Archivée - N° de la décision : 95-020 CODE CANADIEN DU TRAVAIL PARTIE II SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL

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Révision en vertu de l’article 146 du Code canadien du travail, partie II, des instructions données par un agent de sécurité

Requérante : Bell Canada                    
483, rue Bay, 4e étage, Tour sud                    
Toronto (Ontario)                    
Représentée par : André L. Paiement, avocat principal

Intimé : Joel Carr            
 Représentant national            
Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier

Mis en cause : Rod J. Noel                       
Agent de sécurité n° 1768                       
Développement des ressources humaines Canada

Devant : Bertrand Southière              
Agent régional de sécurité               
Développement des ressources humaines Canada

L'audience s'est tenue à Toronto le 14 septembre 1995 et le 22 novembre 1995. Étaient présents :

- Joel Carr S.C.C.E.P. - Paul Lochner. S.C.C.E.P. - Kevin Marlow - Larry Watson - Gary Lloyd S.C.C.E.P. - Al Thompson Directeur - Bell - Dave James S.C.C.E.P. - Paul Danton - Rod Noel - Mary Gawrylash Ingénierie - Bell Canada - W.G. Valcour Bell - Ward Waunders Bell - T.J. Maiden Bell - J.D. Allan Bell - M. Parent Bell - A. Paiement Bell - P. Wright DRHC - Jim Locke S.C.C.E.P., section locale 26 - Steve Cole S.C.C.E.P., section locale 42

Exposé des faits

L'événement particulier qui a donné lieu à l'instruction en cause est décrit dans le rapport qu'a préparé l'agent de sécurité Rod Noel et qui est daté du 30 janvier 1995.

[Traduction] « Le 28 juillet 1994, vers 17 h 15, le technicien Kevin Marlow de Bell Canada s'est introduit dans un espace clos, soit un puits d'accès, à l'usine Ford, promenade Royal Windsor, Oakville (Ontario) afin d'y faire des travaux. Vers 17 h 30, Kevin Marlow est transporté par son collègue Larry Watson à l'Oakville General Hospital, où il est traité pour des nausées et des problèmes respiratoires causés par une exposition possible à des émanations toxiques, qu'on soupçonne être du xylène. Il est renvoyé après avoir passé plusieurs heures sous observation. On l'a informé que le taux d'acidité dans son sang était élevé, ce qui était vraisemblablement dû à l'exposition à certains produits chimiques, dont le xylène. » (page 3 du rapport de Rod Noel)

Depuis une semaine, Bell Canada essayait de régler un problème que posait un câble de communication et qui semblait se situer dans le puits d'accès en question (puits d'accès MHA1 qui, d'ailleurs, appartient à Ford). Étant donné que ce puits était contaminé, le gérant responsable de la réparation des câbles, Terry Maiden, voulait que personne n'y pénètre et avait décidé de contourner le problème en raccordant de part et d'autre du trou d'homme une longueur de câble parallèlement au câble endommagé à l'intérieur du puits d'accès. Le jeudi 28 juillet, après avoir expliqué la nature du travail aux deux techniciens, Kevin Marlow et Larry Watson, il a quitté les lieux vers 15 h pour la fin de semaine. Cependant, le gérant ne savait pas qu'il y avait une ligne électrique dans le conduit où le raccordement devait se faire. Lorsque les employés en ont été informés, ils ont cherché en vain à joindre le gérant. Finalement, ils ont pu communiquer avec le gérant, Al Thompson et avec Dave James qui était le gérant pour la nuit.

D'après les deux gérants, Al Thompson et Dave James, il y a eu une discussion sur la façon de résoudre la situation. On a mentionné durant la conversation que Terry Maiden ne voulait pas que quiconque descende dans le puits d'accès. A1 Thompson a alors suggéré que le puits soit traité comme un lieu désigné et qu'un employé y descende avec une corde nouée autour de la taille pendant que l'autre surveillerait de l'extérieur. Toutefois, après de plus amples discussions, il fut décidé que personne ne devrait pénétrer dans le puits d'accès à ce moment-là; la situation serait examinée tôt le lendemain matin par un gérant qui se rendrait sur les lieux à cette fin. Peu après l'appel, Kevin Marlow est descendu dans le puits d'accès avec une corde nouée autour de la taille pendant que Larry Watson et une autre personne attendaient à l'extérieur. Après s'être trouvé dans le puits pendant 15 minutes environ, Kevin Marlow a informé Larry Watson qu'il ne se sentait pas bien. Celui-ci lui a alors dit de sortir immédiatement et, peu près, l'a emmené à l'hôpital.

