2011-2012 Rapport annuel du Comité externe d'examen de la GRC

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Le 6 juin 2012

L'honorable Vic Toews, C.P., c.r., député
Ministre de la Sécurité publique
269, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0P8

Monsieur le Ministre,

Conformément à l'article 30 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, je suis heureuse de vous présenter le rapport annuel du Comité externe d'examen de la GRC pour l'exercice 2011-2012 afin que vous puissiez le déposer à la Chambre des communes et au Sénat.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes sentiments distingués.

La présidente,

Catherine Ebbs


Table des matières


Le 4 juin 1974, un service de police municipal du sud de l’Ontario congédiait sommairement un jeune policier sans fournir de motifs. Cette décision a donné lieu à une saga judiciaire dans laquelle le policier et le service de police, qui a plus tard fait l’objet d’une fusion, se sont rendus jusqu’à la Cour suprême du Canada. Dans cette affaire, le juge en chef a déclaré, au nom des juges majoritaires, que même un policier en stage avait le droit d’être traité équitablement, et non arbitrairement. En outre, il a affirmé qu’« on aurait [au moins] dû dire [au policier] pourquoi on avait mis fin à son emploi et lui permettre de se défendre, oralement ou par écrit [...] ». Lorsque la décision de la Cour suprême a été appliquée en 1980, le service de police concerné a dû tenir une audience équitable et payer les arrérages de salaire du policier.

Cette décision historique est venue confirmer les principes fondamentaux du traitement équitable au sein de toutes les professions du pays. Bien que certaines subtilités juridiques soient apparues depuis, c’est ce principe de base que le CEE a constamment défendu pour le compte de la GRC. Le CEE veille, en toute transparence, au respect de l’équité administrative dans les décisions que prend la GRC, et ce, pour garantir aux Canadiens que la GRC rend des comptes.

En plus d’examiner des cas disciplinaires, le CEE s’est penché sur des griefs de membres contre des décisions de gestion. Ces derniers temps, la GRC a fait beaucoup parler d’elle pour la façon dont elle traite les griefs des membres ayant trait au harcèlement. Il faut souligner que ce sujet pose problème depuis bien longtemps. Lorsque le CEE a examiné un grief de harcèlement pour la première fois, en 1994, la présidente intérimaire a écrit ce qui suit : « Tous les services de police employeurs doivent savoir de nos jours que les temps changent et que les manières d’autrefois de s’adresser aux employés et de les superviser, qui étaient brusques et expéditives, peut-être courantes dans les rangs, deviennent peut-être quelque chose du passé, et ils devraient être sensibilisés à cette réalité. »

Alors que la GRC s’emploie à devenir un service de police moderne où ses membres peuvent travailler dans un climat de respect et de professionnalisme, le CEE continue à veiller au respect des principes fondamentaux auxquels tiennent les Canadiens.

La présidente,

Catherine Ebbs

En 1976, la Commission d'enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada a recommandé que les questions liées aux relations de travail de la GRC fassent l'objet d'examens indépendants. Cela favoriserait un régime de relations de travail au sein de la GRC aussi juste et équitable que possible et perçu comme tel par les membres de la Gendarmerie. La Commission a également conclu que des examens indépendants étaient essentiels à un système [Traduction] « qui s'attirerait ainsi le respect des membres les plus susceptibles d'y recourir ».

Le Comité externe d'examen de la GRC (CEE) est un tribunal fédéral indépendant établi par le Parlement il y a plus de 20 ans pour mener les examens indépendants recommandés par la Commission d'enquête de 1976.

Le CEE examine certains types de griefs ainsi que des appels relatifs à des mesures disciplinaires et des appels en matière de renvoi et de rétrogradation. Sa compétence se limite aux membres réguliers et civils de la GRC, les fonctionnaires employés par la GRC étant assujettis à des processus de relations de travail distincts.

En tant que tribunal quasi judiciaire, le CEE applique le principe de la primauté du droit, et son rôle est crucial pour assurer la transparence, l'équité et l'impartialité dans les processus relatifs aux relations de travail de la GRC. Après examen d'un cas, le CEE soumet ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC, qui rend ensuite une décision finale.

Le CEE contribue au maintien de relations de travail justes et équitables au sein de la GRC. Au fil des ans, ses conclusions et ses recommandations ont amené la GRC à modifier à plusieurs égards ses politiques relatives aux relations de travail internes, y compris en ce qui a trait aux renvois pour raisons médicales, aux suspensions sans solde, à la prévention du harcèlement, aux indemnités de déménagement et de réinstallation et au réaménagement de l'effectif. Le CEE continue de fournir des conseils judicieux à la GRC en matière d'emploi et de relations de travail.

En tant qu'un des deux organismes de surveillance et d'examen de la GRC (l'autre étant la Commission des plaintes du public contre la GRC), le CEE joue un rôle important dans le maintien de la confiance du public à l'égard de la GRC et veille à ce que celle-ci respecte la loi et les droits de la personne dans ses relations de travail.

En 2011-2012, le CEE disposait d’un budget s’élevant à environ 1,9 million de dollars et comptait huit employés au début de l’exercice, dont la présidente. Le CEE a consacré environ 90 % de son temps et de ses ressources à l’examen de cas et 10 % aux activités de liaison et de communication. Les services organisationnels, comme la gestion financière, les ressources humaines et les services de technologie de l’information, sont compris dans ces deux ensembles d’activités.

Structure organisationnelle

Le CEE rend des comptes au Parlement par l'intermédiaire du ministre de la Sécurité publique. Il est dirigé par une présidente, qui est nommée par décret du gouverneur en conseil. La présidente joue également le rôle de première dirigeante. Selon laLoi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC), aucun membre de la GRC ne peut faire partie du CEE.

Outre la présidente, le CEE est géré par un directeur exécutif et avocat principal qui supervise sept employés : des avocats spécialisés en droit du travail et en droit administratif, ainsi que quelques employés des services administratifs qui assurent le cours normal des activités de cet organisme public moderne.

Le Comité externe d'examen de la GRC est composé d'un (1) seul membre, soit la présidente. Un (1) Directeur exécutif et avocat principal relève de la présidente. Quatre (4) avocats, dont trois (3) sont permanents et un (1) est temporaire, et un (1) gestionnaire des services administratifs relèvent du Directeur exécutif et avocat principal. Un (1) adjoint administratif relève du gestionnaire des services administratifs.

Le ministère de la Sécurité publique fournit certains services administratifs au CEE en vertu d'un protocole d'entente visant la prestation d'aide dans les domaines des ressources humaines, de la technologie de l'information et des finances. Comme pour tous les autres ministères et organismes gouvernementaux, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada fournit au CEE tous les services liés aux locaux.

