L’honorable Carla Qualtrough prononce une allocution à la semaine de l’orientation de l’Université d’Ottawa

Discours

Bonjour à tous. C’est un plaisir d’être ici. 

Je remercie l’Université d’Ottawa de m’avoir invitée à me joindre à vous ce soir. 

En tant que fière diplômée de l’Université d’Ottawa, je suis très heureuse de donner le coup d’envoi de la Semaine de l’orientation de cette année. 

Je me souviens qu’à l’époque où j’étudiais ici, la Semaine d’orientation nous obligeait à réfléchir à l’avenir. 

Laissez-moi d’abord vous dire que ce n’est pas grave si vous ignorez encore le chemin que vous désirez emprunter. 

Vous ne savez peut-être pas ce que vous voulez faire – ce n’est pas grave. Ou peut-être que vous en avez une petite idée, mais que vous ignorez comment la transformer en une carrière – ce n’est pas grave non plus. 

En tant que mère de quatre enfants, dont l’un entrera à l’université l’an prochain, je comprends les parents et les enseignants lorsqu’ils disent : « Choisissez un domaine qui vous permettra d’obtenir un emploi » ou « Vos études universitaires sont cruciales pour votre avenir ». 

Études universitaires 

Mais je crois également que vos études universitaires vous offrent une chance unique d’explorer les différentes avenues qui s’offrent à vous. Il s’agit en effet d’une occasion en or d’apprendre à réfléchir de façon rationnelle, tout en n’ayant pas peur de voir grand. 

Enfin, je conçois aisément que vous ne sachiez pas encore exactement ce que vous souhaitez faire. 

Par exemple, lorsque j’étudiais en science politique ici, je ne pensais sûrement pas aux étapes que j’aurais à franchir pour devenir députée  – et encore moins pour devenir ministre – la toute première responsable des personnes handicapées. Un engagement dont je vous parlerai un peu plus en détail ce soir aussi. 

Malgré cela, lorsque je repense aux années que j’ai passées ici, je me rends compte qu’elles ont eu une grande influence sur la personne que je suis devenue. À l’Université d’Ottawa, j’ai eu l’occasion d’explorer mon intérêt naissant pour l’inclusivité et la défense des droits, deux passions dont les racines remontent à mon enfance. 

(PAUSE) 

S’adapter en tant qu’enfant souffrant d’une déficience visuelle 

Je suis née aveugle au sens de la loi, et mon acuité visuelle corrigée ne dépasse pas 10 %. 

Le fait est que je suis née dans un monde qui n’était pas conçu pour moi et qui ne répondait pas à mes besoins. Un monde auquel j’ai dû apprendre à constamment m’adapter. Un monde dans lequel, ma vie durant, les gens présumeraient de ce que je peux ou ne peux pas faire. 

J’ai eu la chance de bénéficier du soutien inconditionnel de mes parents, qui m’ont appris à faire valoir mes droits. Des parents qui ont tenu tête au système d’éducation public quand on leur a dit que je devrais aller dans une école ségréguée. Qui ont insisté pour que je sois incluse pendant les cours d’éducation physique, lorsqu’on m’a dit que je devrais rester à l’écart. Qui ont refusé que je ne suive pas le cours d’économie familiale parce que la cuisine et la couture étaient trop dangereuses. Des parents qui croyaient – au plus profond d’eux-mêmes – que j’avais le droit d’être incluse et de recevoir l’aide dont j’avais besoin. 

En vieillissant, j’ai assumé de plus en plus la responsabilité de défendre mes droits. En terminant mes études secondaires, j’avais la capacité de le faire et la confiance en moi pour affronter le monde et changer véritablement les choses. 

Bien que j’aie survécu à l’école secondaire, ce n’est pas un parcours social que je souhaiterais refaire. J’étais repoussée, harcelée et souvent victime d’intimidation. J’étais différente – les autres pensaient que je recevais un traitement de faveur. J’avais tout pour me sentir rejetée et je n’avais qu’une hâte – sortir de là. 

