2013 TSSTC 34 

Référence : Brian Zimmerman c. Canada (Service correctionnel), 2013 TSSTC 34

 Date : 2013-11-26

 Dossier : 2009-32

 Rendue à : Ottawa

 Entre :

Brian Zimmerman, appelant

et

Service correctionnel du Canada, intimé

 Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail à l’encontre d’une décision rendue par un agent de santé et de sécurité

 Décision : La décision statuant qu’il n’y avait pas de danger est révoquée et une instruction sera émise

 Décision rendue par : M. Douglas Malanka, agent d’appel

 Langue de la décision : Anglais

 Pour l’appelant : Mme Corinne Blanchette, conseillère syndicale, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – Confédération des syndicats nationaux

 Pour l’intimé : M. Michel Girard, avocat, ministère de la Justice Canada, groupe du droit du travail et de l’emploi

MOTIFS

[1] Le présent appel a été déposé par Brian Zimmerman, un agent correctionnel travaillant à l’Établissement Kent (Kent) à Agassiz (Colombie-Britannique), le tout en application du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code).

[2] Le 12 novembre 2009, l’agent correctionnel (AC) Zimmerman a refusé de travailler en application de l’article 128 du Code. L’agent de santé et de sécurité (agent de SST) Michael O’Byrne a enquêté au sujet du refus de travailler maintenu par l’AC Zimmerman en conformité avec le paragraphe 129(1) du Code et il a déterminé que l’AC Zimmerman n’était exposé à aucun danger. L’agent de SST O’Byrne a informé l’AC Zimmerman de sa décision par écrit le 16 novembre 2009 et ce dernier a interjeté appel à l’encontre de cette décision en application du paragraphe 129(7) à la même date. Une audience a été tenue à Abbottsford, en Colombie-Britannique, le 16 octobre 2012, le tout en application du paragraphe 146.1(1) du Code.

Contexte

[3] Kent est situé à Agassiz, en Colombie-Britannique, et c’est le seul établissement à sécurité maximale pour hommes dans la région du Pacifique de Service correctionnel du Canada (SCC). Au total, Kent dispose de 336 lits au maximum et environ 400 employés y travaillent, dont 270 sont des agents en uniforme. Quelques mois avant le refus de travailler imputé à l’AC Zimmerman, on a ouvert une nouvelle unité de 96 lits désignée comme l’unité 4 ou l’unité d’habitation 1Footnote 1. L’unité d’habitation 1 est propre à Kent dans la mesure où il s’agit d’une unité autonome qui comprend ses propres unités résidentielles, cours, corridors de programmes, aires communes, buanderie et gymnase. Cette unité est aussi dotée d’une galerie (semblable à un balcon) surplombant les rangées et d’autres aires communes, depuis laquelle les AC peuvent observer les détenus qui se trouvent au niveau inférieur. Cette galerie est souvent désignée à Kent comme la passerelle armée, la galerie de la passerelle armée ou la passerelle armée des unités résidentielles de l’unité d’habitation. L’unité d’habitation 1 se distingue aussi de toutes les autres unités résidentielles de Kent dans la mesure où l’alimentation des caméras de son système de télévision en circuit fermé (CCTV) n’est pas relayée au poste principal de commande et de contrôle (PPCC). Il incombe au PPCC de recevoir et de transmettre les communications se rapportant à des alertes et à d’autres situations urgentes à Kent. L’alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 est plutôt relayée au poste de contrôle de cette unité ainsi qu’au Bureau du renseignement de sécurité, au poste de commandement en cas d’urgence (PCU) et au bureau du gestionnaire correctionnel (GC). On peut voir sur une carte de Kent fournie lors de l’audience que l’unité d’habitation 1 est un satellite pour les autres parties de Kent reliées entre elles par un corridor équipé de barrières.

[4] Si l’on s’en fie au rapport d’enquête et à la décision de l’agent de SST O’Byrne, l’AC Zimmerman a refusé de travailler pour la première fois le 3 novembre 2009 et il alors cité les huit questions litigieuses suivantes relativement à son employeur :

  1. L’éclairage des unités - Perte de contrôle intermittente;
  2. Le système d’intercom - Perte de contrôle intermittente;
  3. Le système de caméras des étages et des aires communes - Perte de contrôle intermittente;
  4. La zone captée par les caméras de portes - Perte des images provenant de ces caméras durant les rondes dans les rangées;
  5. Surveillance par CCTV au PPCC - Aucune alimentation;
  6. Portes des cellules - L’ouverture ne peut être contrôlée par l’opérateur;
  7. Rétention de l’arme dans le harnais à point d’attache unique;
  8. Éclairage de soirée dans les cellules - S’allume au même moment dans les cellules.

[5] SCC a effectué une enquête sur le refus exprimé par l’AC Zimmerman et M. Whitney Mullin, directeur intérimaire à Kent, s’est dit d’accord avec l’AC Zimmerman lorsqu’il affirmait qu’il était exposé à un danger. Le directeur intérimaire Mullin a pris des mesures pour que les employés ne soient plus exposés au danger jusqu’à celui-ci soit éliminé.

[6] Le directeur Harold Massey a ensuite écrit à l’AC Zimmerman le 10 novembre 2009 pour lui indiquer que le danger lié aux points 1, 2, 3, 4 et 6 énumérés dans sa plainte avait été résolu et que seuls les points 5, 7 et 8 demeuraient litigieux.

[7] En ce qui concerne le point 5, le directeur Massey a confirmé qu’aucune alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est relayée au PPCC, mais il a aussi déclaré que cette alimentation est transmise au poste de contrôle de cette unité ainsi qu’au bureau du GC et au bureau des agents de renseignements de sécurité à des fins d’enquête et d’établissement de preuve. Le directeur Massey a également affirmé que l’on pourrait étudier plus à fond la question de savoir s’il serait possible de relayer l’alimentation de l’unité d’habitation 1 au PPCC, et ce, même si la direction estime que la situation actuelle ne représente pas un danger.

[8] En ce qui concerne le point 7, le directeur Massey reconnaît que les ouvertures entre les barreaux de sécurité des fenêtres de visualisation de la passerelle armée sont suffisamment grandes pour qu’une arme tombe à travers elles et se retrouvent dans une aire occupée par des détenus. Le directeur Massey a écrit que la direction de Kent était pour l’achat de harnais à point d’attache unique grâce auquel les fusils ne pourraient tomber dans des ouvertures ou y être saisis par des détenus, mais que cet achat ne pourrait être effectué sans l’approbation de l’Administration régionale (AR). Il affirme que l’AR avait été informée du problème et qu’il s’attendait à recevoir une réponse de sa part au plus tard la semaine suivante.

[9] En ce qui concerne le point 8, le directeur Massey a mentionné qu’une demande de modification de l’éclairage de soirée des cellules avait été envoyée à l’AR et qu’elle était en instance d’approbation.

[10] Le directeur Harold Massey a aussi confirmé dans sa lettre du 10 novembre 2009 que l’on prévoyait que [traduction ] que « tout allait revenir à la normale » le 13 novembre 2009 à 16 heures.

[11] Le 12 novembre 2009, l’AC Zimmerman a maintenu son refus de travailler en application du paragraphe 128(13) du Code et il a cité les huit problèmes de santé et de sécurité que l’agent de SST O’Byrne avait déjà lui-même cités à son employeur le 3 novembre 2009. L’AC Zimmerman a répété à l’agent de SST O’Byrne que les AC affectés à l’unité d’habitation 1 étaient exposés à un danger étant donné que l’alimentation des caméras de la CCTV de cette unité n’était pas relayée au PPCC, tout comme cela est le cas pour toutes les autres unités résidentielles de Kent.

[12] L’AC Zimmerman a aussi répété à l’agent de SST O’Byrne qu’en raison de l’aménagement des postes de tir de la passerelle armée, des fusils pourraient tomber dans les ouvertures entre les barreaux de sécurité ou y être saisis par des détenus et des armes de haut calibre pourraient ainsi se retrouver entre les mains de détenus.

[13] À la suite de son enquête, l’agent de SST O’Byrne a confirmé dans son rapport ainsi que dans sa décision que les problèmes soulevés par l’AC Zimmerman parallèlement à son refus de travailler sont imputables à l’unité d’habitation 1 nouvellement construite et qu’ils ne peuvent être considérés comme des conditions d’emploi normales.

[14] L’agent de SST O’Byrne a aussi confirmé ce qui suit dans son rapport : comme l’alimentation des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC, cela prive les AC d’une barrière de protection, mais n’expose pas l’AC Zimmerman à un danger. En ce qui concerne le problème de sécurité lié à la possibilité que de puissants fusils se retrouvent entre les mains de détenus, l’agent de SST O’Byrne a déterminé que cela ne constituait pas un danger puisque l’employeur lui avait fait une promesse de conformité volontaire de gérer ce problème et de le régler.

[15] En fin de compte, l’agent de SST O’Byrne en arrive à la conclusion que l’employeur avait pris d’importantes mesures correctrices subséquemment au refus initial de l’AC Zimmerman et qu’il avait réduit ou éliminé le danger. L’agent de SST O’Byrne affirme que les problèmes de sécurité qui ont été cités à répétition sont plutôt hypothétiques et qu’il est peu probable qu’ils soient une source de danger dans le futur.

Questions en litige

[16] Aux fins du présent appel, les questions suivantes doivent être tranchées :

  • l’AC Zimmerman était-il exposé à un danger le 12 novembre 2009 et, le cas échéant, cette situation existe-t-elle toujours;
  • et si je statue que l’AC Zimmerman était effectivement exposé à un danger, ou qu’il l’est toujours, ce danger constitue-t-il une condition normale d’emploi?

A) Observations de l’appelant

[17] Mme Corinne Blanchette, conseillère syndicale pour l’appelant, a convoqué les sept témoins suivants :

  • L’AC Zimmerman;
  • Le GC Verville;
  • L’AC Sterkenburg;
  • L’AC Fernett;
  • L’AC Aulakh;
  • L’AC Wallin;
  • Et l’AC Conteh.