Examen des cas

Le CEE n’est pas habilité à entreprendre des examens de son propre chef. Le processus d’examen de cas débute au moment où le commissaire de la GRC renvoie un cas au CEE. Les cas qui doivent être renvoyés au CEE sont décrits dans la Loi sur la GRC. Ils comprennent certaines catégories de griefs précisées dans le Règlement de la GRC, ainsi que tous les appels relatifs à des mesures disciplinaires et les appels en matière de renvoi et de rétrogradation.

Lorsque le CEE procède à l’examen d’un cas, il analyse tout le dossier, y compris les documents à l’appui, la décision rendue et les arguments des parties. Lorsque l’examen porte sur l’appel d’une décision concernant des mesures disciplinaires, un renvoi ou une rétrogradation, la transcription de l’audience est également examinée par le CEE, ainsi que toutes les pièces présentées à l’audience. La présidente du CEE peut demander que les parties fournissent des renseignements ou des observations supplémentaires et, si l’une des deux parties le fait, l’autre partie a la possibilité d’y répondre. La présidente a également le pouvoir de tenir une audience si elle le juge nécessaire, bien qu’elle ait rarement recours à cette option. Avant de formuler ses conclusions et ses recommandations, elle examine l’ensemble de la preuve, les questions juridiques, les dispositions législatives pertinentes et la jurisprudence.

La présidente du CEE transmet ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et aux parties en cause. Le commissaire rend une décision finale et doit tenir compte des recommandations du CEE. S'il décide de s'en écarter, la Loi sur la GRCexige qu'il justifie son choix dans sa décision.

Vous trouverez ci-dessous une description du processus de règlement des griefs, du processus d'appel relatif à des mesures disciplinaires et du processus d'appel en matière de renvoi ou de rétrogradation ainsi qu'un aperçu du rôle du CEE dans chacun d'entre eux.

Processus de règlement des griefs

Selon la Loi sur la GRC, la résolution des conflits liés aux droits de la personne et aux intérêts personnels se fait par le processus de règlement des griefs de la GRC. Les griefs peuvent porter sur un vaste ensemble de droits et d'intérêts, allant de l'admissibilité d'une demande de remboursement pour certaines dépenses au droit de travailler dans un environnement exempt de harcèlement et de discrimination. Les griefs représentent la majorité des cas renvoyés au CEE.

L'examen et le règlement d'un grief reviennent d'abord à un officier de la GRC qui agit à titre d'arbitre de niveau I. Si le membre n'est pas satisfait de la décision de l'arbitre de niveau I, il peut présenter le grief au niveau II, où il revient au commissaire de la GRC ou à son délégué de trancher. Avant de rendre sa décision, le commissaire doit, en vertu de l'article 36 du Règlement de la GRC, renvoyer au CEE les griefs appartenant à cinq catégories précises pour qu'ils fassent l'objet d'un examen, à moins que les membres concernés s'y opposent – ce qui arrive rarement – et que le commissaire respecte leur volonté.


Processus d'appel relatif à des mesures disciplinaires

Lorsqu’il est allégué qu’un membre de la GRC a commis une infraction grave au Code de déontologiede la GRC et que le processus disciplinaire officiel est lancé, une audience interne est tenue pour déterminer si les allégations sont fondées et, le cas échéant, quelle sera la peine appropriée. L’affaire est instruite par un comité d’arbitrage constitué de trois officiers supérieurs de la GRC. Si la Gendarmerie ou le membre souhaite interjeter appel de la décision du comité d’arbitrage devant le commissaire de la GRC, l’appelant et l’intimé doivent fournir, par écrit, leurs observations au commissaire. Le commissaire renvoie ensuite le dossier au CEE afin qu’il l’examine, à moins que le membre concerné s’y oppose – ce qui arrive rarement – et que le commissaire respecte sa volonté. Après avoir procédé à l’examen approfondi du dossier, le CEE présente ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et aux parties concernées.

Processus d'appel en matière de renvoi et de rétrogradation

Lorsqu’un membre fait l’objet d’une mesure de renvoi ou de rétrogradation parce qu’il n’a pas exercé ses fonctions de façon satisfaisante, il peut demander la convocation d’une commission de licenciement et de rétrogradation, composée de trois officiers supérieurs de la GRC, qui examinera l’affaire. Le membre visé ou l’officier compétent ayant lancé la procédure peut interjeter appel de la décision de cette commission. Les deux parties font parvenir leurs arguments écrits au commissaire de la GRC. Le commissaire renvoie ensuite tous les appels en matière de renvoi et de rétrogradation au CEE pour qu’il les examine, à moins que les membres concernés s’y opposent – ce qui arrive rarement – et que le commissaire respecte leur volonté. Après avoir procédé à un examen approfondi du dossier, le CEE présente ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et aux parties concernées.

Activités de liaison et de communication

En plus de procéder à l'examen des cas, le CEE participe à d'autres activités qui appuient et consolident son mandat principal. Les activités de liaison et de communication, sous diverses formes, constituent une composante importante de son travail.

La publication trimestrielle du CEE, Communiqué, comprend des sommaires de cas et des articles sur des questions fréquemment soulevées dans les cas.

Le CEE possède également un site Web (www.erc-cee.gc.ca) qui contient, entre autres, les rapports annuels et les bulletins trimestriels du Communiqué, une vaste base de données qui permet de chercher tous les sommaires des conclusions et recommandations du CEE, des résumés des décisions subséquentes du commissaire de la GRC, ainsi que les articles, les documents de discussion et les rapports spécialisés du CEE les plus demandés. Le CEE a obtenu des commentaires positifs de la part d’internautes quant à l’accessibilité et à l’utilité de son site Web. Au cours de la dernière année, le site Web du CEE a enregistré 317 875 visites.

Le CEE fournit des renseignements et offre de la formation à différents employés s’occupant des relations de travail à la GRC. Les initiatives de liaison comprennent des visites aux détachements, à la direction générale et aux quartiers généraux dans les divisions de la GRC. Dans la mesure du possible, le CEE essaie de combiner ces visites avec d’autres déplacements. Durant les séances d’information et de formation, le CEE traite régulièrement des difficultés ou des questions de procédures courantes en matière de griefs et d’appels, ce qui permet de mieux comprendre l’importance et l’utilité de respecter les procédures adéquates.

Demandes d'information

Le CEE répond également aux demandes de renseignements officielles et non officielles. En 2011-2012, le CEE a reçu 133 demandes. En moyenne, l’organisme a répondu à ces demandes dans un délai de deux jours. Un peu moins des deux tiers des demandes provenaient de la GRC elle-même, les membres du public constituant le deuxième groupe de demandeurs en importance.