Sports 

Le sport a également été à l’origine d’expériences fondamentales dans ma vie. Dans mon enfance, j’ai pratiqué de nombreux sports. Et honnêtement, j’étais plutôt bonne. Lorsque j’étais petite, mes parents, mes entraîneurs et mes coéquipiers parvenaient à composer avec ma mauvaise vue. Mais à un certain moment, mon handicap m’a rattrapé et on m’a fait découvrir le monde des sports paralympiques. À partir de ce jour, ma vie a basculé et la perception que les autres avaient de moi de même que ma vision du monde s’en sont trouvées modifiées à jamais. 

J’ai connu beaucoup de succès internationaux en natation. J’ai remporté, pour le Canada, trois médailles de bronze paralympiques et quatre médailles aux championnats du monde. J’ai voyagé dans le monde entier et j’ai pu assister à d’incroyables démonstrations d’habileté, mais j’ai aussi été témoin d’une incroyable discrimination. 

À l’époque où je participais à des compétitions interuniversitaires au sein de l’équipe de l’Université d’Ottawa en préparation des Jeux olympiques de Barcelone, je nageais depuis plus de dix ans jusqu’à 11 fois par semaine. 

J’ai également été profondément marquée par les principes fondamentaux du sport paralympique. 

Le paralympisme, voyez-vous, est un système dans lequel tous sont placés sur un pied d’égalité avant le début de la compétition; - les athlètes se mesurent à d’autres athlètes ayant une déficience ou un handicap fonctionnel identique au leur. 

J’étais fascinée par l’idée que notre système juridique pourrait fonctionner de la même manière. Et pourquoi pas notre réseau de transport, notre système éducatif ou même le monde du travail? 

Droit 

Toutes ces questions m’ont amené à étudier la science politique ici, à l’Université d’Ottawa. Cela m’a permis d’approfondir ma compréhension des inégalités au sein de notre société et dans la participation à la vie civique. 

L’histoire constitutionnelle et l’évolution des droits de la personne au Canada me fascinaient. Les tensions entre la majorité au pouvoir et les droits des minorités étaient des sujets qui m’attiraient. 

Je me suis donnée corps et âme et j’ai mis toute ma détermination et ma passion de sportive au service de ceux qui en avaient le plus besoin. Cela m’a conduite à étudier et à exercer le droit dans le domaine des droits de la personne.  

Certains d’entre vous se disent peut-être que j’ai eu de la chance d’avoir une idée de ce que je voulais faire avant d’entrer à l’Université d’Ottawa. C’est sans doute vrai. Cela a facilité certains choix. 

Mais je crois que la chance est en fait une combinaison de travail acharné et d’occasions. 

Il n’en tient qu’à vous de travailler fort pour atteindre vos objectifs. 

Les occasions, quant à elles, ont un caractère beaucoup plus insaisissable. Elles ne se présentent pas tous les jours. 

Il nous faut donc les saisir et en profiter pleinement. 

C’est la raison pour laquelle j’entends bien profiter de l’occasion qui m’est offerte en tant que première ministre des Sports et des Personnes handicapées du Canada.  

Le fait qu’un portefeuille ministériel ait été spécialement créé pour les Canadiens handicapés montre bien l’importance que le gouvernement du Canada accorde aux questions qui les touchent. 

Cela prouve que notre gouvernement accorde une grande priorités aux  défis et aux obstacles que ces Canadiens doivent surmonter. Ma participation, de même que celle de l’honorable Kent Hehr, aux réunions du Cabinet me permet d’analyser les décisions importantes que prend notre gouvernement en ce qui concerne les personnes handicapées et l’accessibilité. Cela constitue un changement important dans notre façon de diriger. 

C’est primordial, selon moi, pour parvenir au changement fondamental de culture que j’estime nécessaire pour modifier le discours sur les personnes handicapées. 

(PAUSE) 

Se trouver dans une telle position de leadership est à la fois un immense privilège et une lourde responsabilité. 

Favoriser un changement de culture 

À titre de ministre, je suis déterminée à changer radicalement le discours sur les personnes handicapées. Celles-ci se font constamment rappeler, tout au long de leur vie, que leurs besoins sont coûteux et contraignants. On nous dit que tout le monde veut aider et améliorer la situation, mais que nous devons comprendre combien cela coûte cher. 

