Un guide pratique d’interventions sur les rives en eau douce : chapitre 4

Les propriétés des hydrocarbures déversés dans l’environnement changent sous l’effet de processus biologiques, physiques et chimiques communément appelés « altération ». Ces processus modifient le comportement et contrôlent le devenir des hydrocarbures dans l’environnement et peuvent avoir une incidence sur le choix des stratégies et des méthodes de traitement appropriées lors d’une intervention. Les sections suivantes décrivent :

4.1 Processus de transport et d’altération

Lorsque des hydrocarbures sont déversés dans l’environnement, plusieurs processus physiques et chimiques ont lieu entraînant des changements aux caractéristiques et au comportement des hydrocarbures. Certains des processus de transformation commencent dès que les hydrocarbures sont déversés dans l’environnement tandis que d’autres ont lieu plus ou moins rapidement. La compréhension de ces processus est essentielle pour la sélection des stratégies d’intervention et de traitement appropriées. Les processus d’altération sont les mêmes pour les milieux marins ou d’eau douce, mais l’effet sur le comportement des hydrocarbures varie selon les conditions hydrodynamiques et géographiques rencontrées dans les milieux en eau douce. Le taux et l’ampleur de l’altération des hydrocarbures dépendent fortement des conditions météorologiques et hydrologiques au moment de l’incident et du type d’hydrocarbures. Certains des processus d’altération aident à l’intervention, car ils éliminent les hydrocarbures de l’environnement, tandis que d’autres peuvent rendre les hydrocarbures plus persistants ou plus difficiles à récupérer. Les processus d’altération des hydrocarbures décrient dans les sections suivantes varient dans le temps (de quelques heures à quelques années) et dans l’espace. La plupart des processus d’altération agissent comme des voies qui déplacent les hydrocarbures entre les milieux environnementaux (eau-air-sol). Seules la photo-oxydation ou la biodégradation décomposent les hydrocarbures en d’autres composés. La figure 4.1 illustre les principaux processus d’altération des hydrocarbures en milieu aquatique. Ceux-ci sont décrits dans les sections suivantes.

Figure 4.1 : Principaux processus d’altération qui influent sur le devenir et le comportement des hydrocarbures en milieu aquatique

Longue description

L’illustration est une description des processus d’altération de l’huile. Ces processus affectent le devenir et le comportement du pétrole sur l’eau et dans l’eau. Les processus décrits sont l’émulsification, l’évaporation, l’oxydation, la dérive, l’étalement, l’immersion, la dissolution, la sédimentation, la dispersion et la biodégradation.

4.1.1 Étalement

L’étalement commence dès que les hydrocarbures sont déversés à la surface de l’eau. L’épaisseur de la nappe diminue rapidement pour tous les types d’hydrocarbures, sauf si la viscosité est élevée, et peut être généralement réduite à quelques millimètres ou moins en quelques minutes ou heures. La vitesse à laquelle se produit l’étalement dépend de la quantité d’hydrocarbures rejetés et de la viscosité initiale des hydrocarbures. Les hydrocarbures de faible viscosité s’étalent davantage que les hydrocarbures de haute viscosité. En s’étalant, une nappe d’hydrocarbures se fragmente en petites plaques ou en longues bandes sous l’influence des vents, des courants et des vagues. Dans les rivières, la fragmentation peut être considérablement accrue par la présence de rapides, de remous ou de chutes. Les nappes d’hydrocarbures sont rarement uniformes, et leur épaisseur peut varier considérablement d’un endroit à l’autre. Il est possible d’estimer l’épaisseur et le volume potentiel des nappes d’hydrocarbures visuellement, grâce à leur apparence (tableau A1.6; ECCC; 2018). L’étalement peut nuire considérablement aux opérations d’intervention, car les fines couches d’hydrocarbures sont difficiles à récupérer. De plus, les taux de récupération peuvent être affectés par la fragmentation et la grande étendue occupée par les hydrocarbures (figure 4.2). Dans des plans d’eau douce de petite surface (petits lacs et étangs), un déversement peut occuper toute la surface.

Figure 4.2 : Hydrocarbures fragmentés à la surface de l’eau, lac Wabamun, AB (2005)

Longue description

La photo montre un reflet d’huile fragmenté sur la surface de l’eau du lac Wabamun (AB) avec une installation de barrages flottants retenant l’huile.

4.1.2 Dérive

La plupart des hydrocarbures flottent initialement à la surface de l’eau et sont transportés sous l’action des courants de surfaces et des vents. La trajectoire des hydrocarbures à la surface d’un grand plan d’eau (lacs) peut être estimée si l’on connaît les paramètres de friction liés aux courants et à la vitesse du vent. Dans le cas des ruisseaux ou des rivières, les hydrocarbures sont généralement transportés en aval par les courants et le vent pousse les hydrocarbures vers l’une ou l’autre des rives selon la direction des vents (figure 4.3). La configuration du plan d’eau peut avoir un effet important sur le mouvement des hydrocarbures le long des rives, car ces derniers peuvent s’accumuler dans les courbes, les baies et autres. La dérive constitue un défi important pour les interventions en cas de déversement, car les hydrocarbures se déplacent constamment à la surface de l’eau, ce qui rend difficile le déploiement rapide et efficace d’équipement. En outre, la vitesse de dérive des hydrocarbures à la surface peut être ralentie par la présence de végétation, car ils ont tendance à se déplacer plus lentement dans la végétation que dans l’eau.

Figure 4.3 : Hydrocarbures dérivants et s’étalant à la surface de l’eau d’une rivière, Rivière Chaudière, QC (2013)

Longue description

La photo montre des hydrocarbures à la surface de l’eau qui s’étalent dans le courant de la rivière Chaudière au Québec.