Je n'ai pas entendu le témoignage des employés (voir mes observations ci-dessous). Toutefois, dans la déclaration qu'il a rédigée le 31' octobre 1994, Larry Watson affirme qu'Al Thompson leur aurait dit de traiter le puits d'accès comme un lieu désigné, un homme devant rester à l'extérieur pendant que l'autre descendrait avec une corde nouée autour de la taille : il n'aurait besoin que de 15 ou 20 minutes pour ôter le manchon de plomb et assécher l'épissure. Il ne dit pas si l'on devait attendre qu'un gérant réévalue la situation au début de la journée le lendemain avant que le travail se poursuive. À l'onglet 3 du rapport de M. Noel, on trouve également un rapport sur la maladie ou la blessure professionnelle, formulaire BC 976, signé par Kevin Marlow et ne portant pas de date, où il n'est pas dit que l'interdiction de descendre dans le puits d'accès a été donnée. Il est donc possible de conclure que, même s'il n’est pas confirmé que les employés avaient reçu l'ordre de ne pas descendre dans le puits d'accès, il n'est pas dit non plus que cet ordre n'a pas été donné.

Il est manifestement évident que Terry Maiden n'avait pas l'intention de descendre dans le puits d'accès ni d'y envoyer qui que ce soit : la solution qu'il a choisie en est la preuve. De plus, Al Thompson et Dave James affirment que, pendant leur conversation avec Kevin Marlow et Larry Watson, ils ont interdit aux deux employés de descendre dans le puits d'accès et leur ont enjoint d'attendre le lendemain matin, lorsqu'un gérant se rendrait sur les lieux et réévaluerait la situation. A1 Thompson admet cependant avoir d'abord suggéré qu'un employé descende avec une corde nouée autour de la taille pendant que son collègue surveillait. Il existait certainement une possibilité de confusion dans l'esprit des employés concernant le travail à faire, notamment pour les raisons suivantes :

-  le puits d'accès avait été vidé; -  il avait été vidé et lavé à pression deux fois; -  le moniteur Passport ne signalait aucun danger, malgré la présence d'une forte odeur; -  le puits d'accès avait été aéré; -  le travail devait être de courte durée; -  à leur connaissance, il n'y avait aucun problème atmosphérique dans les puits d'accès de Bell; -  le travail traînait depuis assez longtemps et il fallait le terminer.

Je comprend qu'ils aient décidé dans ces circonstances d'aller de l'avant et de terminer leur travail immédiatement.

Le lendemain, soit le 29 juillet 1994, Dave James s'est rendu sur les lieux avec deux techniciens, Larry Watson et Gary Skelton. Pendant la journée, il est descendu très brièvement dans le puits d'accès en question sans prendre de précaution. Vers le milieu de l'après-midi, William Valcourt, directeur général, Maintenance du réseau d'accès, a visité l'endroit puis a mis fin à tous les travaux.

L'agent de sécurité a entrepris son enquête lorsque Paul Lochner, membre du comité de santé et de sécurité de Bell Canada, a transmis une plainte à Développement des ressources humaines Canada. Reçue le 31 août 1994, cette plainte soulevait trois préoccupations : la convenance du moniteur Passport utilisé par Bell pour analyser l'atmosphère, l'omission, de la part de Bell, de demander au comité de santé et de sécurité de faire enquête; les inexactitudes contenues dans le rapport d'accident. L'agent de sécurité a été mandaté pour donner suite à la plainte le 23 septembre 1994 et il a commencé son enquête le 11 octobre suivant.

Le 1er décembre 1994, il a donné une instruction à Bell Ontario par suite de cette enquête. Le 22 décembre 1994, une deuxième instruction a été formulée, toujours en relation avec cet événement. Cette deuxième instruction (annexe 1) fait l'objet de la présente révision.

Arguments de l'employeur

La position de l'employeur se fonde essentiellement sur l'interdiction donnée aux deux employés de descendre dans le puits d'accès. Trois témoins, Terry Maiden, A1 Thompson et Dave James, ont déclaré que les employés se sont vus interdire à plusieurs reprises de pénétrer dans le puits d'accès. Il est toutefois souligné qu'Al Thompson a effectivement suggéré durant la conversation avec les deux employés qu'un d'entre eux descende avec une corde nouée autour de la taille comme précaution puisque le travail serait de courte durée. Comme je l'ai expliqué ci-dessous sous la rubrique « Observations », je n'ai pas entendu la version des faits des employés.

