Accès aux dossiers thérapeutiques
AVERTISSEMENT : Ce chapitre comprend du contenu pouvant être éprouvant
« C'était la pire des choses dans tout ça... J'ai révélé d'autres abus sexuels, y compris l'inceste; je voulais que personne ne soit au courant. J'étais suicidaire et gravement déprimée et je regrettais désespérément de n'avoir jamais suivi de thérapie ou de ne jamais l'avoir signalé. À l'avenir, je conseillerai aux autres victimes d'agression sexuelle de choisir l'une ou l'autre, jamais les deux. »[1] [Traduction]
Entretien de l’ESSAS auprès d'un survivant #461
L’ENJEU
Les survivant.e.s doivent choisir entre des soins de santé mentale essentiels et s'engager dans le système de justice pénale (SJP).
EN CHIFFRES
Dans notre sondage mené auprès de 1 000 survivant.e.s de violence sexuelle :
- 13 % ont choisi de ne pas signaler à la police pour pouvoir avoir du counseling
- on a conseillé à 12 % des survivant.e.s de ne pas parler à un thérapeute parce que leurs dossiers privés pourraient être assignés à comparaître
- 20 % voulaient parler à un thérapeute, mais avaient l'impression de ne pas pouvoir le faire parce que leurs dossiers privés pouvaient être saisis par voie d'assignation
- 29 % des survivantes dont l'affaire a été portée devant les tribunaux en 2020 ou plus tard ont déclaré que la défense voulait avoir accès à leurs dossiers thérapeutiques ou à d'autres dossiers privés (n = 64)
Dans une analyse de la jurisprudence portant sur 294 décisions de condamnation en 2024 :
- 13 % des décisions de condamnation pour des infractions sexuelles comportaient une mention judiciaire du fait que la victime avait des pensées suicidaires ou tentait de se suicider[2]
IDÉES CLÉS
- Les dossiers thérapeutiques sont différents des autres dossiers
- La menace de divulgation du dossier thérapeutique d'une survivante[3] constitue un risque pour la santé et la sécurité des survivantes
- Les demandes de dossiers ont un effet dissuasif sur l'accès à la thérapie
- Les demandes de dossiers ont un effet dissuasif sur le signalement à la police
- Certaines parties du régime de documents aggravent les retards liés à l’arrêt Jordan
- Permettre à la défense d'avoir accès aux dossiers thérapeutiques peut violer les droits des survivant.e.s garantis par la Charte
EN SOMME
Le fait de permettre à la défense d'avoir accès aux dossiers thérapeutiques des survivant.e.s les dissuade d'obtenir des soins vitaux, tout en ajoutant des délais et des coûts au système de justice et en augmentant le risque de suspension des accusations.
RECOMMANDATIONS
3.1 Investir dans les conseils juridiques indépendants et la représentation juridique indépendante Le gouvernement fédéral devrait investir immédiatement dans les programmes de conseils juridiques indépendants et de représentation juridique indépendante pour toute procédure où les droits d'un.e survivant.e en vertu de la CCDV ou de la Charte sont en jeu. Cela comprend les antécédents sexuels, la production et les demandes d'admissibilité de documents.
Le gouvernement fédéral devrait immédiatement modifier le Code criminel pour :
3.2 Protéger les dossiers thérapeutiques : Reconnaître que les dossiers psychiatriques, thérapeutiques et de counseling énuméré à l'article 278.1 sont distincts des autres dossiers privés et devraient faire l'objet d'un seuil plus élevé pour que la défense puisse y avoir accès. Appliquer le seuil de « l'innocence en jeu » ou la « protection de classe » à la première étape des deux régimes de dossiers privés, compte tenu de l'impact hautement préjudiciable sur la santé, l'égalité et la sécurité des survivant.e.s pendant une période de détresse prévisible.
3.3 Ajouter des avertissements contextuels : Prévoir que, lorsqu'elle est utilisée comme preuve, toute divulgation d'un dossier thérapeutique doit inclure un avertissement indiquant que le contenu est basé sur les impressions du thérapeute, qu'il n'a pas satisfait aux exigences de confidentialité permettant au plaignant d'examiner et de corriger les inexactitudes, et qu'il peut contenir des erreurs.
3.4 Élargir la définition de « document » : Modifier la définition de « document » à l'article 278.1 du Code criminel pour :
a) Inclure les données électroniques trouvées sur un appareil téléphonique ou un compte Internet aux fins du régime des dossiers privés.
b) Inclure le contenu et les résultats d'une trousse médico-légales en cas d'agression sexuelle.
c) Accorder aux plaignants les droits de participation et la qualité pour agir lorsqu'une requête en vue d'obtenir des directives sur la définition d'un document met en jeu le droit à la vie privée des plaignants.
3.5 Modifier la disposition relative à la renonciation expresse pour les dossiers d’un tiers (art. 278.2) afin de créer une exception : lorsque la Couronne a l'intention de produire des documents privés et ne peut obtenir la renonciation expresse du plaignant, les documents peuvent être divulgués à la défense sans renonciation expresse.
3.6 Simplifier l'application de l'inactivité sexuelle : Créer un régime législatif simplifié pour la preuve de non-activité sexuelle et d'activité sexuelle du plaignant lorsqu'elle est présentée par la Couronne.
3.7 Élargir le régime : Inclure le trafic sexuel et le voyeurisme dans tous les régimes de la production et d'admissibilité de dossiers.
Notre enquête
Contexte
Le Code criminel contient plusieurs dispositions importantes qui précisent si, et comment, le témoignage des antécédents sexuels d'un plaignant ou la preuve en la possession de l'accusé ou d'un tiers peut être utilisé dans des poursuites pour infraction sexuelle. Il s'agit de protections précieuses pour les plaignants au sujet des éléments de preuve pour lesquels ils ont une attente raisonnable en matière de vie privée.
Trois régimes énoncés dans le Code criminel fonctionnent ensemble : la preuve des antécédents sexuels (art. 276), les dossiers privés en la possession d'un tiers (art. 278.2) et les dossiers privés en la possession de l'accusé (art. 278.92).
Preuves des antécédents sexuels
L'article 276 du Code criminel régit l'admissibilité des éléments de preuve relatifs aux antécédents sexuels d'un plaignant et l'utilisation de ces éléments de preuve. Le régime de l'article 276 vise à protéger l'intégrité du procès en excluant les éléments de preuve non pertinents et trompeurs, en protégeant le droit de l'accusé à un procès équitable et en encourageant le signalement des infractions sexuelles en protégeant la sécurité et la vie privée des plaignants. L'article 276 s'applique à toute communication faite à des fins sexuelles ou dont le contenu est de nature sexuelle et à toute procédure dans laquelle une infraction énumérée est impliquée.[4]
Une demande de la défense en vertu de l'article 276 décrira les détails de ce qu'elle veut présenter comme preuves et leur pertinence. Le juge déterminera si la preuve est admissible à l'aide du critère du paragraphe 276(2) et des facteurs énoncés au paragraphe 276(3).
Les deux mythes et les stéréotypes ne peuvent pas être utilisés. Les deux mythes sont que le comportement sexuel antérieur des survivant.e.s les rend (1) moins dignes de foi au sujet d'une agression sexuelle ou (2) plus susceptibles d’avoir consenti à l'activité sexuelle en question. L'article 276 du Code criminel énonce délibérément que la preuve des autres antécédents sexuels d'un plaignant ne peut être utilisée pour inférer que, en raison de cette activité, la victime est plus susceptible d'être consentante ou moins digne de foi.
- « La preuve des antécédents sexuels est également présumée inadmissible à l'appui d'autres inférences, à moins qu'elle ne porte sur des cas précis d'activité sexuelle, qu'elle ne soit pertinente à l'égard d'une question en litige au procès et qu'elle n'ait une valeur probante importante qui n'est pas contrebalancée par le risque de préjudice à la bonne administration de la justice. ….. Le régime de la preuve des antécédents sexuels vise à empêcher les mythes et les stéréotypes sur les victimes d'infractions sexuelles d'entrer dans la salle d'audience afin d'appuyer sa fonction de recherche de la vérité. » [Traduction][5]
- La CSC a confirmé ces dispositions dans R c. Darrach.[6]
La procédure à suivre pour les demandes d'antécédents sexuels est la même que pour les dossiers privés en la possession de l'accusé (voir schéma).
Schéma du processus pour les demandes d'antécédents sexuels et de dossiers privés
Les facteurs utilisés par le juge dans une demande d'antécédents sexuels comprennent : « l'atteinte potentielle à la dignité personnelle et au droit à la vie privée de toute personne concernée par le dossier » et « le droit du plaignant et de toute autre personne à la sécurité personnelle et à la pleine protection et au bénéfice de la loi. »[7]
Documents privés en possession d'un tiers[8] (production et admissibilité)
Le régime des dossiers de tiers a été adopté pour obliger les tribunaux à procéder à une mise en balance avant de produire des dossiers privés dans les cas d'agression sexuelle.[9]
« Le Parlement a adopté ce régime dans le but (1) de protéger la dignité, l'égalité et le droit à la vie privée des plaignants ; (2) reconnaître la prévalence de la violence sexuelle afin de promouvoir l'intérêt de la société à encourager les victimes d'infractions sexuelles à se manifester et à se faire soigner ; et (3) promouvoir la fonction de recherche de la vérité dans les procès, notamment en éliminant les mythes et les stéréotypes préjudiciables. »[10]
La première étape détermine si les dossiers doivent être produits à un juge.
- La demande de la défense pour des documents en la possession d'un tiers doit être présentée par écrit, identifier le document que l'accusé demande de produire et le nom de la personne qui a la possession ou le contrôle du document, et doit énoncer les motifs sur lesquels l'accusé se fonde pour établir que le document est vraisemblablement pertinent à l'égard d'une question susceptible d'être jugée ou de l'habilité d'un témoin à témoigner.
- Cette demande doit être transmise à la Couronne, au détenteur du dossier et au plaignant 60 jours avant la date de l'audience. En même temps, la défense doit signifier une assignation à comparaître pour les documents au détenteur du dossier.
- La première étape comprend habituellement une audience et les observations de la défense, la réponse de la Couronne et, s'ils en présentent, les observations du plaignant et du détenteur du dossier, afin de déterminer si le document est vraisemblablement pertinent à l'égard d'une question pouvant faire l'objet d'un procès ou de l'habilité d'un témoin à témoigner. Si le juge convient qu'ils satisfont à ces critères, les dossiers sont produits au juge aux fins d'examen et la demande passe à la deuxième étape. Si le juge n'est pas d'accord, la demande prend fin.
- Ces demandes ne peuvent pas être publiées ou partagées avec d'autres, et la première étape de l'audience se déroule à huis clos.
Quels types de documents sont recherchés dans ces demandes?
- Dossiers psychiatriques, thérapeutiques ou de conseil
- Documents en possession de la police
- Dossiers de protection de l'enfance
- Dossiers des services sociaux
- Dossiers d'éducation ou d'emploi
- Dossiers médicaux sans rapport avec l'agression
- Journal personnel ou journal intime
- Photos ou vidéos
- Communications électroniques privées
Cette liste n'est pas exhaustive*. La Cour examinera si les documents en cause sont similaires à ce genre de documents.
* Voir l'article 278.1 du Code criminel
La deuxième étape permet de déterminer si les dossiers doivent être remis à l'accusé
- D'après la preuve présentée à la première étape par la défense et le ministère public et, s'ils décident de témoigner, ceux du détenteur du dossier et du plaignant, le juge du procès doit déterminer si les documents demandés par la défense satisfont aux critères prévus par la loi.
- Pour prendre cette décision, le juge doit tenir compte « des effets de la décision de communiquer ou de refuser de communiquer le document sur le droit à la vie privée, à la sécurité personnelle et à l'égalité du plaignant ».
- Le juge doit tenir compte des facteurs suivants : « l'atteinte potentielle à la dignité de la personne et au droit à la vie privée de toute personne concernée par le dossier » et « l'intérêt de la société à encourager les plaignants d'infractions sexuelles à obtenir un traitement. »[11]
- Le juge du procès doit fournir par écrit les motifs de sa décision.[12] La demande, la preuve et les motifs d'une décision ne peuvent être publiés ou partagés avec d'autres, bien que le juge puisse décider d'autoriser la publication de leurs motifs.
- Le juge peut décider d'expurger, de communiquer en partie, d'imposer des restrictions à la consultation ou à l'utilisation des documents, ou toute autre condition nécessaire pour protéger la vie privée du plaignant.[13]
- Si le juge décide que les documents ne doivent pas être produits, la demande prend fin, mais peut être incluse dans un appel.
