4. Émissions produites par la combustion de mazouts

Dans les « Mesures pour les futures normes régissant le mazout » décrites dans le Programme fédéral pour des véhicules, des moteurs et des carburants moins polluants15, Environnement Canada fait part de son intention d'évaluer les avantages et les coûts d'une réduction de la teneur en soufre du mazout. Pour avoir une vue d'ensemble de la question, on a fait une analyse des émissions actuelles d'oxydes de soufre (SOx) et de particules (PM10 et PM2,5) résultant de la combustion du mazout au Canada.

La base de données du Système d'inventaire des rejets résiduels (SIRR) d'Environnement Canada sert à compiler et à conserver les informations sur l'inventaire des émissions concernant avant tout les principaux contaminants atmosphériques (PCA)16 émanant d'un certain nombre de sources dans diverses régions et provinces du Canada. L'inventaire le plus récent date de 199517.

Les estimations de l'ensemble des contaminants (SOx, PM10 et PM2,5) dégagés pendant une période d'un an proviennent de la base de données du SIRR, en fonction de la source, du lieu, du secteur industriel (classé selon le code de la Classification type des industries), du type de combustible et du procédé industriel. Ces estimations ont été compilées et analysées aux échelons national et provincial, selon les catégories utilisées par Environnement Canada pour la déclaration. On trouvera d'autres informations sur les inventaires des émissions associées au mazout léger et au mazout lourd dans le document technique mentionné à l'annexe 1, intitulé Inventaire des émissions de SOx, de PM10 et de PM2,5 résultant de la combustion du mazout (octobre 2002).

La majeure partie des émissions de SOx, de PM10 et de PM2,5 attribuables à la combustion du mazout provient des provinces de l'Est. En 1995, on estimait à 260,1 kilotonnes (kt) les émissions annuelles totales d'oxydes de soufre résultant de la combustion du mazout lourd à l'échelle nationale (ce qui représente 5 % des PCA). En excluant le secteur du transport et les sources ouvertes et diverses, la combustion du mazout est à l'origine de 16 % de toutes les émissions de SOx dans les provinces de l'Est. Les figures figure4.1 et figure4.2 donnent les apports régionaux aux inventaires des émissions de SOx attribuables à la combustion du mazout lourd et léger; on peut voir que la teneur en soufre du mazout est un enjeu majeur dans l'Est du pays.

Figure 4.1 : Émissions annuelles estimatives de SOx attribuables à la combustion du mazout lourd au Canada en 1995, par province

Figure 4.1 ;: Émissions annuelles estimatives de SOx attribuables à la combustion du mazout lourd au Canada en 1995, par province.

Figure 4.2 : Émissions annuelles estimatives de SOx attribuables à la combustion du mazout léger au Canada en 1995, par province

Figure 4.2 : Émissions annuelles estimatives de SOx attribuables à la combustion du mazout léger au Canada en 1995, par province.

En 1995, 97 % des émissions nationales de SOx résultant de la combustion du mazout lourd provenaient de provinces de l'Est, soit l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Trois secteurs industriels étaient responsables de 74,3 % de l'inventaire des SOx attribuables au mazout lourd dans l'Est du pays : la production d'énergie électrique, le raffinage du pétrole et les pâtes et papiers18. Ces secteurs sont également les plus gros émetteurs de PM10 et de PM2,5 résultant de la combustion du mazout lourd dans l'Est du pays19. Les apports des divers secteurs de l'Est du pays à l'inventaire des SOx dégagés par la combustion du mazout lourd dans la région sont présentés à la figure 4.3.

Figure 4.3 : Apports sectoriels à l'inventaire des SOx de l'Est du pays attribuables à la combustion du mazout lourd (1995)

Figure 4.3: Apports sectoriels à l’inventaire des SOx de l’Est du pays attribuables à la combustion du mazout lourd (1995).

