Un guide pratique d’interventions sur les rives en eau douce : chapitre 8

8.1 Objectifs d’intervention et critères de traitement des rives

Les objectifs d’intervention sont des orientations générales nécessaires pour la sélection de stratégies et de tactiques d’intervention appropriées (sections 6.2, 6.3 et 6.4). Ces objectifs et stratégies doivent être réalistes (c’est-à-dire réalisables et praticables), mesurables et hiérarchisés. Ils doivent être établis au début de la phase de planification de l’intervention sur les rives (section 1.2.2) et être reconsidérés et révisés, le cas échéant, par les responsables de l’intervention tout au long de l’intervention.

À un niveau de détail et de précision plus spécifique, des critères ou des normes de traitement des rives sont élaborés pour chaque segment afin de faciliter la prise de décision en matière de traitement et de guider les opérations pendant l’intervention. Historiquement, les critères de traitement étaient appelés critères de fin de nettoyage ou critères de finalité, ou cibles de traitement. L’utilisation de critères de traitement (ou de critères d’évaluation) dans les opérations de traitement des rives est utilisée depuis longtemps et est détaillée dans Sergy et Owens (2007; 2008) et ECCC (2018), et pour les hydrocarbures coulés et submergés, dans Harper et coll. (2018). La fonction première des critères de traitement des rives est de fournir des objectifs clairs pour les opérations d’intervention et ensuite, de fournir à une équipe d’inspection des critères et des normes mesurables permettant d’évaluer l’état des rives.

Les critères de traitement sont attribués à un segment spécifique, à un type de rive ou à une zone définie et sont élaborés en collaboration avec les différentes parties prenantes, les experts techniques et toute communauté autochtone concernée. Cette collaboration est essentielle et contribue à garantir que les considérations environnementales, socio-économiques et culturelles pertinentes sont intégrées dans le processus décisionnel global concernant le traitement. Il est important que les parties prenantes et le personnel d’intervention soient calibrés en fonction de ces critères de traitement afin de gérer les attentes et de s’assurer que chacun comprenne à quoi ressemblent les objectifs finaux pour un segment donné. Comme pour les objectifs de l’intervention, les critères de traitement doivent être réalistes et mesurables. Une intervention efficace et réussie est plus probable lorsque toutes les parties partagent la même attente de ce qui doit être accompli.

Il n’existe pas de critères établis de traitement des rives, mais il existe des lignes directrices qui peuvent fournir un cadre de travail à l’équipe de l’intervention (Sergy et Owens, 2007, 2008) quant à la sélection de critères de traitement pour intervenir après un déversement d’hydro- carbures. Il convient de noter que bien qu’il existe des réglementations provinciales et territoriales pour les sites contaminés, ces normes sont basées sur des lignes directrices numériques (limites) ou des énoncés narratifs existants pour les paramètres chimiques préoccupants (contaminants) et ne sont pas considérées comme étant appropriées pour l’élaboration de critères de traitement pour les activités sur les rives.

Étant donné que chaque déversement d’hydrocarbures en eau douce est différent, les critères de traitement doivent être élaborés pour chaque intervention. Les types de rives, le type et le comportement des hydrocarbures, les sensibilités, l’utilisation des terres, les problèmes d’accès, la sécurité et le bénéfice environnemental net des divers outils d’intervention auront tous une incidence sur les décisions relatives aux critères de traitement.

Un plan peut définir des étapes séquentielles de traitement, qui peuvent chacune avoir des critères de traitement, par exemple :

Quels que soient le type et la forme des critères de traitement (intérimaire ou définitif, par étapes ou par phases), il est important qu’ils soient définis avant les relevés de terrain de la TERR et les opérations d’intervention. Pour des exemples et plus d’information concernant les critères de traitement des rives, veuillez vous référer à ECCC (2018).

Les tableaux 8.1 et 8.2 donnent un exemple de critères de traitement des rives pour un environnement lacustre et un système fluvial, respectivement.

