Substances nouvelles : résumé de l'évaluation des risques no 17329

Décision réglementaire

En vertu de la partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) [LCPE (1999)] et de son Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes) [RRSN (O)], le ministre de l'Environnement et le ministre de la Santé ont évalué les renseignements concernant l'organisme déclaré et ont déterminé qu'il n'est pas soupçonné d'être nocif pour l'environnement canadien ni pour la santé humaine aux termes de l'article 64 de la LCPE (1999)Note de bas de page[1] lorsqu'il est fabriqué ou importé en vue d'être introduit dans une installation étanche. Par conséquent, la fabrication ou l'importation de la souche Pichia sp. peuvent être effectuées à cette fin après le 25 octobre 2013

Toutefois, conformément à l'article 110 de la LCPE (1999), un avis de nouvelle activité (avis de NAc n° 17329) a été publié vu les incertitudes quant aux effets possibles de l'organisme déclaré sur l'environnement ou la santé humaine qui découlent d'activités non visées par la portée de la présente évaluation. Cet avis de NAc, qui énonce les renseignements exigés concernant ces activités, a été publié le 18 janvier 2014 dans la partie I de la Gazette du Canada, vol. 148, n° 3. Toute activité non précisée dans l'avis peut avoir lieu après le 25 octobre 2013

Annexe du RRSN (O) : 2
Identification de l'organisme : souche Pichia sp.
Déclarant : Bioamber Sarnia Inc., Montréal (Québec)
Date de la décision : 25 octobre 2013
Utilisation proposée : Production industrielle d'acide succinique biologique dans une installation confinée

Identification / Historique de la souche / Modifications génétiques

La souche déclarée est une levure génétiquement modifiée ayant subi de multiples délétions et insertions de gènes afin d'augmenter la production d'acide succinique biologique et de réduire la production de sous-produits. Les gènes insérés ont été intégrés de façon stable dans les chromosomes du microorganisme. La stabilité génétique a été vérifiée pour plusieurs générations, de même que la production accrue d'acide succinique biologique provenant des fermentations à grande échelle aux États-Unis.

La souche parentale/hôte a été isolée dans un établissement de mouture humide du maïs aux États-Unis, et BioAmber s'est servie de cette souche pour mettre au point la souche déclarée afin d'optimiser la production d'acide succinique. L'identification de la souche déclarée est fondée sur une analyse génétique qui comparait la séquence de l'ADN ribosomique 26S de la souche à un ensemble de séquences d'ADN 26S de 22 462 champignons provenant de Genbank. La souche s'est révélée 100 % identique à plusieurs souches de cette espèce. La morphologie, les conditions de croissance et les besoins nutritionnels de la souche déclarée concordaient avec les caractéristiques connues de cette espèce.

Examen des dangers

L'examen des dangers suivant est fondé sur des données trouvées dans la littérature scientifique sur la souche hôte sauvage Pichia sp. ainsi que sur des renseignements obtenus au sujet des modifications génétiques qui ont été apportées à l'organisme déclaré.

Danger environnemental

Les formes sexuées et asexuées de cette espèce sont largement répandues dans la nature et ont été isolées de nombreux habitats, comme des fruits, des arbres, des animaux, le sol, des eaux usées, l'eau douce ainsi que de produits alimentaires fermentés. On sait que l'espèce sauvage Pichia peut survivre de nombreux mois dans des glaçons en milieu urbain et qu'elle a été trouvée dans de l'eau douce en Antarctique; celle-ci pourrait donc probablement hiverner au Canada. De plus, le fait que l'espèce sauvage ait été trouvée dans des eaux usées domestiques traitées indique qu'elle pourrait survivre à certains types de traitement des eaux usées.

Le risque de transmission par voie aérienne de la souche déclarée est inconnu. Certains oiseaux sont porteurs de l'espèce sauvage dans leur tractus intestinal et on croit qu'ils pourraient constituer des vecteurs de transmission de cet organisme.

