Allocution de la présidente Velshi lors de l’atelier virtuel du Global America Business Institute
Discours
Introduction
Bonjour à tous.
Je vous remercie, Alan, pour cette présentation et pour m’avoir invitée à participer aujourd’hui.
La coordination internationale en matière d’innovation dans le domaine de l’énergie nucléaire est une question importante et d’actualité, et je suis heureuse de pouvoir en discuter avec vous.
Les technologies nucléaires novatrices ont continué à prendre de l’ampleur, même au cours de cette année tumultueuse.
Il est donc plus important que jamais de tourner notre attention collective vers ces technologies.
Mais avant d’aborder ce sujet, j’aimerais vous parler de mon organisation.
Vue d’ensemble et priorités de la CCSN
La Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou CCSN, est l’organisme de réglementation nucléaire indépendant du Canada qui réglemente tout ce qui touche au nucléaire au pays.
Et cela nous tient très occupés, car le Canada possède l’un des secteurs nucléaires les plus diversifiés au monde, couvrant l’ensemble du cycle du combustible nucléaire, à l’exception du retraitement et des armes nucléaires.
En combinant notre expérience à celle de notre prédécesseur, la Commission de contrôle de l’énergie atomique, nous autorisons et réglementons les installations et les activités nucléaires au pays depuis 75 ans.
La sûreté est notre priorité en tout temps, dans tout ce que nous faisons et dans tout ce que nous réglementons.
Un tribunal administratif indépendant, appelé la Commission, prend des décisions en matière de permis et fixe les conditions des principales activités et installations nucléaires au Canada.
La Commission est indépendante du gouvernement et sans lien avec le secteur nucléaire.
Dans le cadre de son processus décisionnel, la Commission tient des séances publiques et examine les renseignements fournis par les promoteurs, le personnel de la CCSN et les intervenants, ou des tierces parties, dont plusieurs reçoivent une aide financière pour participer aux séances.
Près de 900 employés répartis d’un bout à l’autre du Canada veillent au respect des décisions de la Commission.
À la CCSN, nous avons une vision audacieuse, celle de devenir l’un des meilleurs organismes de réglementation au monde, et nous nous appuyons sur 4 priorités pour y parvenir : une approche moderne de la réglementation du secteur nucléaire, un organisme de réglementation fiable, une influence mondiale dans le domaine nucléaire et une organisation agile.
Ces priorités nous permettent de nous adapter à notre réalité réglementaire actuelle et de nous préparer à un avenir marqué par l’innovation.
Préparation à l’innovation et aux PRM
Nous savons que le secteur cherche comment tirer parti des nouvelles idées et technologies dans les installations nucléaires existantes.
Les possibilités sont énormes, allant de la robotique à l’informatique quantique, en passant par l’utilisation de l’intelligence artificielle pour réduire la fréquence des activités d’inspection et d’entretien.
Et nous savons que d’autres innovations se profilent à l’horizon.
Le développement, l’adoption et la réglementation de l’innovation dans le domaine nucléaire exigent une approche méthodique et transparente de la part de toutes les parties concernées, c’est-à-dire le secteur, les organismes de réglementation et le public.
Les organismes de réglementation doivent se préparer le mieux possible afin d’être prêts pour l’innovation.
Notre rôle à titre d’organisme de réglementation consiste à protéger les Canadiens des risques, et non des progrès.
Le secteur et les promoteurs doivent consulter les organismes de réglementation dès le début de leurs démarches sans quoi des retards inutiles risquent de se produire dans l’examen et l’approbation éventuelle de technologies innovantes.
Le public doit également participer au processus afin que tous les points de vue soient pris en compte de manière appropriée avant de rendre une décision en matière de permis.
Et c’est cette approche que nous appliquons pour une innovation déjà à l’étude, celle des petits réacteurs modulaires, ou PRM, qui suscitent beaucoup d’intérêt au Canada.
