Pourquoi la concurrence au Canada a besoin d’une urgente mise à niveau

Discours

Notes d’allocution de Matthew Boswell, commissaire de la concurrence

Conférence annuelle de la Section canadienne de l’Institut international des communications (IIC Canada)

Ottawa (Ontario)

Le 16 mai 2023

(Le discours prononcé fait foi)

Bonjour.

Avant d’entamer mon allocution, je tiens à souligner que ce magnifique lieu, le Centre national des Arts, est construit sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin des Anichinabés. C’est avec humilité que je m’adresse à vous depuis ces terres. Et je suis heureux que nous puissions tous être présents aujourd’hui dans cet important lieu de rassemblement.

Je tiens également à remercier la Section canadienne de l’Institut international des communications pour son invitation. Les organisateurs ont mis sur pied un programme formidable. Grâce à cet événement, les questions relatives aux communications au Canada se retrouvent une fois de plus au premier plan des discussions de politiques publiques.

Tout aussi important, vous êtes en train de recadrer la façon dont les gens envisagent les communications au Canada. Il ne s’agit plus d’un sujet pointu qui ne concerne que les télécommunications et la radiodiffusion – les communications sont aujourd’hui omniprésentes.

Elles sont l’essence même de notre mode de vie, de nos activités, de la croissance de notre économie et de l’orientation de notre pays.

On peut en voir les effets sur l’économie numérique. Sur la façon dont les entreprises et les gouvernements envisagent le secteur des communications. Le programme dynamique de cette conférence en est la preuve. On y parle de vie privée, d’intelligence artificielle, de risques de dommages en ligne et de cybersécurité. Et aussi de concurrence.

Certes, la concurrence n’est pas un sujet nouveau lors de ces événements, mais les choses sont différentes cette année. Les questions de concurrence font les manchettes dans tout le pays. Le gouvernement du Canada a lancé un examen exhaustif du droit canadien de la concurrence. Et nous assistons à un débat public vigoureux sur l’importance de la politique de la concurrence dans le monde contemporain.

La concurrence semble être sur toutes les lèvres au Canada. Enfin!

Aujourd’hui, nous réfléchissons tous profondément au type de marché que nous voulons pour nous-mêmes et pour les générations à venir.

Comment pouvons-nous rendre le marché juste, accessible, équitable et prospère pour tous?

Nous posons ces questions importantes alors que nous modernisons l’infrastructure de la concurrence au Canada. Car nous considérons tous que c’est un moment clé au cours duquel nous pouvons – et devons – rééquilibrer le rôle de la concurrence dans notre économie.

Disons-le sans détour : le Canada a un besoin urgent de mettre à niveau la concurrence à l’échelle nationale.

Qu’est-ce que cela implique? Je vais utiliser le temps qui m’est imparti aujourd’hui pour parler – de mon point de vue de commissaire de la concurrence – des occasions et des défis que représente cette mise à niveau.

Rôle dans les télécommunications

Le meilleur moyen d’aborder cette question est d’examiner le rôle de la concurrence sur nos marchés des télécommunications.

Nous avons besoin de plus dans ce domaine. Personne ne peut le nier.

Lorsqu’on interroge les Canadiens et les Canadiennes à ce sujet, ils répondent sans hésiter que le manque de concurrence dans le secteur des télécommunications est très préoccupant pour eux. Ce n’est pas une surprise. Ils se le font rappeler tous les mois lorsqu’ils reçoivent leur facture de services de télécommunications. Elle est systématiquement plus élevée ici que dans d’autres pays.

Ils en ont un autre rappel, bien sûr, lorsqu’ils lisent les gros titres des journaux, en particulier sur le changement de propriété des sociétés de télécommunications au Canada.

On a beaucoup parlé de la contestation de la fusion Rogers/Shaw menée par le Bureau de la concurrence. Je ne mâcherai pas mes mots : la défaite a été rude pour nous.

Bien que nous n’ayons pas obtenu gain de cause, je demeure convaincu que notre décision de contester la fusion était la bonne. Et je ne saurais être plus fier de notre équipe chargée de l’enquête et du litige.