4.1.3 Évaporation

L’évaporation est le transfert de composants volatils légers d’hydrocarbures dans l’atmosphère sous forme de vapeur. Le processus est le même, qu’il se produise dans un milieu marin ou terrestre. Le taux d’évaporation est déterminé par la composition des hydrocarbures, la température ambiante, la force des vents, les turbulences (vagues, rapides) et la superficie de la nappe. Tous les types d’hydrocarbures subissent de l’évaporation. En général, les hydrocarbures plus légers tels que l’essence ou le diésel, les températures plutôt chaudes, une grande exposition au soleil, des vents forts et les turbulences favorisent l’évaporation. En cas de fort ensoleillement, la température des hydrocarbures peut largement dépasser la température ambiante et elle sera le facteur principal causant l’évaporation. L’étalement et l’évaporation sont étroitement liés; en effet, à mesure que les hydrocarbures s’étalent, leur superficie augmente, de sorte qu’un plus grand volume est exposé aux processus d’évaporation. L’évaporation peut avoir un effet positif sur l’intervention, car un volume important d’hydrocarbures peut être transféré dans l’atmosphère, ce qui diminue le volume d’hydrocarbures qui reste sur l’eau ou sur les rives. Cependant, les hydrocarbures restants peuvent présenter une viscosité et une densité plus élevées en raison de la perte des fractions légères. Bien que les taux de dispersion dans l’air soient généralement élevés, les vapeurs peuvent constituer un risque pour la santé et la sécurité des intervenants et du public, car elles peuvent être toxiques et inflammables, surtout dans les zones plus confinées telle qu’une vallée étroite et escarpée.

Un processus de surveillance de qualité de l’air doit être mis en place au début d’un déversement pour évaluer ces risques. En général, l’évaporation a lieu dans les premières heures/jours suivant un déversement, à moins qu’il n’y ait une source continue de nouveaux hydrocarbures.

4.1.4 Dispersion

La dispersion naturelle se produit lorsqu’une nappe d’hydrocarbures se fractionne en gouttelette sous l’effet des vagues déferlantes et des turbulences à la surface de l’eau. Les gouttelettes d’hydrocarbures peuvent être de tailles diverses et demeurent dans la couche supérieure de la colonne d’eau. Les gouttelettes de moins de 70 µm peuvent demeurer en suspension et rester dans la colonne d’eau, tandis que les gouttelettes plus grosses ont tendance à remonter à la surface et à reformer des nappes d’hydrocarbures. Les gouttelettes qui restent dans la colonne d’eau seront éventuellement dispersées et biodégradées (en fonction des communautés microbiennes locales) lorsque la profondeur de l’eau est suffisante pour permettre la dilution. La dispersion peut être limitée si la profondeur de l’eau n’est pas suffisante par rapport au volume d’hydrocarbures pour permettre le processus de mélange, ce qui peut avoir des effets néfastes sur le milieu d’eau douce ou sur la qualité de l’eau. Le type d’hydrocarbures et le niveau d’énergie de l’eau sont les deux principaux facteurs qui influencent ce processus. Les hydrocarbures de faible viscosité sont généralement dispersés plus rapidement que les hydrocarbures de viscosité plus élevée. La dispersion naturelle peut être bénéfique pour l’intervention, car elle permet de réduire considérablement le volume d’hydrocarbures à la surface de l’eau. Cependant, dans un milieu d’eau douce, la faible profondeur de l’eau peut être un facteur important limitant l’ampleur de ce processus.

4.1.5 Émulsification

L’émulsification se produit lorsque des gouttelettes d’eau sont incorporées dans les hydrocarbures pour former une émulsion eau- dans-hydrocarbures, ou lorsque les hydrocarbures sont entraînés dans les gouttelettes d’eau pour former une émulsion hydrocarbures-dans- eau. Ces processus peuvent augmenter le volume des hydrocarbures jusqu’à cinq fois en raison de l’ajout d’eau dans les hydrocarbures. La formation d’émulsion est plus susceptible de se produire lorsque les hydrocarbures ont une concentration en nickel/vanadium supérieure à 15 ppm ou une teneur en asphaltènes supérieure à 0,5 % et lorsqu’ils sont exposés à de l’énergie sous forme de vagues ou de turbulences telles que des rapides ou des chutes. L’émulsification augmente considérablement la viscosité et la densité des hydrocarbures. Les émulsions eau-dans-hydrocarbures stables peuvent être très persistantes, tandis que les émulsions non stables peuvent se séparer en hydrocarbures et en eau, dans des conditions calmes, lorsqu’elles sont chauffées par le soleil ou lorsqu’elles s’échouent sur la rive. L’émulsification a un effet important sur les techniques d’intervention, car les hydrocarbures visqueux sont généralement plus difficiles à récupérer et le volume accru génère des quantités plus importantes de déchets liquides.

4.1.6 Sédimentation

La sédimentation d’hydrocarbures déversés se produit lorsque des gouttelettes d’hydrocarbures interagissent et se fixent à des matières organiques en suspension ou à de grosses particules de sédiments (au-delà de 1 mm) présentes dans la colonne d’eau. Ce changement dans l’état des hydrocarbures peut augmenter leur densité et faire en sorte que les hydrocarbures coulent ou restent en suspension sous l’eau (c’est-à-dire submergés). Ce processus est plus courant dans les milieux en eau douce, car la densité de l’eau douce est plus faible que celle de l’eau de mer. Des sédiments peuvent être mélangés aux hydrocarbures qui s’écoulent par voie terrestre vers un lac ou une rivière ou qui se sont échoués sur une rive, une berge ou une barre, et qui sont agités par des vagues ou des courants. Il existe trois mécanismes et types distincts d’agrégats de particules d’hydrocarbures importants à la compréhension des processus de sédimentation (voir encadré).