- La Cour suprême a confirmé ces dispositions dans l'arrêt R c. Mills.[14]
Le plaignant a le droit de participer et d'être représenté par un avocat aux deux étapes d'une demande d'accès à ses dossiers privés.
« La question la plus importante est que les plaignants ont des avocats qui les défendent vigoureusement et exposent clairement ces arguments à la magistrature. »[15]
Documents privés en la possession de l'accusé (admissibilité)
Si l'accusé désire produire en preuve des documents concernant le plaignant qui sont en sa possession, l'accusé doit se conformer à la procédure en deux étapes prévues au Code criminel.
Quels types de documents sont recherchés dans ces demandes?
- Messages textes entre l'accusé et la survivante
- Messages textes entre le survivant et ses amis ou sa famille
- Journal intime ou journal intime du survivant
- Correspondance d’amis communs, d'employeurs, de collègues professionnels ou de thérapeutes
- Enregistrements du plaignant
Cette liste n'est pas exhaustive*. La Cour examinera si les documents en cause sont similaires à ce genre de documents.
* Voir l'article 278.1 du Code criminel
La première étape permet de déterminer si les conditions d'une enquête sont remplies.
- La demande de la défense en vue de produire des documents concernant le plaignant en la possession d'un accusé doit être présentée par écrit, exposer en détail les éléments de preuve que l'accusé cherche à produire et la pertinence de ces éléments de preuve par rapport à une question en litige.
- Cette demande doit être présentée à la Couronne 7 jours avant la deuxième étape de l'audience, bien que le juge du procès ait un certain pouvoir discrétionnaire quant à la période de préavis.[16]
- Un juge examine la demande de la défense, la réponse de la Couronne et détermine si le document peut être admissible en vertu des critères prévus aux paragraphes 276(2) ou 278.92(2).
- Si le juge convient que la demande écrite répond à ces critères, la demande passe à la deuxième étape. Si le juge n'est pas d'accord, la demande prend fin.
- Ces applications ne peuvent pas être publiées ou partagées avec d'autres personnes. Si des observations orales sont présentées à la première étape, elles se déroulent à huis clos.
- Le plaignant n'a pas qualité pour agir à ce stade de l'inspection.
La deuxième étape consiste en une audience à huis clos.
- D'après la preuve présentée à l'audience par la défense et, le ministère public, et s'ils décident de témoigner auprès du plaignant,[17] le juge du procès doit déterminer si les documents demandés par la défense satisfont aux critères prévus par la loi.
- Le Code criminel précise que les facteurs suivants doivent être pris en considération : « le risque d’atteinte à la dignité du plaignant et à son droit à la vie privée », « le droit du plaignant et de chacun à la sécurité de leur personne, ainsi qu’à la plénitude de la protection et du bénéfice de la loi » et « l'intérêt qu’a la société à ce que les plaignants…. suivent des traitements».[18]
- Le juge du procès doit fournir par écrit les motifs de sa décision.[19] Les motifs de l'échec d'une demande ne peuvent être publiés ni partagés avec d'autres, à moins que le juge ne l'autorise. Les raisons de l'acceptation d'une demande peuvent être publiées.
- Si le juge décide que les documents ne peuvent pas être utilisés comme preuve, la demande prend fin, mais peut être incluse dans un appel.
- Le plaignant a le droit de participer et d'être représenté par un avocat à la deuxième étape. Il est essentiel de fournir des conseils juridiques indépendants aux plaignants dans ces demandes.[20]
- La CSC a confirmé ces dispositions dans l'arrêt R c. J.J.[21]
Bonne administration de la justice
De nombreux critères du Code criminel exigent que l'on se demande si cette action ou cette décision est « dans l'intérêt de la bonne administration de la justice ». Voir, par exemple,
- les critères d'admission des antécédents sexuels ou le régime des dossiers privés1,
- la norme relative aux aides au témoignage, comme la présence d'une personne de confiance, l'exclusion du public, les interdictions de publication2.
- le critère applicable à la publication d'éléments de preuve à l'enquête préliminaire3 ;
- le critère relatif à l'utilisation d'un enregistrement vidéo.4
La CCDV indique que la prise en compte des droits des victimes d'actes criminels est dans l'intérêt de la bonne administration de la justice.5
1 Code criminel, alinéas 276(2)d), 278.92(2)b)
2 Code criminel, paragraphes 486(1), 486.1(1) et 486.5(1).
3 Code criminel, alinéa 537(1)h)
4 Code criminel, articles 715.1 et 715.2
5 Charte canadienne des droits des victimes, préambule.
Les dossiers thérapeutiques des survivant.e.s contiennent des informations personnelles que beaucoup de gens ne voudraient pas partager avec quiconque, en particulier avec une personne qui leur a fait du mal.
- Ces dossiers peuvent mentionner des abus sexuels antérieurs par une autre personne ou des informations sur une fausse couche ou un avortement
- Ils peuvent révéler l'état profondément personnel, physique, émotionnel ou mental d'une survivante à la suite d'une agression.
- Ces documents peuvent refléter les tentatives d'une survivante de reconstruire sa santé après une agression.
- Ils peuvent contenir des renseignements sur les conséquences économiques ou professionnelles d'une agression.
- Ils peuvent contenir des informations sur les réactions d'autres personnes à l'agression, comme la famille, les conjoints ou les enfants.
- Ils peuvent révéler l'emplacement de maisons sûres ou d'autres lieux sûrs pour les survivant.e.s.
Pourquoi les assignations à comparaître relatives au dossier thérapeutique sont problématiques
- Les dossiers thérapeutiques ne sont pas des comptes rendus mot pour mot de ce que le thérapeute a dit ou de ce que la survivante a dit.
- Les dossiers thérapeutiques sont créés dans un but différent ; Ils n'ont pas été créés pour être des preuves devant les tribunaux.
- L'exactitude des notes thérapeutiques n'est pas vérifiée par les survivant.e.s.
- La thérapie invite à la réflexion et à de nouvelles façons de penser au traumatisme.
- Le counseling est de nature subjective.
- Permettre que les dossiers thérapeutiques soient utilisés comme preuves prive les survivantes d'un endroit sûr pour guérir.
Application de la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV)
Une Cour s'est penchée plus particulièrement sur la façon dont la CCDV s'applique au régime de l’admissibilité et la production des documents. Dans l'affaire R c. Mund, la Cour a conclu que
Dans l'espoir de réparer les injustices du passé, les droits à la vie privée et à la sécurité psychologique des victimes d'actes criminels ont été explicitement protégés dans leur propre instrument, la Charte canadienne des droits des victimes (ci-après la CCDV).
Dotée d'un statut quasi constitutionnel, la CCDV impose que les lois fédérales, comme la Code pénal et la LPC, être appliquée conformément à la loi et à ses droits énumérés.
Le préambule de la CCDV affirme l'importance de reconnaître la courtoisie, la compassion et le respect de la dignité des victimes comme des priorités dans l'ensemble du système de justice pénale. Ces valeurs doivent guider les plaideurs et les décideurs lorsqu'ils s'y retrouvent dans des dispositions en matière de preuve telles que 278.1-278.9 de la Code pénal. Tout comme ces dispositions ont été adoptées pour protéger la vie privée et la dignité des plaignants et des témoins dans les procédures d'agression sexuelle, la CCDV sert de phare de la préoccupation de la société pour le traitement équitable des personnes vulnérables qui ont été historiquement lésées par un système de justice impitoyable et trop légaliste.[22]
Ce que nous avons entendu
Les dossiers thérapeutiques sont distincts des autres dossiers
Les survivant.e.s ont fait part à notre Bureau de réactions très personnelles sur leurs émotions lorsqu'on leur a dit que la défense demandait leurs dossiers de counseling ou de thérapie. En fait, nous avons constaté un décalage évident entre les expériences des survivant.e.s et les impressions des intervenant.e.s. Certains étaient d'avis que le régime des dossiers privés du Code criminel établit un équilibre entre le droit à la vie privée des plaignants et le droit de l'accusé à un procès équitable, et que le processus – s'il est appliqué correctement – protège en grande partie les plaignants. Ce n'est pas ce que les survivant.e.s ont vécu.
Les survivantes ont parlé clairement - les dossiers thérapeutiques sont intimes et personnels
« Même si j'ai entendu des gens dire qu'il était possible d'ordonner la production de dossiers thérapeutiques, je ne pensais pas que ça se produirait parce que je ne pensais pas que les dossiers seraient importants pour le procès. Je n'ai pas lu mes dossiers de counseling, mais mes séances de counseling sont surtout des sanglots, des conversations sur le fait que je dors dans mon placard, que je me cache dans mon placard pendant la journée, que j'ai peur de tout le monde, que j'appelle les lignes d'écoute pour les suicides. Je ne voyais pas en quoi des notes à ce sujet pourraient être utiles à la personne qui m'a violée pour se défendre devant le tribunal. » [Traduction]
« Je ne peux pas exagérer à quel point je me sens désespéré depuis que la demande a été faite. Je ne serais jamais allé en thérapie si j'avais su que ça arriverait. Ce qui est ironique, c'est que c'est le fait d'aller en thérapie qui m'a donné le courage de faire un signalement. Donc, je suppose qu'il est fort probable que si j'avais su, je n'aurais jamais au grand jamais signalé le viol. » [Traduction]
« Je pense que c'est dégoûtant que le soi-disant système judiciaire fasse ça aux victimes d’agressions sexuels. Étant donné le tort grave que ça leur cause – ce avec quoi toute personne ayant un tant soit peu d'empathie serait d'accord – et compte tenu de la chance infime que les dossiers de counseling contiennent quelque chose d'utile et nécessaire pour que l'accusé puisse se défendre, j'ai honnêtement l'impression qu'il s'agit simplement d'une façon sanctionnée par le gouvernement d'intimider et de faire honte aux victimes, dont la grande majorité sont des femmes. On nous fait regretter d'avoir signalé; on nous fait peur et on s’arrange pour nous faire supplier la Couronne d'abandonner les accusations. C'est ce que j’ai fait. » [Traduction]
« La décision de produire mes disques n'a pas encore été prise. Mais s'il ordonne leur libération, je supplierai la Couronne d'abandonner les accusations et de dire que je ne coopérerai pas. J'ai la double citoyenneté d'un [autre pays], et je quitterai le Canada de façon permanente avant de rester pour que mes dossiers de counseling si profondément et horriblement personnels soient remis à un juge, à un procureur de la Couronne ou à un avocat de la défense. C'est le récit de la chose la plus horrible, la plus violente, la plus effrayante, la plus traumatisante qui me soit jamais arrivée, et ils pourraient bien se répandre. » [Traduction]
« Je n'ai jamais fait ça de ma vie auparavant, mais quand j'ai appris qu'il postulait pour mes dossiers, j'ai voulu mourir. [La description de l'automutilation a été enlevée]. J'ai parlé avec deux lignes d'écoute pour le suicide. » [Traduction]
« Je n'avais pas l'impression que le processus protégeait ma dignité. Je suis peut-être faux, mais je doute que les victimes de voies de fait régulières ou d'autres crimes violents non sexuels aient souvent un avocat de la défense qui demande à obtenir leur dossier de counseling. »[23] [Traduction]
De petits changements à la définition d'un document peuvent protéger les plaignants
Un problème particulier nous a été signalé par plusieurs procureurs de la Couronne en ce qui concerne la définition de document – l'un d'eux a qualifié cette définition de « tendance troublante selon laquelle les juges estiment que le droit à la vie privée est diminué lorsqu'un plaignant signale [...] qu'elle a été agressée sexuellement »
EXEMPLE A : Une trousse médico-légale en cas d'agression sexuelle (TMCAS) consigne, sur un formulaire médico-légal spécifique, les renseignements recueillis lors d'un examen effectué par un médecin qualifié. Le plaignant doit consentir à ce que ce formulaire soit remis à la police, même si une enquête policière a déjà été ouverte. Une affaire ontarienne a révélé que la TMCAS n'était pas un dossier privé et que l'infirmière qui effectuait l'examen faisait partie de l'enquête sur l'agression sexuelle.[24] Cela signifiait que le plaignant n'avait aucun droit à la vie privée à l'égard de la TMCAS. Elle serait automatiquement divulguée sans tenir compte des facteurs prévus par la loi.
- C'est un contraste frappant avec la façon dont tout autre dossier médical serait perçu. Les dossiers médicaux, quelle que soit leur définition, sont des dossiers à l'égard desquels une personne a une attente raisonnable en matière de vie privée. Les dossiers médicaux sont spécifiquement inclus dans la définition d'un dossier pour le régime des dossiers privés.