Il faut changer ce discours. Nous devons cesser de parler de besoins et d’incapacités et commencer à parler de participation économique, sociale et civique. C’est ainsi que l’on permettra aux personnes handicapées de jouir pleinement de leurs droits de citoyens. 

Le premier ministre dit souvent que la force du Canada réside dans sa diversité, que notre pays est fort non pas malgré nos différences, mais grâce à elles, et que les personnes handicapées sont un élément important de cette force et de cette diversité. 

Je pense qu’une société inclusive est une société dans laquelle chacun dispose, dès le début, de chances égales de réussite. Cela peut signifier, par exemple, de faciliter ou de rendre possible pour tous l’utilisation des moyens de transport, l’accès aux bâtiments et aux établissements, l’utilisation des technologies de l’information et de communication, ainsi que de permettre à tous de recevoir des services dans le format de leur choix. Il s’agit de faire en sorte que ces services et ces structures soient accessibles, dès le départ, à l’ensemble de la population, y compris aux personnes handicapées. 

Cela signifie que nous ne devrions pas avoir à nous souvenir de penser à l’accessibilité et à l’inclusion – cela devrait être la norme et ces principes devraient être intégrés à tout ce que nous entreprenons. 

Il s’agit d’un changement majeur de notre façon de penser. Et l’aspect le plus important de mon travail consiste à concrétiser notre vision d’un Canada accessible et inclusif. 

Heureusement, votre génération pense déjà de cette façon, peut-être plus que la mienne. 

À l’automne dernier, dans le cadre de consultations dont je parlerai dans quelques minutes, j’ai organisé un forum national auquel ont participé 110 jeunes handicapés de tout le pays. Le premier ministre Justin Trudeau a participé au débat et a dû s’expliquer sur ce que le gouvernement accomplit et ce qu’il est prêt à faire. 

Le message de ces jeunes était clair. Ils n’acceptent pas le statu quo -, c’est-à-dire que l’on songe après coup à prendre en compte les besoins des personnes handicapées. Ils veulent être inclus dès le début du processus. Ils ne parlent pas d’adaptation, mais bien d’inclusion. 

Cette conversation m’a confortée dans ma conviction qu’une société inclusive est non seulement possible, mais n’est peut-être pas si difficile à réaliser que certains le croient. C’est une idée fort encourageante. 

J’ose à peine imaginer combien ma vie aurait été différente sans ces problèmes d’accessibilité, de discrimination et, admettons-le, ces attitudes choquantes auxquelles j’ai parfois été confrontée.

(PAUSE) 

Donc, que faisons-nous concrètement? Mon vaste mandat consiste à améliorer la vie des Canadiens handicapés. La législation nationale en matière d’accessibilité est l’un des aspects de ce mandat. 

Mon expérience du droit me permet d’affirmer que nous disposons, au Canada, d’un système très solide en matière de droits de la personne. 

Le le problème, c’est que ce système est réactif. 

Il faut avoir été victime de discrimination pour pouvoir demander de l’aide. 

Pour les personnes handicapées, cela signifie qu’il faut qu’on leur ait refusé un emploi, un logement ou un service pour qu’on leur dise, parfois des années plus tard, que c’était inacceptable. 

En outre, il incombe aux personnes handicapées de déposer des plaintes systémiques. 

Ce processus est long, coûteux et, vous en conviendrez, injustement lourd. 

Il est impensable que 50 % des plaintes déposées auprès de la Commission canadienne des droits de la personne se rapportent à la déficience. Cette situation est invraisemblable lorsqu’on pense à la multitude d’autres motifs de violation des droits de la personne qui existent – discrimination en raison de la race, du sexe ou de l’orientation sexuelle, pour n’en citer que quelques-uns. 

Pour la plupart, les plaintes concernent le domaine de l’emploi. Comme partout dans le monde, il existe au Canada des obstacles importants à l’emploi pour les personnes handicapées. Les taux de chômage et de sous-emploi sont élevés. C’est inacceptable. 

Loi en matière d’accessibilité 

Cela n’est qu’une des raisons pour lesquelles le Canada est en train d’élaborer une loi en matière d’accessibilité.   