Agrégats de particules colloïdales d’hydrocarbures -> formés par l’interaction des hydrocarbures avec de fines particules inorganiques (typiquement moins de 5 μm)

Agrégats ou agglomérats de particules granulaires d’hydrocarbures -> formés par interaction d’hydrocarbures avec des particules inorganiques (typiquement plus de 1 mm)

Neige d’hydrocarbures marins -> formée par interaction d’hydrocarbures avec des matières organiques particulaires microscopiques en suspension (y compris du plancton et des bactéries)

Les interactions des agglomérats dépendent des facteurs suivants :

Plus d’informations sur les hydrocarbures coulés et submergés en milieux en eau douce sont disponibles dans la section 7.3.

4.1.7 Dissolution

Une petite fraction des composants les plus légers des hydrocarbures peut se dissoudre dans la colonne d’eau. Les composants pertinents sont les hydrocarbures aromatiques tels que le benzène, le toluène, l’éthylbenzène et le xylène (BTEX), car ils peuvent être nocifs pour le biote et la qualité de l’eau. Cependant, comme ces composés sont également très volatils, ils ont tendance à s’évaporer dans une proportion beaucoup plus importante qu’ils ne se dissolvent. Ainsi, la dissolution est considérée comme un processus mineur d’altération des hydrocarbures. La vitesse à laquelle la dissolution se produit dépend du type d’hydrocarbures, de l’étalement, de la formation de gouttelettes, des conditions météorologiques et de la turbulence de l’eau. Dans les milieux en eau douce, la dissolution peut être une préoccupation importante, car les prises d’eau potable municipales peuvent être potentiellement exposées aux hydrocarbures dissous.

4.1.8 Biodégradation

Tous les milieux aqueux (eau douce et eau de mer) contiennent des populations de micro-organismes qui utilisent les hydrocarbures comme source de carbone et d’énergie, ce qui conduit à sa dégradation finale en dioxyde de carbone et en eau. Les micro-organismes sont très opportunistes et les organismes dégradant les hydrocarbures se multiplient rapidement une fois en contact avec des hydrocarbures. La biodégradation est le mécanisme par lequel les hydrocarbures sont naturellement éliminés de l’environnement. En général, la biodégradation se produit après les processus d’émulsification ou de dispersion en gouttelettes d’hydrocarbures. Les hydrocarbures plus lourds à forte teneur en paraffines ou en asphaltènes se biodégradent plus lentement que les pétroles bruts ou les produits qui ont une teneur plus élevée en composés d’hydrocarbures légers et moyens. Différents micro-organismes dégradent différents composés d’hydrocarbures et demultiples communautés microbiennes interagissent durant ce processus. La biodégradation se produit principalement à l’interface hydrocarbures-eau et toute augmentation de la surface couverte par des hydrocarbures, comme la formation de gouttelettes par dispersion ou par des mécanismes d’agrégats de particules d’hydrocarbures (voir encadré), augmente le taux de biodégradation. Le type d’hydrocarbures (généralement les hydrocarbures légers sont plus faciles à biodégrader), la présence d’oxygène et de nutriments (phosphore et/ou azote) et la température influencent le taux de biodégradation.

4.1.9 Photo-oxydation

La photo-oxydation est une réaction chimique favorisée par la lumière du soleil pour former des composés oxydés. Les produits légers se dégradent lentement, tandis que les produits plus lourds peuvent former une couche de surface protectrice (semblable à une croûte) qui rend les hydrocarbures plus persistants (c’est-à-dire qui résistent aux autres processus d’altération). La photo-oxydation contribue à la dégradation des molécules d’hydrocarbures.

4.2 Atténuation naturelle des hydrocarbures sur les rives

L’atténuation naturelle ou l’élimination des hydrocarbures échoués sur les rives peuvent se faire par un processus ou une combinaison de six processus, y compris des mécanismes de dégradation physique, photochimique et microbienne.

Les quatre mécanismes physiques sont les suivants :

1. Évaporation : volatilisation physique des fractions légères d’hydrocarbures dans l’atmosphère (air).

2. Séparation par flottabilité causée par la montée du niveau de l’eau, avec ou sans l’énergie des vagues : dispersion physique dans le milieu aquatique.

3. Action physique des vagues : séparation physique et dispersion dans le milieu aquatique.

4. Agrégation par particules fines (agrégats de particules colloïdales d’hydrocarbures) : émulsification et dispersion physique dans le milieu aquatique avec ou sans énergie des vagues.

Le cinquième processus, la dégradation photochimique par oxydation, se produit sur les surfaces exposées des hydrocarbures. Les hydrocarbures aromatiques sont sensibles à la photo-oxydation, alors que les hydro- carbures saturés sont plus résistants. Des produits photo-oxydés se trouvent dans les résines et les fractions polaires, des composés qui résistent davantage à la biodégradation.

Le sixième processus, consiste en la même activité microbienne qui atténue les hydrocarbures en milieu aquatique, soit la biodégradation directe in situ des hydrocarbures échoués et une atténuation naturelle par activité microbienne :

4.3 Types d’hydrocarbures

Cette section donne un aperçu des principales propriétés physiques/ chimiques, du comportement et des effets néfastes potentiels des différents types d’hydrocarbures en eau douce. Les intervenants utilisent des systèmes de classification simples pour catégoriser différents types d’hydrocarbures. L’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis et la Garde côtière des États-Unis (USCG) ont recours à une classification fondée sur cinq groupes en fonction de la densité. ECCC (2016) utilise un schéma descriptif à cinq niveaux (volatil, léger, moyen, lourd, solide), c’est ce dernier schéma qui sera utilisé dans le présent guide :

Le tableau 4.1 compare les propriétés physiques de chaque catégorie d’hydrocarbures à celles de l’eau douce.

