Renforcer la protection des consommateurs de produits et services financiers : la force motrice nécessaire

Discours

Allocution de Lucie Tedesco, commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada

Le 12 juin 2018, Toronto ON

Economic Club of Canada

Le texte prononcé fait foi.

Merci beaucoup.

C’est un réel plaisir pour moi d’être ici, et je suis enchantée de voir autant de visages familiers.

Merci à l’Economic Club of Canada d’offrir cette tribune aux leaders d’opinion et aux décideurs afin qu’ils partagent leurs idées et leurs plans pour améliorer la vie des Canadiennes et des Canadiens.

Je suis ici aujourd’hui, enthousiaste, pour vous faire part de ce que signifient les constatations issues de notre récent examen des pratiques de vente des banques pour les institutions financières que nous réglementons ainsi que pour l’Agence.

Je suis bien consciente que nombre d’entre vous ici ne représentent peut-être pas une institution financière.

Mais quelle que soit l’organisation pour laquelle vous travaillez, si vous offrez des services à des clients ou devez traiter avec des clients, je peux vous assurer que vous trouverez mes messages pertinents.

Peu après la diffusion des reportages sur la situation à la société Wells Fargo aux États-Unis, à l’automne 2016, nous avons décidé de mener notre propre examen des pratiques de vente des banques de détail les plus importantes au Canada.

Nous avons lancé cette initiative le printemps dernier. 
Nous voilà donc un peu plus d’un an plus tard ― notre rapport a été rendu public, présentant nos constatations et nos recommandations relativement aux risques liés aux pratiques de vente.

Pour les institutions que nous réglementons, ces recommandations sont plus que de simples mots imprimés dans un rapport.

Elles constituent en fait un plan d’action.

Et pour l’Agence, elles représentent non seulement le fruit d’importants travaux de recherche et d’analyse, mais aussi le point tournant qui nous fait passer à l’étape suivante de notre évolution en tant qu’organisme de réglementation.

Certains d’entre vous se rappelleront de l’objectif de notre examen : déterminer les facteurs liés aux pratiques de vente qui peuvent accroître les risques pour les consommateurs.

Dans le cadre de notre examen, parmi les facteurs que nous avons cernés qui influencent les pratiques de vente, l’un des principaux est la culture.

On a dit de la culture organisationnelle ― qui est l’ensemble des valeurs et des normes communes ― que c’est le seul avantage concurrentiel durable.

C’est l’unique élément d’une organisation qui ne peut pas être reproduit.

Tout le reste peut être imité ― des stratégies et des produits aux services et au marketing.

Mais la culture est le véritable facteur d’identité.

L’ADN d’une organisation, en quelque sorte.

Notre examen de l’industrie a permis de confirmer que les modèles d’affaires changeants des services bancaires de détail étaient ancrés dans les ventes.

Il s’ensuit que la gestion du rendement et les programmes d’incitatifs visent à promouvoir les ventes et que les circuits et pratiques de vente ne tiennent pas dûment compte des intérêts des consommateurs.

En d’autres mots, cette culture i peut favoriser des pratiques de vente abusives envers les consommateurs et des manquements aux obligations en matière de pratiques commerciales.

Si l’on ajoute à cela des contrôles et des cadres de gouvernance inadéquats, nous avons là une faille qui mine la protection des consommateurs.

Nous avons également noté que les rôles et les responsabilités relatifs à la surveillance et à la gestion des pratiques de vente et des risques liés aux pratiques commerciales n’étaient pas toujours bien définis.

Par conséquent, les présidents-directeurs généraux, les cadres supérieurs et les conseils d’administration ne peuvent avoir un tableau complet de la situation.

Les données qui sont actuellement recueillies et communiquées isolément doivent être intégrées de façon à fournir à ces personnes un tableau global et complet des risques liés aux pratiques commerciales de leur institution.

Lorsque je rencontre les présidents-directeurs généraux et les membres des conseils d’administration, ils se disent fermement convaincus de l’importance de placer le client au centre de leurs préoccupations.

C’est une valeur qu’ils estiment être au cœur de la culture de leur organisation.

De mon point de vue, toutefois, et selon ce que nous a appris notre examen, la culture de leurs organisations ne cadre plus avec leurs croyance et valeurs.

Alors comment la culture des services bancaires de détail en est-elle venue à être aussi profondément ancrée dans les ventes? 

Il faut comprendre que ce sont des facteurs sous-jacents ― les programmes, l’infrastructure et l’importance accordée au rendement ― qui ont entraîné un décalage par rapport à cette valeur de la primauté du client.

Pour reprendre les mots du Groupe des Trente dans leur rapport intitulé Banking Conduct and Culture : les banques devraient considérer la culture et l’adoption d’un comportement et de pratiques uniformes fondés sur des valeurs profondes comme étant essentiels au succès stratégique, plutôt que comme un axe de travail distinct ou un processus supplémentaire à établir pour répondre à des priorités à court terme en matière de réglementation ou d’application de la loi.
La bonne nouvelle, c’est que les hauts dirigeants du secteur sont prêts à agir et à renforcer les cadres de gouvernance et les contrôles de leurs institutions pour mieux atténuer les risques liés aux pratiques de vente.

J’y vois là un signe encourageant.

Notre rapport présente un certain nombre d’attentes.

La plus importante de ces attentes est que les institutions financières accordent la priorité à la protection des consommateurs de produits et de services financiers, à l’équité et à la pertinence des produits. 

Parce que les pratiques commerciales ne se résument pas simplement au respect des règlements, des politiques et des procédures en vigueur.

Comme l’a dit la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni, les entreprises doivent à présent se tourner davantage vers l’extérieur pour examiner si leurs actions nuisent, ou peuvent nuire, aux consommateurs ou aux marchés.

