Évaluation préalable finale N-(4-Éthoxyphényl) acétamide (Phénacétine)

Numéro de registre du Chemical Abstracts Service 62-44-2

Environnement et Changement climatique Canada Santé Canada

Juin 2018

No de cat.: En14-324/2018F-PDF
ISBN 978-0-660-26744-9

Synopsis

En vertu de l’article 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement 1999 (LCPE), les ministres de l’Environnement et de la Santé ont procédé à une évaluation préalable du N-(4-éthoxyphényl)acétamide, aussi dénommé phénacétine, dont le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (NE CAS) est le 62-44-2. Cette substance fait partie de celles identifiées comme prioritaires pour une évaluation car elle satisfaite aux critères de catégorisation du paragraphe 73(1) de la LCPE.

En 2008, il n’y a eu aucune déclaration de production ni d’importation au Canada de ce composé supérieure au seuil de déclaration de 100 kg. Néanmoins, des déclarations d’importation au Canada en quantités inférieures ou égales à ce seuil ont été faites. La phénacétine était auparavant utilisée comme analgésique et antipyrétique, mais n’est plus utilisée au Canada comme agent thérapeutique depuis 1973. Elle est principalement utilisée comme réactif en laboratoire et dans un petit nombre de préparations oxydantes pour coloration capillaire, où elle sert d’agent stabilisant pour le peroxyde d’hydrogène.

Les risques posés à l’environnement par la phénacétine ont été caractérisés au moyen de la Classification des risques écologiques des substances organiques (CRE). La CRE est une approche basée sur les risques, qui tient compte de plusieurs paramètres liés au danger et à l’exposition et basés sur une pondération des éléments de preuve. Les profils de danger sont établis principalement en se basant sur des paramètres liés au mode d’action toxique, à la réactivité chimique, aux seuils de toxicité interne dérivés du réseau trophique, à la biodisponibilité et à l’activité chimique et biologique. Parmi les paramètres pris en compte pour les profils d’exposition, on retrouve la vitesse d’émission potentielle, la persistance globale et le potentiel de transport à grande distance. Une matrice de risque est utilisée pour assigner aux substances un potentiel faible, moyen ou élevé, basé sur leurs profils de danger et d’exposition. La CRE a permis de déterminer que la phénacétine a un faible potentiel d’effets nocifs sur l’environnement.

Compte tenu de tous les éléments de preuve disponibles avancés dans la présente évaluation préalable, nous avons déterminé que la phénacétine pose un faible risque d’effets nocifs sur l’environnement. Il est conclu que la phénacétine ne satisfaite à aucun des critères du paragraphe 64(a) ou 64(b) de la LCPE, car elle ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité ou  concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique, ou à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.

Pour la population générale du Canada, nous avons estimé que les expositions potentielles à la phénacétine sont dues au contact dermique avec le crâne lors de l’utilisation de colorants capillaires.

Nous avons déterminé que l’effet critique pour la caractérisation des risques est la carcinogénicité, en se basant principalement sur la conclusion du Centre international de recherche sur le cancer à l’effet qu’il existe assez de preuves de la carcinogénicité de la phénacétine pour les humains ou les animaux de laboratoire. Des effets non cancéreux, y compris la néphropathie et l’hématotoxicité, ont aussi été observés chez des humains et lors d’etudesen laboratoire. Les marges entre les estimations d’exposition et les niveaux d’effet critique observés lors d’études avec des animaux sont considérées adéquates pour tenir compte des incertitudes des bases de données sur les paramètres, liés ou non au cancer, ayant trait aux  effets sur la santé et à l’exposition.

En nous basant sur les renseignements présentés dans la présente évaluation préalable, il est conclu que la phénacétine ne satisfaite à aucun des critères du paragraphe 64(c) de la LCPE, car elle ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ni dans des conditions qui constituent ou peuvent constituer un danger au Canada pour la santé ou la vie humaine.

Il est conclu que la phénacétine ne satisfait à aucun des critères énoncés à l’article 64 de la LCPE.

1. Introduction

En vertu de l’article 74 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement 1999 (LCPE) (Canada 1999), les ministres de l’Environnement et de la Santé ont procédé à une évaluation préalable du N-(4-éthoxyphényl)acétamide, appelée ci-après phénacétine. Cette substance a été désignée comme étant d’intérêt prioritaire pour une évaluation dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) du Canada, car elle satisfait aux critères de catégorisation du paragraphe 73(1) de la LCPE (ECCC, SC [modifié en 2007]).

Les risques pour l’environnement posés par la phénacétine ont été caractérisés au moyen de la Classification des risques écologiques des substances organiques (CRE) (ECCC 2016a). Pour la CRE, on décrit les risques posés par une substance en utilisant des paramètres clés parmi lesquels le mode d’action toxique, la réactivité chimique, les seuils de toxicité interne dérivés du réseau alimentaire, la biodisponibilité et l’activité chimique et biologique. Elle tient compte de l’exposition possible des organismes dans les milieux terrestres ou aquatiques, basée sur des facteurs incluant les taux d’émission potentiels, la persistance globale et le potentiel de transport atmosphérique à grande distance. Les divers éléments de preuve sont combinés afin de relever les substances nécessitant une évaluation plus poussée de leur potentiel d’effets nocifs sur l’environnement ou présentant une faible probabilité d’effets nocifs sur l’environnement.

La substance faisant l’objet de la présente évaluation a déjà été évaluée à l’échelle internationale dans le cadre du Programme des monographies du Centre international de recherches sur le cancer (CIRC), et une monographie récente du CIRC (2012) est disponible. Ces évaluations sont soumises à un examen rigoureux par des autorités gouvernementales internationales. Santé Canada considère que ces évaluations sont fiables. La monographie 100A du CIRC sur la phénacétine a été utilisée pour étayer notre évaluation. L’EPA des États-Unis (2002) a aussi évalué la phénacétine et a conclu que cette substance est probablement cancérigène pour les humains. De même, le National Toxicology Program des États-Unis a conclu que la phénacétine est raisonnablement considérée comme cancérigène pour les humains (NTP 2014).

Pour la présente évaluation préalable, nous avons pris en compte des renseignements sur les propriétés chimiques, le devenir dans l’environnement, les dangers, les utilisations et l’exposition, y compris des renseignements soumis par des parties intéressées. Des données pertinentes ont été sélectionnées, et une recherche bibliographique a été réalisée jusqu’en mars 2016. Santé Canada, par l’entremise de ses programmes, a présenté des renseignements supplémentaires couvrant la période jusqu’en octobre 2017. Nous avons utilisé des données empiriques tirées d’études clés ainsi que des résultats de modélisation pour tirer nos conclusions. Quand ils étaient pertinents, nous avons tenu compte de renseignements présentés dans des évaluations faites par d’autres autorités.

La présente évaluation préalable a été préparée par le personnel du Programme de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada et du Programme d’évaluation des risques de la LCPE d’Environnement et Changement climatique Canada. Elle inclut des intrants d’autres programmes de ces ministères. Le volet effets sur l’environnement de la présente évaluation était fondé sur la CRE (publiée le 30 juillet 2016), laquelle a été le sujet d’une période de consultation publique de 60 jours. Le volet santé humaine de la présente évaluation a fait l’objet d’un examen ou de consultations externes. Des commentaires sur les parties techniques ayant trait à la santé humaine ont été faits par le Dr John Reichard (Department of Environmental Health, College of Medicine, University of Cincinnati), la Dre Jennifer Sahmel (Cardno Chemrisk) et la Dre Patricia McGinnis (York & Associates). Par ailleurs, l’ébauche de la présente évaluation préalable (publiée le 15 avril 2017) a aussi été l’objet d’une période de consultation publique de 60 jours. Bien que des commentaires de l’extérieur aient été pris en compte, Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada restent responsables du contenu final et des conclusions de la présente évaluation préalable.