Tableau 4.1 : Propriétés physiques typiques des différents types d’hydrocarbures et d’eau douce (tiré de : Section des urgences, sciences et technologies environnementales, base de données sur les propriétés des hydrocarbures; Fingas, 2001; ITOPF, 2011)
Catégorie de type d’hydrocarbures Densité
(g/ml)
Viscosité
(cSt)
Caractéristiques de distillation
% d’ébullition :
< 200 ˚C
> 370 ˚C
Point d’écoulement
(˚C)
Volatil
(p. ex. essence)
0,75 1 100
0
Léger
(p. ex. diesel)
0,85 1 à 5 30
100
-35 à -1
Moyen
(p. ex. brut typique, y compris le dilbit)
0,85 à
0,90
10 à 50 15 à 40
45 à 85
-40 à 30
Lourd
(p. ex. mazout)
0,95 à
0,98
1 500 à
15 000
2 à 5
30 à 40
-10 à 10
Solide
(p. ex. bitume)
> 1 > 50 000
Eau 1 1 100
0
0

4.3.1 Volatil

Les hydrocarbures de cette catégorie ne sont pas persistants, car ils sont très volatils et s’évaporent rapidement. Ils présentent des concentrations élevées de composés toxiques, dont certains sont solubles dans l’eau, ce qui peut entraîner des effets localisés dans la colonne d’eau et sur les ressources riveraines. Puisqu’ils ne sont pas persistants et peuvent poser des enjeux de sécurité pour les intervenants, il n’est généralement pas jugé nécessaire d’intervenir pour contrôler, contenir ou récupérer les hydrocarbures déversés.

4.3.2 Léger

Les hydrocarbures légers sont caractérisés comme étant relativement volatils et persistants. Ils contiennent certaines concentrations de composés toxiques, qui peuvent être solubles dans l’eau. Ils peuvent entraîner un mazoutage à long terme des ressources riveraines et peuvent causer des effets subaquatiques aigus dus à la dissolution, au mélange et à l’absorption des particules en suspension. Les hydrocarbures légers se comportent de la même manière dans tous les milieux aqueux.

4.3.3 Moyen

Les hydrocarbures moyens sont généralement plus persistants que les hydrocarbures légers. Ils ont typiquement une fraction soluble inférieure à 1 % et peuvent causer un mazoutage important et durable des rives et des effets sur les oiseaux aquatiques et les animaux à fourrure aquatiques (p. ex. le castor ou le rat musqué), car ils ont un potentiel d’adhérence élevé.

Les bitumes dilués non altérés font partie de cette catégorie. Toutefois, par rapport aux autres hydrocarbures couramment transportés, de nombreuses propriétés chimiques et physiques du bitume dilué, en particulier celles qui concernent les effets sur l’environnement, diffèrent sensiblement. Les différences résident principalement dans l’augmentation de la densité, de la viscosité ainsi que les propriétés d’adhérence au fur et à mesure que l’hydrocarbure est altéré.

4.3.4 Lourd

Les hydrocarbures lourds ont peu de fractions légères et il y a peu de composés qui s’évaporent ou se dissolvent facilement. Ces produits visqueux s’étalent plus lentement que les produits de plus faible viscosité et se décomposent fréquemment en plaques discrètes et en boulettes de goudron lorsqu’ils sont dispersés plutôt que de former des nappes. Les hydrocarbures lourds s’altèrent lentement et peuvent être submergés dans l’eau douce, ce qui les rend difficiles à détecter et à récupérer. La persistance des hydrocarbures lourds sur les rives peut être longue (des mois, voire des années) et le traitement des rives est normalement nécessaire.

4.3.5 Solide

Les hydrocarbures solides vont avoir tendance à couler, car leur densité est supérieure à celle de l’eau douce. Dans des eaux où le courant est faible, le mouvement et le transport du produit peuvent être minimes.

4.3.6 Introduction aux hydrocarbures et biocarburants non conventionnel

Le pétrole classique est généralement appelé pétrole brut (soit, le pétrole liquide) et s’écoule naturellement ou peut être pompé sans autre traitement ou dilution. Le présent guide pratique traite principalement des pétroles bruts et des produits pétroliers dérivés des pétroles bruts. Le pétrole non classique (ou non conventionnel) est dérivé d’autres sources, tels que le pétrole léger de schiste (p. ex. Bakken) et les sables bitumineux, transportés sous forme de bitume dilué (dilbit). Il est à noter que ce guide pratique classe le dilbit dans les catégories d’hydrocarbures de type moyen-lourd, en fonction de son degré d’altération. Les biocarburants (essence à l’éthanol, biodiesel et huile végétale) sont souvent promus par certaines industries énergétiques et certains gouvernements comme solution de rechange aux carburants pétroliers classiques. Cette section résume brièvement les comportements, le devenir et les techniques d’intervention potentielles pour le pétrole léger de schiste, l’essence à l’éthanol, le biodiesel et l’huile végétale, en soulignant les différences par rapport aux hydrocarbures classiques.