Les travaux effectués dans l'excavation adjacente au puits d'accès ne semblent pas avoir été un problème durant les événements et ils n'ont pas été mentionnés lors de l'enquête effectuée le 10 août 1994. Apparemment, l'employeur n'avait pas été informé du fait que l'excavation était peut-être contaminée; le rapport sur la maladie ou la blessure professionnelle subie par Larry Watson est daté du 6 octobre 1994.

L'agent de sécurité a joint à son rapport (onglet 15) trois documents qui établissent que l'employeur savait que les lieux étaient contaminés. Le premier document est un rapport sur les risques, formule BC 212A, daté du 3 octobre 1989. Ce document mentionne qu'il s'agit d'un réseau de puits d'accès appartenant à Ford et signale la présence produits chimiques dangereux qui posent un risque pour la santé des employés travaillant dans les puits d'accès. Toutefois, pendant son témoignage, M. Valcourt a déclaré que ce rapport ne visait pas le puits MHA1. Après en avoir discuté avec le service d'ingénierie, il a appris qu'il s'appliquait à d'autres puits d'accès.

Arguments des employés

L'intimé a souligné qu'Al Thompson avait effectivement suggéré durant la conversation avec Kevin Marlow et Larry Watson qu'un employé descende avec une corde nouée autour de la taille pendant que l'autre surveillerait à l'extérieur. De plus, le lendemain de l'incident, le gérant, Dave James, est descendu dans le même puits d'accès, quoi que pendant un court laps de temps, mais sans prendre les précautions habituelles.

Observations

L'infraction présumée qui a donné lieu à l'instruction est survenue le 28 juillet 1994. L'instruction formulée le 1°T décembre suivant n'a pas fait l'objet d'un appel; c'est la deuxième instruction formulée le 22 décembre suivant qui est contestée par la présente demande de révision. L'audience devait avoir lieu en juin 1995, mais en raison de conflits d'horaires entre les parties, elle dû être retardée jusqu'au 14 septembre 1995 et s'est terminée le 22 novembre 1995. A ce moment-là, des poursuites avaient été intentées sur la même question contre l'employeur, ce qui a faussé l'audience et compliqué une situation déjà difficile. De fait un accord a été conclu entre les représentants de l'employeur et des employés demandant à l'agent régional de sécurité d'annuler l'instruction. En conséquence, l'agent régional de sécurité n'a entendu à l'audience que les témoins cités par l'employeur ; ni les employés en cause à l'origine, ni le représentant du comité de santé et de sécurité n'ont été entendus.

Mon autre observation touche la forme de l'instruction. En effet, l'agent de sécurité a pris bien soin d'énumérer toutes `les dispositions du Code et du Règlement qui, à son avis, avaient été enfreintes. Cependant, certaines de ces dispositions dépendent de l'observation d'une disposition précédente. Si la première n'est pas respectée, il s'ensuit donc que la seconde ne le sera pas non plus, et l'instruction donnée à l'égard de la deuxième disposition sera nécessairement redondante. Par exemple, l'article 3 de l'instruction indique que l'employeur a omis d'évaluer les risques associés à l'espace clos, contrairement à l'alinéa 11.2(1)a). L'article 5 de l'instruction mentionne alors que l'employeur a omis de consigner, dans un rapport daté et signé, les constatations d'une évaluation des risques associés à un espace clos. Or, si l'employeur a omis de se conformer à l'art. 3 de l'instruction, il est évident qu'il n'y a eu aucun rapport signé et daté de l'évaluation et que l'article 5 de l'instruction est redondant.

Décision

Après avoir passé en revue la documentation qui m'a été fournie de même que les témoignages entendus à l'audience, je soulignerai les points fondamentaux suivants :