- Cette décision met davantage l'accent sur l'endroit où l'information est écrite (un formulaire médico-légal) que sur la nature de l'information (faits sur l'intégrité physique et mentale du plaignant recueillis lors d'un examen médical).
EXEMPLE B : La prolifération des documents électroniques sur les appareils personnels crée une montagne de documents dans les poursuites pour agression sexuelle. Étant donné que les communications et les données électroniques sont expressément mentionnées dans la définition statutaire, les procureurs de la Couronne doivent analyser le contenu d'un téléphone pour déterminer si chaque photo, message ou point de données contient des renseignements personnels ET met en jeu le droit à la vie privée d'un plaignant.[25]
- Dans le contexte du régime des dossiers, les renseignements personnels ont été interprétés comme signifiant « des détails intimes et personnels sur soi-même qui se rapportent à l'essentiel d'une personne ».[26] La nécessité que le document soit au cœur de la biographie d'un plaignant fait en sorte que de nombreux documents ne sont pas protégés, comme un message texte entre un parent et un enfant ou un courriel à un thérapeute pour lequel une attente raisonnable en matière de vie privée devrait être claire.
- Cela contraste avec la façon dont les données provenant d'un appareil électronique de l'accusé sont traitées. Dans l'affaire R c. Marakah[27](une poursuite relative aux armes à feu), la Cour suprême du Canada a conclu que les personnes ont une attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard des messages textes qu'elles envoient et reçoivent. L'évaluation est faite en fonction de l'ensemble des circonstances – et non en fonction de chaque document spécifique.
EXEMPLE C : Une question connexe est l'utilisation d'une requête en vue d'obtenir des directives comme moyen d'éviter le régime des dossiers privés, y compris les protections procédurales pour les plaignants et les facteurs d'équilibre établis dans le régime. Il arrive que la défense soutienne, dans le cadre d'une requête en vue d'obtenir des directives ou à la première étape d'une demande d’admissibilité, qu'un document particulier ne répond pas à la définition de document énoncée à l'article 278.1 et qu'il est donc admissible sans autre examen. Cette détermination est à savoir si les renseignements en question sont des « renseignements personnels » concernant le plaignant et si le plaignant a une attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard de ces renseignements ou de ces documents.
- Le Code criminel pourrait prévoir que, lorsqu'une requête en vue d'obtenir des directives ou une audience à la première étape met en jeu le droit à la vie privée des plaignants, ceux-ci ont le droit de participer et d'être représentés.
- Les procureurs nous ont donnés des exemples évidents où une personne raisonnable s'attendrait à ce que la protection de la vie privée soit protégée, comme un message texte d'un enfant à un parent ou un courriel à un thérapeute cherchant un traitement urgent.
La possibilité d'accéder aux dossiers thérapeutiques cause un préjudice prévisible aux survivantes
La violence sexuelle augmente le risque de trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de suicide. Les interventions thérapeutiques peuvent aider.
Le TSPT peut survenir à la suite d'une agression sexuelle et peut être grave.[28] Le fait de connaître l'agresseur, d'avoir déjà été victime de violence physique ou sexuelle dans les fréquentations, d'être victime de harcèlement criminel ou d'être témoin de violence entre parents peut augmenter la probabilité de symptômes de TSPT dus à une agression sexuelle.[29] Le TSPT augmente le risque de suicide, en particulier chez les femmes.[30]
Les survivant.e.s peuvent présenter des taux plus élevés d'idées suicidaires et de tentatives de suicide.[31] La violence sexuelle de la part d'un partenaire intime, l'abus sexuel dans l'enfance et l'agression sexuelle augmentent les risques d'idées suicidaires et de tentatives de suicide.[32]
- Le risque est plus élevé pour les personnes qui s'identifient comme 2SLGBTQ+ ou qui ont été exposées à la mortalité par suicide.[33]
- La violence sexuelle contre les enfants augmente la probabilité de troubles psychiatriques, de toxicomanie, d'infections sexuellement transmissibles, de grossesses non désirées et de suicide.[34]
L'isolement social peut accroître le risque d'idées suicidaires.[35] Les jeunes adultes racialisés et les minorités de genre courent un risque accru de subir de la violence sexuelle et d'avoir des pensées et des comportements suicidaires[36] Une étude a démontré que les idées suicidaires étaient près de 3 fois plus élevées chez les survivantes d'agression sexuelle ayant fait des études postsecondaires.
Les tentatives de suicide ont un coût social et économique. Le ministère de la Justice du Canada estime qu'en 2009, le Canada a dépensé 5 447 740 $ pour des interventions médicales en cas de tentatives de suicide chez des survivant.e.s adultes d'agression sexuelle et d'autres infractions sexuelles.[37] Si l'on tient compte de la population et de l'inflation, ce montant pourrait atteindre 9,1 millions de dollars en 2024,[38] sans tenir compte d'une légère baisse des taux d'agressions sexuelles déclarées par la police et d'une légère augmentation de l'Indice de gravité de la criminalité depuis 2009.[39] Comme nous savons que la violence sexuelle se produit également entre partenaires intimes et dans les relations conjugales, ce chiffre est probablement beaucoup plus élevé. Malgré cela, le coût le plus important est pour les survivant.e.s et ceux qui se soucient d'eux.
Les interventions thérapeutiques peuvent aider. Les interventions thérapeutiques auprès des survivant.e.s de violence sexuelle peuvent réduire considérablement les symptômes du TSPT, la dépression et le risque de suicide.[40] De multiples traitements de psychothérapie peuvent réduire le SSPT et atténuer les impacts négatifs à court et à long terme sur la santé mentale.[41]
- L'accès à des soins de santé mentale fondés sur des données probantes peut aider les gens à recevoir un traitement et du soutien avant de devenir suicidaires.[42]
- L'accès aux soins de santé mentale peut prévenir le suicide et sauver des vies.[43]
Les interventions thérapeutiques sont d'intérêt public. L'ancienne juge en chef McLachlin a souligné :
- « Les victimes d’agressions sexuelles subissent souvent un grave traumatisme qui, en l’absence de traitement, peut gâcher toute leur vie. Il est généralement reconnu qu’il est dans l’intérêt de la victime et de la société qu’une telle aide soit obtenue. La santé mentale des citoyens, au même titre que leur santé physique, représente un intérêt public d’une grande importance. Tout comme il est dans l’intérêt de la victime d’une agression sexuelle de recouvrer pleinement sa santé, il est dans l’intérêt du public qu’elle réintègre sa place comme membre sain et productif de la société. »[44]
L'agression sexuelle augmente le risque de suicide chez les survivant.e.s.[45] Des enquêtes invasives et des contre-interrogatoires agressifs donnent envie à certains survivant.e.s de mourir.[46]
La plupart des agressions sexuelles sont perpétrées par une personne connue de la victime.[47] Les survivant.e.s nous ont dit que l'accès de l'accusé à leurs dossiers thérapeutiques était une autre forme de manipulation et de contrôle. Ces dossiers, ainsi que la demande pour les obtenir, obligent les victimes à ce que leur vie personnelle soit ouverte à des inconnus (le juge, le personnel du tribunal, la Couronne, la défense) et à ce que l'accusé en ait une connaissance intime. Si la demande est retenue, l'information peut être portée à la connaissance du public.
Bien que des survivant.e.s aient été en colère contre l'accusé pour avoir demandé leurs dossiers, la plupart de la colère que nous avons entendue à propos de ces demandes n'était pas dirigée contre l'accusé, mais contre le SJP lui-même pour avoir permis aux survivant.e.s d'être exploité.e.s davantage. De nombreux survivant.e.s ont eu l'impression de devoir choisir entre la justice et leur propre santé mentale.
« J'aurais aimé ne pas être allée voir un thérapeute. Lorsque j'en ai parlé à la Couronne, celle-ci a rejeté mes préoccupations et m'a dit qu'il était important de faire preuve de counseling. Bien sûr, mais ne pas avoir mon ancien partenaire au courant de mes pensées les plus privées est plus important pour moi. Quand j'ai dit à mon thérapeute que je ne me sentais plus à l'aise de parler des agressions à cause de la divulgation des dossiers, ils m'ont suggéré de dire à la Couronne que je ne coopérerais plus et d'essayer de les convaincre d'abandonner les accusations. Il est extrêmement important pour moi que la personne qui m'a agressée en subisse les conséquences. Je ne veux pas que les accusations soient abandonnées. Ça m'a convaincu que le système est vraiment injuste et que les droits des accusés sont traités comme beaucoup plus importants que les droits de leurs victimes. »[48][Traduction]
La simple possibilité que les dossiers thérapeutiques soient divulgués était suffisante pour priver les survivant.e.s de l'accès à des soins vitaux.
Dans l'arrêt R c. J.J., la Cour suprême a reconnu que, par le passé, les plaignants « pouvaient s’attendre à ce que les détails de leur vie et de leur moralité soient scrutés de manière injustifiée dans le but qu’elles se sentent intimidées et embarrassées, et que leur crédibilité soit mise en doute. »[49] C'est toujours le cas.
- Nous avons entendu que la complexité du régime des dossiers lui-même est utilisée pour intimider les plaignants afin qu'elles abandonnent les accusations.
- Le fait de menacer d'avoir accès à des dossiers de counseling et d'amorcer une audience devant un juge a un effet profondément déstabilisant sur les survivantes.
- De nombreux survivant.e.s nous ont dit, avant une audience de première étape, souhaiter mourir, ne pas se sentir en sécurité pour accéder à des soins de santé mentale et avoir demandé à la Couronne de suspendre les accusations.
« J'ai l'impression que c'est moi qui en subis toutes les conséquences... Je n'ai jamais été aussi déprimé et j'ai voulu mourir lorsque j'ai découvert qu'ils demandaient mes dossiers. J'ai sérieusement envisagé de me tuer ou de disparaître. Et je n'ai jamais ressenti aussi vivement à quel point le système judiciaire est injuste au point qu'il est acceptable de faire cela aux victimes, alors quelle valeur réelle des dossiers de counseling apporte-t-elle? Je ne signalerai jamais un autre crime. Si d'autres victimes me le demandent, je leur dirai qu'elles ne devraient pas non plus. »[50] [Traduction]
Les juges connaissent bien le risque de suicide pour les survivant.e.s. Nous avons examiné les décisions de détermination de la peine disponibles pour les infractions sexuelles en 2024 (n = 294) à l'aide de la base de données Westlaw Canada. Nous voulons identifier les mentions judiciaires des risques de suicide chez les survivant.e.s.[51]
- En 2024, 13 % des décisions de détermination de la peine pour des infractions sexuelles comportaient une mention judiciaire du fait que la victime avait des pensées suicidaires ou tentait de se suicider (39 des 294 décisions de détermination de la peine disponibles). Dans la plupart des cas, le juge a noté le risque de suicide en fonction du contenu fourni dans les déclarations de la victime.
- Il s'agit probablement d'une sous-estimation du risque de suicide pour les survivant.e.s, car les déclarations de la victime ne sont pas inclues dans toutes les décisions de détermination de la peine en 2024, tous les survivant.e.s qui présentaient un risque de suicide ne l'auraient pas mentionné dans leurs déclarations, et les juges ne mentionnent pas toujours le risque lorsqu'il est inclus dans la déclaration de la victime.
- En plus des 39 cas recensés, les juges ont souvent cité l'arrêt R c. Friesen[52] dans les décisions de détermination de la peine pour des infractions sexuelles contre des enfants afin de reconnaître les méfaits plus larges de l'abus sexuel subis pendant l'enfance, y compris un risque accru de suicide.
Sondage auprès des intervenant.e.s
À partir des premières entrevues avec les survivantes, nous avons ajouté des questions ciblées à notre sondage auprès des thérapeutes ou des programmes de soutien thérapeutique sur ce qui a été observé lorsque les dossiers thérapeutiques des survivant.e.s ont été assignés à comparaître. Au total, 38 thérapeutes ou prestataires de services ont partagé ce qu'ils avaient observé au cours des 5 dernières années :
- 3 survivantes sur 4 ont regretté d'avoir signalé des violences sexuelles (76 %)
- 1 survivant sur 2 a révélé avoir eu des pensées suicidaires (57 %)
- 1 survivant sur 3 a cessé sa thérapie ou quitté un programme de soutien (37 %)
- 1 survivant sur 20 se sent protégé par le système de justice pénale (5 %)
Les thérapeutes nous ont dit que lorsque le SJP permet la divulgation des dossiers thérapeutiques, cela nuit à la santé mentale des survivant.e.s. Les thérapeutes ont rapporté que les survivantes se sont retirées de la thérapie, ont révélé des pensées suicidaires et ont regretté d'avoir signalé des violences sexuelles. Cela met les survivant.e.s en danger et compromet la confiance de la société dans le SJP.