La présente évaluation préalable est centrée sur des renseignements critiques qui permettent de déterminer si la substance visée satisfait aux critères de l’article 64 de la LCPE. À cette fin, nous avons examiné les renseignements scientifiques et suivi une approche basée sur une pondération des éléments de preuve et le principe de précautionNote de bas de page 2 . Nous présentons dans la présente évaluation préalable finale les renseignements critiques et les considérations à partir desquels notre conclusion a été tirée.

2. Identité de la substance

Nous donnons dans le tableau 2-1 le numéro de registre du Chemical Abstracts Service (no CASNote de bas de page 3 ), le nom sur la Liste intérieure des substances (LIS) et le nom commun de cette substance.

Autres noms : p-acétophénétidide; 4'-éthoxyacétanilide; 4-(acétylamino)phénétole; 4-éthoxy-1-acétylaminobenzène; 4-éthoxyacétanilide; acéto-4-phénétidine; acétophénétidine; acétophénétine; acetparaphénétidine; N-acétyl-4-éthoxyaniline; N-acétyl-p-éthoxyaniline; N-acétyl-p-phénétidine; p-éthoxyacétanilide; 1-acétamido-4- éthoxybenzène; Acet-p-phénalide; acéto-para-phénalide; acéto-para-phénétidide; acétylphénétidine; N-acétyl-para-phénétidine; N-para-éthoxyphénylacétamide; p‑acétophénétide; para-acétophénétidide; para-acétophénétidine; para-éthoxyacétanilide; para-phénacétine; phénacet; phénacitine.2016).

3. Propriétés physiques et chimiques

Nous donnons dans le Tableau 3-1 un résumé des propriétés physiques et chimiques de la phénacétine. Quand des données expérimentales sur une propriété étaient limitées ou inexistantes, les données provenant de modèles (Q)SAR (quantitative structure-activity relationship) ont été utilisées pour générer des valeurs estimées. D’autres propriétés physiques et chimiques sont décrites dans le document d’ECCC (2016b).

Tableau 3-1. Valeurs expérimentales ou estimées des propriétés physiques et chimiques de la phénacétine (aux conditions standards de température et de pression)

Propriété

Valeur

Référence clé

 

État physique

Cristaux inodores, blancs, brillants, habituellement sous forme de paillettes ou de fine poudre cristalline blanche

 

Osol (1980)

Point de fusion (°C)

134 à 135

O’Neil (2001)

Pression de vapeur (mm Hg)

6,29 x 10-7 à 25 °C

Wiedemann (1972)

Constante de Henry (atm·m3/mol)

2,13 x 10-10

EPISuite exp database

Hydrosolubilité

766 mg/L à 25 °C

Seidell (1941)

 

 

Autres solubilités (mg/L)

1 g se dissout dans 1310 mL d’eau froide, 82 mL d’eau bouillante,

15 mL d’alcool froid, 2,8 mL d’alcool bouillant, 14 mL de chloroforme, 90 mL d’éther; soluble dans le

glycérol

 

 

O’Neil (2001)

log Koe (sans dimension)

1,58

Nakagawa et al.

(1992)

log Koc (sans dimension)

1,699

Estimé PCKOCWIN v1.66

pKa (sans dimension)

26,5

Estimé – plusieurs cas

4. Sources et utilisations

La phénacétine a été visée par une enquête menée en vertu de l’article 71 de la LCPE. Pour l’année civile 2008, aucune déclaration de production ni d’importation au Canada de quantités supérieures au seuil de déclaration de 100 kg n’a été faiteNote de bas de page 4 . Ce composé a toutefois été déclaré importé au Canada en quantités inférieures ou égales à ce seuil. D’après les résultats de l’enquête pour l’année civile 2008, la phénacétine est utilisée au Canada dans des laboratoires (Environnement Canada 2009), mais cette utilisation ne devrait pas conduire à une exposition de la population générale.

La phénacétine est inscrite dans la Base de données d’ingrédients de produits de santé naturels (BDIPSN) en tant que non-PSN (comme pour sa présence sur la Liste des drogues sur ordonnance) ainsi qu’en tant que substance homéopathique (en tant que phénacétinum). Elle est inscrite dans la Base de données des produits de santé naturels homologués (BDPSNH) comme étant présente dans un nombre limité de drogues homéopathiques homologuées comme produits de santé naturels (BDIPSN 2016; BDPSNH 2016).

Selon les déclarations faites à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques, la phénacétine est présente dans des produits cosmétiques. La phénacétine est inscrite dans le dictionnaire de la nomenclature internationale d’ingrédients de cosmétiques (INCI) du Personal Care Products Council (PCPC), sans fonction établie, bien qu’on ait fait état ailleurs de son utilisation comme agent stabilisant pour le peroxyde d’hydrogène (CIRC 2012). Parmi les catégories de produits déclarées, on trouve des décolorants capillaires, des préparations colorantes

La phénacétine a un long historique en tant qu’analgésique et antipyrétique avant son retrait du marché en raison de signes de néphropathie et d’un risque accru de certains cancers chez des utilisateurs de fortes doses à long terme. Au Canada, la phénacétine a été retirée du marché en juin 1973 (Lexchin 2005), bien qu’elle soit toujours inscrite sur la Liste des drogues avec ordonnance à usage humain ou vétérinaire (date d’effet 19 décembre 2013) (Santé Canada 2015). Il n’y a actuellement aucun médicament sur ordonnance contenant de la phénacétine vendue au Canada.

Le Code of Federal Regulations Title 21 (21 CFR) des États-Unis indique que les médicaments contenant de la phénacétine ont été retirés du marché américain à partir du 4 novembre 1983, pour des raisons de sécurité et d’efficacité (21 CFR 216.24) (FDA 1983). La justification de ce retrait est le risque élevé de mauvaise utilisation de la phénacétine et son profil avantages/risques défavorable quand elle est incorporée dans des préparations analgésiques qui risquent d’être utilisées de façon excessive à long terme.

5. Risque d’effets nocifs sur l’environnement

5.1 Caractérisation des risques environnementaux

Les risques posés à l’environnement par la phénacétine ont été caractérisés au moyen de la Classification des risques écologiques des substances organiques (CRE) (ECCC 2016a). La CRE est une approche basée sur les risques qui tient compte de plusieurs paramètres liés au danger et à l’exposition, et sur la pondération de plusieurs éléments de preuve. Les divers éléments de preuve sont rassemblés pour que l’on puisse distinguer les substances présentant une toxicité faible ou élevée, et un risque d’exposition faible ou élevé dans divers milieux. Cette approche réduit l’incertitude globale liée à la caractérisation des risques, contrairement à une approche qui reposerait sur un seul paramètre mesuré dans un seul milieu (p. ex. CL50). Dans la présente section, nous résumons l’approche suivie, qui est décrite en détail dans le document ECCC 2016a.

Des données sur les propriétés physico-chimiques, le devenir (demi-vie chimique dans divers milieux et biotes, coefficients de partage et bioconcentration dans le poisson), l’écotoxicité aiguë pour le poisson et les quantités produites et importées au Canada ont été collectées dans la littérature scientifique, dans des bases de données empiriques (p. ex. boîte à outils QSAR de l’OCDE) et dans les réponses à des enquêtes menées en vertu de l’article 71 de la LCPE. D’autres données ont été obtenues en utilisant des modèles de type QSAR (Quantitative Structure-Activity Relationship) ou de bioaccumulation et de devenir du bilan massique. Ces données ont été utilisées comme intrants dans d’autres modèles de bilan massique ou pour compléter les profils d’exposition et de danger de la substance.