Tableau 8.1 : Critères de traitement des rives du lac Wabamun, Alberta (section 9.1.4)
Types de rives Critères de traitement
1) Rives ayant des résidences privées et rives appartenant à des Premières nations (et autres rivages ayant une importance pour les Premières nations)
1a. Plage de sable ou de sable/ gravier mixte Aucun hydrocarbure visible en surface ou en sous-surface
1b. Plage de tourbe (en raison de l’ajout d’un « absorbant de sphaigne ») Aucun hydrocarbure visible
1c. Galet naturel/bloc rocheux Tache (<0,01 cm d’épaisseur) et répartition de <20 %
1d. Galet/bloc rocheux ou enrochement anthropique Tache (<0,01 cm d’épaisseur)
1e. Berge végétalisée Couche (<0,1 cm d’épaisseur) et répartition <10 % sur la berge. Couche (<0,1 cm d’épaisseur) sur les racines d’arbres plus grandes (c.-à-d. le diamètre de la racine de l’arbre >5 cm)
1f. Scirpe/lit de roseaux Couche non collante (<0,1 cm d’épaisseur)
1g. Zone périphérique des milieux humides Couche non collante (<0,1 cm d’épaisseur). Vasières - aucune boulette de goudron de >2 cm de diamètre. La distribution des boulettes de goudron de <2 cm de diamètre ne doit pas dépasser 10 %. Le groupe consultatif sur le traitement sera contacté pour donner des instructions spécifiques si des questions surviennent pendant le traitement
1h. Piliers/pieux Aucun hydrocarbure visible
2) Rives sans résidence
2a. Plage de sable ou de sable/ gravier mixte Couche (<0,1 cm d’épaisseur) et la répartition <10 % (surface). Résidus d’hydrocarbures sous forme de couche (sous la surface)
2b. Plage de tourbe (en raison de l’ajout d’un « absorbant de sphaigne ») Couche (<0,1 cm d’épaisseur) et répartition <10 %
2c. Galet/bloc rocheux naturel, ou galet/bloc rocheux ou enrochement anthropique Couche (<0,1 cm d’épaisseur) et répartition de <20 %
2d. Berge végétalisée Couche (<0,1 cm d’épaisseur) et répartition de <20 % sur berge Couche (<0,1 cm d’épaisseur) sur les racines d’arbres plus grandes (c.-à-d. >5 cm de diamètre)
2e. Scirpe/lit de roseaux Couche non collante (<0,1 cm d’épaisseur)
2f. Zone périphérique des milieux humides Couche non collante (<0,1 cm d’épaisseur). Vasières – <2 boulettes de goudron de 2 cm de diamètre par mètre carré. La distribution des boulettes de goudron de <2 cm de diamètre ne doit pas dépasser 20 %. Le groupe consultatif sur le traitement sera contacté pour donner des instructions spécifiques si des questions surviennent pendant le traitement
2g. Piliers/pieux Tache (<0,01 cm d’épaisseur)
Tableau 8.2 : Critères de traitement des rives pour Lemon Creek, Colombie-Britannique (C.-B.) (section 9.1.8)
Emplacement Types de rives Utilisation Critères de traitement
Lemon Creek, du km 0 (site du déversement) au km 2 en aval Berge de sédiments grossiers Résidentiel + eau potable
  • Aucun reflet
  • Aucune odeur constante
  • Les analyses de QE (eaux de surface) satisfont aux recommandations pour la qualité de l’eau de la C.-B. pour la santé aquatique et l’eau potable
Lemon Creek, km 2 à km 4, en aval jusqu’au confluent avec la rivière Slocan Berge de sédiments grossiers Résidentiel + eau potable
  • Aucun reflet
  • Aucune odeur constante
  • Les analyses de QE (eaux de surface) satisfont aux recommandations pour la qualité de l’eau de la C.-B. pour la santé aquatique et l’eau potable
Rivière Slocan Berge de sédiments grossiers Utilisation environnementale
  • Aucun reflet arc-en-ciel
Rivière Slocan Berge végétalisée Utilisation environnementale
  • Aucun reflet arc-en-ciel
Rivière Slocan Embâcle Utilisation environnementale
  • Aucun produit libre
  • Aucun reflet arc-en-ciel
Rivière Slocan Plage de sédiments fins Utilisation environnementale
  • Aucun reflet arc-en-ciel
Rivière Slocan (premiers 10 km) Berge de sédiments grossiers Utilisation résidentielle et récréative
  • Aucun reflet
  • Aucune odeur constante
Rivière Slocan (premiers 10 km) Berge végétalisée Utilisation résidentielle et récréative
  • Aucun reflet
  • Aucune odeur constante
Rivière Slocan (premiers 10 km) Tous les types de rives Agriculture
  • Aucun reflet
  • Aucune odeur constante

