2013 TSSTC 11
Référence : Service correctionnel du Canada et Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, 2013 TSSTC 11
Date : 2013-02-20
Dossier : 2010-18
Rendue à :Ottawa
Entre :
Service correctionnel du Canada, appelant
et
Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, intimé
Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail à l’encontre d’une instruction émise par un agent de santé et de sécurité
Décision : L’instruction est annulée et une nouvelle instruction est émise.
Décision rendue par : M. Richard Lafrance, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelant : Mme Caroline Engmann, avocate, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
Pour l’intimé : Mme Jessie Caron, avocate, Confédération des syndicats nationaux
MOTIFS DE LA DÉCISION
[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’une instruction émise par l’agent de santé et de sécurité (l’agent de SST) Greg Garron à l’endroit du Service correctionnel du Canada le 10 avril 2010 .
Contexte
[2] Le 4 avril 2010, des agents de santé et de sécurité ont été appelés à enquêter au sujet du maintien du refus de travailler à l’Établissement de Millhaven.
[3] Auparavant, le 1er avril 2010, environ 68 détenus ont refusé de quitter la cour d’exercices après un incident survenu au gymnase. Des agents correctionnels étaient positionnés à l’extérieur de la clôture ceinturant la cour. D’autres se trouvaient dans des tours, dans des véhicules de patrouille et sur le toit des édifices adjacents à la cour.
[4] Le comportement des détenus était violent. Aucun agent correctionnel n’a été blessé, mais certains ont été aspergés d’urine. Des projectiles, notamment des pierres, des déchets humains et des cartouches de gaz vides, ont aussi été lancés aux agents.
[5] Les détenus sont demeurés dans la cour pendant environ 24 heures avant d’accepter de retourner dans leurs cellules.
[6] Le 3 avril 2010, environ 63 détenus ont encore une fois refusé de quitter la cour jusqu’à ce que soit annulée la décision du directeur de l’établissement de confiner trois détenus à leurs cellules parce qu’ils n’avaient pas respecté la routine.
[7] Les employés ayant invoqué le refus de travailler affirmaient que le gestionnaire correctionnel du moment s’était dit d’avis que les munitions au gaz utilisées à l’époque ne pouvaient contrôler les détenus pendant une situation d’urgence.
[8] Le directeur de l’établissement a donc décidé que, compte tenu des événements survenus deux jours auparavant, il ne permettrait pas aux détenus de demeurer à l’extérieur parce que les agents ne pouvaient les contrôler en cas d’urgence. Il a annulé la décision de confiner les détenus à leurs cellules.
[9] Les détenus sont plus tard retournés à leurs cellules sans incident et ont eu droit aux activités habituelles.
[10] La déclaration de refus de travailler jointe au rapport de l’agent de SST affirmait ce qui suit :
[Traduction] Dans les situations d’urgence, les agents placés à l’extérieur de la cour sont exposés aux projectiles qui leur sont lancés, notamment des produits biologiques dangereux, comme des déchets humains. Les agents correctionnels, y compris l’EPIU (l’Équipe pénitentiaire d’intervention en cas d’urgence), ne sont ni formés ni équipés pour retirer de la cour un détenu qui a besoin de soins médicaux d’urgence.
[11] L’agent de SST Garron a jugé à la suite de son enquête qu’il existait un danger et il a émis deux instructions à l’employeur.
[12] Une instruction a été émise en vertu du paragraphe 145(2) du Code, puisque l’agent de SST était d’avis que l’exécution d’une tâche constituait un danger pour les employés au travail. L’employeur n’a pas porté cette instruction en appel.
[13] L’autre instruction, qui fait l’objet de l’appel, se lit comme suit :
DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
Le 5 avril 2010, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête dans le lieu de travail exploité par Service correctionnel du Canada, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, à l’Établissement Millhaven, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de Service correctionnel du Canada.
Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail ont été enfreintes :
1. Code canadien du travail, partie II, alinéa 125(1)p)
2. Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, partie 17, alinéa 17.5(1)a).
Les agents correctionnels n’ont pas reçu la formation ni les ressources nécessaires pour entrer dans la cour dans des situations d’urgence pour dégager la cour et en retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention au plus tard le 30 avril 2010.
[14] Pour traiter cet appel, une audience s’est tenue à Kingston (Ontario) du 28 février au 1er mars 2011.
Question en litige
[15] La question devant être tranchée est celle de savoir si l’agent de SST Garron a commis une erreur en jugeant que l’employeur, le Service correctionnel du Canada, a enfreint l’alinéa 125(1)p) du Code et l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement.
Observations de l’appelant
[16] L’appelant a convoqué deux témoins, soit M. Wayne Buller, directeur adjoint d’établissement auprès de l’employeur, et M. Thompson, sous-directeur de l’établissement.
[17] M. Buller a expliqué que, pendant la période de récréation des détenus, une bagarre a éclaté dans le gymnase. Le personnel a réagi en utilisant des agents chimiques, ce qui a causé un mouvement de masse de plus de 50 détenus dans la cour.
[18] Le comportement des détenus dans la cour était violent, ce qui a causé le déploiement d’agents correctionnels tout au long du périmètre de la cour pour surveiller la situation. Il n’y a eu aucun contact direct entre les détenus et les agents.
[19] Toutefois, un détenu a été blessé. Le détenu blessé a réussi à se rendre à un endroit particulier, près d’une barrière ouverte, et on a pu le retirer de la cour de façon sécuritaire.
[20] M. Buller a expliqué le cadre de gestion des urgences dans l’établissement en mentionnant expressément la Directive du commissaire no 600 (DC 600) et le plan d’urgence de l’établissement.
[21] Il a de plus expliqué que tous les employés, y compris les agents correctionnels, peuvent consulter la DC 600 sur le site intranet de SCC.
[22] M. Buller a ajouté que la DC 600 prévoit la création d’une capacité d’intervention spécialisée en matière de sécurité, appelée l’« Équipe pénitentiaire d’intervention en cas d’urgence » (l’EPIU), pour gérer les urgences.
[23] Il a affirmé de plus que le plan d’urgence de Millhaven définit les événements survenus le 3 avril 2010 comme une perturbation chez les détenus ou une manifestation. Le plan d’urgence décrit comme suit les procédures opérationnelles normales pour la gestion de ces perturbations ou manifestations :
1. la maîtrise ou le confinement des participants;
2. une réponse officielle, pouvant inclure la reprise du contrôle par la force. S’il faut avoir recours à la force pour résoudre la perturbation, l’EPIU doit être activée et déployée.
[24] M. Buller a confirmé qu’il n’était pas rare que les détenus de l’Établissement Millhaven refusent de retourner à leurs cellules et demeurent dans la cour pour protester. Ce type de protestation est souvent résolu par voie de négociation et parfois en utilisant des agents chimiques.
[25] M. Thompson a mentionné dans son témoignage qu’il a envoyé après l’enquête de l’agent de SST une note de service à tous les membres du personnel pour les informer que les seules personnes qui sont autorisées à répondre à une urgence dans la cour sans la protection d’un poste de contrôle ou de l’équipement mobile sont les membres de l’EPIU déployés avec l’autorisation du directeur de l’établissement.
[26] M. Thompson a expliqué que les membres de l’EPIU reçoivent la formation de base aux termes du programme national de formation des EPIU ainsi qu’une formation d’appoint de dix jours chaque année.
[27] M. Thompson a aussi énuméré l’équipement à la disposition de l’EPIU. Il a ensuite expliqué que l’EPIU de Millhaven a reçu la formation de base pour entrer dans la cour et l’évacuer. Ses membres reçoivent une formation en psychologie collective et sur les formations ainsi que des matraques et des boucliers pouvant servir à évacuer la cour et à en retirer un détenu. Il a aussi confirmé que les membres de l’EPIU ont des tenues d’intervention contre les produits biologiques. Il a mentionné dans son témoignage que des EPIU dans d’autres établissements ont déjà réussi à entrer dans la cour d’un établissement dans le but de retirer un détenu.
[28] M. Thompson a noté que le directeur de l’établissement avait demandé à l’EPIU d’élaborer un plan d’action SMEAC (situation, mission, exécution, administration et communication) partiel visant la cour. Toutefois, l’équipe n’a pas donné suite à sa requête.
