2013 TSSTC 38

 Référence : Dan Bradford et Service correctionnel du Canada, 2013 TSSTC 38

 Date : 2013-12-19

 Dossier : 2011-33

 Rendue à : Ottawa

 Entre :

Dan Bradford, appelant

et

Service correctionnel du Canada, intimé

 Affaire : Appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail à l’encontre d’une décision rendue par un agent de santé et de sécurité.

 Décision : La décision quant à l’absence de danger est confirmée.

 Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, agent d’appel

 Langue de la décision : Anglais

 Pour l’appelant : M. Giovanni Mancini, avocat, Laplante et associés

  Pour l’intimé : Mme Lea Bou Karam, avocate, ministère de la Justice, Groupe du droit du travail et de l’emploi

MOTIFS DE LA DÉCISION

[1] La présente affaire concerne un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’une décision concluant à l’absence d’un danger rendue par Patrick Haché, agent de santé et de sécurité (SST), Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC, aujourd’hui Emploi et Développement social Canada), Programme du travail, le 29 mai 2011.

Contexte

[2] L’après-midi du 27 mai 2011, à l’Établissement de l’Atlantique de Renous, Nouveau-Brunswick, prison à sécurité maximale de Service correctionnel du Canada (SCC), un agent correctionnel (AC) a découvert une munition réelle (une balle) de calibre 22 dans le coin inférieur d’une entrée à laquelle les détenus de plusieurs unités résidentielles ont accès.

[3] Les détenus ont par la suite été confinés à leurs cellules et un dénombrement d’urgence a été effectué. Peu de temps après, l’appelant, M. Dan Bradford, AC, et un de ses collègues ont exercé leur droit de refuser de travailler, croyant que la balle découverte constituait un risque. Plus précisément, ils croyaient qu’il était dangereux pour le personnel de procéder aux fouilles des cellules sans des équipes bien formées et capables de gérer une situation impliquant des armes à feu.

[4] Les AC ayant exercé leur refus de travailler, des représentants des employeurs et des membres du comité de santé et de sécurité au travail ont tenté de résoudre les questions soulevées. Pour remédier à la situation et évaluer le risque encouru dans les circonstances, l’employeur a élaboré une évaluation des menaces et des risques (EMR), à mettre en œuvre le lendemain. L’EMR a conclu que le risque était faible. Le 27 mai 2011, en soirée, après l’établissement d’un protocole de fouilles convenu, les parties sont parvenues à un règlement. L’appelant et son collègue ont par conséquent repris le travail.

[5] Dans la matinée du 28 mai 2011, le protocole de fouilles élaboré la veille a été présenté lors d’une réunion du personnel. La direction a expliqué que les fouilles des cellules seraient faites par deux agents, membres du [traduction] « personnel des opérations » et un membre de l’équipe d’intervention en cas d’urgence (EIU). Les membres de l’EIU sont des AC spécialement formés et dotés d’équipement de protection individuelle (EPI) en cas de présence potentielle d’armes à feu.

[6] Au cours de la réunion, des membres de l’EIU, y compris l’AC Vautour, ont exprimé leur désaccord avec le protocole de fouilles. Les membres de l’EIU étaient d’avis que les fouilles devaient être exécutées par cinq membres de l’EIU, sans le personnel des opérations. Par conséquent, l’AC Vautour a exercé son droit de refuser un travail dangereux. Une autre enquête interne a été menée afin de répondre aux préoccupations des employés. Toutefois, il a été impossible de régler le différend. L’affaire a ensuite été communiquée au Programme du travail de RHDCC et l’agent de SST Haché a commencé son enquête.

[7] Le 29 mai 2011, l’agent de SST Haché a rendu une décision concluant à l’absence de danger. La direction a ordonné au personnel de procéder aux fouilles courantes des cellules, sans les membres de l’EIU, ignorant en cela le protocole initial.

[8] En conséquence, l’appelant a maintenu l’exercice de son droit de refuser de travailler, étant donné que l’employeur ordonnait au personnel des opérations de procéder aux fouilles des cellules et que l’appelant croyait que cela constituait un danger au sens du Code.

[9] Voici un extrait du rapport d’enquête et de la décision de l’agent de SST Haché du 13 juin 2011, dans lequel on trouve ses motifs de décision.

[traduction]

À la suite de l’enquête, l’agent d’enquête doit rendre une décision concluant à labsence ou à la présence d’un danger. Cette décision repose sur certains facteurs, présentés dans cette section. Afin de déterminer de manière appropriée la présence ou l’absence d’un danger, l’enquête doit prévoir une analyse objective des faits.

Hormis la découverte d’une balle sur les lieux, le plaignant disposait d’informations limitées sur les risques. L’agent d’enquête reconnaît la présence dans le milieu carcéral du risque d’être agressé par un détenu qui utilise des munitions ou des articles permettant d’utiliser des munitions. Il importe de souligner qu’un danger ne doit pas être assimilé à un risque, et que des mesures d’atténuation des risques ne constituent pas nécessairement un danger. L’enquête démontre que l’employeur a mis en œuvre des mesures correctives pour veiller à la sécurité des employés, en confinant les détenus à leurs cellules, en réalisant une EMR, en veillant à ce que les employés soient bien formés et dotés de l’équipement de protection approprié à la fouille des cellules, conformément aux directives de l’employeur. Enfin, la direction a indiqué qu’aucune information ne laisse croire qu’un détenu est en possession de munitions ou d’autres articles permettant d’utiliser des munitions. Sur la base de cette information, l’agent d’enquête est d’avis que l’employeur a mis en œuvre des mesures d’atténuation et de contrôle des risques.