Bien que rares, quelques cas d'infections opportunistes causées par l'espèce sauvage chez des mammifères terrestres ont été signalés. L'espèce a été mise en cause dans des cas de mammite à levures chez des bovins et a la capacité d'infecter certains insectes. On soupçonne également l'espèce d'être faiblement pathogène pour les végétaux. Étant donné que la présente annexe ne requiert pas de données d'analyse précises concernant la toxicité/pathogénicité de la souche déclarée chez les animaux ou les végétaux, nous pouvons attribuer un haut niveau d'incertitude quant à la détermination du danger pour l'environnement.

Les effets des modifications génétiques ne devraient pas accroître les dangers pour l'environnement associés à cette souche. Comme la présente déclaration concerne la fabrication de l'organisme dans une installation étanche, il n'y a aucune exigence réglementaire relativement aux données d'analyse sur la pathogénicité/toxicité. Toutefois, étant donné que des articles scientifiques indiquent que l'espèce sauvage peut causer des infections opportunistes chez certains mammifères terrestres, le risque que l'organisme déclaré ou son matériel génétique causent des effets nocifs sur l'environnement, la préservation de l'environnement et sa diversité biologique est considéré comme modéré.

Danger pour la santé humaine

Pichia sp. peut croître à des températures élevées allant jusqu'à 45 °C et dans un milieu à faible pH. L'espèce sauvage présente aussi une forte propension à adhérer à des surfaces non biologiques et a la capacité de former des biofilms. Ces propriétés pourraient être considérées comme des caractéristiques déterminantes de la virulence, et permettre la colonisation de cette espèce chez les personnes qui sont en contact avec des appareils non biologiques comme des cathéters intravasculaires. On sait que la forme asexuée de cette espèce possède une résistance intrinsèque aux antifongiques triazolés. Bien que l'on n'ait trouvé aucune donnée semblant indiquer que le microorganisme déclaré a un rôle à jouer dans des réactions immunitaires nocives, la forme asexuée a été associée à des infections fongiques envahissantes de tissus profonds et d'autres sites normalement stériles, y compris le sang, d'autres fluides corporels et des organes internes. Les données épidémiologiques montrent également des taux de morbidité et de mortalité à la hausse chez les patients à haut risque à cause de l'augmentation de la résistance de l'espèce aux azoles. Par contre, il est important de noter que la souche déclarée s'est avérée sensible à la plupart des antifongiques testés, y compris les azoles (p. ex. fluconazole, kétoconazole) ainsi qu'à l'amphotéricine B et à la flucytosine. Selon les données fournies par l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les caractéristiques du microorganisme déclaré correspondent à la description d'un organisme du groupe de risques 1. Un laboratoire disposant d'installations de niveau de confinement 2 est toutefois requis si l'organisme déclaré est manipulé à proximité de patients immunodéprimés (Gouvernement du Canada, 2013). Les éléments génétiques insérés et les méthodes employées pour réaliser les modifications génétiques de la souche déclarée ne posent aucun risque additionnel pour la santé humaine, sauf dans des cas précis de sujets immunodéprimés.

L'organisme déclaré est utilisé depuis deux ans dans des projets de recherche et dans de grandes installations. Aucun signe d'instabilité phénotypique ou génotypique n'a été observé au cours des fermentations qui ont été produites.

L'utilisation de la souche déclarée ne devrait pas avoir d'effet nocif sur la population générale. Toutefois, vu le nombre suffisant de données provenant d'articles publiés qui décrivent des infections subcliniques chez des sujets immunodéprimés, le danger potentiel pour la santé humaine a été considéré comme modéré.

Examen des aspects liés à l'exposition

Le microorganisme déclaré sera importé et fabriqué au Canada en vue d'être utilisé pour la production d'acide succinique biologique, lequel a des applications dans les bioplastiques, les plastifiants, les solvants ainsi que les additifs alimentaires et les produits de soins personnels. Un lot d'au plus 50 mL ou 50 g (poids cellulaire sec) sera importé des États-Unis vers une installation étanche située à Sarnia, en Ontario, où une banque de microorganismes destinés à être utilisés pour l'ensemencement sera créée. L'installation possède une capacité de production de 37 000 tonnes métriques d'acide succinique biologique.

