lieu de travail, cette concentration ne peut excéder 10 % de la LEI de l’agent chimique ou de la combinaison d’agents chimiques. L'intimé est donc d'avis que, bien qu'une LEI d'une concentration de 50 g/m3 soit mentionnée dans la documentation pour la poussière céréalière, cette limite est trop élevée compte tenu des autres valeurs mentionnées et que, même si la norme de l'industrie mentionne que 25 % d'une LEI est sécuritaire pour le chargement, il ne s'agit pas de la norme en vertu de la réglementation sur la santé et la sécurité à laquelle l'employeur doit se conformer.

[75]             Le Syndicat intimé affirme donc que, bien que la norme de 25 % de la LEI constitue la base du modèle de Genesis Engineering et des procédures de chargement élaborées par la BCMEA, ce plafond n'est pas adéquat pour assurer la sécurité conformément au SSTMM et ne respecte pas les limites d'inhalation. Même si l'intimé reconnaît que Genesis Engineering a indiqué dans une lettre qu'elle avait tenu compte des préoccupations formulées par les ingénieurs du Programme du travail à ce sujet, il fait valoir que Genesis n'a donné aucune explication pour justifier l'utilisation d'un plafond de 25 % de la LEI étant donné les dispositions du SSTMM, et que la BCMEA se trompe en affirmant que cette réglementation n'exige pas un niveau inférieur à 10 % de la LEI puisqu'il n'y a pas de source d'inflammation pendant le chargement grâce aux diverses mesures prises.

[76]             L'intimé adopte un point de vue différent, compte tenu des diverses sources d'inflammation décrites par ses membres ou mentionnées dans la documentation pertinente ou par les ingénieurs de RHDCC. De plus, il affirme que la vitesse de chargement pendant les essais de Genesis variait entre 70 et 200 tonnes par heure, sauf une exception à 500 tonnes, alors qu'il y a eu des chargements atteignant 1 000 tonnes/heure; donc, puisque Genesis a reconnu que la poussière augmenterait proportionnellement à la vitesse de chargement, cela pouvait être préoccupant, puisque les conditions des essais n'étaient pas les mêmes que les conditions habituelles.

[77]             En outre, l'intimé n'est pas satisfait de la déclaration de Genesis que le risque d'étincelles causées par l'électricité statique soulevé par les ingénieurs de RHDCC serait réduit en raison des conditions très humides causées par le temps pluvieux pendant le chargement par le trou de chargement de ciment. D'après ce qu'en comprend le Syndicat, la surveillance du niveau d'humidité ne faisait pas partie de la méthodologie des essais de Genesis. De plus, l'intimé affirme n'avoir reçu aucune explication satisfaisante au sujet de la déclaration de Genesis qu'une vérification de la sonde d'opacité toutes les 15 à 30 minutes serait satisfaisante alors qu'il lui a été affirmé que la sonde était vérifiée toutes les 5 minutes pendant les essais.

[78]             Enfin, au sujet de l'ajout d'impuretés au grain chargé, qui pourrait causer des niveaux de poussière dangereux pendant le chargement si ces impuretés s'avèrent excessivement poussiéreuses, l'intimé a souligné le fait que la quantité d'impuretés rajoutées à tout moment dépend de l'opérateur de l'élévateur et peut varier sans avertissement. Cela pourrait vouloir dire qu'un tel ajout pourrait survenir rapidement pendant l'opération de chargement, par exemple pendant le dernier quart du chargement, ce qui entraîne un risque d'augmentation du niveau de poussière à tout moment.

[79]             Comme il est mentionné au paragraphe 11 de la présente décision, en plus de sa reconnaissance en janvier 2010 de la conformité à ses propres instructions de 2007, l'agent de SST D'Sa a aussi confirmé le 2 novembre 2010 que l'appelante s'était conformée aux instructions émises par l'agent de SST Wong en octobre 2010 et qui font l'objet d'un examen dans le présent appel. Le Syndicat intimé s'oppose à cette conclusion parce qu'il est d'avis que l'« autorité compétente » (EHS Partnerships Ltd.) embauchée par l'appelante, à la demande de l'agent de SST Wong, pour examiner les rapports de Genesis n'a examiné que sommairement les conclusions de Genesis et n'a pas traité des préoccupations du Syndicat au sujet de la sonde d'opacité puisqu'il n'est pas clair, de l'avis de l'intimé, que des préoccupations particulières ont été présentées à EHS afin que les ingénieurs s'occupant de l'examen s'y attardent.

[80]             L'intimé ajoute que les rapports de Genesis, effectués conformément aux instructions de l'agent de SST D'Sa mais avant les instructions émises par l'agent de SST Wong en octobre 2010, traitaient légèrement de la sonde d'opacité, mais étaient complétés par un autre rapport sur l'utilisation de la sonde d'opacité demandé par l'appelante à la suite des instructions de l'agent de SST Wong, et ont été évalués avec les autres documents de Genesis le 1er novembre 2010. L'intimé affirme que ce dernier rapport de Genesis ne faisait pas partie des consultations avec la section locale 500 du Syndicat.

C) Réponse de l'appelante DP World aux observations de la section locale 500 du Syndicat au sujet du « danger ».

[81]             En plus de ses observations initiales relativement brèves pour appuyer sa position initiale, l'appelante a déposé un long document qu'elle appelle une réponse finale aux observations du Syndicat au nom de l'employeur. Ce document fait partie du dossier, comme les autres observations de l'intimé et de l'appelante, et il n'est pas nécessaire de le reproduire intégralement aux présentes. Cela était dit, ces observations en réponse portent sur ce qui suit.

[82]             Tout comme l'intimé, l'appelante reconnaît qu'un appel devant un agent d'appel est une procédure de novo et que l'agent d'appel dispose de grands pouvoirs en vertu du Code, notamment tous les pouvoirs d'un agent de santé et de sécurité, le pouvoir de modifier, d'annuler ou de confirmer les instructions d'un agent de SST ainsi que le pouvoir d’émettre les instructions qu'il juge pertinentes.

[83]             L'appelante reconnaît de plus que, lorsqu'il même une enquête sur les circonstances d'une instruction émise par un agent de santé et de sécurité, dans ce cas-ci une instruction émise en vertu du paragraphe 145(2) du Code à la suite d'un refus de travailler, l'agent d'appel a le pouvoir de tenir compte de la preuve au sujet de situations dangereuses signalées par les employés pour appuyer leur refus de travailler que l'agent de santé et de sécurité n'a pas mentionnée ou dont il n'a pas tenu compte.

[84]             Malgré ce qui précède, l'appelante soumet que mon étude de la présente affaire devait strictement porter sur ce qui a été décrit par l'intimé comme la [Traduction] « motivation principale » du refus de travailler des employés qui a mené à l'instruction faisant l'objet de l'examen, soit les [Traduction] « diverses préoccupations au sujet de la sonde d'opacité ». À ce sujet, l'appelante a d'abord commenté que mon étude de ces appels ne peut ignorer le contexte historique pertinent, particulièrement le fait que les préoccupations au sujet du chargement du grain par les trous de chargements de ciment constituaient la motivation des premiers refus de travailler des employés en 2007, qui ont mené à l'enquête et aux instructions ultérieures de 2007 par l'agent de SST D'Sa, ainsi qu'à la lettre de conformité de ce dernier en janvier 2010 visant les instructions de 2007, quelques mois seulement avant les refus de travailler visant les mêmes opérations de chargement du grain qui ont mené aux présents appels.

[85]             L'appelante fait valoir en ce sens que, pour établir s'il existait un danger au moment des refus de travailler, et donc décider s'il faut modifier, annuler ou confirmer la décision, je devrais éviter de faire un vaste examen de l'ancienne décision ou instruction d'un agent de SST touchant les mêmes parties que dans l'affaire qui nous occupe, et l'étude des circonstances sous-jacentes essentiellement identiques que celles du présent appel, qui ne faisaient pas l'objet d'un appel par ces mêmes parties à ce moment. Bref, ce scénario est exactement ce que le Syndicat intimé demande à cet agent d'appel de faire dans le cadre des présents appels au sujet des instructions antérieures de 2007 de l'agent de SST D'Sa et de la détermination ultérieure de conformité par ce dernier.

[86]             L'appelante soumet en outre que, bien que le Syndicat intimé a reconnu que la motivation principale des refus de travailler des employés en octobre 2010 était les diverses préoccupations du Syndicat au sujet de la sonde d'opacité, les préoccupations au sujet du système d'avertissement défaillant sur la grue de l'employeur soulevées par les employés ayant invoqué le droit de refus ne peuvent être évaluées puisque la preuve démontre hors de tout doute que les préoccupations des employés à ce sujet ont été résolues par l'employeur avant que l'agent de SST Wong se présente sur le lieu de travail et qu'elles ne faisaient pas fait partie de son enquête ni de ses instructions.

[87]             En outre, l'appelante ajoute que, au moment des refus, comme s'en souvenaient les représentants de l'employeur qui ont enquêté sur l'affaire, les employés ayant invoqué le droit de refus ont soulevé diverses autres préoccupations au sujet de cette opération de chargement, mais que ces préoccupations n'ont pas été reprises par les représentants des employés lorsqu'elles ont été contestées par les représentants de l'employeur au cours de l'enquête, ce qui a fait en sorte que l'agent de SST Wong n'en a pas tenu compte lorsqu'il a émis ses instructions.

[88]             En ce qui a trait au fait que je tienne compte des circonstances et des faits qui existaient au moment des refus, l'appelante note que les observations du Syndicat décrivent une preuve anecdotique de préoccupations rétrospectives ou éventuelles pour appuyer son affirmation que le chargement du grain par les trous de chargement de ciment constitue un danger ou un danger éventuel aux fins du Code.

[89]             Cette preuve anecdotique se compose de preuves de risques, pour reprendre les mots de l'avocat, prétendument associés au chargement du grain par les trous de chargement de ciment, y compris les risques d'inflammation, les conditions de travail dangereuses sur les panneaux d'écoutille, les risques associés à l'inhalation de la poussière céréalière et les risques associés à l'utilisation de la sonde d'opacité.

[90]             L'appelante est d'avis que cette preuve anecdotique est généralement hypothétique et spéculative, n'a joué aucun rôle important dans les circonstances ayant mené aux refus de travailler d'octobre 2010 et ne devrait pas faire l'objet de mon examen pour décider des présents appels. De plus, l'appelante soumet que la preuve présentée par le Syndicat intimé n'appuie pas la conclusion qu'il y avait un danger existant ou éventuel pour les employés, au sens du Code, au moment des refus de travailler permettant de justifier les instructions de l'agent de SST Wong en vertu du paragraphe 145(2) de la législation.

[91]             Lorsqu'elle fait valoir qu'il n'y avait pas de danger pour les employés au moment où l'agent de SST a donné ses instructions en octobre 2010, l'appelante soutient que, pour évaluer s'il existait un danger au moment des refus de travailler, il est important de reconnaître que ce ne sont pas tous les risques existants ou éventuels qui constituent un « danger » au sens du Code, et qu'une preuve de situations hypothétiques ou spéculatives ne suffit pas pour appuyer la constatation qu'il existe un « danger ».

[92]             Notant que la définition de « danger » signifie que le risque, la situation ou la tâche peut être existant ou éventuel, l'appelante souligne toutefois que dans l'affaire Juan Verville et Service correctionnel du Canada, établissement de KentFootnote 1 (Verville), la juge Gauthier de la Cour fédérale a trouvé que, pour en arriver à un constat de danger, il faut établir dans quelles circonstances on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que le risque, la situation ou la tâche éventuel cause une blessure ou une maladie à une personne et établir s'il y a une possibilité raisonnable que ces circonstances se produisent à l'avenir, plutôt qu'une simple possibilité.

[93]             En ce sens, l'appelante considère que les mots employés récemment par le juge Rothstein de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Douglas Martin et Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général)Footnote 2 renforcent la notion voulant que la survenance future des circonstances soit évaluée en fonction d'une « possibilité raisonnable », où il indique qu'il convient qu'une conclusion de danger :

[…] ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses. Mais lorsqu'on cherche à déterminer si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque éventuel ou une activité future cause des blessures avant que le risque puisse être écarté ou que la situation soit corrigée, on traite nécessairement de l'avenir. Les tribunaux administratifs sont régulièrement appelés à interpréter le passé et le présent pour tirer des conclusions sur ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. Leur rôle en pareil cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produise plus tard.

