Innovation, gains en efficience et immunité : regard sur l’année à venir

Discours

Notes d’allocutions pour Matthew Boswell, sous-commissaire principal de la concurrence
Événement présenté devant Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L, S.R.L.

Le 26 septembre 2017

Toronto (Ontario)
(Version préparée pour l’allocution)

Introduction

Bonjour,

Tout d’abord, merci de m’avoir invité à vous adresser quelques mots aujourd’hui.

Il y a deux mois, je suis passé de sous-commissaire principal de la Direction générale des cartels et des pratiques commerciales trompeuses du Bureau de la concurrence à sous-commissaire principal de la Direction générale des fusions et des pratiques commerciales monopolistiques (DGFPM).

Ce changement de fonction a représenté, et représente toujours, un défi pour moi. Mon expérience antérieure a toujours tourné autour des enquêtes criminelles, des mandats de perquisition et des poursuites, et a moins touché les questions d’économétrie, d’abus de position dominante, de perte sèche et de gains en efficience recevables. J’ai sauté à pieds joints sur ce nouveau défi, mais je vous prie d’accepter mes excuses si je ne m’y connais pas autant dans ces derniers domaines que dans les premiers.

Aujourd’hui, j’aimerais débuter en parlant de la concurrence et de l’innovation, et de la façon dont le Bureau intègre à son travail les considérations relatives à l’innovation. Ensuite, j’expliquerai ce qu’est l’exception des gains en efficience dans notre processus d’examen des fusions et le document de référence que le Bureau prévoit préparer à ce sujet. Enfin, je me retrancherai dans ma zone de confort pour décrire les résultats escomptés par le Bureau relativement au présent travail de révision des programmes d’immunité et de clémence du Canada.

La concurrence : moteur d’innovation

Promouvoir l’innovation dans l’économie canadienne est un thème important dans le travail du gouvernement fédéral depuis son entrée au pouvoir en 2015, et nous nous attendons à ce qu’il en soit ainsi jusqu’à la fin de son mandat.

En 2008, le Groupe d’étude sur les politiques en matière de concurrence a écrit dans son rapport pour le gouvernement fédéral, Foncer pour gagner, que « la concurrence est l’aiguillon le plus pointu incitant à l’innovation et à la création de valeur, ce qui améliore le niveau de vie pour tous les citoyens ».

De ce fait, le travail de longue date du Bureau pour mettre activement en application la Loi sur la concurrence et promouvoir la concurrence au Canada est au centre des objectifs de notre gouvernement actuel, qui vise à stimuler une meilleure innovation.

Des marchés plus concurrentiels motivent davantage les entreprises à innover, car elles cherchent alors à se surpasser, à percer ou à se démarquer de leurs concurrents.

Dans les marchés concurrentiels, les entreprises élaborent des produits et des services nouveaux, pratiques ou de meilleure qualité. Les entreprises et les consommateurs profitent de ces innovations.

Cependant, ces innovations centrées sur le consommateur ne sont que la pointe de l’iceberg.

De nombreuses études fiables montrent aussi que les entreprises vivant une concurrence accrue deviennent encore plus efficientes et productives que d’autres. Et pas seulement par une augmentation de 5 ou 10 %; on parle d’énormes gains de productivité.

Un exemple bien connu d’une de ces études (en anglais seulement) implique des entreprises américaines et canadiennes d’extraction de minerai de fer aux environs des Grands Lacs qui ont soudainement dû faire face à la concurrence d’importations brésiliennes dans les années 1980. Cette augmentation de la concurrence a doublé la productivité du travail. Quelques années seulement après l’arrivée de cette concurrence additionnelle, les mineurs extrayaient deux fois plus de minerai de fer dans leur quart de travail de huit heures qu’auparavant. Cette augmentation s’est effectuée sans l’apport de nouvelles technologies; seule une forte incitation à changer pour améliorer le rendement y a joué.

Une grande part des augmentations en efficience et en productivité ne viennent pas des technologies, mais bien de pratiques entrepreneuriales innovantes. Pensez aux approches rendues populaires par des entreprises japonaises, comme la gestion optimisée de l’inventaire ou la gestion de la qualité totale, qui ont permis à des entreprises comme Toyota de grandir et de percer sur les marchés internationaux.