[29] Caroline Engmann, avocate du Service correctionnel, a soutenu que l’instruction de l’agent de SST Garron présume que les membres du personnel (soit les agents correctionnels) de Millhaven sont envoyés dans la cour d’exercices. Elle affirmait que la preuve démontre de façon convaincante que ce n’est pas le cas. Elle a mentionné de plus que les témoignages démontrent que, lorsque les membres du personnel sont déployés à l’extérieur, il y a toujours une barrière périmétrique entre le personnel et les détenus.
[30] En fait, la note de service envoyée par M. Thompson au personnel indique que seuls les membres de l’EPIU sont autorisés à réagir, à moins de bénéficier de la protection d’un poste de contrôle ou de l’équipement mobile.
[31] Mme Engmann affirmait que, lorsque l’EPIU est activée, ses membres disposent de tous les vêtements, l’équipement et les outils nécessaires pour accomplir leur mission de façon sécuritaire.
[32] Elle soutenait que les préoccupations présentées par les membres de l’EPIU pour justifier le fait qu’ils n’avaient pas tenté de rédiger un plan d’action (SMEAC) portaient sur le nombre excessif de détenus se trouvant dans la cour et l’infrastructure de la cour. Elle affirmait que la question de l’infrastructure de la cour n’est qu’une esquive. La préoccupation vise plutôt le nombre de membres de l’EPIU déployés lorsque la cour est au maximum de sa capacité.
[33] Elle a renchéri en affirmant que la preuve établit clairement que l’EPIU de l’Établissement Millhaven peut demander l’aide d’autres EPIU de la région si elle a besoin de plus de membres pour planifier son plan d’action SMEAC. La preuve démontre bien que cela a déjà été fait par le passé.
[34] Au sujet des procédures d’urgence, Mme Engmann a affirmé que la preuve indique que l’établissement possède un plan d’urgence. De plus, elle a mentionné que le comité de santé et de sécurité au travail (SST) a été consulté au sujet de certains aspects du plan d’urgence.
[35] Pour ce qui est de la formation, Mme Engmann a affirmé que la preuve confirme que tous les agents correctionnels ont reçu la formation de base. Elle a ajouté que les agents correctionnels à qui on demande régulièrement de gérer des situations d’urgence (soit les membres de l’EPIU) ont reçu une formation spécialisée. Mme Engmann affirmait que, compte tenu de la nature du travail de l’EPIU, il est impossible d’offrir une formation parfaite.
[36] Mme Engmann soulignait qu’il est important que le Tribunal ne s’en tienne pas qu’aux souhaits de quelques agents correctionnels, mais qu’il doit plutôt fonder ses conclusions sur une preuve claire et forte. Elle a noté que la preuve indique que l’EPIU consolide sa formation avec des armes en situation d’évacuation de rangée et d’extraction de cellule, à plus petite échelle.
[37] Elle a affirmé que le sous-directeur Thompson mentionne clairement dans son témoignage que, selon lui, l’équipe est pleinement formée et bien équipée pour entrer dans la cour et l’évacuer grâce à un plan d’action SMEAC bien formulé.
[38] Mme Engmann a enjoint le Tribunal à revoir certaines parties du guide de formation de l’EPIU, notamment les objectifs de rendement pour les sections sur l’arrestation et la maîtrise, la psychologie collective et la formation anti-émeute.
[39] Elle a souligné particulièrement le texte suivant dans le guide de formation
[Traduction] « Par le passé, la formation en tête de flèche a été utilisée pour ouvrir un passage à travers une foule afin de permettre à des personnes ou à des véhicules de passer ou pour entrer dans une foule et en extraire les agitateurs, les chefs ou les blessés. L’EPIU peut se servir de la formation en ligne droite pour repousser les détenus ou pour tenir la ligne. La formation en double ligne et la formation en double ligne avec appui à l’arrière sont des variations de la formation en ligne droite très utiles pour l’EPIU. La formation en double ligne se servant de la ligne de front comme bouclier est très efficace pour avancer face à un groupe en émeute qui lance des projectiles, etc. »
[40] Mme Engmann a ajouté que, dans l’ensemble, ces pages indiquent que les membres de l’EPIU ont reçu la formation et acquis les habiletés dont ils ont besoin pour être déployés en situation d’urgence.
[41] Pour ce qui est des communiqués fournis par l’intimé, elle alléguait qu’ils ne servent qu’à démontrer que les détenus de l’Établissement Millhaven se servent de l’occupation de la cour comme moyen de pression. Elle a aussi mentionné qu’ils indiquent que les mesures de maîtrise et de confinement existantes ont jusqu’à ce moment été efficaces pour résoudre les problèmes.
[42] Elle affirme que l’employeur espère que l’EPIU élaborera et simulera tôt ou tard un plan d’action SMEAC pour l’extraction de la cour, comme elle l’a fait pour le gymnase, et qu’il s’attend à ce qu’elle le fasse.
[43] En conclusion, Mme Engmann a affirmé qu’il n’y a pas de preuve appuyant la conclusion que l’employeur enfreignait l’alinéa 125(1)p) du Code et l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement. Par conséquent, l’appelant demande l’annulation de l’instruction émise par l’agent de SST Garron et de sa conclusion que les agents correctionnels n’ont pas la formation et les outils nécessaires pour entrer dans la cour et l’évacuer afin de retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale.
Observations de l’intimé
[44] L’intimé a convoqué quatre témoins :
- M. Howard Page, agent correctionnel;
- M. Robert Finucan, agent correctionnel possédant 22 ans d’expérience à titre de membre de l’EPIU;
- M. Bernard Jones, agent correctionnel possédant 4 ans d’expérience à titre de caméraman de l’EPIU;
- M. Guy Wagar, agent correctionnel possédant 22 ans d’expérience à titre de membre de l’EPIU.
[45] M. Page a présenté le refus de travailler au nom des agents correctionnels qui travaillaient le 1er et le 3 avril 2010. Il n’est pas membre de l’EPIU, mais il a reçu de la formation sur les techniques d’arrestation et de maîtrise puisqu’il est agent correctionnel.
[46] Il a confirmé que les agents correctionnels ne marchent jamais dans la cour et n’y patrouillent pas. Il a expliqué qu’il y a deux principaux postes sécurisés d’où les détenus peuvent être surveillés lorsqu’ils se trouvent dans la cour.
[47] En se fondant sur ses observations à partir du poste principal de contrôle des communications (le PPCC), M. Page était d’avis que les armes à gaz ne sont pas efficaces contre les détenus. Il a toutefois admis que l’utilisation du gaz ne garantit pas que les détenus se conformeront aux ordres.
[48] M. Page a ensuite expliqué que, lorsque les détenus dans la rangée ne se conforment pas aux ordres de retourner dans leurs cellules, le Service correctionnel mobilise normalement l’EPIU pour évacuer la rangée et replacer les détenus dans leurs cellules. Il a commenté que l’EPIU a réussi à le faire par le passé.
[49] M. Finucan a confirmé qu’il a reçu la formation de base de l’EPIU ainsi que la formation d’appoint annuelle d’une durée de dix jours. Il a aussi confirmé que cette formation est habituellement donnée dans le gymnase ou la cour d’exercices du Collège militaire royale du Canada.
[50] Il a confirmé qu’il n’y a pas vraiment de formation sur les formations avec armes complémentaires. Il a toutefois admis que l’EPIU est à quelques reprises entrée dans la rangée avec des armes à feu.
[51] M. Finucan a confirmé que la plus grande zone dans laquelle l’EPIU a fait une simulation est le gymnase et que cette simulation se fait au cours de la formation d’appoint annuelle de dix jours.
[52] M. Jones a témoigné à titre de caméraman de l’EPIU et il a mentionné que chacune des fonctions de l’EPIU était filmée. À titre de caméraman, il reçoit une formation de cinq jours au lieu de la formation normale de dix jours que reçoivent les autres membres de l’EPIU. Il a confirmé que le personnel opérationnel n’entre pas dans la cour.