8.2 Activités de surveillance et de suivi

Tout au long de l’intervention, il est nécessaire d’assurer une surveillance continue pour fournir de l’information sur les changements des conditions de mazoutage et pour évaluer l’efficacité du traitement. Cette surveillance vise à compléter l’expertise dont disposent les Opérations et à garantir que les objectifs d’intervention et les critères de traitement sont respectés. Il peut être nécessaire de procéder à une surveillance pendant le traitement dans des zones spécifiques en raison de la sensibilité des ressources, afin de garantir le respect des meilleures pratiques de gestion. Ces moniteurs seraient des experts dans des domaines spécifiques, disponibles pour guider et conseiller les Opérations (p. ex., des moniteurs culturels, des biologistes, des liaisons TERR-Ops).

La photosurveillance peut être utilisée comme un moyen de surveillance pour un site spécifique dans le temps. Les sites de surveillance photo- graphique sont sélectionnés au début de l’intervention et une photothèque est constituée en prenant des photos exactement aux mêmes endroits à des intervalles de temps spécifiques. Des piquets ou autres marqueurs naturels fournissent un point de référence visuel qui permet au photo- graphe de se repositionner exactement au même endroit et de cadrer l’image pour la comparer avec des images antérieures (figure 8.1).

Figure 8.1 : Vue de piquets sur la rive (avec ruban de marquage) et d’un marqueur naturel (arbre mort en arrière-plage) pour la surveillance du lieu

Longue description

La photo montre deux bâtons avec du ruban rose pour suivre l’érosion des rives. Le tronc sur la rive fait preuve de référence.

Les photographies chronologiques peuvent illustrer les changements dans le caractère et la distribution des hydrocarbures et peuvent aider à visualiser comment un certain type de rive réagit et se rétablit après un traitement ou une atténuation naturelle (figure 8.2).

Figure 8.2 : Lieu de surveillance montrant : mazoutage de la rive par des produits mobiles à la surface de l’eau à la fin juillet (panneau gauche); absence de mazoutage mobile à la surface de l’eau à la mi-août (panneau du milieu); érosion et affaissement de la rive sans mazoutage observé à la mi-septembre (panneau droit)

Longue description

Le panneau de gauche représente un rivage avec du mazoutage et des produits mobiles à la surface de l’eau en juillet. Le panneau du milieu est un peu plus tard en août et il n’y a pas de pétrole mobile à la surface. Le panneau de gauche est complètement différent avec une érosion et un affaissement de la berge sans hydrocarbure observés en septembre. Il s’agit d’une séquence de photo pour montrer la surveillance du littoral lors d’un événement.