Les profils de danger ont été établis en se basant principalement sur des paramètres liés au mode d’action toxique, à la réactivité chimique, aux seuils de toxicité interne dérivés du réseau trophique, à la biodisponibilité et à l’activité chimique et biologique. Les profils d’exposition ont aussi été élaborés à partir de plusieurs paramètres dont la vitesse d’émission potentielle, la persistance globale et le potentiel de transport à grande distance. Les profils de danger et d’exposition ont été comparés aux critères de décision afin de classer les potentiels de risque et d’exposition de chaque substance comme faible, moyen ou élevé. D’autres règles ont été appliquées (p. ex. constance de la classification, marge d’exposition) afin de raffiner les classifications préliminaires du danger et de l’exposition.

Une matrice des risques a été utilisée pour classer le risque associé à chaque substance comme étant faible, modéré ou élevé, suivant la classification du danger et de l’exposition. Les classifications du risque obtenues à l’aide de la CRE ont subi une vérification en deux étapes. La première étape consistait à modifier à la baisse la classification du risque (qui passe de modéré ou élevé à faible) des substances présentant une estimation faible du taux d’émission dans l’eau après le traitement des eaux usées, ce qui représente un faible risque d’exposition. La deuxième étape consistait à revoir les résultats de classification faible à la lumière de scénarios de risque relativement prudents à l’échelle locale (c.‑à‑d. dans la zone à proximité du point de rejet) conçus pour protéger l’environnement, afin de déterminer si la classification du risque devrait être reclassée à un niveau supérieur.

La CRE est basée sur une approche pondérée afin de réduire au minimum toute sur-classification ou sous-classification du danger et de l’exposition et du risque subséquent. Les approches équilibrées pour tenir compte des incertitudes sont décrites en plus de détails dans le document ECCC 2016a. Nous décrivons ci-après deux des zones d’incertitude les plus importantes. Les erreurs dans les valeurs de toxicité aiguë empiriques ou modélisées pourraient conduire à des changements de la classification du danger, en particulier en ce qui a trait aux paramètres reposant sur des valeurs de résidus dans les tissus (c.-à-d. mode d’action toxique), dont de nombreux sont des valeurs prédites à partir de modèles QSAR. Cependant, l’impact de cette erreur est atténué par le fait qu’une surestimation de la létalité médiane conduira à une valeur prudente (protectrice) pour les résidus dans les tissus qui servira à l’analyse des résidus corporels critiques (RCC). L’erreur de sous-estimation de la toxicité aiguë sera atténuée par l’utilisation d’autres paramètres de risque comme le profilage structurel du mode d’action, la réactivité et/ou l’affinité de liaison à l’estrogène. Les changements dans les quantités chimiques ou les erreurs dans ces quantités pourraient conduire à des classifications différentes de l’exposition, la classification de l’exposition et du risque étant hautement sensible à la vitesse d’émission et aux quantités utilisées. Les résultats de la CRE reflètent donc l’exposition et le risque au Canada basés sur les quantités actuellement utilisées et pourraient ne pas refléter des tendances futures.

Les données critiques et les paramètres pris en compte pour développer les profils propres à la phénacétine et les résultats de la classification du danger, de l’exposition et du risque sont présentés dans le document ECCC 2016b.

Étant donné les classifications de faible danger et de faible exposition pour la phénacétine obtenues au moyen de la CRE, cette substance a été classée comme présentant un faible potentiel de risque pour l’environnement. Il est donc peu probable que cette substance soit préoccupante pour les organismes ou l’intégrité globale de l’environnement au Canada.

6. Risque d’effets nocifs sur la santé humaine

6.1 Évaluation de l’exposition

Entre janvier 2013 et janvier 2016, la présence de phénacétine a été déclarée dans 11 cosmétiques au Canada. Ce sont tous des produits colorants capillaires (1 temporaire, 10 permanents) dans lesquels cet ingrédient est présent à une concentration de 0,3 % ou moins. En assumant une concentration maximale de phénacétine de 0,3 %, une surface de peau exposée correspondant à la surface du crâne d’un adulte et un coefficient de rétention de 10 %, car peu de produit sera en contact avec la peau quand il est utilisé tel que prévuNote de bas de page 5 , nous avons estimé une charge superficielle maximale de 30 µg/cm2 de phénacétine par application (tableau 6-1).

Tableau 6-1. Charge superficielle cutanée maximale due à l’utilisation de colorants capillaires contenant de la phénacétine. a

Scénario avec produit de consommation

Conc. max. (%)

Fréquence (x/an)

Surface exposée (cm2)

Quantité de produit appliquée (g)

Coefficient de rétention (%)

Charge superficielle (dose externe)

Application de colorant capillaire

 

0,3

 

12

 

565

 

50

 

10

30 µg/cm2 par

application

a La concentration maximale a été déterminée sur la base de déclarations faites à Santé Canada en vertu du Règlement sur les cosmétiques. La fréquence, la surface exposée et la quantité de produit appliquée sont tirées de la fiche de données du RIVM (RIVM 2006). Le coefficient de rétention est celui recommandé par le SCCNFP (2000).

chimique (IPCS 2006). Afin d’estimer Jmax, nous avons utilisé le modèle de Potts et Guy (1992) pour calculer le coefficient de perméabilité de la peau, kp (en cm.h−1), suivi de la modification de Cleek et Bunge (1993) (voir l’annexe A pour plus de détails). Jmax a été établi à 2,01 µg/cm²/h, conduisant à une exposition systémique par application de 0,011 mg/kg p.c. (tableau 6-2). La phénacétine ayant une très faible pression de vapeur (6,29 x 10-7 mm Hg à 25 oC), l’exposition par inhalation lors d’une application de colorant capillaire est considérée négligeable par rapport à l’exposition par voie cutanée.

Tableau 6-2. Exposition systémique par voie cutanée estimée due à l’utilisation de produits colorants capillaires contenant de la phénacétine

Scénario avec produit de consommation

Hypothèsea

Exposition systémique estimée

 

Application de colorant capillaire

L’utilisation de colorant capillaire est considérée épisodique (environ 12 fois par an).

Exposition dermique : surface de peau exposée = 565 cm2

durée de l’exposition = 40 min, Jmax = 2,01 µg/cm²/h,

poids corporel d’un adulte moyen = 70,9 kg.

On présume que des gants sont utilisés pendant l’application et que le contact cutané ne concerne que le crâne.

 

Cutanée par application :

10,7 µg/kg p.c.

 

 

cutanée à long terme : 0,35 µg/kg p.c./j

a Basé sur la fiche de données du RIVM (RIVM 2006) et Santé Canada (1998).

Aucune donnée empirique sur les concentrations de phénacétine dans les milieux de l’environnement au Canada n’existe, mais ces concentrations devraient être négligeables. La phénacétine ne devrait pas être présente dans des aliments ni dans des boissons.

Comme il s’agit d’un médicament homéopathique, l’exposition de la population générale du Canada due à l’utilisation de ces produits devrait être minimale. L’activité minimale actuellement autorisée dans des médicaments homéopathiques homologués comme produits de santé naturels, d’après la Homeopathic Pharmacopoeia des États-Unis et la BDIPSN, est 6X, ce qui est équivalent à une concentration maximale d’environ 10-6 g/mL (BDIPSN 2017).