[94]             Cela étant dit, l'appelante soutient que la jurisprudence établit que la définition de « danger » dans le Code exige tout de même un certain élément d'imminence, puisque la blessure ou la maladie doit survenir avant que le risque, l'activité ou la tâche puisse être corrigé ou modifié, mais cela ne signifie pas qu'une blessure ou la maladie arrive chaque fois que le risque, la situation ou la tâche survient, bien qu'il doive être susceptible de causer une telle blessure ou maladie à tout moment, ce qui accentue la possibilité de blessure ou de maladie plutôt que sa certitude, et qu'il demeure nécessaire d'établir les circonstances dans lesquelles l'élément « imminent » de la définition entrera en vigueur, bien qu'il ne soit pas nécessaire d'établir le moment précis où le danger survient ni s'il survient à chaque fois.

[95]             Pour l'appelante, en raison de l'interprétation qui a été donnée au critère de « danger » mentionné précédemment, le concept de « danger » doit être distingué de celui de « risque » et le simple fait qu'une situation présente un degré quelconque de risque ne constitue pas un danger lorsque l'employeur a pris des mesures qui éliminent ou contrôlent les risques ou protègent chaque employé de façon efficace. Autrement dit, l'appelante est d'avis que, dans les cas où il y a un risque, mais que l'employeur a pris des mesures raisonnablement pratiques pour éliminer ou contrôler les risques, ou protéger chaque travailleur contre les risques, la simple présence du risque sous-jacent (ce qui serait décrit par d'autres comme des conditions normales d'emploi) ne constitue pas un danger au sens du Code.

[96]             Après avoir longuement formulé ce qu'elle considère être le critère applicable, les observations de l'appelante portent sur l'application du critère visant le « danger » à l'affaire qui nous occupe par le biais d'un certain nombre de sujets, soit l'importance du rapport de Genesis et de la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa, l'argument voulant que les allégations de danger après le refus de travailler de l'intimé ne devraient pas être prises en compte dans les circonstances des présents appels, et finalement les questions liées au rapport de Genesis et à l'utilisation de la sonde d'opacité telles qu'elles ont été énoncées dans les observations de l'intimé.

[97]             À propos du premier sujet, l'importance du rapport de Genesis et de la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa, l'appelante souligne que, contrairement aux allégations du Syndicat intimé, elle n'affirme pas que le rapport de Genesis constitue une conclusion définitive et inattaquable, pour toujours et dans toutes les circonstances, que le chargement du grain par le trou de chargement de ciment ne constitue pas un danger si les procédures de travail sécuritaire de l'employeur sont suivies. En fait, l'appelante convient, en principe, que le rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire de l'employeur ne mettent pas définitivement fin à la question de la sécurité du chargement par le trou de chargement de ciment.

[98]             Évidemment, si des conditions différentes existent ou sont introduites dans le processus de chargement pouvant créer un risque qui n'est pas mentionné dans le rapport de Genesis ou dans les procédures de travail sécuritaire de l'employeur et constituer un danger pour les employés, un agent de santé et de sécurité pourrait établir s'il existe un danger, au sens du Code. Toutefois, cela devrait être fait en fonction des faits et des circonstances existant à ce moment.

[99]             Si les employés fondent un nouveau refus de travailler sur les mêmes risques évalués et traités dans le rapport de Genesis et dans les procédures de travail sécuritaire de l'employeur qui sont à la base de la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa en janvier 2010, visant l'instruction de 2007 de ce dernier, l'existence de ces risques ne devrait pas justifier une nouvelle conclusion de « danger » pour les employés. L'employeur reconnaît que, lorsque l'agent de SST D'Sa a confirmé la conformité à son instruction, il n'a pas approuvé officiellement un processus particulier de chargement du grain par les trous de chargement de ciment.

[100]             Toutefois, l'appelante soumet que l'effet ou la conséquence de la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa a fait en sorte que le rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire élaborées et adoptées par l'employeur en réponse à ce rapport avaient, dans la mesure où c'était raisonnablement possible de le faire, éliminé ou contrôlé les risques associés à l'opération de chargement du grain par le trou de chargement de ciment qui avaient été découverts, de sorte que la simple présence des risques sous-jacents ne constituait plus un danger au sens de la législation.

[101]             De plus, l'appelante affirme que lorsqu'on lit ensemble l'instruction de l'agent de SST D'Sa, qui ordonnait que la documentation adéquate et les procédures approuvées par une autorité compétente soient fournies avant le chargement par les trous de chargement de ciment, et la lettre de conformité de ce dernier, qui n'indiquait que l'exigence de consulter le comité de santé et de sécurité avant de finaliser ces procédures, la reconnaissance de la conformité signifiait que l'employeur avait le droit de reprendre ce type de chargement s'il satisfaisait à l'exigence réglementaire de consultation.

[102]             De l'avis de l'appelante, il faut déduire de la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa que, à moins que soient découvertes des situations dangereuses qui n'étaient pas prévues dans le rapport de Genesis et dans les procédures de travail sécuritaire de l'employeur, le processus de chargement du grain par les trous de chargement de ciment n'était plus considéré comme un danger pour les employés, et, par conséquent, ils n'avaient plus le droit de refuser de procéder à cette opération. En tant que question de fait, l'appelante ajoute que la reconnaissance de conformité par l'agent de SST D'Sa confirme qu'en obtenant le rapport de Genesis et en élaborant ses procédures de travail sécuritaire, DP World avait satisfait à ses obligations à titre d'employeur en vertu du Code de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés et de les protéger contre les risques sur le lieu de travail.

[103]             Toujours à propos de ce premier sujet, l'appelante mentionne que l'intimé semble suggérer que mis à part l'agent de SST D'SA, tous les autres représentants fédéraux, y compris le gestionnaire, Services de marchandises de Transports Canada ainsi que tous les autres agents de SST en matière de transport, y compris l'agent de SST Wong, croient encore que le chargement du grain par les trous de chargement de ciment est dangereux et peu sûr, même après les recommandations du rapport de Genesis, les procédures de travail sécuritaire de l'appelante et la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa.

[104]             Notant que les diverses communications de ces personnes à ce sujet sont toutes survenues à peu près au moment de la reconnaissance de conformité de l'agent de SST D'Sa au sujet de l'instruction de 2007 de ce dernier et qu'aucune autre communication de ce genre n'a été mentionnée par l'agent de SST Wong à propos d'opinions divergentes dans le cadre de son enquête sur les refus de travailler d'octobre 2010, l'appelante a souligné que cette suggestion est à la fois trompeuse et inexacte.

[105]             L'appelante souligne d'abord que les préoccupations du gestionnaire, Services de marchandises, qu'il a exprimées comme étant ses propres préoccupations et celles de tous ses inspecteurs, à l'exception de l'agent de SST D'Sa, étaient essentiellement fondées sur des considérations non pertinentes, c'est-à-dire sur le fait que l'employeur tentait de transmettre la responsabilité à Transports Canada et qu'il fallait donc protéger le ministère et le ministre, sur la question de savoir si l'employeur demanderait ou non la permission de l'administration étrangère, ou l'État du pavillon, et de la société de classification (Lloyds) avant de procéder à une telle opération, et sur des spéculations que le refus de travailler avait été mis en scène par l'employeur (« approche détournée »).

[106]             Plus important encore, de l'avis de l'appelante, est le fait qu'aucune de ces préoccupations ne semble avoir été fondée sur un examen ou une évaluation du rapport de Genesis ou des procédures de travail sécuritaire de l'employeur, ou sur une évaluation objective des risques d'une telle opération et de la question de savoir si ces risques constituaient toujours un danger une fois que les recommandations du rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire avaient été satisfaites. En tant que question de fait, l'appelante soutient qu'en omettant de tenir compte des mesures proposées par l'employeur pour éliminer ou contrôler les risques ou pour protéger chacun des employés contre les risques de cette opération, ces représentants fédéraux auxquels l'intimé a fait allusion n'auraient aucunement pu prendre une décision éclairée quant à savoir si ce processus de chargement, après la mise en œuvre de ces mesures, constituait ou non un danger.

[107]             En fait, l'appelante est d'avis que, lorsque les différents représentants fédéraux ont examiné les exigences du rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire de l'employeur, ils ont conclu que le processus de chargement du grain par le trou de chargement de ciment ne constituait pas un danger tant que ces exigences étaient satisfaites. En ce sens, l'appelante renvoie aux déclarations de l'ingénieure de RHDCC, Eva Karpinsky et à celles du gestionnaire, Marchandises et interface navire-port de Transports Canada, J. Zwaan, comme appuyant cette conclusion, une fois qu'ils ont été informés des mesures qui seraient prises à la suite des recommandations de Genesis et des procédures de travail sécuritaire, contrairement à l'interprétation de l'intimé.

[108]             À ce sujet, l'appelante mentionne également une réunion d'information convoquée par l'agent de SST D'Sa quelques jours seulement après les refus de travailler d'octobre 2010, à laquelle a assisté l'auteur du rapport de Genesis, le gestionnaire des relations de travail de la BCMEA et apparemment tous les représentants locaux de Transports Canada, à l'exception de l'agent de SST Wong.

[109]             Il semblerait qu'après cette réunion, les représentants de Transports Canada, y compris l'agent de SST D'Sa, ont déclaré qu'ils étaient satisfaits qu'un travail suffisant avait été accompli pour apaiser leurs préoccupations au sujet de l'opération de chargement du grain par les trous de chargement de ciment, même s'ils ne pouvaient appuyer officiellement les procédures de travail sécuritaire de l'employeur, conformément à leur pratique normale.

[110]             Pour conclure le premier sujet, l'appelante est d'avis que, contrairement aux allégations du Syndicat intimé, lorsqu'on tient dûment compte des opinions des représentants de Transports Canada qui ont examiné le rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire de l'employeur, il appert que ces représentants, sauf peut-être l'agent de SST Wong, ne croient plus que cette opération de chargement du grain constitue un danger pour les employés.

[111]             Même si les représentants de Transports Canada peuvent reconnaître que cette opération peut comporter des risques, l'appelante affirme qu'ils étaient satisfaits que ces risques avaient été suffisamment éliminés ou contrôlés par la mise en œuvre des procédures de travail sécuritaire, de telle sorte qu'ils ne constituaient pas un danger au sens du Code.

[112]             D'après l'appelante, il semblerait en fin de compte que seul l'agent de SST Wong avait toujours des préoccupations au sujet de l'efficacité des procédures de travail sécuritaire de l'employeur et de la réponse de ce dernier aux exigences du rapport de Genesis pour réduire les risques associés à ce processus de chargement, de sorte que le danger demeurait. L'appelante considère que cette opinion de l'agent de SST Wong est sans fondement.

[113]             Pour ce qui est du deuxième sujet de ces observations en réponse à l'intimé, soit l'argument que je ne devrais pas tenir compte, dans le cadre de mon examen du présent appel, des allégations de danger soulevées par l'intimé après les refus de travailler, l'appelante a souligné la formulation exacte des instructions ([Traduction] « répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain »), et fait valoir que la preuve anecdotique présentée par la section locale 500 du Syndicat pour appuyer son affirmation qu'il y avait un danger pour les employés au moment des refus de travailler du 25 octobre 2010 ne faisait pas partie du fondement de ces refus.

[114]             L'appelante reconnaît que, dans le cadre de l'enquête de l'employeur sur les refus de travailler d'octobre 2010, une enquête qui précède la participation d'un agent de santé et de sécurité, et de l'enquête de l'agent de SST Wong, les employés ont soulevé certaines préoccupations au sujet de la manipulation du grain.

[115]             Toutefois, d'après l'appelante, ces préoccupations n'ont pas fait l'objet d'un suivi par les représentants des employés lorsqu'ils ont été approchés par les représentants de l'employeur et elles n'ont pas été incluses dans les instructions de l'agent de SST Wong, comme l'indique le texte de ces instructions. Donc, en fin de compte, la préoccupation au sujet de l'absence de système d'alarme sur le nouveau système de grue à distance ayant été traitée et réglée avant la participation de l'agent de SST, la seule préoccupation qui demeurait dans cette affaire portait sur l'efficacité de la sonde d'opacité, comme le reconnaît l'intimé dans ses observations et comme le prouve la formulation réelle de l'instruction de l'agent de SST Wong.

[116]             Dans le même ordre d'idées, l'appelante insiste sur le fait qu'un seul élément ou motif faisait l'objet de l'instruction émise par l'agent de SST Wong, comme le prouve la formulation de l'instruction de l'agent de SST, soit : [Traduction] « [u]ne personne compétente doit évaluer les constatations du rapport de Genesis Engineering Inc. et répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain ».