Le profilage des rives est aussi un des moyens de surveillance. Les relevés de profil sont des études transversales périodiques ou programmées qui servent à surveiller et à documenter les changements topographiques des rives des lacs et des chenaux au fur et à mesure qu’ils subissent les processus d’érosion et de dépôt associés à l’abrasion causée par la glace, aux inondations et à d’autres événements. La méthode Emery, une technique simple et précise qui repose sur deux tiges profilées incrémentées par centimètres et où, une distance est mesurée entre elles. Elle est facile à utiliser, facile à enseigner et implique un équipe- ment simple (Emery, 1961). Les piquets sont placés dans l’arrière-plage et près de la ligne d’eau (il peut s’agir d’un emplacement géoréférencé) et les positions sont enregistrées. L’élévation du piquet arrière est considérée comme le point de référence pour le relevé, ainsi que pour l’emplacement du profil. Les tiges de profil avant et arrière sont alignées sur la ligne d’eau et le piquet arrière. Le lecteur note l’endroit où l’horizon (ou un autre point de référence approprié si l’horizon n’est pas visible) croise l’une des tiges de profil (une lecture au piquet arrière indique une baisse d’élévation et une lecture au piquet avant indique une hausse d’élévation). Ce type de surveillance est effectué pour déterminer s’il y a érosion ou dépôt le long de la rive, ce qui peut aider à déterminer s’il y a un risque d’enfouissement des hydrocarbures en fonction du moment où ils se sont échoués.

8.3 Inspection et finalisation

Pour mettre fin à une intervention, il faut s’assurer que les zones sensibles ne sont plus menacées, qu’il ne reste pas d’hydrocarbures récupérables sur l’eau, qu’il ne reste que des hydrocarbures résiduels sur les rives et que les critères de traitement des rives ont été respectés. Pour que le traitement sur un segment donné soit considéré comme complété, un processus formel d’inspection et de finalisation doit être suivi, ce qui inclut des relevés post-traitements où des équipes de la TERR déterminent si le segment répond aux critères de traitement, obtiennent un consensus sur le terrain et génèrent un rapport d’inspection de la rive (RIR) documentant les résultats. Le traitement est terminé lorsque l’une des situations suivantes s’applique :

Une fois que le traitement d’un segment de rive est jugé complété et qu’il y a un consensus avec les parties prenantes et les représentants autochtones concernés, le processus passe à la phase de finalisation et de suivi, soit les évaluations après incident, l’évaluation de l’efficacité des traitements et le suivi des effets du mazoutage et des traitements.

Une fois les activités d’intervention terminées, d’autres activités peuvent se poursuivre pendant un certain temps. Il peut s’agir de relevés, de contestations judiciaires, de réclamations financières, de restauration, de surveillance à long terme ou d’activités liées aux ressources humaines. Les zones de rassemblement, les routes et autres points d’accès, les clôtures, etc. sont restaurés ou réparés. À ce stade, une équipe de projet peut poursuivre des activités à long terme liées à l’incident, telles que la surveillance. Une fois l’intervention terminée, les responsables de l’intervention doivent entreprendre une évaluation. Cette évaluation est axée sur la manière dont l’intervention a été gérée, et non sur la cause de l’incident. Le personnel et les intervenants externes pertinents ayant participé à l’intervention peuvent être invités à contribuer à l’évaluation par le biais d’une séance de rétroaction formelle ou informelle sur les leçons apprises. L’évaluation peut comprendre, sans s’y limiter, les éléments suivants :

Le rapport final peut inclure, sans s’y limiter :

  1. le résumé initial de l’événement;
  2. les principales activités d’intervention;
  3. l’utilisation et l’efficacité des ressources d’intervention;
  4. le résumé des leçons apprises;
  5. les améliorations recommandées en matière de planification ou de préparation des interventions;
  6. l’analyse des conséquences financières;
  7. l’analyse des conséquences juridiques;
  8. les recommandations opérationnelles ou commerciales pour l’avenir.

Il est important pour les interventions futures que les leçons tirées d’une intervention donnée soient documentées et partagées avec la communauté d’intervenants afin que chacun puisse en bénéficier et améliorer ses connaissances. Les rapports de fin de déversement et les rapports sur les leçons apprises sont exigés dans certaines juridictions, comme en Colombie-Britannique, pour s’assurer que ces apprentissages sont saisis et partagés, et qu’il existe une documentation finale et officielle des détails de l’incident. C’est l’occasion pour les équipes d’intervention de réévaluer leurs processus, leurs procédures et leurs besoins de formation.

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