6.2 Évaluation des effets sur la santé

6.2.1 Toxicocinétique

Le métabolisme de la phénacétine a été très bien caractérisé tant chez les humains que chez des animaux de laboratoire (voir par exemple Brodie et Axelrod, 1949; Smith et Timbrell, 1974; Nelson et al., 1981; Hinson, 1983, Veronese et al., 1985; Fukami et Yokoi, 2012). La métabolisation de premier passage est considérable, la biodisponibilité du composé parent étant grande par voie orale (Krieger Research Center 2012). Les voies métaboliques empruntées par la phénacétine mettent en jeu la déséthylation, la N-désacétylation et l’hydroxylation du cycle. Bien que la phénacétine soit biotransformée en au moins 12 métabolites différents, la principale voie métabolique est celle de la déséthylation oxydative principalement par l’intermédiaire du CYP1A2, qui donne le métabolite pharmacologiquement actif N-(4-hydroxyphényl)éthanamide (acétaminophène). Chez les rats, les lapins, les cobayes et les furets ayant reçu une dose de 125 mg/kg pc de phénacétine par voie orale, respectivement 63 %, 57 %, 81 % et 47 % de la dose était excrétée sous forme d’acétaminophène (libre ou conjugué sous forme de sulfate ou de glucuronide) (CIRC 1980). Chez les humains, on estime que de 75 % à 80 % de la phénacétine administrée par voie orale est rapidement métabolisée en acétaminophène chez des sujets normaux, moins de 1 % du composé parent étant excrété tel quel dans l’urine (Insel 1993).

Une voie métabolique secondaire de la phénacétine met en jeu l’hydrolyse en 4‑éthoxyaniline par l’arylacétamide-désacétylase (AADAC), une sérine-estérase microsomale exprimée dans le foie et les tissus gastro-intestinaux (Fukami et Yokoi 2012). La 4-éthoxyaniline peut à son tour être métabolisée en N-hydroxy-4-éthoxyaniline, une arylhydroxylamine, qui est censée être le métabolite mutagène immédiat aussi responsable de la néphrotoxicité et de l’hématotoxicité du composé parent. Le CYP1A2 a une bien plus grande affinité pour la phénacétine que l’AADAC (Km = 31 µM pour le CYP1A2 et 1,82 mM pour l’AADAC) (Venkatakrishnan et al. 1998; Watanabe et al. 2010), bien que l’expression de l’ARN dans le foie soit similaire pour ces deux enzymes. En conséquence, les concentrations maximales plus faibles de phénacétine favoriseraient généralement la voie métabolique de haute affinité (CYP1A2), alors que les concentrations maximales plus élevées dans le sang pourraient apporter une plus grande contribution en favorisant la voie de faible affinité (AADAC). Le CYP1A2 suit une cinétique de type Michaelis-Menten, pour laquelle on a fait l’hypothèse d’un simple site de liaison pour le substrat dans le site actif de l’enzyme, d’une formation de métabolite suivant un modèle empirique présentant une saturation décrite par une hyperbole. Km est la concentration de substrat avec laquelle on atteint la moitié de la vitesse de réaction maximale (Vmax ou le point auquel le CYP1A2 est saturé de phénacétine). Canney et al. (1976) ont montré que chez des adultes volontaires normaux, une dose orale de 900 mg de phénacétine conduit à des concentrations maximales moyennes dans le plasma de 1628 ng/mL (équivalent à 9,1 µM), ce qui est bien inférieur à la Km de 31 µM, ce qui indique que cette dose est insuffisante pour saturer l’enzyme. On a estimé que, même à une concentration de substrat de 100 µM, le CYP1A2 serait responsable de 86 % de la vitesse nette de réaction (Venkatakrishnan et al. 1998). D’autres isoformes du cytochrome P450, comme le CYP2E1, peuvent aussi oxyder la phénacétine, mais avec une affinité moindre que le CYP1A2.

Chez les humains, à la suite d’une administration de phénacétine par voie orale, les concentrations maximales d’acétaminophène dans le plasma provenant de la déséthylation de la phénacétine sont atteintes dans les 1 à 2 heures (Insel 1993). Nous n’avons trouvé aucune donnée sur la disponibilité systémique de la phénacétine administrée par voie cutanée. En raison de ses propriétés physico-chimiques, dont sa masse moléculaire, son log Koe et son hydrosolubilité, la phénacétine devrait être un agent pénétrant « moyennement élevé » d’après les critères de Kroes et al. (2007). Toutefois, dans la peau humaine, le CYP1A2, le principal type de cytochrome P450 responsable du métabolisme de la phénacétine par voie orale, est peu exprimé (Yengi et al. 2003), tout comme l’AADAC, l’enzyme qui produit le métabolite toxique N-hydroxy-4-éthoxyaniline (Kobayashi et al. 2012). En conséquence, puisque l’exposition percutanée n’entraîne pas un métabolisme de premier passage, nous anticipons une toxicocinétique différente selon la voie d’exposition.

Certains individus sont reconnus comme de mauvais métaboliseurs de la phénacétine par le CYP1A2, mais dans la population générale la fréquence de ce phénotype devrait être inférieure à 1 % (Parkinson 2001). Il existe aussi une énorme variabilité des quantités de CYP1A2 d’un individu à l’autre, et les hommes tendent à en avoir plus que les femmes. Bien que les défauts génétiques soient extrêmement rares (Parkinson et al. 2013), les personnes qui métabolisent peu la phénacétine en acétaminophène au moyen du CYP1A2 produisent une plus grande proportion d’arylhydroxylamine, un métabolite toxique (Insel 1993). Les personnes atteintes d’une déficience en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) constituent une autre sous-population potentiellement à risque. Les globules rouges des patients présentant de ce défaut enzymatique sont plus sensibles à un stress oxydatif, et les médicaments oxydants comme la phénacétine peuvent donc conduire à une hémolyse aiguë ou chronique (OMS 1989).

6.2.2 Toxicité aiguë

La phénacétine a une toxicité aiguë faible à modérée par voie orale chez le rat, avec une DL50 estimée allant de 1 650 à 4 000 mg/kg p.c. (Boyd 1959; Hart 1947; Boyd et Hottenroth 1968). Des doses élevées, mais sublétales, administrées à court terme, peuvent provoquer une méthémoglobinémie et une anémie hémolytique chez les humains et les rats, mais ces paramètres sont plus généralement associés à une surdose chronique (Jensen et Jollow 1991; Gilman et al. 1990). L’anémie hémolytique aiguë peut être sévère et accompagnée d’une hémolyse intravasculaire, d’une hémoglobinurie et d’une anurie aiguë, en particulier chez les personnes souffrant d’une déficience en G6PD (de Leeuw et al. 1963). La phénacétine peut aussi entraîner des variations du niveau d’énergie et une altération de l’état mental, et elle est connue pour ses propriétés psychotropes, qui sont semblables à celles de la caféine, lesquelles peuvent contribuer à un risque de dépendance (Margetts 1976; Kincaid Smith 1988).

Nous n’avons trouvé aucune étude sur la toxicité aiguë de la phénacétine par voie cutanée.

6.2.3 Toxicité à doses répétées

La phénacétine a été introduite en médecine clinique en 1887, et une surdose chronique a depuis longtemps été associée à des effets toxiques, en particulier sur les organes hématopoïétiques et les reins. Un lien étiologique entre la consommation chronique de phénacétine et des maladies rénales a commencé à émerger en Europe quand, à la suite de la pandémie de grippe de 1918, de nombreuses personnes se sont mises à prendre de la phénacétine sur une base régulière (Rennke et Denker 2007). Des lésions aux globules rouges, dont la méthémoglobine et la formation de corps de Heinz, ainsi qu’une anémie hémolytique, ont aussi été reconnus comme séquelles communes d’une utilisation ou d’un abus prolongé de phénacétine (Brodie et Axelrod 1949; Davidson 1971). La première description de la néphropathie due à une absorption chronique de phénacétine a été faite par Spühler et Zollinger en 1953, qui ont inventé le terme « néphrite interstitielle chronique primaire » pour décrire ces lésions rénales caractéristiques (tel que rapporté dans Sanerkin et Weaver 1964). Le tableau clinique classique de la néphropathie analgésique due à la phénacétine comprend une fibrose et une néphrite interstitielles, des lésions aux conduits papillaires et aux tubules proximaux et une défaillance rénale chronique avec perte de la capacité de concentration (HSDB 2016).