La souche déclarée n'est pas utilisée depuis longtemps, sauf pour des fermentations réalisées à petite échelle dans l'installation de recherche de BioAmber au Minnesota (États-Unis) depuis 2012. Aucun signe de dérive génétique ou d'instabilité phénotypique/génotypique n'a été observé au cours des fermentations qui ont été produites.

La souche déclarée sera fabriquée dans une installation étanche qui est conforme au niveau de confinement 1, comme il est décrit dans les Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire (Santé Canada, 2004). Les déchets contenant la souche de production vivante devront être inactivés de façon adéquate. En outre, un programme sera mis en œuvre pour surveiller l'inactivation de la biomasse, qui sera éliminée dans des sites d'enfouissement où la souche a peu de chance de survie. Ainsi, nous considérerons que la souche sera adéquatement confinée. Les modifications génétiques que BioAmber a apportées à la souche Pichia sp. font en sorte que celle-ci nécessite des conditions de croissance et des concentrations en nutriments très précises, ce qui diminuerait probablement sa capacité de survie en milieu naturel en cas de rejet. Pour ces raisons, nous avons évalué à faible l'exposition possible de l'environnement à la souche déclarée.

Des scénarios inquiétants pourraient survenir si la souche déclarée survivait au procédé d'inactivation des déchets de la biomasse. Le rejet dans l'environnement pourrait être important dans le cas d'écarts liés à la surveillance, pour quelque raison que ce soit, de l'efficacité du traitement effectué par le déclarant ou si l'élimination des déchets avait lieu dans un endroit où l'on sait que la souche déclarée peut survivre. Il est attendu que les quantités potentiellement rejetées soient aussi faibles que 0 et aussi élevées que 107 UFC/g dans la biomasse résiduelle traitée, où la quantité la plus élevée dépasse le seuil requis pour causer une infection chez des animaux et possiblement des sujets immunodéprimés.

Compte tenu de l'utilisation proposée, des procédures en place visant à limiter tout rejet potentiel et des traitements efficaces servant à inactiver l'organisme déclaré, nous ne prévoyons aucun rejet important pouvant mener à l'exposition des tiers ou du grand public à la souche déclarée. Par conséquent, l'exposition de la population générale à la souche déclarée devrait être faible.

Conclusion de l’évaluation des risques / Décision réglementaire

En se basant sur les considérations ci-dessus liées aux dangers et à l'exposition, Environnement Canada et Santé Canada ont conclu dans leur évaluation des risques que la souche déclarée ne devrait pas causer d'effet nocif pour l'environnement ou la santé humaine au Canada, conformément à l'article 64 de la LCPE (1999).

L'absence d'activation adéquate des gaz issus de la fermentation, des eaux de procédés usées et de la biomasse de déchets solides pourrait entraîner le rejet dans l'environnement d'une grande quantité d'unités formatrices de colonies à des concentrations suffisantes pour causer une infection chez des animaux, des végétaux et/ou des êtres humains, notamment des personnes immunodéprimées ou celles ayant des troubles médicaux sous-jacents. Les dispositions prévues dans l'avis de NAc seront, dans ce cas, recommandées pour atténuer le risque en tenant compte de tous les écarts possibles dans les mesures de confinement proposées par le déclarant.

Selon cette évaluation des risques, la substance n'est pas admissible à l'ajout à la Liste intérieure des substances.

Références

Veuillez noter que cette liste de références est partielle pour des raisons de confidentialité.

Gouvernement du Canada. (2013). Normes et lignes directrices canadiennes sur la biosécurité (première édition) pour les installations où l'on manipule des agents pathogènes qui touchent les humains et les animaux terrestres, des prions et des toxines biologiques. Gouvernement du Canada.

Santé Canada. (2004). Lignes directrices en matière de biosécurité en laboratoire : 3e édition 2004 - Agence de la santé publique du Canada, reproduit avec la permission du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada.

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