Les graphiques ci-après présentent les différentes catégories de demandes reçues ainsi que leur provenance. Plusieurs demandes étaient simples : les demandeurs ont reçu une réponse en peu de temps ou ont été orientés vers le bureau approprié. Cependant, d’autres demandes étaient compliquées et exigeaient davantage de temps et d’efforts dans la formulation d’une réponse complète et exacte. La médiane du délai de réponse, qui était, de loin, la même journée où les demandes avaient été obtenues, indique qu’un petit nombre de demandes complexes ont nécessité beaucoup de temps à traiter.

Image - Demandes d'information selon la provenance

[ Demandes d'information selon la provenance - Description de l’image ]

Image - Demandes d'information par sujet

[ Demandes d'information par sujet - Description de l’image ]

Examen des cas

Renvois

En 2011-2012, 21 cas ont été renvoyés au CEE : 18 griefs et 3 appels relatifs à des mesures disciplinaires. Aucun appel relatif à un renvoi ou à une rétrogradation n'a été renvoyé au CEE cette année.

Image - Nombre de dossiers reçus

[ Nombre de dossiers reçus - Description de l’image ]

Dossiers traités et recommandations émises

Le CEE a traité 21 dossiers au cours de l’exercice 2011-2012 : 17 dossiers portaient sur des conclusions et des recommandations concernant des griefs alors que 3 autres portaient sur des conclusions et des recommandations concernant des appels relatifs à des mesures disciplinaires. Un cas a été retiré avant que le CEE puisse présenter ses conclusions et recommandations. Cette année, le CEE n’a pas formulé de conclusions ni de recommandations concernant des appels relatifs à un renvoi ou à une rétrogradation.

Image - Nombre de dossiers traités

[ Nombre de dossiers traités - Description de l’image ]

Examen des griefs

Le graphique ci-dessous illustre la répartition des recommandations en matière de griefs cette année, par sujet.

Image - Répartition des recommandations en matière de griefs

[ Répartition des recommandations en matière de griefs - Description de l’image ]

Au cours des dernières années, les problèmes liés aux déplacements, au harcèlement et aux réinstallations représentaient une part importante des griefs examinés. En 2011-2012, les problèmes de harcèlement s’avéraient toujours importants et représentaient environ la moitié des recommandations émises concernant les griefs.

Appels relatifs à des mesures disciplinaires

Cette année, le CEE a examiné trois appels relatifs à des mesures disciplinaires pour lesquels il a formulé des recommandations. Tous ces appels ont été interjetés par des membres. Deux appels concernaient un ordre de démissionner dans un délai de 14 jours, sans quoi le membre serait congédié de la Gendarmerie. L’autre appel concernait une peine constituée d’une confiscation de la solde, d’un avertissement et de conseils à l’intention du membre. Le CEE a recommandé d’accueillir deux appels (D-121 et D-122) et d’en rejeter un (D-123).

Traitement

Le CEE vise à émettre ses conclusions et recommandations concernant un grief dans les trois mois après en avoir été saisi. En ce qui concerne les appels relatifs à des mesures disciplinaires, à un renvoi ou à une rétrogradation, le CEE vise un délai de six mois. Actuellement, ces normes de service ne sont pas respectées. Le CEE poursuit ses démarches relatives à l'allocation de ressources permanentes qui lui permettront d'atteindre et de maintenir un rythme acceptable dans le cadre de l'examen des cas dont il est saisi.

Au début de l'exercice 2011-2012, 39 griefs et appels étaient en instance devant le CEE. À la fin du même exercice, le CEE avait 47 cas à examiner, qui se répartissaient comme suit :

Autres activités

En plus d'examiner les cas qui lui sont renvoyés, le CEE doit satisfaire toute obligation réglementaire imposée à l'ensemble des ministères de la fonction publique. Le CEE est fermement résolu à remplir son mandat tout en respectant les politiques et les dispositions législatives.

Une part disproportionnée de la charge de travail du CEE concerne d'importantes exigences en matière de présentation de rapports et de gestion de l'organisation. Le CEE n'a que peu d'employés qui recueillent et analysent les données organisationnelles pour ensuite les communiquer aux organismes centraux qui contrôlent les différents aspects de la gestion. Par conséquent, ces employés sont appelés à devenir les spécialistes du CEE dans un certain nombre de domaines, comme l'approvisionnement, les finances, les ressources humaines et la gestion du savoir. Ils exercent de nombreuses fonctions pour répondre aux besoins en matière de gestion de l'organisation afin de satisfaire aux mêmes exigences que doivent respecter les ministères et organismes de grande taille en matière de présentation de rapports. Le CEE retient également les services de divers experts-conseils de l'extérieur afin qu'il puisse s'acquitter de toutes ses obligations en bonne et due forme. Étant donné la petite taille et le budget modeste du CEE, ces exigences en matière de présentation de rapports accaparent des ressources humaines et financières destinées au processus d'examen des cas.

En tant que tribunal quasi judiciaire, le CEE examine les griefs et les appels en appliquant le principe de la primauté du droit et en s’appuyant sur les principes de l’équité, de l’impartialité, de l’indépendance et de la transparence, quelque peu comme un tribunal judiciaire. Le CEE est un organisme de recommandation qui formule des conclusions et des recommandations de la même façon qu’un organisme décisionnaire rend des décisions.

Les sections qui suivent présentent les faits saillants de certains griefs et appels relatifs à des mesures disciplinaires examinés par le CEE cette année.

Griefs

En vertu de la partie III de la Loi, un membre peut présenter un grief lorsqu’une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie lui causent un préjudice. Le CEE se penche sur certains types de griefs ayant été tranchés par un arbitre de niveau I. Dans le cadre de ce travail, le CEE examine certaines questionspréliminaires telles que le respect des délais, la qualité pour présenter un grief, la communication de renseignements et l’admissibilité de la preuve. Il examine aussi les éléments de fond des griefs, tels que le droit d’un membre de réclamer un avantage et la mesure dans laquelle une demande d’accommodement a été bien traitée.

Cette année, le CEE a examiné plusieurs questions de procédure et de fond, lesquelles sont décrites ci-après.

Délais de prescription

Le droit des membres de présenter des griefs est d’une vaste portée. Toutefois, ce droit est sujet à des délais de prescription. Un délai de prescription est une période de temps précise au cours de laquelle un membre peut présenter un grief. Si le membre ne présente pas son grief à l’intérieur de cette période, il risque de ne plus être en mesure de le faire.

Les délais de prescription revêtent une grande importance. Ils permettent de traiter les griefs alors que la preuve est toujours disponible et que les souvenirs sont encore frais à la mémoire. Ils contribuent aussi à éviter les contestations judiciaires tardives et imprévues, ce qui permet aux parties potentielles de continuer à travailler et à vivre leur vie.