Il est difficile de faire des estimations précises des doses de phénacétine conduisant à une néphropathie analgésique, car elles sont largement basées sur un rappel des patients pendant une période couvrant des années ou des décennies, et bon nombre ne sont pas coopératifs. Dans les années 1960, Gault et al. (1968), tout en notant que seule une petite partie de la population abusait manifestement des analgésiques, ont estimé que la consommation annuelle par habitant de phénacétine était de l’ordre de 40 g en Australie, de 25 g au Danemark, de 23 g en Suisse et de 6 à 7 g au Canada. Il a été estimé qu’une capacité de concentration moindre ou une faible réduction de la vitesse de filtration glomérulaire peut être observée après l’absorption cumulative d’aussi peu que 1 kg de phénacétine, alors qu’une maladie rénale avec des signes évidents nécessite une absorption minimale de 2 à 3 kg, généralement pendant une période de 6 à 8 ans (Rennke et Denker 2007). Dans le pire scénario, on estime que 10 mg/kg p.c./j de phénacétine est nécessaire pour le développement d’une néphropathie analgésique (en faisant l’hypothèse un poids corporel moyen de l’adulte de 70,9 kg et une ingestion de 2 kg en 8 ans), mais l’incertitude associée à cette estimation est élevée.

La toxicité de la phénacétine pour des animaux de laboratoire a aussi été largement étudiée, et la description qui suit n’est pas exhaustive, mais est plutôt centrée sur les doses les plus faibles publiées associées à une toxicité. La dose minimale avec effet observé (DMEO) pour la phénacétine obtenue lors d’études à doses répétées avec des animaux semble être de 350 mg/kg p.c./j., d’après la formation réversible de méthémoglobine et de corps de Heinz, et une augmentation des réticulocytes périphériques chez le rat à la suite de l’administration d’une dose de 500 mg de phénacétine par kg de p.c. par gavage 5 fois par semaine, durant 4 semaines (Boelsterli et al., 1983). Les modèles animaux présentent aussi une similarité étonnante avec les altérations de la fonction rénale associées à une utilisation chronique d’analgésique chez les humains (Bach et Hardy 1985). Angervall et Bengtsson (1968) ont administré 450 mg/kg p.c./j de phénacétine à des rates SD dans leur alimentation pendant 40 semaines, soit la quantité qu’ils estimaient être la « dose la plus élevée possible qui ne produirait pas d’effets toxiques généraux » (aujourd’hui appelée dose maximale tolérée ou DMT). La dose utilisée semblait avoir un effet stimulant similaire à celui observé chez des humains qui absorbaient de grandes doses, bien que les auteurs aient noté qu’en utilisant des doses plus élevées avec des animaux, un effet dépressif était observé. Après 34 semaines, une perte de la capacité à concentrer l’urine cohérente avec un dysfonctionnement tubulaire dans les reins a été observée, perte qui était rapidement réversible avec l’arrêt de la prise du médicament (Angervall et Bengtsson 1968). Plus récemment, lors d’une étude sur des biomarqueurs toxicogénomiques de lésions papillaires dans le rein chez des rats, Uehara et al. (2013) ont utilisé la phénacétine comme témoin positif. Les rats SD mâles ont reçu par gavage 2 000 mg/kg p.c. de phénacétine (simple dose) ou 1 000 mg/kg pc/j (quotidiennement pendant 3, 7, 14 ou 28 jours), puis le tissu rénal a été prélevé et utilisé pour une analyse de l’expression génique, 24 heures après l’administration lors de l’étude à simple dose, et aux jours 4, 8, 15 et 29 lors de l’étude à doses répétées. Les modifications observées dans les biomarqueurs génomiques induites par la phénacétine et associées à une lésion papillaire se manifestaient après une seule dose et ont été notées une journée après l’exposition, et des changements histopathologiques sont apparus quatre jours après l’administration de la dose.

Nous n’avons trouvé aucune étude à dose répétée par voie cutanée.

6.2.4  Toxicité pour la reproduction et le développement

Les études avec des animaux ont apporté peu de preuves à l’effet qu’une exposition continue à la phénacétine puisse être associée à une toxicité pour la reproduction chez les rongeurs. On a rapporté que l’administration de phénacétine par voie orale à raison de 600 à 1 200 mg/kg p.c./j pendant les jours de gestation 0 à 20 était associée à un poids fœtal moindre, mais l’ampleur de cet effet n’a pas été mentionné (Baethke et Muller 1965, cité dans CIRC 1980). Bien qu’il n’existe aucune preuve de tératogénicité, un retard dans la croissance du squelette et une augmentation des cotes surnumérairesNote de bas de page 6  ont été observés à des doses de 150 mg/kg p.c. et plus lors de la même étude (aucun autre détail rapporté).

Chez les humains, 5 546 paires mère/enfant exposées pendant le premier trimestre à de la phénacétine ont été surveillées lors du Collaborative Perinatal Project basé aux États-Unis (Briggs et al. 2011). Rien ne laisse croire à une association entre l’exposition à la phénacétine in utero et l’apparition de grandes catégories de malformations mineures ou majeures, mais des associations possibles avec certains défauts ont été notées : craniosynostose (six cas); troubles des glandes surrénales (cinq cas); atrésie anale (sept cas); rate accessoire (cinq cas). Toutefois, on ignore si ces associations sont statistiquement significatives, et il manque une confirmation indépendante (Briggs et al. 2011). De plus, le fait que la phénacétine soit rarement utilisée seule, mais plutôt en combinaison avec d’autres agents (habituellement l’acide acétylsalicylique et la caféine) rend encore plus difficile l’interprétation de ces résultats.

Lors d’une enquête portant sur 229 101 grossesses menées à terme auprès de patientes du Michigan Medicaid entre 1985 et 1992, on a fait état de 368 cas d’exposition à la phénacétine pendant le premier trimestre. Un total de 24 anomalies congénitales majeures a été recensé contre 16, le chiffre prévu pour une telle cohorte. On a conclu que ces données ne permettent pas d’associer l’exposition à la phénacétine à ces anomalies congénitales (Briggs et al. 2011). La FDA des États-Unis a inscrit la phénacétine dans le groupe Pregnancy Risk Category B, qui indique que les études sur la reproduction des animaux n’ont pas permis de démontrer un risque pour le fœtus, et qu’il n’existe pas d’étude adéquate et bien contrôlée menée sur des femmes enceintes.

6.2.5 Génotoxicité et cancérogénicité

La phénacétine est mutagène chez Salmonella typhimurium TA100 en présence de la fraction S9 (surnageant à 9 000 g), un extrait de foie de hamsters traités avec des biphényles polychlorés (BPC), et non chez les rats (Nohmi et al. 1983). On pense que ceci est le résultat de différences interespèces de l’activité de désacétylation des microsomes hépatiques du hamster et du rat, la phénacétine étant désacétylée pour former des agents mutagènes à activité directe à des vitesses de 9 à 150 fois plus grandes chez le hamster que chez le rat (Nohmi et al. 1983)Note de bas de page 7 . De même, Camus et al. (1982) ont montré que l’urine de hamsters traités avec de la phénacétine est mutagène chez S. typhimurium TA100, mais pas celle de rats, et que la N-hydroxyphénacétine est un métabolite mutagène de la phénacétine immédiatement produit après la N‑désacétylation.  