[117]             Toutefois, l'appelante souligne également que l'agent de SST Wong, dans son rapport d'enquête sommaire de 33 pages, qui ne porte pas de date, mais qui a de toute évidence été préparé après que les instructions ont été émises, a modifié le libellé de son instruction reproduite aux présentes pour appuyer la suggestion de ce dernier voulant que les refus de travailler du 25 octobre 2010 et l'instruction connexe émise à la même date étaient fondés sur des préoccupations plus larges que simplement la sonde d'opacité, soit [Traduction] « [u]ne personne compétente doit évaluer les constatations du rapport de Genesis Engineering Inc. et répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat et portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain ».

[118]             D'après l'appelante, l'agent de SST Wong avait bien raison de ne pas mentionner dans son instruction toute une gamme de risques associés au chargement du grain par les trous de chargement de ciment parce qu'il s'agit de risques de base déjà évalués et traités dans le rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire de l'employeur élaborées en réponse à l'instruction antérieure de l'agent de SST D'Sa, et pour laquelle cet agent avait reconnu la conformité de l'employeur.

[119]             Au sujet de la formulation modifiée dans le rapport de l'agent de SST Wong, l'appelante est d'avis qu'il ne s'agissait que d'une justification tardive reflétant le fait que l'agent de SST Wong était en désaccord avec la décision antérieure de l'agent de SST D'Sa en 2010 que l'employeur s'était conformé à ses instructions de 2007, ce qui permettait à l'employeur de recommencer à charger le grain par les trous de chargement de ciment.

[120]             L'appelante aborde également, comme il a déjà été mentionné, ce qu'elle appelle la preuve anecdotique du Syndicat intimé et elle conclut en général que cette preuve n'établit pas la présence d'un danger ou, plus précisément, que même si cette preuve anecdotique devait être prise en compte, elle n'appuierait pas la conclusion qu'il y avait un danger existant ou éventuel pour les employés au moment des refus de travailler justifiant les instructions de 2010 de l'agent de SST Wong.

[121]             D'après l'appelante, cette preuve anecdotique amplifie l'existence ou la portée des risques associés au chargement du grain par les trous de chargement de ciment, désigne des risques qui sont hypothétiques ou spéculatifs ou désigne des risques qui ont déjà été éliminés ou contrôlés dans la mesure du possible par l'employeur, et elle ne répond donc pas au critère pour conclure qu'il y avait un danger existant ou potentiel au moment des refus de travailler et, par conséquent, elle ne devrait pas être prise en compte.

[122]             Même si l'appelante affirme que ces risques soulevés par l'intimé ne sont pas visés par l'instruction de l'agent de SST Wong, elle a néanmoins présenté des observations particulières pour chacun de ces risques. Au sujet des risques d'inflammation mentionnés par l'intimé, l'appelante a souligné que l'intimé avait dû retourner 25 ans en arrière pour trouver un exemple de risque d'inflammation inexpliqué et que ce risque avait été aisément corrigé à ce moment avant qu'il pose un risque de blessure, que dans le cas de la chaleur générée lorsque des vitesses de chargement élevées étaient utilisées et de l'allégation voulant que les coudes du tuyau de chargement devenaient si chauds que cela créait un risque d'incendie ou nécessitait l'interruption de l'opération de chargement, il n'y avait aucune trace d'interruption ou d'incendie causé par un coude surchauffé, et en ce qui a trait au risque d'étincelles causées par le contact entre la tête du tuyau de chargement et le panneau du trou de chargement de ciment, bien que ce risque existe, des mesures de sécurité pertinentes ont été mises en œuvre, comme la garniture de caoutchouc visant à prévenir les contacts accidentels, la conception particulière du tuyau de chargement comportant une doublure externe de caoutchouc pour l'insérer directement dans le trou de chargement de ciment et l'utilisation de trémies de bois autour du trou d'alimentation pour contenir les déversements mineurs. Certaines de ces mesures ont été intégrées aux procédures de travail sécuritaire de l'employeur en réponse aux préoccupations soulevées pendant le processus de consultation.

[123]             L'appelante reconnaît qu'il y a toutefois une faible possibilité que des objets métalliques tombent accidentellement dans le tuyau de chargement à partir de l'élévateur, mais qu'elle et les autres employeurs faisant partie de la BCMEA n'avaient pas connaissance qu'un tel événement eût causé une explosion.

[124]             Au sujet des risques d'inflammation mentionnés par l'intimé, l'appelante a observé que leur nature était trop spéculative ou hypothétique pour qu'ils constituent un danger au sens du Code. Dans un même ordre d'idées, l'agent de SST Wong avait dû retourner près de 30 ans en arrière pour trouver un ou des exemples d'explosions causées par la poussière céréalière dans la région de Vancouver. Le seul détail donné est que les explosions pourraient être survenues dans les élévateurs; aucun autre détail n'est donné au sujet des conditions ou des opérations à ce moment.

[125]             L'appelante a aussi abordé l'allégation de l'intimé que les conditions de travail sur les panneaux d'écoutille sont dangereuses. L'appelante a affirmé que ces risques avaient été éliminés ou contrôlés, dans la limite où il était raisonnablement possible de le faire, grâce à la mise en œuvre des procédures de travail sécuritaire de l'employeur. Bien qu'elle reconnaisse la survenance d'un accident en 1996, alors qu'un débardeur était tombé par le trou de chargement de ciment, des améliorations de sécurité ont depuis été apportées pour prévenir de tels accidents.

[126]             L'employeur utilise maintenant des treillis au-dessus des trous de chargement de ciment pour prévenir les chutes, et même si ceux-ci peuvent être retirés, leur poids fait en sorte que cela devrait être fait de manière délibérée. De plus, l'appelante est d'avis que l'utilisation de la sonde d'opacité n'entraîne pas un tel risque, puisqu'il n'est pas nécessaire d'enlever le treillis pour utiliser la sonde, ce qui élimine de façon efficace le risque de chute par le trou. L'appelante considère également le respect des procédures de travail sécuritaire adoptées par l'employeur comme une façon d'éliminer ou de contrôler ces risques de chute.

[127]             Dans le même ordre d'idées, l'appelante a noté que ces procédures de travail sécuritaire contiennent des mesures de prévention des chutes, comme l'utilisation de cônes de délimitation et de ruban de mise en garde pour établir la zone de contrôle et définir une zone de travail sécuritaire, et le chargement par les trous de chargement de ciment ne se fait pas lorsque les trous sont situés près du bord de la cale du navire.

[128]             L'appelante est donc en désaccord avec l'affirmation de l'intimé que des mesures de protection contre les chutes ne sont pas prises pendant le chargement par le trou de chargement de ciment et ajoute que, dans le cas qui nous occupe, aucun problème de protection contre les chutes n'a été soulevé par qui que ce soit pendant l'enquête de l'employeur au sujet des refus ou pendant l'enquête de l'agent de SST Wong.

[129]             L'appelante soutient également que les affirmations du Syndicat intimé, selon lesquelles les employés participant au chargement du grain par le trou de chargement de ciment sont surexposés à des concentrations de poussière céréalière constituant un danger, sont sans fondement. Affirmant qu'elle n'avait jamais eu connaissance d'un cas de surexposition pendant la surveillance de la sonde d'opacité, bien que l'intimé mentionnait un cas dans ses observations, l'appelante est d'avis que cette exposition [Traduction] « n'aurait pas causé de surexposition dangereuse à la poussière céréalière ».

[130]             Selon l'appelante, le Syndicat intimé mentionné que l'alinéa 255(1)b) du SSTMM prévoit que « [a]ucun employé ne peut être exposé à une concentration de poussières de céréales dans l’air, respirables ou non, qui excède 10 mg/m3 » et que le rapport de Genesis est fondé sur une concentration de poussière dans la cale du navire de 25 % d'une LEI de 50 g/m3, ce qui équivaut à une concentration de poussière dans la cale du navire de 12 500 mg/m3 et signifie qu'il y a surexposition à la poussière céréalière pendant la surveillance de la sonde d'opacité.

[131]             Toutefois, de l'avis de l'appelante, l'exposition précisée dans le SSTMM constitue une exposition à la poussière dépassant la valeur limite d'exposition de 10 mg/m3 mesurée pendant une période de 8 heures, ce qui signifie que, pour que l'employé soit surexposé, sa période de travail complète devrait se passer dans un nuage de poussière dépassant la limite d'exposition prescrite par le règlement, ce qui n'est pas le cas.

[132]             L'appelante est d'avis que les concentrations de poussière mentionnées dans le rapport de Genesis au sujet de l'évaluation du risque d'explosion sont mesurées dans la cale du navire, et non à l'extérieur de la cale, où les débardeurs travaillent et surveillent la sonde d'opacité, et ne subissent donc pas l'exposition alléguée par l'intimé. De plus, même en supposant que la poussière qui sort du trou de chargement de ciment dépasse la limite d'exposition prévue dans le SSTMM, l'appelante allègue que cela ne constituerait tout de même pas une surexposition à la poussière, parce que les procédures de travail sécuritaire de l'employeur prévoient que les employés surveillent la sonde d'opacité pas plus d'une fois aux 15 minutes, évitant ainsi une surexposition potentielle à la poussière.

[133]             L'appelante reconnaît également que, lorsqu'il surveille la sonde d'opacité à une fréquence variable, l'employé doit regarder dans le trou de chargement de ciment et donc recevoir occasionnellement de la poussière dans le visage. Cependant, comme l'a reconnu l'intimé dans ses propres observations, l'employeur fournit aux employés de l'équipement de protection personnelle, dans ce cas des masques protecteurs contre la poussière, pour les protéger contre ce risque éventuel, ce qui ne constitue donc pas un danger au sens du Code.

[134]             Comme il a été mentionné ci-dessus, et même à la lumière de ce qui précède immédiatement, l'appelante a plaidé que, compte tenu de la formulation effective des instructions, la question ou les questions à évaluer dans le présent appel devraient se limiter aux questions visant le rapport de Genesis et l'utilisation de la sonde d'opacité. Compte tenu des observations de l'intimé à ce sujet, l'appelante a fait valoir ce qui suit en guise de réponse.

[135]             Premièrement, en ce qui a trait à l'instrument appelé « sonde d'opacité visuelle » et à l'allégation de l'intimé qu'un autre instrument, meilleur et plus précis, devrait être utilisé pour cette opération, l'appelante affirme qu'il n'existe pas de tel instrument pouvant être utilisé au lieu de la sonde d'opacité afin d'obtenir une mesure plus précise de la concentration de poussière céréalière dans la cale du navire pendant le chargement par le trou de chargement de ciment.

[136]             L'appelante est d'avis que, bien que le but visé par l'utilisation de cet instrument soit d'obtenir une mesure en temps réel du niveau de poussière, il n'est pas nécessaire d'obtenir une mesure précise, puisque les procédures de travail sécuritaire sur l'utilisation de la sonde contiennent des normes très prudentes du niveau de poussière acceptable. Si ce niveau prudent est dépassé pendant le chargement, les procédures exigent que le chargement soit ralenti ou interrompu jusqu'à ce que le niveau revienne à un niveau sécuritaire.

[137]             Toujours au sujet d'un instrument pouvant remplacer la sonde, l'appelante a répliqué à la suggestion de l'intimé que l'instrument utilisé par Genesis pour ses essais pourrait être utilisé pour mesurer le niveau de poussière pendant les opérations de chargement normales ou même qu'un laser pourrait être utilisé pour connaître l'opacité des particules, en indiquant que, dans le cas de l'instrument appelé Rader Hi-Volume Dust Sampler utilisé par Genesis pour son étude, cet instrument ne serait pas efficace, puisqu'il ne peut donner les résultats en temps réels qui sont nécessaires, parce que les échantillons recueillis doivent être traités en laboratoire, ce qui fait en sorte qu'il est impossible de connaître le niveau de poussière pendant le chargement.

[138]             Quant à elle, la technologie laser est conçue pour des concentrations extrêmement faibles de particules, par exemple la présence de poussière dans une pièce propre; elle ne fonctionnerait donc pas pour le chargement, même à des niveaux bien en dessous du niveau de poussière sécuritaire.

[139]             Enfin, au sujet des autres instruments possibles, l'appelante souligne également que pendant le processus de consultation avec l'intimé, les limitations des solutions de rechange susmentionnées à la sonde d'opacité avaient déjà été expliquées à l'intimé

et que l'intimé avait été invité à mener ses propres recherches pour trouver d'autres solutions. D'après l'appelante, l'intimé ne lui a pas indiqué qu'il avait été en mesure de trouver une solution de rechange à la sonde d'opacité visuelle susceptible de marcher. L'intimé avait également fait allusion à une suggestion de Genesis Engineering dans son rapport de juin 2009, soit qu'il serait possible de dépoussiérer pendant l'opération de chargement par le trou de chargement de ciment en se servant d'un brumisateur et d'eau.