Nous nous sommes notamment dotés d’une Feuille de route pancanadienne des PRM, publiée en novembre 2018, et d’un Plan d’action pour les PRM, publié en décembre 2020.
Le Plan d’action pour les PRM est le plan du Canada qui établit les principes pour le développement, la démonstration et le déploiement des PRM dans de multiples applications au Canada et à l’étranger.
Ce plan représente les engagements et les mesures de tous les acteurs clés du secteur nucléaire canadien pour contribuer à l’atteinte de l’objectif, qui consiste à faire du Canada un chef de file sur le marché en plein essor des PRM.
L’intérêt pour les PRM gagne du terrain au Canada.
La CCSN examine actuellement un projet de microréacteur modulaire proposé au Canada. Quatre provinces ont accepté de collaborer pour faire avancer le développement et le déploiement des PRM.
Pas plus tard qu’hier, les premiers ministres de ces provinces ont publié une étude, qui a révélé la faisabilité de 3 volets d’activités distincts liés au développement des PRM. Un plan stratégique pour le déploiement intégré des PRM est en cours de préparation et devrait être achevé au printemps 2021.
Notre gouvernement fédéral et un gouvernement provincial ont financé la participation de divers fournisseurs de PRM à notre processus d’examen préalable à l’autorisation.
Notre service d’examen de la conception des fournisseurs (ECF) est très populaire; il s’agit d’une évaluation préalable à l’autorisation des progrès d’une conception proposée pour atteindre la conformité aux exigences canadiennes.
Douze fournisseurs différents en sont à diverses étapes du processus.
L’ECF ne garantit pas une approbation réglementaire, mais donne une bonne indication tôt dans le processus de tout obstacle fondamental potentiel à l’obtention d’un permis.
L’examen donne à notre personnel l’occasion de se familiariser avec les diverses technologies, dont aucune ne ressemble à la technologie CANDU, soit la technologie à l’eau lourde pressurisée à laquelle nous sommes habitués.
Ce travail a montré clairement que nous n’avons pas toutes les réponses.
C’est pourquoi nous dialoguons régulièrement avec des collègues internationaux pour partager l’information et les idées issues de nos travaux d’examen respectifs pour essayer de combler les lacunes.
Collaboration et harmonisation à l’échelle
La collaboration internationale est essentielle, car les PRM gagnent en importance dans de nombreux pays, notamment en tant qu’outil de lutte contre le changement climatique.
Nous sommes donc heureux de pouvoir tirer parti de notre réputation de longue date au sein de la communauté internationale de réglementation nucléaire pour jouer un rôle de premier plan dans le domaine des PRM.
Nous jouissons d’une voix importante au sein du Forum des organismes de réglementation des PRM et des groupes de travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique, ou AIEA, ainsi que des groupes de travail liés aux PRM de l’Agence pour l’énergie nucléaire.
En tant que dirigeante d’un organisme de réglementation bien implanté, j’ai eu l’honneur d’être nommée à la présidence de la Commission des normes de sûreté, ou CNS, de l’AIEA, en février 2020.
La CNS établit des normes en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection, de sûreté du transport et des déchets, ainsi que des normes sur la préparation et l’intervention en cas d’urgence.
Mes collègues qui siègent à la CNS ont convenu de donner la priorité aux travaux visant à établir des normes internationales harmonisées pour les PRM qui seront neutres sur le plan technologique, proportionnelles aux risques présentés et minimalement suffisantes pour les besoins de tous les pays.
L’harmonisation des normes internationales pour les PRM est un premier pas important vers une plus grande harmonisation au sein de la communauté de réglementation nucléaire.
Je suis résolument en faveur d’une harmonisation aussi complète que possible, car il s’agit selon moi d’une condition préalable au déploiement rapide et sûr des PRM dans le monde.
L’harmonisation est essentiellement une réglementation intelligente qui s’appuie sur des décennies d’expérience acquise par les organismes de réglementation bien implantés.