La combustion du mazout léger entraîne des émissions de SOx estimées à 21 kt/an, dont 94 % proviennent de provinces de l'Est, soit l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. La plupart des émissions de SOx, de PM10 et de PM2,5 résultant de la combustion du mazout léger dans les provinces de l'Est provient des secteurs résidentiel et commercial. Ensemble, ces secteurs sont responsables de 80% de l'inventaire des SOx produits par la combustion du mazout léger dans l'Est du pays. Les apports à l'inventaire de SOx dégagés par combustion du mazout léger dans l'Est du Canada sont illustrés à la figure 4.4.

Figure 4.4 : Apports sectoriels à l'inventaire des SOx attribuables à la combustion du mazout léger

Figure 4.4 : Apports sectoriels à l'inventaire des SOx attribuables à la combustion du mazout léger.

Le Centre de la Technologie de l'énergie de CANMET de Ressources naturelles Canada a effectué une recension des écrits d'information publique ayant trait aux stratégies de recherche afin d'examiner l'impact de la teneur en soufre du mazout, la combustion du mazout dans les installations de combustion fixes et les émissions de gaz et de particules associées. (Le rapport mentionné dans l'annexe 1 est disponible sur demande).

La recension a montré que la combustion des mazouts entraîne de nombreuses émissions : par exemple, « La combustion de mazouts lourds produit des émissions dans l'environnement d'une gamme d'oxydes de soufre et d'azote gazeux et de métaux présents dans le combustible. Des particules de carbone provenant d'une combustion incomplète ou des particules contenant une variété de composés sulfatés se retrouvent également dans les émissions. Selon les conditions d'allumage, les émissions pourraient également contenir d'autres polluants tels que les composés organiques volatils (COV), les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et à l'occasion, du chlore, tel que le HCl. La réduction de la teneur en soufre des mazouts se traduira directement en une réduction globale des émissions de gaz brûlés de dioxyde de soufre. »

La recension a montré que dans les systèmes fonctionnant au mazout, on peut s'attendre à trouver la majeure partie du soufre du combustible dans le gaz brûlé sous forme de dioxyde de soufre ainsi que du soufre s'oxydant et se transformant en SO3 selon les conditions d'allumage. Les émissions typiques de SO2 produites par différentes catégories de mazouts sont fournies dans le tableau 4.1. Dans tous les cas, les émissions de SO2 ont augmenté lorsque les teneurs en soufre des combustibles étaient plus élevées.

Tableau 4.1 : Émissions typiques de SO2 produites par différentes catégories de mazouts lourds et légers
Type de mazout Teneur en S % en poids, combustible sec SO2 dans les gaz de combustion ppmv à 3 % de O2, gaz sec20
Lee, 199721
No 2 à très basse teneur en soufre, augmentation progressive de soufre avec du bisulfure butylique bitertiaire 0,0099 31
0,1925 110
0,4900 293
0,6767 400
1,1333 624
Miller, et al, 199622
No 2 0,41 184
No 5 1,42 793
No 6 (basse teneur en S) 0,49 226
No 6 (teneur élevée en S) 1,66 740
Razbin, et al, 199123
No 4 1,60 560-1000
Friedrich, et al, 199224
No 4 1,41-1,46 812-893
No 6 1,95-1,97 1170-1200
Gulyurtlu, et al, 199625
Huile usée 0,94 394-427
Whaley, et al, 199526
No 6 1,36 779
Émulsion de bitume-eau 5,00 2570
Émulsion de bitume-eau 5,12 2785
Émulsion de bitume-eau 5,27 3466

La recension a montré qu'une fraction importante (de 30 à 50 %) des émissions de particules provenant de la combustion du mazout lourd serait constituée de particules d'un diamètre inférieur à 2,5 µm et contiendrait la majeure partie du soufre lié chimiquement aux métaux lourds présents dans la cendre de combustion.