[53] M. Jones a mentionné que les détenus poussent souvent les agents correctionnels à la limite. Il a aussi affirmé que la séparation des cours de l’unité de garde en milieu fermé (UGMF) et de l’Unité d’évaluation de l’Établissement Millhaven (UEEM) a permis de régler certaines préoccupations au sujet de la maîtrise des détenus. Il a souligné également que les modifications apportées aux clôtures de la cour d’exercices dans le but de permettre au personnel de mieux maîtriser le mouvement des détenus ont atténué certaines préoccupations relatives à la maîtrise des détenus.
[54] M. Wagar a indiqué qu’il était chef de l’EPIU depuis 17 ans. Il a mentionné que l’EPIU a pour rôle d’élaborer des plans d’extraction des cellules, d’évacuation de rangée et de marche dans la rangée. À titre de chef d’équipe, il reçoit cinq jours supplémentaires de formation par année.
[55] M. Wagar a convenu que la direction a demandé à l’EPIU de trouver une façon de s’occuper du plan d’action SMEAC, mais il a ajouté que les membres de l’équipe ne se sentent pas aptes à le faire parce qu’ils ne savent pas comment s’y prendre. Il a mentionné que la forme de la cour est si étrange que l’équipe veut que la direction s’occupe de l’infrastructure de la cour avant que les membres de l’équipe se risquent à préparer un plan SMEAC. Il a dit souhaiter qu’une personne possédant de l’expérience à ce sujet vienne aider l’équipe.
[56] M. Wagar a affirmé que l’EPIU avait procédé à une extraction du gymnase et que cela s’était passé relativement bien, mis à part les problèmes d’outils de communication qu’ils ont connus. Il a toutefois confirmé que l’EPIU a reçu de nouvelles radios unidirectionnelles permettant au chef de l’équipe de communiquer avec son équipe en cours de déploiement.
[57] Mme Caron, avocate de l’intimé, a soutenu que le plan d’urgence de SCC n’atteint même pas son objectif de fournir une formation et des ressources suffisantes pour assurer une réponse responsable et compétente en situation d’urgence.
[58] Elle a de plus allégué qu’un examen minutieux du plan d’urgence permet de constater qu’il est de nature générale et qu’il ne contient aucune disposition sur la formation ou l’équipement.
[59] Mme Caron a affirmé qu’il est évident dans les deux chapitres du plan d’urgence portant sur les perturbations chez les détenus et les manifestations que le plan est conçu pour guider l’équipe de gestion des crises et non l’EPIU, et encore moins le personnel.
[60] Elle a affirmé que ce plan d’urgence se contente de mettre la table pour ce qui est attendu de l’équipe de gestion des crises, soit appeler l’EPIU. Elle a ajouté que le plan d’urgence ne répond pas aux exigences du paragraphe 17.5(2) du Règlement, puisqu’il ne donne pas une « description complète » des procédures à prendre.
[61] Mme Caron a allégué de plus que, contrairement au paragraphe 17.5(1) du Règlement, les parties pertinentes du plan d’urgence n’ont pas été présentées au comité local de santé et sécurité ni n’ont été examinées par ce comité. Elle a ajouté que cette dernière raison suffit en elle-même pour permettre au Tribunal de conclure que l’employeur n’a pas adopté les procédures d’urgences nécessaires.
[62] Au sujet du plan de s’en remettre à l’EPIU, Mme Caron a allégué que la note de service envoyée par M. Thompson affirmant que seuls les membres de l’EPIU sont autorisés à intervenir dans la cour ne constitue pas une « procédure d’urgence » au sens du Code. Elle a ajouté que, bien qu’il s’agisse d’un outil précieux et essentiel de l’employeur pour traiter des situations d’urgence, cette affirmation par l’employeur ne répond pas aux exigences du Code.
[63] Elle a souligné que l’employeur compte sur des preuves théoriques pour prouver qu’il incombe à l’EPIU de procéder à une extraction de la cour et qu’elle peut donc le faire. Toutefois, elle a affirmé que la preuve démontre que les chefs de l’EPIU ne savent pas comment s’y prendre pour élaborer un plan d’action pour une extraction de la cour.
[64] Mme Caron a allégué que la formation officielle donnée aux membres de l’EPIU ne touche pas les formations comme celles qui étaient nécessaires pour procéder à une extraction de la cour de l’Établissement Millhaven. Elle a argüé que, contrairement aux affirmations de l’employeur, les témoignages de M. Finucan et de M. Wagar démontrent que la formation et l’expérience poussées de l’EPIU en matière d’évacuation de rangée et d’extraction des cellules ne peuvent être facilement transposées à la cour. Elle a ajouté que leurs témoignages indiquent que les diverses formations décrites dans le guide de formation de l’EPIU ne peuvent être appliquées aisément à une cour de cette taille et de cette forme étrange.
[65] Elle a soutenu que les nouveaux appareils de communication unidirectionnels fournis à l’EPIU de Millhaven créent un problème, comme l’indique le témoignage de M. Wagar. Comme il l’a mentionné dans son témoignage, même durant les exercices de l’EPIU dans le gymnase, la communication n’était pas facile. Elle a allégué que, dans un environnement en plein air dont la taille est environ douze fois celle du gymnase, le problème de communication pourrait devenir une lacune importante.
[66] À propos des agents chimiques (les armes à gaz), Mme Caron a soutenu que les témoignages laissent entendre qu’ils ne sont pas très efficaces à l’extérieur. L’agent chimique actuellement utilisé ne fait que déplacer la foule de détenus d’un endroit à un autre. L’EPIU utiliserait probablement des armes à feu au cours d’extraction de la cour, mais la formation n’apprend pas à ses membres comment « appuyer » leurs formations avec des armes à feu.
[67] Elle a soutenu que, selon le témoignage des membres de l’EPIU, ils ne savent pas combien de membres d’EPIU seraient nécessaires pour gérer une foule de détenus dans la cour, soit entre 50 et 300 détenus. Même en ajoutant des membres d’EPIU des trois autres établissements de la région, ils ne savent pas si cela suffirait, puisqu’ils n’ont jamais procédé à une extraction de la cour (dans la réalité ou en simulation) avec d’autres EPIU.
[68] Mme Caron a expliqué que les détenus refusent souvent de quitter la cour. Ils le font pour diverses raisons; par exemple, ils se servent de la cour comme outil de négociation pour obtenir ce qu’ils veulent ou ils commettent des agressions dans la cour en se servant de la couverture qu’offre la foule. La cour constitue un atout précieux pour les détenus, tout comme son occupation. Mme Caron a souligné que, lorsque la probabilité d’une occupation de la cour augmente, la probabilité de blessure des détenus augmente elle aussi. Et évidemment, la probabilité de devoir entrer dans la cour pour retirer une personne blessée d’une grande foule ou de détenus violents augmente tout autant.
[69] Elle a souligné que, dans le domaine d’activités de l’employeur, la préservation de la vie est primordiale. Elle a affirmé de plus que, si toutes les mesures échouent pour contenir et maîtriser efficacement une grande foule de détenus agressifs refusant de quitter la cour, le personnel doit être déployé pour entrer dans la cour et sauver la vie d’un détenu.
[70] Compte tenu de la note de service de M. Thompson, il est évident que SCC considère qu’il ne s’agit pas que d’une situation hypothétique, mais qu’une telle situation peut survenir. Elle prouve également qu’il est important que l’employeur démontre que, par le déploiement de l’EPIU, ils peuvent entrer dans la cour et vont le faire.
[71] Mme Caron a aussi reconnu que la preuve indique que le personnel de Millhaven ne patrouille pas la cour et n’y entre pas dans le cadre de ses fonctions habituelles.
[72] Mme Caron a soutenu qu’un plan d’urgence devait être élaboré et que cela ne peut pas se faire sans la collaboration et la participation active de l’employeur.
[73] Mme Caron a conclu que les preuves démontrent amplement que, pour ce qui est de l’entrée dans la cour, de son évacuation et du retrait d’un détenu blessé de la cour, SCC n’a pas une vraie procédure d’urgence au sens du paragraphe 125(1)p) du Code et du paragraphe 17.5(1)a) du Règlement. Bref, elle a affirmé que la preuve ne permet pas au Tribunal de rendre une décision différente et que l’instruction émise par l’agent de SST le 9 avril 2010 doit être confirmée.