Pétrole léger de schiste

Le pétrole léger de schiste est un type de pétrole brut léger provenant des réservoirs géologiques de pétrole de schiste, généralement par des techniques de fracturation hydraulique. Les pétroles de schiste présentent parfois des concentrations élevées de sulfure d’hydrogène (H2S), ce qui pose des risques importants pour la qualité de l’air au début de l’intervention. Le pétrole de schiste de Bakken était le produit inflammable en cause dans l’incident de Lac-Mégantic, au Québec (2013; section 9.1.6). Dans l’ensemble, les pétroles de Bakken ont tendance à contenir plus de condensat que les pétroles bruts classiques, en raison de l’isolement des poches de pétrole dans la formation de schiste qui sont seulement récemment « fracturées ». La pression de vapeur plus élevée et le point d’ébullition plus bas sont les raisons du risque d’inflammabilité accru du pétrole de schiste de Bakken par rapport aux autres pétroles bruts légers; autrement, les comportements du pétrole léger de schiste lors d’un déversement ne sont pas si différents de ceux d’autres types de pétrole brut léger.

Essence à l’éthanol

L’éthanol est un alcool qui a une viscosité et une densité très faibles par rapport à l’eau douce; néanmoins, il est très soluble, tant dans l’essence que dans l’eau. Lorsqu’il est déversé en milieu aquatique, l’éthanol se mélange à l’eau et il peut accroître la solubilité de l’essence. L’introduction de l’éthanol dans le carburant modifie les propriétés physiques et chimiques du pétrole, ce qui peut altérer l’efficacité des techniques d’intervention actuelles en cas de déversement.

L’une des principales préoccupations liées aux déversements d’essence est la contamination des eaux souterraines dans des zones où l’eau est extraite pour une utilisation humaine. La capacité de l’éthanol à augmenter la quantité d’hydrocarbures dissoute dans l’eau est une préoccupation importante.

L’éthanol étant à la fois volatil et très soluble dans l’eau, les décisions d’intervention lors de déversement portent davantage sur la gestion des effets et l’atténuation des dommages que sur le confinement et la récupération. Les pratiques exemplaires en matière d’intervention devraient suivre les procédures habituelles pour les carburants à base d’essence. Cependant, la séparation sur les eaux de surface et le comportement des cosolvants des essences à l’éthanol ne sont pas entièrement compris; la toxicité de ces mélanges pour divers organismes et la biodégradation de la partie essence des mélanges doivent être clarifiées.

Biodiesel

Les carburants biodiesel peuvent avoir une composition chimique variable en fonction de la matière d’origine (p. ex. huile de colza, huiles de friture usagées de restaurants ou graisses animales ou de poisson fondus), ce qui est susceptible d’influer sur leur devenir et leur comportement en milieu aquatique.

Le biodiesel est très soluble dans le diésel à base de pétrole et il peut être mélangé de la même façon que l’éthanol à de l’essence. Les différents types de biodiesel ont des densités de l’ordre de celles des diésels classiques et flottent sur l’eau douce; néanmoins, la viscosité du biodiesel tend à être plus élevée, surtout à basse température. Certains types de biodiesel peuvent même devenir solides à des températures approchant le point de congélation de l’eau. Les différents types de biodiesel ne sont pas très solubles dans l’eau, mais se dispersent facile- ment. Le biodiesel n’a pas une pression de vapeur élevée et il ne devrait pas s’évaporer de manière importante. Les types de diésel à base de pétrole se sont avérés 5 à 10 fois plus toxiques pour les organismes aquatiques que les types de biodiesel purs. Les différents types de biodiesel se dégradent rapidement et peuvent créer une forte demande en oxygène dans le milieu aquatique récepteur, ce qui entraîne des conditions de faible teneur en oxygène pour les organismes aquatiques.

Les pratiques exemplaires d’intervention devraient suivre les mêmes procédures que celles pour les hydrocarbures légers. Étant donné que les différents types de biodiesel se dégradent rapidement, la biorestauration pourrait être une solution pratique pour le traitement des substrats des rives touchées par le biodiesel.

Huile végétale

Les huiles végétales ne sont pas solubles dans l’eau, ne s’évaporent pas, ne forment pas d’émulsions eau-dans-huile, et ne se dispersent pas dans l’eau non plus.

Ces huiles peuvent avoir des effets sur l’environnement similaires à ceux des déversements de pétrole, tels que : l’enrobage (semblable au mazoutage) de la fourrure, des plumes et des branchies; la création d’une forte demande biologique en oxygène; et l’altération, la perturbation ou la destruction d’habitats riverains. Les constituants ou les produits métaboliques des huiles végétales (p. ex. les acides gras libres) peuvent être toxiques pour le biote.

Les pratiques exemplaires d’intervention devraient suivre les procédures habituelles pour les hydrocarbures légers.

4.4 Effets des conditions hivernales, de la glace et de la neige sur le comportement et l’altération des hydrocarbures

4.4.1 Formation de la glace d’eau douce

Le processus par lequel la glace d’eau douce est formée est très différent de celui de la glace de mer, car, contrairement à la plupart des substances, l’eau douce devient moins dense lorsqu’elle approche du point de congélation. L’eau douce très froide et de faible densité reste à la surface des lacs et des rivières, formant rapidement une couche de glace en surface. Contrairement à ce qui se passe en eau douce, le sel de l’eau de mer fait augmenter la densité de l’eau lorsqu’elle s’approche du point de congélation, et l’eau de mer très froide a tendance à couler. Par conséquent, la glace d’eau douce se forme plus rapidement que la glace de mer, car l’eau salée s’éloigne de la surface froide avant qu’elle ne se refroidisse suffisamment pour geler. Il faut moins de jours de température sous le point de congélation pour amorcer la formation de glace dans des milieux en eau douce que dans des eaux marines ou saumâtres (sections 3.1.3 et 3.2.4).