Nous avons présenté un dossier responsable, fondé sur des preuves. C’est notre travail. Nous avons soigneusement examiné tous les éléments de preuve, en tenant compte des motivations divergentes de toutes les parties.

Nous avons mené le bon combat pour les bonnes raisons et sur la base des bons principes.

Mais le travail acharné de l’une ou l’autre partie ne garantit jamais un résultat. Nous respectons les décisions du Tribunal de la concurrence et des autres tribunaux.

Certes, nous avons été déçus. Mais nous sommes encore plus déterminés à continuer à protéger et à promouvoir avec vigueur la concurrence pour toute la population canadienne sur les marchés des télécommunications.

À cet égard, comme vous le savez peut-être, nous participons à l’examen que mène actuellement le CRTC au sujet de son approche de la concurrence en matière de services Internet au Canada.

L’urgence d’une plus grande concurrence – passer à l’action

Il y a une autre raison pour laquelle la politique de la concurrence est de plus en plus au premier plan de nos conversations nationales. Les géants du numérique dominent l’économie mondiale d’aujourd’hui. Ils disposent d’un pouvoir économique sans précédent, ici et ailleurs.

Ce fait soulève d’importantes questions sur leur rôle de gardiens de l’accès au Canada et dans le monde entier. Et sur la question de savoir si nos lois sur la concurrence sont en mesure de les tenir pour responsables d’un éventuel comportement anticoncurrentiel.

Ajoutez à cela l’inflation et vous comprendrez que la politique de la concurrence s’est brusquement invitée dans le quotidien des ménages de tout le pays. Et ce, presque du jour au lendemain.

Aujourd’hui, les gens se demandent si la concurrence est suffisante au Canada. Traitons-nous cette question aussi sérieusement que nous le devrions? Et voulons-nous continuer à vivre ce que nous avons vécu? Ou voulons-nous quelque chose de mieux?

Bien entendu, la concurrence ne se limite pas à faire baisser les prix et à garantir le respect des règles du jeu entre les entreprises, même les plus grandes. Elle rend notre économie meilleure et plus forte. Elle débloque l’innovation et la productivité. C’est ainsi que nous maintenons un niveau de vie élevé, non seulement le nôtre, mais aussi celui de nos enfants et petits-enfants. Il ne s’agit pas là d’une simple rhétorique : nous ne devons pas sous-estimer les répercussions qu’auront les choix que nous faisons maintenant en matière de politique sur l’avenir de l’économie canadienne.

La politique de la concurrence d’aujourd’hui a une incidence sur les résultats macroéconomiques de demain. Elle influe sur les revenus des ménages. Elle est le lien de causalité avec la prospérité.

Dans ces conditions, en faisons-nous vraiment assez pour promouvoir la concurrence en tant que moteur de croissance? C’est la question que l’on se pose aujourd’hui.

Un rapport publié il y a quelques mois par trois économistes du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal définit les défis auxquels nous sommes confrontés en tant que pays. Leur rapport s’intitule « Retard de productivité du Canada : Et si la réponse se trouvait du côté de la concurrence? ».

Il s’agit de l’une des études les plus complètes sur la concurrence au Canada réalisées au cours de la dernière décennie. Elle passe en revue l’histoire, les perceptions, les données et les recherches sur la concurrence et la productivité dans notre pays.

Les auteurs y constatent que le Canada se fait distancer. Notre niveau de vie diminue par rapport à celui de nos pairs. Et la situation continuera de se dégrader à long terme si nous ne faisons rien pour stimuler la productivité. Ce qu’ils préconisent : « replacer la concurrence au cœur la stratégie économique canadienne ».

Le message à retenir est dur mais clair. Si nous ne nous préoccupons pas sérieusement et rapidement de la concurrence, notre pays s’appauvrira relativement.

Mais avec l’urgence vient l’action.

Les auteurs du rapport estiment qu’il est nécessaire de déployer des efforts à l’échelle nationale pour stimuler l’intensité de la concurrence. Pour ce faire, il faudra assouplir les obstacles réglementaires à la concurrence, à l’investissement et au commerce intérieur. Et accorder une plus grande priorité aux intérêts des consommateurs dans nos politiques de la concurrence.