Dans sa déclaration de refus de travailler, le plaignant exige la mise en œuvre par l’employeur d’un protocole relatif aux fouilles des cellules. Plus précisément, le plaignant exige que les fouilles des cellules soient effectuées par une équipe de trois personnes. L’enquête démontre que le directeur n’a pas l’obligation d’élaborer de protocole particulier pour les fouilles. L’enquête démontre également que le directeur a le pouvoir d’ordonner la fouille des cellules selon la procédure de fouilles prévue à la consigne du poste, qui exige la présence de deux membres du personnel. L’agent de santé et de sécurité soussigné n’est pas qualifié pour commenter ou évaluer les procédures de fouilles prévues à la consigne du poste, ni pour décider du protocole à utiliser pour les fouilles des cellules, ni pour déterminer le nombre d’employés requis pour procéder aux fouilles des cellules. Cela étant dit, l’agent d’enquête est d’avis que le directeur a le pouvoir d’ordonner des fouilles des cellules selon la procédure de fouilles prévue à la consigne du poste.

Pendant les entretiens, le plaignant a indiqué que les détenus pouvaient être en possession de munitions ou d’articles permettant d’utiliser des munitions. Cette information n’était pas fondée sur des faits; elle était hypothétique et spéculative. Comme les situations hypothétiques sont exclues de la notion de danger, ne reposant pas sur des faits et [ne pouvant] constituer un danger.

Décision

Sur la foi des motifs exposés ci-dessus, aucun élément de preuve ne suggérait la présence d’un danger au moment du refus de travailler. L’agent de santé et de sécurité soussigné conclut à l’absence de danger.

[10] Le 3 juin 2011, l’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (le Tribunal).

[11] Le 11 septembre 2012, j’ai visité les secteurs pertinents de l’Établissement de l’Atlantique avec les parties, et j’ai assisté à la démonstration d’une fouille exécutée par deux employés des opérations. Une audience a eu lieu entre les 11 et 13 septembre 2012, à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Questions en litige

[12] Je dois décider des questions suivantes :

i. L’appelant était-il exposé à un danger au sens du Code au moment où il a exercé son droit de refuser de travailler?

ii. Si l’appelant était exposé à un danger selon la définition du Code au moment où il a exercé son droit de refuser de travailler, ce danger constitue-t-il une condition normale de l’emploi?

Observations des parties

[13] Les parties ont déposé leurs observations finales le 22 novembre 2012.

A) Observations de l’appelant

[14] Le dossier de l’appelant est constitué du témoignage des témoins suivants de l’Établissement de l’Atlantique : M. Bradford, AC (l’appelant), M. G. Vautour, AC, et chef d’équipe et formateur, EIU, et M. S. Karasek, AC.

[15] Selon l’appelant, l’agent de SST Haché a erré lorsqu’il a conclu que l’AC Bradford n’était pas exposé à un danger.

[16] Dans ses observations, l’appelant demande au Tribunal de tenir compte du contexte particulier de l’Établissement de l’Atlantique, seule prison à sécurité maximale de la région de l’Atlantique. Dans son témoignage, l’AC Bradford soutient que l’Établissement de l’Atlantique accueille les détenus les plus dangereux et que la vie en prison est souvent ponctuée de violence, meurtres, agressions, menaces de mort et rivalités entre gangs. L’AC Bradford affirme également que les AC sont des employés de première ligne, qui exécutent leurs tâches quotidiennes dans ce milieu très instable et imprévisible, par exemple, des détenus qui lancent des fluides corporels non identifiés aux AC par le dessous des portes ou à l’ouverture des portes.

[17] L’appelant soutient que l’agent de SST Haché a accordé trop d’importance à l’EMR effectuée par l’employeur lorsqu’il a conclu à l’absence de danger. Il ajoute que le Tribunal a toujours exclu les EMR, étant donné qu’elles n’ont pas d’incidence directe sur la présence d’un danger au sens du Code. L’appelant estime qu’en réalité, l’EMR confirme le danger, se basant en cela sur le fait que l’employeur croyait à l’existence du risque. À l’appui de cette affirmation, l’appelant renvoie à la décision du Tribunal Vandal et autres et Services correctionnels Canada, TSSTC‑09‑009.

[18] L’appelant fait également valoir que l’agent de SST a omis de tenir compte du fait que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et toute politique ou directive de CSC sont subordonnées au Code lorsqu’il s’agit d’un refus de travailler exercé en vertu de l’article 128. À cet égard, l’appelant affirme qu’en présence d’un danger, la conformité de la situation aux normes des politiques de SCC, voire à la LSCMLC, n’est pas pertinente. À l’appui de cet argument, l’appelant cite les décisions du Tribunal Vandal (précitée) et Armstrong c. Canada (Service correctionnel), 2010 TSSTC 6, deux décisions concernant SCC.

[19] L’appelant allègue que l’exécution des fouilles des cellules sans l’EIU, après la découverte d’une balle dans l’Établissement de l’Atlantique, constitue un risque pour les employés. À l’appui de son affirmation, l’appelant renvoie à la décision Verville c. Canada, 2004 CF 767 et à l’arrêt Martin c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 156, dans lesquels les tribunaux ont jugé que le risque découlant du comportement imprévisible des détenus est couvert par la définition de danger.