L’harmonisation n’est pas une nouveauté pour les organismes de réglementation nucléaire, puisqu’il existe déjà un certain degré d’harmonisation de la réglementation relative au transport des substances nucléaires ainsi qu’à l’autorisation et à l’homologation des colis de transport.
Le parcours vers une plus grande harmonisation sera certainement semé de défis, et nous devons agir de manière délibérée et réfléchie, ce qui signifie probablement qu’il nous faut commencer par partager les examens réglementaires avec des organismes de réglementation aux vues similaires.
Notre première grande démarche pour nous rapprocher de l’harmonisation a commencé en août 2019 lorsque nous avons signé un protocole de coopération avec la commission de réglementation nucléaire des États-Unis afin d’orienter nos efforts de collaboration sur les PRM.
Ces efforts comprennent l’échange de perspectives réglementaires découlant des examens techniques de la conception, et l’élaboration possible d’orientations communes pour l’examen des demandes de permis de nouvelles constructions.
Nous avons réalisé de bons progrès dans le cadre de ce protocole – nous comparons nos pratiques, collaborons à l’examen de trois conceptions et partageons les observations tirées des examens d’homologation américains pour une autre conception.
Nous échangeons également du personnel et préparons des rapports conjoints.
Nous avons signé un accord similaire avec l’organisme de réglementation nucléaire du Royaume-Uni en octobre 2020.
Des examens menés par trois organismes de réglementation bien implantés et respectés dans le cadre de ces accords, qui concluent que nous n’avons aucune réserve à l’égard de la délivrance d’un permis pour une technologie, devraient apporter un grand réconfort aux autres pays nucléaires, en particulier aux nouveaux venus dans le domaine.
Plus il y aura d’examens réalisés et partagés, plus nous serons en mesure d’établir une base de référence solide.
Grâce à ces connaissances, nous pourrons examiner de près nos cadres de réglementation pour nous assurer que les exigences connexes sont proportionnelles aux risques présentés.
Si nous concluons que ce n’est pas le cas, nous pouvons travailler à l’établissement de normes internationales harmonisées qui soient acceptables pour tous les pays.
Les organismes de réglementation peuvent travailler en parallèle à l’établissement d’exigences harmonisées acceptables pour tous les pays.
En procédant de cette manière, j’espère que nous pourrons progressivement instaurer la confiance entre les décideurs politiques, les organismes de réglementation et le public afin d’en arriver à un point où les processus d’autorisation et d’approbation pourront être harmonisés.
Au-delà de l’excellent travail que nous accomplissons actuellement sur le plan bilatéral, une dynamique se met rapidement en place à plus grande échelle dans le monde.
Le mois dernier, j’ai pris la parole au sommet sur les réacteurs avancés du Nuclear Industry Council des États‑Unis, où l’harmonisation était un thème récurrent, y compris dans mon allocution.
En décembre dernier, la CCSN et l’Agence pour l’énergie nucléaire ont organisé conjointement un atelier multisectoriel sur la réglementation de l’innovation qui portait sur les défis et les avantages de l’harmonisation du processus d’autorisation pour les technologies émergentes.
Cet atelier nous a permis d’en apprendre sur les pratiques d’autres secteurs, comme l’aviation, les transports, les finances et la médecine, ainsi que sur leurs expériences en matière d’harmonisation – les bonnes, comme les mauvaises –, y compris la façon de gérer les attentes changeantes et d’adopter le bon état d’esprit.
Également en décembre, l’Association nucléaire mondiale, en collaboration avec le Groupe des propriétaires de CANDU, a publié un livre blanc qui présente une feuille de route en 3 étapes pour une éventuelle évaluation et autorisation harmonisées des PRM à l’échelle internationale.
Ce travail s’appuie sur le modèle harmonisé existant pour le transport dans le secteur nucléaire, qui fonctionne très bien.
