Méthode d’essai biologique servant à mesurer l’inhibition de la croissance de la plante macroscopique dulcicole : chapitre 5


Section 5 : Modes opératoires particuliers pour la mesure de la toxicité de substances  chimiques

La présente section renferme des instructions particulières relatives aux essais sur des substances ou produits chimiques, qui s’ajoutent aux procédures exposées à la section 4.

5.1 Propriétés, étiquetage et entreposage de l’échantillon

On devrait se renseigner sur les propriétés de la substance, de la préparation ou du mélange chimiques à évaluer, y compris les caractéristiques suivantes : concentration des principaux ingrédients et des impuretés, solubilité dans l’eau, pression de vapeur, stabilité chimique, constantes de dissociation, toxicité pour les humains et les organismes aquatiques, biodégradabilité. Il convient aussi de consulter, si elles existent, les fiches signalétiques de chaque substance. Lorsque la solubilité dans l’eau est incertaine ou problématique, on devrait obtenir et consigner les modes opératoires acceptables ayant servi à la préparation de solutions aqueuses de la ou des substances ou déterminer expérimentalement la solubilité dans l’eau d’essai. On devrait recueillir et consigner d’autres renseignements tels que les formules développées, le degré de pureté, la nature et le pourcentage des impuretés importantes, la présence et la quantité d’additifs ainsi que le coefficient de partage n-octanol-eauNote de bas de page 62. La solubilité dans l’eau et la pression de vapeur peuvent servir à calculer la constante de la loi de Henry, qui indiquera si des pertes importantes de substance risquent de survenir au cours de l’essai. Cela aidera aussi à déterminer si des dispositions sont à prendre pour limiter ces pertes (Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 1998, 2002) (v. 5.2). On devrait également disposer d’une méthode acceptable de dosage du produit dans l’eau, aux concentrations prévues pour l’essai, de même que de données sur sa précision et son exactitude.

Les contenants de produits chimiques doivent être scellés et codés ou étiquetés dès leur réception. L’information requise (nom du produit et du fournisseur, date de réception, qualité ou pureté, responsable de l’essai, etc.) doit figurer sur l’étiquette ou sur une feuille de données distincte réservée à l’échantillon, au besoin. Les conditions d’entreposage (p. ex. température, protection contre la lumière) sont souvent dictées par la nature du produit. Il faudrait suivre les modes opératoires normalisés pour manipuler et entreposer le produit ou, sinon, ceux que recommandent le fabricant, la fiche signalétique du produit ou de semblables sources de renseignements et de conseils.

5.2 Préparation des solutions d’essai

Habituellement, on prépare les solutions de la substance chimique par l’ajout d’aliquotes d’une solution mère constituée d’eau témoin/de dilution (milieu de croissance de l’Institut des normes de Suède (SIS), milieu Steinberg modifié ou milieu de l’American Public Health Association (APHA) modifié; v. 5.3). On devrait utiliser des fioles jaugées pour préparer les solutions mères et les solutions d’essai. Les solutions mères devraient normalement être préparées par dissolution de la ou des substances d’essai dans le milieu expérimental. Dans le cas de certaines substances ou matières (dont les pesticides), on pourrait pulvériser la substance d’essai directement sur les thalles si l’on considère que la pulvérisation constitue la voie la plus probable d’exposition (Lockhart et coll., 1989; Boutin et coll., 1993; OCDE, 1998, 2002). Pour préparer des solutions concentrées ou d’importants volumes, on pourrait aussi ajouter à l’eau témoin/de dilution (p. ex. milieu SIS ou milieu Steinberg modifié) des quantités pesées (à la balance de précision) de la substance chimique pour obtenir les titres nominaux qui serviront à l’essai. Quelles que soient les modalités de préparation des solutions d’essai, on devrait déterminer avant le début de l’essai la concentration, la solubilité et la stabilité de la substance dans le milieu d’essai, en fonction des conditions d’essai. On devrait protéger de la lumière les solutions mères susceptibles de photolyse et préparer aussi souvent qu’il est nécessaire les solutions instables, afin de maintenir les concentrations pour chaque renouvellement des solutions expérimentales.