[18] Mme Blanchette me renvoie à la définition de danger figurant à l’article 122 du Code et affirme que cette définition englobe toute situation existante ou éventuelle susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée avant que ladite situation ne soit corrigée.

[19] Mme Blanchette note que des AC peuvent être affectés à trois postes dans l’unité d’habitation 1 : le poste de contrôle situé devant les rangées ou étages à deux niveaux où habitent des détenus; la console depuis laquelle les AC font habituellement des rondes dans les rangées et interagissent directement avec les détenus; et la passerelle armée (palier s’apparentant à une galerie ou un balcon) qui surplombe les rangées et d’autres aires communes de l’unité d’habitation 1.

[20] Mme Blanchette soutient que même si l’AC Zimmerman n’était pas affecté à l’unité d’habitation 1 le jour où il a refusé de travailler, il travaillait cependant à l’unité B à l’extérieur de l’unité d’habitation 1 et il aurait pu être mobilisé pour répondre à une alerte ou pour effectuer une intervention d’urgence dans l’unité d’habitation 1 étant donné que les AC qui travaillent à l’extérieur de l’unité d’habitation 1 sont désignés comme premiers intervenants. Mme Blanchette affirme aussi que l’AC Zimmerman pourrait être affecté à l’unité d’habitation 1 dans le futur, puisque son horaire de travail comprend une semaine de relève pendant laquelle il pourrait être affecté à n’importe quel poste à Kent.

[21] Mme Blanchette soutient que le comportement imprévisible des détenus est traité dans la définition de la notion de danger figurant dans le Code et cela a été reconnu par la juge Gauthier dans l’affaire Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767. La juge Gauthier déclare ce qui suit au paragraphe 41 de sa décision :

[41] S’agissant de l’alinéa i) du paragraphe 40 ci-dessus, le sens courant d’une situation ou d’un risque « éventuel » [4] (ou en anglais « potential ») [5] n’exclut pas un risque ou une situation qui peut ou non se produire, eu égard à l’imprévisibilité du comportement humain. Si un risque ou une situation est capable de surgir ou de se produire, il devrait être englobé dans la définition. Comme je l’ai dit plus haut, il n’est pas nécessaire que l’on soit en mesure de savoir exactement quand cela se produira. Il ressort clairement de la preuve que, en l’espèce, des agressions imprévues peuvent effectivement se produire.

[22] Mme Blanchette cite le paragraphe 36 de la décision Verville et soutient qu’on y confirme que la définition de la notion de danger exige uniquement que l’on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque — existant ou éventuel — est susceptible de causer des blessures, et qu’il soit établi que de telles circonstances se produiront à l’avenir, non pas comme une simple possibilité, mais comme une possibilité raisonnable.

[23] Mme Blanchette cite aussi le paragraphe 51 de la décision Verville et soutient que la juge Gauthier y confirme qu’un juge des faits peut s’appuyer sur l’avis d’un expert ou sur un avis d’expert fondé sur l’expérience et exprimé par un témoin ordinaire, ainsi que sur des déductions logiques ou raisonnables découlant de faits connus. Mme Blanchette affirme que les AC ayant témoigné ont suffisamment d’expérience pour déterminer les situations qui pourraient entraîner des blessures.

[24] Mme Blanchette affirme que l’employeur avait pris des mesures correctives relativement à plusieurs des problèmes de sécurité soulevés par l’AC Zimmerman au moment où il avait refusé de travailler et qu’il ne reste donc que trois problèmes à juger dans le cadre du présent appel. Ces problèmes sont les suivants :

  • l’alimentation des caméras de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC;
  • les déficiences liées au système d’intercom de l’unité d’habitation 1; et
  • les déficiences liées à la formation et au travail se rapportant au poste de la passerelle armée de l’unité d’habitation 1.

[25] Mme Blanchette a fait des observations au sujet de ces trois questions litigieuses et je les ai résumées sous les rubriques qui suivent.

 Alimentation du PPCC

[26] Selon Mme Blanchette, le fait que l’alimentation des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC s’oppose à la politique et aux pratiques observées dans d’autres parties de l’Établissement Kent et dans d’autres prisons. L’agent affecté au PPCC devrait être en mesure de visionner ce qui est capté par ces caméras à des fins de surveillance. Mme Blanchette soutient que cela prive les AC d’un niveau de protection et que SCC n’a rien fait pour atténuer ce problème.

[27] À cet égard, Mme Blanchette soutient que le témoignage des AC et la preuve soumise en l’espèce permettent d’établir que la non-transmission de l’alimentation des caméras de la CCTV au PPCC empêche les AC affectés à l’unité d’habitation 1 d’être informés d’avance des agissements suspects ou menaçants des détenus, et d’effectuer des interventions d’urgence dans un délai minimal afin de donner suite à des alertes provenant de cellules ou d’avertisseurs portatifs ou électriques, à des alertes d’incendie ou à des alertes provenant du périmètre.

[28] Mme Blanchette affirme que la preuve en l’espèce a aussi permis d’établir que la non-transmission de cette alimentation au PPCC empêche les AC qui agissent comme premiers intervenants de recevoir en temps opportun de l’information exhaustive sur la situation désignée dans le modèle de gestion de situation, de réviser leurs interventions en cas d’urgence ou d’incident, et de faire venir à temps la police, les secours médicaux ou tout autre service d’urgence. Mme Blanchette soutient que cette information est aussi essentielle pour la santé et la sécurité au travail des AC.

[29] Mme Blanchette ajoute qu’il est essentiel d’obtenir de l’information relativement à une alerte ou une autre situation d’urgence pour préserver la santé des AC et pour assurer leur sécurité. Elle me renvoie aux témoignages des AC Zimmerman et Aulakh, qui ont tous deux affirmé que le délai d’intervention dans l’unité d’habitation 1 varie de 15 à 30 secondes. Le GC Verville a déclaré lors de son témoignage que ce délai est plus long en raison du nombre de barrières qui doivent être ouvertes et fermées dans cette unité.

[30] Mme Blanchette soutient que même si l’alimentation des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 était relayée au poste de contrôle de cette unité, cela ne règlerait pas le problème lié au fait que cette alimentation n’est pas transmise au PPCC étant donné que les AC affectés au poste de contrôle de l’unité d’habitation 1 ne visionnent pas ce qui est capté par les caméras durant une situation d’alerte ou d’urgence. Mme Blanchette affirme que l’AC Conteh a soutenu lors de son témoignage que les deux AC du poste de contrôle sont occupés à ouvrir les portes pour laisser entrer les intervenants dans l’unité d’habitation 1 durant une situation d’alerte ou un incident et pour mobiliser les AC qui se trouvent dans les unités résidentielles de cette même unité d’habitation 1.

[31] Mme Blanchette note que les avertisseurs portatifs attribués à des AC sont assignés à des unités et qu’ils peuvent être utilisés pour repérer avec précision l’AC qui a lancé l’alerte dans son unité. Mme Blanchette soutient que cela peut aussi retarder l’arrivée des premiers intervenants et que ce retard fait augmenter le risque que l’AC subisse une blessure et que celle-ci soit plus grave. Les AC Aulakh et Strekenburg ont déclaré lors de leur témoignage que les exercices simulés effectués dans le cadre de la formation en intervention d’urgence ont permis de confirmer que 33 plaies par arme blanche pouvaient être causées par une personne en sept secondes ou encore qu’elle pouvait frapper quelqu’un à la tête 50 fois dans ce même laps de temps. Mme Blanchette soutient que l’agent du PPCC serait en mesure d’informer les premiers intervenants de l’endroit exact où se trouve l’AC ayant besoin d’aide.

[32] Mme Blanchette soutient que l’employeur n’avait pas fourni de documentation ou de preuve relativement à la décision de SCC de ne pas retransmettre l’alimentation des caméras de l’unité d’habitation 1 au PPCC. Elle réaffirme que l’intimé n’avait soumis aucune preuve pour démontrer que des mesures avaient été adoptées pour atténuer l’effet de la suppression de ce niveau de protection.

[33] Mme Blanchette cite le témoignage d’AC voulant que l’information qui leur est transmise par l’agent du PPCC au sujet de la nature de l’urgence et du nombre de détenus leur permette d’effectuer des interventions d’urgence en prenant les précautions appropriées, surtout lorsqu’ils sont fatigués au moment où ils arrivent sur les lieux de l’incident.

[34] Mme Blanchette soutient que le danger lié au fait que l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC n’est pas atténué par l’utilisation de radios portatives par les AC. Elle soutient que la preuve démontre que ces radios ne sont pas efficaces pour informer les employés d’un risque, étant donné que les détenus peuvent entendre les AC se parler entre eux et utiliser cette information à leur profit.

[35] Mme Blanchette soutient qu’il ne serait pas utile de relayer l’alimentation de la CCTV des unités résidentielles de l’unité d’habitation 1 au bureau du GC, puisque ce dernier n’a pas été initié aux procédures à suivre pour vérifier l’équipement et pour surveiller l’alimentation des caméras. Mme Blanchette cite aussi le témoignage du GC Verville voulant que le GC n’ait pas le temps de surveiller les écrans de la CCTV lorsqu’il est occupé à gérer une urgence.

 Système d’intercom dans les rangées de l’unité d’habitation 1

[36] Mme Blanchette affirme que le témoignage de certains AC et des preuves soumises à l’audience démontrent que l’intercom situé à l’avant de la rangée ne peut être utilisé par les AC qui se trouvent au bout de cette rangée pour communiquer avec les AC du poste de contrôle s’ils ont besoin d’aide.

[37] Mme Blanchette soutient aussi que les radios portatives attribuées aux AC ne permettent pas d’atténuer cette déficience étant donné que ces radios sont d’une efficacité limitée et sont peu utilisées, conformément à la politique, durant une urgence, et qu’il y aurait aussi un risque que les détenus entendent les AC se parler entre eux. De plus, Mme Blanchette a fait allusion au témoignage de l’AC Strekenburg voulant qu’à compter du moment où un AC est impliqué dans un incident ou une altercation avec un détenu, il ne peut plus utiliser sa radio, car il se sert de ses mains pour parer les coups qu’il reçoit.