-  Ford, propriétaire des lieux et du puits d'accès, savait que le sol était contaminé et aurait dû informer Bell Canada de la situation; -  l'excavation creusée pour atteindre le câble, près du puits d'accès, aurait pu être un espace clos, compte tenu de facteurs comme la facilité d'accès, la profondeur de l'excavation, etc.; quant à savoir s'il s'agissait ou non d'un espace clos relève de l'exercice d'un jugement que je ne peux évaluer à partir des renseignements dont je dispose; -  Terry Maiden a eu raison de considérer le puits d'accès comme étant contaminé et d'interdire à ses techniciens d'y pénétrer; il a toutefois omis d'informer son employeur de cette constatation comme il aurait dû le faire; -  A1 Thompson a effectivement suggéré à un moment donné qu'un des deux techniciens descende dans le puits d'accès avec une corde nouée autour de la taille; cependant, les techniciens ont reçu à la fin de la conversation l'ordre d'attendre au lendemain, lorsqu'un directeur se rendrait sur les lieux pour réévaluer la situation; -  Kevin Marlow est descendu malgré les instructions de Terry Maiden et d'Al Thompson, bien que ce dernier semble avoir donné des conseils contradictoires; il ne faut pas oublier non plus que les deux techniciens avaient reçu une formation sur l'accès aux espaces clos un peu plus d'un mois auparavant; -  Le fait que Dave James ait pénétré dans le même puits d'accès le lendemain, sans les précautions habituelles, est inexcusable.

J'examinerai maintenant les explications détaillées données par l'agent de sécurité dans son rapport et discuterai de l'instruction article par article.

1. Article 124 du Code canadien du travail - Partie II

L'agent de sécurité a inclus dans son rapport, à l'onglet 15, des informations qui montrent, selon lui, que l'employeur savait que le puits MHAI était contaminé. Le premier document, la formule BC 212A, mentionne le réseau de puits d'accès de Ford. M. Valcourt a affirmé que ce rapport traitait en réalité d'autres puits, non pas du MHA1. Comme on ne m'a présenté aucune preuve contraire, je dois accepter ce témoignage. Le second document inclus dans cet onglet, daté du 19 avril 1990, est vague et mentionne seulement que certains puits d'accès ont un contenu dangereux : il s'agit d'éléments de preuve insuffisants. Enfin, le dernier document de cet onglet est une mauvaise copie d'un plan des lieux qui montre l'emplacement des puits d'accès chez Ford. Sur ce dessin, trois puits d'accès sont marqués comme étant contaminés : pour autant que je puisse le deviner, il s'agit de MH2, de MH3 et d'un autre situé dans l'usine de montage de camions, mais je ne peux être certains du numéro. MHA1 ne se trouve pas dans cette usine, car il est situé près de MH2, et ne figure pas parmi les puits contaminés identifiés sur ce plan. Par conséquent, je ne suis pas convaincu que l'employeur savait que ce puits d'accès était contaminé. Cependant, le gérant, Terry Maiden; savait que c'était le cas et il a interdit en conséquence aux techniciens d'y pénétrer, mais il a omis d'en informer l'employeur. Par la suite, le gérant en fonction, A1 Thompson, a bien suggéré pendant sa conversation avec les deux techniciens qu'un d'eux descende dans le puits d'accès avec une corde nouée autour de la taille. Toutefois, il semble que la dernière instruction donnée aux deux techniciens consistait à attendre jusqu'au lendemain matin, lorsqu'un gérant visiterait les lieux et réévaluerait la situation. Si l'on tient compte de la formation que les deux techniciens ont reçue, à peine plus d'un mois auparavant, sur l'accès aux puits de cette nature et les sorties, de même que sur la vérification et l'aération de ces endroits, j'estime que l'employeur a pris des précautions raisonnables pour protéger la sécurité et la santé au travail de ses employés. Quant au fait que Dave James a pénétré dans le puits le lendemain, je soulignerai qu'on ne lui avait rien demandé et qu'il a décidé de son propre chef de le faire. Étant donné qu'il connaissait les procédures mises en place par son employeur (étant gérant), ainsi que l'incident dont avait été victime Kevin Marlow quelques heures auparavant dans le même puits d'accès, je crois qu'il s'agissait d'une mauvaise décision, mais j'estime que l'employeur ne devrait pas être blâmé. En effet, Dave James n'a consulté personne d'autre et, par conséquent, il est le seul responsable de ses actes. Lorsque William Valcourt a visité l'endroit peu de temps après, il l'a fait fermer. Je n'estime donc pas que l'employeur a agi contrairement à l'art. 124 du Code lorsque Dave James est descendu dans le puits d'accès MHAL Finalement, l'agent de sécurité a souligné que le programme d'évaluation et d'exécution des travaux dans des espaces clos institué par Bell Canada ne semble pas assimiler les excavations (puits) à des espaces clos, ce qui l'a amené à ajouter cet article particulier à son instruction. Or, dans ses arguments, l'employeur a fait valoir que l'instruction avait été donnée par suite de l'incident survenu dans le puits d'accès et que l'excavation n'avait jamais été mentionnée auparavant. Par conséquent, aucune observation n'a été formulée sur cette question. En conclusion, Terry Maiden a omis de faire rapport à l'employeur sur le puits d'accès contaminé; Al Thompson, en suggérant qu'une corde soit nouée autour de la taille de l'employé en guise de mesure de sécurité avant qu'il descende dans le puits en question, a semé de la confusion dans l'esprit des employés. Voilà pourquoi j'estime que les gestes des deux gérants, agissant au nom de l'employeur, étaient contraires à l'article 124 du Code canadien du travail. Dave James a fait preuve d'une imprudence extrême lorsqu'il est descendu sans prendre de précaution le vendredi 29 juillet 1994, mais je suis d'avis qu'il n'agissait pas au nom de l'employeur à ce moment-là.