Dans aucune des concentrations d’essai utilisées, on ne devrait excéder la solubilité dans l’eau de la substance d’essai (OCDE, 1998, 2002)Note de bas de page 63. Dans le cas des substances peu solubles dans l’eau, on peut préparer les solutions mères à l’aide de la technique de la colonne génératrice (Billington et coll., 1988; Shiu et coll., 1988) ou, ce qui est moins souhaitable, par dispersion ultrasoniqueNote de bas de page 64. On ne devrait pas utiliser de solvants organiques, d’émulsifiants ou de dispersants pour accroître la solubilité du produit, sauf lorsque ces substances risquent d’entrer dans la composition normale de la préparation commerciale du produit. Dans un tel cas, il faut préparer une solution témoin supplémentaire renfermant la concentration la plus élevée de l’agent qui sera utilisé dans l’essai. On devrait utiliser parcimonieusement les agents solubilisants sans jamais excéder la concentration de 0,1 mL/L dans les solutions d’essai; il faut signaler la nature de l’agent et la concentration finale utilisée. Quant aux solvants, ceux dont l’emploi est à privilégier sont le triéthylèneglycol et la diméthylformamide (American Society for Testing and Materials (ASTM), 1991; OCDE, 1998)Note de bas de page 65. On pourrait aussi utiliser le méthanol, l’éthanol et l’acétone, mais ces composés sont plus volatils et ils peuvent stimuler la croissance indésirable de micro-organismes (ASTM, 1991).

Il est recommandé de procéder à un essai sans renouvellement pour les substances, les produits commerciaux et les mélanges constitués de substances connues qui sont stables. Cependant, si l’on ne s’attend pas que la concentration de la substance d’essai restera à ±20 % de la concentration nominale (ou si un essai préliminaire montre que la concentration de la substance d’essai ou d’au moins l’un de ses ingrédients biologiquement actifs tombe à moins de 80 % de la concentration initiale mesurée) au cours de l’essai (7 jours), il faut opter pour un essai à renouvellement intermittent des solutions (OCDE, 1998, 2002). On doit alors transférer les colonies de L. minor dans des solutions fraîches au moins deux fois au cours de l’essai (p. ex. aux jours 3 et 5) (v. 4.3). Des renouvellements plus fréquents pourraient être nécessaires pour maintenir les concentrations (≥80 %) des substances très instables ou volatiles (USEPA, 1996; OCDE, 1998, 2002).

5.3 Eau témoin/de dilution

Dans les essais visant à évaluer la toxicité d’une substance chimique à l’égard de L. minor, on devrait utiliser comme eau témoin/de dilution soit le milieu SIS modifié (OCDE, 1998, 2002), soit le milieu Steinberg modifié (ISO, 2005), soit une eau réceptrice enrichie de solutions mères nutritives SIS ou de solutions mères nutritives Steinberg modifiées (eau réceptrice enrichie de nutriments)Note de bas de page 66. S’il y a lieu (p. ex. pour un essai portant sur des métaux), on peut utiliser comme eau témoin/de dilution un milieu APHA modifié qui ne renferme pas d’EDTA, ou une eau réceptrice enrichie de solutions mères nutritives APHA modifiées (v. 6.3).

L’eau témoin/de dilution recommandée pour un usage normalisé dans les essais sur des échantillons de substances chimiques est le milieu SIS ou le milieu Steinberg modifié. Le milieu SIS est constitué de sept solutions mères, comme il est indiqué au tableau 4. On prépare les solutions mères dans l’eau distillée ou l’équivalent, à l’aide de produits chimiques de qualité réactif. La solution mère VII (tampon de MOPS (acide 4-morpholinepropanesulfonique) ) n’est utilisée que pour les essais sur des substances ou des matières exigeant une régulation supplémentaire du pHNote de bas de page 67. On stérilise les solutions mères I à V par autoclavage à 120 °C pendant 15 min ou par filtration sur membrane (à pores de 0,2 µm). On stérilise les solutions mères VI et VII (facultatives) uniquement par filtration sur membrane (à pores de 0,2 µm) (on ne devrait pas les autoclaver), puis on les ajoute en asepsie aux autres solutions mères.

Pour préparer 1 L de milieu d’essai SIS, on ajoute les ingrédients suivants à 900 mL d’eau distillée sous verre et désionisée (ou l’équivalent) :

S’il faut un tampon, on ajoute aussi 1 mL de la solution mère VII (facultative). On règle le pH à 6,5 ± 0,2 à l’aide de HCl ou de NaOH 0,1 ou 1 N et l’on porte le volume à 1 L avec de l’eau distillée (OCDE, 1998, 2002).