[38] Mme Blanchette note, enfin, qu’on ne retrouve pas de téléphones à côté de tous les postes de tir sur la galerie de la passerelle armée et qu’il peut donc arriver qu’un AC doive quitter le poste de tir depuis lequel il observe des détenus et courir jusqu’au téléphone le plus proche ou jusqu’au poste de contrôle afin de communiquer ses observations à l’AC affecté à ce poste. Mme Blanchette soutient que cette situation oblige parfois l’agent de la passerelle armée à quitter son poste, ce qui l’empêche de surveiller ce qui se passe plus bas et éventuellement, de sauver la vie à un AC.

 Poste de la passerelle armée de la galerie de l’unité d’habitation 1

[39] Mme Blanchette ajoute que les AC Zimmerman et Conteh ont mentionné que les barreaux horizontaux que SCC a ajouté aux postes de tir de la passerelle armée peuvent nuire à l’agent en poste lorsque celui-ci veut intervenir rapidement et tirer un coup avec précision étant donné qu’il doit retirer son arme de l’ouverture où elle se trouve et l’introduire dans une autre lorsque le détenu ciblé bouge.

[40] Mme Blanchette ajoute que les AC Conteh et Strekenburg ont aussi indiqué qu’il y a trois passerelles armées situées les unes au-dessus des autres et que cela empêche les AC de tirer dans leur position préférée en raison du manque d’espace, et que l’employeur n’a pas initié les AC au tir en position couchée. Les AC ont aussi dénoncé le fait qu’il est impossible pour eux de tirer un coup au bout de la rangée du bas lorsqu’ils se trouvent au poste de contrôle de l’unité d’habitation 1 et qu’il est risqué de viser une cible qui se trouve dans la rangée du haut, car la balle pourrait ricocher sur la porte d’une barrière.

[41] Mme Blanchette soutient que tout cela constitue une situation dangereuse et elle cite à cet égard le Contingency Plan Manual de SCC pour l’Établissement Kent, où l’on peut lire ce qui suit :« During the first ten minutes of any potential serious uprising, it is important to show an immediate, well organized response. » Elle affirme aussi qu’il n’est pas toujours possible de mettre cette procédure en œuvre dans l’unité d’habitation 1.

[42] Mme Blanchette me demande de révoquer la décision de l’agent de SST O’Byrne et en arrive à la conclusion que l’AC Zimmerman était exposé à un danger.

 Le danger en cause constitue une condition normale d’emploi  

[43] Mme Blanchette cite la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Canada c. Vandal, 2010 CF 87, qui confirme que la notion de condition normale d’emploi correspond au danger résiduel qui subsiste après que l’employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour éliminer, atténuer ou gérer le risque, la situation ou la tâche. Mme Blanchette soutient que le danger en cause peut être maîtrisé ou atténué et qu’il ne constitue donc pas une condition normale d’emploi.

B) Observations de l’intimé

 Rejet de l’appel

[44] M. Girard, l’avocat de l’intimé, soutient que l’appel de l’AC Zimmerman devrait être rejeté étant donné que l’appelant n’a pas été exposé à un danger au sens du Code et de la jurisprudence le 12 novembre 2009. M. Girard cite le paragraphe 128(1) du Code et soutient que le droit de refuser de travailler est un droit individuel ne s’appliquant qu’à l’employé qui l’invoque. M. Girard soutient que l’agent d’appel Wiwchar affirme dans Maureen Harper c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2011 TSSTC 19, que le droit de refuser de travailler peut être invoqué seulement si la situation contestée dans le milieu de travail constitue un danger pour l’employé concerné et qu’il ne peut être exercé si la situation dangereuse présumée concerne plutôt d’autres employés.

[45] M. Girard note que l’AC Zimmerman ne travaillait pas dans l’unité d’habitation 1 le jour où il a refusé de travailler et il maintient que cela permet d’établir que cet AC n’était donc pas personnellement exposé à un danger dans cette unité d’habitation au moment où il a refusé de travailler. M. Girard soutient que pour ce seul motif, l’appel devrait être rejeté. Il affirme que l’argument de l’appelant voulant que l’AC Zimmerman pourrait être affecté à l’unité d’habitation 1 un jour ne suffit pas à justifier son refus de travailler.

 Portée de l’appel

[46] M. Girard affirme que le paragraphe 129(7) du Code ne permet pas à un appelant de soulever de nouveaux problèmes lors de l’audience d’appel. Il cite la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Fletcher 2002 CAF 424, dans laquelle il est mentionné que le droit de refuser de travailler est un droit continu et qu’un employé peut exercer ce droit à l’égard d’un problème qu’il n’avait pas signalé à l’agent de SST et qui n’avait pas été jugé.

[47] M. Girard soutient également que même si la Cour d’appel fédérale a statué dans la décision Martin c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 156, qu’un appel soumis à un agent d’appel est considéré comme un appel de novo, cela ne signifie pas que cet agent d’appel peut trancher des questions n’ayant pas été communiquées à l’agent de santé et de sécurité durant la période où l’employé maintenait son refus de travailler.

[48] M. Girard ajoute que la Cour d’appel fédérale confirme aussi dans les décisions Burchill c. Procureur général du Canada [1981] 1 CF 109 (CA) et Shneidman c. Canada (Procureur général) 2007 CAF 192, qu’un examen de novo n’habilite pas l’agent d’appel à trancher des questions non énoncées au dossier.

[49] M. Girard soutient que les questions litigieuses suivantes ont été soulevées à l’audience d’appel, mais qu’elles n’ont pas été mentionnées à l’agent de SST à l’époque où il effectuait son enquête et qu’elles ne peuvent donc être jugées dans le cadre du présent appel :

a. Il y a des zones mortes pour les radios dans l’unité d’habitation 1;

b. Il n’y a pas d’intercom au bout de la rangée;

c. Il est difficile pour l’agent affecté à la passerelle armée de communiquer avec le poste de contrôle;

d. Les barreaux des postes de tir de l’unité d’habitation 1 posent des problèmes;

e. La position qu’il faut adopter pour certains postes de tir de l’unité d’habitation 1 et le manque de formation sur la position couchée posent aussi des problèmes;

f. Il est difficile de tirer depuis le poste de contrôle de l’unité d’habitation 1;

g. L’alimentation en direct des caméras des unités résidentielles n’est plus relayée au PPCC.

[50] M. Girard maintient que la seule question restant à juger dans le cadre du présent appel concerne le fait que l’alimentation en direct des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC. Il affirme que le 10 novembre 2009, le directeur Harold Massey a écrit à l’AC Zimmerman pour lui dire que des mesures avaient été prises sur-le-champ pour régler les problèmes qu’il avait soulevés et qu’il n’y avait plus de danger.

 Sur le fond

[51] M. Girard soutient par ailleurs que l’appelant n’était exposé à aucun danger le jour où il a refusé de travailler. Il cite à cet égard le paragraphe 128(1) du Code ainsi que le paragraphe 51 de la décision Stone et Canada (Service correctionnel), TSSTC 02-19. En ce qui concerne cette affaire, l’agent d’appel Cadieux écrit que le droit de refuser de travailler demeure une mesure d’urgence et qu’il ne doit pas être exercé dans le but de traiter un problème de longue date.

[52] M. Girard soutient aussi que le critère permettant de constater l’existence d’un danger est décrit dans la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Société canadienne des postes c. Pollard 2007 CF 1362 (confirmée par la Cour d’appel fédérale en 2008 [CAF 305]) et il affirme qu’il doit y avoir une possibilité raisonnable et non pas une simple possibilité que les circonstances liées à une situation dangereuse surviennent pour que l’on puisse faire un constat de danger. M. Girard avance qu’un constat de danger ne peut être fondé sur des spéculations ou une hypothèse.

[53] M. Girard cite également la décision Verville, dans laquelle la juge Gauthier de la Cour fédérale présente les cas dans lesquels on peut raisonnablement s’attendre à ce que des blessures surviennent, comme suit :

a. Une preuve démontrant que des blessures sont déjà survenues dans les mêmes circonstances;

b. Un avis d’expert confirmant la possibilité de blessure;

c. Une preuve fondée sur une opinion et émise par un témoin ordinaire qui, grâce à son expérience, est davantage en mesure que le juge des faits de se prononcer sur la situation en cause;

d. La supposition en cause pourrait même être établie au moyen d’une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[54] M. Girard soutient que ces principes permettent de confirmer que l’appelant doit établir que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que des blessures surviennent à la lumière de la preuve qu’il a présentée ou de déductions découlant de faits connus. Il maintient que l’appelant n’a soumis aucune preuve à l’audience qui lui aurait permis de démontrer que des personnes ont déjà subi des blessures dans les mêmes circonstances et il n’a pas cité de témoins experts non plus.

 Alimentation du PPCC

[55] M. Girard affirme que la déposition de ses témoins et la preuve présentée à l’audience permettent d’établir que même si l’alimentation en direct des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC, cela ne constitue pas un danger pour l’AC Zimmerman. M. Girard soutient que le directeur adjoint Mattson a déclaré que les politiques, les procédures, les ordres permanents, la formation et l’équipement protecteur du SCC qui sont offerts ou appliqués à Kent permettent d’atténuer tout risque éventuel.

[56] M. Girard cite le témoignage du directeur adjoint Mattson voulant que la conception de l’unité d’habitation 1 (cette unité est dotée d’un poste de contrôle armé sécuritaire et d’une console à l’aide de laquelle les détenus peuvent communiquer avec les AC) atténue le risque, puisqu’elle a pour effet de restreindre les déplacements des détenus et de favoriser la sécurité dynamique. M. Girard affirme aussi que le directeur adjoint Mattson a déclaré lors de son témoignage que la sécurité dynamique permet aux AC et à d’autres fonctionnaires à Kent de connaître l’humeur et le comportement des détenus et de prévoir les problèmes.