4.4.2 Types de glaces de rive

Voici des exemples de types de glaces de rive :

Figure 4.4 : Glace et neige sur des rives : glace « fixée » à la rive (panneau du haut); éclaboussures de vagues gelées (panneau du milieu); crêtes de glace visibles durant la fonte printanière (panneau du bas)

Longue description
  1. dans le panneau du haut, la glace recouvre une partie du rivage avec quelques plaques de neige
  2. dans le panneau du milieu, c’est une éclaboussure de vague gelée sur un bloc de roche le long du rivage
  3. le panneau du bas représente une crête de glace sur le lac visible au printemps

Sur les rives où de la glace saisonnière est présente, celle-ci se forme à la surface des sédiments ou du substrat rocheux sous forme d’écume ou d’embruns gelés ou de pieds de glace. Dans ces situations, la couche de glace de surface et le substrat géologique sous-jacent de la rive sont tous deux pris en compte dans la planification de l’intervention. Les surfaces de glace ne supportent pas une vie végétale ou animale importante.

4.4.3 Rives enneigées

La neige peut être présente sur n’importe quel type de rive, puisque la neige saisonnière est déposée sur les sédiments ou le substrat rocheux de la rive. Le caractère de la surface de la neige peut être très variable, allant de :

Puisque la neige peut s’accumuler au fil du temps, il est courant de trouver une variation verticale de la densité et de la porosité de la neige. En général, cette accumulation régulière est interrompue par les effets des cycles de gel-dégel et le vent. Lorsque la température de l’air oscille autour du point de congélation, des couches de glace sont générées lorsque la neige fond pendant les températures chaudes du jour et gèle la nuit lorsque les températures descendent sous zéro. Si ce cycle de gel-dégel est accompagné de précipitations, d’autres caractéristiques peuvent se former, dont des couches alternées de neige et de glace.

L’action du vent peut décoller les cristaux légers de surface pour exposer les couches de neige plus denses sous-jacentes. La neige poudreuse soufflée par le vent s’accumule dans les creux, les dépressions ou les zones à l’abri du vent. La couche de neige en soi n’est pas considérée comme étant un milieu sensible. Lors du choix des tactiques de récupération du pétrole, c’est la nature et la sensibilité des sédiments, de la végétation ou des substrats rocheux sous-jacents qui doivent être considérées.

4.4.4 Effets des conditions hivernales sur le comportement et l’altération des hydrocarbures

Les processus de transport et d’altération des hydrocarbures résumés à la section 4.1 débutent dès que les hydrocarbures sont déversés dans l’environnement. Toutefois, leur importance relative varie principalement en fonction du type et du volume d’hydrocarbures et des conditions environnementales. Les conditions hivernales ont un effet important sur les processus d’altération des hydrocarbures. En général, les températures plus froides augmentent la viscosité des hydrocarbures, ralentissent l’étalement à la surface de l’eau et réduisent le taux d’évaporation. Par temps froid, les déversements d’hydrocarbures en eaux libres de glace se comportent de la même manière que ceux qui se produisent dans des conditions plus chaudes, mais avec un taux d’altération réduit. L’effet sur les processus d’altération dans des eaux couvertes de glace est plus complexe. Dans des eaux couvertes de glace, l’interaction des hydrocarbures avec la glace a une incidence sur le taux auquel les processus d’altération se produisent. En général, une fois que les hydrocarbures sont déversés dans des eaux couvertes de glace, l’étalement est limité par la présence de glace, car celle-ci agit comme une barrière naturelle qui ralentit l’étalement des hydrocarbures, les maintient plus concentrés et crée des nappes d’hydrocarbures plus épaisses. Cette réduction de l’étalement a des conséquences considérables (essentiellement positives), car elle facilite l’intervention en réduisant le mouvement des hydrocarbures et limite l’étendue de la zone mazoutée. Dans les eaux ayant un couvert de glace supérieur à 60 %, la glace assure un confinement naturel qui limite considérablement le mouvement des hydrocarbures et, dans certains cas, protège les ressources sensibles de la rive (figure 4.5). La présence de glace réduit la dispersion naturelle et les taux d’émulsification, car les vagues courtes sont amorties par les radeaux de glace. L’évaporation et la biodégradation ont quand même lieu dans des eaux couvertes de glace, mais les basses températures généralement associées à la présence de glace réduisent le taux auquel elles se produisent.

Figure 4.5 : La glace limite le mouvement des hydrocarbures

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La photo montre de la glace en morceau mélangée avec de l’huile et les plaques de glace autour limite le mouvement de l’huile.

L’interaction directe des hydrocarbures avec la glace a également une incidence sur le comportement des hydrocarbures et leur altération. La figure 4.6 résume les différentes façons dont les hydrocarbures peuvent interagir avec la glace. Lorsque des hydrocarbures qui flottent naturellement sont déversés sous la glace, ils peuvent dériver sous la couche de glace en raison des courants et du mouvement des radeaux de glace, et s’accumuler dans des réservoirs formés naturellement en raison de la rugosité de la glace. Ces accumulations peuvent être de taille variable, mais des quantités importantes d’hydrocarbures pourraient ainsi être piégées sous la glace. Une partie des hydrocarbures pourrait être délogée par les courants et continuer à dériver sous la glace. Plusieurs études ont fixé à 0,5 nœud (0,25 m/s) le seuil de déplacement des hydrocarbures sous la glace. Les hydrocarbures peuvent être encapsulés dans la structure de la glace en hiver lorsque de la nouvelle glace se forme. Dans certains cas, ce processus peut se produire rapidement (entre 18 et 72 heures), une fois que les hydrocarbures sont piégés sous la surface de la glace. Dès que les hydrocarbures sont encapsulés, les processus normaux d’altération cessent, ce qui conserve les hydrocarbures dans leur état initial. La structure cristalline de la glace d’eau douce est très différente de celle de la glace de mer et l’absence ou la rareté de canaux de saumure a une incidence sur le moment et le processus de migration des hydrocarbures pendant les périodes de dégel.