Il existe aussi des preuves à l’effet que la phénacétine provoque des altérations chromosomiques ou des lésions à l’ADN lors de tests in vivo. Un test du micronoyau sur cellules de souris a permis de montrer que des doses relativement élevées de phénacétine (600 mg/kg p.c. et plus) ont induit une augmentation du nombre de micronoyaux dans les érythrocytes de la moelle osseuse, que ces doses soient administrées par voir orale ou intrapéritonéale (Hayashi et al. 1989). Des résultats similaires ont été observés chez des rats auxquels on a administré de 500 mg/kg p.c. et plus de phénacétine par gavage pendant 14 jours (Asanami et al. 1995). Chez le rat gpt delta, une lignée transgénique qui possède des gènes rapporteurs pour des mutations ponctuelles in vivo, un traitement de 52 semaines avec la phénacétine (0,5 % dans les aliments, estimé être respectivement 202 et 246 mg/kg p.c./j pour les mâles et les femelles) a induit une augmentation de la fréquence de mutants gpt dans les reins des mâles, mais pas chez les femelles, alors qu’aucun changement important de la fréquence de mutant gpt n’avait été observé après 26 semaines chez l’un ou l’autre sexe (Kawamura et al. 2014). Il n’existe aucune preuve directe de génotoxicité, mais une augmentation liée à la dose de la prolifération cellulaire dans l’urothélium de la vessie et du rein a été observée chez des rats SD mâles exposés à la phénacétine pendant 6 semaines, à raison de 1,0 % ou plus dans leur alimentation (Johansson et al. 1989). L’induction d’une hyperplasie régénérative résultant d’une cytotoxicité est associée à une augmentation de la vitesse de l’accumulation des mutations dans l’organe cible et peut avoir une influence sur le développement de tumeurs.

Lors d’études de cancérogénicité à long terme, la phénacétine s’est avérée être un cancérogène pour les deux sexes, en plusieurs sites et pour plusieurs espèces. Chez le rat, elle induit des tumeurs aux reins, dans la cavité nasale, à l’estomac et à la vessie des mâles, aux glandes de Zymbal (oreilles), aux glandes mammaires, à la cavité nasale et à la vessie des femelles. Chez la souris, les sites cibles comprennent les reins chez les mâles et la vessie chez les femelles (CPDB 2007). La DT50, ou la dose quotidienne pour induire des tumeurs chez la moitié des animaux à l’étude qui resteraient exempts de tumeurs à la dose zéro, est de 1 250 mg/kg p.c./j chez le rat et de 2 140 mg/kg p.c./j chez la souris (CPDB 2007). Lors d’évaluations du risque de cancérogénicité, on utilise généralement une dose de référence basée sur la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % de la dose qui induit des tumeurs chez 10 % des animaux (DTM10). Une estimation fiable de la DTM10 peut être calculée en utilisant la DT50, et sa limite inférieure de l’intervalle de confiance à 99 % et en suivant la méthode de Gold et al. (2003). Pour la phénacétine, la moyenne harmonique de la DLT10 pour le site cible le plus sensible lors de chaque expérience positive de la Carcinogenic Potency Database (CPDB) est de 115 mg/kg p.c./j chez le rat et de 248 mg/kg p.c./j chez la souris (CPDB 2007).

Une extrapolation à partir de la DTM10 ou d’une autre dose estimée proche de la limite inférieure de la gamme observable peut aussi servir à calculer un facteur de pente ou un facteur de risque unitaire afin d’estimer le risque de cancer au cours d’une vie. En utilisant le logiciel BMDS 2.6 (EPA 2015) et les résultats de tous les mâles ayant des tumeurs, un modèle de cancer à plusieurs stades a été ajusté aux données d’Isaka et al. (1979). L’étude à long terme par voie alimentaire chez le rat a été retenue en raison de sa sensibilité, car elle comportait un nombre suffisant d’animaux par groupe, un nombre adéquat de groupes pour le modèle dose-réponse et examinait un grand nombre de tissus pour déceler une transformation néoplasique. Seules les données sur les mâles ont été l’objet d’une modélisation, car elles étaient plus sensibles aux effets cancérogènes de la phénacétine que celles des femelles. La BMDL10 résultante de 13,75 mg/kg p.c./j (voir l’annexe B pour plus de détails) est un ordre de grandeur inférieur à l’estimation de la DTM10 basée sur les moyennes harmoniques des valeurs extrapolées de DT50 de toutes les études (deux sexes) de la CPDB, tel que susmentionné. Le facteur de pente de cancérogénicité basé sur ce modèle a été calculé à 7,27 [µg/kg/j]-1 qui, après une mise à l’échelle allométrique à la puissance ⅔ du poids corporel, correspond à une valeur équivalente pour les humains de 1,13 [µg/kg/j]-1.

Dans les publications d’études cliniques et épidémiologiques, des cas de tumeur du bassinet du rein et d’autres tumeurs urothéliales chez des patients grands utilisateurs d’analgésiques avec phénacétine sont bien documentés, mais la phénacétine était généralement utilisée en association avec d’autres analgésiques, ce qui rend difficile l’estimation de la contribution de la phénacétine seule. Malgré cette limite, il a été publié un très grand nombre d’études qui semblent indiquer de manière constante une association forte ou modérée entre une utilisation régulière d’analgésiques contenant de la phénacétine et le cancer du bassinet du rein ou de l’uretère (pour étude consulter CIRC 2012 et Conseil de la santé des Pays-Bas 2012). Dans son évaluation de la phénacétine, le groupe de travail du CIRC (2012) a conclu ce qui suit :

Il existe assez de preuves de la cancérogénicité de la phénacétine chez les humains. La phénacétine cause le cancer du bassinet du rein et de l’uretère.

Il existe assez de preuves de la cancérogénicité de la phénacétine chez les animaux de laboratoire.

La phénacétine est cancérogène chez les humains (groupe 1).

En ce qui concerne l’évaluation globale de la phénacétine, le groupe de travail a tenu compte du fait que les tumeurs du bassinet du rein et de l’uretère ne sont pas connues pour être causées par d’autres composants des mélanges analgésiques utilisés dans la plupart des pays; à savoir l’aspirine, le phosphate de codéine et la caféine.

Il a été estimé que la quantité totale de phénacétine absorbée par de grands utilisateurs chroniques se situait dans la gamme de 1,1 à 10,0 kg, avec une période de latence moyenne de 24 ans entre le début de l’utilisation jusqu’au diagnostic de la tumeur (Schmähl et Bunk 1991). La dose quotidienne chronique conduisant à la formation d’une tumeur chez les humains peut être grossièrement estimée à 1,8 à 16,1 mg/kg p.c./j, mais la fiabilité de ces estimations est faible. Il est bon de noter que la dose habituelle de phénacétine dans un médicament analgésique ou antipyrétique sans ordonnance était de 300 mg, quatre à six fois par jour (CIRC 1977), soit une dose de 16,9 à 25,4 mg/kg p.c./j pour un adulte pesant 70,9 kg.

6.3 Caractérisation des risques pour la santé humaine

L’exposition des consommateurs à la phénacétine devrait se limiter à l’utilisation d’un petit nombre de préparations capillaires, pour lesquelles la principale voie d’exposition est le contact cutané. Étant donné qu’aucune donnée pertinente n’a été trouvée dans les études par voie cutanée, une estimation prudente de la dose systémique par voie cutanée a été calculée en utilisant le flux maximal prédit, qui définit le risque d’exposition théorique le plus élevé atteignable pour un composé chimique donné. L’exposition systémique par application a été estimée à 0,011 mg/kg p.c. On estime que les produits colorants capillaires sont utilisés jusqu’à 12 fois par an, et entraînent une exposition à long terme pondérée en fonction de la dose de 0,00035 mg/kg p.c./j.