Cette loi proactive abordera, les obstacles systémiques qui existent dans les secteurs régis par le gouvernement fédéral.  Cela comprendrait les secteurs bancaire, des transports, des télécommunications et, évidemment, le gouvernement fédéral lui-même. Nous voulons supprimer le fardeau qui incombe à la personne handicapée de déposer des plaintes systémiques pour lutter contre les inégalités. Nous supprimerons les obstacles en établissant une série d’attentes ou de normes destinées aux employeurs, aux fournisseurs de services et de programmes et aux entreprises.  Il y aura des mécanismes de conformité et d’application, ainsi que des programmes complémentaires. 

En d’autres termes, nous entendons élaborer une loi qui nous aide à éviter la discrimination et l’exclusion d’emblée. 

En juillet dernier, nous avons lancé un processus ambitieux de consultations publiques, qui nous a fait traverser le pays, rencontrer les Canadiens et des intervenants et discuter de ce que signifie un Canada accessible pour eux. Et tout cela de la façon la plus accessible possible afin que tous puissent participer et s’exprimer sur ce que devrait être cette loi. 

Il s’agit réellement d’une nouvelle ère de leadership et de collaboration sur les enjeux liés aux personnes handicapées. 

Des milliers de Canadiens à travers le pays se sont exprimés lors de séances publiques et en ligne. J’ai alors acquis une compréhension intime de certains des obstacles quotidiens qu’affrontent les autres personnes handicapées. 

On m’a parlé 

  • des obstacles nuisant à la capacité de se mouvoir librement dans un milieu bâti, d’utiliser les moyens de transport, d’accéder à l’information ou d’utiliser la technologie; 

  • des comportements, des préjugés et des idées fausses qu’ont les gens à propos des personnes handicapées et de ce qu’elles peuvent ou ne peuvent pas faire; 

  • des politiques et des pratiques désuètes qui ne tiennent tout simplement pas compte des aptitudes variées des gens. 

Maintes et maintes fois, les personnes handicapées me disent les mêmes choses : 

Nous ne sommes pas une préoccupation secondaire. Nous sommes des citoyens qui méritent les mêmes droits et qui ont les mêmes responsabilités que tout autre citoyen. 

Nous sommes des membres compétents et précieux de la société. 

Nous ne voulons pas être considérés comme des personnes qui ont besoin de « mesures d’adaptation », et nous ne voulons pas être traités comme si nous étions un fardeau. 

En plus d’éliminer les obstacles physiques et sociaux, cette loi enverra également un message clair : le Canada dit non à la discrimination et oui à l’inclusion. 

(PAUSE) 

Nous avons une chance extraordinaire de réellement changer les choses avec cette loi. 

Il ne s’agit pas uniquement d’édicter une loi. Il s’agit de catalyser le changement social. 

Je suis si fière de ce travail. Quand j’étais étudiante à l’université, j’ignorais que j’aurais la chance de réaliser un aussi important changement pour les Canadiens. Ou que je pourrais aider les personnes handicapées, ou changer la vision qu’a notre société de l’inclusion. 

Mais comme je l’ai dit... je vais tirer le meilleur parti de cette occasion. 

Lorsque vous assisterez à des séances tout au long de la Semaine de l’orientation, n’oubliez pas que vous n’en êtes qu’au début de votre parcours personnel. 

Celui-ci peut vous conduire à monter une jeune entreprise innovante, ou à vous diriger vers le monde des arts. Vous pourriez être amené à modifier des lois ou à influencer des politiques publiques. Quel que soit votre parcours, le monde a besoin de personnes passionnées qui cherchent à améliorer les choses et qui disposent des compétences pour le faire. 

Travaillez fort et lorsque l’occasion se présentera, vous serez prêts. 

Chemin faisant, veillez à repérer ceux qui peuvent vous aider et ceux que – vous – pouvez aider. 

Et alors que vous avancez et faites la connaissance de potentiels employeurs, que vous pensez à votre carrière, rappelez-vous d’accorder une grande valeur à vos propres compétences et habiletés. Pensez aux qualités uniques que vous offrez… Parce que nous offrons tous quelque chose d’unique. 

Soyez inclusifs. Célébrez la diversité sous toutes ses formes.                                               

Votre génération pourrait très bien connaître un monde sans limites. 

Merci. 

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2017-03-13