[57] M. Girard affirme que le directeur adjoint Mattson a indiqué que la sécurité dynamique est un outil essentiel ainsi qu’une stratégie opérationnelle pour SCC. Toujours selon le directeur adjoint Mattson, la sécurité dynamique englobe l’interaction complète entre les AC et les détenus et elle rend Kent plus sécuritaire étant donné qu’elle permet aux employés de mieux connaître chaque détenu et que l’information peut être évaluée et prise en considération par les employés et la direction.

[58] M. Girard cite à nouveau le témoignage du directeur adjoint Mattson et il affirme que le comportement des détenus est noté et signalé aux agents de renseignements de sécurité par l’entremise de déclarations d’agents, de rapports sur des observations et de rapports de gestion de cas. M. Girard ajoute que cette information est communiquée aux employés, peu importe qu’ils assistent ou non aux séances matinales de compte rendu.

[59] M. Girard ajoute que le directeur adjoint Mattson a déclaré lors de son témoignage que l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 est relayée au poste de contrôle de cette unité, au Bureau du renseignement de sécurité, au PCU et au bureau du GC.

[60] M. Girard affirme que la preuve présentée par le directeur adjoint Mattson démontre que plusieurs personnes surveillent les AC qui se trouvent dans la rangée, et ce, en tout temps. Selon le directeur adjoint Mattson, les deux AC du poste de contrôle, les deux affectés à la console et celui qui circule seul sur la passerelle armée observent constamment les employés et les déplacements des détenus dans l’unité d’habitation 1 durant les quarts de jour et de soir. Durant le quart de soir, un seul AC est affecté au poste de contrôle, mais les détenus sont confinés à leur cellule.

[61] M. Girard maintient que de l’équipement de protection individuelle est fourni aux AC, y compris des radios, et qu’ils reçoivent une formation en gestion d’incidents.

[62] M. Girard soutient que l’agent affecté à la galerie de la passerelle armée peut communiquer avec les AC du poste de contrôle en utilisant sa propre radio ou le téléphone ou l’intercom de cette galerie.

[63] M. Girard affirme qu’aucune des preuves présentées ne permet de démontrer que si l’agent du PPCC visionnait, à des fins de surveillance, l’alimentation en direct de l’unité d’habitation 1, cela permettrait de déployer plus rapidement des AC pour qu’ils aillent effectuer des interventions d’urgence en réaction à une alerte provenant de l’unité d’habitation. M. Girard soutient que la retransmission de cette alimentation n’avait pas été interrompue, et le directeur adjoint Mattson a confirmé que c’était maintenant la direction qui en était responsable.

[64] M. Girard affirme qu’en cas d’incident, il revient au GC, et non à l’agent du PPCC, d’intervenir. Il soutient que le directeur adjoint Mattson a déclaré qu’un deuxième GC affecté au quart de travail est désigné comme contrôleur sur les lieux et qu’il lui incombe de se présenter sur les lieux d’un incident et d’évaluer et de gérer celui-ci. Il soutient également que le directeur adjoint Mattson a aussi déclaré que le contrôleur sur les lieux est davantage en mesure de prendre des décisions qu’un employé du PPCC. M. Girard cite par ailleurs le témoignage du directeur adjoint Mattson et de M. Hunken, qui ont tous deux affirmé que l’équipement électronique est mis à l’essai et réparé au besoin tous les jours par trois techniciens.

[65] M. Girard soutient que la preuve ne permet pas d’établir que l’on pourrait s’attendre raisonnablement à ce que des blessures soient causées par le fait que l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC. M. Girard maintient au contraire que le directeur adjoint Mattson a déclaré lors de son témoignage, cela ayant été du reste corroboré par des documents admis en preuve, que les AC de l’unité d’habitation 1 sont constamment surveillés par les AC du poste de contrôle, de la console et de la galerie, et il a aussi soutenu que la sécurité dynamique est plus efficace que la participation du PPCC à ce processus.

[66] M. Girard cite la déposition et le témoignage de l’AC Zimmerman, ce dernier ayant reconnu que les AC doivent protéger leur santé et assurer leur sécurité lorsqu’ils effectuent des interventions.

[67] M. Girard affirme que M. Hunken a déclaré lors de son témoignage qu’il avait vu des GC recevoir la formation relative aux caméras. Or le GC Verville avait pourtant déclaré qu’on ne lui avait pas montré comment utiliser les moniteurs de la CCTV dans son bureau. M. Girard mentionne que M. Hunken a déclaré lors de son témoignage que l’on donnera plus de formation lorsque le projet aura été mené à bien.

[68] M. Girard soutient que l’appelant n’avait soumis aucune preuve à l’audience qui aurait permis de démontrer qu’il s’était passé quelque chose d’inhabituel dans l’unité d’habitation 1 le 12 novembre 2009 qui aurait pu mettre l’AC Zimmerman en danger. M. Girard en arrive à la conclusion que l’appelant s’appuie grandement sur des opinions, des perceptions et des hypothèses, y compris le témoignage d’AC voulant qu’ils se sentaient plus en sécurité lorsqu’il savait que l’AC du PPCC visionnait peut-être les images des caméras.

[69] M. Girard affirme qu’il doit y avoir une possibilité raisonnable qu’une blessure survienne en raison de problèmes de communication allégués qui auraient cours dans l’unité d’habitation 1, et que cela n’a pas été établi par l’appelant.

 Poste de la passerelle armée de la galerie de l’unité d’habitation 1

[70] M. Girard affirme qu’il doit y avoir une possibilité raisonnable qu’une blessure survienne en raison de ces problèmes de communication allégués, auxquels il faut ajouter la position de tir ou le fait que l’AC doit parfois tirer en ayant la vue obstruée dans l’unité d’habitation 1. M. Girard soutient que même si le directeur adjoint Mattson a déclaré lors de son témoignage qu’il pouvait y avoir des angles morts, il a aussi affirmé que le champ de tir dans l’unité d’habitation 1 est vaste et qu’il a été bien planifié. M. Girard soutient que l’appelant n’a pas prouvé que quelqu’un avait tiré un coup et éprouvé des difficultés à cette fin.

 Tout danger constaté est une condition normale d’emploi  

[71] M. Girard soutient par ailleurs que tout danger lié au fait que l’alimentation en direct des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC constitue une condition normale d’emploi. M. Girard confirme que le milieu correctionnel est, en raison de sa nature même, un milieu dangereux étant donné que les AC doivent composer avec des comportements humains imprévisibles et que le danger est donc inhérent à leur travail.

C) Contre-observations de l’appelant

[72] Mme Blanchette soutient que M. Girard tenait compte de la définition de danger qui figurait dans le Code avant 2000 s’il a laissé entendre que l’AC Zimmerman n’avait pas le droit, en vertu du Code, de refuser de travailler, étant donné qu’il n’était pas affecté à l’unité d’habitation 1 le jour où il a exprimé ce refus de travailler. Mme Blanchette affirme que cette interprétation n’est pas en accord avec les décisions Verville et Martin.

[73] Mme Blanchette reconnaît que l’AC Zimmerman n’était pas affecté à l’unité d’habitation 1 le jour où il a refusé de travailler, mais elle note qu’il aurait pu être contraint d’effectuer des interventions d’urgence dans cette unité et qu’il aurait pu aussi y être affecté lorsqu’il travaillait comme employé de réserve.

[74] Mme Blanchette soutient que l’appelant n’a pas soulevé de nouveaux problèmes dans le cadre de son appel, car au moment de sa plainte, il avait déjà indiqué que l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’était pas relayée au PPCC et que l’utilisation de l’intercom était problématique dans les rangées de l’unité d’habitation 1. Mme Blanchette affirme que l’AC Zimmerman a accepté de retirer la plainte qu’il avait faite concernant la possibilité que les fusils utilisés par les AC affectés à la passerelle armée tombent entre les barreaux de la grille de métal ou qu’ils y soient saisis par des détenus si les AC en question portent des harnais à point d’attache unique. Mme Blanchette affirme que les barreaux ajoutés aux postes de tir à la suite de la plainte de l’AC Zimmerman ont engendré une nouvelle situation dangereuse.

[75] Mme Blanchette avance que les affaires Fletcher et Stone citées par l’intimé ne sont pas pertinentes au regard du présent appel étant donné qu’elles sont antérieures aux décisions marquantes concernant les affaires Verville et Martin. Mme Blanchette ajoute que l’intimé a cité les décisions Burchill et Shneidman plus ou moins en vain, puisque la question jugée par les tribunaux a été examinée dans un contexte juridique différent.

[76] Mme Blanchette réaffirme que des témoins ont déclaré que le risque de blessure augmente pour les AC lorsqu’une intervention faisant suite à une alerte est retardée et que cela prolonge une altercation. Elle soutient que les faits nous autorisent à conclure en toute logique qu’un tel risque pourrait raisonnablement entraîner des blessures. Elle maintient que des AC ayant témoigné ont reconnu qu’une intervention musclée a un effet positif sur les efforts que l’on déploie pour prévenir une altercation ou y mettre fin. Voilà, selon Mme Blanchette, le genre de déduction logique dont on devrait tenir compte, tel que l’affirme la juge Gauthier dans sa décision concernant l’affaire Verville, lorsqu’on doit déterminer si un danger existe.

[77] Mme Blanchette a aussi affirmé qu’on peut déduire logiquement que le risque de blessure auquel sont exposés les AC diminue dès lors qu’ils disposent d’information sur la nature des altercations dans lesquelles ils s’apprêtent à intervenir.