Pour moi, en tant que commissaire de la concurrence, les faits sont clairs. Nous devons faire de la concurrence un pilier central de notre stratégie économique. Ce rapport est notre plus récent signal d’alarme. L’ignorer est à nos risques et périls.

Ces mesures nécessaires s’inscrivent dans un parcours plus long. Le changement ne se fera pas du jour au lendemain.

Et cela n’arrivera que si nous continuons à convaincre les cœurs et les esprits de la nécessité d’apporter cette grande mise à niveau de la politique de la concurrence dont j’ai parlé plus tôt.

Une mise à niveau de la concurrence à l’échelle nationale signifie qu’il faut se faire des alliés parmi les grands penseurs des politiques publiques du Canada.

De mon point de vue, il y a trois étapes à franchir pour relever avec succès les défis du Canada en matière de concurrence.

Tout d’abord, nous devons disposer d’un organisme de la concurrence doté des ressources, des compétences et des outils adéquats.

Deuxièmement, nous devons renforcer les lois canadiennes sur la concurrence, tant sur les marchés numériques que sur les marchés traditionnels. Cela implique une réforme complète des lois canadiennes sur la concurrence.

Troisièmement, nous devons nous attaquer à un large éventail d’obstacles réglementaires par l’entremise d’un effort national auquel participerait l’ensemble du gouvernement.

Jusqu’à présent, le gouvernement du Canada a pris deux mesures importantes pour nous amener là où nous devons être.

Parlons davantage de ces succès. Et de ce que nous devons faire ensuite.

Un organisme de la concurrence pour l’ère numérique

Sur le premier point, le Bureau de la concurrence est désormais mieux équipé pour l’ère numérique. En 2021, le gouvernement a augmenté notre budget de 96 millions de dollars sur un horizon de cinq ans, et de 27,5 millions de dollars par la suite. Nous investissons ces fonds de manière judicieuse afin de construire une organisation équipée pour faire face à la complexité et aux défis de l’économie numérique.

L’un des piliers de notre plan de croissance est la création de la Direction générale de l’application numérique de la loi et du renseignement. Elle est à la base de notre approche moderne de mise en application de la loi. En s’appuyant sur les technologies et les outils émergents ainsi que sur les perspectives comportementales, la nouvelle direction générale agit comme un système d’alerte précoce pour les problèmes de concurrence.

Je suis heureux de dire que depuis son lancement en 2021, notre nouvelle direction générale compte aujourd’hui 20 personnes et qu’elle va continuer à croître de manière significative. Elle comprend une équipe chargée des données et de l’analyse, des praticiens de la conception créative, des analystes technologiques, des économistes comportementaux et des analystes du renseignement.

La rapidité et la nature perturbatrice des récents développements de l’intelligence artificielle, tant dans notre économie que dans notre façon de travailler, ont amplifié la nécessité de continuer à développer ces compétences.

Parlons maintenant de la deuxième étape…

Moderniser la Loi sur la concurrence

L’année dernière, le gouvernement du Canada a apporté des améliorations initiales à la Loi sur la concurrence. Ensuite, il a rapidement lancé une vaste consultation sur le cadre de la concurrence au Canada.

Le Bureau a participé à cette consultation et notre mémoire contient plus de cinquante recommandations visant à moderniser nos lois.

Malgré ce qu’ont pu déclarer certains observateurs, ces recommandations sont LOIN d’être radicales.

Par exemple, nous avons souligné que certains trous de la Loi sur la concurrence sont, au sens figuré, plus gros que ceux que l’on voit dans les rues d’Ottawa chaque printemps. Nous devons les boucher. Et pour poursuivre l’analogie, nous devons également distinguer ces trous des dos-d’âne superflus qui continuent d’entraver notre capacité à demander des comptes aux entreprises en cas de comportement anticoncurrentiel.

C’est pourquoi nous nous réjouissons que le gouvernement ait une vision globale de la mise en place d’une solution viable et réactive.

Nos recommandations s’appuient sur l’expérience que nous avons acquise à assurer et contrôler l’application de la Loi sur la concurrence dans tous les secteurs de notre économie. À bien des égards, nous préconisons d’harmoniser nos lois avec celles des pays pairs – y compris nos partenaires les plus proches comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie – où la concurrence est un objectif de politique économique beaucoup plus important.