Lorsque les performances d’une entreprise contre ses rivales influencent ses pertes ou ses gains, elle cherche à investir dans les changements et les améliorations qu’elle n’aurait pas pris en considération dans un autre contexte.

D’une part, la concurrence mène à l’innovation des produits et des services qui améliorent notre niveau de vie. D’autre part, la concurrence mène à l’innovation dans la manière de travailler en augmentant l’efficience, la productivité et la croissance économique.

Créer les conditions permettant l’innovation

Ce sont ces bénéfices qui motivent le Bureau à créer les conditions permettant l’innovation.

Comme vous le savez, l’innovation peut être réprimée de diverses façons.

Des entreprises déjà bien établies peuvent user de leur position dominante dans le marché pour évincer du marché de nouveaux arrivants novateurs. Des entreprises peuvent aussi conclure une variété d’ententes anticoncurrentielles qui diminuent les incitatifs à innover. En plus, la fusion entre deux entreprises rivales peut affecter le niveau d’innovation dans l’industrie.

Tout comme d’autres organismes de la concurrence ailleurs dans le monde, le Bureau porte une attention particulière aux activités de l’économie numérique, qui croît rapidement, dans laquelle on peut noter presque tous les jours l’émergence de nouvelles technologies et modèles d’affaires qui pourraient transformer de marchés entiers.

Un exemple de notre détermination à travailler en faveur de la création de conditions permettant l’innovation serait le litige en cours à l’encontre du Toronto Real Estate Board (TREB). Le TREB empêche ses membres d’offrir, grâce à de nouveaux modèles de courtage novateurs en ligne, les données sur les ventes provenant du système Multiple Listing Service (MLS) aux éventuels acheteurs de propriétés. Ces modèles de courtage représentent une menace concurrentielle pour les membres du TREB qui œuvrent de manière traditionnelle.

Ces nouveaux modèles ont des répercussions importantes sur les aspects de la concurrence non liés aux prix, comme la qualité des produits, le choix offert aux consommateurs, la commodité et, surtout, l’innovation. Nous avons été ravis de la position ferme que le Tribunal de la concurrence a prise dans sa décision, c’est-à-dire que la concurrence dynamique, dont l’innovation, est la plus importante forme de concurrence. Nous attendons avec impatience la décision de la Cour d’appel fédérale à ce sujet.

Dans le cas du TREB, les données sur les ventes sont l’apport indispensable pour la nouvelle forme de concurrence dynamique proposée.

Cela nous mène à l’enjeu du rôle des « mégadonnées » en ce qui concerne la concurrence et l’innovation.

Les mégadonnées sont d’actualité de nos jours, alors que les entreprises les utilisent de plus en plus d’une manière qui propulse l’innovation dans de nombreux secteurs.

Parallèlement, un débat judicieux a lieu relativement aux effets finaux des mégadonnées sur la concurrence. Certains croient que les mégadonnées présentent des bénéfices importants aux individus autant qu’aux entreprises, alors que d’autres croient plutôt qu’elles risquent de compromettre le processus concurrentiel.

Le 18 septembre, le Bureau a publié un livre blanc intitulé Mégadonnées et innovation : conséquences sur la politique en matière de concurrence au Canada.

Au lieu d’essayer de prédire les effets finaux de l’utilisation de mégadonnées, notre livre blanc reconnaît le rôle que les politiques sur la concurrence peuvent jouer d’un côté ou de l’autre en soulignant les risques d’une application exagérée ou insuffisante de la loi.

Nous avons trois objectifs pour la publication du livre blanc :

  1. Nous voulons entreprendre une discussion sur la façon dont le Bureau devrait trouver le juste milieu dans l’application de la loi pour les cas concernant les mégadonnées.
  2. Nous voulons repérer les domaines précis dans lesquels des comportements liés aux mégadonnées pourraient être assujettis à la Loi.
  3. Nous décrivons certains des défis liés à l’analyse des cas concernant les mégadonnées selon la Loi, et nous visons à entreprendre des discussions avec les intervenants sur la façon d’aborder ces défis.

Je vous encourage tous, si vous êtes intéressé, à examiner le livre blanc et à nous donner vos commentaires d’ici le 17 novembre. Le Bureau prévoit publier un résumé des observations importantes en fonction des commentaires que nous aurons reçus.