On devrait conserver les solutions mères stériles au frais et dans l’obscurité. Les solutions mères I à V ont une durée de conservation de six mois, tandis que les solutions mères VI et VII devraient être jetées après un mois. On garde le milieu dans l’obscurité pour empêcher d’éventuelles altérations photochimiques (inconnues). Dans ces conditions, le milieu préparé se conserve de six à huit semaines environ; il est toutefois recommandé de préparer un milieu frais pour les essais. On devrait préparer le milieu SIS un ou deux jours d’avance pour que le pH se stabilise, mais il est conseillé de vérifier celui-ci avant d’utiliser le milieu. Si le pH se trouve à l’extérieur de la plage précisée (6,5 ± 0,2), on peut le rajuster par l’ajout de NaOH ou de HCl, selon la méthode déjà décrite (OCDE, 1998, 2002).

On peut aussi utiliser le milieu Steinberg modifié comme eau témoin/de dilution pour les essais sur des échantillons de substances chimiques, conformément à la recommandation provisoire de l’ISO pour les essais d’inhibition de la croissance de L. minor (ISO, 2005). Ce milieu compte huit solutions mères (v. le tableau 11 de l’annexe D). La norme provisoire de l’ISO (ISO, 2005) renferme de plus amples détails sur la préparation de ce milieu.

S’il faut évaluer l’effet toxique d’une substance chimique sur une eau réceptrice donnée, l’eau témoin/de dilution recommandée est l’eau réceptrice même, enrichie des mêmes nutriments que ceux qui ont servi à préparer le milieu SIS ou le milieu Steinberg modifié (eau réceptrice enrichie de nutriments) (v. la note 40 et le tableau 4). Ce genre d’évaluation pourrait se faire après un déversement de produits chimiques ou après des pulvérisations délibérées de substances chimiques (p. ex. des pesticides) mettant en cause un plan d’eau.

Si l’on doit utiliser comme eau témoin/de dilution un échantillon d’eau d’amont, on doit préparer une solution témoin distincte à l’aide du milieu SIS ou du milieu Steinberg modifié, selon celui qui est utilisé dans l’essai (v. 4.1)Note de bas de page 68. Le milieu d’essai pourrait servir à préparer toutes les dilutions et le témoin lorsqu’un degré poussé de normalisation est exigé pour les essais (p. ex. si la toxicité d’une substance doit être déterminée, puis comparée, dans un certain nombre d’installations d’essai) ou lorsque le prélèvement et l’utilisation de l’eau réceptrice sont impraticables (p. ex. trop coûteux).

Tableau  4. Composition chimique des solutions mères nutritives entrant dans la préparation du milieu SIS et de l’eau réceptrice enrichie de nutriments, en vue des essais toxicologiques sur des échantillons de substances  chimiques avec Lemna minor
Solution mère Substance Concentration
Solution mère
(g/L)
Concentration
MilieuNote de la table a
(mg/L)
I NaNO3 8,50 85
I KH2PO4 1,34 13,4
II MgSO4 · 7H2O 15,0 75
III CaCl2 · 2H2O 7,20 36
IV Na2CO3 4,00 20
V H3BO3 1,00 1,00
V MnCl2 · 4H2O 0,200 0,200
V Na2MoO4 · 2H2O 0,010 0,010
V ZnSO4 · 7H2O 0,050 0,050
V CuSO4 · 5H2O 0,005 0,005
V Co(NO3)2 · 6H2O 0,010 0,010
VI FeCl3 · 6H2O 0,168 0,84
VI Na2EDTA · 2H2O 0,280 1,40
VII MOPS (tampon)Note de la table b 488 488

5.4 Observations et mesures au cours de l’essai

Outre les observations relatives à la toxicité exposées en 4.4, certaines autres observations et mesures doivent être effectuées au cours des essais sur des substances chimiques.

Pendant la préparation des solutions et à chaque moment prescrit d’observation au cours de l’essai, on devrait examiner chaque solution afin de vérifier la présence et l’évolution du produit chimique (p. ex. odeur, couleur, opacité, précipitation, floculation). On devrait consigner les observations.