Tout le monde n’est pas d’accord avec nos recommandations. Et franchement, ce n’est pas grave. Certains souhaitent des mesures plus radicales. D’autres ont tendance à présenter la réforme de la concurrence, même modeste, comme une sorte d’épouvantail effrayant, dans le but d’effrayer les décideurs politiques.

Leur point de vue varie selon la façon dont ils considèrent la nature du défi auquel nous sommes confrontés. Certains voudraient vous faire croire que la réforme de la concurrence est un jeu à somme nulle entre les consommateurs et les entreprises. Que si l’on change quelque chose, ce n’est bon que pour l’un et pas pour l’autre. D’autres affirment que toute modernisation de nos lois sur la concurrence nuirait d’une manière ou d’une autre aux investissements au Canada.

Je ne crois pas du tout à ce raisonnement.

Des lois modernes et efficaces sur la concurrence sont bénéfiques pour les consommateurs et les entreprises. Et lorsque nous parlons du monde des entreprises, je n’entends pas seulement les propriétaires de petites entreprises et les entrepreneurs, qui ont manifestement besoin de conditions équitables pour pouvoir rivaliser avec les grandes entreprises.

En réalité, tout le monde gagne à ce que les marchés soient concurrentiels. Même les grandes entreprises. Chaque entreprise est aussi le client d’une autre. Chacune s’appuie sur des chaînes d’approvisionnement compétitives pour fabriquer et acheminer ses produits et se développer. Ce n’est jamais une question de « nous » contre « eux ». Les bonnes lois sont bonnes pour tout le monde. Par conséquent, les entreprises qui pourraient être considérées comme les cibles d’enquêtes menées au titre de la Loi sur la concurrence pourraient tout aussi bien être les plaignants dans d’autres affaires.

Il en va de même pour les investissements internationaux. Quelle entreprise voudrait investir ici si elle pensait devoir faire face à des monopoles? Ou si elle devait affronter des rivaux capables de se livrer à des comportements anticoncurrentiels incontrôlés?

Voici ce qui compte vraiment pour les entreprises et les investissements : la certitude et la prévisibilité. L’argent va là où il est le mieux accueilli.

C’est pourquoi nous avons besoin de lois claires qui répondent aux meilleures pratiques internationales. En tant que responsable de l’application de la loi dans ce domaine, le Bureau reconnaît pleinement l’importance de son rôle dans la production d’orientations qui clarifient les limites de la législation en matière de concurrence et donnent aux entreprises une certaine prévisibilité.

C’est ce que nous avons toujours fait. Et c’est ce que nous continuerons à faire. Avec fierté. Et avec efficacité.

Développer un esprit de concurrence

Cela m’amène au troisième point de la liste d’actions visant à mettre le Canada sur la bonne voie pour réaliser cette grande mise à niveau en matière de concurrence. Je répète ce que j’ai déjà dit : nous devons nous attaquer à un large éventail d’obstacles réglementaires à la concurrence par l’entremise d’un effort pangouvernemental.

Jusqu’à présent, nous avons entrepris un examen complet de la Loi sur la concurrence. Il s’agit du fondement de l’infrastructure de la concurrence au Canada et du domaine qui nécessite l’attention la plus urgente. Mais il reste encore beaucoup à faire.

À mon avis, nous devons également examiner les restrictions à la concurrence imposées par les gouvernements, c’est-à-dire celles qui ne peuvent pas être corrigées par des mesures d’application de la loi. C’est un enjeu important au Canada, car de nombreux secteurs réglementés de notre économie comportent des obstacles à la concurrence. Pensons notamment aux secteurs des communications, des transports, des institutions bancaires et de l’agriculture.

Je vais donc être franc, car j’aime à penser que nous sommes entre amis.

Le moment est venu d’examiner comment nous tous, dans le secteur public, à tous les ordres de gouvernement – municipal, provincial et fédéral – pouvons tâcher de stimuler notre économie en éliminant les restrictions qui nuisent au processus concurrentiel. Il peut s’agir de restrictions à la propriété étrangère, d’entraves au commerce interprovincial ou encore de problèmes de gestion de l’offre. D’autres pourraient inclure des obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre et à l’investissement. Tous les ordres de gouvernement sont concernés.

