2013 TSSTC 28 

Référence : Winnipeg Airports Authority Inc. c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2013 TSSTC 28

Date : 2013-10-08
Dossier : 2013-35
Rendue à : Ottawa

Entre :

Winnipeg Airports Authority Inc., demanderesse

et

Alliance de la Fonction publique du Canada, défenderesse

Affaire : Demande, en vertu du paragraphe 146(2) du Code canadien du travail, de suspension de la mise en œuvre d'une instruction émise par un agent de santé et de sécurité

Décision : La suspension de la mise en œuvre de l’instruction est refusée

Décision rendue par : M. Jean Arteau, agent d'appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la demanderesse : M. Kevin Smith, agent de sécurité, Winnipeg Airports Authority Inc.

Pour la défenderesse : M. Jean-Rodrigue Yoboua, agent de représentation, Services juridiques – Alliance de la Fonction publique du Canada

MOTIFS DE LA DÉCISION

[1]             Le 28 juin 2013, la Winnipeg Airports Authority Inc. a déposé un appel en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l'encontre d'une instruction émise le 21 juin 2013 par M. David Mandziuk, agent de santé et sécurité. Était jointe à cet appel une demande de suspension de la mise en œuvre de l'instruction jusqu'à ce que l'affaire soit jugée sur le fond.

Contexte

[2]             Durant la période allant de mars à juin 2013, l'agent de SST Mandziuk a effectué quelques inspections dans les installations de travail exploitées par la Winnipeg Airports Authority Inc. au 249-2000, avenue Wellington, à Winnipeg (Manitoba). Une instruction datée du 28 juin 2013 a été émise à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1) du Code, dans la foulée de ces inspections. Cette instruction se lit comme suit :

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR EN VERTU DU PARAGRAPHE 145(1)

Le 28 mars 2013, l'agent de santé et de sécurité soussigné a effectué une inspection dans le lieu de travail de l'Aéroport international James Armstrong Richardson exploité par la Winnipeg Airports Authority Inc., un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et situées au 249-2000, avenue Wellington, Winnipeg (Manitoba) R3H 1C2, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom de Winnipeg Airports Authority Inc.

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante du Code canadien du travail, partie II, a été enfreinte :

No. /N° : 1

125.(1)a) – Code canadien du travail, partie II, 2.2(1) – Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, Code national du bâtiment (1995), 3.4.6.15.

On a observé que le bâtiment appelé « Aéroport international James Armstrong Richardson » comportait de nombreuses serrures électromagnétiques installées sur des portes de sortie de salles et de corridors. Ces portes ne sont pas conformes aux exigences énoncées dans le Code national du bâtiment (1995).

La WINNIPEG AIRPORTS AUTHORITY INC. devra veiller à ce que toutes ces portes de sortie de salles et de corridors soient conformes aux exigences énoncées dans le Code national du bâtiment (1995).

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de mettre fin à cette contravention au plus tard le 5 juillet 2013.

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre, au plus tard dans le délai imparti par l’agent de santé et de sécurité, les mesures pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Fait à Winnipeg, ce 21e jour de juin 2013.

David Mandziuk

Agent de santé et de sécurité

[…]

[3]             Le 28 juin 2013, un appel à l'encontre de cette instruction a été déposé au Tribunal de santé et sécurité au travail Canada. Cet appel était accompagné d'une demande de suspension de la mise en œuvre de l'instruction émise par l'agent de SST Mandziuk.

[4]             Le 9 septembre 2013, j'ai tenu une téléconférence pour entendre la demande de suspension. Ont participé à cette téléconférence M. Kevin Smith, agent de sécurité, qui a agi pour la demanderesse, soit la Winnipeg Airports Authority Inc., Jean-Rodrigue Yoboua, agent de représentation aux Services juridiques de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, qui a agi comme représentant pour la défenderesse, M. David Mandziuk, agent de SST, et M. Michael Wagemakers, ingénieur aux Services techniques de sécurité-incendie du Programme du travail de la Région du Centre. Tant M. Mandziuk que M. Wagemakers ont pris part à l'audience à ma demande.