[140]             Au sujet de l'allégation voulant que cette suggestion n'a pas été prise en compte, l'appelante a d'abord répliqué que l'organisme fédéral qui réglemente l'industrie céréalière, la Commission canadienne des grains, interdit l'utilisation de brumisateurs, puis que, même si Genesis a présenté cette proposition pendant ses essais, il est devenu apparent par la suite que cela ne serait pas nécessaire.

[141]             Un autre sujet de désaccord soulevé par l'intimé porte sur l'acceptation par Genesis d'une LEI de poussière céréalière de 50 g/m3 et la présomption que des niveaux de poussière inférieurs à 25 % de la LEI seraient sécuritaires pour le chargement. Le Syndicat intimé estime que cela irait à l'encontre des exigences du SSTMM (paragraphe 255(6)), selon lesquelles la concentration d'un agent chimique dans l'air ou d'une combinaison d'agents ne dépasse pas 10 % de la LEI. Cette opinion est fondée sur les commentaires de deux ingénieurs de RHDCC, Evan Vandoros (risque éventuel d'électricité statique) et Eva Karpinski (LEI pour la poussière céréalière).

[142]             L'appelante réplique à cela en notant que Genesis Engineering avait été informée de ces commentaires et avait répondu en mars 2010 qu'ils avaient été pris en compte dans la préparation de son rapport, soit avant les refus de travailler et les instructions examinées dans le présent appel.

[143]             En résumé, même si des LEI de poussière céréalière de moins de 50 g/m3 avaient été signalées, Genesis jugeait qu'elles n'étaient pas crédibles. La présence d'électricité statique pendant le chargement du grain avait été prise en compte par Genesis, qui avait conclu qu'elle serait réduite en raison de l'humidité élevée pendant le chargement du grain par les trous de chargement de ciment d'un navire qui se trouve sur un grand plan d'eau sous la pluie. Finalement, les étincelles mécaniques sont réduites par l'utilisation d'une garniture de caoutchouc pour isoler l'ouverture du trou de chargement de ciment et les étincelles de tension induite entre la tête de remplissage et l'écoutille sont réduites en liant la tête à l'écoutille à l'aide d'un câble haute-tension conducteur.

[144]             Compte tenu de ce qui précède, l'appelante est d'avis que le niveau de 10 % de la norme de LEI dans le SSTMM ne s'applique pas à la présente affaire. Il semblerait que ces commentaires de Genesis ont éventuellement été transmis aux deux ingénieurs de RHDCC, qui n'ont pas présenté d'autres commentaires.

[145]             Au sujet du questionnement continu par le Syndicat de l'affirmation de l'appelante qu'il n'y a aucune source d'inflammation pendant ce type d'opération, l'appelante précise que ni l'employeur ni Genesis n'a affirmé qu'il n'y avait pas de source éventuelle d'inflammation, mais plutôt qu'en suivant les exigences du rapport de Genesis et les procédures de travail sécuritaire de l'employeur, les sources éventuelles d'inflammations sont éliminées ou contrôlées efficacement, de sorte qu'il n'existe pas de danger au sens du Code.

[146]             Pour ce qui est de la fréquence raisonnable de vérification de la sonde d'opacité

pendant les opérations de chargement, le Syndicat intimé a questionné le fait que, pendant les essais de Genesis, la sonde était vérifiée toutes les cinq minutes avec l'assentiment de Genesis, alors que par la suite Genesis a accepté qu'il fût raisonnable qu'elle soit vérifiée toutes les 15 à 30 minutes. C'est cette fréquence qui est indiquée dans les procédures de travail sécuritaire élaborées par l'employeur et l'intimé a affirmé que cela créait un danger pour les employés.

[147]             L'appelante a répondu à cela que Genesis Engineering vérifiait la sonde à une fréquence de cinq minutes pendant les essais parce qu'elle effectuait une étude scientifique où il était primordial de recueillir des données fréquemment. À l'étape de la procédure de chargement, il ne s'agit plus d'une préoccupation. De plus, contrairement aux allégations de l'intimé, l'appelante a noté que, bien que M. Esplin, de Genesis, a affirmé qu'une fréquence de cinq minutes serait raisonnable, il a aussi affirmé en réponse aux questions à ce sujet que cet intervalle n'était pas nécessaire et qu'il serait raisonnable de vérifier la sonde toutes les 15 à 30 minutes pour veiller à ce que l'opération demeure sécuritaire. L'appelante conclut donc que ce que l'intimé avait affirmé à ce sujet ne permettait pas de conclure que la vérification de la sonde d'opacité de la façon indiquée dans les procédures de travail sécuritaire de l'employeur constitue un danger au sens du Code.

[148]             L'appelante a aussi parlé des préoccupations soulevées par l'intimé au sujet de l'ajout des [Traduction] « impuretés excessivement poussiéreuses », soit de la poussière céréalière pouvant être ajoutée au grain chargé, qui pourrait entraîner des niveaux de poussière non sécuritaires.

[149]             Selon l'appelante, l'utilisation de ces mots par l'intimé constitue une erreur parce qu'elle suggère faussement que ce qui est ajouté au grain chargé est de la poussière céréalière, alors qu'il s'agit en fait de semences, de paille, de semences ratatinées ou brisées et des impuretés d'un grade de grain. De plus, l'affirmation par le Syndicat au sujet de l'ajout d'impuretés poussiéreuses est factuellement incorrecte, puisque cet ajout n'est pas simplement fondé sur le tonnage global du chargement. Il est fondé sur le contrat entre le vendeur et l'acheteur du grain et est assujetti au niveau maximal permis par le ministère de l'Agriculture et la Commission canadienne des grains.

[150]             D'après l'appelante, l'intimé a également tort en affirmant que les impuretés sont ajoutées à tout moment au gré de l'opérateur de l'élévateur, peuvent varier sans avertissement, ne sont ajoutées que pendant le dernier quart du chargement et causent donc une augmentation du niveau de poussière à la fin du remplissage.

[151]             L'appelante affirme ainsi que la Commission canadienne des grains exige que la qualité de chaque chargement de grain soit uniforme. Elle effectue donc des tests pour toute tranche de 2 000 tonnes, ou moins, afin de veiller à ce que les normes soient maintenues, sans quoi le chargement peut devoir être déchargé.

[152]             En outre, même si les impuretés pouvaient toutes être ajoutées à la fin du chargement, le niveau de poussière n'augmenterait pas dangereusement puisque seulement 75 % du chargement est versé par ces trous, après quoi l'écoutille doit être ouverte pour niveler le grain et terminer de remplir la cale. Le confinement nécessaire pour qu'il y ait une explosion de poussière n'existe donc plus. Par conséquent, l'appelante est d'avis que l'allégation de l'intimé que l'ajout d'impuretés au grain chargé crée un danger pour les employés n'est pas appuyée par les faits.

D) Réplique de l'intimé, le Syndicat, section locale 500, à la réponse au sujet du « danger ».

[153]             Bien que l'intimé soit d'avis que la réponse de l'appelante aux observations du Syndicat dépassait la portée de la réponse permise et que l'appelante élaborait en fait au sujet de ses observations antérieures sur ce qui constitue un danger au sens du Code, il a choisi de ne pas contester ce qu'il considérait comme de nouveaux éléments et soutient que la définition de danger est bien établie et que la présente affaire y répond, et il continue ainsi de s'appuyer sur ses observations initiales.

[154]             Cela étant dit, dans sa réplique à la réponse, l'intimé a noté ce qui suit. D'abord, au sujet d'une réunion qui aurait eu lieu le 4 novembre 2010, selon l'affirmation de l'employeur, entre les membres de la BCMEA et les représentants de Transports Canada (capitaine Ghosal et l'agent de SST D’Sa), au cours de laquelle ces derniers auraient mentionné que leurs préoccupations avaient été réduites grâce au travail effectué par les employeurs de la BCMEA, l'intimé a noté qu'il n'y avait apparemment aucune trace de cette réunion, que la section locale 500 n'y avait pas été invitée et que l'intimé ne savait pas ce qui s'était passé à ce moment. Il ne fallait donc pas en tenir compte.

[155]             L'intimé a aussi ajouté que, en dépit de ce que cette réunion non documentée peut avoir produit, l'agent de SST Wong n'était clairement pas convaincu, en novembre 2010, que cette opération ne constituait pas un danger.

[156]             Quant à l'allégation de l'appelante que l'agent de SST Wong, dans le rapport qu'il a caviardé après l'émission des instructions, avait modifié la formulation des instructions pour donner l'apparence que le refus de travailler était fondé sur des préoccupations plus larges, tentant ainsi de tromper le Tribunal au sujet de la portée des instructions, l'intimé a souligné que le mot ajouté pouvait facilement n'être qu'une erreur de transcription et qu'il ne fallait pas accepter si aisément la théorie de l'appelante voulant que l'agent de SST Wong avait changé la formulation de façon intentionnelle.

[157]             Enfin, en plus de noter qu'il était possible que les détails sur certains incidents survenus au terminal Cascadia après l'émission des instructions, dont se souvenaient les employés Stewart et Piotrowski, ne soient pas précis, ceux-ci étaient documentés dans une lettre jointe aux observations de l'intimé à l'intention du Tribunal. L'intimé a ajouté que les membres de la section locale 500 n'avaient pas connaissance d'un processus officiel pour signaler les incidents, comme l'inhalation de poussière. De plus, bien que l'appelante avait affirmé que la limite d'exposition à la poussière dans le SSTMM est mesurée sur une période de 8 heures, aucune autorité n'a été citée à cet égard et l'article 255 de ce règlement n'en fait aucunement mention.

Observations au sujet de la consultation

[158]             Comme il est mentionné précédemment, même si les instructions émises par l'agent de SST Wong ne mentionnent pas la question de la consultation, le document d'information non daté préparé par cet agent au sujet de ces instructions, qui m'a été donné le 3 mars 2011, mentionne ce qui suit : [Traduction] « Le Syndicat (les employés) s'est plaint que la consultation exigée pour les procédures de sécurité n'avait pas été effectuée de façon satisfaisante. Les employés ont affirmé qu'ils avaient présenté des commentaires dans les réunions antérieures, mais que ces commentaires avaient été ignorés ou laissés de côté pendant les réunions suivantes. »

[159]             La consultation requise, à laquelle fait allusion l'agent de SST Wong, provient de l'obligation générale prévue à l'alinéa 125(1)z.06) du Code et, dans l'affaire qui nous occupe, de la lettre de conformité datée du 29 janvier 2010 envoyée par l'agent de SST D'Sa à la BCMEA au sujet de son instruction du 25 avril 2007, relativement à cette même opération de chargement du grain par le trou de chargement de ciment. Cette lettre mentionnait que [Traduction] « [l]a partie II du Code canadien du travail vous oblige à consulter le comité de santé et de sécurité avant de finaliser les procédures ». Les procédures en question sont les procédures de travail sécuritaire de l'employeur dont il a été question à de nombreuses reprises dans la présente décision.

A) Observations de l'appelante DP World au sujet de la consultation.

[160]             L'appelante affirme avoir satisfait à son obligation de consulter le comité local avant de finaliser et de mettre en œuvre les procédures de chargement du grain par les trous de chargement de ciment dans les écoutilles. Cette consultation aurait commencé dès 2009, alors que Genesis menait son enquête et effectuait des tests concernant la question du chargement du grain, et elle se serait poursuivie jusqu'en octobre 2010, moment auquel l'appelante a recommencé le chargement après l'adoption et la mise en œuvre des procédures de travail sécuritaire par l'appelante.

[161]             Selon l'appelante, la consultation requise s'est faite au cours de réunions en personne et par la correspondance diverse, surtout entre la BCMEA, au nom de l'appelante, et les représentants de la section locale 500 du Syndicat, au nom des représentants des travailleurs qui siègent au comité.

[162]             Pour appuyer son affirmation que la consultation a bel et bien eu lieu, l'appelante a présenté à cet agent d'appel 33 lettres, télécopies, courriels, relevés de conversations, de discussions de réunions et d'ententes, pour prouver les efforts qu'elle a déployés pour satisfaire à son obligation de consulter. Même s'il n'est pas nécessaire à ce stade de reproduire tous ces documents, j'ai eu l'occasion de lire chacun d'entre eux.