Il est souhaitable et recommandé d’analyser les solutions d’essai afin de doser les produits chimiques auxquels L. minor est exposéeNote de bas de page 69. Pour les dosages au cours d’un essai sans renouvellement des solutions, on devrait prélever des aliquotes dans toutes les répétitions, du moins dans les concentrations élevée, médiane et faible, de même que dans le ou les témoins. On devrait analyser séparément les aliquotes des échantillons prélevés immédiatement avant le début de l’exposition et à la fin de l’essai, au moins. Pour les dosages pendant un essai à renouvellement intermittent des solutions, on devrait prélever des aliquotes au moins dans les concentrations élevée, médiane et faible, de même que dans le ou les témoins. On devrait au moins analyser séparément les échantillons prélevés au début et à la fin de la période de renouvellement ainsi que la première et la dernière journée de l’essai.

On devrait conserver, entreposer et analyser tous les échantillons selon des méthodes éprouvées, en utilisant des seuils acceptables de détection pour le dosage de la substance particulière en solution aqueuse. Les résultats toxicologiques de tout essai dans lequel on mesure les concentrations devraient être calculés et exprimés en fonction de ces concentrations mesurées, à moins que l’on ait de bonnes raisons de croire que les dosages n’étaient pas précisNote de bas de page 70. Au cours des calculs, on devrait caractériser chaque solution d’essai par la moyenne géométrique de la concentration mesurée à laquelle les organismes sont exposés.

Au début de l’essai, on enregistre le nombre de thalles et de colonies dans les récipients. On doit noter le nombre de thalles et l’aspect des colonies au début et à la fin de l’essai. Si l’on opte pour la vitesse spécifique moyenne de croissance ou l’aire sous la courbe comme paramètre de mesure statistique (v. la note 46 et la sous-section 4.5.5), on devrait faire deux observations supplémentaires du nombre de thalles (p. ex. aux jours 3 et 5). On devrait noter toute modification dans le développement des plantes, la taille des thalles, leur aspect, la nécrose ou la chlorose, de même que toute observation supplémentaire concernant la longueur des radicelles, l’aspect atypique du milieu d’essai (p. ex. présence de matières non dissoutes) ou toute autre anomalie.

5.5 Paramètres et calculs

La CIp constitue le paramètre statistique que l’on recommande d’utiliser pour un essai à concentrations multiples d’une substance chimique donnée (v. 4.5.2).

Si un témoin contenant le solvant est utilisé pour garder la substance d’essai en solution, il faut s’assurer que le solvant ne provoque pas lui-même d’effets excessifs. L’essai est rendu invalide si la croissance des Lemna dans le témoin contenant le solvant (ou le témoin non traité) ne satisfait pas aux critères de validité précisés en 4.5.1.

Quand on utilise un solvant ou un autre produit chimique, celui-ci sert de témoin pour évaluer l’effet du toxique. On ne doit pas réunir les données relatives au témoin contenant le solvant et celles sur l’eau témoin/de dilution, car on risquerait alors d’introduire une erreur systématique dans le calcul des paramètres; dans l’eau témoin/de dilution, il manque un facteur qui pourrait agir sur les organismes aux autres concentrations (c.-à-d. le solvant).

La vitesse spécifique moyenne de croissance (ou vitesse relative de croissance) et/ou l’aire sous la courbeNote de bas de page 71 peuvent aussi être calculées d’après les données sur le nombre de thalles. Le calcul de ces deux paramètres facultatifs exige des observations supplémentaires et régulières (p. ex. aux jours 3 et 5) pendant l’essai (v. 4.5.5 et 4.5.4).

5.6 Interprétation des résultats

Dans tout essai utilisant comme eau témoin/de dilution de l’eau qui n’est pas un milieu SIS, un milieu Steinberg modifié ou, s’il y a lieu, un milieu APHA modifié, il faut particulièrement veiller à comparer la croissance des Lemna dans l’eau témoin/de dilution à celle dans des témoins étalons utilisant le milieu d’essai (SIS, Steinberg ou APHA). Cette comparaison est nécessaire pour déterminer si l’eau témoin/de dilution est phytotoxique. Toute croissance stimulée dans les solutions d’essai par rapport aux solutions témoins doit être signalée et prise en considération dans l’interprétation des résultats (v. 4.5.2 et 4.5.4).

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