2. Alinéa 125q) du Code canadien du travail - partie II

Cet alinéa dispose que « l'employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité : » [. .] q) « d'offrir à chaque employé, de la manière réglementaire, l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance nécessaires pour assurer sa sécurité et sa santé ». J'ai souligné les termes « de la manière réglementaire » parce qu'il s'agit d'un élément essentiel de l'alinéa cité par l'agent de sécurité. Le Règlement énonce des conditions régissant l'information, la formation et l'entraînement, mais aucune ne vise la surveillance. On reconnaît en l'espèce que Terry Maiden n'a pas pris conscience des dangers présentés par l'excavation et du fait qu'elle aurait dû être traitée comme un espace clos; de plus, il n'a pas enregistré l'endroit comme un puits d'accès désigné. Pour sa part, Al Thompson a effectivement suggéré au début de sa discussion avec les deux employés qu'un d'eux se rende dans le puits d'accès avec une corde nouée autour de la poitrine. L'omission de reconnaître que l'excavation devait être traitée comme un espace clos n'a rien à voir avec la surveillance : il s'agit d'une question d'expérience. Si le gérant n'a pas perçu cette situation, on peut en dire autant des deux techniciens. Il n'a pas désigné comme tel le puits d'accès parce qu'il ne voulait pas que quiconque y descende. Cette démarche n'était pas conforme aux procédures établies par l'employeur, mais elle est satisfaisante du point de vue réglementaire. La suggestion d'Al Thompson a déjà été visée par l'article 1 de l'instruction, et il est inutile d'y revenir ici. Finalement, les gestes de Dave James le lendemain étaient malavisés, mais ils faisaient suite à sa propre décision, pas à celle de l'employeur.

3. Alinéas 125p) et 125.la) du Code canadien du travail - Partie II; alinéa 11.2(1)a) du

Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail L'employeur possède plus de 50 000 puits d'accès au Québec et en Ontario. Comme le permet la partie 11 du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail qui porte sur les espaces clos, l'employeur a classé ces puits en catégories et a procédé à une évaluation à l'égard de chacune. Cette évaluation est décrite en détail dans le rapport sur l'évaluation des risques dans les espaces clos de Bell Canada daté de juillet 1994 et consigné à l'onglet 17 du rapport de l'agent de sécurité. Cette évaluation porte notamment sur 79 puits d'accès en Ontario et au Québec; le puits MHAI situé chez Ford, à Oakville, n'est pas visé. L'évaluation d'un certain nombre d'espaces clos désignés qui entrent dans une catégorie a été effectuée comme le permet le Règlement, lequel n'exige pas que chacun soit évalué séparément. Mentionnons en passant que l'incident dont Kevin Marlow a été victime est le seul cas d'intoxication qui figure dans les dossiers de l'employeur.

4. Alinéas 125p) et 125.1a) du Code canadien du travail - Partie II; al. 11.2(1)b) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

J'ai lu le rapport sur l'évaluation des risques dans les espaces clos de Bell Canada daté de juillet 1994 et consigné à l'onglet 17 du rapport de l'agent de sécurité. Ce rapport visait notamment à valider les procédures en place et à formuler d'autres recommandations au besoin. Selon les procédures établies, avant d'entrer dans un espace clos, il y a lieu de procéder à une vérification portant sur la concentration d'oxygène, de monoxyde de carbone, d'hydrogène sulfuré et de vapeurs explosives. Le rapport recommande que personne n'entre dans un puits d'accès contaminé s'il y a des signes visibles de la présence de polluants ou si des odeurs suspectes en émanent (recommandation n° 3). J'estime que les conditions énoncées à l'alinéa 11.2(1)b) du Règlement sont respectées, de même que les alinéas 125p) et 125.1a) du Code canadien du travail.

