2013 TSSTC 4

Référence : Darren Givoque et G4S Cash Solutions (Canada) Ltd., 2013 TSSTC 4

Date : 2013-01-24
Dossier : 2011-19
Rendue à : Ottawa

Entre :

Darren Givoque, appelant

et

G4S Cash Solutions (Canada) Ltd., intimée

Affaire : Questions préliminaires

Décision :
a) L’appel se déroulera à huis clos.
b) L’appel a été interjeté dans le délai imparti.
c) Le témoin expert sera soustrait à l’application de l’ordonnance excluant des témoins.
d) Une décision sur cette question n’est pas nécessaire.

Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, Agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour l’appelant : Mme Niki Lundquist, avocate-conseil associée, TCA - Canada

Pour l’intimée : M. Ben Ratelband, avocat, McCarthy Tétrault, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

MOTIFS

[1]             La présente affaire porte sur des questions provisoires dans le cadre d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’une décision d’absence de danger rendue par M. Dave MacNeil, agent de santé et de sécurité (agent de SST), Programme du travail, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, le 3 mars 2011. La décision a été rendue à la suite d’un refus de travailler de M. Givoque, un employé de G4S Cash Solutions (Canada) Ltd. (ci-après, « G4S ») le 11 février 2011, au Phoenix Pub and Eatery, à Brockville, en Ontario.

Contexte

[2]             Le 15 octobre 2012, après une visite du site, une brève audition a eu lieu dans le but de trancher les questions préliminaires faisant l’objet du présent appel concernant la production de documents et des questions procédurales. Les quatre questions préliminaires suivantes ont été soulevées et seront abordées ci-dessous.

Questions en litige

[3]             Les questions préliminaires sont les suivantes :

    a) Demande d’une audition à huit clos;

    b) Présentation de l’appel dans le délai imparti;

    c) Demande de dérogation à l’ordonnance excluant des témoins;

    d) Ordonnance de production de documents.

Observations des parties et décisions

a) Demande d’une audition à huit clos

[4]             En ce qui concerne la première question, les parties ont conjointement présenté une proposition pour tenir une audition à huis clos dans le but de protéger la confidentialité des activités en matière de sécurité de l’entreprise de l’intimée, G4S. Je suis d’accord que le huis clos est justifié compte tenu des circonstances de l’espèce. Les parties ont proposé un libellé précis pour l’ordonnance. Je conclus que, dans l’ensemble, le libellé de l’ordonnance proposé est acceptable; cependant, j’en ai modifié la forme et le contenu pour le rendre conforme à la façon dont le Tribunal met en forme des ordonnances de ce genre. L’ordonnance réelle se trouve à la fin de la présente décision.

b) Présentation de l’appel dans le délai imparti

Observations de l’intimée

[5]             L’intimée a demandé qu’une décision soit rendue sur la question de savoir si j’outrepasse ma compétence pour entendre le présent appel, puisque ce dernier a été déposé un jour après le délai de prescription de dix jours qui est énoncé dans le Code, en vertu du paragraphe 129(7). Cet argument est présenté parce que la décision de l’agent de SST Mac Neil est datée du 3 mars 2011, alors que l’appel à l’encontre de cette décision n’a pas été interjeté avant le 14 mars 2011.

Observations de l’appelant

[6]             À ce sujet, l’appelant a soutenu que le 10e jour suivant le 3 mars 2011 tombait un dimanche, ce qui permet de déposer l’appel le lundi suivant, ce que l’appelant a fait.

[7]             En outre, l’appelant a soutenu qu’il a reçu la décision par courrier électronique, soit le 7 ou le 8 mars, plusieurs jours après que la décision a été rendue.

Décision :

[8]             Le dernier jour pour déposer l’appel à l’encontre de la décision d’absence de danger rendue par l’agent de SST Mac Neil était de 13 mars 2011. Parce que cette date tombait un dimanche, l’appel a été interjeté en temps opportun le 14 mars 2011. Lorsque le dernier jour pour interjeter appel tombe un jour férié, le Tribunal accepte que le premier jour ouvrable suivant cette date limite soit la date d’échéance réelle pour le dépôt du recours. Dimanche, le jour de la semaine où la date limite tombait pour interjeter le présent appel, est considéré comme un « jour férié », conformément à l’article 35 de la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21). Le calcul des délais face à un appel qui dispose d’une date limite de dépôt qui tombe un « jour férié » est prévu à l’article 26 de la Loi susmentionnée.