[20] Dans son témoignage à l’audience, l’AC Bradford fait valoir que la balle a été découverte dans une entrée après une fouille effectuée par le personnel dans la cour d’exercice à laquelle les détenus ont accès. Selon l’AC Bradford, des détenus sans surveillance, comme les éboueurs ou les préposés à l’entretien, peuvent en tout temps travailler dans la cour d’exercice.

[21] L’AC Bradford croit que la balle constituait une [traduction] « situation [de risque] supérieure à la normale », étant donné qu’une balle est conçue pour tuer, à distance ou sous différents angles, comparativement à une tige (un genre de couteau fabriqué par les détenus), qui doit être utilisée à proximité des AC pour causer des blessures.

[22] Selon le témoignage de l’AC Bradford, certains détenus ont des antécédents de possession de matériaux utilisés dans la fabrication de pistolets bricolés dans leurs cellules. Un détenu a des antécédents sérieux de tentatives d’évasion et de possession de matériau servant à couper les articles de contention. On a découvert qu’un autre détenu cachait des tubes en cuivre dans sa cellule, peu de temps avant de trouver la balle. Selon le témoignage de l’AC Bradford, on a par la suite découvert que deux détenus étaient en possession d’articles pouvant servir à la fabrication d’un pistolet bricolé au moment du refus de travailler.

[23] L’AC Bradford affirme que les détenus peuvent démonter une arme à feu, facilement et en très peu de temps, et la cacher aux AC. Il ajoute que les détenus utilisent des noms de code pour communiquer pendant les fouilles des cellules, qu’ils évacuent souvent des articles non autorisés ou de contrebande dans les toilettes ou se les passent de cellule en cellule afin de les cacher aux AC.

[24] L’AC Bradford affirme n’avoir jamais reçu de formation relativement à la possibilité d’être frappé par une balle dans l’exercice de ses fonctions.

[25] Dans son témoignage, l’AC Vautour déclare occuper le poste d’AC depuis 22 ans. Il fait partie de l’EIU depuis 20 ans et est actuellement chef d’équipe et formateur.

[26] L’AC Vautour explique que l’EIU est composée de 21 membres spécialisés dans les situations d’urgence, comme les émeutes ou les extractions de cellule. Les membres de l’EIU reçoivent une formation différente, généralement annuelle, de celle des autres employés des opérations. Les membres de l’EIU sont formés pour intervenir en équipes de cinq personnes, dans lesquelles chacun joue un rôle particulier. Selon l’AC Vautour, les membres sont habitués à travailler ensemble, ils sont compatibles et apprennent à bien se connaître.

[27] L’AC Vautour raconte que l’EIU a été récemment déployée dans des situations presque identiques dans la région de l’Atlantique de SCC, au Pénitencier de Dorchester et à l’Établissement de Springhill.

[28] L’AC Vautour affirme que l’EIU a été appelée au Pénitencier de Dorchester après la transmission d’un « kite » (communication anonyme d’un détenu à un AC) mentionnant la présence d’une arme à feu dans le Pénitencier.

[29] L’AC Bradford affirme que le directeur Bourque, qui a pris la décision d’ordonner aux AC de procéder aux extractions de cellules pour les fouilles concernées par le présent appel, est aussi celui qui a pris la décision de faire intervenir l’EIU au Pénitencier de Dorchester. Le directeur Bourque n’était pas présent à l’audience.

[30] En parallèle, l’AC Vautour affirme que l’EIU avait également été appelée à l’Établissement de Springhill après la découverte de balles dans le stationnement de l’Établissement.

[31] Selon le témoignage de l’AC Vautour, le plan proposé était de travailler en EIU de cinq personnes. L’équipe devait être équipée de boucliers pare-éclats, de casques protecteurs et de gilets pare-balles, et procéder à l’extraction des détenus de leurs cellules de manière systémique, sous la supervision d’un chef d’équipe. Cette méthode a été utilisée par l’EIU au Pénitencier de Dorchester. C’est aussi la méthode enseignée dans la formation.

[32] L’AC Vautour soutient qu’il y avait des membres de l’EIU en service le jour du refus de travailler. De plus, il affirme que l’équipement, comme les boucliers pare-éclats et les casques protecteurs, avait été apporté du Pénitencier de Dorchester à l’Établissement de l’Atlantique. Selon l’AC Vautour, en fonction de la durée de l’intervention de l’EIU, les fouilles auraient pu être effectuées presque sans coûts pour l’employeur.

[33] Dans son témoignage, l’AC Karasek déclare occuper le poste d’AC depuis 26 ans. Au moment du refus de travailler, il était le représentant syndical désigné de la santé et de la sécurité. Il explique son intervention pendant le refus de travailler.

[34] L’AC Karasek a apporté deux pistolets bricolés à l’audience et il explique comment il a pu en fabriquer un en moins d’une demi-heure. Selon lui, un pistolet bricolé peut être fabriqué assez facilement avec des matériaux couramment accessibles dans le milieu carcéral. À titre d’exemple, l’AC Karasek indique qu’on a déjà fabriqué des pistolets bricolés en se servant de pailles à café en guise de cylindre, et d’un élastique pour le mécanisme de mise à feu.