[78] Mme Blanchette cite le paragraphe 34 de la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Syndicat des agents correctionnels du Canada – (UCCO-SACC-CSN) c. Canada (Procureur général) 2008 CF 542, où l’on peut lire ce qui suit :

[…] Dans le cadre de son analyse en vue de déterminer si la première partie de son critère relatif à l’existence d’un danger était respectée, l’agent d’appel ne pouvait se contenter de simplement considérer les mesures prises par le SCC pour réduire le danger. Le critère impose à l’agent d’appel de non seulement tenir compte des mesures prises par le SCC, mais également de prendre en considération le succès de ces mesures à l’égard de l’élimination du risque, de la correction de la situation ou de la modification de la tâche ou de leur maintien à un niveau sécuritaire. À mon avis, l’agent d’appel a omis d’apprécier la preuve relative à l’efficacité des mesures prises par le SCC. […]

[79] Mme Blanchette soutient que l’intimé n’a fourni aucune preuve pour déterminer comment les procédures, les ordres permanents, la formation et l’équipement protecteur du SCC permettent de contrebalancer le fait que l’alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC. Mme Blanchette soutient que tous ces raisonnements s’appliquent à d’autres unités à Kent ainsi qu’à d’autres établissements où l’alimentation en direct de la CCTV des unités résidentielles est relayée au PPCC. Elle ajoute qu’il est indiqué dans le manuel technique relatif à l’acquisition de caméras que ces appareils ajoutent de la valeur à la sécurité des employés.

[80] Mme Blanchette affirme que l’intimé n’a fourni aucune preuve à l’appui de ses allégations voulant que l’unité d’habitation 1 soit aménagée comme un vase clos et que cette conception favorise la sécurité des détenus et du personnel; que les AC affectés à l’unité d’habitation 1 sont constamment surveillés par quatre ou cinq autres AC; que les AC pourraient se tenir près de l’intercom pendant qu’ils patrouillent les rangées; que les AC peuvent utiliser leur radio pour rester en constante communication avec les AC du poste de contrôle; que les AC affectés à d’autres postes pourraient visionner les images en direct provenant des caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1; et que les AC n’interviendraient pas s’il y avait du danger. Les témoins de l’appelant ont soutenu le contraire.

[81] Mme Blanchette prétend qu’aucune preuve déposée ne permet de démontrer que la sécurité dynamique atténue le danger qui pourrait survenir lorsque l’alimentation en direct provenant de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC.

Analyse

Questions préliminaires

 1. Demande de rejet de l’appel

[82] M. Girard soutient que la cause de l’appelant devrait être rejetée puisqu’en vertu du paragraphe 128(1) du Code, un employé peut refuser de travailler dans un lieu de travail seulement dans le cas où une situation y ayant cours constitue un danger pour lui. M. Girard soutient que l’AC Zimmerman n’avait pas été affecté à l’unité d’habitation 1 et que cela n’était pas prévu non plus à son horaire de travail le jour où il a refusé de travailler, et qu’il n’a donc pu être exposé à un danger dans cette unité d’habitation. M. Girard soutient également que l’AC Zimmerman a refusé de travailler parce qu’il craignait pour la santé et la sécurité d’autres AC.

[83] Quoi qu’il en soit, la preuve en l’espèce permet d’établir que l’AC Zimmerman devait travailler à la date en cause et qu’il aurait donc pu être affecté à l’unité d’habitation 1 à tout moment ce jour-là ou encore contraint de se rendre dans cette unité pour y effectuer une intervention d’urgence en tant que premier intervenant.

[84] L’article 128(1) du Code prévoit les cas dans lesquels un employé peuvent exercer son droit de refuser de travailler, comme suit :

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

 a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

 b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

 c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[Soulignement ajouté]

[85] Dans le cadre du présent appel, rien ne prouve que l’AC Zimmerman a refusé de faire fonctionner une machine ou une chose, ou de travailler dans un certain lieu parce qu’une situation y avait cours et qu’elle constituait un danger uniquement pour lui. Je déduis plutôt de la preuve que l’AC Zimmerman a refusé d’accomplir ses tâches d’AC parce qu’il croyait que leur exécution comportait un danger pour lui ou un autre employé dans les circonstances qu’il a décrites lorsqu’il a enregistré son refus de travailler auprès de l’agent de SST O’Byrne. Conformément à l’article 128(1) du Code, l’AC Zimmerman peut refuser d’accomplir une tâche s’il a un motif raisonnable de croire que l’exécution de ce travail constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[86] En ce qui concerne l’argument de M. Girard voulant qu’il n’y avait pas de danger pour l’AC Zimmerman, puisque qu’il n’était exposé à aucun danger imminent au moment où il a refusé de travailler, la notion de danger imminent a été abandonnée en 2000 lorsque la définition du terme « danger » a été modifiée dans le Code. Le terme « danger » est actuellement défini comme suit au paragraphe 122(1) du Code :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats —, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[87] Pour tous les motifs précités, la demande de rejet de l’appel faite par l’intimé n’est pas accueillie.

 2) Portée de l’appel

[88] M. Girard soutient que la lettre transmise par le directeur Massey à l’AC Zimmerman le 10 novembre 2009 confirmait que des mesures avaient été prises sur-le-champ pour régler les problèmes qu’il cite dans sa plainte relative à son refus de travailler et qu’il n’y avait donc plus de danger. M. Girard soutient également que la seule question litigieuse m’ayant été soumise de manière justifiée est celle traitant du fait que l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC afin que l’agent affecté à ce poste puisse la visionner.

[89] Le paragraphe 128(13) du Code traite du cas de l’employeur qui prend des mesures pour protéger ses employés contre un danger. Ce paragraphe prévoit que l’employé a le droit de maintenir son refus de travailler s’il a des motifs raisonnables de croire que le danger continue d’exister. Le paragraphe 128(13) du Code se lit comme suit :

(13) L’employé peut maintenir son refus s’il a des motifs raisonnables de croire que le danger continue d’exister malgré les mesures prises par l’employeur pour protéger les employés ou si ce dernier conteste son rapport. Dès qu’il est informé du maintien du refus, l’employeur en avise l’agent de santé et de sécurité.

[90] Dans le cas qui nous occupe, il importe de mentionner que l’AC Zimmerman a versé toutes ses plaintes au document d’enregistrement du droit de refuser qu’il a remis à l’agent de SST O’Byrne à l’époque où celui-ci menait son enquête. Il est donc raisonnable d’en conclure que je peux examiner toutes les plaintes faites par l’AC Zimmerman à l’agent de SST O’Byrne.

[91] Cela dit, Mme Blanchette concède que l’employeur avait pris des mesures correctrices pour régler plusieurs des problèmes de sécurité soulevés par l’AC Zimmerman parallèlement à son refus de travailler et elle confirme dans ses observations qu’il ne reste que trois plaintes de l’AC Zimmerman à juger dans le cadre du présent appel. Mme Blanchette confirme aussi que ces trois plaintes portent sur ce qui suit : l’alimentation des caméras de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC; les déficiences liées au système d’intercom de l’unité d’habitation 1; et les déficiences liées au travail qui doit être accompli par la personne affectée au poste de la passerelle armée de l’unité d’habitation 1.

[92] Mme Blanchette affirme que la non-transmission de l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 au PPCC et le problème de l’intercom ont toujours été associés à la plainte déposée par l’AC Zimmerman dans la foulée de son refus de travailler. Mme Blanchette prétend par ailleurs que l’AC Zimmerman a aussi mentionné que les fusils remis aux AC affectés à la passerelle armée peuvent tomber dans les ouvertures de la grille de métal des postes de tir ou être saisis par quelqu’un à travers l’une de ces ouvertures et que ce problème subsiste puisque les mesures prises par SCC à cet égard, soit l’ajout de barreaux horizontaux, ont engendré un nouveau danger.

[93] Compte tenu de tout ce qui précède, j’en arrive à la conclusion que les questions suivantes sont pertinentes au regard de l’appel qui m’a été présenté :

1. L’alimentation des caméras de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC;

2. Les déficiences liées au système d’intercom de l’unité d’habitation 1;

3. Les déficiences liées au travail que doit accomplir la personne affectée au poste de la passerelle armée de l’unité d’habitation 1.

 Sur le fond  

[94] Pour déterminer si l’AC Zimmerman était exposé à un danger, je dois me demander s’il y a une possibilité raisonnable qu’un AC subisse des blessures en raison du fait que l’alimentation des caméras de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC; ou à cause des déficiences liées au système d’intercom de l’unité d’habitation 1, ou de celles liées au travail que doit accomplir la personne affectée au poste de la passerelle armée de l’unité d’habitation 1.

[95] À cet égard, la juge Gauthier précise au paragraphe 36 de la décision Verville qu’il est nécessaire de déterminer les circonstances dans lesquelles on pourrait s’attendre à ce qu’un risque, une situation ou une tâche, existant ou éventuel, cause des blessures ou une maladie et d’établir aussi que ces circonstances se matérialiseront dans le futur et engendreront une possibilité raisonnable qu’un danger soit constaté. La juge Gauthier affirme ce qui suit :

[…] Sur ce point, je ne crois pas non plus qu’il soit nécessaire d’établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n’exigent pas la preuve d’un délai précis à l’intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l’on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l’on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures et qu’il soit établi que telles circonstances se produiront dans l’avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

 Alimentation du PPCC

[96] Tel que déjà noté, le 10 novembre 2009, le directeur Massey a reconnu dans sa lettre que l’on pourrait étudier plus à fond la question de savoir s’il serait possible de relayer l’alimentation de l’unité d’habitation 1 au PPCC. À cette fin, le directeur Massey affirme que l’entreprise qui gère les caméras à Kent évaluerait comment cela pourrait être fait et que le syndicat et la direction pourraient ensuite discuter d’un plan d’action pour réaliser ce projet.

[97] J’en déduis que la direction de Kent a reconnu dans une certaine mesure que le fait de relayer l’alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 au PPCC pourrait contribuer à préserver la santé et à assurer la sécurité des AC qui y travaillent et de ceux qui doivent effectuer des interventions d’urgence dans cette unité d’habitation. Bien que le directeur Massey affirme que la situation actuelle ne constitue pas un danger, il reconnaît tout de même qu’elle devrait être examinée et évaluée.