Réponse de l’appelant
[74] Mme Engmann a réitéré que l’instruction de l’agent de SST Garron est fondée sur une situation hypothétique. Elle a affirmé que, comme il est noté dans l’arrêt Page c. Service correctionnel du Canada
[75] À propos du plan d’urgence, Mme Engmann a allégué que ce plan constitue le fondement de la façon dont l’établissement gère les situations d’urgence et un point de référence pour gérer les crises.
[76] Elle a expliqué qu’en écrivant une « description complète des procédures à prendre », conformément au paragraphe 17.5(2) du Règlement, il serait presque impossible de détailler chacune des procédures à suivre. Elle a noté que cela est particulièrement vrai lorsqu’on tient compte du fait qu’un SMEAC est produit pour chaque utilisation planifiée de la force, qu’il s’agisse d’une extraction de cellule ou d’un incident de la même envergure que ceux qui se sont produits dans le gymnase ou la cour.
[77] Elle a ajouté que les exigences du paragraphe doivent être interprétées selon le contexte, en tenant compte des activités des membres du personnel. Elle a soutenu que, compte tenu de la preuve présentée, l’employeur possède des mesures et procédures raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés et qu’elles mentionnent particulièrement la cour de l’Établissement Millhaven.
[78] En réponse aux arguments de l’intimé que certaines parties du plan d’urgence traitant des perturbations et des manifestations sont de nature générale et ne donnent pas de détails sur la façon de recouvrer la maîtrise par la force, Mme Engmann a allégué qu’il serait impossible de créer un guide ou un manuel présentant toutes les réactions ou les réponses à des problèmes potentiels pouvant survenir dans une cour d’exercices où se trouvent des détenus. Une telle approche est invraisemblable et n’est évidemment pas conforme à la législation.
[79] De plus, elle a ajouté qu’une telle approche viendrait nuire à la souplesse actuellement offerte à l’EPIU pour s’adapter à la nature changeante des urgences.
[80] Au sujet du fait que le plan d’urgence n’a pas été présenté au comité de SST local, elle a répondu que ce comité n’est pas un organisme d’approbation du plan d’urgence. L’exigence réglementaire est que le comité ou le représentant de SST local doit être consulté au sujet des procédures d’urgence à mettre en œuvre. Elle a souligné que, conformément au témoignage de M. Buller, le comité en question a été consulté sur certains aspects du plan d’urgence.
[81] Elle a mentionné que le déploiement de l’EPIU constitue une partie intégrante des procédures d’urgence prévues au paragraphe 125p) du Code et au paragraphe 17.5(1)a) du Règlement. Comme il est mentionné dans le guide, une fois l’EPIU déployée, la première étape est de préparer un plan pas à pas qui tient compte de questions comme : Pourquoi maintenant et non plus tard? Le plan réduit-il la perte de vie? Le plan est-il éthique, moral et acceptable sur le plan juridique?
[82] Mme Engmann a mis l’accent sur le fait que, selon les témoignages, la formation de l’EPIU est normalisée au pays. Cette normalisation permet de s’assurer que plusieurs équipes (d’établissements différents) peuvent travailler ensemble de façon harmonieuse, puisque chaque membre des équipes connaît le rôle et les responsabilités de chacun.
[83] Pour ce qui est de l’évacuation de la cour par d’autres EPIU, elle a affirmé que les EPIU d’autres établissements à sécurité maximale ont réussi à entrer dans la cour et à l’évacuer alors qu’elles ont suivi la même formation que celle donnée au personnel de Millhaven, sans que le personnel soit blessé.
[84] Au sujet de la difficulté de l’élaboration et de l’adoption d’un SMEAC adéquat pour gérer l’extraction de la cour à l’Établissement Millhaven, Mme Engmann a évoqué la possibilité que M. Wagar ne soit pas complètement objectif, puisque cela est clairement une question personnelle pour lui. Elle a souligné qu’aucun autre chef d’EPIU n’a été convoqué pour appuyer son opinion.
[85] Mme Engmann a aussi attiré l’attention sur le fait que, bien que l’EPIU de l’Établissement Millhaven refuse de procéder à l’évacuation de la cour, tout l’équipement nécessaire pour le faire est présenté pendant la première formation de base de dix jours et que ces compétences sont mises à jour chaque année pendant les dix jours de formation.
[86] Elle a souligné que, en plus de la formation, l’employeur fournit à chaque membre de l’EPIU une trousse personnelle d’outils et d’équipement. Mme Engmann a mentionné que, bien que les membres de l’EPIU allèguent ne pas avoir été formés pour porter des armes à feu dans les formations, ils ont témoigné qu’ils utilisent des matraques en tout temps lorsqu’ils évacuent les rangées, en se servant des mêmes formations pouvant être utilisées pour évacuer la cour. On a allégué qu’ils peuvent remplacer les matraques par des armes à feu dans les mêmes formations.
Autres observations
[87] Au cours de mon analyse de la situation, j’ai évalué les questions à résoudre dans cette affaire et étudié si l’agent de SST avait erré en se reportant à la partie XVII du Règlement sur la SST, intitulée « Séjourner en sécurité dans un lieu de travail ».
[88] J’ai donc communiqué avec les deux parties et demandé d’autres observations sur les questions suivantes :
1) Les dispositions citées par l’agent de SST Garron, soit l’alinéa 125(1)p) du Code et l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement, s’appliquent-elles réellement aux circonstances de fait faisant l’objet de l’enquête de l’agent de SST?
Autrement dit, ces alinéas du Code et du Règlement, qui traitent de l’entrée et du séjour sécuritaires dans un lieu de travail et de la sortie sécuritaire de ce lieu de travail, s’appliquent-ils à une situation mettant en cause une procédure de travail dans laquelle les agents correctionnels doivent entrer dans la cour d’exercices et l’évacuer et peut-être en retirer un détenu blessé? Ces alinéas s’appliquent-ils plutôt à des circonstances de fait différentes?
2) Les paragraphes 125(1)z.03) et z.04) du Code et la partie XIX du Règlement (Programme de prévention des risques) s’appliquent-ils aux circonstances de cette affaire? Si tel est le cas, les faits établis à l’audience soulèvent-ils une violation de ces dispositions?
3) Le paragraphe 125(1)z.16) du Code et la partie XX du Règlement (Prévention de la violence dans le lieu de travail) s’appliquent-ils aux circonstances de cette affaire? Si tel est le cas, les faits établis à l’audience soulèvent-ils une violation de ces dispositions?
[89] En réponse à ma requête, les parties ont fourni au Tribunal un exposé conjoint des faits, des observations individuelles et des réponses aux questions que j’ai posées.
Exposé conjoint des faits
[90] Dans l’exposé conjoint des faits, les parties ont convenu que les agents des services correctionnels (les agents) ont une description de tâche générique.
[91] On y note également que les tâches principales des agents sont définies dans les ordres de poste génériques nationaux adoptés par le Service correctionnel du Canada en 2009. Selon ces ordres, le comité sur la santé et la sécurité au travail est consulté chaque fois qu’un nouvel ordre de poste est adopté.
[92] De plus, les parties ont convenu qu’il n’existe que cinq postes pertinents lorsqu’il est question d’une cour occupée par des détenus : 1) cage de la cour d’exercices; 2) avant-poste; 3) poste de contrôle sécurisé; 4) poste principal de contrôle des communications; et 5) patrouille mobile (jour, soir).
[93] Il n’y a pas d’ordre de poste au sujet des interventions menées et réalisées par l’EPIU de l’établissement.
[94] La direction et les syndicats de SCC consultent régulièrement les instances nationales, régionales et locales au sujet de la santé et de la sécurité au travail. En 2011, il y a eu onze réunions ordinaires et deux réunions d’urgence à Millhaven du comité mixte sur la santé et la sécurité au travail.
[95] Sur le plan national, le Service correctionnel surveille ses programmes en matière de santé et de sécurité au travail de diverses façons, notamment : a) grâce au cadre de contrôle de la direction; b) par l’examen des rapports d’enquête de situation comportant des risques; c) par l’examen des enquêtes sur les incidents; et d) par l’examen du procès-verbal des réunions du comité sur la SST local.
[96] Enfin, les parties ont convenu que la directive du commissaire décrit l’énoncé de politique général relativement au lieu de travail sain et sécuritaire, aux rôles et responsabilités et aux principes sous-jacents.