[163]             De l'avis de l'appelante, la nature ou la portée de l'obligation de consulter, comme l'a exprimé le Conseil canadien des relations industrielles dans sa décision Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Commission canadienne du tourismeFootnote 3, s'applique également à la présente affaire et à l'obligation de l'employeur de consulter prévue dans le Code. Comme l'affirme le CCRI : « Cette obligation ne constitue pas une obligation de parvenir à un accord avec l’autre partie. Il s’agit d’une obligation de répondre aux préoccupations de l’autre partie et d’en tenir compte de façon équitable. »

[164]             Selon l'appelante, son obligation, en ce qui a trait à la consultation du comité local, consiste à répondre aux préoccupations du comité du lieu de travail et d'en tenir compte de façon équitable. Toutefois, l'employeur n'est pas tenu de parvenir à un accord avec le comité sur toutes les questions. En fin de compte, l'employeur a et avait le droit et l'obligation de prendre la décision définitive sur la façon de procéder à la mise en œuvre des nouveaux processus et des nouvelles procédures de travail visant le lieu de travail. Cependant, l'appelante a affirmé qu'elle avait déployé, et que la BCMEA avait également déployé en son nom, de grands efforts pour obtenir les commentaires de ce qu'elle appelle le [Traduction] « comité sur la poussière céréalière » du Syndicat et pour les faire participer activement à l'enquête et aux tests.

[165]             Ces efforts de consultation se sont poursuivis après la publication de la version définitive du rapport de Genesis (comme il a déjà été mentionné, trois rapports ont été remis avant) et la lettre de conformité de l'agent de SST D'Sa au sujet de son instruction de 2007, et à ce titre, l'appelante est souvent entrée en contact avec le Syndicat dans le but de discuter et de finaliser la rédaction des procédures de travail sécuritaire requises par le Code, mais l'intimé n'a pas toujours répondu à ces demandes, assisté aux réunions et participé au processus de consultation.

[166]             L'appelante appuie cette position sur la correspondance qui documentait ses efforts de consultation, notamment une mention dans cette documentation au sujet d'une réunion tenue le 3 février 2010 entre les parties, où le Syndicat aurait mentionné que [Traduction] « la section locale 500 a clairement indiqué qu'elle n'accepterait pas le versement par le trou de chargement à ce moment », ce qui aurait poussé la BCMEA à exprimer l'opinion que le Syndicat ne donnerait jamais son accord.

[167]             L'appelante affirme toutefois que, malgré le fait qu'elle a exprimé cette opinion, elle et la BCMEA ont persévéré et continué de correspondre avec le Syndicat et de le rencontrer à de nombreuses reprises à l'automne 2010, comme le prouvent les documents mentionnés précédemment, dans le but de consulter le Syndicat et d'obtenir ses commentaires en vue de la finalisation des procédures de travail sécuritaire. L'appelante a donc affirmé que la correspondance qui documente ses efforts prouve clairement que ces efforts étaient valables et qu'il ne s'agissait pas d'un prétexte ou d'une apparence de consultation.

[168]             La valeur des commentaires du Syndicat était reconnue par l'appelante et la BCMEA, qui ont intégré bon nombre des suggestions du Syndicat dans les procédures de travail sécuritaire. Celles-ci sont indiquées dans les lettres au Syndicat du 5 octobre et du 10 novembre 2010, où un tableau présentait les accords qui avaient été conclus entre les parties et intégrés aux procédures de travail sécuritaire. Cela ne signifie pas, comme l'ont reconnu l'appelante et la BCMEA, qu'un accord avait été conclu avec le Syndicat pour tous les points litigieux.

[169]             Cependant, l'appelante a réitéré que l'obligation de consulter n'exige pas qu'un accord soit conclu sur toutes les questions. Pour étayer davantage l'affirmation selon laquelle l'obligation de consulter avait été satisfaite, l'appelante me renvoie à la correspondance du 24 septembre 2010 de la BCMEA et à la conversation téléphonique de suivi entre les représentants des parties, où le Syndicat aurait reconnu et convenu que la BCMEA avait jusqu'à ce jour satisfait à son obligation de consulter sur les points litigieux, ce qui aurait poussé la BCMEA à procéder à la mise en œuvre des initiatives de formation qui avaient été proposées par le Syndicat et acceptées par la BCMEA.

[170]             Compte tenu de ce qui précède, l'appelante a soumis qu'elle avait satisfait à son obligation statutaire de consulter et qu'il n'y avait donc pas lieu de conclure que les instructions de 2010 de l'agent de SST Wong étaient justifiées parce que l'appelante avait omis de consulter.

B) Observations de la section locale 500 du Syndicat intimé au sujet de la consultation.

[171]             Comme on peut s'y attendre, l'intimé ne partage pas l'opinion exprimée par l'appelante au sujet de la consultation. À son avis, cette consultation au sujet du chargement par le trou de chargement de ciment et des procédures de travail sécuritaire n'était pas adéquate en réalité.

[172]             À propos de l'affirmation de l'appelante selon laquelle le Syndicat n'avait pas toujours été coopératif et réceptif aux nombreux efforts de l'appelante visant à organiser des réunions, il déclare qu'il n'avait pas manqué d'être coopératif, mais avait plutôt informé l'employeur le 29 janvier 2010 qu'il souhaitait attendre la décision de Transports Canada avant de participer à ces discussions.

[173]             L'intimé souligne aussi que, contrairement à la signification que l'appelante accorde aux échanges de septembre et d'octobre 2010 entre les parties, ceux-ci indiquent clairement que l'intimé n'était pas d'accord avec la BCMEA et l'appelante que la consultation était adéquate et qu'elles tenaient compte de bonne foi des préoccupations et des suggestions du Syndicat.

[174]             De plus, selon l'intimé, l'appelante avait également apporté des changements aux projets de procédures [Traduction] « sans utiliser des ratures ou une autre méthode de les indiquer clairement », ce qui rendait la tâche difficile pour l'intimé de les évaluer et d'y répondre.

[175]             L'intimé ajoute que, même si la BCMEA prétendait avoir répondu aux préoccupations du Syndicat dans sa lettre du 4 novembre 2010, qui présentait une liste des éléments des procédures de travail sécuritaire qui auraient été changés ou intégrés à la suite de la consultation entre les parties, tel n'était pas le cas. Par exemple, l'intimé note que, contrairement au tableau présenté par la BCMEA dans cette lettre, la sonde d'opacité n'avait pas été acceptée par le Syndicat comme méthode pour mesurer l'opacité de la poussière, ce qui avait laissé entières les préoccupations de l'intimé à ce sujet.

[176]             En fin de compte, l'intimé affirme que l'appelante avait finalisé ses procédures de travail pour le chargement par le trou de chargement sans attendre la réponse du Syndicat à sa lettre du 4 novembre 2010, même si elle avait envoyé au Syndicat le mauvais projet de procédures avec cette lettre.

C) Réponse de l'appelante à la section locale 500 du Syndicat au sujet de la consultation.

[177]             Selon l'appelante, l'intimé n'a pas établi que l'employeur avait manqué à son obligation réglementaire de consulter et avait plutôt simplement suggéré, à tout le moins, qu'il était en désaccord avec certains aspects des procédures de travail sécuritaire pour le chargement par le trou de chargement élaborées par l'employeur. L'employeur est d'avis que l'intimé est fallacieux en continuant d'affirmer que l'obligation de consulter n'avait pas été satisfaite, puisqu'il avait déjà reconnu et convenu le contraire, verbalement et par écrit, comme le documentent les observations de l'employeur.

[178]             Pour étayer davantage cette affirmation, l'employeur renvoie à une convention écrite qu'il a également fournie, conclue le 11 février 2011 et signée le ou vers le 16 février 2011 par le vice-président, Formation et recrutement de la BCMEA (John Beckett) et le vice-président de la section locale 500 (Michael Rondpre), laquelle énonce, au deuxième paragraphe de la rubrique portant le titre [Traduction] « Chargement du grain par le trou de chargement », que : [Traduction] « Le Syndicat convient, conformément à la correspondance antérieure, que la BCMEA et les employeurs qui en sont membres ont rempli toutes leurs obligations statutaires au sujet de la consultation du Syndicat au sujet du chargement par le trou de chargement. »

D) Réplique de la section locale 500 du Syndicat intimé à la réponse au sujet de la consultation.

[179]             La réplique de l'intimé porte exclusivement sur le renvoi, par l'appelante, à la convention mentionnée au paragraphe précédent au sujet de la suffisance de la consultation. L'intimé fait valoir que ce document était une convention de règlement confidentielle et qu'à ce titre, l'employeur ne devrait pas s'appuyer sur son contenu et je ne devais pas en tenir compte. Pour appuyer cette position, l'intimé note que l'appelante avait aussi tenté d'évoquer cette convention au cours d'une procédure devant le Conseil canadien des relations industrielles, relativement à une grève illégale alléguée, et le Conseil avait apparemment trouvé ce document inadmissible en raison de sa nature confidentielle.

[180]             Si je devais néanmoins accepter de tenir compte de ce document, l'intimé souligne qu'il mentionne expressément que la convention ne peut porter atteinte à toute position que les parties peuvent défendre dans d'autres affaires.

E) Réponse de l'appelante DP World à la réplique au sujet de la consultation.

[181]             Sur ce point très précis, l'appelante affirme qu'il est parfaitement pertinent que l'employeur s'appuie sur cette convention du 11 février 2011 dans les circonstances limitées des présents appels puisqu'elle est utilisée à des fins de crédibilité et particulièrement pour contrer l'allégation de la conseillère de l'intimé, dans ses observations du 19 juillet 2011, selon laquelle [Traduction] « de l'avis de la section locale 500, la consultation était dans les faits inadéquate au sujet du chargement par le trou de chargement de ciment et des procédures de travail sécuritaire visant cette opération, contrairement aux allégations de l'employeur ». L'appelante décrit cette déclaration comme étant clairement fausse et l'appelante devrait avoir le droit de s'appuyer sur cette convention pour réfuter cette déclaration.

Analyse

[182]             Mon rôle à titre d'agent d'appel est d'établir, dans le cadre d'une procédure de novo, s'il y avait un danger pour les employés ayant invoqué le refus de travailler ou pour les autres employés en vertu de l'article 128 du Code. Je dois évaluer la question sur la base de la prépondérance des probabilités. L'article 128 du Code se lit comme suit :

128(1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[183]             Bien qu'il faille évaluer la situation au moment des refus pour établir s'il existait ou non un danger, les tribunaux ont bien précisé que cette situation (que certains appellent les circonstances) peut comporter des éléments passés, présents et même éventuels ou futurs. À ce sujet, je souligne la déclaration suivante, avec laquelle je suis d'accord, de Monsieur le juge Rothstein de la Cour d'appel fédérale, dans Douglas Martin et Alliance de la fonction publique du Canada (Procureur général), selon laquelle l'évaluation d'un danger comprend l'évaluation de la probabilité de sa survenance :

Je conviens qu'une conclusion de danger ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses. Mais lorsqu'on cherche à déterminer si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque éventuel ou une activité future cause des blessures avant que le risque puisse être écarté ou que la situation soit corrigée, on traite nécessairement de l'avenir. Les tribunaux administratifs sont régulièrement appelés à interpréter le passé et le présent pour tirer des conclusions sur ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. Leur rôle en pareil cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produise plus tard. [Je souligne]

[184]             Au sujet de ce qui précède, lorsqu'on lit le document intitulé « Interprétations, politiques, et guides (IPG) » publié par RHDCC, qu'a mentionné l'appelante dans ses observations, on constate qu'il est en accord avec cette déclaration du juge Rothstein. Parallèlement, je suis également d'accord avec les IPG, qui affirment que le danger et le risque ne sont pas la même chose et que « [i]l ne faut pas forcément associer un danger à une situation qui présente une possibilité quelconque de blessure ou de maladie, ni à une situation où il existe des mesures efficaces pour atténuer la possibilité de blessure ou de maladie », ce qui amène la question de « suffisance de la gravité ».

[185]             Cela étant dit, la question qui nous occupe soulève certains aspects particuliers qui, selon moi, doivent être abordés avant de prendre une décision sur cette affaire. Je crois qu'il est important pour moi de le faire, afin de clarifier ce qui est réellement mis de l'avant par les deux parties au soutien de leur position respective, ainsi que ce que je peux, ou ne peux pas, prendre en compte.

[186]             Tout d'abord, les instructions faisant l'objet du présent appel ont été émises peu après la reconnaissance, en janvier 2010, par l'agent de santé et de sécurité qui avait émis des instructions en 2007 et 2010, du fait que la BCMEA s'était conformée à ces instructions.