Figure 4.6 : Processus d’interaction entre les hydrocarbures et la glace d’eau douce

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La figure montre de nombreux types d’interactions entre le pétrole et la glace. Il montre comment le pétrole peut interagir sur, sous et à l’intérieur de la banquise sur l’eau. De nombreux processus peuvent se produire : nappe d’huile sous la neige, absorption par la neige, gouttes d’huile sessiles, mobiles ou encapsulées dans la glace en croissance, huile sur les flaques d’eau de fonte au printemps et huile emprisonnée dans les gravats de glace.

Au printemps, avec la fonte et le réchauffement de la glace, les hydrocarbures encapsulés et piégés peuvent migrer verticalement à travers des chenaux dans la glace et atteindre la surface de la glace en formant des flaques d’hydrocarbures frais (figure 4.7). Le taux de migration verticale dépendra largement de la viscosité des hydrocarbures (par ex., la migration sera moindre pour les hydrocarbures de plus grande viscosité).

Figure 4.7 : Émersion d’hydrocarbures le long d’une crevasse dans un lac

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La photo montre un lac gelé avec une crevasse au centre et une émersion d’hydrocarbures à la surface de la glace.

Le taux d’altération plus faible généralement observé dans des eaux couvertes de glace, pourrait représenter un avantage pour l’efficacité des interventions lors de certains scénarios de déversement. Cependant, la présence de glace crée des difficultés opérationnelles qui peuvent contrebalancer les avantages offerts par le taux d’altération réduit. La section 6.1.3 introduit les techniques d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures sur les rives gelées et sous la glace.

Si des hydrocarbures sont déversés sur de la glace, la perte par évaporation sera le principal processus d’altération, car l’étalement sera limité par la rugosité de la surface de la glace et par l’absorption par la neige. De ce fait, les accumulations d’hydrocarbures à la surface de la glace devraient être de tailles limitées et assez épaisses. La glace est essentiellement imperméable; cependant, les hydrocarbures peuvent pénétrer par des fissures de surface. La présence d’un pied de glace ou d’une couche de glace empêche les hydrocarbures d’entrer en contact avec le substrat de la rive. Les hydrocarbures déversés sur une surface de glace, peu importe leurs formes, ne sont pas susceptibles d’y adhérer, sauf lorsque la température de l’air est inférieure au point de congélation. Les hydrocarbures présents sur la rive ou échoués sur la glace de la zone riveraine pendant une période de gel peuvent également être recouverts et encapsulés dans la glace. Pendant un cycle de dégel, ou quand la surface de la glace fond et est mouillée, les hydrocarbures ne sont pas susceptibles d’adhérer à la surface de la glace et demeureront à la surface de l’eau ou dans les chenaux de la rive.

Des hydrocarbures peuvent être projetés sur la lisière de glace ou s’échouer au-dessus de la limite d’action normale des vagues ou des courants. Les hydrocarbures échoués peuvent ensuite être intégrés à la glace de rive si la température chute encore sous le point de congélation. Si des hydrocarbures s’échouent sur le substrat entre les radeaux de glace ou sur ceux-ci, leur comportement sera influencé par une combinaison des effets de la glace et du matériel de ce substrat. La glace dans les sédiments riverains, qu’elle soit interstitielle ou souterraine, peut empêcher la pénétration des hydrocarbures dans les sédiments.

Le comportement des hydrocarbures sur une surface enneigée dépend des facteurs suivants :

Lors d’un déversement sur une surface de neige, les hydrocarbures migrent verticalement et horizontalement si leur température se trouve au-dessus de leur point d’écoulement. Les hydrocarbures, dont la température se trouve en dessous de leur point d’écoulement, peuvent pénétrer et s’écouler latéralement à la surface de la neige. Les hydro- carbures pénètrent généralement rapidement dans la colonne de neige, mais peuvent être entravés par les couches de glace qui s’y sont formées à la suite du processus de gel-dégel. Comme le pétrole léger peut migrer latéralement sur des dizaines ou des centaines de mètres dans la neige, il peut être difficile à détecter. Des chiens détecteurs d’hydrocarbures ont été utilisés pour localiser avec succès des hydrocarbures sous la surface de la neige (section 7.4).

La neige est un absorbant pour les hydrocarbures naturel et efficace. La teneur en pétrole peut être très faible (moins de 1 %) dans le cas des pétroles légers, ou si le pétrole s’est étalé sur une grande surface. La proportion d’hydrocarbures par rapport à la neige dépend du type d’hydrocarbures et du caractère de la neige. La neige absorbe davantage les pétroles bruts moyens que les produits légers. Ainsi, un mètre cube (m3) de neige peut absorber jusqu’à 200 litres de pétrole léger et jusqu’à 400 litres de pétrole moyen. La teneur en hydrocarbures est plus faible pour les surfaces de neige ferme et compacte à des températures inférieures au point de congélation, et est plus élevée dans des conditions de neige fraîche.

Les hydrocarbures font fondre la neige. Les pétroles bruts provoquent plus de fonte, mais s’étalent moins que l’essence, qui s’étale plus rapidement et sur une plus grande surface. Les pétroles légers, comme le diésel, peuvent remonter une pente dans la neige par capillarité, au fur et à mesure qu’ils s’étalent. La neige fraîche soufflée sur les hydrocarbures a tendance à s’y adhérer et les hydrocarbures à y migrer, ce qui augmente la quantité de matière à récupérer.