[97] Au sujet de la partie XVII du Règlement, intitulée « Séjourner en sécurité dans un lieu de travail », les parties ont convenu que le Service correctionnel avait élaboré un programme de prévention des risques (PPR) d’envergure nationale et l’avait mis en œuvre en 2008. De plus, une analyse du risque professionnel (ARP) a été effectuée globalement et la région de l’Atlantique a été choisie pour le projet pilote parmi tous les établissements.
[98] On a convenu que les deux tâches principales qui sont pertinentes à l’appel, soit la surveillance et l’intervention, ont été analysées pendant cet examen. Toutefois, je note que ces deux analyses n’ont pas encore été adaptées à la réalité de l’Établissement Millhaven.
[99] J’ai également noté que les patrouilles ne vont pas à l’intérieur du gym ou de la cour, puisque les observations directes sont constantes à partir de la galerie de la cour d’exercices et des avant-postes B lorsque des détenus sont dans Ie gym ou la cour.
[100] Pour ce qui est de la formation des agents correctionnels, tous les agents doivent avoir réussi le programme de formation correctionnelle comme il est décrit dans les documents fournis. Les agents correctionnels suivent également une formation d’appoint chaque année sur l’utilisation des armes à feu, de l’aérosol inflammatoire, etc. De plus, les agents doivent suivre la formation d’appoint annuelle d’une journée sur la sécurité personnelle qui est nécessaire pour le perfectionnement et la rétention des habiletés en matière de sécurité des agents et des intervenants de première ligne.
[101] Enfin, au sujet de la prévention de la violence dans le lieu de travail (partie XX du Règlement), les parties ont noté que le Service correctionnel travaillait actuellement à l’élaboration de lignes directrices sur ce programme. Ces lignes directrices seront intégrées aux autres lignes directrices sur son programme de SST. Les parties ont également convenu qu’il existait plusieurs politiques traitant directement des contrevenants et de leur comportement dans le but de maîtriser la violence chez les détenus.
Autres observations de l’appelant
[102] Mme Caroline Engmann a affirmé que les dispositions citées par l’agent de SST Garron ne s’appliquent pas vraiment aux circonstances de fait de cette affaire. Elle a ajouté que le Règlement prévoit deux volets principaux dans les tâches de l’employeur : a) la sécurité-incendie; b) le plan d’évacuation d’urgence. Elle a argüé que, puisque les agents correctionnels ne sont pas déployés dans la cour d’exercices lorsque les détenus l’occupent, il semble que la disposition sur le séjour sécuritaire ne s’applique pas dans le cours normal de leur emploi.
[103] En tout état de cause, l’employeur a affirmé qu’il respecte les exigences, puisque la preuve indique que le plan d’urgence prévoit des emplacements d’urgence et des points vitaux et qu’il donne des instructions sur la façon de gérer les incidents majeurs et les perturbations, comme les incendies et les perturbations chez les détenus. Les circonstances de l’affaire qui nous occupe portent sur des manifestations des détenus et n’ont rien à voir avec des incendies. Quoi qu’il en soit, l’employeur a affirmé que, conformément aux directives du commissaire, Millhaven possède un plan d’évacuation en cas d’incendie ainsi qu’un plan d’évacuation en cas d’urgence, conformément à la partie XVII du Règlement. L’avocate a de plus invoqué que la preuve présentée au cours de l’audience au sujet du scénario de la cour indique que Millhaven déploie l’EPIU formée et bien équipée pour procéder aux extractions et à l’évacuation de la cour.
[104] Pour ce qui est de la deuxième question, l’employeur est d’avis que le programme de prévention des risques au travail pourrait s’appliquer aux circonstances de fait faisant l’objet de l’enquête de l’agent de SST. Le fait que l’EPIU entre dans une cour occupée par des détenus imprévisibles et violents qui ne collaborent pas et ne respectent pas les consignes pourrait être dangereux pour les agents correctionnels s’ils n’ont pas les outils, l’équipement et la formation nécessaires pour maîtriser et contenir la situation.
[105] Mme Engmann a affirmé que l’employeur respectait le Code, puisque la preuve indique que les dangers associés aux tâches et activités pertinentes ont déjà été découverts, évalués et contrôlés.
[106] Elle a souligné que le SCC avait élaboré un programme de prévention des risques, mis en œuvre en 2008. Le plan a été mis au point en concertation avec le Comité national d’orientation en matière de santé et de sécurité. La documentation fournie avec l’exposé conjoint des faits à l’appui de cette affirmation décrit les activités principales (surveillance des déplacements des détenus et interventions) des agents correctionnels et les conditions de travail et nomme précisément les dangers et les risques pour la santé. Bien que l’identification des dangers et leur évaluation n’ont pas encore été adaptées à la réalité de Millhaven, l’avocate est d’avis que les principaux dangers demeurent les mêmes.
[107] Le document énumère les mesures de contrôle et les objets pertinents à ces dangers : les postes armés, les radios, les menottes, une attitude alerte et prudente, une sécurité dynamique, une formation sur l’auto défense, l’arrestation et la maîtrise et l’équipement de protection individuelle.
[108] Mme Engmann a soutenu que la preuve présentée au Tribunal indique que seule l’EPIU exerce ces activités et que l’équipe est spécifiquement formée pour ce type d’opérations, qui constituent une des mesures de contrôle parmi tant d’autres, dont les menottes, le vaporisateur au poivre, les lampes de poche, les agents chimiques, les gants et vestes de protection, les boucliers et les matraques. De plus, tous les agents faisant partie de l’EPIU reçoivent une formation annuelle sur la sécurité personnelle.
[109] En réponse à la troisième question portant sur la prévention de la violence dans le lieu de travail, Mme Engmann a affirmé que, selon l’employeur, ces dispositions ne s’appliquent pas aux circonstances de fait de l’environnement de travail des agents correctionnels, puisqu’ils sont exposés quotidiennement à des détenus qui peuvent avoir recours à la violence. Elle a affirmé qu’il s’agit donc de l’environnement de travail normal des agents correctionnels .
[110] Elle a ajouté que, même si les dispositions s’appliquent, il existe suffisamment de mesures de contrôle pour gérer le comportement des détenus, comme il est indiqué dans l’exposé conjoint des faits. Elle a toutefois noté que relativement au respect de la partie XX du Règlement, intitulée « Prévention de la violence dans le lieu de travail », le SCC est en train d’élaborer des lignes directrices sur ce règlement pour les intégrer aux autres lignes directrices du SCC.
Autres observations de l’intimé
[111] En réponse aux questions que j’ai posées aux parties, Mme Caron a répondu au nom de l’intimé que la partie XVII du Règlement s’applique aux « procédures d’urgence ». Elle a affirmé que le Parlement n’avait peut-être pas le système correctionnel en tête lorsqu’il a adopté son règlement sur la santé et la sécurité au travail, mais que, bien que cette disposition vise à forcer les employeurs à préparer des plans d’urgence en cas d’attaque terroriste, d’alerte à la bombe ou de prise d’otages dans une tour de bureaux, elle ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas s’appliquer à l’affaire qui nous occupe.
[112] Elle a soutenu de plus que les faits de l’affaire nous présentent des personnes (les détenus) qui commettent ou menacent de commettre un acte potentiellement dangereux (occupation de la cour, protestation, émeute, agression, allumage d’un incendie dans une structure) et des employés (les agents correctionnels). Par conséquent, il semble à première vue que les dispositions citées au départ par l’agent de SST devraient s’appliquer.
[113] Selon elle, la jurisprudence indique que les exigences de l’alinéa 17.5(1)a) s’appliquent uniquement aux situations d’urgence réelles et non aux procédures opérationnelles quotidiennes. Elle a conclu qu’il est clair dans l’affaire qui nous occupe qu’il ne s’agit pas d’activités quotidiennes. Elle a soutenu que le fait que la perturbation chez les détenus dans la cour est couverte par le plan d’urgence de l’employeur suggère que cela n’est pas considéré comme un événement routinier.
[114] En réponse à la deuxième question, Mme Caron a convenu que cette situation particulière pourrait être couverte en partie par le programme de prévention des risques, mais il ne faudrait pas selon elle chercher une solution adéquate uniquement dans ces dispositions.