L'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis s'est chargée de plusieurs études menées relativement aux émissions de particules et aux polluants atmosphériques dangereux provenant de la combustion de différents mazouts à teneurs en soufre variées. Ces travaux montrent, par exemple, que le fait de réduire la teneur en soufre du mazout lourd (no 6) de 1,66 % en poids à 0,49 % en poids (réduction de 70 % de la teneur en soufre), réduit les émissions totales de particules de 86 %. On y montre également que les émissions totales de métaux sont réduites de 87 %, principalement à cause des émissions réduites de vanadium, de nickel et de plomb. Ces trois métaux étaient responsables de la majeure partie des émissions de métaux, mais les métaux suivants étaient également présents : magnésium, chrome, antimoine, cadmium, arsenic, sélénium, béryllium et mercure, avec de la cendre et du chlore. Lorsque la quantité de soufre dans le mazout lourd est réduite, la teneur en cendres et le niveau de chlore sont également réduits.

De nombreuses mesures effectuées par l'EPA pour 195 composés organiques durant la combustion de mazout no 6 à faible teneur en soufre et de mazout no 6 à teneur élevée en soufre, ont montré une diminution des émissions totales de HAP avec le mazout no 6 à teneur plus basse en soufre ; par exemple, le fait de réduire la teneur en soufre du mazout no 6 de 1,66 % en poids à 0,49 % en poids (réduction de 70 % de la teneur en soufre), réduit les émissions totales de HAP de 77 %. Les émissions de HAP produites par la combustion de mazout lourd incluent principalement du naphtalène, mais également du phénanthrène, du fluorène, du benzo(g,h,i)pérylène et de l'acénaphthylène, avec des quantités moins importantes d'acénaphtène, d'anthracène, de benzo(a)anthracène, de chrysène, de dibenz(a,h)anthracène, de fluoranthène, indéno(1,2,3-c,d)pyrène et de pyrène. Les émissions de HAP produites par la combustion de mazout léger incluent les substances mentionnées ci-dessus, à l'exception de l'anthracène et du chrysène, et ils contiennent également du benzo(a)pyrène, du benzo(b)fluoranthène et du benzo(k)fluoranthène.

En plus de la recension approfondie des écrits, le Centre de la Technologie de l'énergie de CANMET a effectué des recherches portant sur l'impact du soufre dans le combustible sur les émissions pour les systèmes fonctionnant au mazout, tout d'abord pour le mazout léger et ensuite pour le mazout lourd. Les rapports mentionnés dans la liste de l'annexe 1 sont disponibles sur demande.

Le programme de tests pour le mazout léger a examiné les émissions de cinq distillats contenant des teneurs en soufre de 0,05 % à 0,6 % en poids. Des combustibles d'essai ont été préparés en ensemençant du carburant diesel à faible teneur en soufre (0,05 % en poids) à l'aide de différentes quantités d'un agent dopant de soufre. Un générateur d'eau surchauffée de type résidentiel a été utilisé pour la combustion. Le rendement des émissions des combustibles, en ce qui a trait à leurs particules et à leurs émissions gazeuses de O2, CO2, CO, SO2 et de NOx, a été déterminé et comparé. L'outil clé utilisé pour l'analyse des émissions était un système d'échantillonnage des particules fines de CANMET, capable de fournir des concentrations de particules de sources se rapprochant des particules ambiantes que l'on trouve immédiatement dans le panache atmosphérique de la source sous le vent.

L'étude a montré que dans la gamme de concentrations de soufre étudiées selon des conditions expérimentales choisies, les émissions de SO2 des gaz de combustion augmentaient de façon linéaire avec l'augmentation de soufre dans le mazout léger (carburant diesel ensemencé à l'aide de soufre), tandis que les autres émissions demeuraient relativement inchangées. Une augmentation similaire des concentrations massiques de particules filtrables a également été observée au fur et à mesure que le soufre dans le combustible augmentait. Les résultats suggèrent également qu'une grande partie des émissions de particules provenant de la combustion du carburant diesel sont dans la gamme du diamètre de 2,5 µm et que la teneur en sulfate des particules diminuerait lorsque la teneur en soufre du mazout léger est réduite.

Une enquête similaire a été menée en utilisant du mazout lourd et les résultats seront communiqués dès qu'ils seront disponibles.