[35] L’appelant présente également un rapport d’enquête rédigé par un agent de SST, dans lequel la présence d’une balle a été jugée comme constituant un danger dans un établissement de Grande Cache, en Alberta.

 Le danger n’est pas une condition normale de l’emploi 

[36] L’appelant soutient qu’une « condition normale de l’emploi » est le risque résiduel après que l’employeur a suivi toutes les étapes nécessaires et a mis en place toutes les mesures de sécurité pour protéger les employés contre ce risque. À l’appui de cette affirmation, l’appelant renvoie à la décision de la Cour fédérale P&O Ports Inc. c. Syndicat international des débardeurs et magasiniers, section locale 500, 2008 CF 846. L’appelant soutient que l’employeur n’a pas satisfait aux exigences particulières de la « condition normale de l’emploi », en omettant de recenser chaque risque ou ne mettant pas en œuvre de mesures de sécurité pour éliminer, limiter ou contrôler les risques.

[37] L’appelant allègue que la décision de l’employeur, soit d’ordonner le confinement complet de tous les détenus et la fouille d’urgence des cellules à la suite de la découverte de la balle, indique la présence de motifs sérieux. L’appelant fait valoir que cela entre en contradiction avec le témoignage de K. Hare, directeur adjoint, Opérations (DAO), qui justifie la décision de procéder à une fouille courante des cellules sans l’EIU en affirmant que c’était une journée comme les autres.

B) Observations de l’intimé

[38] Les observations de l’intimé se fondent sur le témoignage de M. K. Hare, DAO, Établissement de l’Atlantique. Le DAO Hare travaille à l’Établissement de l’Atlantique depuis 30 ans. Aux fins du présent appel, il est reconnu comme un expert sur la question des activités des détenus. Il est également responsable de la gestion de l’EIU, dont il a été membre pendant 10 ans, de 2000 à 2010.

[39] Les observations de l’intimé s’articulent autour de deux arguments principaux. Le premier consiste à dire que la définition de danger n’est pas satisfaite, en raison de l’absence d’une perspective raisonnable que le risque, en l’espèce la balle, cause des blessures. Le second argument consiste à dire que les dangers et les risques auxquels les AC sont exposés sont des conditions normales de l’emploi au sens du Code.

[40] À l’appui du premier argument, l’intimé présente des éléments de preuve relatifs à la sécurité des établissements, aux agents du renseignement de sécurité (ARS), à la conduite des fouilles de cellules, à l’EIU et à l’EMR.

[41] En ce qui concerne la sécurité des établissements, le DAO Hare explique la différence entre la sécurité statique et la sécurité dynamique. Il définit la sécurité statique comme l’infrastructure en place pour maintenir l’établissement en tant que zone sécurisée, donnant pour exemples les barreaux, les postes de contrôle, les clôtures, les armes et les menottes. Le DAO Hare définit ensuite la sécurité dynamique comme étant les interactions quotidiennes entre tous les employés et les détenus. De l’avis du DAO Hare, la sécurité dynamique est plus importante que la sécurité statique.

[42] Dans son exposé sur la sécurité dynamique, le DAO Hare explique que les AC doivent signaler tout comportement qui semble [traduction] « hors de l’ordinaire » dans un document appelé Rapport d’observation ou de déclaration (ROD). Le DAO Hare ajoute que les ROD sont communiqués à la direction et consultés quotidiennement par les ARS, qui analysent l’information, la consignent dans un système et mènent des enquêtes au besoin. Le DAO Hare précise en outre que l’information contenue dans les ROD est communiquée aux AC lors des réunions d’information tenues au début de chaque quart de travail.

[43] Le DAO Hare affirme qu’en plus des ROD, les renseignements concernant le comportement des détenus sont consignés dans des registres. Il explique que ces registres sont positionnés à divers endroits à l’intérieur de l’établissement, notamment à chaque poste de contrôle, au bureau de l’unité et au poste des patrouilles mobiles. Le DAO Hare ajoute que les activités et les mouvements quotidiens des détenus sont consignés dans les registres afin de communiquer l’information aux autres AC au début d’un nouveau quart de travail. Le DAO Hare affirme que les AC sont encouragés à consigner les ROD dans le registre.

[44] Le DAO Hare aborde également la gestion des situations d’urgence à l’établissement, renvoyant sur cette question aux directives du commissaire entrées en preuve (pièce E‑8). Le DAO Hare affirme que dans une situation d’urgence, l’objectif consiste à résoudre la situation d’urgence avec un minimum de force, à reprendre les opérations normales dès que possible, à empêcher les évasions et à minimiser les dommages matériels.

[45] Le DAO Hare fait valoir que l’EIU peut être appelée selon le genre d’urgence. Il explique que l’EIU est formée sur l’extraction des détenus récalcitrants de leurs cellules, les interventions en cas d’émeute, la sécurité pendant une prise d’otages, entre autres situations. Le DAO Hare indique que, conformément à une politique de l’établissement, il doit y avoir 20 membres de l’EUI dans l’établissement. Il explique que pour faire partie de l’EIU, les AC doivent présenter leur candidature à la suite d’un avis de vacance et accepter de subir des tests psychologiques. Les candidats doivent également participer à une formation de base de 10 jours. S’ils franchissent toutes les étapes, les candidats deviennent alors membres de l’EIU à temps plein.