[9]             Compte tenu de ce qui précède, je retiens ma compétence pour juger l’affaire.

c) Demande de dérogation à l’ordonnance excluant des témoins

Observations de l’intimée

[10]             J’ai antérieurement accordé une demande conjointe des parties pour l’exclusion de témoins précis dans le cadre du présent appel. Cependant, l’intimée demande une dérogation à l’ordonnance excluant des témoins dans le but de permettre à M. Soave, un témoin expert que G4S entend appeler à la barre, d’être présent lors de l’audition d’autres témoignages.

[11]             L’intimée demande une dérogation à l’exclusion des témoins pour M. Soave au motif que sa présence est nécessaire pour fournir des instructions à l’avocat de G4S sur des questions techniques.

[12]             Plus particulièrement, l’intimée a fait valoir qu’en raison de la nature technique et propre à un secteur d’activité de la preuve qui sera présentée dans le présent appel, et de son expertise en matière d’application de la loi et de sécurité, M. Soave devrait être exempté de l’ordonnance d’exclusion en raison de sa capacité à aider les avocats à reconnaître et à déterminer les distinctions subtiles factuelles qui peuvent survenir au cours du présent appel.

[13]             Deuxièmement, l’intimée a affirmé qu’il serait dans l’intérêt de l’efficacité de compter sur la présence de M. Soave, car cela lui permettrait d’entendre les questions et les faits au fur et à mesure qu’ils sont formulés au cours de l’audition.

[14]             Troisièmement, l’intimée fait observer que la présence de M. Soave permettrait de faire ressortir les faits saillants aux fins de mon examen en tant que juge des faits.

Observations de l’appelant

[15]             Au contraire, l’appelant a soutenu qu’il a déjà consenti à soustraire de la mesure d’exclusion MM Honan, Johnson et Sheen afin de leur permettre d’agir comme conseillers à l’avocat de G4S. Bien que l’appelant ait conclu que les raisons invoquées pour soustraire ces personnes de l’exclusion des témoins étaient acceptables, l’appelant s’oppose à l’ajout de M. Soave à la liste des témoins exonérés. L’opposition de l’appelant se fonde partiellement sur l’affirmation que l’intimée n’a pas fourni d’explication quant à la raison pour laquelle la présence de M. Soave est nécessaire alors qu’il y aurait déjà trois directeurs de G4S qui fourniraient des instructions à l’avocat de l’intimée à l’égard des activités et des véhicules de G4S et de ses procédures en matière d’affectation d’équipage.

[16]             En outre, l’appelant a soutenu qu’il existe une présomption en faveur d’une ordonnance d’exclusion dans les cas où une partie en fait la demande. Pour étayer cette position, l’appelant a cité les décisions suivantes : Wiebe c. Canada [1992] 2 C.F. (appel), 592, au paragraphe 7 (Q.L.); The Canadian textbook, The Law of Evidence in Canada, 3e éd., précité, p. 1099; ainsi que les décisions récentes du TSSTC, notamment Johnstone c. Service correctionnel du Canada TSSTC-05-020 et Éric V. c. Service correctionnel du Canada TSSTC-09-009.

[17]             Un motif supplémentaire invoqué par l’appelant pour s’opposer à l’exclusion de M. Soave est que l’exclusion des témoins est la norme, à moins que pour certaines raisons, l’affaire s’écarte de cette norme. Pour étayer cette affirmation, l’appelant a cité l’arrêt R. c. Murphy, [1994] N.J. n° 23, aux paragraphes 56-57 et Wiebe, au paragraphe 7.

[18]             L’appelant a affirmé en outre qu’une dérogation automatique à une ordonnance d’exclusion n’est pas accordée en fonction de la qualité pour agir d’un témoin expert à titre d’expert. Cet argument a été étayé par un renvoi à la décision Re Toronto Transit Commission and Amalgamated Transit Union, précitée, au paragraphe 7.

[19]             L’appelant a fait valoir que l’avocat de l’intimée a un accès suffisant à des conseillers ou témoins, soit les personnes que l’appelant a déjà consenti à soustraire de l’ordonnance d’exclusion de manière à leur permettre de mandater un avocat pour G4S. Pour cette raison, l’appelant a déclaré que la présence de M. Soave n’était pas indispensable pour fournir des instructions à l’avocat de G4S.