[98] L’agent de SST O’Byrne semble adhérer lui aussi à ce point de vue, puisqu’il a écrit dans son rapport d’enquête qu’en raison de la non-transmission de cette alimentation au PPCC, les AC qui doivent travailler dans l’unité d’habitation 1 sont moins bien protégés, mais que cela ne constitue pas un danger.

[99] Nonobstant ce qui précède, l’intimé a soutenu à l’audience que cette situation ne constitue pas un danger pour les AC qui travaillent dans l’unité d’habitation 1 ou qui effectuent des interventions d’urgence, et ce, pour plusieurs raisons. L’intimé affirme qu’il y a peut-être du danger, mais que celui-ci est atténué par les facteurs suivants : l’unité d’habitation 1 est aménagée comme un vase clos et cette conception unique a pour effet de limiter les déplacements des détenus et d’accroître la sécurité dynamique; les politiques de SCC ainsi que les directives du commissaire, les ordres permanents, les consignes de postes et les descriptions de tâches permettent d’encadrer ce genre de situation; et les AC portent de l’équipement protecteur.

[100] À cet égard, je constate que l’intimé n’a pas démontré comment les nombreuses politiques et procédures, les nombreux ordres permanents relatifs à la sécurité dynamique, la gestion des déplacements des détenus, la formation des AC et l’équipement de protection individuelle porté par les AC permettent d’atténuer les conséquences de la non-transmission de l’alimentation en direct de la CCTV de l’unité d’habitation 1 au PPCC, surtout après qu’une agression ou un incident soit survenu en dépit de l’application de toutes les mesures de sécurité existantes. De plus, le GC Verville a déclaré lors de son témoignage que l’information fournie par le PPCC est utile pour la fonction de sécurité dynamique et les interventions d’urgence dans les unités résidentielles.

[101] On peut lire dans la Post Order B-1, intitulée « Main Communication Control Post (MCCP) Post CO – 11 Sector Coordinator, B-1 » et datée du 2009-05-22, dans la section Responsibilities, plus précisément, que « the post is an essential element of security operations and that the MCCP Officer is responsible for investigating any occurrence, dispatching staff and notifying the CM - OIC in the event of an alarm ». On peut aussi lire ce qui suit dans la section « Response to Alarms » de cette Post Order : the MCCP operator is to monitor all system enunciator panels and CCTV monitors at all times to detect internal or external attempted breach of security barriers, fences etc, and to supply the ECP with audio and/or visual updates in the event of an emergency situation.

[102] Les AC Zimmerman, Aulakh, Conteh et Sterkenburg et le GC Verville ont déclaré lors de leur témoignage que la transmission de l’alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 au PPCC fournit une certaine protection aux AC, et que cela peut contribuer à réduire le risque de blessure et le degré de gravité d’une situation d’urgence, et personne n’a contesté leur témoignage. Selon les AC, le PPCC peut fournir de l’information essentielle sur-le-champ aux AC qui donnent suite à une alerte ou qui effectuent d’autres interventions d’urgence, et ce, relativement à l’emplacement d’un incident, au nombre de détenus potentiellement impliqués, à la nature de l’urgence, à la question de savoir si des pièces accessoires d’équipement de sécurité-incendie seront requises pour gérer la situation, à la présence d’armes et à la question de savoir si quelqu’un est blessé et a besoin de soins médicaux. De plus, l’agent du PPCC peut appuyer un AC de manière à lui permettre d’augmenter sa capacité de planifier son intervention selon qu’il a affaire à une urgence ou un incident et, le cas échéant, de faire venir en temps opportun la police, les secours médicaux ou tout autre service d’urgence, et de recevoir d’autres renseignements établis par des AC. On a cité et fait admettre en preuve le cas d’un agent du PPCC qui avait pris les devants et téléphoné aux secours médicaux après avoir appris qu’un incident était survenu.

[103] De plus, le directeur adjoint Mattson convient que les avertisseurs portatifs ne permettent pas de localiser un agent avec précision, que l’agent affecté au poste de contrôle n’est pas autorisé à utiliser sa radio pour signaler le point d’origine d’une alerte et qu’une intervention retardée pourrait causer des blessures ou entraîner le décès d’AC se trouvant dans l’unité. Le directeur adjoint Mattson reconnaît lui aussi que la transmission de l’alimentation en direct au PPCC permettrait à l’agent affecté à ce poste de signaler à l’équipe d’intervention qu’une situation d’urgence a cours dans l’unité, de lui indiquer si des armes ont été vues et, en cas d’incendie, s’il y a lieu que les AC qui interviendront apportent des appareils de protection respiratoire autonomes, et de faire venir de l’aide si l’agent du PPCC a vu qu’il y avait un ou des blessés.

[104] Quant à l’argument de l’intimé voulant que la non-transmission de l’alimentation en direct des caméras de l’unité d’habitation 1 au PPCC ne constitue pas un danger étant donné que les caméras de la CCTV ont été installées afin de soutenir les processus d’enquête et d’accumulation de preuves, le GC Verville précise que le PPCC a déjà fourni des renseignements utiles à des AC et à des membres de l’équipe d’intervention d’urgence relativement aux agissements des détenus pendant une émeute à Kent. À cet égard, le directeur adjoint Mattson reconnaît qu’en juin 2012, l’agent du PPCC à Kent a été le premier à communiquer avec les secours médicaux. De plus, le courriel que l’AC Conteh a déposé en preuve, qui provenait de Julie Karavel, de l’Administration nationale de SCC, et de John Wiseman, et qui traitait de l’utilisation de caméras dans les établissements à sécurité moyenne pour femmes en tant que moyen d’éliminer la drogue et d’assurer la sécurité des employés et des détenus, ce courriel, donc, confirme qu’à SCC, on comprend bien que le PPCC peut réduire les risques pour la santé et la sécurité des AC en surveillant les activités des détenus et en signalant ces activités, et qu’on a autorisé cette forme d’utilisation des caméras.

[105] L’intimé affirme aussi que les AC ne sont pas tenus de donner suite à des alertes lorsque cela pourrait mettre leur santé et leur sécurité en péril. L’AC Zimmerman soutient qu’en vertu de la description de tâches des AC et de certains documents de SCC, ils sont obligés de protéger les détenus. Les AC Zimmerman et Aulakh et le GC Verville, qui sont des employés aguerris, précisent que les directives à ce sujet ne sont pas toujours claires. À mon avis, il n’est pas déraisonnable de penser que l’on peut errer lorsqu’on doit décider sur-le-champ s’il vaut mieux se battre ou fuir dans un contexte de tension extrême, et ce, même si l’on est un agent chevronné et qu’on a reçu une formation exhaustive. Cela est d’autant plus vrai que les AC comptent les uns sur les autres pour s’entraider lorsque leur santé et leur sécurité sont en péril. Franchement, le point de vue de l’intimé voulant que l’AC puisse tout simplement décider de ne pas intervenir durant un incident est tout à fait simpliste et peu crédible.

[106] L’intimé soutient également que la non-transmission de l’alimentation en direct des caméras de l’unité d’habitation 1 au PPCC ne constitue pas un danger étant donné que le GC responsable de l’Établissement peut surveiller les caméras de la CCTV de l’unité d’habitation 1 dans son bureau ou que le contrôleur sur les lieux peut fournir de l’information au GC qui agit comme agent responsable. Le GC Verville a déclaré dans le cadre de sa contre-déposition qu’un GC agissant comme agent responsable n’a pas le temps de surveiller l’alimentation de la CCTV provenant de l’unité d’habitation 1 durant un incident et que l’agent sur les lieux n’est pas toujours le premier arrivé. Le GC Verville a aussi déclaré lors de son témoignage qu’on ne lui avait pas montré comment utiliser les caméras à cette fin. M. Hunken a quant à lui affirmé dans le cadre de son témoignage qu’il avait vu des GC subir des tests, mais cela ne permet pas de déterminer quels GC ont reçu de la formation, ni la nature de cette formation. Compte tenu de ce qui précède, je suis persuadé que le risque n’est pas atténué par le fait que l’alimentation des caméras de l’unité d’habitation 1 est transmise au GC ou que l’agent sur les lieux peut, tel qu’on l’a soutenu, fournir lui aussi l’information en temps opportun.

[107] M. Girard affirme dans ses observations qu’aucun danger n’existait étant donné que rien ne se passait ou était sur le point de se produire dans l’unité d’habitation 1. Cependant, cette considération n’est pas déterminante puisque, tel que je l’ai déjà noté, la juge Gauthier affirme au paragraphe 36 de la décision Verville qu’il n’est pas nécessaire d’établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Du reste, la définition de la notion de danger exige seulement que l’on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures et qu’il soit établi que de telles circonstances se produiront à l’avenir, non comme une simple possibilité, mais comme une possibilité raisonnable.

[108] En ce qui concerne la position de M. Girard voulant que l’appel doive être rejeté étant donné que l’appelant n’avait pas établi qu’il y avait une possibilité raisonnable de blessure dans la mesure où il n’avait pas démontré que des blessures étaient survenues dans le passé ni cité de témoins experts, je cite le paragraphe 51 de la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Verville, où la juge Gauthier affirme ce qui suit :

[…] il existe plus d’un moyen d’établir que l’on peut raisonnablement compter qu’une situation causera des blessures. Il n’est pas nécessaire que l’on apporte la preuve qu’un agent a été blessé dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d’expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l’expérience requise, lorsque tels témoins sont en meilleure position que le juge des faits pour se former l’opinion. Cette supposition pourrait même être établie au moyen d’une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[109] En l’espèce, j’ai accordé beaucoup d’importance aux témoignages faits par les AC à titre de témoins ordinaires, compte tenu de leurs connaissances, de leur expérience et de leur formation exhaustives en ce qui concerne les questions litigieuses.