[115] Elle a ajouté que l’omission de la part du Service correctionnel d’élaborer et de mettre en œuvre un PPR pour l’Établissement Millhaven en particulier contrevient à l’alinéa 125(1)z.04) du Code, puisque le PPR ne s’applique pas aux risques découverts à cet endroit. Non seulement l’adaptation du PPR à la situation locale est exigée par la loi, mais il s’agit d’un élément essentiel du PPR national, et cela n’a pas encore été fait.
[116] Mme Caron a affirmé que l’élaboration par l’Établissement Millhaven de son propre modèle est particulièrement pertinente et importante en raison du fait que, si ce n’est que pour la marche dans la cour, l’Établissement de l’Atlantique (qui fait l’objet du projet pilote pour les établissements à sécurité maximale) n’est en rien comparable à l’Établissement Millhaven. La preuve démontre clairement que les agents correctionnels ne marchent pas dans la cour de l’Établissement Millhaven. Comme chaque site est si différent des autres, le PPR national du SCC mentionne qu’il incombe de l’adapter à chaque site, sans quoi le programme devient plutôt inutile et il est impossible de satisfaire réellement aux exigences du Code et du Règlement.
[117] Elle a soutenu que, contrairement à l’affirmation des employeurs, le PPR n’identifie pas, n’évalue pas et ne contrôle pas tous les risques associés aux activités ou aux tâches dans le lieu de travail nommées dans l’instruction qui fait l’objet du présent appel.
[118] Pour ce qui est de la troisième question, Mme Caron a affirmé qu’ils ne croient pas que les dispositions citées dans la question s’appliquent à une situation comme celle qui nous occupe, dans laquelle les détenus sont extrêmement violents. Elle a mentionné qu’il semble qu’un tel programme vise à prévenir le harcèlement psychologique dans le lieu de travail, comme l’intimidation, les taquineries, les agressions et d’autres comportements agressifs. Elle a souligné que, dans l’environnement correctionnel, la gestion de la violence des détenus fait partie du travail, alors que dans la plupart des lieux de travail la violence peut survenir en réaction à des facteurs de risque, comme une charge de travail excessive, des instructions floues de la part de la direction et des conflits personnels non résolus.
[119] Pour ces raisons, les intimés ne voient pas de quelle façon un programme mis en œuvre en vertu de la partie XX du Règlement permettrait de résoudre le problème dans l’affaire qui nous occupe.
Autres observations de l’appelant en réponse à l’intimé
[120] Mme Engmann a répliqué que le syndicat semble avoir des opinions incohérentes sur ce qui se trouve et ne se trouve pas dans le plan d’urgence. Néanmoins, le syndicat semble convenir que les perturbations chez les détenus dans la cour et le déploiement du personnel en réponse à cette situation sont couvertes dans le plan d’urgence. Il appert que le sujet du désaccord est la quantité de détails fournis dans le plan d’urgence.
[121] Elle a soutenu que le syndicat paraît fallacieux lorsqu’il dit que l’employeur [Traduction] « devrait élaborer une procédure d’urgence adéquate en concertation avec l’EPIU », alors que l’EPIU persiste à refuser d’élaborer une telle procédure. Cette procédure, qui doit être approuvée et signée par l’équipe de gestion des crises, permet à l’EPIU et à l’équipe de gestion des crises de préparer un plan systémique et détaillé pour résoudre la situation, y compris la reconnaissance des options autorisées pour le recours à la force et l’équipement nécessaire.
[122] Pour ce qui est de la deuxième question, Mme Engmann a noté que, comme il est indiqué dans l’exposé conjoint des faits, le Service correctionnel a élaboré un programme de prévention des risques national (le PPRN), qui comprend une méthodologie pour découvrir et évaluer les risques dans le lieu de travail. L’analyse de tâche essentielle générique et l’analyse du risque professionnel (l’ARP) pour le poste d’agent correctionnel sont en cours d’adaptation pour les conditions propres à l’Établissement Millhaven. Selon les documents fournis, il est clair que le syndicat a été consulté, puisqu’il a participé par l’intermédiaire du Comité des politiques nationales à l’élaboration et à la mise en œuvre du PPRN de l’employeur.
[123] En réponse à la troisième question, Mme Engmann a affirmé son accord avec le syndicat que la disposition du Règlement sur la prévention de la violence ne s’applique pas compte tenu de la nature du lieu de travail et des exigences du poste d’agent correctionnel.
[124] Enfin, Mme Engmann a conclu que la preuve appuie la conclusion que l’instruction et les constatations de l’agent de SST ne peuvent être maintenues et doivent être annulées. Elle a ajouté que l’employeur a clairement fait la preuve que les agents correctionnels ont reçu la formation et les outils nécessaires pour entrer dans la cour et l’évacuer dans le but d’en retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale. Elle a soutenu que la preuve appuie la conclusion que l’employeur satisfait à ses obligations en vertu du Code relativement à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un programme de prévention des risques. Elle a affirmé que, bien que le PPRN n’a pas encore été adapté à l’Établissement Millhaven, il est évident que le risque qui a mené à l’enquête de l’agent de SST a été découvert et évalué.
Analyse
[125] Mon rôle est d’établir si l’agent de SST Garron a erré en trouvant que l’employeur, le Service correctionnel du Canada, a enfreint l’alinéa 125(1)p) du Code et l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement.
[126] La disposition du Code citée par l’agent de SST Garron se lit comme suit :
125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève,
p) de veiller, selon les modalités réglementaires, à ce que les employés puissent entrer dans le lieu de travail, en sortir et y demeurer en sécurité;
[127] L’agent de SST a aussi cité la disposition suivante du Règlement dans son instruction :
17.5(1) L’employeur doit, après avoir consulté le comité local ou le représentant et les employeurs des personnes non visées par la Loi qui travaillent dans le bâtiment, établir les procédures d’urgence :
a) à prendre si quelqu’un commet ou menace de commettre un acte qui est susceptible de présenter un risque pour la santé ou la sécurité de l’employeur ou de l’un de ses employés;
[128] L’agent de SST s’est servi de ces dispositions du Code et du Règlement pour obliger l’employeur à corriger le risque suivant :
Les agents correctionnels n’ont pas reçu la formation ni les ressources nécessaires pour entrer dans la cour dans des situations d’urgence pour dégager la cour et en retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale.
[129] Compte tenu de ce qui précède, je dois établir si les agents correctionnels qui sont entrés dans la cour parce qu’ils font partie de l’EPIU et qui ont fait face à un groupe de détenus fâchés et agressifs avaient la formation et l’équipement adéquats pour entrer dans la cour de façon sécuritaire et en retirer un détenu blessé.
[130] Comme il a déjà été mentionné dans la présente décision, j’ai demandé d’autres observations des parties après l’audience. Les parties ont accédé à ma requête, comme il a déjà été indiqué. Par conséquent, en plus de la preuve présentée par les deux parties pendant l’audience, je tiendrai compte de l’information et des arguments qui ont été présentés dans les autres observations fournies pour répondre aux questions soulevées par le présent appel.
Première question
Les dispositions citées par l’agent de SST Garron, soit l’alinéa 125(1)p) du Code et l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement, s’appliquent-elles aux circonstances de fait faisant l’objet de l’enquête de l’agent de SST?
Autrement dit, ces alinéas du Code et du Règlement, qui traitent de l’entrée et du séjour sécuritaires dans un lieu de travail et de la sortie sécuritaire de ce lieu de travail, s’appliquent-ils à une situation mettant en cause une procédure de travail dans laquelle les agents correctionnels doivent entrer dans la cour d’exercices et l’évacuer et peut-être en retirer un détenu blessé? Ces alinéas s’appliquent-ils plutôt à des circonstances de fait différentes? [Je souligne.]
[131] Selon moi, on ne peut fonder l’interprétation d’un règlement uniquement sur un ou deux alinéas. Il faut le lire en entier, dans son contexte réglementaire, pour établir son sens entier et le plus pertinent. En lisant la partie XVII du Règlement, intitulée « Séjourner en sécurité dans un lieu de travail », je constate qu’elle porte sur l’équipement de protection contre les incendies, en vertu de l’article 17.3, le déclenchement de l’avertisseur d’incendie, l’avertissement du service des incendies et l’évacuation des employés qui ont besoin d’une aide particulière, en vertu de l’alinéa 17.4(2)c).