Le délai de prescription pour présenter un grief au premier niveau est prévu à l’alinéa 31(2)a) de la Loi:

La Loi prévoit un autre délai de prescription pour la présentation de griefs « à tous les autres niveaux».

Les Consignes du commissaire (griefs)(DORS/2003-181) et la Politique sur les griefs de la Gendarmerie confirment ces délais de prescription et les explicitent en précisant les mesures à prendre pour présenter un grief à l’intérieur de ces délais.

Le CEE a souligné le caractère obligatoire des délais de prescription dans le dossier G-524. Dans cette affaire, un membre réclamait le remboursement de certaines dépenses de réinstallation. La Gendarmerie a rejeté sa requête au motif que l’argent qu’il réclamait pouvait seulement être remboursé dans des circonstances exceptionnelles qui ne s’appliquaient vraisemblablement pas en l’occurrence. Lorsque le membre a appris cette décision, il a fait part de son insatisfaction, a promis qu’il n’en resterait pas là et s’est entretenu avec plusieurs employés. Toutefois, ce n’est qu’environ 33 à 38 jours après avoir pris connaissance de la décision qu’il a présenté un grief pour la contester.

L’arbitre de niveau I a rejeté le grief. Elle a fait valoir que le grief n’avait pas été présenté à l’intérieur du délai de prescription. Le CEE s’est dit du même avis. Il a recommandé que le grief soit rejeté, tout en reconnaissant qu’il pouvait sembler injuste d’imposer rigoureusement un délai de 30 jours alors que d’autres étapes de la procédure applicable aux griefs nécessitaient parfois beaucoup plus de temps. Toutefois, il a expliqué que ce délai était obligatoire, que le membre ne s’y était pas conformé et que la GRC se devait de respecter la loi.

Puisque les délais de prescription pour présenter un grief sont obligatoires, les membres se doivent de bien connaître les textes officiels qui les réglementent. Le CEE a traité de cette question dans les dossiers G-518à G-520, lesquels concernaient un requérant ayant tenté, en vain, de faire en sorte qu’un membre ayant apparemment commis des actes inappropriés fasse l’objet de mesures disciplinaires. L’année suivante, le requérant a appris qu’il aurait pu contester les actes du membre par voie de grief. Il a donc présenté des griefs à cette fin.

L’arbitre de niveau I a rejeté les griefs. Il a expliqué qu’ils avaient été présentés plusieurs mois après l’expiration du délai de prescription prévu par la Loi. Le requérant n’était pas de cet avis. Selon lui, ses griefs avaient été présentés à l’intérieur du délai de prescription parce qu’il les avait déposés dans les 30 jours suivant celui où il avait appris qu’il pouvait les déposer. Le CEE a conclu que les griefs n’avaient pas été présentés à l’intérieur du délai de prescription et a recommandé de les rejeter. Il a insisté sur le principe selon lequel les membres doivent se familiariser avec les textes officiels concernant les griefs, tout en indiquant que le requérant ne l’avait fait que plusieurs mois après avoir subi un préjudice.

Dans le cadre de ce processus de familiarisation, il faut notamment apprendre à connaître le moment où commence à courir le délai de prescription pour présenter un grief. Dans le dossier G-509, le CEE s’est penché sur la question de savoir à quel moment le requérant « aurait normalement dû connaître la décision, l’acte ou l’omission donnant lieu au grief ».

La candidature du requérant avait été retenue lors d’un processus de promotion. Pour compléter le processus, il devait déménager dans la région où était offerte la possibilité d’avancement. Il a demandé à habiter dans un logement de l’État de cette région. La Gendarmerie lui a répondu qu’elle ne pouvait pas lui fournir un tel logement. Environ trois mois plus tard, le requérant s’est retiré du processus de promotion. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas déménager, puisqu’il était incapable de se trouver un logement de l’État. Au cours des 30 jours qui ont suivi, il a présenté un grief pour contester le fait que la Gendarmerie ne lui avait pas fourni un tel logement. L’arbitre de niveau I a rejeté le grief au motif qu’il n’avait pas été présenté à l’intérieur du délai de prescription.

Le CEE s’est dit du même avis, affirmant que le délai de prescription avait commencé à courir lorsque la Gendarmerie avait refusé de fournir un logement de l’État au requérant, et non lorsque le requérant s’était retiré du processus de promotion trois mois plus tard, soit bien plus de 30 jours après qu’il aurait normalement dû savoir qu’il avait subi un préjudice.

Prorogations

Bien que le législateur ait conféré un caractère obligatoire aux délais de prescription pour la présentation de griefs, il reconnaît qu’il existe des motifs valables pour les proroger, et ce, même de façon rétroactive. C’est d’ailleurs la raison d’être de l’article 47.4 de la Loi, qui autorise le commissaire de la GRC à proroger les délais de prescription, sur demande ou de sa propre initiative, s’il juge bon de le faire. La Politique sur les griefs de la GRC délègue aux arbitres de niveau I le pouvoir de proroger la période de prescription prévue à l’alinéa 31(2)a) de la Loi.

Aucun facteur ne permet de déterminer à lui seul s’il y a lieu d’accorder une prorogation. Au fil du temps, le CEE a recommandé que des prorogations soient accordées dans diverses situations et pour différentes raisons. Cette année, il s’est penché sur deux demandes de prorogation, soit les dossiers G-522 et G-524, en appliquant un critère en quatre volets que la Cour fédérale (CF) a récemment invoqué dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Pentney, 2008 CF 96, à savoir :

  1. Y avait-il et y a-t-il une intention constante de la part du requérant de poursuivre le grief?
  2. L’objet du grief est-il défendable?
  3. Y a-t-il une explication raisonnable pour le retard du requérant?
  4. La prorogation du délai causeraitelle un préjudice au répondant?

Conformément aux directives de la CF, ce critère est conçu pour être « souple» et « contextuel » et pour veiller à ce que justice soit rendue. Il favorise donc l’exécution d’analyses plus globales et plus méthodiques que les méthodes précédentes, ce qui aide les parties à mieux savoir comment appuyer ou réfuter l’argument voulant qu’il soit justifié d’accord une prorogation du délai de prescription.

Dans le dossier G-522, la Gendarmerie a rejeté la demande de remboursement du requérant pour des dépenses liées à la recherche d’un logement en vue d’une réinstallation. Le requérant a présenté un grief peu de temps après l’expiration du délai de prescription. Plus tard, il a déclaré qu’il n’avait pas été informé immédiatement de son droit de présenter un grief et qu’il avait décidé d’en présenter un seulement après avoir épuisé tous les autres recours. En outre, il changeait constamment d’idée quant au moment où le délai de prescription avait commencé à courir. L’arbitre de niveau I a rejeté le grief au motif qu’il n’avait pas été présenté à l’intérieur du délai de prescription. Il a aussi fait valoir qu’il n’était pas justifié d’accorder une prorogation.