[5]             Ma décision de ne pas accueillir la demande de suspension a été rendue le 12 septembre 2013. Voici les motifs à l’appui de ma décision.

[6]             Le pouvoir d’un agent d’appel d’accorder une suspension découle du paragraphe 146(2) du Code, qui se lit comme suit :

À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

[7]             Afin de rendre une décision au sujet de cette demande de suspension, j'ai appliqué les trois critères suivants, lesquels ont été communiqués à la demanderesse avant l'audience :

1) Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire;

2) Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important;

3) Le demandeur doit démontrer que dans l’éventualité où la suspension était accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

La question à juger est-elle sérieuse plutôt que frivole ou vexatoire?

[8]             Les deux parties ont convenu que la question soulevée était une question sérieuse.

[9]             La demanderesse a cité les arguments énoncés dans les documents d'appel. Elle a soutenu que le caractère sérieux de la question découlait du fait que la Winnipeg Airports Authority Inc. avait installé des serrures électromagnétiques sur des portes de sortie en se fondant sur le Code du bâtiment du Manitoba de 1998. Elle a aussi avancé que le Code du bâtiment du Manitoba de 1998, tel que modifié, prévoit un autre type de serrure électromagnétique en vue de se conformer aux exigences du Code national du bâtiment de 1995 mentionnées dans le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, qui visent à fournir un moyen de sortie sécuritaire aux occupants.

[10]             La défenderesse n'a pas contesté les observations de la demanderesse quant au sérieux de la question soulevée.

[11]             Après avoir lu les documents d'appel et entendu les parties, et après avoir examiné les répercussions que le remplacement éventuel des portes de sortie aurait sur les activités de l'aéroport, sur la sécurité des voyageurs et pour tous les gens qui travaillent à l'aéroport, j'en arrive à la conclusion que cette question est sérieuse et que le premier critère a donc été satisfait.

La demanderesse subirait-elle un préjudice important si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

[12]             Dans sa réponse à cette question, la demanderesse fait allusion au caractère vague de l'instruction en cause et elle affirme que l'agent de SST n'avait pas inspecté toutes les portes et qu'il n'avait pas précisé non plus lesquelles étaient visées par l'instruction. Elle ajoute que la Winnipeg Airports Authority Inc. allait donc devoir effectuer un examen complet de toutes les portes. Cela dit, la demanderesse n'est pas parvenue à établir le nombre de portes visées par l'instruction, même de façon approximative.

[13]             En réponse à mes questions relatives aux coûts liés aux mesures qui devraient être prises pour donner suite à l'instruction, la demanderesse a déclaré qu'ils s'élèveraient à environ 100 000 dollars. Mais elle n'a fourni aucun renseignement détaillé sur la nature des travaux qui devraient être exécutés ou sur les répercussions qu'aurait la mise en œuvre de l'instruction sur les activités de l'aéroport.

[14]             La défenderesse n'a présenté aucun argument à ce sujet.

[15]             Le principal argument de la demanderesse est d'ordre économique et, à mon avis, cet argument n'a pas été étayé de manière à démontrer qu'un préjudice important serait causé si la suspension n'était pas accordée. La demanderesse n'a pas été en mesure de m'indiquer, ne serait-ce qu'approximativement, le nombre de portes qui devraient être modifiées, ce qui m'amène à conclure que le montant qu'elle a mentionné a été établi en fonction de considérations subjectives. La demanderesse avait le fardeau de démontrer comment la mise en œuvre de l'instruction lui causerait un préjudice important et selon moi, elle n'y est pas parvenue. Par conséquent, je ne vois aucune raison objective qui pourrait justifier l'accueil de la demande de suspension et j'en conclus que le deuxième critère n'a pas été satisfait.

[16]             Comme j'en suis arrivé à la conclusion que le deuxième critère n'a pas été satisfait, je n'ai pas besoin d'examiner le troisième.

Décision

[17]             Pour toutes les raisons précitées, la demande de suspension est rejetée.

Jean Arteau
Agent d'appel

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