En novembre dernier, j’ai participé à un colloque entre le Canada et le Royaume-Uni avec de nombreux intellectuels et décideurs éminents sur les défis et les possibilités du programme nucléaire. Un vaste consensus s’est dégagé au sein de ce groupe sur l’importance et la nécessité d’harmoniser les exigences et les normes réglementaires pour les PRM.
Sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire, nous collaborons également avec les États‑Unis et le Royaume‑Uni dans le cadre d’une initiative trilatérale de délivrance de permis, à laquelle participent des représentants des organismes de réglementation et des décideurs, afin de sélectionner et d’examiner une nouvelle technologie de réacteur pour trouver des possibilités d’harmoniser le processus d’autorisation.
L’AIEA et l’Agence pour l’énergie nucléaire prévoient d’autres travaux pour inclure les parties prenantes du monde entier dans les discussions sur des évaluations unifiées et génériques des technologies.
J’espère que tous ces travaux permettront d’harmoniser plus rapidement les exigences et les approbations réglementaires dans le secteur nucléaire.
Quelles que soient la manière et la rapidité avec lesquelles nous procédons, le succès sera probablement étroitement lié à la confiance accordée aux organismes de réglementation, aux promoteurs et aux exploitants.
Établissement de la confiance
Autant nous, l’organisme de réglementation, que le secteur devons être déterminés à inclure toutes les personnes intéressées dans nos processus et à établir des relations significatives afin que toutes les informations et perspectives soient prises en compte.
Cela est primordial pour les groupes autochtones du Canada, de sorte que leurs préoccupations et les impacts potentiels sur leurs droits puissent être abordés.
Conclusion
L’établissement de la confiance sera d’une importance capitale dans le cadre de l’introduction proposée de technologies nucléaires novatrices telles que les PRM.
Des efforts soutenus et sincères donneront, espérons-le, la certitude que la décision la plus éclairée est prise dans chaque cas et que les projets approuvés sont sûrs.
En tant qu’organisme de réglementation, la CCSN a un rôle clé à jouer à cet égard.
Mais, il appartient aux promoteurs de ces projets de déployer les efforts et le temps nécessaires au sein des collectivités – pour connaître les gens et se faire connaître d’eux – afin d’établir une compréhension mutuelle.
L’établissement de relations à long terme fondées sur le respect et l’écoute active est essentiel pour instaurer la confiance.
En ce qui concerne les nouvelles technologies et les innovations, des PRM aux applications d’intelligence artificielle, le secteur aura beaucoup de travail à faire pour gagner l’acceptation des collectivités.
En conclusion, je pense qu’il est important de noter qu’en abordant nos priorités communes relatives à l’état de préparation et à l’établissement de la confiance, nous pourrons mieux faire face aux responsabilités et aux défis actuels et futurs.
Les fournisseurs et les promoteurs doivent communiquer, dès le début de leurs projets et de façon continue, tant avec les organismes de réglementation qu’avec les collectivités, et fournir continuellement le plus d’information possible.
Les exploitants doivent continuer à exercer leurs activités en toute sécurité et à entretenir de solides relations non seulement avec les collectivités d’accueil, mais aussi avec celles qui se trouvent à proximité de leurs projets.
Les gouvernements doivent démontrer leur engagement à trouver des solutions acceptables pour la gestion des déchets à long terme.
Les organismes de réglementation doivent demeurer vigilants et veiller à ce que la réglementation donne toujours la priorité à la sûreté et à ce qu’elle soit proportionnelle au risque.
Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter la complaisance.
Nous devons demeurer attentifs et déterminés afin de nous préparer, et de préparer toutes les personnes intéressées ou potentiellement touchées par l’innovation nucléaire, à cheminer ensemble en toute sécurité vers un avenir innovant.
Si nous ne le faisons pas, ces technologies nucléaires novatrices pourraient rejoindre une longue liste d’autres technologies qui auraient pu exister, mais qui sont restées aux oubliettes de l’histoire.
Merci.
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