Substances nouvelles : résumé de l'évaluation des risques no 20497

Titre officiel : Déclaration de substances nouvelles 20497 : Virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall)

Décision réglementaire

En vertu des dispositions relatives aux substances biotechnologiques animées figurant à la Partie 6 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE), et conformément à l’article 108 de la Loi, le ministre de l’Environnement et le ministre de la Santé ont évalué les renseignements concernant la substance, le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall), un organisme vivant. Il a été déterminé que le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) est soupçonné d’être toxique, car s’il était relâché de façon non contrôlée, il pourrait pénétrer dans l’environnement en une quantité, en une concentration ou dans des conditions de nature à avoir ou à pouvoir avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement ou sa diversité biologique, de nature à constituer ou à pouvoir constituer un danger pour l’environnement essentiel pour la vie, ou de nature à constituer ou à pouvoir constituer un danger pour la vie ou la santé humaines au Canada.

Afin de s’assurer que l’organisme vivant ne cause aucun préjudice à l’environnement canadien ou à la santé humaine, sa fabrication et son importation ont été autorisées sous réserve des conditions décrites dans la Condition ministérielle no 20497, publiée dans la Gazette du Canada, partie I, vol. 154, no 42, le 17 octobre 2020. Ces conditions limitent l’utilisation à celles proposées par le déclarant.

Identité

L’organisme déclaré, à savoir le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall), est un entérovirus d’origine naturelle. Au moment de son administration aux patients, le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) ciblera le récepteur cellulaire ICAM-1/DAF, qui est présent en abondance à la surface des cellules cancéreuses par rapport aux cellules normales. On s’attend à ce que le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) déclenche une réponse immunitaire antitumorale médiée par les lymphocytes T, ce qui entraînera une destruction sélective des cellules tumorales.

Utilisations déclarées et potentielles

Le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) a été déclaré dans le cadre d’un traitement expérimental d’oncolyse virale ciblant les récepteurs ICAM-1/DAF se trouvant à la surface des cellules cancéreuses chez des patients présentant des tumeurs solides à un stade avancé. D’autres utilisations sont également possibles, notamment dans des essais cliniques portant sur d’autres tumeurs malignes ou en tant que médicament commercial contre le cancer.

Évaluation du danger

Le risque de danger pour l’environnement associé au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) est jugé faible pour les raisons suivantes :

  1. Le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) fait partie de la famille des Picornaviridae, des virus qui ne causent que des maladies respiratoires chez les vertébrés terrestres, notamment les espèces bovines, équines, simiennes, porcines, ovines, canines, murines et aviaires (Stott, 1975). Toutefois, l’humain est le seul hôte naturel connu du virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall).
  2. Le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) est un virus d’origine naturelle désigné comme un agent zoopathogène du groupe de risque 1 par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC, 2023); il n’est pas considéré comme un agent pathogène des animaux terrestres par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).
  3. Aucune modification génétique n’a été apportée à l’organisme déclaré, soit le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall), de sorte que sa pathogenèse et sa spécificité pour ses hôtes ne sont pas altérées.
  4. Selon les données de diverses publications, les souris nouveau-nées et les jeunes souris exposées au virus par inoculation dans un contexte expérimental étaient paralysées de façon permanente; ces effets n’ont toutefois pas été observés chez les souris adultes (Sickles et al. 1959). Aucun autre effet négatif n’a été signalé chez les souris adultes. De plus, aucune autre infection d’origine naturelle n’a été signalée chez les invertébrés, les vertébrés et les plantes aquatiques et terrestres.
  5. Les données des études menées chez la souris par le déclarant révèlent que le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) était bien toléré lorsqu’il était administré par injection sous-cutanée, intraveineuse ou intrahépatique. Les réponses histomorphologiques liées à l’administration du virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) étaient limitées à des lésions inflammatoires au point d’injection, ce qui n’est pas inattendu après l’injection d’un virus vivant.