Le CEE a appliqué le critère Pentney, puis s’est dit d’accord avec l’arbitre. Il a reconnu que certains facteurs favorisaient l’octroi d’une prorogation du délai. Par exemple, les renseignements au dossier indiquaient que le requérant avait toujours eu l’intention de déposer un grief. En outre, le léger retard qu’il accusait dans la présentation de son grief n’avait causé aucun préjudice au répondant. Toutefois, le CEE a conclu que l’incapacité du requérant à justifier raisonnablement le retard dans la présentation de son grief constituait un facteur essentiel en l’espèce. Il a fait valoir qu’il serait injuste d’accorder une prorogation du délai, car les explications du requérant n’étaient pas fondées ou montraient qu’il ne connaissait pas du tout les éléments de base de la politique sur les griefs.

Le CEE a également appliqué le critère dans le dossier G-524. Il est parvenu à une conclusion similaire reposant sur des constatations quelque peu différentes. Dans ce grief, la GRC a rejeté la demande de remboursement du requérant au motif que les circonstances exceptionnelles justifiant ce remboursement n’étaient pas présentes. Le requérant a présenté un grief quelques jours après l’expiration du délai de prescription. En résumé, il a fait valoir qu’à son avis, les circonstances dans lesquelles il réclamait un remboursement s’avéraient exceptionnelles. L’arbitre de niveau I a rejeté le grief au motif qu’il n’avait pas été présenté à l’intérieur du délai de prescription. En outre, il a déclaré qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une prorogation.

Le CEE était du même avis. Encore une fois, il a indiqué que l’intention du requérant de déposer un grief et l’absence de préjudice causé au répondant favorisaient l’octroi d’une prorogation du délai. Toutefois, il a conclu que, dans les circonstances, ces facteurs avaient moins de poids que d’autres facteurs, plus importants : premièrement, le requérant n’avait pas donné d’explication raisonnable pour justifier le retard dans la présentation de son grief; deuxièmement, la cause du requérant n’était pas clairement défendable, car il ne semblait pas s’acquitter de son fardeau de démontrer que sa cause comptait parmi les rares cas où la Gendarmerie devait payer la somme réclamée. Qui plus est, il manquait des documents d’une importance cruciale.

Harcèlement

Dans la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travaildu Conseil du Trésor, la notion de harcèlement en milieu de travail se définit comme suit :

Une définition semblable figure dans la Politique en matière de harcèlement de la GRC.

Malheureusement, le harcèlement en milieu de travail est un phénomène plus important que certains voudraient le croire. Cette situation n’échappe pas à la GRC. Tout cela est fort regrettable. Sur le plan personnel, les personnes victimes ou accusées de harcèlement peuvent souffrir d’un stress important, avoir de la difficulté à se concentrer, se sentir isolées, avoir une faible estime d’elles-mêmes, éprouver des troubles anxieux, sombrer dans la dépression, souffrir de troubles du sommeil et subir bien d’autres conséquences. Sur le plan organisationnel, les organismes aux prises avec des problèmes de harcèlement doivent souvent absorber les coûts humains et financiers liés au piètre état de santé des employés, à leur manque de motivation, à une baisse de la rentabilité, à une augmentation de l’absentéisme, au roulement du personnel, à la mauvaise publicité et aux poursuites en justice.

Dans une déclaration officielle datant du 16 novembre 2011, le nouveau commissaire de la GRC a clairement fait savoir qu’il allait d’abord commencer par s’attaquer au problème du harcèlement dans la Gendarmerie. Il a également déclaré qu’il ne ménagerait aucun effort pour « que les employés de la GRC puissent travailler dans un environnement sain, productif et exempt de harcèlement». Le CEE souscrit à cet objectif. Cette année, il a formulé plusieurs recommandations pour aider la Gendarmerie à atteindre son objectif d’offrir un milieu de travail exempt de harcèlement.

Dans les dossiers G-510 et G-511, le CEE a réévalué le critère permettant d’établir s’il y a eu harcèlement. Le requérant a déposé des plaintes de harcèlement contre un membre qui, à ses dires, l’avait rabaissé, l’avait relevé indûment de ses fonctions, lui avait laissé un message troublant et avait signé une lettre offensante à propos d’une situation le concernant. Le répondant a examiné les plaintes du point de vue d’un [Traduction] « employé ou gestionnaire bien informé, se trouvant dans une situation semblable à celle d’[un harceleur présumé] qui connaît les missions, la vision et les valeurs de la Gendarmerie, les énoncés de politique applicables ainsi que les consignes relatives au harcèlement». Il a jugé qu’une telle personne considérerait ces plaintes comme non fondées.

Le CEE a conclu que le répondant avait appliqué un critère mal conçu comprenant trop de qualificatifs. Il a expliqué que le répondant aurait dû se demander si une [Traduction] « personne raisonnable et informée» (plutôt qu’une personne raisonnable et informée examinant la question du point de vue d’un harceleur présumé) conclurait que les allégations constituaient du harcèlement. Le CEE a indiqué que ce dernier critère était plus clair et d’une plus grande portée que celui qu’avait appliqué le répondant. Par ailleurs, il correspondait davantage au critère énoncé dans un important document d’orientation du Conseil du Trésor ainsi que dans la jurisprudence. Pour ces raisons et d’autres encore, le CEE a recommandé que le commissaire de la GRC accueille les griefs et renvoie les plaintes pour qu’elles soient traitées conformément aux politiques applicables.

Dans le dossier G-508, le CEE a relevé certains facteurs qui ne doivent pas être pris en considération au moment de déterminer s’il y a eu harcèlement. Le requérant a été victime de plusieurs incidents au travail. Sa voiture, son bureau, sa nourriture et son équipement ont été manipulés à son insu. Il a été insulté plusieurs fois. Du matériel pornographique a été placé dans son bureau. Il a aussi fait l’objet de menaces de violence. Dans la plupart des cas, il ne savait pas qui était responsable des incidents, lesquels se sont poursuivis même après qu’il en a fait part à ses supérieurs. Ébranlé, il a commencé à avoir des [Traduction] « haut-le-coeur» avant de travailler. Il a déposé une plainte de harcèlement.

Après enquête, le répondant a conclu qu’aucun des incidents ne constituait du harcèlement, et ce, pour trois raisons : premièrement, les mauvais tours étaient monnaie courante dans le détachement et ne visaient personne en particulier; deuxièmement, le requérant était incapable d’identifier les responsables des incidents; troisièmement, des témoins avaient déclaré qu’aucun des incidents ne résultait d’une intention malicieuse.