De telles restrictions sont souvent mises en place pour servir un autre objectif de politique publique, mais il existe souvent de nombreuses façons d’y parvenir. Je crois que ce que nous devrions nous demander, c’est : est-il possible d’atteindre cet objectif de politique publique d’une manière qui laisse un plus grand jeu à la concurrence?

Bien entendu, rien de ce que je viens de dire n’est nouveau pour quiconque dans cette salle. La nature et la source de cet enjeu font l’objet d’un large consensus au sein de la communauté des entreprises et des spécialistes. Et nous avons tous vu les données économiques accablantes qui confirment à quel point ces entraves réglementaires à la concurrence nous freinent alors que nous devrions foncer vers l’avant.

Entre 2010 et 2020, le Canada est passé du 8e au 23e rang de l’indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale. Il s’agit d’une enquête annuelle portant sur les réglementations commerciales qui affectent les petites et moyennes entreprises.

Tout aussi inquiétant, l’environnement réglementaire du Canada est classé parmi les moins propices à la concurrence sur les marchés de produits, selon l’OCDE. Ce n’est pas très réjouissant pour nous.

Alors, pourquoi partager avec vous toutes ces sombres statistiques? Parce que, pour reprendre un vieil adage, le problème contient la solution.

Chacun de ces indicateurs nous indique qu’il existe une occasion considérable d’accélérer la croissance économique du Canada grâce à une réforme réglementaire intelligente et favorable à la concurrence.

Par exemple, une étude publiée par le Fonds monétaire international (FMI) a révélé que le Canada pourrait augmenter son PIB d’un pourcentage stupéfiant de 4 %… rien qu’en éliminant les barrières commerciales internes dans le domaine des marchandises. Selon l’un des auteurs de l’étude, cela stimulerait l’économie canadienne (je cite) « de près de 90 milliards de dollars par an », soit environ « 5 000 $ ou 6 000 $ par ménage, par an ».

Tout aussi attrayant : ils constatent que les régions à faible revenu sont celles qui en bénéficieraient le plus.

D’autres études estiment que l’assouplissement des restrictions à l’investissement étranger et des autres obstacles réglementaires à la concurrence aurait des effets bénéfiques d’une ampleur similaire – là encore, il s’agit de gains au niveau du PIB.

Plus qu’un simple exercice de réduction des formalités administratives

Ne voyez pas dans ce que je dis ici un plaidoyer en faveur d’une déréglementation débridée. Et n’imaginez pas que la solution n’est rien d’autre qu’un exercice de réduction des formalités administratives. Il s’agit de réglementer intelligemment. Réglementer de manière à faciliter le rôle vital que les forces du marché peuvent jouer dans l’obtention de meilleurs effets économiques pour tous.

Alors, oui, nous devons être plus réfléchis dans nos choix. Parfois, ce qu’il faut, ce sont de nouvelles politiques pro-concurrentielles pour stimuler la concurrence au Canada.

Voici un exemple intemporel : la portabilité des numéros de téléphone dans le secteur des télécommunications. En mettant en place un système de portabilité des numéros, le CRTC a veillé à ce que les clients puissent conserver le même numéro de téléphone lorsqu’ils changent de fournisseur de services. Cette mesure était essentielle pour réduire les coûts de changement de fournisseur pour les clients. Et cela a permis de créer des conditions plus favorables à la concurrence.

Appliquons maintenant ce même principe à la portabilité des données dans l’économie numérique. Donnons aux clients la possibilité de transférer leurs données d’un fournisseur de services à l’autre et réduisons les obstacles au changement. C’est une question de bon sens. Et c’est futé.

C’est pourquoi les travaux du ministère des Finances sur les services bancaires ouverts sont essentiels pour stimuler la concurrence et l’innovation dans le secteur financier. De manière plus générale, nous comprenons parfaitement le potentiel concurrentiel des dispositions du projet de loi C-27 (Loi sur la mise en œuvre de la Charte du numérique). Dans sa forme actuelle, si elle est adoptée, cette loi permettra aux Canadiens et Canadiennes de transférer leurs informations d’une organisation à l’autre en toute sécurité.