[110] À cet égard, il faut noter que Kent est un établissement à sécurité maximale et toutes les parties reconnaissent que le côté imprévisible des détenus, qui les pousse parfois à agresser soudainement un AC ou d’autres détenus, représente un risque permanent et que ces agressions ne résultent pas d’une séquence d’événements logique. Les parties conviennent aussi que la sécurité et les négociations dynamiques ne peuvent prévenir de façon certaine les agressions contre des AC.

[111] La déposition non contestée de l’AC Strekenburg veut que l’utilisation d’armes s’est accrue à Kent et qu’il a lui-même été témoin d’agressions à l’arme blanche, qu’il faut par ailleurs plus de temps pour aller faire une intervention dans l’unité d’habitation 1 et qu’une personne peut infliger 33 blessures à l’aide d’une arme blanche ou frapper quelqu’un à la tête 50 fois en à peine sept secondes.

[112] Les AC Conteh et Strekenburg ont déclaré lors de leur témoignage qu’une arme à feu a été utilisée à deux reprises dans l’unité d’habitation 1 depuis son ouverture. Je considère qu’il s’agit d’incidents graves dans la mesure où il est indiqué dans la Post Order F-11, Gallery Post: Pod Living Unit Gun Walk que a firearm can only be deployed to prevent death, grievous bodily harm to a correctional officer or inmate or escape when all lesser means are unavailable or have proven unsuccessful. Il est prévu ce qui suit à l’alinéa kk) de la Post Order F-11, Gallery Post: Pod Living Unit Gun Walk:

A warning shot may be used to prevent death, grievous bodily harm or escapes when all lesser means are not available, have proven unsuccessful or not the safest and most reasonable intervention giving situational factors.

A deliberately aimed shot at an individual to prevent death, grievous bodily harm or escapes shall only be used when all lesser means are not available, have proven unsuccessful or not the safest and most reasonable intervention giving situational factors.

A deliberately aimed shot at an individual to prevent destruction of property if there is a reasonable possibility that a life-threatening incident will develop and if lesser means are not available, have proven unsuccessful or not the safest and most reasonable intervention giving situational factors.

[113] À mon avis, toutes ces dispositions permettent d’établir ce qui suit : le fait que l’alimentation en direct de la CCTV des caméras de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC constitue un danger pour les AC qui travaillent dans l’unité d’habitation 1 ou qui doivent intervenir en cas d’agression ou d’urgence d’un type différent et comme ce danger n’est pas atténué par SCC, on pourrait raisonnablement s’attendre, en l’espèce, à ce qu’il cause des blessures à l’AC qui pourrait y être exposé, lorsque cela n’est pas considéré comme une simple possibilité, mais plutôt comme une possibilité raisonnable.

[114] Pour tous les motifs précités, j’en arrive à la conclusion que l’AC Zimmerman était exposé à un danger le jour où il a exercé son droit de refuser d’accomplir du travail dangereux.

 Le danger représente-t-il une condition d’emploi normale?

[115] Je dois maintenant déterminer si le danger constitue une condition normale d’emploi, auquel cas l’AC Zimmerman n’aurait pas été en droit d’exercer son droit de refuser de travailler.

[116] Dans P&O Ports Inc. et Western Stevedoring Co. Ltd. c. Syndicat international des débardeurs et des magasiniers (Section locale 500), 2008 CF 846, la Cour fédérale confirme l’interprétation de l’agent d’appel en ce qui concerne un danger qui constituait une condition d’emploi normale, comme suit (au paragraphe 46) :

[46] L’agent d’appel a conclu au paragraphe 152 :

[152] Je crois qu’avant qu’un employeur puisse affirmer qu’un danger est une condition de travail normale, il doit reconnaître chaque risque, existant et éventuel, et il doit, conformément au Code, mettre en place des mesures de sécurité visant à éliminer le danger, la situation ou l’activité; s’il ne peut l’éliminer, il doit élaborer des mesures visant à réduire et à contrôler le risque, la situation ou l’activité dans une mesure raisonnable de sécurité et finalement, si le risque existant ou éventuel est toujours présent, il doit s’assurer que ses employés sont munis de l’équipement, des vêtements, des appareils et du matériel de protection personnelle nécessaires pour les protéger contre le danger, la situation ou l’activité. Ces règles s’appliquent évidemment, dans la présente affaire, au risque de chute ainsi qu’au risque de trébucher ou de glisser sur les panneaux de cale.

[153] Une fois toutes ces mesures suivies et toutes les mesures de sécurité mises en place, le risque «résiduel » qui subsiste constitue ce qui est appelé une condition de travail normale. Toutefois, si des changements sont apportés à une condition de travail normale, une nouvelle analyse de ce changement doit avoir lieu en conjonction avec les conditions de travail normales.

[154] Aux fins de la présente instance, je conclus que les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d’éliminer ou de contrôler le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s’assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de chute des panneaux de cale.

[117] Dans Canada c. E. Vandal (2010 CF 87), la Cour fédérale confirme le raisonnement fait par le Tribunal au paragraphe 302 de la décision Eric Vandal & autres et Service correctionnel Canada (TSSTC-07-009), laquelle porte sur la question de savoir en quoi consiste une condition d’emploi normale lorsque des agents correctionnels escortent des détenus. Ce paragraphe se lit comme suit :

[302] Il y a aussi une autre distinction importante à faire entre ce danger et un danger qui constitue une condition normale d’emploi qui ne justifierait pas un refus de travail. Ce dernier danger présuppose que l’employeur a d’abord identifié la présence d’un danger lors d’escortes et que de ce fait, il a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger ses employés i.e. qu’il a identifié et contrôlé tous les facteurs qui ont une importante incidence négative sur la tâche de faire des escortes. À ce moment, rien de plus ne peut être fait par l’employeur pour protéger davantage les employés.

[118] En l’espèce, la preuve démontre qu’en raison du fait que l’alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC, il y a une augmentation du risque auquel sont exposés les AC déployés ailleurs dans l’Établissement ou qui doivent répondre à une alerte d’incident provenant de l’unité d’habitation 1. Après avoir tenu compte du témoignage d’AC voulant que l’agent du PPCC puise aider les AC à évaluer, à gérer, à contenir et à isoler un incident, et du fait qu’on a aussi soutenu que SCC ne prend aucune mesure pour atténuer le risque lié à la possibilité que l’alimentation en direct des caméras ne soit pas transmise, j’en arrive à la conclusion que le danger en cause ne constitue pas une condition d’emploi normale pour l’AC Zimmerman.

 Système d’intercom dans les rangées de l’unité d’habitation 1

[119] L’appelant estime que l’intercom installé dans chaque rangée de l’unité d’habitation 1 ne peut être utilisé par les AC pour communiquer avec les agents du poste de contrôle de l’unité d’habitation 1, étant donné qu’il est situé près des portes coulissantes et qu’il n’est pas toujours possible d’entendre les communications qu’il transmet. À cet égard, l’AC Zimmerman a déclaré lors de son témoignage que les AC ne peuvent utiliser leur radio en tant que solution de rechange, car le canal en cause est utilisé partout à Kent et les détenus pourraient entendre les conversations transmises. De plus, les AC Zimmerman et Conteh et le GC Verville ont affirmé dans le cadre de leur témoignage que les radios portatives fournies aux AC ne permettent pas de régler le problème de l’intercom étant donné que la politique en vigueur restreint leur utilisation dans un contexte d’intervention d’urgence.

[120] À cet égard, l’AC Zimmerman me cite le Standing Order 567-2 daté du 21 décembre 2009 et intitulé Protocol For Staff qui effectuent des interventions d’urgence, dont l’article 18 se lit comme suit : « Once a PPS is announced by the MCCP all telephone conversations and radio traffic shall cease immediately and no other calls shall be initiated until the alarm is cleared. » L’AC Strekenburg soutient qu’il n’est pas possible pour un AC d’accéder à sa radio durant une altercation ou un incident impliquant un détenu, car il doit se servir de ses mains pour se défendre contre les coups qu’il reçoit.

[121] L’agent de SST O’Byrne mentionne dans son rapport d’enquête que l’employeur a indiqué que l’intercom de l’unité d’habitation 1 est surtout utilisé par les agents du poste de contrôle, qui s’en servent pour communiquer avec les détenus et qu’il ne faut pas le considérer comme un appareil utile en situation d’urgence. Mme Blanchette ne conteste pas directement cette affirmation dans ses observations.

[122] L’employeur affirme pour sa part qu’aucun problème ne se pose pour les AC de la rangée lorsqu’ils communiquent avec des collègues de l’unité d’habitation 1 étant donné qu’un agent se tient près de l’intercom situé à proximité de l’entrée de la rangée durant ces communications, ce qui lui permet de communiquer avec la console par l’entremise de ce même intercom. Je note qu’il est indiqué dans la Post Order F-11, Pod Living Unit Gun Walk relative au poste de la passerelle que "the Officer is responsible for maintaining constant observation of staff and inmate movement within the Pod including inmate ranges, common areas, program corridors, class rooms and the interior/exterior exercise areas". M. Girard soutient que ce poste représente un élément essentiel des opérations de maintien de la sécurité et qu’il sert à soutenir les déplacements et la supervision sécuritaire des détenus.

[123] Après avoir tenu compte de tout cela, je ne suis pas convaincu du bien-fondé de la preuve démontrant que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que l’emplacement du système d’intercom dans les rangées ou les problèmes liés à cet emplacement causent, en l’espèce, des blessures à l’AC et je confirme le constat de l’agent de SST O’Byrne voulant que ces facteurs ne constituaient pas un danger pour les AC affectés à l’unité d’habitation 1.

 Poste de la passerelle armée de la galerie de l’unité d’habitation 1

[124] Pour bien comprendre ce problème, il est nécessaire de consulter le Contingency Plan Manual de Kent ainsi que la Post Order F-11, Pod Living Unit Gun Walk s’appliquant au poste de la galerie. On peut lire ce qui suit dans le Contingency Plan Manual: « During the first ten minutes of any potential serious uprising, it is important to show an immediate, well organized response. » Il est par ailleurs précisé dans la Poste Order F-11 que the gallery officer needs to be assessing whether a warning shot or a deliberate aimed shot is necessary in the event of an emergency situation to prevent death or grievous bodily injury. À mon avis, ces documents confirment que l’agent de la passerelle armée joue un rôle important dans le maintien de la sécurité, puisqu’il participe au processus visant à prévenir et à gérer les situations d’urgence afin de protéger la vie des gens.