[187]             Il est certainement possible, en vertu du Code, qu'un autre agent de santé et de sécurité émette une ou plusieurs nouvelles instructions sur la même question ou une question semblable, même si on pourrait croire que les nouvelles instructions vont à l'encontre des instructions déjà émises, ou plus précisément des mesures prises pour se conformer à ces instructions. Toutefois, il est tout de même important pour la résolution du présent appel de demeurer conscient de l'existence de ces instructions, de ce qu'elles représentaient et représentent toujours, et du fait qu'il avait été déclaré qu'on s'était conformé à ces instructions.

[188]             J'ai déjà cité les dispositions exécutoires des instructions de 2007 et de 2010 aux paragraphes 4 et 6 ci-dessus. Cependant, je suis d'avis qu'il importe de les reproduire ici pour constater la différence entre la portée de chacune d'entre elles.

[189]             En plus du libellé générique qui se trouve dans toutes les instructions, le texte exécutoire de l'instruction de 2007, appelée dans la présente décision l'instruction de l'agent de SST D'Sa, décrit tout d'abord ce que l'agent de SST considère comme un danger, puis énonce précisément ce que l'employeur doit faire pour continuer l'opération de chargement par le trou de chargement de ciment. Ce dernier énoncé se lit comme suit dans l'instruction :

[Traduction] Le processus de chargement du grain par les trous de chargement de ciment dans les panneaux d'écoutille constitue un danger puisque ces trous de chargement n'ont pas été approuvés pour le chargement du grain. Une documentation et des procédures adéquates approuvées par les autorités compétentes doivent être fournies avant le chargement.

[190]             Je n'ai aucun problème à accepter qu'il découle de ce qui précède, qu'avec sa lettre du 29 janvier 2010, qui reconnaissait la conformité à son instruction, l'agent de SST D'Sa rendait possible la reprise du chargement par les trous de chargement de ciment, sous réserve de la mention dans la lettre que la finalisation des procédures de chargement sécuritaire soit faite en consultation avec le comité sur la santé et la sécurité.

[191]             Contrairement aux instructions de l'agent de SST D'Sa, les instructions de l'agent de SST Wong ne décrivent aucun danger précis à corriger et elles ne contiennent que la terminologie générique prévue à l'article 128 du Code. Le seul texte original de l'agent de SST qui ne provient pas du modèle d'instruction officiel utilisé par l'agent de SST Wong ordonne à l'employeur de prendre certaines mesures, probablement dans le but de corriger une situation qui n'est pas précisée ou d'y remédier. Voici la formulation dont je parle :

[Traduction] Une personne compétente doit évaluer les constatations du rapport de Genesis Engineering Inc. et répondre aux préoccupations de la section locale 500 du Syndicat portant sur la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain [...]

[192]             Cette formulation oblige le lecteur à trouver des détails sur le danger dans le rapport non daté de l'agent de SST, dont la lecture permet de constater qu'il aurait été caviardé quelque temps après que les instructions ont été émises, soit le 25 octobre 2010.

[193]             Les deux parties et l'agent de SST Wong ont beaucoup parlé de la reconnaissance de la conformité aux instructions des agents de SST D'Sa et Wong et de l'importance que cela devrait recevoir. Je crois donc qu'il incombe de préciser que, bien que la conformité aux instructions de l'agent de SST D'Sa puisse sembler pertinente dans l'affaire qui nous occupe, elle ne l'est pas puisqu'elle est évidemment ultérieure aux instructions émises par l'agent de SST D'Sa.

[194]             Compte tenu de ce qui précède, la question que je dois trancher n'est pas d'établir s'il y avait conformité aux instructions, mais plutôt s'il y avait lieu de les émettre en premier lieu. Cela nous amène à un élément quelque peu troublant du rapport que les deux parties ont mentionné. Je parle ici de la formulation exacte de l'instruction officielle par rapport à la façon dont le même texte est présenté dans le rapport de l'agent de SST mentionné dans le paragraphe précédent. Je décrirais ceci comme étant une divergence entre les deux textes.

[195]             Comme argument préliminaire, l'appelante a présenté cette divergence comme une tentative possible de tromper le Tribunal. Selon moi, il n'est pas nécessaire de rendre une décision sur ce point pour disposer de l'affaire. Je ne le ferai donc pas. Cela étant dit, ce serait de la négligence de ma part si je ne mentionnais pas que cette divergence entre les deux textes est curieuse.

[196]             Quoi qu'il en soit, il suffit de lire la curieuse formulation dans le rapport de l'agent de SST Wong pour se rendre compte que le mot contesté, « and » (« et »), tel qu'il figure dans l'instruction, doit être ignoré pour que la phrase soit correcte sur le plan grammatical, ou logique sur le plan de la syntaxe ou de l'interprétation.

[197]             Puisque c'est d'abord et avant tout le texte ou le libellé de l'instruction elle-même qui vise l'employeur, mon examen de la présente affaire a porté et portera sur le libellé exact de l'instruction. Ainsi, je dois noter qu'en lisant le rapport de l'agent de SST, j'ai ignoré le mot qui pose problème, « and » (« et »), qui se trouve dans l'instruction.

[198]             Au début de la présente décision, j'ai brièvement fait allusion au fait qu'en lisant le rapport de l'agent de SST Wong, j'ai noté de nombreuses mentions de sujets qui, d'après moi, pouvaient être en dehors de ma juridiction, et qui semblaient avoir grandement influencé les opinions exprimées par l'agent de santé et de sécurité. J'ai déjà souligné, en citant ce rapport, l'affirmation par l'agent de SST que les refus de travailler à l'origine des instructions qui nous occupent pourraient avoir été mis en scène pour forcer une décision au sujet du chargement par le trou de chargement de ciment, sans tenir compte de nombreuses questions touchant la navigation. Je me hâte de conclure que mon examen de tous les documents qui m'ont été présentés n'appuie pas une telle allégation.

[199]             De plus, on ne peut ignorer le fait que, lorsqu'il exprime son avis au sujet de l'opération de chargement par le trou de chargement de ciment, l'agent de SST Wong fait, dans son rapport d'enquête, de nombreux commentaires sur ce qui suit [Traduction] : « l'État du pavillon » d'un navire ou la « permission de l'État du pavillon » ou la permission de la « société de classification au nom de l'État du pavillon »; l'appui de l'Organisation maritime internationale (OMI); l'autorité du chef de bord d'un navire; le fait que l'équipage du navire, qui peut jouer un rôle dans cette opération, n'a pas de formation ni de procédure pertinente; le fait que des navires et équipages battant pavillon étranger sont touchés, et le fait qu'il pourrait être prudent que « l'État du pavillon proposant présente la question directement à l'OMI par l'intermédiaire de son propre gouvernement [...] pour une recherche complète et crédible et une mise en œuvre au moyen d'un acte international par l'intermédiaire de l'Organisation maritime internationale ».

[200]             Cette dernière suggestion avait été faite afin de s'assurer que la décision au sujet du chargement par le trou de chargement de ciment ne serait pas une mesure unilatérale du Canada [Traduction] « ou d'un seul État, mais un consensus sur le plan international ».

[201]             La preuve non contestée est à l'effet que les navires qui transportent du grain et qui sont donc touchés par la question du chargement par le trou de chargement de ciment au port de Vancouver sont tous exploités sous des pavillons étrangers et ne relèvent donc pas des dispositions du Code canadien du travail touchant la navigation et le transport des marchandises. Par conséquent, il est important de souligner que ces questions ne relèvent pas de ma compétence.

[202]             Il n'y a pas de doute qu'à titre de chef de bord du navire, le capitaine peut toujours permettre ou interdire le chargement de son navire de la façon qu'il juge pertinente. Ainsi, on pourrait évidemment s'attendre à ce que le capitaine juge pertinent de respecter les règles de l'État du pavillon du navire.

[203]             Quoi qu'il en soit, cette question n'entre pas directement dans mon examen puisque ma compétence se limite au Code et que mon rôle n'est donc pas d'évaluer la santé et la sécurité au travail de l'équipage d'un navire étranger. Le Code me donne toutefois le pouvoir de prendre des décisions au sujet de la santé et sécurité au travail des débardeurs, dont les tâches relèvent d'une entreprise fédérale, notamment en ce qui a trait à leurs responsabilités au cours des activités de chargement à bord d'un navire.

[204]             À cet égard, lorsqu'on évalue les tâches des débardeurs, il ne faut pas se demander si elles sont autorisées par l'État du pavillon, l'OMI ou le chef de bord, mais plutôt si elles sont exécutées dans des conditions qui ne constituent pas un danger au sens du Code.

[205]             Comme il a déjà été mentionné, je dois trancher ces questions en fonction de la prépondérance des probabilités. Par conséquent, même si chacune des parties a avancé sa position dans ses observations écrites, aucune partie ne doit se décharger d'un fardeau de la preuve particulier. Je tiendrai donc compte de leurs observations respectives pour prendre une décision.

[206]             Lorsqu'il évalue les observations de chacune des parties, il incombe à l'agent d'appel de tenir compte du Code et des circonstances de la présente affaire, plus particulièrement de la définition de « danger » et des dispositions de la législation qui régissent le droit de refus et l'intervention d'un agent de santé et de sécurité.

[207]             La notion ou le concept de « danger » est défini dans le Code et cette définition a fait l'objet de nombreuses interprétations par d'autres agents d'appel, ainsi que pas des tribunaux dans le cadre de révisions. La définition elle-même se trouve au paragraphe 122(1) du Code :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats —, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[208]             En tant que tel, le concept de « danger » ainsi défini n'exige pas un lien obligatoire de cause à effet entre le risque, la situation ou la tâche et la blessure ou la maladie (il suffit qu'il soit raisonnablement possible), et il n'exige pas que l'existence du risque, de la situation ou de la tâche soit établie précisément dans le temps. En ce sens, et particulièrement pour prendre la décision dans la présente affaire, il est important de tenir compte des mots de Madame la juge Gauthier dans l'arrêt Verville:

Sur ce point, je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin […] n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront à l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[209]             Bien que la jurisprudence démontre clairement que la notion du moment dans la manifestation d'une situation, d'un risque ou d'une tâche n'est pas primordiale, on ne peut toutefois ignorer que cet élément est toujours présent dans le cadre de l'évaluation du fondement du refus de travailler d'un employé, et l'instruction émise peut en tenir compte. Ainsi, la juge Tremblay-Lamer a déclaré dans l'arrêt Martin c. Canada (Procureur général)Footnote 4que :

J'estime malgré tout que la nouvelle définition [de « danger » adoptée en 2000] rend nécessaire un élément d'imminence, la blessure ou la maladie devant survenir « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ».

[210]             La juge Gauthier a commenté la notion de temps dans l'arrêt Verville:

Je ne crois pas non plus que la définition exige que toutes les fois que la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, elle causera des blessures. La version anglaise « could reasonably be expected to cause » nous dit que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[211]             Les dispositions de la législation qui traitent du droit de refuser de travailler et, par extension, l'intervention d'un agent de santé et de sécurité pour établir s'il existe un « danger », et la pertinence d’émettre des instructions correctives, sont toutes fondées sur le concept de « danger » tel que décrit dans le Code. Par conséquent, l'interprétation et l'application de ces dispositions doivent aussi suivre les décisions des tribunaux mentionnées précédemment.

[212]             Cela étant dit, dans le cadre de cette interprétation et application, il faut également être conscient de la formulation réelle et des mots que le législateur a utilisés pour formuler ces dispositions.

[213]             Autrement dit, bien que ces dispositions soient rédigées de façon à ce qu'elles s'appliquent généralement à toute situation pouvant survenir qui est visée par la loi, je suis d'avis qu'elles sont également formulées de manière à exiger un élément de spécificité afin d'isoler leur application à des cas et circonstances particuliers.

[214]             Ainsi, la définition de danger est de toute évidence formulée pour indiquer une application générale, sans spécificité, puisqu'elle parle de « situation, tâche ou risque » sans employer d'article défini (la version anglaise emploie d'ailleurs le terme « any »). Toutefois, dans cette même définition, lorsqu'une mesure corrective est envisagée (« le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée »), la formulation change et utilise l'article défini. À mon avis, cela indique que même s'il peut y avoir un concept général de « danger » à appliquer dans le cadre de la législation, dans l'éventualité où un employé allègue qu'il y a un danger, il est nécessaire de l'identifier précisément. Il en est ainsi puisqu'une mesure corrective spécifique peut être nécessaire.