[20]             Un autre argument pour s’opposer à l’autre dérogation soulevée par l’appelant est que, compte tenu des dérogations déjà accordées, l’appelant pouvait être potentiellement lésé par la présence de la moitié des témoins de l’employeur dans la salle d’audience pendant le témoignage.

[21]             À titre d’observation subsidiaire, l’appelant a fait valoir que si je dois permettre à M. Soave d’être exempté, je dois l’obliger à témoigner en premier lieu, compte tenu de la règle 52.06(2) des Règles de procédure civile. L’appelant a en outre soutenu que je devrais imposer cette exigence en fonction des lignes directrices pertinentes prévues dans le « Guide de pratique pour l’instruction des appels » de 2007 du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada.

Réponse de l’intimée aux observations

[22]             L’avocat de l’intimée a reconnu que les parties avaient convenu qu’il est de mon pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’alinéa 146.2h) du Code, de déterminer si M. Soave peut être présent à l’audience pendant la déposition d’autres témoins qui déposeront sous serment. L’alinéa cité du Code se lit comme suit :

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

h) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

[23]             L’intimée a également reconnu que les parties ont convenu de la pertinence de l’ordonnance excluant les témoins, et des dérogations à cette exclusion qui ont été accordées.

[24]             Abordant les arguments de l’appelante, l’avocat de l’intimée a soutenu que, malgré la citation de l’appelant de la règle 52.06 des Règles de procédure de l’Ontario, à titre d’agent d’appel, je ne suis pas lié par ces Règles, mais j’ai plutôt un pouvoir discrétionnaire plus large pour ce qui est de déterminer la procédure d’audience et l’audition des témoignages. En outre, l’intimée a soutenu que, même si les Règles s’appliquaient, l’appelant interprète la disposition citée de façon trop étroite.

[25]             En outre, l’intimée a contesté que je ne devrais pas tenir compte des dérogations déjà autorisées pour déterminer si M. Soave devrait également être soustrait à l’application de l’ordonnance excluant des témoins. L’intimé a prétendu qu’il existe une différence entre soustraire une partie d’une ordonnance d’exclusion des témoins et dispenser un expert de l’application de cette ordonnance.

[26]             Plus précisément, l’intimée a soutenu que, tandis que les autres personnes exonérées étaient à juste titre dispensées parce qu’elles sont des représentants de la société intimée (G4S) et ont pour but de fournir une preuve factuelle, M. Soave est un témoin différent. L’intimée a soutenu que des considérations différentes s’imposent pour M. Soave parce qu’il ne joue aucun rôle dans les faits qui ont donné lieu au refus de travailler de l’appelant; il est plutôt un témoin expert destiné à donner des opinions d’expert sur les questions en litige. À ce titre, l’intimée maintient qu’on ne devrait pas refuser de dispenser M. Soave simplement parce que d’autres ont déjà été exemptés. Utilisant ce raisonnement pour appuyer la demande d’exemption pour M. Soave, l’intimé a cité l’affaire Kimvar Enterprises Inc. c. Simcoe (County) [2006] O.M.B.D. n° 103, au paragraphe 3.

[27]             L’intimée a également souligné qu’au paragraphe 7 de la décision Wiebe c. Canada citée par l’appelant, il est à noter qu’il s’agit d’une pratique courante des tribunaux d’exempter les représentants des parties et les experts d’une ordonnance d’exclusion des témoins. Ce point est soulevé pour soutenir l’argument que s’il s’agit d’une pratique courante des tribunaux, ce ne serait pas un problème pour moi d’accorder une telle exemption pour M. Soave étant donné que non seulement le processus d’appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code est un peu moins formel que les procédures judiciaires, mais je dispose, en tant qu’agent d’appel, d’un large pouvoir discrétionnaire pour déterminer ma propre procédure.

[28]             En réponse à l’observation subsidiaire de l’appelant, l’intimée a affirmé que parce que M. Soave n’est pas un témoin qui va expliquer les faits de l’espèce, mais plutôt un témoin expert, l’intimée ne voit pas de raison de principe pour laquelle je devrais me prononcer sur l’ordre dans lequel M. Soave témoigne. L’intimée a en outre affirmé que je devrais être réticent à exercer mon pouvoir discrétionnaire d’ordonner à l’une ou l’autre partie l’ordre dans lequel elle devrait choisir de présenter la preuve.