Le CEE n’était pas du même avis. Il a jugé qu’une personne raisonnable et informée conclurait que les incidents représentaient du harcèlement. Le requérant a été la cible d’actes dégradants, humiliants et menaçants qu’il a tenté de faire cesser, sans succès, par l’intermédiaire de ses supérieurs. Ces actes lui ont causé un préjudice indéniable. Le CEE a précisé qu’il importait peu que d’autres personnes aient été traitées de la même façon, qu’aucun coupable n’ait été trouvé et que les incidents n’aient résulté d’aucune intention malicieuse; les incidents constituaient du harcèlement et devaient être traités comme tels. Le CEE a recommandé que le grief soit accueilli.

Enfin, le CEE a indiqué que le harcèlement en milieu de travail représentait une notion très vaste couvrant un large éventail d’éléments, mais qu’il n’englobait pas nécessairement tout commentaire déplacé ou toute erreur de jugement.

Dans le dossier G-514, par exemple, un membre de sexe masculin a dit à deux autres membres de sexe masculin, à la blague, d’[Traduction] « arrêter de se comporter comme deux vieilles bonnes femmes» lors d’un tournoi de golf. Un membre de sexe féminin a entendu ce commentaire et a jugé qu’il s’agissait de harcèlement. Elle a déposé un grief. Le CEE a conclu que ce commentaire, bien que déplacé, ne constituerait pas du harcèlement aux yeux d’une personne raisonnable et informée, puisqu’il ne s’agissait pas d’un type de comportement sanctionné dans les politiques en matière de harcèlement. En outre, la preuve a montré que ce commentaire n’était ni dégradant ni désobligeant. Néanmoins, le CEE a indiqué que certains gestes ou commentaires censés être de nature privée peuvent constituer du harcèlement.

Dans le dossier G-515, la requérante a entendu d’autres membres faire des commentaires négatifs d’ordre général sur l’utilisation vraisemblablement abusive des programmes de congés de maladie et de retour au travail de la Gendarmerie. À ce moment-là, elle bénéficiait de ces deux programmes. Selon elle, les commentaires formulés constituaient du harcèlement. Le CEE n’était pas du même avis. Lorsqu’il a appliqué le critère objectif de la personne raisonnable, il a conclu que les commentaires étaient déplacés, mais que la preuve montrait qu’ils n’étaient ni désobligeants, ni choquants, ni adressés à la requérante. Par ailleurs, les personnes qui les avaient formulés n’avaient mentionné aucun nom. Toutefois, le CEE a indiqué qu’il était malséant de discuter de problèmes internes de personnel de la GRC dans un lieu public.

Appels relatifs à des mesures disciplinaires

Le CEE examine les appels relatifs à des décisions des comités d’arbitrage disciplinaire de la GRC (les comités d’arbitrage) pour s’assurer que les audiences sont équitables et que les comités d’arbitrage ne rendent pas de conclusions erronées. Les comités d’arbitrage doivent tenir des audiences pour établir si des allégations d’inconduite sont fondées et, le cas échéant, déterminer la peine à imposer. Pour ce faire, ils sont tenus d’agir équitablement, conformément aux principes de l’équité de la common law et à certaines dispositions de la Loi. Si les allégations sont fondées, les comités d’arbitrage imposent des peines pouvant aller d’un avertissement au renvoi de la Gendarmerie. Pour déterminer la peine appropriée, ils tiennent compte de nombreux facteurs, y compris des peines imposées dans des cas similaires et du dossier disciplinaire du membre.

Cette année, le CEE a examiné plusieurs questions intéressantes sur le plan disciplinaire, lesquelles sont présentées ci-après.

Lecture à voix haute d’une décision affichée sur un écran d’ordinateur portatif

Dans le dossier D-123, le CEE devait examiner la façon dont le comité d’arbitrage avait rendu sa décision de vive voix. Après avoir entendu les argumentations finales relatives aux allégations, le comité d’arbitrage a suspendu l’audience pendant environ trois heures. Les membres du comité d’arbitrage ont ensuite regagné la salle d’audience, après quoi le président semblait lire à voix haute, à l’écran de son ordinateur portatif, la décision du comité d’arbitrage selon laquelle plusieurs allégations avaient été établies. En appel, le membre a fait valoir que le comité d’arbitrage n’avait pas pu rendre une décision et taper des motifs à l’ordinateur en si peu de temps. Selon lui, le comité d’arbitrage s’était déjà formé une opinion de l’affaire et l’avait tranchée avant la fin de l’audience, ce qui constituait un manquement à l’équité procédurale. Il considérait donc que la décision devait être annulée.

Le CEE a conclu que le membre n’avait pas renversé la présomption selon laquelle le comité d’arbitrage avait agi équitablement. Le CEE a reconnu qu’il importait que les décideurs entendent tous les témoins et tiennent compte des argumentations finales avant de formuler leurs conclusions. En outre, il a déclaré qu’il était essentiel que rien ne donne l’impression qu’une décision a été rendue prématurément. Cependant, il a conclu que certains travaux préparatoires, qu’il s’agisse, par exemple, de résumer les témoignages, d’examiner les principes généraux et de taper les notes à l’ordinateur, pouvaient être effectués tout au long d’une audience, pourvu que le comité d’arbitrage demeure impartial lorsqu’il les exécute.

Ainsi, le CEE a conclu qu’un comité d’arbitrage est tout à fait apte à trancher une affaire de façon impartiale même s’il effectue des travaux préparatoires pendant l’audience et qu’il rend une décision de vive voix en la lisant à l’écran d’un ordinateur portatif. Cette conclusion s’appliquait particulièrement en l’espèce : lorsqu’il a rendu sa décision de vive voix, le comité d’arbitrage a soupesé la preuve, passé en revue les argumentations, fait référence aux déclarations des témoins, mis en balance les témoignages contradictoires, traité des principes juridiques applicables et expliqué clairement ses conclusions. Le CEE a recommandé que l’appel soit rejeté.

Tenue de l’audience dans la langue du choix de l’appelant

La partie III de la Loi sur les langues officielles(CEE) prévoit l’utilisation des langues officielles devant les tribunaux fédéraux, dont les comités d’arbitrage. Elle précise que, dans une affaire, chacun a le droit d’employer l’anglais ou le français. Par conséquent, tout membre d’un comité d’arbitrage qui entend une affaire doit comprendre la langue choisie par les parties, et ce, sans avoir besoin d’aide. Par ailleurs, dans une affaire, les comités d’arbitrage doivent offrir des services d’interprétation simultanée sur demande.

Dans le dossier D-122, le CEE s’est penché sur la question de savoir si les pratiques d’un comité d’arbitrage en matière de langues officielles avaient porté atteinte au droit de l’appelant à une audience équitable. L’appelant avait demandé que son audience se tienne en anglais. Il a fait valoir que le comité d’arbitrage avait violé ses droits en communiquant en français avec les avocats au dossier et en les autorisant à interroger les témoins francophones dans cette langue.