[125] Dans sa plainte, l’AC Zimmerman indique notamment que le fusil utilisé par l’agent qui utilise la fenêtre de visualisation de la galerie pourrait tomber entre les barreaux de sécurité en raison de l’espacement entre ceux-ci. Si cela se produisait, une arme puissante se retrouverait entre les mains des détenus.

[126] Le directeur Massey reconnaît dans sa lettre à l’AC Zimmerman datée du 10 novembre 2009 qu’il y a effectivement assez d’espace entre les barreaux pour qu’un fusil tombe à travers la grille, mais que les agents portent actuellement leur arme en bandoulière. Il affirme que les gens de Kent appuient le port d’un harnais à point d’attache unique, mais il note que ce type de harnais n’est pas mentionné dans le manuel de sécurité et que la direction de Kent n’a donc pu en faire l’achat. Le directeur Massey mentionne dans sa lettre qu’une demande avait été transmise à l’AR de SCC pour obtenir la permission d’acheter et d’utiliser le harnais à point d’attache unique.

[127] Entre-temps, le SCC avait fait installer des barreaux horizontaux dans les fenêtres de visionnement de la passerelle armée afin d’empêcher que les fusils ne tombent dans des ouvertures ou que des détenus ne les saisissent à travers ces mêmes ouvertures. Selon l’AC Zimmerman, cela a engendré un nouveau danger, car les barreaux peuvent retarder l’intervention de l’AC sur la passerelle armée et l’empêcher du même coup de tirer à temps. À cause des barreaux, l’AC doit retirer son arme à feu de l’ouverture où elle se trouve et l’introduire dans une autre chaque fois que le détenu visé bouge. Mme Blanchette soutient que le temps ainsi gaspillé fait diminuer la probabilité que le coup de feu qui pourrait sauver une vie soit tiré à temps.

[128] Selon moi, la preuve confirme que l’agent affecté au poste de la passerelle armée fournit une barrière de protection nécessaire aux AC qui travaillent dans l’unité d’habitation 1 et pour ceux qui arrivent d’autres secteurs de l’Établissement Kent pour participer à une intervention d’urgence. À cause des barreaux horizontaux fixés aux postes de tir, l’agent affecté à la passerelle armée ne peut pas toujours transmettre un message d’alerte précis en temps opportun, ni tirer volontairement un coup de fusil pour étouffer un incident ou sauver la vie d’un AC.

[129] L’AC Conteh a déclaré lors de son témoignage qu’une arme à feu a été utilisée deux fois dans l’unité d’habitation 1 et que plusieurs coups ont été tirés depuis l’ouverture de cette unité. À mon avis, cela démontre que le risque qu’une situation d’urgence survienne dans l’unité d’habitation 1 n’est pas qu’hypothétique.

[130] Compte tenu de la preuve, j’estime que dans le cas qui nous occupe, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que les barreaux horizontaux supplémentaires installés sur les fenêtres de visualisation de la passerelle armée de l’unité d’habitation 1 causent des blessures à l’AC Zimmerman si un incident survenait dans cette unité d’habitation 1 et qu’il s’agit d’une possibilité raisonnable et non d’une simple possibilité. À cause de l’ajout de barreaux, l’AC doit retirer son arme à feu de l’ouverture où elle se trouve et l’introduire dans une autre chaque fois que le détenu visé bouge. À cause des barreaux horizontaux fixés aux postes de tir, l’agent affecté à la passerelle armée ne peut pas toujours transmettre un message d’alerte nécessaire, ni tirer volontairement un coup de fusil durant un incident pour l’étouffer ou sauver la vie d’un AC.

[131] Par conséquent, je constate que les barreaux horizontaux qui ont été ajoutés aux fenêtres de visionnement de la passerelle armée de l’unité d’habitation 1 afin d’empêcher que les fusils ne tombent dans des ouvertures ou que des détenus ne les saisissent à travers ces mêmes ouvertures, constituent un danger pour les AC affectés à cette unité et pour ceux qui répondent à des appels d’urgence provenant d’autres secteurs de l’Établissement Kent.

 Le danger représente-t-il une condition normale d’emploi? 

[132] Pour déterminer si le danger en cause constitue une condition normale d’emploi, auquel cas l’AC Zimmerman n’aurait pas été en droit de refuser de travailler, je m’en remets à nouveau aux décisions P&O Ports Inc. et Western Stevedoring Co. Ltd. c. Syndicat international des débardeurs et des magasiniers (Section locale 500) et Vandal.

[133] À cet égard, l’intimé a été informé des problèmes soulevés par l’AC Zimmerman et il n’a pas réagi pour le motif que le directeur adjoint Mattson attendait que l’administration centrale de SCC détermine comment elle allait régler l’affaire. Entre-temps, l’employeur avait fait installer des barreaux afin d’empêcher que des fusils se retrouvent entre les mains des détenus. Malgré les efforts de l’employeur, la preuve me démontre que SCC ne s’est pas occupé du danger signalé par l’AC Zimmerman et on ne peut donc dire qu’il a pris toutes les mesures raisonnables possibles pour gérer la situation dangereuse. En foi de quoi, j’en arrive à la conclusion que le danger en cause ne constitue pas une condition normale d’emploi.

Décision

[134] Pour tous les motifs énoncés, je révoque par les présentes la décision rendue par l’agent de SST O’Byrne le 16 novembre 2009, dans laquelle il statue que l’AC concerné n’était exposé à aucun danger.

[135] J’ordonne à l’employeur de prendre des mesures pour rectifier les situations dangereuses engendrant le danger constaté, le tout en conformité avec l’instruction annexée à la présente décision.

Douglas Malanka

Agent d’appel

ANNEXE

Référence : Brian Zimmerman c. Canada (Service correctionnel), 2013 TSSTC 34

Dossier : 2009-32

DANS L’AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL

PARTIE II – SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 INSTRUCTION À L’EMPLOYEUR ÉMISE EN VERTU DE L’ALINÉA 145(2)a)

Afin de donner suite à un appel déposé aux termes du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail, j’ai mené une enquête en application du paragraphe 146.1(1) relativement à un constat d’absence de danger effectué par l’agent de santé et de sécurité Michael O’Byrne le 16 novembre 2009. La décision correspondante a été rendue à l’issue d’une enquête sur le refus de travailler exprimé par Brian Zimmerman, un agent correctionnel (AC) travaillant à l’Établissement Kent à Agassiz (Colombie-Britannique). Ce lieu de travail est exploité par Service correctionnel du Canada, un employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail.

Après avoir tenu compte de la preuve, j’en arrive à la conclusion suivante : en raison du fait que l’alimentation de la CCTV de l’unité d’habitation 1 n’est pas relayée au PPCC, cela accroît le risque de blessure pour les AC qui travaillent dans cette unité d’habitation ou qui sont déployés ailleurs pour effectuer une intervention d’urgence, dans la mesure où cela les prive d’une barrière de protection qui est par ailleurs intégralement préservée dans les autres secteurs de l’Établissement Kent (au profit des AC qui y travaillent). Cette alimentation de la CCTV permet à l’agent du PPCC de fournir ou de confirmer en temps opportun les renseignements qui permettront d’intervenir en cas d’agression ou d’urgence d’un autre type. Ces renseignements comprennent l’emplacement exact de l’alerte ou de l’urgence, le nombre de détenus potentiellement impliqués, la nature de l’urgence, la question de savoir si des pièces accessoires d’équipement de sécurité-incendie seront requises pour gérer la situation, la présence éventuelle d’armes et la question de savoir si quelqu’un est blessé et a besoin de soins médicaux. Lorsqu’ils disposent de cette information, les AC sont davantage en mesure de planifier leur intervention selon qu’ils ont affaire à une urgence ou un incident et, le cas échéant, de faire venir en temps opportun la police, les secours médicaux ou tout autre service d’urgence et aussi de recevoir d’autres renseignements établis par des AC.

J’en arrive à la conclusion que le fait d’avoir ajouté des barreaux horizontaux aux fenêtres de visualisation de la passerelle afin d’empêcher que les fusils ne tombent dans les ouvertures ou que des détenus ne les saisissent à travers ces mêmes ouvertures, constitue un danger pour les AC qui travaillent dans l’unité d’habitation 1 et pour ceux qui vont effectuer des interventions d’urgence dans d’autres secteurs de l’Établissement Kent. La preuve confirme que l’agent affecté à la passerelle armée assume un rôle important dans le maintien de la sécurité, puisqu’il doit voir à prévenir et à gérer les situations d’urgence avant que celles-ci ne dégénèrent ou que les risques se multiplient, sans compter qu’il doit aussi parfois tirer un coup de feu délibérément afin de sauver la vie de quelqu’un. À cause de l’ajout de barreaux, l’AC doit retirer son arme à feu de l’ouverture où elle se trouve et l’introduire dans une autre chaque fois que le détenu visé bouge. Comme les postes de tir sont munis de barreaux horizontaux, l’agent affecté à la passerelle armée n’est pas toujours en mesure de transmettre un message d’alerte précis en temps opportun ni de tirer volontairement un coup de fusil pour étouffer un incident ou sauver la vie d’un AC.

Il vous est donc ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, conformément à l’alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures dans les 90 jours afin de corriger les situations dangereuses en cause et de communiquer le détail de ces mesures à un agent de santé et de sécurité du bureau du district de Vancouver d’ici le 24 février 2014.

Émise à Ottawa le 26e jour de novembre 2013.

Douglas Malanka
Agent d’appel

Destinataire : Service correctionnel du Canada, intimé

Établissement Kent

Agassiz (Colombie-Britannique)

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