Les thérapeutes ont signalé que la menace de divulgation de leurs dossiers rendait le traitement moins efficace. Cela compromet la qualité de la prise de notes pour soutenir les séances, viole la relation thérapeutique, prend du temps pour fournir des services à d'autres survivant.e.s et coopte le processus de thérapie pour étendre l'impact des agresseurs. Le risque continu compromet également la qualité des soins pour les survivant.e.s qui choisissent de ne pas porter plainte.
(Consultez la version PDF pour voir le graphique à l'appui.)[53]
Les thérapeutes et les fournisseurs de services ont déclaré :
« Savoir que nos dossiers pourraient être assignés à comparaître exige que nous rédigions nos dossiers de manière extrêmement vague pour nous assurer qu'il n'y a rien que l'avocat d'un ex-partenaire puisse utiliser contre le client. C'est frustrant parce qu'il faut être vague au point que les notes sont difficiles à suivre, avec beaucoup d'informations pertinentes omises pour protéger le client. »[54] [Traduction]
« Ces demandes prennent du temps et des ressources au détriment de la prestation de services aux victimes. » [55][Traduction]
« La menace d'assignations à comparaître empêche de faire du bon travail en termes de traitement et de traitement. Le client et le thérapeute sont tous deux réticents à s'engager de manière significative. »[56] [Traduction]
« Les demandes sont souvent faites de manière malveillante dans le but de la part de l'agresseur d'accroître son pouvoir et son contrôle, ce qui fait du système judiciaire un autre outil dans sa boîte à outils d'abus et de violence. »[57]
« Les survivant.e.s se sentent exposés et ont l'impression que leur souffrance est maintenant exposée au monde entier. Ils ont également l'impression qu'il s'agit d'une continuation de l'abus de la part de l'agresseur en raison d'une intrusion dans leur vie très personnelle. Se sentir moins en sécurité. Rupture de confiance. Si leurs dossiers de counseling ne sont pas sûrs et constituent des moyens que les accusés peuvent utiliser pour humilier ou contrôler la survivante. »[58] [Traduction]
Les fournisseurs de services dont les dossiers ont été assignés à comparaître ont également éprouvé de la détresse. Nous avons demandé aux thérapeutes et aux fournisseurs de services qui avaient des dossiers de clients assignés à comparaître au cours des 5 dernières années de fournir une note subjective de 0 à 10 pour décrire l'impact mental sur les clients et sur eux-mêmes en tant qu'aidants. Un score de 0 ne représentait aucun impact négatif sur la santé mentale, et un score de 10 représentait un impact négatif très significatif sur la santé mentale.
- Les thérapeutes et les fournisseurs de services ont indiqué que les assignations à comparaître pour des dossiers de thérapie ont un impact négatif important sur la santé mentale des survivant.e.s et sur eux-mêmes.
- Sur une échelle de 0 à 10 mesurant les niveaux subjectifs de détresse, il y avait moins d'un point de différence dans le score qu'ils attribuaient aux survivant.e.s (7,71) et à eux-mêmes (7,03).[59]
Dans les réponses qualitatives, nous avons entendu que de nombreux thérapeutes avaient l'impression que cela nuisait à l'alliance thérapeutique et qu'ils s'inquiétaient de l'impact négatif possible sur les survivant.e.s qui passent par le SJP.
- « J'ai eu mes dossiers assignés à comparaître et c'était incroyablement stressant. Je me sentais tellement inquiète à propos de ce que j'écrivais et de la façon dont cela pouvait être interprété et je pensais à l'impact que cela pourrait avoir sur le client. C'était aussi incroyablement invasif, j'avais l'impression d'être sous un microscope.»[60] [Traduction]
- « Je ne savais pas si je risquais d'être pénalisé par le tribunal pour ne pas avoir apporté les documents, si le tribunal m'obligerait à les produire ou si mon organisation me soutiendrait avec des conséquences potentielles. Je ne voulais pas faire ou dire quoi que ce soit involontairement qui puisse causer du tort à mon client ou au procès. »[61] [Traduction]
- « Donne lieu à des inquiétudes quant au fait qu'une erreur a peut-être été commise ou que vous avez peut-être divulgué « trop » sur les émotions ou les sentiments d'un client dans des notes de service. Cela crée la crainte que votre documentation n'ait un impact négatif sur le client lorsqu'il est contre-interrogé. »[62] [Traduction]
De nombreux thérapeutes ou prestataires de services contestent les demandes de dossiers
« La protection des dossiers des survivant.e.s est une priorité pour notre agence. La lutte contre ces assignations à comparaître a coûté cher à notre organisation, ce qui a finalement un impact sur nos services directs. De plus, cela cause un stress important à notre équipe de direction. »[63] [Traduction]
Les thérapeutes et autres prestataires de services ont estimé que le fait de fournir leurs dossiers au tribunal constituait une violation de l'éthique. Les prestataires qui travaillaient au sein de grandes agences gouvernementales divulguaient des informations sur demande, mais de nombreux autres prestataires de soins indépendants ou communautaires se sont battus contre la divulgation devant les tribunaux.
- Dans notre étude, 31 fournisseurs ont estimé avoir reçu un total de plus de 116 demandes de dossiers au cours des 5 dernières années.
Coûts associés aux demandes de production de documents. Les intervenant.e.s dont les dossiers avaient fait l'objet d'une assignation à comparaître au cours des 5 dernières années ont signalé des frais juridiques allant de 0 $ lorsque des services pro bono étaient offerts à 20 000 $ pour un organisme.
- Pour les thérapeutes privés, répondre aux demandes de dossiers est du temps non compensé qui affecte directement leur capacité à subvenir financièrement aux besoins de leur famille. Le temps consacré à l'obtention de conseils juridiques, à la préparation de documents, au respect des ordonnances du tribunal et à la présence au tribunal rend un thérapeute indisponible pour des séances de counseling, éliminant ainsi des revenus et étendant indirectement le préjudice à d'autres personnes cherchant un soutien urgent pour leur santé mentale.[64]
Frais pour les prestataires de services :
- Les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et les thérapeutes paient des frais juridiques pour contester les demandes de production de documents devant les tribunaux. Nous avons entendu que certains centres paient de 2000 $ à 5000 $ en frais juridiques par année. L'argent consacré aux frais juridiques réduit les services de base pour les survivant.e.s.[65]
- Dans certains de ces cas, les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ne tiennent pas de dossiers en raison du risque d'assignation à comparaître, mais ils paieront tout de même des frais juridiques pour contester une demande de casier judiciaire parce qu'ils croient que les survivant.e.s méritent des espaces sûrs pour guérir qui ne sont pas exploités par leur agresseur.[66]
- Un thérapeute privé avait des dossiers pour plusieurs clients assignés à comparaître dans la même affaire, et ils ont également été assignés à témoigner. La préparation de documents, l'obtention de conseils juridiques, la préparation et la comparution au tribunal leur ont coûté l'équivalent d'un mois de temps sans heures facturables, ce qui a déstabilisé le revenu familial et la capacité de subvenir aux besoins de leur famille[67]
Les thérapeutes pensaient que leurs dossiers devraient être mieux protégés. Ils croyaient que lorsque les dossiers thérapeutiques sont divulgués, ce que les survivant.e.s partagent en thérapie est déformé et utilisé contre le survivant.
« Je crois fermement que les dossiers de thérapie des clients doivent rester confidentiels. S'il y a quoi que ce soit qui indique qu'une personne est à risque de préjudice, les thérapeutes sont éthiquement tenus de le signaler aux autorités les plus appropriées. Les dossiers de thérapie confidentiels ne doivent pas être utilisés devant un tribunal pour discréditer ou minimiser une attaque violente ou une violence conjugale. Personne ne mérite d'être maltraité. »[68] [Traduction]
Utilisation abusive des dossiers de counseling en contre-interrogatoire
Un procureur de la Couronne a raconté qu'une plaignante avait été contre-interrogée au sujet d'un rêve qu'elle avait partagé avec son thérapeute au sujet de l'agression sexuelle. Dans le rêve, elle se blâmait elle-même et avait partagé ces sentiments dans le cadre thérapeutique. Elle a été contre-interrogée sur le rêve et ses différences avec son témoignage.
Une survivante nous a raconté qu'elle avait partagé avec son thérapeute un rêve sur l'agression sexuelle. La survivante avait souri dans son rêve. Lorsque ses dossiers ont été assignés à comparaître, elle a été contre-interrogée pendant 3 heures sur ce rêve sur la base des notes de son thérapeute.
Nous croyons que le régime des documents privés ne va pas assez loin pour protéger les dossiers thérapeutiques, qui se distinguent des autres dossiers en raison du lien spécifique avec l'accès des survivant.e.s à des services de santé mentale qui sauvent des vies. Nos preuves montrent un effet dissuasif sur les survivantes qui signalent des infractions sexuelles à la police et cherchent un traitement.
Il existe des preuves évidentes d'un effet dissuasif
Dans le cadre de notre enquête, de nombreux intervenant.e.s ne croyaient pas que les régimes de production et d'admissibilité des documents atteignaient pleinement leurs objectifs.
Sondage auprès des intervenant.e.s
Notre sondage a révélé que 47 % d’entre eux n'étaient pas d'accord pour dire que le régime des dossiers favorise effectivement l'intérêt de la société à encourager les victimes d'infractions sexuelles à signaler leur incident à la police.
- 68 % des professionnels de la santé mentale (n = 44) et 61 % des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle (n = 36) n'étaient pas d'accord avec l'affirmation selon laquelle le régime de dossiers encourage les victimes à se manifester et à porter plainte. Ces points de vue sont importants, car de nombreuses survivantes parlent d'infractions sexuelles à des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et à des thérapeutes – et ne signalent pas ces infractions à la police ou à qui que ce soit d'autre!
- 40 % des procureurs de la Couronne étaient d'accord (n = 103) que le régime des dossiers aide les survivant.e.s à se manifester.[69]
Protection des dossiers. Les intervenant.e.s avaient des points de vue divergents sur la question de savoir si les dossiers de counseling ou de thérapie sont protégés adéquatement en vertu de la loi actuelle.
- Un pourcentage égal étaient d'accord et en désaccord (35 %)
- Les personnes qui travaillaient dans le système étaient plus susceptibles de croire que la loi protégeait les dossiers, comme les avocats de la défense (70 %), la Couronne (61 %) et la police (40 %).
- Les intervenant.e.s qui travaillaient directement avec les survivant.e.s étaient plus susceptibles de ne pas être d'accord avec l'affirmation selon laquelle la loi protégeait les dossiers, comme les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle (48 %) et les professionnels de la santé mentale (45 %).
Pertinence des documents. Dans l'ensemble, les intervenant.e.s étaient plus susceptibles d'être en désaccord avec l'affirmation selon laquelle les dossiers de counseling ou de thérapie fournissent des preuves précieuses dans les procès de violence sexuelle – 52 % des intervenant.e.s étaient en désaccord contre 21 % qui étaient d'accord (n = 385).
- Étant donné que l'utilisation des dossiers dans un procès est directement liée au travail de la défense et des procureurs de la Couronne, il est utile de noter que seulement 18 % des avocats de la défense (n = 11) et 8 % des procureurs de la Couronne (n = 103) ont convenu que les dossiers de counseling ou de thérapie fournissent des éléments de preuve précieux.
- Ce résultat soulève la question de l’équilibre entre les préjudices évidents causés aux survivant.e.s et les avantages pour les accusés.
Chercher un traitement. Dans le cadre de notre enquête, 42 % des intervenant.e.s étaient en désaccord avec l'affirmation selon laquelle les régimes de production et d'admissibilité des documents favorisent effectivement l'intérêt de la société à encourager les victimes d'infractions sexuelles à se faire soigner, comparativement à 23 % qui étaient d'accord.
- 59 % des professionnels de la santé mentale (n = 44) et 52 % des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle (n = 37) étaient en désaccord avec l'affirmation selon laquelle les régimes de production et d'admissibilité des dossiers encouragent les victimes à faire rapport. Ces points de vue sont importants parce que les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et les thérapeutes sont régulièrement témoins de la façon dont les survivant.e.s sont lésés lorsqu'on leur dit que leurs dossiers de thérapie pourraient être assignés à comparaître.
- Un peu plus de procureurs de la Couronne (n = 102) étaient en désaccord (36 %) qu'en étaient d'accord (31 %) pour dire que le régime de dossiers encourage les survivant.e.s à accéder à un traitement, tandis que 73 % des avocats de la défense étaient en désaccord ((n = 11).