Finalement, en ce qui concerne l’innovation et le travail du Bureau, laissez-moi vous dire que, dans le cadre de notre processus d’examen des fusions, le Bureau continuera d’examiner l’impact des fusions sur l’innovation, le cas échéant.

Par exemple, en juin, nous avons terminé notre examen de la fusion entre Dow et DuPont dans le domaine de l’agriculture par un consentement qui répond à nos préoccupations, entre autres relativement à l’impact de la fusion sur l’innovation.

Notre énoncé de position sur ce cas a mis en valeur le rôle central que l’innovation joue dans le domaine de l’agriculture, et l’on y décrit la façon d’évaluer les effets de la fusion sur l’innovation dans ce cas.

Ainsi, comme vous pouvez le voir, le Bureau est engagé à poursuivre ses efforts pour créer les conditions permettant l’innovation au Canada, grâce à son travail d’application de la loi et à la promotion de la concurrence. Ces efforts sont essentiels considérant que l’innovation joue un rôle aussi crucial pour le bien-être économique en général. C’est tout à fait sensé que la préservation de la motivation d’innover soit l’une des priorités les plus importantes du Bureau.

Exception des gains en efficience

Mon changement de poste à la DGFPM m’a donné l’occasion de me familiariser avec l’exception des gains en efficience de la Loi sur la concurrence dans le cadre de l’examen des fusions, un sujet pour lequel le Bureau a un passé important en cour et dont notre commissaire a discuté publiquement à de nombreuses reprises.

À ce stade, les communautés juridiques et entrepreneuriales devraient comprendre que le Bureau respecte la jurisprudence, et qu’il est prêt à autoriser une fusion en fonction de l’exception des gains en efficience dans les cas où l’efficience surpasse clairement et sensiblement les effets anticoncurrentiels de la fusion.

Cependant, ceux qui ont tenté d’invoquer l’exception des gains en efficience savent que nous n’y accéderons pas facilement. Nous continuerons à exiger des preuves solides, et nos équipes les mettront à l’épreuve pour s’assurer qu’elles respectent les critères d’admissibilité des gains en efficience.

De ce côté, je suis heureux de vous annoncer que le Bureau a l’intention de publier une orientation supplémentaire relativement à l’efficience d’ici la fin de l’année civile. Il est attendu que cette orientation se présente sous forme de résumé de nos approches relatives à l’analyse des gains en efficience, notamment des éclaircissements au sujet des situations plus nuancées que nous avons vécues à cet égard. Cette orientation permettra de s’assurer que les cabinets sont sur un pied d’égalité lorsqu’il s’agit de renseigner leurs clients sur l’approche du Bureau relativement aux gains en efficience.

De manière générale, nous nous attendons à traiter des sujets suivants :

  • Comment le Bureau procède à l’évaluation quantitative des effets anticoncurrentiels relatifs aux prix et aux aspects autres que les prix.
  • Quelle est l’approche du Bureau pour évaluer l’impact des fusions sur l’efficience dynamique et l’innovation.
  • À quoi s’attend le Bureau de la part des parties pour leurs arguments au sujet de l’efficience et quels sont les risques qu’elles peuvent éviter en soumettant leurs arguments.
  • Enfin, nous voulons expliquer ce à quoi les parties et les tierces parties peuvent s’attendre en ce qui a trait aux demandes de renseignements liées aux analyses des gains en efficience.

Jusqu’à la publication de cette orientation, nous continuerons à donner des conseils relatifs à l’efficience dans nos énoncés lorsque l’occasion se présente.

Bref, les fusions et les pratiques monopolistiques sont entrées dans ma routine quotidienne, mais je ne perds pas de vue l’importance du travail du Bureau en ce qui concerne l’application de la loi pour les cartels.

Des entreprises peuvent agir de concert pour éliminer la concurrence entre elles et ainsi diminuer l’intérêt d’innover, ce qui explique pourquoi la lutte contre les cartels est toujours une priorité pour le Bureau.

La Direction des cartels est très occupée par des dizaines d’enquêtes en cours, de nombreux dossiers que nous avons renvoyés au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), qui doit prendre une décision sur les poursuites, et de nombreux procès criminels qui se rendent en cour.