[29]             En outre, il est également noté par l’intimée que l’appelant s’est réservé le droit de soulever des questions de crédibilité lors de la présentation des arguments concernant le poids relatif qui devrait être accordé à la déposition des témoins entendus au cours de l’appel. À ce titre, l’intimée a fait valoir que dans le cas où une préoccupation légitime se pose en ce qui concerne le fait que M. Soave fait « concorder » la preuve, la question pourrait être soulevée et prise en considération par rapport au poids à accorder à une telle preuve au moment où je tire une conclusion dans le présent appel.

[30]             Enfin, l’intimée a fait valoir que permettre de soustraire M. Soave serait conforme à l’obligation d’équité énoncée dans l’affaire Homelite c. Canada [1987] 2 A.C.F. n° 537.

Décision

[31]             Sur cette question de soustraire M. Soave de l’application de l’ordonnance excluant des témoins, je suis convaincu par les arguments de l’intimée que la question de savoir si M. Soave devrait être exempté doit être prise en fonction de sa qualité de témoin expert. À ce titre, je trouve qu’il ne s’agit pas d’un argument convaincant de soutenir que M. Soave ne devrait pas être exempté, car il y a déjà trois représentants de G4S (témoins factuels) qui ont été exemptés. Par conséquent, étant donné que M. Soave doit témoigner comme témoin expert, la demande de dérogation à l’application de l’ordonnance excluant des témoins est accordée.

[32]             De plus, je trouve que l’argument de l’intimée est convaincant, à savoir que l’appelant est libre de s’opposer ou de soulever des préoccupations au cours de l’audience si M. Soave semble faire « concorder » son témoignage. Étant donné que l’appelant a le droit de contester la preuve de M. Soave, je vais prendre en considération toute objection ou tout argument pour déterminer le poids que je vais accorder au témoignage de M. Soave en rendant ma décision.

d) Ordonnance de production de documents

[33]             L’appelant a demandé que j’ordonne à l’intimée de produire des documents demandés dans une lettre envoyée à l’intimée le 12 octobre 2012, et de fournir des copies de dix documents différents.

[34]             Lors de l’audience du 15 octobre 2012, l’intimée a demandé des éclaircissements à l’appelant au sujet de certains des documents énumérés et un accord a été conclu entre les parties, soit de produire les documents demandés ou d’annuler la demande de la quasi-totalité des documents. Par conséquent, il n’est pas nécessaire pour moi de rendre une décision sur cette question.

Michael Wiwchar

Agent d’appel

ORDONNANCE

ATTENDU QUE M. Darren Givoque a interjeté appel de la décision rendue par l’agent de santé et de sécurité Dave Mac Neil, le 3 mars 2011, à la suite de son refus de travailler le 11 février 2011, au Phoenix Pub and Eatery à Brockville (Ontario);

ET ATTENDU QUE l’appelant et l’intimée sollicitent une ordonnance auprès de l’agent d’appel selon laquelle :

1. l’appel doit se dérouler entièrement à huis clos, car il soulève des questions portant sur des procédures opérationnelles et en matière de sécurité très sensibles de l’entreprise de l’intimée, G4S, une importante société nationale de services de sécurité;

2. la preuve présentée et les observations faites à huis clos ne seront pas autorisées à être divulguées par l’avocat de l’appelant ou par l’un des destinataires énumérés dans mon ordonnance de confidentialité datée du 11 mai 2012, à qui que ce soit d’autre qu’aux parties entre elles aux fins du présent appel;

3. M. André Desjardins (président de la TCA, section locale 4266) et un employé M. Dan Marinier, soient ajoutés à la liste des bénéficiaires énumérés dans mon ordonnance de confidentialité du 11 mai 2012;

4. l’étendue de la divulgation admissible indiquée au paragraphe 2 ci-dessus sera assujettie à une ordonnance que je pourrai rendre en ce qui concerne l’exclusion des témoins dans le cadre du présent appel.

ET ATTENDU QUE l’agent d’appel reconnaît que la présente affaire pourrait divulguer des renseignements sensibles concernant des questions relatives à des politiques, des procédures et de l’information en matière de sécurité qui ne sont pas accessibles au public;

ET ATTENDU QU’il est énoncé à l’alinéa 146.2h) du Code canadien du travail ce qui suit :

146.2 Dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe 146.1(1), l’agent d’appel peut :

h) fixer lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie la possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

l’agent d’appel ordonne ce qui suit :

que chacune des quatre mesures sollicitées, mentionnées précédemment, soit accordée.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

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