Effet dissuasif sur les survivant.e.s. Même avec le régime de production et d'admissibilité de documents, les survivant.e.s ont déclaré avoir dû choisir entre l'accès aux services de santé mentale et l'accès à la justice.
- Certaines survivantes reçoivent des conseils de fournisseurs de services, d'autres survivantes, de policiers, de procureurs de la Couronne ou de conseils juridiques indépendants (ADI) de ne pas parler à un thérapeute parce que leurs dossiers pourraient être assignés à comparaître (12 %) ou que leur thérapeute pourrait être appelé à témoigner devant le tribunal (11 %). Une proportion équivalente de survivant.e.s (11 %) ont déclaré que les protections existantes dans la loi leur avaient été expliquées (n = 973).
- 187 survivant.e.s (20 %) voulaient parler à un thérapeute, mais avaient l'impression qu'ils ne pouvaient pas le faire parce que leur dossier de counseling pouvait être assigné à comparaître.
- 129 survivant.e.s (13 %) ont choisi de ne pas signaler une infraction sexuelle à la police parce qu'ils voulaient avoir accès au counseling.
Suivi de l'effet dissuasif au fil du temps. Il existe peu de données sur les demandes de dossiers de counseling aux survivant.e.s. Des examens antérieurs de la jurisprudence ont conclu qu'il est difficile de déterminer si ces demandes sont une pratique courante pour la défense et à quelle fréquence les dossiers sont produits au juge ou divulgués à la défense.[70] Toutefois:
- Un examen plus ancien des cas de décembre 1999 à juin 2003 a révélé que la majorité des demandes de dossiers comprenaient une demande de dossiers thérapeutiques (23 %), que les femmes étaient plus susceptibles de faire l'objet d'une assignation à comparaître et que dans les cas jugés pertinents, les dossiers ont été produits au juge dans 63 % des cas, et que la communication totale ou partielle à la défense a été faite dans 35 % des cas.[71]
- Une étude du régime des dossiers réalisée en 2008[72] a révélé que certaines catégories de plaignants vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, pourraient être les plus à risque de voir leurs dossiers admis en preuve lors des procès. Cela comprend les enfants pris en charge par les services de protection de l'enfance, les femmes ayant des antécédents de santé mentale ou des handicaps, les femmes autochtones et les immigrantes et les femmes racialisées. L'étude a également révélé que la plupart des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle au Canada ont adopté des pratiques minimales de tenue de dossiers en réponse aux demandes de divulgation.
Dans notre sondage auprès des survivant.e.s, nous avons observé une augmentation au fil du temps du pourcentage de survivant.e.s qui avaient l'impression de ne pas pouvoir accéder à des services de counseling ou de ne pas se présenter à la police parce que leurs dossiers pouvaient être assignés à comparaître, et une augmentation du pourcentage de survivant.e.s dont les dossiers ont finalement été assignés à comparaître. Le tableau suivant présente les réponses des survivant.e.s en fonction de l'année suivant le dernier incident de violence sexuelle.
Si nous limitons nos données aux survivantes qui ont signalé des violences sexuelles à la police, et si nous filtrons par année de dernier contact avec le SJP, 1 survivant sur 4 en contact avec le SJP en 2020 ou plus tard avait l'impression de ne pas pouvoir parler à un thérapeute et 1 sur 10 a vu son dossier thérapeutique assigné à comparaître.
En raison du régime de la production et l’admissibilité des dossiers, nous savons qu'il y a plus de tentatives d'accès aux dossiers des survivant.e.s que ce que les tribunaux permettent. Les demandes doivent satisfaire à un test en deux étapes avant de pouvoir être produites à la défense et à un deuxième processus en deux étapes avant que les documents puissent être utilisés par la défense comme preuve – mais elles sont assignées à comparaître d’un détenteur de dossier afin d'effectuer ce test en deux étapes. Nous avons également entendu le témoignage de survivant.e.s selon lesquels les demandes de dossiers privés peuvent être utilisées pour intimider et embarrasser les plaignantes : c'est exactement l'observation de la CSC dans l'affaire R c. J.J.[73]
Pour les survivant.e.s dont l'affaire a été portée devant les tribunaux (n = 116) :
- 1 survivante sur 3 a déclaré que la défense voulait soulever des antécédents sexuels (32 %).
- 1 survivant sur 4 a déclaré que la défense voulait accéder à des dossiers privés (24 %).
- 1 survivante sur 5 a déclaré que la défense voulait accéder à son dossier de counseling (22 %).
Cas survenus en 2020 ou plus tard. L'augmentation des applications de défense est encore plus évidente dans les affaires récentes. Lorsque nous filtrons ces réponses par année du dernier contact avec le SJP, tous les indicateurs sont plus élevés dans les cas qui se sont terminées en 2020 ou plus tard (n = 64) :
- 34 % des survivantes ont déclaré que la défense voulait soulever des antécédents sexuels.
- 29 % des survivantes ont déclaré que la défense voulait accéder à leurs dossiers de counseling ou à d'autres dossiers privés.
Les délais de l'arrêt R c. Jordan, combinés aux régimes de casiers, placent les survivant.e.s dans une position intenable[74]
Le Parlement a créé les régimes de production et d'admissibilité des documents et des antécédents sexuels dans le but de protéger les plaignants d'agression sexuelle. Depuis, la CSC a imposé des délais chiffrés pour la poursuite de toutes les infractions criminelles dans l'affaire R c. Jordan.
- Le caractère arbitraire des délais de l’arrêt Jordan signifie que, lorsque les protections des régimes de documents sont appliquées, il est plus probable qu'une affaire soit suspendue, ce qui causera un préjudice plus important aux survivant.e.s et compromettra l'objectif de ces régimes.[75]
« Tous ces amendements étaient un changement indispensable, et ils ont beaucoup fait pour protéger la vie privée et la dignité des survivant.e.s. Malheureusement, l'augmentation du nombre de ces motions et l'augmentation de la complexité de ces motions entraînent beaucoup de retards dans le système judiciaire. Par conséquent, il peut être difficile pour le tribunal de fournir des ressources suffisantes pour ces affaires afin qu'elles puissent être réglées dans les délais imposés par l'arrêt R c. Jordan. Compte tenu du courage qu'il faut aux survivant.e.s pour se manifester en premier lieu, il est dévastateur pour les survivant.e.s que les accusations soient suspendues à la suite de la décision R c. Jordan. »[76] [Traduction]
Des procureurs de la Couronne de partout au Canada nous ont dit que ces protections, et en particulier le régime de production et d’admissibilité des dossiers, ont fait en sorte que de nombreuses poursuites pour violence sexuelle ont nécessité des requêtes préparatoires au procès en plusieurs étapes.[77] Les juridictions qui ont été touchées de manière disproportionnée par l’arrêt R c. Jordan offrent moins de protection aux survivant.e.s.
« Par souci de commodité, le pouvoir judiciaire saute souvent l'étape 1 par manque de temps et de ressources. La fonction de gardien est presque inexistante. Cela conduit les plaignants à être forcés d'engager un avocat et à de longues audiences, ce qui cause un stress inutile aux victimes de violence sexuelle (craignant que leurs dossiers personnels ne soient divulgués) et exerce une pression importante sur notre système de justice, car ces audiences et décisions sont longues. »[78] [Traduction]
L'une des propositions qui nous a été faite était de permettre aux juges chargés de la gestion des causes de s'occuper des demandes d’antécédents sexuels et de production et d’admissibilité de dossiers privés. Cela encouragerait l'examen précoce de ces demandes et l'établissement d'un calendrier, et permettrait au cadre des juges de la gestion des causes d'acquérir une expertise spécialisée.
Dans une entrevue avec un procureur principal a déclaré qu'il était déraisonnable d'essayer d’imposer des délais Jordan dans les cas d'agression sexuelle où la CSC a reconnu la nécessité de protections supplémentaires. Il ajouta que cela renforce l'inégalité entre les sexes. Il a dit qu'il n'était pas logique d'allouer autant de temps au vol de voiture qu'aux agressions sexuelles, alors que les obligations légales envers les survivantes de violence sexuelle prendront probablement plus de temps. Cela augmente le risque que les affaires de crimes fondés sur le sexe soient suspendues en vertu de l'arrêt R c. Jordan.[79]
Un autre procureur principal a fait remarquer : « Je crois que l'accent devrait être mis sur la gestion efficace des cas d'agression sexuelle et sur le fait de s'assurer que les avocats respectent les délais autant que possible plutôt que de se concentrer sur la complexité et le temps qu'ils nécessitent. Les plaignants ne devraient pas avoir à choisir entre exercer leurs droits à la vie privée, à l'égalité et à la dignité, ainsi que demander à leur propre avocat de défendre ces droits, ou que le procès se déroule dans les délais prescrits par l'arrêt Jordan. »[80]
« La représentation juridique indépendant, en particulier dans les cas de dossiers de thérapie, est essentielle pour protéger la dignité, l'égalité et les droits à la vie privée d'un survivant/plaignant. »[81][Traduction]
Une autre procureure a noté que ces protections sont bien gérées dans sa juridiction.[82] « S'ils sont identifiés tôt dans le processus et gérés efficacement par les conférences préparatoires au procès et les conférences de gestion de cas, il n'y a aucune raison pour qu'ils ne puissent pas être jugés dans les délais établis par l'arrêt Jordan. En général, il s'agit de demandes préalables au procès qui devraient être décidées avant le procès et les vrais problèmes se posent lorsqu'elles sont présentées au milieu du procès, en particulier dans les procès devant jury. »[83]
Demandes en cours de procès
Nous avons entendu, très clairement, les procureurs de la Couronne et les survivant.e.s parler de l'effet néfaste des demandes de dossiers privés présentées en cours de procès.
« Les demandes présentées en cours de procès si causent beaucoup de tort et obligent souvent les plaignants à faire des choix difficiles. Ce type de recours devrait être évité à tout prix et les avocats de la défense devraient être pris à partie par le pouvoir judiciaire et ne pas être autorisés à moins que quelque chose de nouveau ne soit survenu et qu'il n'ait pas été possible de l'anticiper. »[84] [Traduction]
Ces demandes ont entraîné des délais importants et accru le risque d'une demande d'arrêt des procédures. Nous avons également appris que les demandes présentées en cours de procès dans le cadre d'un procès devant jury augmentaient le risque d'annulation du procès.[85] Certains survivant.e.s et intervenant.e.s ont estimé qu'il s'agissait d'une stratégie de défense intentionnelle.[86]
Les demandes présentées en cours de procès ont de graves répercussions sur les survivant.e.s sous serment ou affirmation solennelle.[87] Que les demandes de dossiers personnels soient autorisées ou non, les demandes de mi-procès nuisent aux survivant.e.s. Ces demandes comportent plusieurs étapes, et le plaignant peut être sous serment lorsque la demande est présentée et cela peut durer des semaines ou des mois pendant que la demande est en cours. Lorsqu'ils prêtent serment, les plaignants :
- Ne peut pas discuter de quoi que ce soit avec les thérapeutes, les amis ou la famille.
- Pourrait éprouver de la détresse physique et psychologique en se préparant à témoigner (deux fois).
- Ne serait pas en mesure de poser des questions à la Couronne pendant la période de présentation de la demande.
Essentiellement, les plaintes sont isolées efficacement, juste au moment où elles ont besoin d'aide.
Nous avons également entendu :
- Les procureurs de la Couronne peuvent hésiter à communiquer ou limiter la communication avec le plaignant.
- Les circonstances de vie de la famille et des amis sont affectées négativement.
- Un délai prolongé n'est pas non plus réaliste pour un procès devant jury.[88]
Le préjudice causé aux survivant.e.s se produit, que la demande de dossiers soit acceptée ou non. Le préjudice provient de la demande et du retard causé par une demande en cours de procès. Ces répercussions pourraient toucher la santé mentale du plaignant, ainsi que les personnes à sa charge et son emploi.
Étude de cas – Impact néfaste des demandes en cours de procès sur les survivant.e.s
« Cette motion n'a pas été présentée à l'avance dans aucun de mes cas, mais la défense l'a présentée comme une tactique dilatoire après mon assermentation. Une motion a été présentée pour obtenir des dossiers de counseling, et j'ai été laissé assermenté.
Le juge m'a conseillé de ne pas discuter des détails du cas avec mon psychologue ou une autre personne avant d'avoir terminé mon témoignage. Je n'ai pas pu accéder à une thérapie pour discuter des flashbacks, du contre-interrogatoire, du SSPT pendant plus de huit mois alors que le 278.1 était traité.
