2013 TSSTC 18

Référence : Agence canadienne d'inspection des aliments c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 TSSTC 18

Date : 2013-06-20
Dossier : 2013-19, 20 et 21
Rendue à : Ottawa

Entre :

Agence canadienne d'inspection des aliments, demanderesse

et

Alliance de la Fonction publique du Canada, défenderesse

Affaire : Demandes de suspension de la mise en œuvre des instructions

Décision : La demande de suspension de la mise en œuvre des instructions est rejetée

Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, agent d'appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la demanderesse : Mme Andrea Horton, conseillère juridique, ministère de la Justice

Pour la défenderesse : Mme Lisa Addario, conseillère juridique, Alliance de la Fonction publique du Canada

MOTIFS DE LA DÉCISION

[1]             Le 8 avril 2013, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a déposé des appels en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l'encontre de trois instructions émises par Mme Bobbi Anderson, agente de santé et de sécurité (agente de SST) au Programme du Travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, le 8 mars 2013. Étaient jointes à ces appels des demandes de suspension de la mise en œuvre des trois instructions jusqu'à ce que les appels soient jugés sur le fond.

Contexte

[2]             En octobre 2012, après avoir reçu des plaintes déposées par trois employés, l'agente de SST Anderson a effectué une enquête dans le lieu de travail exploité par l'ACIA au 5921, rue Frank, à Mitchell (Ontario). À la suite de son enquête, l'agente de SST Anderson a émis une instruction à l'employeur concluant à une contravention au paragraphe 20.9(3) du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (le Règlement) et qu'il avait jusqu'au 31 janvier 2013 pour se conformer aux dispositions de ce paragraphe. Le 27 novembre 2012, l'agente de SST Anderson a visité le lieu de travail à nouveau afin d'effectuer une deuxième enquête. Trois instructions additionnelles ont été émises à l'employeur le 8 mars 2013, en vertu de l'alinéa 125.(1)x) du Code. Les trois instructions sont identiques, à ce détail près que chacune vise un employé différent (soit les employés 1, 2 et 3). L'instruction concernant l'employé 1 se lit comme suit :

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 27 novembre 2012, l'agente de santé et de sécurité soussignée a effectué une enquête dans le lieu de travail exploité par l'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS, un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail et sis au 5921, rue Frank, Mitchell (Ontario) N0K 1N0, ledit lieu de travail étant aussi connu sous le nom d'ACIA – Great Lakes Specialty Meats of Canada Inc.

Ladite agente de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie II du Code canadien du travail ont été enfreintes :

No. /N° : 1

Alinéa 125(1)x) – Code canadien du travail, partie II -

L'employeur doit se conformer aux instructions verbales ou écrites qui lui sont données par un agent d’appel ou un agent de santé et de sécurité à l'égard de la santé et de la sécurité des employés.

L'employeur ne s'est pas conformé à l'instruction initiale qui lui a été émise le 14 décembre 2012 de nommer une personne compétente pour qu'elle enquête au sujet des allégations de violence faites par l'employé 1 en février 2012, qui demeurent non réglées.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(1)a) de la Partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à cette contravention au plus tard le 28 mars 2013.

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la Partie II du Code canadien du travail, de prendre, au plus tard dans le délai imparti par l’agente de santé et de sécurité, les mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Fait à London, ce 8e jour de mars 2013.

[3]             Le 27 mai 2013, j'ai tenu une téléconférence pour entendre les demandes de suspension. Ont assisté à cette téléconférence Mme Horton et Mme Dagenais (pour la demanderesse), Mme Addario, M. Kingston et M. Yoboua (pour l'intimée), et l'agente de SST Anderson.

[4]             Voici les motifs de ma décision de ne pas accorder la suspension, que j'ai rendue le 30 mai 2013.

[5]             Le pouvoir d’un agent d’appel d’accorder une suspension découle du paragraphe 146(2) du Code, qui se lit comme suit :

À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

[6]             Pour rendre une décision sur les demandes de suspension, j'ai appliqué les trois critères suivants :

1) Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire.

2) Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre la mise en œuvre de l’instruction lui causera un préjudice important.

3) Le demandeur doit démontrer que si une suspension est accordée, des mesures seront mises en place pour protéger la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail.

La question à juger est-elle sérieuse plutôt que frivole ou vexatoire?

[7]             Lors de la téléconférence, les deux parties se sont entendues sur le fait que la question soulevée était une question sérieuse.

[8]             Pour la demanderesse, le sérieux de la question découle du fait que l'agente de SST n'était pas légalement habilitée à émettre une instruction à l'employeur aux termes de l'article 20.9 du Règlement et en vertu de la partie XX - Prévention de la violence dans le lieu de travail. Le demanderesse a soutenu que l'agente de SST Anderson ne pouvait pas émettre d'instruction à l'employeur pour qu'il nomme une personne compétente afin qu'elle enquête au sujet des actes violents allégués sans d'abord sommer les employés de tenter de régler le problème en cause en fournissant à l'employeur des détails qui lui permettraient d'examiner ce problème. De plus, la demanderesse a fait allusion au caractère vague de la plainte afin d'appuyer sa position voulant qu'une question sérieuse devait être jugée.

[9]             La défenderesse juge aussi qu'une question sérieuse est en cause pour le motif qu'aucune mesure n'a été prise par l'employeur pour enquêter au sujet des allégations de violence, même si la plainte s'est rendue jusqu'au vice-président.

[10]             J'ai indiqué aux deux parties que j'estimais que la question en litige est une question sérieuse. C'est pourquoi je considère que ce premier critère a été satisfait.

La demanderesse subirait-elle un préjudice important si l’instruction n’est pas suspendue?

[11]             La demanderesse a avancé qu'elle subirait deux préjudices importants. Le premier d'entre eux est lié au caractère vague des allégations. La demanderesse a soutenu que pour mettre en application les instructions de l'agente de SST Anderson, il faudrait qu'elle nomme un tiers pour qu'il enquête au sujet des allégations de violence sans pouvoir être en mesure de donner de détails à ce tiers pour qu'il s'acquitte de son mandat. La demanderesse a maintenu que pour qu'un tiers s'acquitte de son mandat de façon adéquate, il faudrait au moins l'informer de la nature des allégations, lui préciser le périmètre du lieu de travail qui est en cause et lui indiquer le nom des gestionnaires impliqués dans les actes violents.

[12]             Le deuxième préjudice allégué consiste en une violation de la justice naturelle qui pourrait découler du fait que les gestionnaires qui doivent faire l'objet de l'enquête ne sont pas en mesure de répondre aux allégations.

[13]             Je constate que même si les arguments de la demanderesse concernant le caractère vague des allégations et la violation de la justice naturelle peuvent être pertinents quant au bien-fondé de cette affaire, cela ne m'amène pas à conclure qu'ils causent un préjudice important à l'employeur. J'en viens donc à la conclusion que la demanderesse n'a pas établi que l'employeur subira un préjudice important si la mise en œuvre des instructions n'est pas suspendue.

[14]             Comme j'en suis arrivé à la conclusion que l'employeur n'a pas établi qu'il subirait un préjudice important si la suspension n'est pas accordée, je n'ai pas besoin d'examiner le troisième critère.

Décision

[15]             Pour les motifs précités, les demandes de suspension de la mise en œuvre des trois instructions émises par l'agente de SST Bobbi Anderson le 8 mars 2013 sont rejetées.

Michael Wiwchar
Agent d'appel

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