5. Alinéas 125c) et p) du Code canadien du travail -- Partie II; paragraphe 11.2(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

S'il n'y a eu aucune évaluation de l'espace clos, comme le dit l'article 3 de l'instruction, il n'y a pas lieu de formuler une instruction relative à l'absence d'un rapport écrit de l'évaluation. J'annulerais donc cette partie de l'instruction sur la foi de ce seul argument. Les parties conviennent que ce puits d'accès en particulier n'a pas été évalué, mais que des espaces clos de la même catégorie l'ont été, comme le permet le Règlement, et qu'ils ont fait l'objet d'un rapport d'évaluation écrit et que les exigences du règlement ont donc été respectées.

6. Alinéa 125j) du Code canadien du travail - Partie Il, paragraphe 11.2(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

J'invoquerai ici le même argument qu'à l'égard de l'article 5, soit qu'en l'absence d'une évaluation il n'y aura aucun rapport écrit et qu'il n'y a pas lieu d'enjoindre à l'employeur d'envoyer une copie d'un rapport relatif à une évaluation qui n'a pas été effectuée puisque celui-ci n'existe pas. Toutefois, la lettre que Michèle Parent a envoyée à Serge Cadieux, en date du 16 mars 1995, indique que le rapport d'évaluation (onglet 17 du rapport de l'agent de sécurité) a été transmis au syndicat ainsi qu'au comité de santé et de sécurité de Bell en août 1994. De fait, le rapport a été remis peu après l'incident mais avant l'instruction. Cette partie de l'instruction n'est donc pas nécessaire.

7. Alinéas 125p) et 125(1)a) du Code canadien du travail - Partie II; sous-al. 11.4(1)a) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé

Selon les procédures établies par l'employeur, avant d'entrer dans un puits d'accès, l'employé doit procéder à des tests au moyen du moniteur Passport afin de déterminer la teneur en oxygène et de déceler la présence de monoxyde de carbone, d'hydrogène sulfuré et de vapeurs explosives. Il est également interdit aux employés de pénétrer dans un puits d'accès s'il en émane une forte odeur. En l'espèce, c'était le cas, et Terry Maiden ainsi qu'AI Thompson ont enjoint aux employés de ne pas descendre dans le puits et d'attendre jusqu'au lendemain, lorsqu'un gérant serait présent.

8. Alinéa 125p) du Code canadien du travail - Partie II; sous-al. 11.4(1)a)(iii) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

D'après les informations portées à la connaissance de l'agent régional de sécurité, le puits d'accès avait été vidé le 26 juillet 1994; il a ensuite été nettoyé à pression et vidé deux fois le lendemain. Les divers témoignages ne permettent pas de conclure qu'il y avait de l'eau dans 1d puits lorsque Kevin Marlow y est descendu. Les procédures établies par l'employeur exigent que tout liquide contenu soit évacué d'un puits d'accès avant que l'employé n'y pénètre; il est disposé expressément qu'il est illégal de pénétrer dans un puits d'accès où se trouve un liquide ou d'y travailler (art. 243.06 du Programme de prévention des accidents).

9. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; al. 113(l)a) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

On a interdit aux employés de descendre dans le puits d'accès. Les procédures établies par l'employeur se fondent sur l'établissement et le maintien de conditions acceptables dans un puits avant qu'un employé y descende. Si ce n'est pas le cas, l'employé a pour instruction de ne pas y pénétrer. Autrement dit, l'entrée dans un puits d'accès s'effectue conformément aux exigences de l'art. 11.4 du Règlement et non pas en vertu de l'art. 11.5. Dans ces circonstances, les procédures d'urgence requises par ce dernier article ne sont pas pertinentes.

10. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; par. 11.5(3) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

Même s'il a été suggéré, pendant la conversation entre Al Thompson, Dave James, Kevin Marlow et Larry Watson, qu'un employé descende avec une corde nouée autour de la taille, on a conclu qu'il fallait plutôt attendre au lendemain, lorsqu'un gérant évaluerait la situation. Je conviens que cette suggestion a pu avoir causé une certaine confusion, les conséquences de cette suggestion sont atténuées par le fait que le gérant, Terry Maiden, a insisté pour que personne ne descende dans le puits d'accès et par le fait que les employés ont reçu une formation sur l'accès aux puits d'accès et les sorties, ainsi que sur la vérification et l'aération nécessaires, à peine plus d'un mois auparavant. Comme nous l'avons mentionné dans la section précédente, la procédure établie par l'employeur à l'égard de l'accès aux puits de cette nature se fonde sur l’article 11.4 du Règlement, et non pas sur l’article 11.5, d'où l'inutilité d'un harnais ou d'un filin de sécurité.

11. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; par. 11.6(1) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

Comme nous l'avons déjà mentionné, la procédure établie par l'employeur à l'égard de l'accès aux puits de cette nature se fonde sur l’article 11.4 du Règlement, de sorte que les conditions énoncées à l'article 11.6, qui s'appliquent dans les circonstances où l'al. 11.4(1)a) ne peut être observé, n'entrent pas en jeu ici.

12. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; par. 11.6(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

Comme nous venons de le mentionner la procédure établie par l'employeur à l'égard de l'accès aux puits de cette nature se fonde sur l’article 11.4 du Règlement, de sorte que les conditions énoncées à l'article 11.6, qui s'appliquent dans les circonstances où l'al. 11.4(1)a) ne peut être observé, n'entrent pas en jeu ici.

13. Alinéas 125p) et v) du Code canadien du travail - Partie II; par. 11.7(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

Puisque les employés ont reçu de leur superviseur, Terry Maiden, et du gérant de service, Al Thompson (bien que, semble-t-il, celui-ci ait donné des informations contradictoires), l'ordre de ne pas pénétrer dans le puits d'accès, j'estime que l'employeur s'est acquitté de ses responsabilités. Il ne faut pas oublier non plus que les employés avaient reçu peu de temps auparavant une formation sur les procédures de sécurité relatives aux puits d'accès.

Pour toutes les raisons ci-dessus, j'annule par les présentes les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 de l'instruction donnée par l'agent de sécurité R. Noel à Bell Canada le 22 décembre 1994; je confirme par les présentes l'article 1 de l'instruction donnée par l'agent de sécurité R. Noel à Bell Canada le 22 décembre 1994.

Décision rendue le 9 février 1996.

 

Agent régional de sécurité, Bertrand Southière

 

 

ANNEXE A

DANS L'AFFAIRE DU CODE CANADIEN DU TRAVAIL - PARTIE II (SÉCURITÉ ET SANTÉ AU TRAVAIL) INSTRUCTION DONNÉE À L'EMPLOYEUR EN VERTU DU PAR 145(1)

À diverses dates en octobre et en novembre 1994, y compris lors d'une inspection sur les lieux réalisée le 10 novembre 1994, l'agent de sécurité soussigné a procédé à une enquête par suite d'un accident survenu dans un espace clos le 28 juillet 1994. Étaient en cause des employés de Bell Ontario, une division de Bell Canada, 483 Bay Street, Toronto (Ontario), laquelle société est un employeur assujetti au Code canadien du travail - Partie II. L'espace clos est situé à l'usine de montage Ford d'Oakville, en Ontario.

L'agent de sécurité est d'avis que les dispositions suivantes du Code canadien du travail - Partie II sont enfreintes

1. Article 124 du Code canadien du travail - Partie II

L'employeur, en omettant de coordonner les affectations et la surveillance dans le cas des travaux en espaces clos, et en omettant de procéder rapidement à une enquête par suite d'un accident où un employé aurait été exposé à une substance toxique, a permis que d'autres employés effectuent ultérieurement des travaux dans cet endroit sans garantir leur protection en matière de sécurité et de santé au travail.

2. Alinéa 125q) du Code canadien du travail - Partie II

L'employeur a omis d'offrir la surveillance nécessaire pour garantir la protection de ses employés dans cet endroit en matière de sécurité de santé au travail.

3. Alinéas 125p) et 125.1a) du Code canadien du travail - Partie II; alinéa 11.2(1)a) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis d'évaluer les risques présentés par cet espace clos, notamment le puits d'accès A.21 (MH A-1) de Bell chez Ford.

4. Alinéas 125p) et 125.1a) du Code canadien du travail - Partie II; alinéa 11.2(1)6) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de préciser les tests nécessaires pour déterminer les risques.

5. Alinéas 125c) et p) du Code canadien du travail - Partie II et paragraphe 11.2(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de consigner, au moyen d'un rapport daté et signé, les constatations de l'évaluation des risques présentées par ce puits d'accès qui constituait un espace clos. (MH A-1)

6. Alinéa 125j) du Code canadien du travail - Partie II; paragraphe 11.2(3) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de remettre un exemplaire du rapport d'évaluation des risques au comité de santé et de sécurité.