Ce processus m'est arrivé deux fois [avant mes 18 ans], avec des avocats de la défense différents. Tous deux ont attendu que je sois à la barre au procès et que je prête serment. Ces motions SONT UTILISÉES POUR RETARDER [LE PROCÈS].
Ma thérapeute a été remerciée et sa lettre de recommandations pour des accommodations a été entièrement ignorée; la défense s'est moquée d'elle lorsqu'elle est venue en personne. Ma psychologue et moi avons pleuré sur le stationnement du palais de justice. »[89] [Traduction]
Le fardeau accru des demandes
De nombreux intervenant.e.s étaient d'avis que les demandes visant à introduire des antécédents sexuels ou à obtenir des dossiers privés étaient une cause importante des retards dans le système judiciaire. Un procureur de la Couronne a suggéré que c'était la principale raison pour laquelle le « système est encombré ».[90]
- Nous avons entendu que, dans certaines juridictions, il était courant ou presque « automatique » pour les avocats de la défense de demander des dossiers thérapeutiques, tandis que dans d'autres juridictions, ont dit qu'il est assez rare que la défense demande des dossiers de counseling.[91]
- L'augmentation du nombre de demandes en cours de procès et le volume excessif de documents électroniques ont fait l'objet d'un groupe de travail au sein de la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada.[92]
Dans l'ensemble, nous avons entendu que les demandes de divulgation et les ordonnances de communication pour différents types de documents ont augmenté de façon exponentielle. Cela a conduit à des raccourcis pour rester dans les échéanciers de l'affaire R v. Jordan. Les procureurs de la Couronne et la défense ont parlé du volume important de preuves numériques, y compris des messages textes, des courriels et de nombreux autres documents électroniques. Un procureur de la Couronne (qui était auparavant avocat de la défense) a décrit cette décision comme étant stratégique :
« J'avais l'habitude de faire beaucoup d'affaires d'écoutes téléphoniques. Et souvent, le but du jeu dans la défense criminelle complexe est de rendre le dossier aussi compliqué que possible pour la Couronne afin qu'il s'effondre sous son propre poids. Je crois que les avocats de la défense adoptent maintenant la même stratégie dans beaucoup d'affaires de violence sexuelle, en raison de beaucoup de règles spéciales, de leur souplesse et du fait que tout nécessite une analyse de cas spécifique. Il est très facile de faire dérailler ces poursuites et de les rendre beaucoup plus complexes. Ce qui aurait été un procès à deux témoins il y a 10 ans est maintenant un procès devant jury d'une semaine avec plusieurs jours de motions préalables au procès, et probablement un ajournement qui vous surprend quelque part là-bas. »[93] [Traduction]
Les avocats de la défense ont convenu que le régime des dossiers est un facteur important des retards dans le SJP.
- Une personne a fait remarquer que la prépondérance des communications électroniques (textes, vidéos, clavardages, courriels, notes vocales, publications sur les médias sociaux) a exacerbé la complexité des régimes de documents privés.
- Certains avocats de la défense étaient d'avis qu'un défenseur des victimes pourrait aider à réduire les délais associés aux demandes de documents en offrant des conseils sur le moment de consentir à la divulgation des documents ou en aidant à expliquer la complexité du régime.[94]
- L'avocat de la défense a souligné qu'il est difficile de fixer de nouvelles dates pour l'avocat de la défense, la Couronne et l'avocat de la plaignante dans les demandes qui sont présentées mi-procès.[95]
- Une représentante des avocats de la défense était d'avis qu'il est possible que certains avocats de la défense agissent de manière contraire à l'éthique et utilisent des demandes de documents la défense pour écouler les délais prescrits par l'arrêt Elle a aussi expliqué que les avocats de la défense sont également conscients de leur responsabilité envers la Cour à l'égard des demandes inutiles. De plus, elle a souligné qu'une demande de dossiers exposerait l'accusé à la possibilité d'un témoignage et d'un contre-interrogatoire sur la demande.[96]
Preuve de l'inactivité sexuelle d'une survivante
En 2025, la Cour suprême du Canada s'est penchée sur une affaire dans laquelle la Couronne s'était appuyée sur le témoignage de la plaignante concernant un désintérêt pour les relations sexuelles.[97] La Cour s'est dite préoccupée par le raisonnement fondé sur les mythes sexuels inversés. La Cour a statué que la preuve de l'inactivité sexuelle était également régie par les procédures de common law régissant les antécédents sexuels dirigés par la Couronne – reflétant ainsi le régime de l'article 276. La Cour a déclaré que la preuve d'inactivité sexuelle fait partie des antécédents sexuels d'un survivant et qu'elle est donc présumée irrecevable.
- Cette décision infirme des décisions antérieures de la Cour d'appel de l'Alberta et de l'Ontario.[98] Cette décision oblige la Couronne de présenter une demande Seaboyer[99] afin de présenter une preuve d’inactivité sexuelle d'une survivante, par exemple des communications de la victime selon lesquelles elle ne voulait pas se livrer à une activité sexuelle. Ce jugement transforme une exigence visant à protéger les victimes en une exigence conçue pour protéger l'accusé et porter atteinte aux droits des victimes.
Ces nouvelles exigences imposées aux procureurs de la Couronne dans les demandes d'antécédents sexuels dirigées par la Couronne et le processus à deux étapes contribueront aux retards, ce qui aura une incidence sur les délais prévus par l’arrêt Jordan.
- Les applications Seaboyer se déroulent en deux étapes. Ces mesures supplémentaires nécessiteront plus de temps pour la Couronne, la défense et les tribunaux, ainsi que du temps en salle d'audience.
- Les plaignants n'ont pas automatiquement le droit d'avoir la qualité pour agir dans les demandes de type Seaboyer, mais les juges peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire de leur accorder. Cela peut nécessiter une date d'audience supplémentaire pour déterminer si le plaignant devrait avoir qualité pour agir avant la deuxième étape d’une demande Seaboyer.
- Les survivant.e.s voudront être représenté.e.s par un avocat pour ces demandes, ce qui s'ajoute à d'éventuels problèmes de calendrier pour le tribunal.
- La deuxième étape d'une demande de type Seaboyer nécessitera généralement un affidavit, qui proviendra le plus souvent du plaignant. Bien que la CSC affirme que cet affidavit n'est pas une exigence, elle affirme également que la demande de la Couronne aura peu de chances d'être accueillie sans ceci.
- Une affidavit de la survivante dans le cadre de cette demande l'expose à un contre-interrogatoire dans le cadre de la demande préalable au procès. Les procureurs de la Couronne devront souvent choisir entre exposer la victime à un contre-interrogatoire précoce et préjudiciable sur la demande, ou renoncer à présenter des éléments de preuve qui seraient utiles à la poursuite.
- Les contre-interrogatoires sont l'une des parties les plus stressantes d'un procès criminel pour les survivant.e.s – cette décision a ajouté un autre contre-interrogatoire possible pour un survivant.
Les régimes de dossiers doivent mieux protéger les dossiers thérapeutiques afin de protéger les droits des survivant.e.s garantis par la Charte
Même si les survivant.e.s bénéficient de protections supplémentaires dans les régimes des antécédents sexuels, de la production et l'admissibilité de documents, nous avons entendu ce qui suit :
- Les avocats de la défense demandent ou menacent régulièrement de demander des dossiers privés, y compris des dossiers thérapeutiques, ou de présenter des preuves d'antécédents sexuels fondées sur des mythes et des stéréotypes de viol.
- Les régimes de production et d'admissibilité des documents n'ont pas suffisamment limité la portée excessive des demandes des dossiers par les avocats de la défense.
- Les conséquences sur la santé mentale des survivant.e.s sont indéniables lorsque leurs dossiers de counseling sont demandés ou divulgués.
Les droits de l'accusé en vertu de l'alinéa 11b) ne peuvent être examinés isolément
- Dans l’affaire R c. Mills,[100] la Cour suprême du Canada a clairement indiqué qu'aucun des principes en jeu dans l'application des documents privés – la défense pleine et entière, la vie privée et l’égalité – n'était absolu et susceptible de l'emporter sur les autres.[101] La Cour a également statué que ce conflit est résolu par l’examen des droits contradictoires en fonction des faits de chaque affaire. Enfin, la Cour a souligné que les droits garantis par la Charte doivent être interprétés de façon large : l'équilibre des droits garantis par la Charte se produit dans le cadre d'une analyse fondée sur l'article premier.
- Dans l'arrêt R c. J.J., la Cour suprême s'est penchée sur le régime d'admissibilité des dossiers et la qualité pour agir des victimes dans les demandes présentées en vertu de l'article 276. La Cour a expliqué que « L’alinéa 11d) ne garantit pas « les procédures les plus favorables que l’on puisse imaginer » pour l’accusé, et il n’y a pas automatiquement atteinte au droit qui y est prévu lorsqu’une preuve pertinente est exclue... un accusé n’a pas « le droit de bénéficier de procédures qui ne tiennent compte que de ses intérêts. Il a encore moins le droit de bénéficier de procédures qui dénatureraient la fonction de recherche de la vérité d’un procès en permettant la communication au procès d’éléments de preuve non pertinents et préjudiciables » (par. 24). Le principe général d’équité du procès ne doit pas non plus être considéré uniquement du point de vue de l’accusé. Fait crucial, comme l’a affirmé la Cour dans l’arrêt Mills, l’équité est aussi considérée du point de vue de la plaignante et de la collectivité»[102] [Emphase ajouté]
Les droits des survivant.e.s à la sécurité de la personne sont-ils violés?
Dans l'arrêt Morgentaler 1 (1988[103]), les juges majoritaires ont conclu que « l'atteinte de l'État à l'intégrité corporelle et le stress psychologique grave imposé par l'État, du moins dans le contexte du droit pénal, constituent une atteinte à la sécurité de la personne ».
- En appliquant cette optique aux dossiers thérapeutiques, la question est de savoir si le fait de permettre l'utilisation des dossiers thérapeutiques comme preuve limite l'accès des survivant.e.s aux soins. Nous pensons qu'il y a des preuves convaincantes que c'est le cas.
Dans l’affaire Canada c. PHS,[104] la Cour suprême a statué que « lorsqu'une loi crée un risque pour la santé en empêchant l'accès aux soins de santé, il y a existence d'une atteinte au droit à la sécurité de la personne ».[105]
- Nos témoignages montrent que le fait de permettre à une personne accusée de demander l'accès à des dossiers thérapeutiques augmente le risque pour la santé d'une survivante.
Les droits à l'égalité des survivant.e.s sont-ils violés?
Le critère en deux étapes pour l'évaluation d'une demande fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte « exige que le demandeur démontre que la loi ou l'action de l'État contestée a) crée une distinction fondée sur des motifs énumérés ou analogues, à première vue ou dans son incidence ; et b) impose un fardeau ou refuse un avantage d'une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d'exacerber le désavantage. »[106]
- Ce critère s'applique également dans les cas de discrimination par suite d'un effet préjudiciable, qui « se produit lorsqu'une loi apparemment neutre a un effet disproportionné sur les membres de groupes protégés sur la base d'un motif énuméré ou analogue ».[107]
Historiquement, les femmes, et particulièrement les femmes marginalisées, étaient victimes de discrimination lorsqu'elles alléguaient un viol ou une agression sexuelle.[108] Les mythes, les stéréotypes et les préjugés ont été utilisés pour discréditer et harceler les femmes qui faisaient des allégations de viol.
- Nous croyons que le fait de ne pas protéger les dossiers thérapeutiques intensifie les préoccupations en matière de protection de la vie privée et désavantage davantage les personnes victimes d'agression sexuelle.[109]
Pourquoi l'identité est si importante
Il faut également tenir compte des répercussions différentielles et croisées pour les personnes victimes de discrimination systémique.[110]
- Les survivantes qui sont étroitement surveillés et documentés par des systèmes, notamment les femmes autochtones, les femmes racialisées, les femmes vivant dans la pauvreté et les femmes handicapées, sont plus susceptibles d'être enregistrées par les systèmes. Il y a plus de documents à leur sujet, plus il y a de documents, plus les risques d'atteinte à la vie privée et plus les obstacles à la déclaration.
- Les personnes qui ont été victimisées ou traumatisées dans le passé sont plus susceptibles de consulter un thérapeute et, par conséquent, sont touchées de manière disproportionnée par ces demandes de documents.