Le Bureau est d’ailleurs ravi d’accueillir l’atelier international sur les cartels du Réseau international de la concurrence la semaine prochaine à Ottawa. Le thème de l’atelier est justement « Lutter contre les cartels dans les marchés publics », qui est un domaine d’intérêt pour le Bureau cette année et depuis plusieurs années déjà.

Nous avons de nombreuses enquêtes en cours et des plaintes liées à des cas présumés de truquage d’offres dans les processus d’approvisionnement gouvernementaux. En plus, nous faisons tout ce que nous pouvons pour aider à prévenir tout truquage d’offres additionnel relativement aux investissements de milliards de dollars du gouvernement fédéral dans des projets d’infrastructures. L’atelier sur les cartels sera une bonne occasion de discuter des enjeux liés à la lutte contre le truquage des offres avec des représentants de partout dans le monde et du Canada.

Mise à jour concernant l’immunité et la clémence

La part la plus importante du travail de la Direction des cartels, qui n’est pas liée à l’application de la loi, est le travail actuel de révision possible des programmes d’immunité et de clémence du Bureau.

Comme nombre d’entre vous le savent, nous nous sommes lancés dans cette révision il y a un certain temps déjà, et ce travail prend sans nul doute davantage de temps que nous le souhaitions. Il s’agit d’un processus qui demande l’approbation de deux organisations distinctes et indépendantes, soit le Bureau et le SPPC, relativement aux modifications proposées pour les programmes du Canada. Des idées apportées ont été controversées et nombre de discussions et de débats ont eu lieu entre les deux organisations.

Dans la situation actuelle, je m’attends à ce que les modifications au programme d’immunité soient publiées aux fins de consultations d’ici la fin du mois d’octobre et que le programme de clémence révisé proposé soit publié pour recueillir des commentaires d’ici la fin de l’année.

Il est probable que les deux programmes soient fusionnés en un seul, comme c’est le cas dans d’autres pays, lorsque les modifications seront finales.

Aujourd’hui, je vais vous décrire quelques-uns des aspects clés et des modifications probables du programme révisé.

Évidemment, tout ce que je vous explique aujourd’hui ne passera pas nécessairement dans les versions définitives. Nous continuons de travailler sur les modifications proposées, et nous effectuons des consultations discrètement au fur et à mesure que nous avançons. Nous mènerons des consultations publiques exhaustives avant de publier la version finale et révisée du programme.

Immunité

Tout d’abord, je vais énoncer les modifications spécifiques au programme d’immunité.

Actuellement, le processus d’immunité fonctionne en trois étapes.

La première est l’étape du signet, lors de laquelle on confirme à un demandeur d’immunité qu’il est la première partie à approcher le Bureau en demandant l’immunité.

La deuxième étape est celle de la présentation de renseignements, pour laquelle une déclaration en termes hypothétiques « sans aveu de responsabilité » est faite par le représentant légal du demandeur, qui détaille les activités illégales, le rôle joué dans l’infraction pour laquelle l’immunité est demandée et les effets de l’activité illégale au Canada.

La dernière étape est celle de l’entente en matière d’immunité, pour laquelle le SPPC et le demandeur s’entendent sur les exigences pour lesquelles le SPPC accorde l’immunité de poursuite.

Il est prévu que, une fois les modifications apportées, le processus d’immunité comprendra quatre étapes : le signet, la présentation des renseignements, l’octroi d’immunité provisoire et l’entente en matière d’immunité.

À la suite des recommandations du Bureau, en fonction des renseignements présentés et, dans certaines circonstances, en fonction de documents et de témoins clés, il se peut qu’une immunité provisoire soit octroyée par le SPPC afin de faciliter la divulgation complète de documents et l’interrogation de témoins pertinents. Cette modification vise à permettre au Bureau d’obtenir des documents et d’accéder à des témoins plus rapidement que ce qu’il est possible de le faire dans le programme actuel.

On s’attend à ce que la divulgation soit terminée dans les six mois suivant l’octroi de l’immunité provisoire, mais cette limite est principalement théorique, puisque souvent moins de temps serait nécessaire. L’immunité officielle sera autorisée une fois que la Couronne n’aura plus besoin de l’aide du demandeur.