[46] Le DAO Hare soutient que l’EIU n’est déployée que dans des situations de refus d’obtempérer, donnant à titre d’exemple un détenu qui brandit une arme tout en refusant de sortir de sa cellule. Le DAO Hare ajoute qu’en général, si l’EIU est appelée pour l’extraction d’un détenu récalcitrant d’une cellule, les autres détenus signifient leur appui au détenu récalcitrant en adoptant divers comportements, souvent une attitude belliqueuse ou le vandalisme au moyen d’armes, comme le bris de fenêtres.

[47] On explique par ailleurs qu’il revient au directeur de prendre les décisions appropriées lors d’une situation d’urgence. Selon la coopération des détenus, on peut gérer une situation de diverses manières. Par exemple, comme on l’a déjà mentionné, le DAO Hare précise que le recours à la force est justifié avec les détenus récalcitrants qui ne réagissent pas à la communication verbale.

[48] Le DAO Hare décrit aussi en détail la façon dont les fouilles doivent être faites dans l’établissement. Il explique que l’objectif des fouilles est de dissuader la possession et l’échange d’articles de contrebande et non autorisés. Le DAO Hare précise qu’« article de contrebande » est une expression utilisée pour décrire tout ce qui n’est pas autorisé à l’intérieur de l’établissement, comme les armes ou la drogue. Un article non autorisé est un article autorisé dans l’établissement, mais pas dans les cellules des détenus. Par exemple, un téléviseur peut être fourni à un détenu qui y est autorisé, mais pas à un autre détenu qui n’y a pas droit.

[49] Le DAO Hare précise qu’il existe plusieurs genres de fouille à l’établissement, et que ce sont les AC qui effectuent les fouilles. Les fouilles courantes ont lieu tous les 30 jours. Les fouilles non courantes ont lieu lorsqu’un AC a des motifs raisonnables et probables de croire qu’il y a un article non autorisé ou de contrebande dans la cellule, par exemple lorsqu’un AC sent une odeur de « broue » (boisson alcoolisée fabriquée par les détenus) ou voit un couteau ou des comprimés. Les fouilles non courantes nécessitent l’autorisation du responsable de l’établissement. Le DAO Hare ajoute qu’une autre option consiste à procéder à une fouille d’urgence, si l’on croit que le détenu risque se débarrasser de la preuve immédiatement.

[50] Le DAO Hare explique que l’EIU ne fait pas de fouilles des cellules, parce que son équipement est [traduction] « encombrant » et que cela ne s’inscrit pas dans son mandat. Il explique que les AC effectuent les fouilles, sauf en cas de [traduction] « grave incident ». Le DAO Hare définit un « grave incident » comme un incident de violence qui cause le décès ou des blessures graves à un membre du personnel. En cas de « grave incident » donnant lieu à une fouille, le DAO Hare affirme que l’EIU sera déployée pour procéder à la fouille exceptionnelle des détenus. Le DAO Hare ajoute que le fait que l’EIU ne participe généralement pas aux fouilles s’explique par les tensions engendrées par sa présence dans l’établissement, les détenus la considérant comme une violation de leur vie privée.

[51] Les fouilles sont consignées dans le registre des fouilles une fois terminées. En cas de découverte d’articles non autorisés ou de contrebande, un rapport est rédigé.

[52] Le DAO Hare affirme également qu’il y a trois ARS à l’établissement. Leurs fonctions sont de recueillir, d’analyser, d’étudier et de diffuser les informations recueillies par les AC dans l’exercice de leurs fonctions. Les ARS écoutent les appels téléphoniques des détenus, coopèrent avec les services de police locaux, évaluent la fiabilité des « kites » et participent aux réunions régionales du renseignement. Ils sont responsables de savoir [traduction] « ce qui se passe » dans l’établissement. De plus, les ARS établissent et entretiennent un réseau de sources humaines confidentielles au sein de la population carcérale. Le DAO Hare explique qu’un ARS doit être capable de comprendre, d’évaluer et d’analyser le comportement humain et criminel afin d’évaluer les risques et les menaces en permanence.

[53] Le DAO Hare fait valoir qu’il a rédigé l’EMR en l’espèce et que le risque dans les circonstances a été jugé faible.

[54] Le DAO Hare affirme que les fouilles ont été effectuées comme des fouilles d’urgence normales par le personnel des opérations. Il précise que l’on n’a rien trouvé dans les cellules pendant les fouilles.

[55] Dans son témoignage, le DAO Hare soutient qu’en 26 ans d’expérience, jamais il n’a vu d’AC ou de détenu agressé par un pistolet bricolé en état de marche. Le DAO Hare explique qu’en général, les pistolets bricolés ne fonctionnent pas et que les détenus les utilisent pour faire peur à d’autres détenus ou au personnel. Le DAO Hare affirme avoir déjà trouvé, alors qu’il était ARS, un article qui ressemblait à un pistolet bricolé, fabriqué au moyen d’un stylo et de deux câbles qui y étaient rattachés. Le DAO Hare explique que le détenu se servait de cet objet en prétendant qu’il s’agissait d’un pistolet bricolé.