Le CEE a conclu que le comité d’arbitrage n’avait pas porté atteinte au droit à l’équité procédurale de l’appelant. Il a expliqué que la décision d’autoriser les avocats à interroger les témoins francophones en français était raisonnable, puisque des services de traduction simultanée étaient offerts. En outre, il a indiqué que le comité d’arbitrage savait qu’il devait tenir l’audience en anglais malgré la présence de services de traduction simultanée. Par ailleurs, certaines questions relatives à la traduction ont été réglées sans qu’aucune objection soit soulevée.

Devoir de retenue à l’égard des conclusions de fait

En général, le commissaire de la GRC doit faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait d’un comité d’arbitrage. Il est donc censérespecter ces conclusions et ne pas les modifier. Toutefois, si un comité d’arbitrage commet une [Traduction] « erreur manifeste et déterminante», le commissaire peut intervenir et modifier ce type de conclusion. Une erreur manifeste et déterminante s’avère si évidente et si importante qu’elle justifie une intervention. Le CEE a relevé une telle erreur dans le dossier D-121.

Dans cette affaire, l’appelant avait rencontré la plaignante lors d’une fête privée, alors qu’il n’était pas de service. Puis, il aurait [Traduction] « eu des relations sexuelles avec elle sans qu’elle y consente, commettant ainsi une agression sexuelle». La plaignante a déclaré que les actes sexuels n’avaient pu être de nature consensuelle, car selon ses dires, on lui avait fait consommer de la drogue à son insu. L’appelant soutenait que les relations sexuelles étaient de nature consensuelle et que la plaignante n’avait pas été droguée.

Le comité d’arbitrage a jugé que la plaignante était un témoin crédible, même s’il avait constaté des incohérences dans son témoignage et dans ses déclarations antérieures. Puis, contrairement aux assertions d’un témoin expert, il a déterminé qu’elle avait consommé de la drogue à son insu, ce qui l’a amené à conclure qu’elle n’avait pu consentir aux actes sexuels. Le comité d’arbitrage a statué que l’agression présumée avait été établie et qu’elle avait été perpétrée au moyen d’une drogue administrée subrepticement, au su de l’appelant. Il a ordonné à l’appelant de démissionner de la Gendarmerie, sans quoi il serait congédié.

Le CEE a jugé que le comité d’arbitrage avait commis une erreur manifeste et déterminante en concluant que la plaignante avait été droguée à son insu. Le comité d’arbitrage n’avait pas de motifs valables pour faire abstraction du témoignage du témoin expert laissant croire le contraire, tout comme il n’en avait pas pour considérer la plaignante comme un témoin crédible. Par ailleurs, la conclusion du comité d’arbitrage n’était pas étayée par la preuve. Puisque l’erreur du comité d’arbitrage a eu des répercussions sur toutes ses autres conclusions, le CEE a recommandé que le commissaire de la GRC accueille l’appel, qu’il conclue que l’allégation n’était pas établie et qu’il rende la décision qu’aurait dû rendre le comité d’arbitrage.

Devoir de retenue à l’égard de la peine

Le commissaire doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions que rend un comité d’arbitrage relativement à la peine. Il pourra intervenir seulement s’il y a des erreurs importantes. Une erreur de principe, le défaut de tenir compte d’un facteur atténuant important, la prise en considération d’un facteur aggravant non pertinent ou l’imposition d’une peine clairement disproportionnée peuvent notamment justifier l’accueil d’un appel contre une peine. Dans le dossier D-122, le CEE a constaté que le comité d’arbitrage avait commis plusieurs erreurs de ce genre.

Dans cette affaire, le comité d’arbitrage a conclu que l’appelant avait utilisé des renseignements médicaux personnels et d’autres renseignements confidentiels de mauvaise foi en vue de séduire l’épouse vulnérable d’un membre sous son autorité. Il avait ordonné à l’appelant de démissionner, sans quoi il serait congédié dans les 14 prochains jours.

Le CEE a conclu que plusieurs erreurs importantes avaient mené à l’imposition d’une peine disproportionnée. Plus particulièrement, le comité d’arbitrage n’avait pas accordé assez de poids à l’opinion d’un expert ainsi qu’aux antécédents de l’appelant en matière de rendement. De plus, il avait appliqué un mauvais critère et commis une erreur dans la façon dont il avait formulé ses conclusions principales. Enfin, la peine qu’il avait imposée ne correspondait pas à celles d’autres cas semblables. Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC de modifier la peine en la remplaçant par un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de 10 jours.

Aperçu des recommandations du CEE pour 2011-2012

aperçu des recommandations du Comité externe d’examen pour 2011-2012, numéro de dossier, objet, recommandation
No de dossier du CEE Objet Recommandation du CEE
Appels relatifs à des mesures disciplinaires
D-121

Appel sur le fond et contre la peine (démission/congédiement).

Allégation d’agression sexuelle.

Crédibilité des témoins.

Erreur manifeste et déterminante.

Accueillir l’appel.

Conclure que l’allégation n’était pas établie.

Modifier la peine.

D-122

Appel sur le fond et contre la peine (démission/congédiement).

Allégation d’utilisation abusive de renseignements personnels et confidentiels pour séduire l’épouse vulnérable d’un subalterne.

Allégations d’utilisation abusive de biens de la GRC et d’un passeport spécial réservé à l’usage des policiers.

Langue de la procédure.

Droit d’être présent à l’audience.

Appréciation des facteurs atténuants et aggravants.

Accueillir l’appel interjeté contre la peine.

Modifier la peine en la remplaçant par un avertissement et la confiscation de la solde pour une période de 10 jours.

D-123

Appel sur le fond et contre la peine.

Allégation concernant l’envoi de messages textes et téléphoniques non sollicités, inappropriés et menaçants; allégation concernant des recherches d’information non autorisées.

Crainte de partialité.

Équité procédurale.

Établissement des conclusions de fait.

Justification de la peine.

Rejeter l’appel.

Griefs
G-508

Enquête sur le harcèlement.

Définition de harcèlement.

Admissibilité de nouveaux éléments de preuve.

Accueillir le grief.

Reconnaître que le requérant a été victime de harcèlement au travail.

Présenter des excuses au requérant du fait que l’enquête sur le harcèlement et la décision à l’égard de celle-ci n’étaient pas conformes aux politiques applicables en matière de harcèlement.

G-509

Délais prescrits.

Incapacité de fournir un logement de l’État dans le cadre d’une mutation promotionnelle.

Rejeter le grief.

Procéder à l’examen de la disposition de la politique de la GRC qui limite le droit du requérant à être entendu relativement à des questions préliminaires de niveau I.