Principalement sur la base des évaluations faites par le Centre international de recherches sur le cancer (CIRC 2012), l’EPA (2002) et le NTP (2014), l’effet critique pour la caractérisation du risque posé par la phénacétine à la santé humaine est la cancérogénicité. La phénacétine est cancérogène pour les humains et les animaux et, bien que le mécanisme d’induction des tumeurs n’ait pas encore été pleinement élucidé, les éléments probants indiquent que cette substance ou ses métabolites peuvent avoir un potentiel génotoxique. Le rat semble être plus sensible que la souris et les mâles semblent plus sensibles que les femelles. La dose critique a donc été déterminée comme étant la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % de la dose de référence (BMDL10) qui correspond à une augmentation de 10 % de la fréquence de tous les types de tumeurs chez des rats mâles traités par rapport à des rats témoins, observée lors de l’étude d’Isaka et al. (1979). Le point de départ pour la caractérisation des risques est donc la BMDL10 pour le rat de 13,75 mg/kg p.c./j.

La comparaison entre le niveau d’exposition systémique chronique dû à l’utilisation d’un colorant capillaire et la BMDL10    par voie orale chez le rat conduit à une ME supérieure à 39 000 (tableau 6-3), ce qui est peu inquiétant. La ME est une approche utile pour caractériser l’ampleur d’un risque, mais elle ne peut servir à quantifier directement la probabilité accrue d’un effet nocif sur la santé. Une valeur du potentiel cancérogène de la phénacétine pour l’humain a donc été calculée en utilisant un modèle multistade de cancer et une mise à l’échelle allométrique. Le facteur de pente par voie orale de 1,13 [µg/kg/j]-1 peut être utilisé pour calculer le risque supplémentaire de cancer durant la durée de vie posé par l’exposition à la phénacétine attribuable à l’utilisation de produits colorants capillaires (voir l’annexe B). Le risque de cancérogénicité est estimé à 4,6 x 10‑7, une valeur largement considérée négligeable.

En ce qui concerne les paramètres autres que le cancer, la néphropathie et l’hématotoxicité ont aussi été associées à une exposition prolongée à la phénacétine ainsi qu’à de grandes doses administrées à court terme. La DMEO la plus faible de la phénacétine tirée d’études à doses répétées avec des animaux semble être de 350 mg/kg p.c./j, d’après la formation réversible de méthémoglobine et de corps de Heinz et l’augmentation de réticulocytes périphériques chez des rats à la suite de l’administration par gavage de la substance pendant 4 semaines (Boelsterli et al. 1983). Une comparaison de cette dose critique avec la dose systémique estimée par application de 0,0107 mg/kg pc/j due à l’utilisation de préparations capillaires contenant de la phénacétine donne une ME d’environ 33 000 pour l’exposition à court terme (tableau 6‑3).

Tableau 6-3. Estimation de la limite supérieure de l’exposition et marge d’exposition résultante

Produit

Exposition systémique estimée

Dose critique

Paramètre de danger critique

ME

Préparation colorante capillaire (chronique)

0,35 µg/kg pc/j

13,75 mg/kg pc/j

(BMDL10 pour tous les mâles présentant des tumeurs, tiré d’Isaka et al. 1979)

Cancérogénicité

~39 000

Préparation colorante capillaire (par application)

10,7 µg/kg pc

350 mg/kg pc/j

(DMENO basée sur une étude par gavage de 4 semaines avec des rats)

Formation réversible de méthémoglobine et de corps de Heinz et augmentation des réticulocytes périphériques.

~33 000

Les marges entre les estimations des limites supérieures de l’exposition et les doses critiques observées lors d’études avec des animaux sont considérées adéquates pour tenir compte des effets cancéreux et non cancéreux et de toute incertitude dans les bases de données toxicologiques et sur l’exposition.

Bien que l’exposition de la population générale à la phénacétine ne soit pas préoccupante aux niveaux actuels, cette substance est considérée avoir un effet inquiétant sur la santé en raison de son potentiel cancérogène. Elle pourrait donc être préoccupante si les niveaux venaient à augmenter.

6.4 Incertitudes de l’évaluation des risques pour la santé humaine

La confiance dans la base de données sur l’exposition est considérée modérée, bien que nous ayons eu accès à des données canadiennes sur les cosmétiques pour calculer une estimation des limites supérieures de l’exposition. Aucune donnée expérimentale sur l’absorption cutanée n’a été trouvée pour la phénacétine, et l’exposition systémique par voie cutanée a été estimée en utilisant un algorithme prédictif de la perméabilité de la peau. La confiance dans la base de données sur le danger est élevée, car les effets nocifs associés à une exposition à cette substance ont été largement documentés.

Il existe une incertitude sur la validité scientifique de l’extrapolation de la voie orale à la voie cutanée. En raison de sa courte durée de vie et de la vitesse et de l’ampleur de la métabolisation présystémique suivant une exposition orale, il n’est pas idéal de réaliser une extrapolation de sa toxicité par voie entérale à la voie parentérale. Toutefois, cette extrapolation est considérée très prudente, le ou les métabolites toxiques étant le produit d’un effet de premier passage. Cette source d’incertitude ne nuit donc pas à la confiance portée à la conclusion. Même en considérant la dosimétrie interne équivalente définie par la surface sous la courbe, la concentration maximale (Cmax) du ou des métabolites réactifs devrait être inférieure après une administration par voie cutanée et, donc, il est moins probable que les mécanismes de détoxification ou de réparation soient saturés.

Enfin, il existe une incertitude quant à l’utilisation d’une dose moyenne amortissant les doses reçues de façon intermittente pendant une période d’exposition de longue durée, en particulier dans le cas d’une substance ayant une durée de vie biologique relativement courte. Le principe de la dose moyenne est basé sur la règle de Haber et l’hypothèse selon laquelle la toxicité est liée à l’exposition combinée totale. Ce concept de base est régulièrement utilisé dans les évaluations du risque de cancer posé par des cancérogènes génotoxiques, mais il existe une incertitude quant à la mesure dans laquelle une exposition moyenne calculée à partir d’une dose moyenne représente une mesure de l’exposition pertinente du point de vue toxicologique. Néanmoins, la comparaison entre les doses induisant un effet tirées des études en laboratoire associées une exposition chronique pendant la durée de la vie et une exposition intermittente chez l’humain est considérée très prudente.

7. Conclusion

Compte tenu de tous les éléments de preuve contenus dans la présente évaluation préalable, la phénacétine présente un faible risque d’effets nocifs sur les organismes et l’intégrité globale de l’environnement. Il est conclu que la phénacétine ne satisfait pas aux critères énoncés aux alinéas 64a) ou 64b) de la LCPE, car elle ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sur la diversité biologique, ou à mettre en danger l’environnement essentiel pour la vie.

À la lumière des renseignements présentés dans la présente évaluation préalable, il est conclu que la phénacétine ne satisfait pas aux critères énoncés à l’alinéa 64c) de la LCPE, car elle ne pénètre pas dans l’environnement en une quantité ou concentration ni dans des conditions de nature à constituer un danger au Canada pour la vie ou la santé humaines.

Il est conclu que la phénacétine ne satisfait à aucun des critères de l’article 64 de la LCPE.