 Tout danger est une condition normale de l’emploi

[56] À l’appui du second argument, l’intimé présente des éléments de preuve relatifs aux descriptions de poste des AC, issus du contre-interrogatoire de l’AC Bradford. Les éléments de preuve fournis par l’AC Bradford à cet égard traduisent la description de poste mise en preuve (pièce E2‑Q). Voici quelques-uns des risques énumérés dans la description de poste des AC :

- L’AC est exposé directement et quotidiennement à des détenus possiblement agités, imprévisibles ou récalcitrants, intimidants ou violents; cela peut se produire lors de l’application de mesures de sécurité, l’explication de certaines décisions ou la documentation du comportement des détenus. Le contrôle sur la fréquence et la durée des situations difficiles est minimal.

- L’AC intervient en situation de crise pour prévenir ou lutter contre la violence et pour protéger le public, le personnel et les détenus.

- L’AC doit intervenir lors de situations menaçantes ou violentes pour protéger la sécurité du public, du personnel, des détenus et de l’établissement (p. ex., agressions, émeutes ou prises d’otages).

- Les détenus peuvent faire preuve de violence verbale ou physique envers le titulaire du poste.

- Il existe un risque de violence verbale, physique ou psychologique dans le cadre de l’exécution des tâches quotidiennes en contact direct avec des détenus, potentiellement volatils, dotés de faibles compétences cognitives ou aux valeurs et attitudes sociales différentes.

- Le risque de blessures graves ou de décès est présent.

- Des interactions occasionnelles avec des détenus aux facultés affaiblies par diverses substances ou dans un état psychologique instable peuvent entraîner un risque accru ou imprévisible de violence verbale ou physique.

[57] En contre-interrogatoire, l’AC Bradford confirme que dans le cadre de leurs fonctions, les AC sont tenus d’interagir avec les détenus sur une base régulière, de les rencontrer et de discuter de divers enjeux avec eux. L’AC Bradford explique que cela crée une relation entre les AC et les détenus.

C) Réponse

[58] Dans sa réponse, l’appelant affirme que le comportement de SCC dans le présent appel traduit une position constamment rejetée par le Tribunal et la Cour fédérale. L’appelant soutient que, même si SCC a les moyens de veiller à ce que les AC exercent leur fonction dans la plus grande sécurité possible, SCC refuse toujours de prendre ces moyens.

[59] L’avocat de l’appelant cite des affaires dans lesquelles les décisions initiales d’un agent de SST concluant à l’absence d’un danger pour les AC de SCC ont été annulées. Par exemple, l’appelant cite l’affaire Verville (précitée), qui traitait du danger posé par l’interdiction faite aux AC d’avoir des menottes sur eux; la décision Armstrong (précitée), portant sur l’interdiction faite aux AC d’avoir sur eux du gaz poivré; et la décision Vandal (précitée), qui avait trait à l’escorte d’un détenu notoire par des AC non armés.

[60] L’appelant soutient que ces exemples attestent le refus de SCC de fournir de l’équipement de protection facilement accessible à ses AC en présence de risques. On allègue que SCC adopte la même attitude dans le présent appel. L’appelant croit que SCC n’a pas tenu compte d’éléments de preuve accablants, les rejetant comme s’il s’agissait de pure spéculation.

[61] L’avocat de l’appelant souligne que le DAO Hare admet que la menace évaluée dans son EMR est la menace de blessure d’un AC par un pistolet bricolé lors de l’extraction d’un détenu de sa cellule.

[62] L’appelant affirme qu’il est incontestable que SCC avait affaire à une menace liée aux armes à feu, plus grave que les menaces implicites dans les tâches quotidiennes au sein de l’établissement. L’appelant rappelle que l’employeur pouvait facilement faire appel à l’EIU, une équipe spécialisée et hautement qualifiée, utiliser les gilets pare-balles, des casques et des écrans facilement accessibles, mais que SCC a refusé de le faire par arrogance. L’avocat de l’appelant est d’avis que la preuve a démontré que SCC a déployé l’EIU en réaction à des menaces liées aux armes à feu presque identiques au Pénitencier de Dorchester et à l’Établissement de Springhill.

[63] L’appelant conclut en affirmant que les extractions de cellule, en présence d’un risque accru lié aux armes à feu, par des AC non formés et sans équipement, ne sont pas une condition normale de l’emploi.

Analyse

[64] Je dois déterminer si, au moment de son refus de travailler, l’AC Bradford était exposé à un danger selon la définition du paragraphe 122(1) du Code :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats —, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur

[65] Pour déterminer si un danger existait au moment du refus de travailler de l’AC Bradford, j’entends étudier la décision Verville de la Cour fédérale (précitée) et l’arrêt Martin de la Cour d’appel fédérale (précité), qui énonce, dans l’analyse concernant la présence d’un « danger » au sens du Code :

  • Il doit y avoir un risque, une situation ou une tâche susceptible de causer des blessures à un employé, ou de le rendre malade, qui peut ne pas survenir immédiatement après l’exposition, mais qui doit se produire avant qu’il ne puisse y être remédié.
  • Il n’est pas nécessaire d’établir avec précision à quel moment le risque, la situation ou la tâche surviendra, mais seulement que l’on constate dans quelles circonstances le risque, la situation ou la tâche est susceptible de causer des blessures, et qu’il soit établi que de telles circonstances se produiront, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[66] Afin de déterminer si l’AC Bradford était en présence d’un danger, je dois chercher à savoir si la tâche de procéder aux fouilles des cellules comme le demandait l’employeur, sans l’EIU, doublée à la découverte d’une balle dans l’établissement, était susceptible de causer des blessures.