- Les membres de la communauté 2ELGBTQI+ sont des victimes d'agression sexuelle de manière disproportionnée[111] L'Association canadienne pour la santé mentale a constaté qu'entre 2022 et 2023, ces populations étaient plus susceptibles d'avoir une moins bonne santé mentale et d'avoir accès à des services de santé mentale.[112] Cela expose ces groupes à un risque accru d'avoir des documents qui sont ensuite demandés dans le cadre du processus de justice pénale. Combiné aux taux élevés de victimisation sexuelle des membres de la communauté 2ELGBTQIA+, ces personnes courent un risque accru d'utilisation abusive du régime des documents.
D'autres pays se penchent sur cette question
En janvier 2025, la Commission australienne de réforme du droit (ALRC) a publié le rapport final de son enquête Justice Responses to Sexual Violence. Beaucoup de leurs découvertes sont parallèles aux nôtres.
L'ALRC reconnaît qu'avant l'enquête, elle croyait que les régimes de protection des documents par le biais d'un contrôle judiciaire établissaient un équilibre entre la protection des plaignants et les droits de l'accusé. D'après la preuve qu'ils ont recueillie, ils concluent que leur régime de dossiers privés :
- ne fonctionne pas efficacement dans la pratique
- ne protège pas efficacement l'accès des survivant.e.s à la thérapie ou l'intérêt de la société à signaler les faits à la police.
- cause d'autres préjudices et traumatismes aux survivant.e.s
- augmente le temps et les coûts du système de justice.
Ils ont considéré si le privilège de la communication et du counseling devrait être restreint ou absolu.
- « Si les demandes d'accès à des documents sont fréquemment accordées, et si les documents (une fois consultés) sont utilisés fréquemment et avec succès par la défense, cela peut justifier le maintien d'une immunité relative. Toutefois, si les demandes sont rarement accordées et que le matériel est rarement utile, cela tendrait à l'encontre de l'immunité relative et à l'interdiction absolue. La justification de l'exposition de toutes les personnes qui ont subi des violences sexuelles à ce préjudice potentiel devient moins tenable. »[113] [Traduction] (Safe, Informed, Supported : Reforming Justice Responses to Sexual Violence, Australian Law Reform Commission, 2025 à la p. 379)
Dans un changement significatif par rapport aux décisions précédentes, l'ALRC soutient qu'un absolu peut être approprié, mais qu'il faut plus de données sur le fonctionnement du régime pour évaluer correctement l'équilibre. Ils recommandent que le Conseil permanent des procureurs généraux se penche sur la question de savoir si les communications de conseil en matière d'agression sexuelle devraient être absolument privilégiées ou admissibles avec l'autorisation du tribunal.
Options de réforme. Nous avons entendu que les préjudices causés aux survivant.e.s par les régimes de dossiers sont si graves que le seuil d'accès aux dossiers thérapeutiques ne devrait être rien de moins que les protections accordées au secret professionnel de l'avocat ou au privilège de l'informateur. « Il ne devrait y avoir atteinte au privilège que lorsque des questions fondamentales liées à la culpabilité de l'accusé sont en jeu et qu'il existe un risque réel de condamnation injustifiée. »[114] Un intervenant a déclaré :
« Si nous voulions vraiment protéger les dossiers de counseling, ils devraient être protégés au même niveau que le secret professionnel. Ces documents sont souvent des pensées et des émotions du survivant pendant une période traumatisante et ne doivent pas être présentés comme preuves. »[115] [Traduction]
Examen systémique indépendant en Colombie-Britannique : En juin 2025, la Colombie-Britannique a publié le rapport final d'un examen systémique indépendant sur le traitement dans le système judiciaire de la violence entre partenaires intimes et de la violence sexuelle. La Dre Kim Stanton est arrivée à des conclusions similaires sur la façon dont les dossiers privés sont utilisés à mauvais escient dans le système et sur la nécessité de mieux protéger les dossiers de thérapie :
« Les travailleurs de soutien et les avocats se sont beaucoup inquiétés de l'utilisation croissante des demandes de dossiers de tiers par des hommes qui utilisent la violence comme une forme supplémentaire de contrôle et d'abus. Le ministère du Procureur général, en consultation avec des experts pertinents, devrait se demander si une forme de présomption de privilège en matière de la preuve (parfois appelé privilège générique) pourrait être étendue au moyen d'une loi visant à protéger la confidentialité des communications entre les survivant.e.s et les travailleurs d'urgence afin de contrecarrer l'utilisation des demandes de dossiers comme arme dans les cas de violence fondée sur le sexe. »[116] [Traduction]
Des juristes féministes et d'éminentes intervenantes nous ont également dit qu'il devrait y avoir une interdiction absolue de l'utilisation des dossiers thérapeutiques dans la poursuite des infractions de violence sexuelle.
- Elles soutiennent que cette interdiction refléterait les directives de la CSC selon lesquelles les poursuites en matière de violence sexuelle ne devraient pas obliger les plaignants à soumettre les détails de leur vie à l'examen du public et à l'évolution de la société qui valorise la santé mentale et la guérison des plaignants.
Le SJP fait appel aux femmes (en grande majorité des victimes d'agression sexuelle) pour atteindre l'objectif sociétal de prévenir la criminalité, d'encourager le signalement des crimes et d'intervenir en cas de crime.
- Nous croyons que le système n'atteint pas l'objectif (prévenir le crime, encourager le signalement, intervenir en cas de crime) parce qu'il décourage le signalement, augmente les préjudices et les risques de préjudice.
- Dans l’affaire R c. J.J., l'une des plus récentes décisions de la Cour suprême sur le régime des dossiers privés, le juge en chef Wagner et le juge Moldaver ont rendu le jugement majoritaire suivant :
- [1] Le procès criminel peut être humiliant, dégradant et attentatoire pour les victimes d’infractions d’ordre sexuel, notamment parce que les mythes et les stéréotypes continuent de hanter le système de justice criminelle. Dans le passé, les procès offraient peu de protections, sinon aucune, aux plaignantes [1]. Plus souvent qu’autrement, celles‑ci pouvaient s’attendre à ce que les détails de leur vie et de leur moralité soient scrutés de manière injustifiée dans le but qu’elles se sentent intimidées et embarrassées, et que leur crédibilité soit mise en doute — tous des éléments qui compromettaient la fonction de recherche de la vérité du procès. Cela portait en outre atteinte à la dignité, à l’égalité et à la vie privée des personnes qui avaient le courage de porter plainte et de subir les rigueurs d’un procès public.
- [2] Au cours des dernières décennies, le Parlement a apporté plusieurs changements au déroulement du procès, essayant de trouver un juste équilibre entre : le droit de l’accusé à un procès équitable; la dignité, l’égalité et la vie privée de la plaignante; et l’intérêt du public dans la recherche de la vérité. Cet effort se poursuit, mais des statistiques et des récits bien documentés de plaignantes brossent toujours un portrait sombre de la situation. La plupart des victimes d’infractions d’ordre sexuel ne signalent pas ces crimes; et pour celles qui le font, seule une fraction des infractions signalées débouchent sur une poursuite complète. Il faut en faire davantage.
- R c. J.J. 2022 CSC 28 (CanLII) aux para 1-2.
Le BOFVAC réclame des réformes du régime des dossiers
En novembre 2024, dans une soumission au Comité permanent de la condition féminine sur son étude sur la violence fondée sur le sexe (VFS) et les féminicides à l'égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre,[117] nous avons fait part des problèmes liés à l'accès aux dossiers thérapeutiques, notamment des retards et de l'empêchement des survivantes d'accéder à du soutien en santé mentale.[118]
En mai 2024, nous avons participé à la conférence de presse conjointe de Survivor Safety Matters avec les membres Alexa Barkley et Tanya Couch, pour attirer l'attention sur la nécessité d'une réforme urgente de l'article 278.1 du Code criminel (voir l'annexe D pour les modifications proposées par Survivor Safety Matters pour l'article 278 du Code criminel). Cette enquête systémique a également été soulignée dans les remarques de l'ombudsman.[119]
Nous avons souligné les problèmes liés au régime des documents dans une soumission faite en février 2024 au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.[120]
En 2011, l'ombudsman a fait des recommandations au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur son étude de l'Examen législatif des dispositions et de l'application de la Loi modifiant le Code criminel (communication de dossiers dans les cas d'infraction d'ordre sexuel). Le rapport final comprenait des recommandations pour une meilleure recherche sur l'efficacité du régime des dossiers, l'examen des données des survivantes par rapport aux procès et la manque de signalisation des crimes, et la modification de la législation pour s'assurer que les juges informent les victimes de leur droit à l'assistance d'un avocat indépendant dans les demandes de dossiers.
À RETENIR
Un système juste garantit que le fait de demander de l'aide ne soit jamais utilisé contre les survivant.e.s
La justice doit veiller à ce que la guérison privée
ne devienne jamais de la preuve publique
[1] Entretien d’ESSAS auprès d'un survivant #461
[2] D'après un examen de 294 décisions de détermination de la peine disponibles pour 2024 pour des infractions sexuelles dans la base de données de Westlaw Canada.
[3] Dans le présent chapitre, nous utilisons le terme dossiers thérapeutiques pour inclure les dossiers psychiatriques, les dossiers psychologiques, les dossiers de counseling et les dossiers thérapeutiques liés au traitement après une violence sexuelle.
[4] R c. Barton, 2019 CSC 33 (CanLII)
[5] Commentaires du ministère de la Justice du Canada, 23 juillet 2025.
[6] R c. Darrach, [2000] 2 R.C.S. 443 (CSC 200046).
[7] Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 276(3).
[8] Un tiers peut être un thérapeute, un employeur, une entreprise privée (comme un pharmacien, un service de covoiturage), la Couronne ou la police.
[9] Donkers, H. (2018). Analyse des demandes de dossiers de tiers dans le cadre du régime Mills, 2012-2017 : le droit à une défense pleine et entière par rapport aux droits à la vie privée et à l'égalité. CanLIIDocs 192.
[10] R c. J.J., 2022 CSC 28 (CanLII)
[11] Code criminel, LRC 1985, c C-46, paragr. 278.5(2)
[12] Ducket, M. et Ruzicka, L. (2014). Applications in sexual assault offence cases: Third party records, Section 276, Records in the possession of the accused. Law Society of the Northwest Territories. (Disponible en anglais seulement).
[13] Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive des conditions qu'un juge peut consigner au dossier pour protéger la vie privée et la sécurité du plaignant.
[14] R c. Mills, 1999 CanLII 637 (CSC)
[15] Soumission écrite présentée au BOFVAC, 23 juillet 2025.
[16] En 2018, les ministres FPT responsables de la Justice et de la Sécurité publique ont recommandé de faire passer la demande de 7 à 30 jours afin de donner plus de temps aux plaignants pour obtenir des conseils juridiques ou être représentés. Réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables de la Justice et de la Sécurité publique. (2018). Signalement, enquête et poursuite des agressions sexuelles commises contre des adultes : défis et pratiques prometteuses pour améliorer l'accès à la justice pour les victimes.
[17] Code criminel, paragraphe 278.994(2), dont il a été question dans l'arrêt R c. J.J. (2022) CSC 28 (CanLII), aux paragraphes 176 à 179
[18] Code criminel, LRC 1985, c C-46, al. 278.92(3)c), g) et h).
[19] Ducket, M. et Ruzicka, L. (2014). Demandes dans les cas d'agression sexuelle : Dossiers de tiers, article 276, Dossiers en la possession de l'accusé. Barreau des Territoires du Nord-Ouest. (En anglais seulement).
[20] Consultez notre chapitre sur les droits exécutoires pour en savoir plus sur les conseils juridiques indépendants et la représentation juridique indépendante.
[21] R c. J.J., 2022 CSC 28 (CanLII)
[22] R c. Mund (2024) QCCQ 5149, aux paragraphes 68 à 70
[23] Sondage de l’ESSAS auprès des survivant.e.s, réponse #192
[24] R v. T.C. 2021 ONCJ 299 (CanLII)
[25] R c. J.J. 2022 CSC 28 (CanLII)
[26] R c. J.J. 2022 CSC 28 (CanLII), au paragraphe 44
[27] R c. Marakah, 2017 CSC 59
[28] Méta-analyse de 22 études. Dworkin, E. R., Jaffe, A. E., Bedard-Gilligan, M. et Fitzpatrick, S. (2021). PTSD in the year following sexual assault: A meta-analysis of prospective studies. Trauma, Violence, & Abuse, 24(2), 497-514. (Disponible en anglais seulement).
[29] Du Mont, J., Johnson, H. et Hill, C. (2019). Factors associated with posttraumatic stress disorder symptomology among women who have experienced sexual assault in Canada. Journal of Interpersonal Violence, 36(17-18), NP9777-NP9795. (Disponible en anglais seulement).