L’évaporation est le processus d’altération le plus important pour les hydrocarbures emprisonnés dans la neige. Les quelques données disponibles ont démontré que les hydrocarbures dans la neige continuent à s’évaporer, bien qu’à un taux inférieur à celui d’hydrocarbures directement exposés à l’air. Éventuellement, le taux d’évaporation deviendra presque similaire à celui des hydrocarbures déversés sur l’eau pendant l’été. Le taux d’évaporation réel est une fonction complexe de plusieurs variables, notamment la diffusivité de la neige (liée au degré de tassement), les propriétés des hydrocarbures, la température de l’air, la vitesse du vent et l’épaisseur de la couche mazoutée.

4.5 Aperçu des différences entre les milieux marins et en eau douce

Les aspects fondamentaux de la prise de décision et de l’intervention en matière de traitement des rives (y compris la TERR et les objectifs, les stratégies et les tactiques de traitement des rives) s’appliquent dans tous les milieux. Il existe toutefois des différences importantes entre les milieux en eau douce et les milieux marins en raison de la variation des niveaux d’eau et de la variation de l’exposition à l’eau et aux processus hydriques. Ces facteurs ont une incidence sur l’échouement des hydrocarbures, la largeur et le comportement de la bande de mazoutage, ainsi que le potentiel d’élimination naturelle et les tactiques de traitement. Parmi les différences fondamentales pouvant influer sur le comportement des hydrocarbures et l’intervention, on peut citer la densité de l’eau, le fetch, les niveaux et le débit de l’eau, le milieu biologique et les prises d’eau. Ces différences sont présentées dans les sections suivantes.

4.5.1 Densité de l’eau

La densité moyenne de l’eau de mer de surface est de 1,025 kg/L, ce qui est plus dense que celle de l’eau douce et de l’eau pure (densité de 1,0 kg/L à 4ºC) en raison de la présence de sels dissous. Le point de congélation de l’eau de mer diminue à mesure que la concentration en sel augmente, et la probabilité que la densité des hydrocarbures dépasse celle de l’eau augmente à mesure que la densité de l’eau diminue. Il en résulte que les hydrocarbures plus denses peuvent couler plus facilement dans l’eau douce.

4.5.2 Fetch

Le fetch, c’est-à-dire l’étendue de l’exposition des rives aux vagues par une distance parcourue de celles-ci sans obstacle, est généralement beaucoup plus faible dans les milieux en eau douce que dans les milieux marins, où les vagues ne sont pas entravées par des formes de reliefs ou barrières physiques sur de plus grandes distances. La hauteur des vagues en eau douce ne peut donc généralement pas atteindre la taille de celles en milieux marins. Cependant, des vagues d’environ 9 m de hauteur ont été enregistrées dans le lac Supérieur. La hauteur des vagues affecte les opérations d’intervention en ce qui concerne la sécurité, l’aptitude et l’efficacité de l’équipement, et le comportement des hydrocarbures.

4.5.3 Niveaux d’eau et débit

La fluctuation des niveaux d’eau en milieux marins est dominée par les marées, c’est-à-dire les changements prévisibles des niveaux d’eau sous l’effet des forces gravitationnelles de la lune et du soleil. Les grands plans d’eau douce, comme les Grands Lacs, sont aussi touchés par les marées, mais cet effet est faible (de l’ordre du cm) et est masqué par les seiches. Les seiches se produisent lorsque des vents forts et des changements rapides de la pression atmosphérique poussent l’eau d’un bout à l’autre du lac, ce qui entraîne une onde oscillante pouvant atteindre quelques mètres de haut (figure 3.5). En eau douce, les niveaux d’eau ont des variations à long terme, annuelles et à court terme qui sont influencées par des facteurs tels que les précipitations, la rétention de l’eau sur de nombreuses années et les variations qui se produisent avec les changements de saisons. En outre, des structures physiques (barrages ou déversoirs) peuvent être utilisées pour réguler le niveau d’eau et le débit (figure 3.11). La fonte des glaces et les crues printanières peuvent provoquer des niveaux d’eau et des débits extrêmes, déplaçant les hydrocarbures sur de grandes distances le long des rivières et dans les zones de la bande riveraine.

4.5.4 Milieu biologique

Des types de rives similaires dans des milieux différents (marins, lacustres, fluviaux) ont généralement des caractéristiques de productivité et de sensibilité différentes. Le biote (plantes et animaux) varie entre les milieux marins, saumâtres et d’eau douce. Les espèces végétales et animales d’un milieu donné doivent être prises en compte durant le processus décisionnel lors d’une intervention, en particulier s’il existe des espèces en péril. Il est important de noter que la majorité des connaissances et de l’expérience scientifiques et techniques sur les effets biologiques et la sensibilité des rives aux hydrocarbures provient de déversements d’hydrocarbures en mer.

4.5.5 Prises d’eau

Les prises d’eau, utilisées tant dans les milieux marins que dans ceux en eau douce, peuvent être contaminées lors d’un déversement d’hydrocarbures. Les prises d’eau peuvent servir à refroidir des centrales thermiques et fournir de l’eau de traitement pour divers sites industriels. La fermeture de prises d’eau durant un déversement peut avoir un effet significatif sur les installations. Les prises d’eau potable municipales couramment utilisées en eau douce (chenal, rivières, lacs, réservoirs) sont prioritaires, car elles sont directement liées à la sécurité publique.

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