[67] À ce stade, je tiens à préciser que même si j’ai reçu amplement d’informations à propos de l’EIU, son expertise et ses capacités, la question soulevée devant moi n’est pas de savoir s’il aurait été plus approprié de demander à l’EIU d’exécuter les fouilles. Je dois plutôt déterminer si l’AC Bradford était en présence d’un danger lorsqu’on lui a demandé d’effectuer des fouilles de cellules sans l’EIU, à la suite de la découverte d’une balle à l’intérieur de l’établissement.

[68] Comme on le constate dans la décision Verville, afin d’établir la présence d’un danger, il faut déterminer les circonstances dans lesquelles on peut s’attendre à ce que la tâche cause des blessures, et établir la possibilité raisonnable que ces circonstances soient réunies.

a) Dans quelles circonstances l’exécution des fouilles de cellules est-elle susceptible d’entraîner des blessures chez les AC?

[69] Selon la majorité dans la décision Verville, la définition de danger n’exige pas que les fouilles de cellules effectuées sans l’EIU occasionnent chaque fois des blessures. La version française, « susceptible de causer », indique que la tâche doit pouvoir causer des blessures à un moment donné, mais pas nécessairement chaque fois. Je dois donc recenser les circonstances dans lesquelles l’exécution des fouilles de cellules demandée pouvait causer des blessures, à tout moment, à l’AC Bradford.

[70] Dans son témoignage à l’audience, l’AC Bradford affirme craindre qu’un détenu soit en possession d’une balle et d’un pistolet bricolé et qu’il décide de tirer sur un AC pendant la fouille de sa cellule. L’AC Bradford explique qu’à tout instant pendant la marche vers la cellule, au moment où le détenu est extrait de sa cellule ou pendant la fouille de la cellule, un AC peut s’exposer à la possibilité qu’un détenu soit en possession d’une balle et d’un engin pour la propulser; comme un pistolet bricolé. Les AC peuvent être directement frappés par le projectile, ou indirectement, par ricochet, étant rapprochés pendant les fouilles.

[71] Par conséquent, à mon avis et en tenant compte du témoignage de l’AC Bradford, les éléments suivants doivent être présents dans une cellule pour qu’un AC soit blessé pendant une fouille de cellule comme celle décrite ci-dessus :

i. la présence d’une autre balle;

ii. un mécanisme destiné à propulser la balle, comme un pistolet bricolé;

iii. un détenu prêt à tirer sur un AC.

[72] Après avoir déterminé les circonstances dans lesquelles la tâche était susceptible de représenter un danger pour les AC, j’entends maintenant déterminer s’il y avait une possibilité raisonnable que ces circonstances particulières soient réunies.

b) Y avait-il une possibilité raisonnable que ces circonstances soient réunies?

[73] La décision Verville nous guide dans la détermination de la possibilité raisonnable que les circonstances soient réunies, aussi appelée la « perspective raisonnable de blessures ». Dans cette décision, la juge Gauthier précise que la perspective raisonnable ne peut reposer sur des hypothèses ou des conjectures. À ce stade, je dois déterminer si la possibilité que les circonstances de la situation pouvant causer des blessures soient réunies était davantage qu’hypothétique, par opposition à une simple possibilité.

[74] Comme je l’ai déjà mentionné, pour que les circonstances de la situation puissent donner lieu à des blessures, il fallait que d’autres balles se trouvent à l’intérieur de l’établissement. Après avoir étudié les éléments de preuve fournis par les deux parties, je suis d’avis que rien ne laisse croire à la présence d’autres balles à l’intérieur de l’établissement au moment du refus de travailler. À l’audience, des témoins ont affirmé qu’une balle a été découverte dans une zone à laquelle les détenus ont accès. Les éléments de preuve fournis à ce propos sont la découverte et la confiscation de cette balle. Dans son témoignage, l’AC Bradford suggère qu’une balle vise des objectifs très précis : blesser ou chasser. L’AC Karesek affirme qu’une balle n’est pas facile à fabriquer, en raison de sa complexité, mais qu’il est possible d’en faire entrer à l’établissement.

[75] Cela étant dit, l’hypothèse selon laquelle la découverte d’une balle signifie [traduction] « qu’il doit y en avoir d’autres » est spéculative et n’est étayée par aucun élément de preuve. En raison de sa nature spéculative, elle ne répond pas au seuil de la perspective raisonnable de blessures appliqué dans l’affaire Verville.

[76] Le deuxième élément nécessaire pour que les circonstances de la situation donnent lieu à des blessures est la présence d’un pistolet bricolé en état de marche à l’intérieur de l’établissement. À ce propos, je suis également d’avis que la présence d’un pistolet bricolé en état de marche à l’intérieur de l’établissement est de nature spéculative. Dans son témoignage à l’audience, l’AC Bradford affirme qu’on peut fabriquer un pistolet bricolé en aussi peu que 30 minutes à partir de zéro, et que les détenus ont accès aux matériaux nécessaires à la fabrication de pistolets bricolés, comme les ressorts, les outils utilisés à l’intérieur de l’Établissement de l’Atlantique et des bonbonnes de gaz vides. L’AC Bradford soutient que des matériaux pouvant servir à la fabrication d’un pistolet bricolé ont été découverts dans les cellules des détenus après son refus de travailler. L’AC Karasek affirme avoir déjà fabriqué deux pistolets bricolés. Celui qu’il a présenté à l’audience a été fabriqué en moins de 30 minutes.