[30] Fox, V., Dalman, C., Dal, H., Hollander, A. C., Kirkbride, J. B. et Pitman, A. (2021). Suicide risk in people with post-traumatic stress disorder: A cohort study of 3.1 million people in Sweden. Journal of affective disorders, 279, 609–616. (Disponible en anglais seulement).
[31] Revue de 25 études, reflétant N = 88 367 participants. Dworkin, E. R., DeCou, C. R. et Fitzpatrick, S. (2022). Associations between sexual assault and suicidal thoughts and behavior: A meta-analysis. Psychological trauma: theory, research, practice, and policy, 14(7), 1208-1211. (Disponible en anglais seulement).
[32] Examen de 46 méta-analyses. Na, P. J., Shin, J., Kwak, H. R., Lee, J., Jester, D. J., Bandara, P., Kim, J. Y., Moutier, C. Y., Pietrzak, R. H., Oquendo, M. A. et Jeste, D. V. (2025). Social Determinants of health and suicide-related outcomes. JAMA Psychiatry, 82(4), 337. (Disponible en anglais seulement).
[33] Méta-analyse de 165 études portant sur 958 000 enfants de 80 pays. Piolanti, A., Schmid, I.E., Fiderer, F.J., Ward, C.L., Stöckl, H., Foran, H.M. (2025). Global prevalence of sexual violence against children: A systematic review and meta-analysis. JAMA Pediatrics, 179(3), 264–272. . (Disponible en anglais seulement).
[34] Piolanti, A., Schmid, I.E., Fiderer, F.J., Ward, C.L., Stöckl, H., Foran, H.M. (2025). Global prevalence of sexual violence against children: A systematic review and meta-analysis. JAMA Pediatrics, 179(3), 264–272. (Disponible en anglais seulement).
[35] Oh, S., Banawa, R., Keum, B. T. et Zhou, S. (2025). Suicidal behaviors associated with psychosocial stressors and substance use among a national sample of Asian American college students. Journal of Affective Disorders, 372,
540-547. (Disponible en anglais seulement).
[36] Innovation in Campus Mental Health. (s. d.) Suicidality and Sexual Violence Centre for Innovation in Campus Mental Health (Disponible en anglais seulement).
[37] Hoddenbagh, J., Zhang, T. et McDonald, S. (2021). Estimation de l'impact économique de la victimisation avec violence au Canada, 2009. Ministère de la Justice du Canada.
[38] 5,4 millions de dollars ÷ 33,5 millions (population de 2009) = 0,16 $/personne x 40 millions (population de 2024) = 6,4 millions de dollars x inflation (43,83 %, calculatrice de l'inflation de la Banque du Canada) = 9,1 millions de dollars.
[39] Statistique Canada (2024). Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2023.
[40] Méta-analyse de 36 études. O'Doherty, L., Whelan, M., Carter, G. J., Brown, K., Tarzia, L., Hegarty, K., Feder, G. et Brown, S. J. (2023). Interventions psychosociales pour les survivantes de viols et d'agressions sexuelles vécus à l'âge adulte. Base de données Cochrane des revues systématiques, 2023(10).
[41] Revue systémique de 42 études sur les traitements fondés sur des données probantes. Miles, L. W., Valentine, J. L., Mabey, L. J., Hopkins, E. S., Stodtmeister, P. J., Rockwood, R. B. et Moxley, A. N. (2024). A systematic review of evidence-based treatments for adolescent and adult sexual assault victims. Journal of the American Psychiatric Nurses Association, 30(3), 480-502. (Disponible en anglais seulement).
[42] The Centre for Addiction and Mental Health. (2020). Suicide prevention: A review and policy recommendations. CAMH. (Disponible en anglais seulement).
[43] The Centre for Addiction and Mental Health. (2020). Suicide prevention: A review and policy recommendations. CAMH. (Disponible en anglais seulement).
[44] M. (A.) c. Ryan, 1997 CanLII 403 (CSC), au para 27
[45] Revue de 25 études, reflétant N = 88 367 participants. Dworkin, E. R., DeCou, C. R. et Fitzpatrick, S. (2022). Associations between sexual assault and suicidal thoughts and behavior: A meta-analysis. Psychological trauma: theory, research, practice, and policy, 14(7), 1208-1211. (Disponible en anglais seulement).
[46] R c. Khaery, dans Craig, E. (2018). Passer des épreuves aux épreuves : McGill-Queen's University Press. Presses de l'Université McGill-Queen's.
[47] Ministère de la Justice du Canada. (2019). Précis des faits - Agression sexuelle.
[48] Sondage de l’ESSAS auprès des survivant.e.s, réponse #170
[49] R c. J.J., 2022 CSC 28 (CanLII), au para 1
[50] Sondage de l’ESSAS auprès des survivant.e.s, réponse #454
[51] Analyse des données de Westlaw, 30 juillet 2025. Les termes de recherche comprenaient : agression sexuelle, infraction sexuelle, contacts sexuels, incitation à des contacts sexuels et exploitation sexuelle (recherche bilingue EN/FR). Les résultats ont été filtrés à l'aide de décisions, de cours autres que d'appel, de droit pénal. Dans les résultats filtrés, nous avons recherché le terme « suicide » et examiné tous les cas identifiés.
[52] R c. Friesen, 2020 CSC 9
[53] Les réponses marquées « incertain » ne sont pas indiquées, mais sont prises en compte dans le calcul du pourcentage.
[54] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #218
[55] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #356
[56] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #106
[57] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #197
[58] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #319
[59] Échelle des survivant.e.s : moyenne 7,71 ; médiane 9 ; écart-type 2,73 ; Échelle du fournisseur de services : moyenne 7,03 ; médiane 7 ; écart-type 2,64.
[60] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #204
[61] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #304
[62] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #336
[63] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #365
[64] Uguen-Csenge, E. (2021, 2 juin). B.C. Rape Crisis Centres paying thousands to protect victims’ confidential files in sexual assault trials. CBC News. CBC News. (Disponible en anglais seulement).
[65] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #024 ; Table de consultation d’ESSAS #32 : Centres indépendants d'aide aux victimes d'agression sexuelle des Prairies
[66] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #007, 024
[67] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #201
[68] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #387
[69] Dans les tableaux qui suivent, tous les types d’intervenant.e.s ne sont pas présentés. Nous avons choisi de mettre en lumière les points de vue de la police, de la Couronne et de la défense au sein du système de justice pénale, et de présenter les points de vue des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et des professionnels de la santé mentale, car ils participent souvent à des discussions avec les survivant.e.s au sujet de leurs dossiers de thérapie.
[70] McDonald, S., Wobick, A. et Graham, J. (2004). Projet de loi C-46 : Dossiers demandés après l'arrêt Mills, une revue de jurisprudence. Ministère de la Justice du Canada.
[71] McDonald, S., Wobick, A. et Graham, J. (2004). Projet de loi C-46 : Dossiers demandés après l'arrêt Mills, une revue de jurisprudence. Ministère de la Justice du Canada.
[72] Gotell, L. (2008). Suivi des décisions relatives à l'accès aux dossiers confidentiels des plaignants d'agression sexuelle : la perméabilité continue des paragraphes 278.1 à 278.9 du Code criminel. Revue canadienne des femmes et du droit 20(1), 111-154. Cette étude a porté sur les articles précédents du Code criminel en vertu de l’arrêt R c. Mills. (Disponible en anglais seulement).
[73] R c. J.J. 2022 CSC 28 (CanLII), au para 1
[74] Cette idée est également explorée dans notre chapitre sur l'affaire R c. Jordan.
[75] Table de consultation d’ESSAS #16 : Procureurs de la Couronne
[76] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #404
[77] Table de consultation d’ESSAS #16 : Procureurs de la Couronne
[78] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #449
[79] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #182
[80] Rétroaction au BOFVAC, 23 juillet 2025
[81] Rétroaction au BOFVAC, 23 juillet 2025
[82] Nous discutons de l'effet inégal des délais de l’arrêt Jordan dans notre chapitre sur l'arrêt R c. Jordan.
[83] Rétroaction au BOFVAC, 23 juillet 2025
[84] Rétroaction au BOFVAC, 23 juillet 2025
[85] Table de consultation d’ESSAS #16 : Procureurs de la Couronne ; Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #51
[86] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #51 ; Sondage de l’ESSAS auprès des survivant.e.s, réponse #611
[87] Craig, E. (2021) Private Records, Sexual Activity Evidence, and the Charter of Rights and Freedoms Dalhousie University Schulich School of Law. (Disponible en anglais seulement).
[88] Craig, E. (2021) Private Records, Sexual Activity Evidence, and the Charter of Rights and Freedoms Dalhousie University Schulich School of Law. (Disponible en anglais seulement).
[89] Sondage de l’ESSAS auprès des survivant.e.s, réponse #611
[90] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #173
[91] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #51
[92] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #183
[93] Table de consultation d’ESSAS #16 : Procureurs de la Couronne
[94] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #183
[95] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #183
[96] Entretien d’ESSAS auprès d’un intervenant #183
[97]R c. Kinamore, 2025 CSC 19 (CanLII)
[98]R c. Brothers, 1995 ABCA 185 (CanLII) ; R c. Pittiman, 2005 CanLII 23206
[99] R c. Seaboyer ; R c. Gayme, 1991 CanLII 76 (CSC) ; Admission of certain complainant evidence for sexual offences - Criminal Law notebook. (n.d.). The Criminal Law Notebook by Peter Dostal. (Disponible en anglais seulement).
[100] R c. Mills, 1999 CanLII 637 (CSC)
[101] R c. Mills, 1999 CanLII 637 (CSC), au paragraphe 61
[102] R c. J.J., 2022 CSC 28 (CanLII), au para 125
[103] R c. Morgentaler, 1988 CanLII 90 (CSC)
[104] Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 (CanLII)
[105] Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 (CanLII), au paragraphe 93
[106] Sharma, au paragraphe 28, citant R c. C.P., 2021 CSC 19 (CanLII), aux paragraphes 56 et 141
[107] Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28 (CanLII), au paragraphe 30
[108] La CSC l'a reconnu dans l'arrêt R c. Seaboyer, 1991 CanLII 76 (CSC) ; R c. Osolin, 1993 CanLII 54 (CSC), aux paragraphes 669 à 671 ; R c. Ewanchuk, 1999 CanLII 711 (CSC), aux paragraphes 94 à 97
[109] Craig, E. (2021). Private Records, Sexual Activity Evidence, and the Charter of Rights and Freedoms Dalhousie University Schulich School of Law (Disponible en anglais seulement).
[110] Craig, E. (2021). Private Records, Sexual Activity Evidence, and the Charter of Rights and Freedoms Dalhousie University Schulich School of Law (Disponible en anglais seulement).
[111] Statistique Canada. (9 septembre 2020). Le Quotidien — Les personnes de minorité sexuelle sont près de trois fois plus susceptibles d'être victimes de violence que les personnes hétérosexuelles. Simpson L. (2018, 31 mai). Victimisation avec violence des lesbiennes, des gais et des bisexuels au Canada. Statistique Canada.
[112] Canadian Mental Health Association. (2023). Mental health at the pandemic’s end: Women, non-binary, and 2SLGBTQIA+ people are still reporting poorer mental health and greater service use. (Disponible en anglais seulement).
[113] Safe, Informed, Supported: Reforming Justice Responses to Sexual Violence (ALRC Report 143), Australian Law Reform Commission, 2025, p. 379. (Disponible en anglais seulement).
[114] R c. McClure, 2001 CSC 14 (CanLII)
[115] Sondage de l’ESSAS auprès des intervenant.e.s, réponse #103
[116] Stanton, K. (2025). The British Columbia legal system’s treatment of intimate partner violence and sexual violence. Government of British Columbia, p. 135., p. 135. (Disponible en anglais seulement).
[117] BOFVAC. (2024, 20 novembre). Soumission au Comité permanent de la condition féminine (CEMF) sur la violence fondée sur le sexe et les féminicides à l'égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre. Gouvernement du Canada.
[118] BOFVAC. (2024, 20 novembre). Soumission au Comité permanent de la condition féminine (CEMF) sur la violence fondée sur le sexe et les féminicides à l'égard des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre. Gouvernement du Canada.
[119] CPAC - Chaîne d'affaires publiques par câble. (2024, 21 mai). Des défenseurs exhortent à la protection de la vie privée et de la sécurité des victimes – 21 mai 2024. Titre Politique, CPAC.ca.
[120] BOFVAC. (2024a, 29 février). Digne d'information et de respect : Améliorer le soutien aux victimes d'actes criminels : une réponse au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Gouvernement du Canada.