Annexe A – Estimation de la limite supérieure de l’exposition découlant de l’utilisation de produits colorants capillaires

A-1 Calcul de l’exposition systémique basée sur le flux maximal

Avec le modèle de Potts et Guy (1992), on calcule le coefficient de perméabilité de la peau (Kp, en cm/h) en se basant sur la taille du composé perméant (exprimée en tant que masse moléculaire) et la lipophilie (exprimée en tant que logarithme du coefficient de partage octanol/eau). Étant donné que Koe = 1,58 et que la masse moléculaire de la phénacétine est de 179,2 g/mole, log Kp est calculé ainsi :

log Kp (cm/h) = - 2,72 + 0,71 log Koe – 0,0061* MM log Kp (cm/h) = - 2,691

Kp (cm/h) = 2,03 x 10-3

On applique ensuite la correction de Cleek et Bunge (1993) pour tenir compte des perméabilités relatives de la couche cornée et de l’épiderme :

Kp,mod (cm/h) = Kp / {1 + (Kp * √𝑀𝑀) / 2,6}

Kp,mod (cm/h) = 2,01 x 10-3

Le flux maximal (Jmax) peut ensuite être calculé à partir du coefficient de perméabilité de la peau modifié et de l’hydrosolubilité du composé (Csat ≈ 1 mg/mL), comme suit :

Jmax (μg/cm2/h) = 1000 μg/mg * Kp,mod (cm/h) * Csat (mg/cm3)

Jmax (μg/cm2/h) = 2,01

En utilisant le flux maximal prédit, la surface exposée et la durée de l’exposition, on peut estimer la dose systémique maximale.

Scénario

Paramètres du modèlea

Exposition estimée

 

Colorant capillaire

 

  • Fréquence d’exposition : 12 fois par an
  • Poids corporel : 70,9 kg
  • Surface exposée : 565 cm2
  • Durée de l’exposition : 40 min

 

Cutanée par application :

0,013 mg/kg pc

 

Cutanée chronique :

0,00041 mg/kg pc/j

a Les hypothèses sont basées sur les documents RIVM (2006) et Santé Canada (1998). 

Exposition systémique par application = 2,01 μg/cm2/h * 565 cm2* 40/60 h / 70,9 kg

Dose systémique à long terme = dose par application * 12/365

Annexe B – Calcul du risque de cancer

B-1 Calcul de la BMDL10 de la phénacétine

Les calculs des doses de référence ont été faits en utilisant le logiciel BMDS 2.6 (EPA). Ce modèle multistade de cancer a été adapté aux données d’Isaka et al. (1979) en utilisant tous les cas de tumeurs chez des mâles qui avaient été déterminés comme étant des « animaux efficaces » (tableau 9-1). Les auteurs ont défini un animal efficace comme un animal ayant survécu plus de 24 mois ou étant mort à cause de tumeurs s’étant développées dans les 24 mois. Une réponse de référence (RR) égale à une augmentation de 10 % de la fréquence de tumeurs par rapport aux témoins (BMD0,1) a été calculée ainsi que la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % (BMDL10).

Tableau B-1. Intrants pour le modèle (tirés d’Isaka et al., 1979)

Dose (mg/kg pc/j)

Nombre total d’animaux

Nombre d’animaux atteints de tumeurs

0

19

1

365

22

20

750

27

26

Le modèle multistade de cancer est le modèle par défaut utilisé par l’EPA pour les données sur les bioépreuves de cancer. Bien que d’autres modèles soient disponibles pour s’ajuster à des données dichotomiques, aucun n’offre une prudence ou un ajustement aussi bon (tableau 9-2). En conséquence, la BMDL10 de 13,75 mg/kg pc/j calculée avec le modèle multistade a été retenue comme point de départ pour l’évaluation des risques (figure 9-1).   

Tableau B-2. BMD et qualité de l’ajustement pour les modèles pour données dichotomiques disponibles

Modèle

BMD0,1

BMDL10

chi carré

p

AICa

Résiduel2b

Gamma

19,74

13,75

0,99

0,3207

34,67

-0,8 à 0,6

Logistique

72,05

44,03

8,75

0,0031

38,29

-2,7 à 1,0

Cancer – multistade

19,74

13,75

0,99

0,3207

34,67

-0,8 à 0,6

Probit

67,81

46,54

11,11

0,0009

40,96

-2,7 à 1,6

Weinbull

19,74

13,75

0,99

0,3207

34,67

-0,8 à 0,6

Quantal-Linear

19,74

13,75

0,99

0,3207

34,67

-0,8 à 0,6

a AIC est le critère d’information Akaike, défini de la manière suivante AIC= -2 x (LL-p), LL étant le log du rapport de vraisemblance pour les estimations maximales de vraisemblance et p étant les degrés de liberté. Tous les autres paramètres étant égaux, un AIC faible est préféré.

b [(Valeur observée – valeur attendue)/écart-type]

The Chemicals Management Plan Progress Report has been created to keep stakeholders and other interested parties up to date on the activities and programs related to Canada's Chemicals Management Plan (CMP). The report is produced jointly by Environment and Climate Change Canada and Health Canada and is published twice a year. It reports on advances in major initiatives and highlights key activities related to the Government of Canada's recent work under the CMP. It also informs you about coming events, dates of interest and how to get involved.

We encourage you to share the reports with anyone who may be interested. We also welcome your feedback or suggestions. We can be reached at substances@ec.gc.ca.

Figure B-1. Ajustement du modèle multistade pour le cancer aux données combinées pour tous les mâles atteints de cancer, tirées d’Isaka et al. (1979)

Modèle de cancer à plusieurs stades ajusté aux données combinées de tous les mâles porteurs de tumeurs dans Isaka et al. (1979). Le graphique montre une courbe dose-réponse ajustée aux données du tableau 9-1. La dose de référence et la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % de la dose de référence sont indiquées, de même que l’extrapolation linéaire de la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % de la dose de référence à la réponse de référence correspondant à une augmentation de 10 % de l’incidence des tumeurs.

B-2  Risque supplémentaire estimé de cancer au cours de la vie basé sur le pouvoir cancérigène de la phénacétine

Le pouvoir cancérigène est proportionnel à la pente de la courbe dose-réponse aux faibles doses. Un modèle pour le cancer multistade a été ajusté aux données sur les bioépreuves animales d’Isaka et al. (1979). Cette approche comporte une hypothèse intrinsèque à l’effet que les données collectées aux fortes doses sont aussi pertinentes aux très faibles doses ou que le modèle permet d’extrapoler le pouvoir cancérigène en dehors de la gamme des observations expérimentales afin de calculer des estimations du pouvoir aux faibles doses (Cal/EPA 1992).

Pour estimer le pouvoir cancérigène, la réponse de référence (RR) de 0,1 est divisée par la limite inférieure de l’intervalle de confiance à 95 % de la dose qui induit des tumeurs chez 10 % des animaux (BMDL10).

Facteur de pente du cancer = BMR / BMDL10 = 0,1/13,75 mg/kg pc/j = 7,27 [µg/kg/j]-1

Ce facteur calculé à partir des données de bioépreuves peut être mis à l’échelle allométriquement à la puissance 2/3 du poids corporel afin d’obtenir un facteur de pente équivalent pour les humains :

Facteur de pente équivalent pour les humains = facteur de pente pour les animaux [ug/kg/d]-1 × (p.c. animal / p.c. humain) ^ (1- b),

b = 0,667 (mise à l’échelle à la puissance ⅔)

Facteur de pente équivalent pour les humains = 7,27 [µg/kg/j]-1 × (0,267 kg / 70,9 kg) ^ 0,333 = 1,13 [µg/kg/j]-1

Cette valeur peut être multipliée par la dose d’exposition à long terme afin de calculer une estimation du risque supplémentaire de cancer au cours de la vie.

0,00113 [mg/kg/j]-1 × 0,00041 mg/kg p.c./j = 4,6 x 10-7

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