[132] Je note que la procédure d’urgence prévue à l’article 17.5 décrit diverses situations dans lesquelles la procédure doit être mise en œuvre, par exemple si quelqu’un commet ou menace de commettre un acte qui est susceptible de présenter un risque pour la santé ou la sécurité des employés. Cela peut être pris en compte dans l’affaire qui nous occupe. De plus, cet article nomme d’autres situations, comme le déversement d’une substance dangereuse, une défaillance du système d’éclairage ou un incendie.
[133] Le paragraphe 17.5(2) mentionne aussi que la procédure d’urgence doit comprendre un plan d’évacuation d’urgence, une description de la procédure à prendre ainsi que l’emplacement de l’équipement d’urgence fourni par l’employeur. En outre, le paragraphe 17.6(1) porte sur la formation à donner au sujet des procédures à prendre en cas d’urgence et sur l’emplacement, l’utilisation et la mise en service de l’équipement de protection contre les incendies et de l’équipement d’urgence fournis par l’employeur.
[134] Le Règlement porte ensuite sur le rôle des gardiens en cas d’urgence, l’inspection des issues de secours, des sorties, des escaliers et de l’équipement de protection contre les incendies. L’article suivant porte aussi sur les exercices d’urgence et sur l’obligation d’informer les autorités en matière de prévention d’incendie que l’exercice aura lieu.
[135] Enfin, le Règlement parle des endroits présentant un risque d’incendie, qu’il incombe de trouver et où doivent être placées des affiches interdisant l’utilisation d’une flamme nue ou d’autres sources d’inflammation dans le secteur.
[136] À mon avis, conjointement, l’alinéa 125(1)p) du Code et l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement sont plus pertinents à l’entrée et à la sortie d’un lieu de travail en cas d’urgence lorsqu’il y a risque d’incendie, d’explosion (ou des menaces) ou de défaillance mécanique de quelque nature que ce soit ou en cas d’exposition à des produits chimiques dangereux, par exemple.
[137] Je conviens que les détenus peuvent être considérés comme des personnes qui menacent les agents correctionnels et qui risquent par exemple de déclencher un incendie ou le font réellement, et qu’il est par conséquent nécessaire d’adopter des procédures d’urgence pour gérer ces situations lorsqu’elles surviennent. Je crois que l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement s’appliquerait à ces situations très précises.
[138] Toutefois, dans l’affaire qui nous occupe, les détenus n’ont pas menacé de commettre des actes pouvant créer une « urgence » de la façon dont le concept est considéré à l’alinéa 17.5(1)a) et ils n’ont pas posé de tels actes. Je reconnais toutefois qu’il y a toujours une possibilité que ces événements surviennent, particulièrement la création ou la menace d’un incendie, par exemple. Dans l’affaire qui nous occupe, toutefois, les probabilités d’une urgence n’étaient pas plus élevées que le risque habituel d’un tel événement dans l’institution à ce moment. En fait, l’édifice était éclairé et l’employeur avait la maîtrise complète des détenus, à l’exception de ceux qui étaient demeurés dans la cour d’exercices et qui refusaient de retourner dans leurs cellules à l’intérieur de l’établissement.
[139] Par conséquent, je suis d’avis que, bien qu’il existe toujours la possibilité que des détenus menacent des agents correctionnels ou créent une situation d’urgence, les questions devant être résolues dans le présent appel ne sont pas complètement couvertes par la partie XVII du Règlement.
[140] Les circonstances de la présente affaire, comme la preuve le démontre, portent sur la question de savoir si les agents correctionnels ont reçu la formation et les ressources nécessaires pour entrer dans la cour dans des situations d’urgence en vue de dégager la cour et en retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale. Il s’agit d’un scénario beaucoup plus complexe qui, selon moi, exige davantage que ce qui est prévu à la partie XVII.
[141] À mon avis, le présent appel porte sur une situation où des employés, les agents correctionnels, doivent retrouver la maîtrise de détenus belligérants dans des cellules, la rangée ou, dans l’affaire qui nous occupe, la cour d’exercices, d’une manière sécuritaire et contrôlée pour les détenus et les employés. La preuve a permis de constater qu’il n’est pas rare à l’Établissement Millhaven que les détenus refusent de retourner dans leurs cellules lorsqu’ils se trouvent dans la cour.
[142] Par conséquent, je ne crois pas que ces circonstances constituent une situation d’urgence qui exige l’évacuation du lieu de travail, au sens de l’alinéa 17.5(1)a) du Règlement. Comme l’ont mentionné les deux parties, « dans l’environnement correctionnel, la gestion de la violence des détenus fait partie du travail ». Je considère donc qu’il s’agit d’une situation portant sur des procédures de travail dans laquelle il faut retrouver la maîtrise de détenus agressifs et non d’une situation exigeant l’évacuation d’urgence d’un lieu de travail.
[143] En résumé, je suis d’avis que l’alinéa 17.5(1)a) ne s’applique pas aux circonstances de la présente affaire et je conclus par les présentes que l’agent de SST a commis une erreur en jugeant que l’employeur avait enfreint cette disposition du Règlement.
Deuxième question :
Les paragraphes 125(1)z.03) et z.04) du Code et le règlement prescrit, la partie XIX du Règlement (Programme de prévention des risques) s’appliquent-ils aux circonstances de cette affaire? Si tel est le cas, les faits établis à l’audience soulèvent-ils une violation de ces dispositions?
[144] Les dispositions susmentionnées du Code et du Règlement se lisent comme suit :
Code canadien du travail, partie II,
125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève,
z.03) en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, d’élaborer et de mettre en oeuvre un programme réglementaire de prévention des risques professionnels — en fonction de la taille du lieu de travail et de la nature des risques qui s’y posent — , y compris la formation des employés en matière de santé et de sécurité, et d’en contrôler l’application;
z.04) relativement aux risques propres à un lieu de travail et non couverts par un programme visé à l’alinéa z.03), en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, d’élaborer et de mettre en œuvre un programme réglementaire de prévention de ces risques, y compris la formation des employés en matière de santé et de sécurité relativement à ces risques, et d’en contrôler l’application
Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, partie XIX
Programme de prévention des risques
19.1(1) L’employeur, en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant et avec la participation du comité ou du représentant en cause, élabore et met en œuvre un programme de prévention des risques professionnels — y compris ceux liés à l’ergonomie —, en fonction de la taille du lieu de travail et de la nature des risques qui s’y posent, et en contrôle l’application. Ce programme comporte les éléments suivants :
a) le plan de mise en œuvre;
b) la méthode de recensement et d’évaluation des risques;
c) le recensement et l’évaluation des risques;
d) les mesures de prévention;
e) la formation des employés;
f) l’évaluation du programme.
[145] La preuve démontre que le SCC a élaboré un programme de prévention en 2008 conformément à l’alinéa 125(1)z.03). Dans la documentation
[146] En consultant l’ARP générique, je constate qu’elle énumère correctement une gamme de risques potentiels dans les établissements correctionnels. Même si l’intimé s’est plaint que le PPR était incomplet, mon examen attentif du programme ne m’a pas permis de conclure qu’il était insuffisant.
[147] En consultant le document intitulé « Correctional Training Program – at a Glance » fourni par le SCC, il me semble qu’une formation est donnée pour toutes les mesures de contrôle nommées dans l’ARP. De plus, la preuve indique que les membres de l’EPIU disposent d’équipement de protection individuelle, comme un gilet de protection balistique, et ont accès à toute une gamme d’équipement d’autres types, dont des gaz irritants, des vaporisateurs de poivre, des matraques, des boucliers et même des armes à feu au besoin.
[148] L’alinéa 125(1)z.04) du Code exige que, si le programme visé à l’alinéa 125(1)z.03) ne couvre pas certains risques propres à un lieu de travail, l’employeur, en consultation avec le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, élabore et mette en œuvre un programme réglementaire de prévention de ces risques, y compris la formation des employés en matière de santé et de sécurité relativement à ces risques et en contrôle l’application.