G-510

Plainte de harcèlement.

Définition de harcèlement.

Critère du harcèlement.

Processus de dépistage.

Charte– délai anormal.

Accueillir le grief.

Renvoyer la plainte de harcèlement pour qu’elle soit traitée conformément aux politiques applicables.

Sinon, présenter des excuses au requérant du fait que sa plainte de harcèlement n’a pas été traitée comme il se doit.

G-511

Plainte de harcèlement.

Définition de harcèlement.

Critère du harcèlement.

Processus de dépistage.

Accueillir le grief.

Renvoyer la plainte de harcèlement pour qu’elle soit traitée conformément aux politiques applicables.

Sinon, présenter des excuses au requérant du fait que sa plainte de harcèlement n’a pas été traitée comme il se doit.

G-512

Violation présumée de la Charte.

Politique sur les congés de maladie.

Rejeter le grief.

G-513

Obligation de prendre des mesures d’adaptation en ce qui a trait à la déficience d’un membre.

Nouveau poste.

Mutation pour raisons de famille.

Accueillir le grief en partie.

Conclure que la Gendarmerie aurait dû relancer le processus visant à fournir une mesure d’adaptation et chercher suffisamment d’options en matière d’adaptation après que le requérant a cessé de se présenter à son nouveau poste.

Conclure que, à la lecture du dossier seulement, il est impossible de formuler d’autres conclusions relativement à la décision qui aurait dû être rendue.

Présenter des excuses au requérant du fait que la Gendarmerie ne s’est pas acquittée de son obligation de prendre des mesures d’adaptation répondant à ses besoins.

G-514

Plainte de harcèlement.

Critère de harcèlement.

Droit de se faire entendre.

Participation au processus de règlement rapide.

Rejeter le grief.

G-515

Plainte de harcèlement.

Critère de harcèlement.

Droit de se faire entendre.

Participation au processus de règlement rapide.

Rejeter le grief.

G-516

Restrictions fonctionnelles.

Profil médical.

Rejeter le grief.
G-517

Délais prescrits.

Affectation aux Jeux olympiques.

Chambres en occupation double.

Méthode d’évaluation du grief sans qu’il y ait d’arguments de niveau II de la part du requérant.

Rejeter le grief.

G-518

Délais prescrits.

Décision de lancer une enquête en vertu du Code de déontologie.

Rejeter le grief.

G-519

Délais prescrits.

Décision de lancer une enquête en vertu du Code de déontologie.

Rejeter le grief.

G-520

Délais prescrits.

Décision de lancer une enquête en vertu du Code de déontologie.

Rejeter le grief.

G-521

Plainte de harcèlement.

Équité procédurale.

Accueillir le grief.

Renvoyer l’affaire à l’arbitre de niveau I.

G-522

Délais prescrits.

Critère servant à établir s’il convient de proroger les délais.

Rejeter le grief.

G-523

Qualité pour agir.

Renseignements suffisants.

Équité procédurale.

Désignation de la partie répondante.

Accueillir le grief.

Annuler la décision de niveau I.

Renvoyer l’affaire au niveau I.

Ordonner à l’arbitre de niveau I de demander des documents clés et d’inviter les parties à présenter des arguments sur la question de la qualité pour agir.

Confirmer que la partie répondante au niveau II est le répondant, ou désigner une autre personne à ce titre.

G-524

Délais prescrits.

Critère servant à établir s’il convient de proroger les délais.

Rejeter le grief.




Processus de la GRC et rôle du CEE • Griefs

Image - Processus de la Gendarmerie royale du Canada et le rôle du Comité externe d'examen en matière de griefs

[ Processus et rôle en matière de griefs - Description de l’image ]


Processus de la GRC et rôle du CEE • Discipline

Image - Processus de la Gendarmerie royale du Canada et rôle du Comité externe d'examen concernant les appels disciplinaires

[ Processus et rôle concernant les appels disciplinaires - Description de l’image ]


Processus de la GRC et rôle du CEE • Renvoi et rétrogradation

Image - Processus de la Gendarmerie royale du Canada et rôle du Comité externe d'examen concernant les renvois et rétrogradations

[ Processus et rôle concernant les renvois et rétrogradations - Description de l’image ]


Historique du CEE

La création du Comité externe d'examen de la GRC (CEE) a eu lieu dans le sillage des recommandations de la Commission d'enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la GRC (1976). En 1986, le CEE a été créé officiellement en vertu de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canadapour donner suite à la demande de la Commission d'établir un processus d'examen indépendant dans le domaine des relations de travail au sein de la GRC. L'organisme est devenu entièrement opérationnel en 1988.

Le premier président du CEE était l'honorable juge René Marin, qui a présidé la Commission d'enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canadade 1974 à 1976. En 1993, la vice-présidente, F. Jennifer Lynch, c.r., a assumé la présidence du CEE de façon intérimaire, fonction qu'elle a continué d'exercer jusqu'en 1998. Philippe Rabot est alors devenu président intérimaire et, le 16 juillet 2001, il a été nommé président du CEE.

Lors du départ de M. Rabot en avril 2005, Catherine Ebbs a occupé le poste de présidente intérimaire du CEE. Membre du Barreau de la Saskatchewan, Mme Ebbs a été commissaire à la Commission nationale des libérations conditionnelles pendant 16 ans, dont les dix dernières années en tant que vice-présidente responsable de la Section d'appel. Mme Ebbs est entrée en fonctions au CEE en 2003 et, avant de devenir présidente intérimaire, elle a agi à titre de conseillère juridique ainsi que de directrice exécutive et d'avocate principale du CEE.

Le 1er novembre 2005, Mme Ebbs a été nommée présidente à temps plein pour un mandat de trois ans, et le 1er novembre 2008, elle a été nommée de nouveau pour un deuxième mandat de trois ans. En novembre 2011, elle a été reconduite dans ses fonctions pour une autre année.

Le CEE produit un large éventail de rapports de recherche et de documents de référence, accessibles aux membres de la GRC et au grand public à l'adresse suivante : www.erc-cee.gc.ca.

Catherine Ebbs, présidente
David Paradiso, directeur exécutif et avocat principal
Lorraine Grandmaitre, gestionnaire, Services administratifs et systèmes
Josh Brull, avocat
Emilia Péch, avocat
Caroline Verner, avocate
Jonathan Haig, adjoint administratif
Ahmad Mir, agent financier

Notes de bas de page

  1. *

    y compris les détachements

Coordonnées du CEE

C.P. 1159, succ. B
Ottawa (Ontario)
K1P 5R2

Téléphone : 613-998-2134
Télécopieur : 613-990-8969

Adresse de courriel : org@erc-cee.gc.ca
Site Internet : www.erc-cee.gc.ca

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