Le risque de danger pour la santé humaineNote de bas de page 1 associé au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) est jugé modéré pour les raisons suivantes :

  1. Le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) est un agent pathogène humain du groupe de risque 2 (selon l’ASPC), car il cause une infection entraînant un risque modéré à l’échelle individuelle, mais faible à l’échelle communautaire.
  2. Les données publiées laissent entendre que le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) cause une infection légère des voies respiratoires supérieures chez des personnes autrement en bonne santé, qu’il est responsable de plusieurs éclosions et qu’il circule naturellement au sein de la population humaine.
  3. Les données publiées n’ont pas révélé d’inquiétudes particulières concernant les populations vulnérables. Toutefois, la Fiche technique santé-sécurité de l’ASPC à l’égard du virus Coxsackie (ASPC, 2014) indique que les jeunes enfants sont plus réceptifs à l’infection.
  4. Les symptômes d’une infection respiratoire sont semblables à ceux d’un rhume, comme une faible fièvre, de la toux et des sécrétions nasales accrues; ils disparaissent naturellement sans intervention médicale (Bloom et al., 1962; Oie et Van Der Veen, 1967).
  5. Historiquement, le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) a été utilisé dans des études expérimentales pour permettre un suivi de la propagation de la maladie après une administration à des participants en bonne santé par inhalation intranasale, de façon à causer une infection des voies respiratoires supérieures (Buckland et al., 1964; Buckland et al., 1965).
  6. Les essais cliniques réalisés chez des patients adultes pour étudier l’utilisation de ce virus en tant que thérapie oncolytique ont été menés ou sont toujours en cours en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Au moment de l’évaluation, aucun effet indésirable grave n’avait été signalé parmi les participants de l’étude, indépendamment de la dose ou du mode d’administration. Certains effets indésirables ont été signalés, mais ils étaient passagers et facilement traitésNote de bas de page 2.
  7. Dans le cadre d’autres essais cliniques, certains patients ayant reçu le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) présentaient un virus infectieux après l’administration; toutefois, dans presque tous les cas, des anticorps neutralisants anti-virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) ont été détectés.
  8. Aucun agent antiviral n’est approuvé pour le traitement des maladies respiratoires associées au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall), car elles sont généralement légères et spontanément résolutives. Dans le cas des participants de l’essai clinique, le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) devrait être éliminé de l’organisme en raison de la réponse immunitaire innée; aucune autre intervention n’est requise.

Les dangers associés aux micro-organismes en milieu de travail devraient être classés en conséquence, selon le Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT)Note de bas de page 3.

Évaluation de l’exposition

Le risque d’exposition environnementale et d’exposition humaine indirecte au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) est jugé faible pour les raisons suivantes :

  1. Le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) sera importé au Canada à l’état congelé et transporté de façon sécuritaire vers deux centres d’essais cliniques. Les doses prévues du virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) seront administrées par des professionnels de la santé dûment formés à un maximum de 30 participants aux essais cliniques dans des conditions contrôlées dans deux centres de soins de santé. Des mesures générales de biosécurité dans les établissements de soins de santé et des plans d’urgence en cas de déversement accidentel devraient être mis en place afin de minimiser la propagation du virus.
  2. Le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) peut survivre à l’extérieur de l’organisme humain, soit sur des objets ou des matériaux qui peuvent contribuer à propager les virus (comme des vêtements, des ustensiles et des meubles), soit dans l’environnement naturel (ASPC, 2014). Bien que l’on ne s’attende pas à ce que le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) se reproduise ou prolifère à l’extérieur d’un hôte humain, les virus Coxsackie peuvent demeurer viables dans l’environnement (p. ex. l’air, l’eau, le sol) pendant plus de 60 jours (Rzezutka et Cook, 2004). La survie des virus Coxsackie dans l’environnement est très variable et dépend de paramètres physiques tels que la température, l’humidité, l’exposition aux rayons UV et la présence de matières organiques (Wyn-Jones et Sellwood, 2001).
  3. Comme indiqué par le déclarant, on s’attend à ce que le virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) soit excrété dans la salive et les selles des participants de l’essai clinique. Cette situation peut mener à l’exposition d’humains et d’espèces présentes dans l’environnement au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall). Cependant, d’après le nombre de participants, cette exposition est probablement comparable à l’exposition au virus circulant naturellement dans l’environnement. D’autres utilisations potentielles, comme une utilisation en tant que médicament oncolytique commercialisé, pourraient augmenter le degré d’exposition.