[215]             Je conviens qu'une telle distinction pourrait sembler fragile si elle ne devait s'appuyer que sur la définition de « danger » par le Code. Toutefois, compte tenu des droits et mesures beaucoup plus spécifiques des employés, y compris les mesures de tiers, cette nuance dans la formulation ne peut, d'après moi, être ignorée. À cet égard, il suffit de lire le paragraphe introductif du paragraphe 128(1), qui a déjà été reproduit plus tôt dans la présente décision.

[216]             Compte tenu de ce qui précède, je suis d'avis qu'un élément de spécificité est nécessaire dans le cadre de l'intervention de l'agent de santé et de sécurité. Ma décision à ce sujet est renforcée par

ma compréhension que le droit au refus de travailler et son exercice constituent des droits personnels d'un employé, d'employés pour leur propre compte et aussi pour le compte d'autres employés.

[217]             Autrement dit, je suis d'avis que le Code exige que le droit au refus de travailler soit exercé personnellement par un ou plusieurs employés pour des raisons liées à un danger qui sont spécifiques ou personnelles pour cet ou ces employés. Par conséquent, le processus d'enquête d'un agent de SST exige que celui-ci tienne compte des raisons personnelles initialement invoquées pour appuyer le refus. Cela doit être pris en compte dans la décision éventuelle d’émettre une instruction compte tenu du pouvoir de redressement de l'agent de SST.

[218]             Je suis donc d'avis qu'il est primordial de connaître avec une certaine spécificité ce qui a été invoqué pour appuyer le refus de travailler avant ou en plus d'être instruit sur ce que la mesure corrective ordonnée doit être. Puisque, en vertu de la législation, l'instruction émise par un agent de santé et de sécurité constitue l'avant-dernière confirmation de la réalisation du processus prévu par la législation, je suis d'avis que l'instruction doit intégrer tous les éléments essentiels et pertinents à ce processus d'une façon suffisamment informative.

[219]             Cela m'amène à parler de la formulation réellement employée dans l'instruction émise à l'appelante, DP World. On pourrait dire que ce sont deux instructions qui ont été émises, mais en réalité l'instruction émise directement aux employés ayant invoqué le refus de travailler, Guzzo et Sullivan, est formulée de telle façon que mes commentaires au sujet de la première s'appliquent entièrement à la seconde.

[220]             Je suis d'avis qu'il y a très certainement des situations où des lacunes dans la « forme » d'une instruction auront des conséquences sur le fonds de l'instruction. Toutes les instructions doivent être considérées de manière générale comme faisant partie des moyens dont se sert l'agent de santé et de sécurité pour informer la partie à qui l'instruction est destinée des résultats de l'enquête de l'agent de SST au sujet du refus de travailler. Cela s'explique par le fait que l'instruction indique à tout le moins ce qu'est le danger et quelles sont les mesures correctives qui doivent être prises. J'affirme qu'une instruction constitue le « moyen » d'informer la partie parce que le paragraphe 129(4) du Code oblige l'agent de SST qui conclut à l'existence d'un danger d'en informer « aussitôt » l'employeur et l'employé.

[221]             Dans l'affaire qui nous occupe, l'avis et les instructions ont été donnés par écrit, apparemment le même jour que les refus de travailler (le 25 octobre 2010). Le dossier qui m'a été présenté indique que le rapport d'enquête de l'agent de SST n'a été transmis aux parties qu'à une date ultérieure.

[222]             Il suffit de lire l'instruction émise à l'appelante pour noter qu'il n'y a aucune mention d'un danger pouvant être associé aux employés qui avaient refusé de travailler et qui cherchaient une protection en exerçant ce droit. Cela signifie que je suis d'accord avec l'argument de l'appelante que l'agent de SST Wong n'a pas décrit dans l'instruction la présence d'un risque réel ou éventuel qui aurait exigé que les employés soient immédiatement protégés.

[223]             Comme je l'ai déjà mentionné, une simple lecture de l'instruction elle-même m'amène à conclure que le seul élément qui y est mentionné qui pourrait évoquer une notion potentielle de danger est la mention de la sonde d'opacité visuelle et du fait que la section locale 500 du Syndicat, l'intimé, avait des préoccupations au sujet de cet appareil. Il est vrai que, dans son rapport, l'agent de SST Wong a bien mentionné que le refus du 25 octobre 2010 était lié [Traduction] « au rapport d'ingénierie, à la sonde et à diverses autres questions » et que « pendant le refus d'effectuer le chargement le 25 octobre 2010, les employés ont présenté diverses plaintes et questions au sujet du rapport de Genesis à propos de la sécurité […]. Une des questions portait sur la façon dont la sonde exprime la poussière céréalière (gm/m3). »

[224]             Il n'y a toutefois aucun détail au sujet du danger touchant directement les employés qui avaient refusé de travailler. Je n'ai aucune difficulté à accepter la position adoptée par l'appelante selon laquelle, dans ce dossier : [Traduction] « la seule référence possible à un danger allégué dans les instructions de 2010 de l'agent de SST Wong [...] est la mention des "préoccupations soulevées par la section locale 500 du Syndicat au sujet de la sonde d'opacité visuelle utilisée pour le chargement du grain". » Selon moi, il s'agit d'un énoncé général qui ne donne certainement pas de précision au sujet du danger auquel faisaient face les employés qui avaient refusé de travailler.

[225]             Cela étant dit, je comprends comment on peut raisonner que les préoccupations du Syndicat peuvent comprendre la situation touchant les employés qui avaient refusé de travailler au moment du refus, ou s'y rapporter d'une certaine façon. Néanmoins, ce raisonnement pose problème, puisqu'il y a des éléments de preuve présentés par l'appelante, éléments de preuve qui n'ont pas été contestés dois-je préciser, provenant de l'un des participants à l'enquête au sujet des refus (Donovan Hides), selon lequel pendant [Traduction] « [les] discussions des parties durant l'enquête de l'agent de SST Wong, la poussière était claire pendant le versement (le superviseur de l'opération pouvait voir bien plus loin que la sonde d'opacité, jusqu'à la pile de grain dans la cale), ce qui appuie la conclusion qu'il n'existait pas de danger pendant le processus de chargement ».

[226]             Par conséquent, on peut conclure que l'instruction comporte des lacunes, puisqu'en raison de sa formulation, il est certainement difficile d'établir ce que les employés qui ont refusé de travailler cherchent à faire valoir, dans la mesure où l'on doit « déterminer les probabilités que ce (qu'ils affirment) se produise plus tard », pour reprendre les mots du juge Rothstein dans l'arrêt Martin, mentionné ci-dessus au paragraphe 52. Cette spécificité est essentielle pour déterminer si la question ou la situation décrite constitue un danger pour les employés. À mon avis, on aurait pu validement plaider que cette lacune serait suffisante pour invalider l'instruction.

[227]             L'appelante cependant, tout en mentionnant brièvement les lacunes de cette instruction, a plutôt choisi de contester l'instruction parce que les arguments de l'intimé ne soulevaient que des préoccupations spéculatives ou hypothétiques au sujet de l'utilisation de la sonde d'opacité et que, en réalité, le Syndicat n'avait pas formulé d'argument ou de motif convaincant, ni même offert un exemple particulier convaincant de situation où les employés auraient pu faire face à un danger en utilisant la sonde.

[228]             Présentée de manière générale, la position de l'appelante est que, en réponse à une instruction antérieure visant la même opération, une étude ou plutôt plusieurs études avaient été effectuées par un expert (G. Esplin, Genesis Engineering Inc.) au sujet de la sécurité du chargement du grain par le trou de chargement de ciment, ce qui avait mené non seulement à la conception et à l'adoption d'un outil spécifique pour mesurer et contrôler l'accumulation de poussière céréalière pendant cette opération (la sonde d'opacité visuelle), mais aussi à l'élaboration de procédures de travail sécuritaire à suivre pendant cette opération, et que le tout avait été jugé conforme à l'instruction antérieure. L'appelante fait également valoir que rien de ce qui a été avancé par l'agent de SST Wong pendant son enquête ou par l'intimé dans ses observations ne pourrait appuyer l'existence d'un danger.

[229]             Dans son opposition à l'appel, l'intimé, la section locale 500 du Syndicat, affirme aussi de façon générale que les rapports de Genesis ne réglaient pas entièrement les problèmes de sécurité liés à l'opération de chargement par le trou de chargement de ciment et à la sonde d'opacité. L'intimé a également fait valoir que la sonde d'opacité visuelle est un outil inadéquat pour mesurer la poussière céréalière lorsque la sécurité des employés est en jeu. D'autres points que l'intimé a fait valoir voulaient que plusieurs de ses préoccupations en matière de sécurité n'ont pas été prises en compte et que les procédures de travail sécuritaire adoptées par l'appelante en lien avec l'opération de chargement du grain sont insuffisantes ou incomplètes puisque, selon l'intimé, il n'avait pas été consulté, ou ne l'avait pas été suffisamment, pendant leur élaboration.

[230]             En termes très généraux, il est clair que les préoccupations exprimées par le Syndicat portent sur deux principaux points. Tout d'abord, il y a les risques associés à l'accumulation de poussière céréalière, particulièrement le risque d'explosion. Sur ce point, j'accepte le fait non contesté que la poussière céréalière a, dans certaines conditions, une capacité explosive. La deuxième préoccupation de l'intimé porte sur l'utilité, le caractère adéquat et l'efficacité de la sonde d'opacité visuelle à titre d'outil de protection ou de moyen de contrer le risque d'explosion de la poussière céréalière accumulée pendant le chargement par le trou de chargement de ciment.

[231]             Pour prendre ma décision, j'ai lu en entier le rapport de l'agent de SST Wong, tous les rapports de Genesis Engineering résultant des instructions antérieures de l'agent de SST D'Sa, les procédures de travail sécuritaire adoptées en réponse à ces rapports, les commentaires présentés par l'intimé au sujet des rapports de Genesis et ceux présentés en réponse par G. Esplin de Genesis.

[232]             Au sujet de ces commentaires, j'ai noté qu'il avait été déclaré, sans que cela ne soit contesté, que les préoccupations et les questions soulevées par le Syndicat et d'autres personnes (comme les ingénieurs de RHDCC) avaient été prises en compte dans la formulation de ses conclusions par Genesis.

[233]             J'ai également lu et examiné les rapports des deux ingénieurs de RHDCC (Karpinsky et Vandoros) que l'intimé jugeait très importants. De plus, j'ai aussi pris note non seulement de leur contenu, mais aussi du fait que ces rapports précédaient l'adoption des procédures de travail sécuritaire qui étaient en vigueur au moment des refus de travailler au cœur de la présente affaire.

[234]             En ce qui a trait au contenu des rapports de ces ingénieurs, je n'y ai pas trouvé de conclusions qui sont suffisamment solides et convaincantes pour m'inciter à leur accorder la même importance que l'intimé. Par exemple, le rapport de Vandoros mentionne ce qui suit :

[Traduction] Les rapports (de Genesis) ont été préparés de façon professionnelle et ont été bien documentés, mais, au sujet de l'affirmation qu'il n'y avait pas de source d'inflammation dans la cale des navires, « cela pourrait être inexact » et, « en résumé, les rapports de la BCMEA et de M. Esplin, bien que préparés de façon professionnelle, pourraient être un peu trop optimistes au sujet de l'hypothèse qu'il n'y avait « pas de source d'inflammation » et « une LEI de 50 g/m3 ».

[235]             Avec ce type de formulation, il serait difficile d'en tirer des conclusions solides et convaincantes. Dans le cas du rapport de Karpinsky, sa conclusion est que :

[Traduction] En général, compte tenu des essais effectués par M. Esplin, les concentrations de poussière dans la cale sont bien en deçà de 10 g/m3 (50 % de la LEI de 20 g/m3, lorsqu'il n'y a pas de source d'inflammation). Néanmoins, en raison de facteurs limitatifs qui rendent sécuritaire le chargement du grain par le trou de l'écoutille, soit les différentes LEI qui peuvent s'appliquer, les variations de la concentration de la poussière céréalière dans la cale des navires, la vitesse de remplissage, la ventilation, le risque d'inflammation par l'électricité statique et la nature explosive de la poussière céréalière, l'opération devrait être considérée dangereuse et, si les navires sont chargés par les trous de chargement de ciment, l'employeur doit veiller à la satisfaction des exigences de sécurité en vertu du Règlement SSTMM, y compris celles mentionnées par M. Esplin dans son rapport.