Au bout du compte, il s’agit d’appliquer l’optique de la concurrence à tout ce que nous faisons. Et d’en faire une priorité nationale, à l’échelle de l’ensemble du gouvernement et pour tous les ordres de gouvernement.

Je ne propose pas que le Canada devienne un cas isolé dans cette entreprise. Nos partenaires internationaux le font, et ce depuis des années.

Certains d’entre vous connaissent peut-être le décret du président Biden sur la promotion de la concurrence dans l’économie américaine, soutenu par le Conseil de la concurrence de la Maison-Blanche. Ce décret fait de la concurrence une priorité dans l’ensemble du système réglementaire. Il s’agit d’une stratégie économique qui donne des résultats.

De même, un récent discours du ministre australien chargé de la concurrence et de la croissance de la productivité met en évidence – à travers l’expérience australienne – le pouvoir de transformation de la concurrence pour stimuler la croissance de la productivité. L’expérience australienne a beaucoup à nous apprendre, compte tenu des similitudes entre nos deux économies.

Le ministre a évoqué l’expérience australienne des réformes de la politique de concurrence menées par l’ensemble du gouvernement dans les années 1990. Ces réformes économiques sont considérées comme les plus importantes et les plus réussies de l’histoire de l’Australie. Elles ont nécessité des efforts et une coordination à tous les niveaux du gouvernement.

On estime que ces réformes, mises en œuvre sur près de 15 ans, ont entraîné une augmentation permanente d’au moins 2,5 % du PIB australien, soit environ 5 000 dollars par ménage. Les réformes comprenaient notamment une révision de plus de 1 800 lois et règlements. Ce faisant, l’Australie a trouvé des possibilités de stimuler la concurrence dans de nombreux secteurs de son économie.

Il y a beaucoup à apprendre des exemples que j’ai cités. Et c’est ce que nous allons continuer à faire. Je suis très fier d’annoncer que le Bureau envisage d’organiser un sommet à l’automne pour explorer ce que pourrait être un programme de concurrence pangouvernemental. En outre, nous examinerons comment un tel programme pourrait contribuer à la prospérité économique à long terme du Canada. Il s’agira d’un événement qui suscitera la réflexion, visant à entendre les preuves et à apprendre de nos homologues internationaux.

Pour être clair, nous considérons la lutte contre les obstacles gouvernementaux à la concurrence comme un complément à la réforme de la Loi sur la concurrence, et non comme un substitut.

Il ne suffit pas de donner un coup de baguette magique pour transformer une économie de 2 200 milliards de dollars. En fait, ouvrir les marchés à une plus grande concurrence irait à l’encontre du but recherché si nous ne mettions pas d’abord en place les règles adéquates pour combattre les fusions et les comportements anticoncurrentiels qui, sinon, effaceraient tous les gains. Encore une fois, agissons intelligemment.

Continuer à instaurer une culture de concurrence

L’une de mes priorités permanentes en tant que commissaire est de bâtir une culture de concurrence au Canada. Lorsqu’une culture de concurrence est saine, tout le monde – des consommateurs aux entreprises en passant par les fonctionnaires – comprend le pouvoir et la valeur immenses de la concurrence. Et tout le monde s’efforce alors de la voir prospérer dans tous les secteurs de l’économie.

La culture se définit par les choix que nous faisons, en fonction de ce que nous jugeons important pour nous. Elle évolue lentement. Mais lorsque c’est le cas, nous avançons tous, sans jamais reculer. Et les résultats de ces choix reflètent nos idéaux.

Compte tenu de tous ces éléments, la mise en place d’une culture de la concurrence est un travail de longue haleine. Le travail nécessaire se poursuivra bien au-delà de mon mandat de commissaire.

Notre potentiel concurrentiel est illimité. Le potentiel inexploité de productivité et de croissance est, à mon avis, le domaine offrant les plus grandes perspectives économiques pour notre pays.

Je vous remercie pour le temps que vous m’avez accordé aujourd’hui.

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