Caractérisation du risque

Le risque est généralement décrit comme la probabilité qu’un effet indésirable survienne en fonction des dangers et d’un scénario d’exposition précis. Différents scénarios d’exposition peuvent être décrits en fonction des utilisations prévues ou potentielles (le cas échéant). Dans le cas présent, l’organisme sera importé et utilisé dans le cadre d’un traitement expérimental d’oncolyse virale ou, potentiellement, comme un traitement anticancéreux commercial.

En raison du faible risque de danger environnemental et du faible risque d’exposition environnementale, le risque environnemental associé à l’utilisation du virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) en tant que traitement anticancéreux expérimental ou commercial est jugé faible.

En raison du risque modéré de danger pour la santé humaine et du risque d’exposition accrue si cet organisme vivant devait figurer sur la Liste intérieure des substances, le risque pour la santé humaine associé à l’utilisation du virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) comme traitement anticancéreux expérimental ou commercial est jugé modéré.

Conclusion de l’évaluation du risque

Aucune donnée ne laisse entendre qu’il y aurait un risque d’effets environnementaux indésirables aux taux d’exposition prévus pour l’environnement canadien à la suite des utilisations déclarées, bien que l’utilisation commerciale puisse entraîner une augmentation des quantités relâchées dans l’environnement ou de l’exposition environnementale. On ne soupçonne pas que le risque pour l’environnement associé au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) réponde aux critères énoncés aux alinéas 64a) ou b) de la LCPE. Aucune autre mesure n’est recommandée.

Aucune donnée ne laisse entendre qu’il y aurait un risque d’effets indésirables pour la santé humaine aux taux d’exposition prévus pour l’environnement canadien à la suite de l’utilisation déclarée. Cependant, les utilisations potentielles en dehors du contexte des essais cliniques pourraient représenter un risque pour la population générale. Ainsi, on soupçonne que le risque pour la santé humaine associé au virus Coxsackie A21 (souche Kuykendall) répond aux critères énoncés à l’alinéa 64c) de la LCPE. Une condition ministérielle est recommandée pour limiter les utilisations en dehors du contexte des essais cliniques, ce qui peut inclure une éventuelle commercialisation.

Références

Bloom, H.H., Johnson, K.M., Mufson, M.A., and Chanock, R.M. (1962). Acute respiratory disease associated with Coxsackie A-21 virus infection. II. Incidence in military personnel: observations in a nonrecruit population. J Am Med Ass, 179:120.

Buckland, F.E. and Tyrrell, D.A.J. (1964). Experiments on the spread of colds. I. Laboratory studies on the dispersal of nasal secretion. J Hyg (Lond), 62(3):365-377.

Buckland, F.E., Bynoe, M.L., and Tyrrell, D.A.J. (1965). Experiments on the spread of colds. II. Studies in volunteers with Coxsackie virus A21. J Hyg (Lond), 3(3):327-343.

Canada (1999). Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). L.C. 1999, ch. 33. Partie 6 : Substances biotechnologiques animées. (Consultation le 2023-04-14).

Oei, K. G. and Van der Veen, J. (1967). Epidemiological study of Coxsackie A-21 virus infections in military recruits. Am J Epidemiol, 85:93-100.

[ASPC] Agence de la santé publique du Canada. (2014). Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Virus Coxsackie. (Dernière modification : 2014-09-10)

[ASPC] Agence de la santé publique du Canada. (2023). ePATHogène – la base de données sur les groupes de risque.

Rzezutka, A. and Cook, N. (2004). Survival of human enteric viruses in the environment and food. FEMS microbiology reviews, 28(4):441-453.

Sickles, G.M., Mutterre M., and Plager, H. (1959). New types of Coxsackie virus, group A. Cytopathogenicity in tissue culture. Proc Soc Exp Biol Med, 102:742-743.

Stott, E.J. (1975). The Importance of Picornavirus Infections in Respiratory Disease of Man and Other Mammals. Int Symp Immun Infect Resp Syst Man Animals, 28:65-85.

Wyn-Jones, A.P. and Sellwood, J. (2001). Enteric viruses in the aquatic environment. J Appl Microbio, 91(6):945-962.

Détails de la page

2024-06-06