L’immunité est accessible à tous les particuliers (employés, directeurs ou autres, actuels ou éventuellement antérieurs) qui sont prêts à reconnaître leur culpabilité et à collaborer à l’enquête, ce qui maintient le statu quo à cet égard.

Les individus seront protégés grâce à l’immunité provisoire de l’entreprise, mais ils recevront aussi une lettre confirmant leur protection du SPPC s’ils sont interrogés. À cette étape, les individus nécessitant la protection doivent être identifiés afin d’être intégrés à l’immunité provisoire et à l’entente en matière d’immunité finale.

Clémence

En ce qui concerne le programme de clémence, le Bureau et le SPPC s’entendent pour dire qu’il est inestimable pour faire avancer les enquêtes et les poursuites de manière à optimiser l’utilisation des ressources limitées sur le plan des tribunaux, des poursuites et des enquêtes.

Assujetti aux exigences précédentes de divulgation, le programme de clémence révisé respectera les mêmes processus généraux de la version actuelle, c’est-à-dire la demande de signet, la présentation de l’information, la recommandation de clémence au SPPC, la transaction pénale, la divulgation complète, l’inscription du plaidoyer de culpabilité et la condamnation, et la collaboration continue et le témoignage.

La divulgation limitée et la présentation des renseignements comprendront des interrogatoires sous serment de témoins clés (lettres de présentation de l’information) et des documents clés fournis sous réserve. Le SPPC facilitera la divulgation en fournissant des lettres d’« utilisation de l’immunité » aux demandeurs de clémence admissibles. Ceci empêche le poursuivant d’user du témoignage du demandeur de clémence ou de toute preuve dérivée du témoignage dans le cas où le demandeur retirerait sa demande de clémence.

Tant qu’il y a un lien avec le Canada, la clémence peut être accordée à toute infraction relative aux cartels, peu importe la portée géographique du cartel, les parts de marché et le nombre d’entreprises impliquées.

L’admissibilité à la clémence se base sur des critères inclus dans le programme de clémence actuel, donc il n’y a pas de changement de ce côté. On parle ici de mettre fin à sa participation au cartel, d’accepter de coopérer complètement et rapidement à ses propres frais et de plaider coupable.

Pour les premiers demandeurs de clémence, les individus (actuels et éventuellement anciens employés) sont admissibles à l’immunité s’ils sont prêts à admettre leur culpabilité et à collaborer à l’enquête. Ils seraient alors intégrés à la transaction pénale pour recevoir l’immunité de poursuites, ce qui maintient le statu quo à cet égard.

Pour les demandeurs suivants, lorsque la présentation de l’information est terminée, le Bureau cherchera à mener des interrogatoires avec un ou des témoins clés (actuels et éventuellement anciens employés) qui sont prêts à admettre leur culpabilité et à collaborer à l’enquête. Ces témoins, choisis par le Bureau, pourraient être admissibles à l’immunité de poursuite. Ils seront inclus à la transaction pénale et recevraient l’immunité de poursuites.

Le Bureau fera ses recommandations de clémence au SPPC après la réception de la présentation de l’information, de la déclaration sous serment et des documents disponibles du demandeur d’immunité et de l’entreprise ou de la personne qui souhaite la clémence.

Les amendes dans les cas de clémence – et leur réduction du fait de la collaboration – continueront d’être appliquées à valeur de 20 % du chiffre d’affaires pertinent du demandeur, à moins qu’il y ait une preuve claire et probante qu’un montant différent serait plus approprié.

Actuellement, le premier demandeur de clémence est admissible à une réduction de 50 % de l’amende qui aurait normalement été recommandée au SPPC par le Bureau. Le deuxième demandeur est alors admissible à une réduction de 30 % de l’amende recommandée, et les demandeurs suivants seraient admissibles à une réduction d’au plus 30 %.

À l’avenir, on s’attend à ce que les demandeurs de clémence soient tous admissibles à une réduction pouvant aller jusqu’à 50 %.

L’objectif de cette modification est de motiver davantage les parties subséquentes à se manifester pour coopérer avec le Bureau et à refléter davantage leur apport à l’enquête. Le montant de la réduction disponible pour un demandeur serait dorénavant basé sur la « valeur de sa collaboration ».