[236]             Encore une fois, je mentionne que les mesures suggérées dans les rapports de Genesis semblent avoir été adoptées et qu'il n'y a pas de preuve concluante que les exigences de sécurité prévues dans le SSTMM n'ont pas été satisfaites. Par conséquent, je suis d'avis que je ne peux pas légitimement conclure à l'existence d'un danger en me fondant sur ces deux rapports.

[237]             J'ai également noté ce qui suit pour en arriver à ma conclusion. D'abord, au moment des refus de travailler, non seulement diverses études, comme les rapports de Genesis, avaient été terminées et les réponses et explications de leur auteur (G. Esplin) aux questions et objections de l'intimé avaient été reçues, mais l'outil visant à aider à contrôler l'accumulation de la poussière céréalière (la sonde d'opacité visuelle) pendant les opérations de chargement avait été conçu et était utilisé.

[238]             J'ai également noté que les procédures de travail sécuritaire élaborées en réponse aux études de Genesis avaient été adoptées et étaient appliquées. Bien qu'il soit vrai que l'intimé avait exprimé son insatisfaction au sujet de ces procédures de travail sécuritaire, il n'a présenté aucun argument convaincant voulant qu'elles ne pouvaient pas assurer la sécurité des employés ou qu'elles ne pourraient pas le faire de manière efficace.

[239]             Une deuxième constatation importante qui m'a amené à ma conclusion est que la preuve démontre que la sonde d'opacité visuelle est, jusqu'à maintenant, le seul appareil viable et pratique pouvant être utilisé efficacement dans ce type d'opération de chargement pour contrôler l'accumulation de poussière céréalière et aussi pour offrir la possibilité de moduler le débit de grain dans le navire tout en demeurant à l'intérieur des paramètres sécuritaires. À cet égard, il convient de répéter que, même si l'intimé a exprimé son insatisfaction au sujet de cet appareil, il n'a pas présenté de solution de rechange pratique.

[240]             Troisièmement, même si la conformité à l'instruction de l'agent de SST Wong peut ne pas être directement pertinente pour ma décision, je ne peux ignorer le fait qu'en réponse à cette instruction, un tiers compétent a évalué les rapports de Genesis, comme il lui avait été demandé, et a jugé que les conclusions de ces rapports étaient fondées sur des principes scientifiques et une méthodologie valables. De plus, il est bon de noter le fait que l'appelante et la BCMEA n'ont pas considéré comme définitives les mesures suggérées et prises à la suite des études de Genesis. Elles se sont plutôt engagées à continuer de chercher des améliorations si les circonstances futures l'exigent.

[241]             Le quatrième élément qui m'a amené à ma conclusion est que, mise à part la preuve limitée à ce sujet, au moment des refus de travailler à l'origine de cet appel, l'accumulation de poussière dans la cale du navire peu avoir été négligeable puisqu'on pouvait apparemment voir jusqu'à la pile de grain dans la cale. En outre, je tiens également compte du fait que les parties n'ont soumis à mon évaluation aucune preuve significative au sujet des circonstances particulières ou personnelles touchant les deux employés qui ont refusé de travailler.

[242]             Cela étant dit, je m'en voudrais d'ignorer le fait que la poussière céréalière peut être explosive et qu'une opération comme celle du chargement par le trou de chargement de ciment comporte bien des risques qui doivent être atténués, ce qui exige la prise de mesures par l'employeur et leur mise en œuvre pour prévenir les circonstances favorables à une telle explosion.

[243]             Dans les affaires qui nous occupent, je suis d'avis que la conception et l'utilisation de la sonde d'opacité visuelle ainsi que l'adoption et l'application des procédures de travail sécuritaire sont des mesures qui réduisent le niveau de risque, et que par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, le dossier appuie la conclusion que, au moment des refus de travailler et de l'enquête de l'agent de SST Wong, il n'existait pas de danger et donc aucun fondement pour les instructions que ce dernier a émises par la suite.

[244]             Cela m'amène à l'appel incident de la section locale 500 du Syndicat. Comme il a été mentionné au début de la présente décision, alors que l'appelante DP World contestait l'existence d'un danger dans le cadre de son appel, l'appelant à l'appel incident, le Syndicat (section locale 500), contestait l'instruction émise à DP World au motif qu'elle était incomplète ou manquait de détails. La position de l'appelant à l'appel incident était donc que l'instruction devait être modifiée pour tenir compte des préoccupations de l'appelant à l'appel incident au sujet de la sonde d'opacité. L'appelant à l'appel incident a aussi fait valoir que l'employeur devrait être obligé de tenir compte des préoccupations de l'appelant à l'appel incident au sujet des conditions dangereuses pendant le chargement par le trou de chargement de ciment et de la méthodologie des rapports de Genesis.

[245]             L'appelant à l'appel incident a aussi plaidé qu'on devait demander à l'employeur de faire examiner ces rapports par un autre tiers qualifié à la lumière de ces préoccupations, et il demandait une instruction exigeant que d'autres essais soient menés à des taux d'humidité et des vitesses de versement différents. À ce sujet, l'appelant à l'appel incident a demandé qu'une telle instruction mentionne que, pendant l'examen des questions susmentionnées, il soit interdit aux employés de procéder à une telle opération de chargement (sauf pour effectuer des essais) jusqu'au moment de l'obtention de la conformité à l'instruction.

[246]             L'appelant à l'appel incident demande en réalité que l'employeur DP World ou la BCMEA, ou les deux, recommencent le processus ayant mené à l'étude de Genesis, à la conception de la sonde d'opacité et à l'élaboration des procédures de travail sécuritaire. Ainsi, l'instruction modifiée que demandait l'appelant à l'appel incident exigerait que la conclusion à l'existence d'un danger soit maintenue.

[247]             J'ai déjà conclu qu'il n'existait pas de danger justifiant l'émission des instructions de l'agent de SST Wong. Il va donc de soi que, en l'absence d'un danger, l'instruction n'a plus de fondement et la modification de cette instruction non plus. C'est ce que j'en conclus. Cela entraîne par conséquent le rejet de l'appel incident de la section locale 500 du Syndicat.

[248]             Compte tenu de tout ce qui précède, la seule question en suspens concerne la question de la consultation et le fait que l'appelante, DP World, affirme s'être conformée à son obligation en vertu du Code de consulter l'appelant à l'appel incident, la section locale 500 du Syndicat, relativement à l'adoption des procédures de travail sécuritaire. Autrement dit, la position défendue par l'appelant à l'appel incident, la section locale 500 du Syndicat, est qu'il n'a pas été consulté de manière adéquate à ce sujet.

[249]             Il n'est pas nécessaire que je me prononce sur cette question pour disposer de l'appel interjeté à l'encontre des instructions émises par l'agent de SST Wong. J'offre néanmoins les commentaires suivants.

[250]             D'abord, l'obligation de consulter est une obligation de l'employeur en vertu de l'alinéa 125(1)z.06) du Code. L'obligation de lancer la consultation et de l'effectuer incombe donc à l'employeur.

[251]             Deuxièmement, je suis entièrement d'accord avec la position de l'appelante à ce sujet, soit que la consultation ne signifie pas nécessairement qu'il y a accord et que cette consultation, comme il est mentionné dans la décision du Conseil canadien des relations industrielles déjà citée, est [Traduction] « une obligation de répondre aux préoccupations de l’autre partie et d’en tenir compte de façon équitable ».

[252]             Je suis toutefois d'avis que les mesures ou les positions prises par une partie dans le but de retarder un processus de consultation normal, d'y faire obstruction ou de lui nuire ne devraient pas permettre de conclure qu'elle ne se conforme pas à l'obligation de consulter.

[253]             Compte tenu de cela, j'ai examiné le nombre considérable de communications entre les parties, noté l'essence de chacune d'entre elles et évalué les positions de chaque partie. J'en suis venu à la conclusion que l'appelante et la BCMEA avaient réellement tenté d'informer adéquatement la partie opposée et de demander son opinion.

[254]             Cette consultation semble avoir commencé au début de 2009, pendant l'enquête et les essais de Genesis, et elle s'est poursuivie jusqu'en octobre 2010, lorsque l'appelante a recommencé le chargement du grain par le trou de chargement de ciment après l'adoption et la mise en œuvre des procédures de travail sécuritaire.

[255]             Mon examen de toutes ces communications et de la correspondance entre les parties au cours de cette période m'a aussi permis de constater que le Syndicat était plutôt réticent à participer au processus de consultation.

[256]             Toutefois, cela étant dit, j'ai reçu dans le dossier des documents indiquant qu'une consultation adéquate avait eu lieu. Bien que le Syndicat affirmait que la consultation n'avait pas été satisfaisante, je ne crois pas qu'il y ait raison de le croire.

[257]             À ce sujet, il est important de noter que ce même Syndicat était prêt à reconnaître, par une convention signée et datée du 16 février 2011 (soit avant le présent appel) que [Traduction] « conformément à la correspondance antérieure, [...] la BCMEA et les employeurs qui en sont membres ont répondu à toutes leurs obligations réglementaires au sujet de la consultation du Syndicat au sujet du chargement par le trou de chargement » et que les deux parties avaient convenu [Traduction] « que la pratique du chargement du grain par les trous de chargement, décrite dans les procédures de travail actuelles (les procédures de travail sécuritaire), ci-jointes, avait été jugée une pratique de travail sécuritaire, quoique contestée en appel par le Syndicat ».

[258]             Ce document, dont l'appelante m'a donné copie, semble avoir été conclu dans le but de résoudre un conflit entre les mêmes parties devant un autre tribunal. Il ne porte aucune mention indiquant qu'il est confidentiel.

[259]             En elle-même, cette convention semble résoudre la question de la consultation, de la sécurité de l'opération de chargement par le trou de chargement et aussi du caractère acceptable des pratiques ou procédures de travail sécuritaire pour l'opération de chargement par le trou de chargement de ciment.

[260]             La position du Syndicat au sujet de ce document est qu'il est confidentiel, qu'il n'aurait pas dû m'être présenté et que je ne devrais pas tenir compte de son contenu. Sans donner de détails, le Syndicat mentionne une décision verbale rendue par un autre tribunal affirmant que le document était inadmissible parce qu'il s'agissait d'un document de règlement confidentiel.

[261]             Sans surprise, l'appelante a affirmé que je devrais conserver ce document à titre d'élément de preuve pour évaluer la crédibilité de l'intimé.

[262]             Sur cette question, je rappelle aux parties que je ne suis pas lié par les décisions d'un autre tribunal et que toute force persuasive qu'on voudrait accorder à d'autres organismes administratifs est évidemment tributaire de la communication des détails de l'affaire en question et des motifs qui sous-tendent la décision qui a été rendue. Par conséquent, je suis d'avis que cela exclut dans presque tous les cas les décisions rendues verbalement avec peu ou pas de motifs.

[263]             Cela étant dit, j'ai été quelque peu surpris par l'approche du Syndicat, qui allait essentiellement me laisser dans l'ignorance au sujet de sa propre reconnaissance qu'une consultation, jugée suffisante et acceptable par le Syndicat, avait eu lieu. Cela, en soi, contredit d'après moi l'affirmation par le Syndicat ainsi que la conclusion de l'agent de SST Wong qu'il n'y avait pas eu un niveau approprié de consultation.

[264]             L'exercice de consultation est un exercice dans le cadre duquel les parties transmettent de bonne foi leurs points de vue, leurs opinions, leurs préoccupations et même leurs objections, en vue d'éventuellement, mais non obligatoirement, faire changer d'avis l'autre partie. La consultation, c'est aussi agir de bonne foi afin de modifier sa position ou ses actions. Je ne peux pas dire, compte tenu de ce qui m'a été présenté, que ça a été le cas pour une des deux parties et je considère que cela est suffisant pour accorder peu d'importance à la position de cette partie.

[265]             Compte tenu de toute l'information qui m'a été donnée à ce sujet, je conclus que l'appelante DP World, directement ou par l'intermédiaire de la BCMEA, a satisfait à son obligation de consulter en vertu du Code et des exigences des agents de SST D'Sa et Wong.

[266]             Comme il est mentionné ci-dessus, ma décision au sujet de l'appel et de l'appel incident visant les instructions émises par l'agent de SST Wong ne dépend pas de ma conclusion au sujet de la consultation.

Décision

[267]             Compte tenu de tout ce qui précède, les instructions émises par l'agent de SST Wong le 25 octobre 2010 sont annulées. Par conséquent, l'appel de DP World est accueilli et l'appel incident de la section locale 500 du Syndicat est rejeté.

Jean-Pierre Aubre
Agent d'appel

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