[149] La preuve démontre clairement que les membres de l’EPIU ont des lacunes pour ce qui est de la maîtrise et de l’extraction dans la cour de cet établissement. Ils considèrent la configuration de la cour de Milhaven comme un obstacle majeur et un risque pour ces opérations. Ils craignent que leur expérience et leur formation soient insuffisantes pour préparer et mener une opération en toute sécurité. Je suis en accord avec eux. Je suis d’avis que, compte tenu de toute la preuve qui m’a été présentée, cette affaire pourrait être résolue en effectuant une ARP qui tient compte de la configuration particulière de la cour de l’Établissement Millhaven et en élaborant et en mettant en œuvre un programme de prévention des risques qui traite spécifiquement des risques engendrés par cette configuration de la cour. Selon moi, le problème pourrait être réglé si cela était fait en concertation avec le comité local de santé et de sécurité.
[150] Je suis d’avis qu’il incombe au comité local de participer à cette tâche, conformément à l’alinéa135(7)c) du Code. Selon l’alinéa 135(7)e), le comité peut aussi consulter au besoin des personnes qui sont professionnellement ou techniquement qualifiées pour le conseiller. Je note de plus que, conformément à l’alinéa 125(1)z.08) du Code, l’employeur doit collaborer avec le comité d’orientation et le comité local ou le représentant pour l’exécution des responsabilités qui leur incombent en vertu du Code.
[151] Compte tenu de ce qui précède, même si les parties comptaient fortement sur le SMEAC dans leurs observations, je constate que ce document est correctement appelé un plan d’action. Il ne s’agit pas d’un document qui analyse les dangers potentiels et établit les mesures correctives ou la formation. Il utilise plutôt l’information, comme les circonstances de l’événement exigeant l’intervention de l’EPIU, pour établir la procédure qui doit être utilisée et l’équipement nécessaire. Je crois que, si l’ARP avait été correctement faite pour le lieu de travail en concertation avec le comité local de santé et de sécurité, les résultats de l’analyse auraient certainement pu aider l’EPIU à choisir la procédure et l’équipement à utiliser au cours de l’intervention. Je note encore une fois, comme il est mentionné dans les observations de Mme Engelmann, que l’ARP n’a toujours pas été adaptée à la réalité de l’Établissement Millhaven.
[152] De plus, je crois qu’il est important de noter le fait que les deux parties ont porté beaucoup d’attention au caractère adéquat du plan d’urgence de Milhaven et à la question de savoir s’il est possible de s’y fier pour protéger les agents correctionnels en cas d’urgence. Je constate que les arguments et la preuve soumis par les deux parties sur cette question visaient à répondre directement à la décision de l’agent de SST Garron que l’employeur enfreignait à la partie XVII du Règlement. Puisque j’ai conclu que la partie XVII ne s’appliquait pas aux circonstances du présent appel, les procédures décrites dans le plan d’urgence n’ont pas eu d’incidence sur ma décision au sujet des questions visées par l’appel.
[153] Compte tenu de ce qui précède, je crois que les alinéas 125(1)z.03) et z.04) du Code, ainsi que les articles 19.4, 19.5, 19.6 et 19.7 de la partie XIX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail sont les dispositions qui s’appliquent réellement aux circonstances précises de la présente affaire et que le Service correctionnel du Canada enfreint ces dispositions.
Troisième question :
Le paragraphe 125(1)z.16) du Code et la partie XX du Règlement (Prévention de la violence dans le lieu de travail) s’appliquent-ils aux circonstances de cette affaire? Si tel est le cas, les faits établis à l’audience soulèvent-ils une violation de ces dispositions?
[154] Les dispositions susmentionnées se lisent comme suit :
Code canadien du travail
125(1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève,
(z.16) de prendre les mesures prévues par les règlements pour prévenir et réprimer la violence dans le lieu de travail;
Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail
PARTIE XX
PRÉVENTION DE LA VIOLENCE DANS LE LIEU DE TRAVAIL
Interprétation
20.1 L’employeur qui s’acquitte des obligations qui lui sont imposées par la présente partie consulte le comité d’orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, avec la participation du comité ou du représentant en cause.
20.2 Dans la présente partie, constitue de la violence dans le lieu de travail tout agissement, comportement, menace ou geste d’une personne à l’égard d’un employé à son lieu de travail et qui pourrait vraisemblablement lui causer un dommage, un préjudice ou une maladie.
[155] Relativement à la troisième question que j’ai posée, les deux parties conviennent que ces dispositions ne s’appliquent pas aux circonstances de fait de la présente affaire. Je suis en accord avec elle que la situation qui nous occupe est bien différente de celle envisagée dans ce règlement particulier.
Conclusion
[156] Le problème que l’agent de SST tentait de corriger était décrit comme suit dans son instruction :
Les agents correctionnels n’ont pas reçu la formation ni les ressources nécessaires pour entrer dans la cour dans des situations d’urgence pour dégager la cour et en retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale.
[157] Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que l’agent de SST a commis une erreur en citant une disposition incorrecte du Code dans son instruction. Comme cela a déjà été mentionné, je crois que l’agent de SST Garron aurait dû se servir des alinéas 125(1)z.03) et z.04) du Code ainsi que des articles 19.4, 19.5, 19.6 et 19.7 de la partie XIX du Règlement, compte tenu des risques découverts uniques et de l’élaboration de mesures préventives contre ces risques en plus de la formation des employés.
[158] Par conséquent, j’annule l’instruction émise le 9 avril 2010 au Service correctionnel du Canada et je la remplace par la mienne. Le remplacement de l’instruction initiale vise à tenir compte de ma conclusion que ce sont les articles 19.4, 19.5, 19.6 et 19.7 de la partie XIX du Règlement qui s’appliquent dans ces circonstances plutôt que la partie XVII, que mentionnait initialement l’agent de SST. Bref, après avoir évalué les problèmes qui m’ont été présentés, je suis d’avis que le Service correctionnel du Canada enfreint les articles susmentionnés de la partie XIX et non la partie XVII du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.
[159] L’employeur, le Service correctionnel du Canada, dispose de 30 jours après la réception de ma décision pour élaborer, mettre en œuvre et surveiller en concertation avec le comité du lieu de travail un programme prescrit pour la prévention de ces risques prévoyant la formation des employés sur les questions de santé et sécurité liées à ces risques. L’instruction est jointe en annexe de la présente décision.
Décision
[160] J’ai décidé d’annuler et de remplacer l’instruction émise par l’agent de SST Garron au Service correctionnel du Canada parce que j’ai jugé que l’agent de SST avait commis une erreur en émettant l’instruction sur la base d’une infraction à la partie XVII du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. J’ai plutôt conclu que l’employeur, le Service correctionnel du Canada, se trouvait en infraction des articles 19.4, 19.5, 19.6 et 19.7 de la partie XIX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail et j’ai émis une nouvelle instruction conformément à cette conclusion.
Richard Lafrance
Agent d’appel
ANNEXE
DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL
PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL
INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)
Après une enquête menée par l’agent d’appel soussigné entre le 28 février 2011 et le 3 mars 2011, en vertu de l’article 146.1 de la partie II du Code canadien du travail, au sujet des circonstances d’une instruction émise par l’agent de santé et de sécurité Greg Garron le 9 avril 2010 au Service correctionnel du Canada, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail:
L’agent d’appel soussigné est d’avis que le Service correctionnel du Canada enfreint les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail et du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail:
Les agents correctionnels n’ont pas reçu la formation suffisante ni les ressources nécessaires pour entrer en toute sécurité dans la cour d’exercice de l’Établissement Millhaven pour dégager cette zone et en retirer un détenu qui a besoin d’assistance médicale.
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu du paragraphe 145(1) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures dans les 30 jours suivant la réception de la présente décision pour cesser la contravention et veiller à ce qu’elle ne se poursuive pas ni ne se reproduise et de déclarer ces mesures à un agent de santé et de sécurité du bureau de district de Toronto du Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Programme du travail, avant le 22 mars 2013.
Instruction émise à Ottawa le 20 février 2013.
Richard Lafrance
Agent d’appel
Destinataire : Service correctionnel du Canada
Directeur d’établissement
Établissement Millhaven
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