La valeur de la collaboration serait ultimement déterminée par le SPPC, après examen sérieux de la recommandation du Bureau et évaluation de l’apport de la collaboration à l’enquête du Bureau et de la capacité à poursuivre d’autres parties. Seront pris en compte :

  • le moment de la demande de clémence (par rapport aux autres participants du cartel),
  • la divulgation en temps opportun,
  • la crédibilité et la fiabilité des témoins disponibles,
  • la pertinence et l’importance des documents fournis,
  • tout autre facteur pertinent à l’avancement de l’enquête du Bureau sur le sujet ou tout autre litige pour lequel le demandeur est admissible à l’« immunité plus » (par exemple, une nouvelle infraction qui est révélée par le demandeur de clémence).

Les parties qui collaborent devront présenter leur plaidoyer dès que possible, sans prendre en considération le moment des autres ententes de plaidoyer concernant la même infraction.

Les ententes relatives au plaidoyer, conclues en vertu du programme de clémence et effectuées à la suite de l’inscription d’un plaidoyer dans le cas en question, seront faites en prenant en compte, entre autres, les conditions des plaidoyers précédents.   

Autant pour l’immunité que pour la clémence, le Bureau exige une divulgation complète, sincère et véridique de renseignements, preuves ou documents non privilégiés auxquels le demandeur a accès qui concernent de quelque façon les infractions.

Le programme révisé a été conçu pour respecter les revendications de privilèges justifiables relativement à des renseignements qui, autrement, auraient dû être donnés au Bureau.

Ainsi, les documents d’enquêtes internes non privilégiés seront traités de la même manière que les autres et ils seront présumés comme pouvant être divulgués. Un demandeur devra fournir une description de tout document pertinent pour lequel il revendique un privilège et préciser le privilège revendiqué en question. Aucune renonciation du privilège revendiqué n’aura lieu pendant le processus d’examen décrit ci-dessous. Cependant, la description du document doit permettre au Bureau et au SPPC de comprendre la nature des renseignements pour lesquels un privilège est revendiqué et le contexte sur lequel se base cette revendication.

Après avoir reçu ces renseignements, le Bureau demandera conseil au SPPC. Si le SPPC n’est pas convaincu du caractère justifiable de la revendication du privilège, il avertira le demandeur dans les 14 jours qu’il nommera un conseiller indépendant de sa liste d’agents de la Couronne disponibles, et que le demandeur devra envoyer les documents scellés au conseiller indépendant dans les 14 jours suivants la nomination.

Le demandeur devra se conformer aux décisions prises par le conseiller indépendant, qui déterminera la validité de la revendication du privilège et sa portée. Un demandeur peut se retirer de ce processus (et du programme) à tout moment, mais la non-conformité pourrait être considérée comme un manquement aux obligations de collaboration, et donc mener à l’annulation du signet d’immunité ou de clémence ou au refus du SPPC d’octroyer l’immunité.

Par ailleurs, dans le programme révisé, les entrevues avec les témoins seront normalement non seulement faites sous serment, mais aussi enregistrées en format audio ou vidéo.

Il vaut la peine de mentionner que, plus tôt cette année dans le cadre d’un événement regroupant des associations d’avocats canadiennes et américaines, j’ai annoncé qu’on préciserait possiblement dans le nouveau programme qu’un enregistrement sonore pourrait être exigé pour les présentations de renseignements.

Nous avons pris connaissance de plusieurs préoccupations importantes du Barreau au Canada et ailleurs à ce sujet, et nous discuterons de celles-ci davantage avec le SPPC dans les prochains jours.

Nous nous attendons tout à fait à recevoir davantage de préoccupations lorsque les consultations publiques seront en cours. Évidemment, nous porterons attention à chacune des préoccupations et à chacun des enjeux qui seront soulevés au fur et à mesure que notre travail approchera de la version définitive.

Les programmes d’immunité et de clémence ont grandement contribué à détecter et à poursuivre les cartels au Canada, et nous souhaitons tous au Bureau que ces outils d’application de la loi continuent d’être aussi efficaces à l’avenir.

Merci beaucoup de votre attention.

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