[77] Néanmoins, j’accorde une valeur considérable aux éléments suivants. En contre-interrogatoire, l’AC Karasek reconnaît n’avoir jamais trouvé de pistolet bricolé en état de marche en 26 ans de carrière. L’AC Bradford affirme également qu’à sa connaissance, il n’y a jamais eu de ROD mentionnant des pistolets bricolés ou des balles à l’intérieur de l’établissement. Dans son témoignage, le DAO Hare soutient qu’il n’a jamais entendu parler d’AC ou de détenu agressé par un pistolet bricolé en état de marche. Selon son expérience, les détenus se servent généralement des pistolets bricolés pour faire peur, il n’a jamais trouvé [traduction] « quoi que ce soit qui s’approche » d’un pistolet bricolé dans toute sa carrière.

[78] De plus, j’accorde une importance particulière aux éléments de preuve relatifs aux renseignements recueillis au sein de l’établissement au moment du refus de travailler. L’EMR, mise en preuve par l’intimé, indique que le service du renseignement de sécurité n’avait reçu aucune information récente, sous la forme de renseignement ou de rapports, concernant des armes autres que les tiges (couteaux artisanaux utilisés par les détenus). Les éléments de preuve déposés illustrent que l’ARS a étudié tous les rapports et toutes les informations du renseignement depuis le 1er janvier 2011, et qu’aucune information ne concernait des balles, des cartouches de chasse, des explosifs ou des armes à feu. L’EMR précise que le service des ARS était en contact permanent avec des sources chez les détenus, et qu’il n’avait reçu aucune information concernant des armes ou des balles. Bien que l’EMR indique le fait qu’un détenu travaillait à titre d’assistant de métier et la disparition d’outils, on a établi qu’il était peu probable que ce détenu en particulier ait la capacité de fabriquer un pistolet bricolé.

[79] Même si je suis conscient que la découverte d’un pistolet bricolé à l’intérieur de l’Établissement de l’Atlantique n’est pas une chose impossible, je considère que les éléments de preuve à l’appui de cette prétention relèvent de l’hypothèse et ne peuvent par conséquent constituer une perspective raisonnable de blessures. Plus précisément, je crois que la découverte d’un pistolet bricolé à l’intérieur de l’Établissement de l’Atlantique relève tout au plus d’une simple possibilité. Pour arriver à cette conclusion, j’ai accordé de la valeur aux éléments de preuve voulant que jamais l’AC Karasek ou le DAO Hare, deux employés avec une longue expérience du milieu correctionnel, n’ont découvert de pistolet bricolé en état de marche. J’ai également tenu compte du fait que le renseignement recueilli par les ARS au sein de l’Établissement de l’Atlantique ne contient aucune information concernant des balles ou des pistolets bricolés. Tout en reconnaissant qu’il est assez simple de fabriquer un pistolet bricolé en état de marche, les éléments de preuve ne me permettent pas de croire qu’il s’agit là d’autre chose qu’une simple possibilité.

[80] Pour ces motifs, je ne crois pas qu’il y avait une perspective raisonnable de blessures pour l’AC Bradford dans l’exécution des fouilles de cellules, à la place de l’EIU, au moment du refus de travailler.

[81] Pour arriver à cette décision, j’ai également examiné les éléments de preuve fournis par l’AC Vautour concernant le déploiement de l’EIU au Pénitencier de Dorchester et à l’Établissement de Springhill. Malgré cela, je suis d’avis que ces incidents distincts, bien qu’ils aient en commun la présence d’une balle, ne m’aident pas à déterminer si l’AC Bradford était exposé à un danger au moment de son refus de travailler. Comme je l’ai déjà mentionné, mon rôle d’agent d’appel est de déterminer si l’employé était exposé à un danger, par opposition à déterminer si l’EIU aurait dû être déployée selon des pratiques optimales.

[82] Le déploiement du personnel des opérations au lieu des membres de l’EIU pour les fouilles de cellules à la suite de la découverte d’une balle à l’intérieur de l’établissement, même si cette découverte ne constituait pas un danger dans les circonstances de la situation du présent appel, est une question qui mérite néanmoins un examen plus approfondi. Je le mentionne en raison du témoignage de l’AC Bradford comme quoi il n’a pas reçu de formation liée aux armes à feu. Les exigences pertinentes en matière d’identification, d’évaluation, de mesures de prévention et de formation des employés à l’égard des risques sont énoncées à la partie XIX, Programme de prévention des risques, du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail. J’encourage l’employeur et les employés de l’Établissement de l’Atlantique à discuter davantage de cette question au sein du comité de santé et de sécurité, si cela n’a pas déjà été fait.

[83] Étant donné que j’ai déterminé qu’il n’y a pas de perspective raisonnable que les fouilles des cellules sans l’EIU causent des blessures dans les circonstances de la situation en l’espèce, je conclus que l’AC Bradford n’était pas exposé à un « danger » au sens du Code à la date de son refus de travailler. Par conséquent, il ne m’est pas nécessaire de déterminer si le danger allégué constitue une condition normale de l’emploi.

Décision

[84] Pour ces motifs, j’ai déterminé que l’agent de SST n’a pas commis d’erreur en concluant à l’absence de danger à la suite du refus de travailler de l’AC Bradford. La décision de l’agent de SST Haché concluant à l’absence de danger est confirmée et l’appel est rejeté.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

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