La Financial Conduct Authority aide les institutions financières à prendre ce tournant au moyen de son programme intitulé « 5 Conduct Questions Programme ».

Ce programme vise à améliorer systématiquement les pratiques des institutions financières en aidant ces dernières à remettre en question leurs approches et à comparer leurs efforts de manière informelle au sein du secteur. 
Chaque institution doit définir sa propre approche en matière de pratiques commerciales.
Pour guider les institutions dans la définition de leur approche, la Financial Conduct Authority leur demande de répondre à cinq questions.

Par exemple, l’une des questions posées est la suivante : Comment incitez-vous les employés de première et de deuxième ligne, les services administratifs et le personnel des fonctions de contrôle et de soutien à se sentir et à se montrer responsables pour ce qui est de gérer les activités de l’institution appliquées dans le cours des activités? 

Cette question renvoie à l’importance des orientations communiquées par la direction.

Même si les orientations communiquées par la direction des banques sont généralement axées sur les clients, comme je l’ai mentionné, notre examen nous a permis de constater que ce sont les cadres intermédiaires qui sont les mieux placés pour orienter la culture de vente dans les succursales et les centres d’appels.

Dans certains cas, les cadres intermédiaires peuvent miner la force des messages envoyés par la direction.

Les cadres doivent non seulement communiquer les mêmes messages, mais également donner l’exemple en adoptant les bons comportements.

Après tout, les pratiques commerciales sont l’affaire de tous.

C’est la raison pour laquelle nous attendons des institutions financières qu’elles étendent les discussions concernant les pratiques commerciales au-delà des lignes de défense, par exemple aux unités responsables de la mise au point de nouveaux produits et aux différents secteurs d’activité de leur organisation.

En fait, nous avons déjà rencontré plusieurs équipes chargées des activités des grandes banques pour lancer ces discussions.

Le développement de nos efforts de communication et de sensibilisation n’est cependant pas la seule initiative de l’ACFC qui contribue à une approche modernisée en matière de surveillance et d’application de la loi. 

Tout au long de l’existence de l’Agence, nous avons appris, évolué et acquis plus de responsabilités et de pertinence au sein du secteur des services financiers.

L’Agence continue de progresser et s’efforce de s’adapter aux tendances et aux nouveaux enjeux observés sur le marché financier.

Notre examen a contribué à ces progrès.

Il a changé la façon dont nous travaillons.

Parce que nous avons maintenant une plus grande compréhension de l’environnement dans lequel les institutions que nous réglementons opèrent, ainsi qu’une meilleure connaissance de la nature des données qu’elles recueillent relativement à leurs pratiques commerciales.

Il ne sera donc plus suffisant pour nous, par exemple, de nous assurer que les politiques et procédures nécessaires pour protéger les consommateurs sont en place.

À l’avenir, nous devrons vérifier que ces politiques et procédures sont appliquées convenablement et produisent les résultats voulus.

Nous nous acquitterons de cette tâche en approfondissant les questions visant les consommateurs énoncées dans les lois et règlements dont nous surveillons l’application.

En appliquant les leçons que nous avons tirées de cet examen et en donnant suite aux mesures recommandées dans le rapport, nous nous transformerons en une organisation plus résiliente, plus agile et en bonne position pour faire face à l’avenir. 

Par exemple, nous sommes en train de créer une infrastructure pour la mise en œuvre d’un cadre de surveillance modernisé.

En vertu de ce cadre, les institutions financières devront cerner, atténuer et surveiller de façon proactive les risques liés à leurs pratiques commerciales et rendre compte à l’ACFC de leurs résultats à cet égard.

Pour notre part, nous serons de plus en plus proactifs dans nos efforts visant à comprendre les risques émergents avant qu’ils n’aient d’incidence sur les consommateurs ― et nous serons aussi proactifs dans la communication de renseignements essentiels qui aideront les institutions à respecter leurs obligations.

Nous continuerons d’évaluer et d’améliorer nos processus de surveillance et d’application de la loi afin d’assurer une efficacité et une efficience continues.

En plus de notre travail sur le cadre, nous nous employons à améliorer la capacité de l’Agence de répondre aux attentes du marché en accroissant nos ressources humaines et en diversifiant l’éventail des compétences sur lesquelles nous pouvons nous appuyer.

Forts de ces investissements, nous serons en mesure de mener des activités de surveillance plus complètes et de réaliser les travaux de suivi qui s’imposent à la suite de cet examen et des examens futurs.

Nous adoptons des changements qui nous permettront d’être plus souples et plus rigoureux dans nos activités et, surtout, d’avoir une plus grande influence.

Ce faisant, nous devons demeurer réalistes relativement à nos objectifs.

Nous devons reconnaître nos limites.

L’ACFC peut offrir tout ce qu’un organisme de réglementation moderne et efficace devrait offrir, mais elle ne pourra être efficace que dans la mesure où les institutions qu’elle réglemente sont déterminées à faire de leurs clients leur priorité première.

De la haute direction au personnel des ventes.

Pour terminer ma présentation sur ce qui est nécessaire pour renforcer la protection des consommateurs de produits et services financiers, j’encourage les institutions financières à mener leur propre examen en profondeur.

Ce qu’elles doivent établir avant tout, c’est si leur organisation se conduit de façon vertueuse ― c’est-à-dire si sa culture est véritablement et profondément axée sur le client.

Il me revient à l’esprit les paroles de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler dans le cadre de mon mandat de commissaire de l’ACFC :

« On ne peut pas réglementer la vertu. Même les activités de surveillance les plus rigoureuses ne sont pas la garantie de bonnes pratiques. »

Je vous laisse sur ces sages paroles.

Je vous remercie encore d’être ici aujourd’hui.

C’est avec plaisir que je peux maintenant répondre à vos questions.

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