Notes de bas de page

15 Ministère de l'Environnement. Programme fédéral pour des véhicules, des moteurs et des carburants moins polluants. Gazette du Canada, Partie I, 17 février 2001, pp. 452-457.
16 Les principaux contaminants atmosphériques sont les particules totales (TPM), les particules d'un diamètre inférieur ou égal à 10 microns (PM10), les particules d'un diamètre inférieur ou égal à 2,5 microns (PM2,5), les oxydes de soufre (SOx), les oxydes d'azote (NOx), les composés organiques volatils (COV) et le moNOxyde de carbone (CO).
17 Depuis 1995, deux centrales au mazout (capacité approximative de 2 500 MW ou 50 % de la capacité totale de la filière mazout) ont été équipées de chaudières pouvant utiliser deux types de combustible. Ces deux centrales peuvent donc utiliser soit du gaz naturel, soit du mazout lourd. Une troisième centrale (100 MW) a été rééquipée d'une turbine à gaz alimentée au gaz naturel. Les émissions de dioxyde de soufre de ces centrales sont presque nulles lorsqu'elles fonctionnent au gaz naturel. Une quatrième centrale au mazout (1 050 MW) est en cours de conversion à l'Orimulsion. On prévoit équiper cette centrale d'épurateurs des gaz brûlés pour éliminer le dioxyde de soufre des gaz effluents. Au total, on a réduit, ou on est sur le point de réduire, les émissions de soufre dans les centrales qui produisent environ 3 700 MW (ou 75 %) de la capacité globale de l'énergie émanant de la filière mazout.
18 Depuis 1995, la consommation de mazout lourd par l'industrie des pâtes et papiers a diminué d'environ 7 à 9 %. Cette baisse est fort probablement attribuable au remplacement du mazout par le gaz naturel, favorisé par la hausse de l'offre, à la réduction de l'intensité énergétique de la production et aux variations des conditions économiques. Elle ne doit pas être interprétée comme une tendance à la baisse, mais comme une réponse spécifique à la conjoncture économique annuelle.
19 Le pourcentage important des émissions de PM attribuable à la combustion du mazout lourd dans le secteurs des pâtes et papiers peut être attribué à l'inclusion d'autres variables de procédé dans les données sur les installations qui sont transmises aux autorités provinciales et territoriales. Ces émissions sont considérées comme causées soit par la source de combustible primaire, comme la combustion de déchets de bois dans les chaudières, soit par les pertes survenant en cours de traitement dans les fours à chaux du procédé de calcination.
20 À noter : les unités de mesures en ppmv de SO2 à 3 % de O2 ne sont pas les mêmes que les mg de SO2/Nm3, qui sont les unités européennes.
21 W. Lee, The Performance of Oil-fired Boilers : The Influence of Fuel Sulphur on Emissions and Appliance Integrity, ASHRAE Transactions, vol. 103, partie 1, 1997.
22 C. A. Miller, J. V. Ryan et T. Lombardo, Characterization of Air Toxics from an Oil-fired Firetube Boiler, JA&WMA, vol. 46, pp. 742 - 748, août 1996.
23 V. V. Razbin, F. D. Friedrich et S. W. Lee, Heating Plant Performance and Emissions, Nova Scotia Hospital, Dartmouth, N. S., Energy Research Laboratories Division (Division des laboratoires de recherches en énergie), rapport ERL-91-86, CANMET, Énergie, mines et ressources Canada, 1991.
24 F. D. Friedrich, V. V. Razbin et F. L. Wigglesworth, NOx and SO2 Emissions with No. 6 and No. 4 Fuel Oils at Canadian Forces Base Halifax, Energy Research Laboratories Division (Division des laboratoires de recherches en énergie), rapport ERL-92-27, CANMET, Énergie, mines et ressources Canada, mars 1992.
25 I. Gulyurtly, H. Lopes et I. Carbita, The Determination of Emissions of Pollutants from Burning Waste Oils , Fuel, vol. 75, no 8, pp. 940-944.
26 H. Whaley, J. Wong, G. Banks et W. Lee, The Composition and Handling Properties of Several Heavy Bitumen Emulsions, ASME International Joint Power Conference, Minneapolis, Minnesota, 1995.

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