7. Alinéas 125p) et 125.1a) du Code canadien du travail - Partie II; alinéa 11.4(1)a) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de veiller à ce que des tests soient effectués de manière à s'assurer que les concentrations de matières toxiques en suspension dans l'air ne mettraient pas en danger l'employé qui travaillerait dans l'espace clos MH A-1.

8. Alinéa 125p) du Code canadien du travail - Partie II; sous-alinéa 11.4(1)b)(iii) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de nommer une personne qualifiée chargée de s'assurer qu'un dispositif de sécurité empêcherait l'entrée d'eau souterraine contaminée dans l'espace clos MH A-1.

9. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; alinéa 11.5(1)a) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis d'établir des procédures d'urgence.

10. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; paragraphe 11.5(3) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de veiller à ce que l'employé porte un harnais de sécurité approprié. Une corde nouée autour de la taille de l'employé n'est pas un harnais de sécurité acceptable.

11. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; paragraphe 11.6(1) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de préciser les procédures à suivre et l'équipement nécessaire dans l'éventualité où une urgence surviendrait dans un espace clos.

12. Alinéa 125e) du Code canadien du travail - Partie II; paragraphe 11.6(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis d'expliquer les procédures d'urgence et de rédiger un rapport signé et daté, comme il était tenu de le faire.

13. Alinéa 125p) du Code canadien du travail - Partie II; paragraphe 11.7(2) du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail

L'employeur a omis de veiller à ce que quiconque pénètre dans un espace clos, en sorte ou y travaille suive les procédures de sécurité établies tout en utilisant l'équipement de protection requis.

Par conséquent, INSTRUCTION VOUS EST PAR LES PRÉSENTES DONNÉE, en application du par. 145(1) du Code canadien du travail - Partie II, de mettre fin aux contraventions susmentionnées à partir de la date des présentes.

Toronto (Ontario), le 22 décembre 1994.

 

L'agent de sécurité, Rod J. Noel Certificat n° 1768

À : Bell Ontario      
Division de Bell Canada      
483, rue Bay      
Toronto (Ontario)

c.c. : Comité mixte de santé et de sécurité

 

 

N° de la décision : 95-020

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION DE L'AGENT DE SÉCURITÉ RÉGIONAL

Requérante : Bell Canada                    
483, rue Bay, 4` étage, Tour sud                     
Toronto, Ontario                    
représenté par : André L. Paiement, avocat général

MOTS CLÉS

Puits d'accès; puits d'accès contaminé; intoxication; catégorie d'espaces clos.

DISPOSITIONS

Code : 124; 125c); 125e); 125j); 125c); 125p); 125v); 125.1a) Règlement : 11.2(1)a); 11.2(1)b); 11.2(2); 11.2(3); 11.4(1); 11.4(1)b)(iii); 11.5(1)a); 11.5(3); 11.6(1); 11.6(2); 11.7(2)

RÉSUMÉ

Pendant des travaux effectués chez un client, des techniciens de Bell Canada ont dû pénétrer dans un puits d'accès situé dans un sol contaminé. Après avoir aéré le puits d'accès et vérifié la présence de contaminants atmosphériques au moyen d'un moniteur Passport, un des employés s'est rendu dans le puits d'accès avec une corde nouée autour de la poitrine en guise de mesure de sécurité pendant qu'un collègue surveillait à l'extérieur. Après 15 minutes environ, l'employé s'est senti mal et a dû sortir, après quoi son compagnon l'a transporté à l'hôpital d'où il a été renvoyé chez lui quelques heures plus tard. Pendant les jours précédant les événements, les employés avaient aussi travaillé dans une excavation creusée tout près du puits d'accès dans un sol contaminé sans avoir respecté des mesures de sécurité autres que l'aération.

Le représentant de l'employeur a fait valoir que, pendant des discussions antérieures avec leurs superviseurs, les employés avaient reçu pour instruction de ne pas pénétrer dans le puits d'accès mais d'attendre au lendemain, lorsqu'un gérant visiterait les lieux et réévaluerait la situation. Le représentant des employés a souligné qu'il avait été suggéré aux employés d'utiliser une corde nouée autour de la poitrine en guise de mesure de sécurité pendant qu'un d'eux descendrait dans le puits. L'instruction a été annulée, mais la contravention à l'article 124 a été confirmée.

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