Section 1 : Introduction
Depuis sa découverte en 1774 et sa reconnaissance en tant qu'élément en 1815, le chlore sert d'agent de blanchiment pour le lin, le coton et le papier. Le premier brevet lié à l'utilisation industrielle du chlore (blanchiment) date de 1799.
Le chlore et les substances chimiques liées à sa production, le carbonate de sodium (Na2C03) et la soude caustique (NaOH), sont parmi les substances chimiques industrielles les plus importantes qui existent. Leurs applications vont de la production de savon et de détergents, de plastiques, de verre, de produits pétrochimiques, d'engrais et d'explosifs au traitement de l'eau et des eaux usées. Actuellement, l'importance du chlore tient à sa participation à plusieurs réactions intermédiaires en synthèse organique.
Au cours de la seconde moitié du 19e siècle, le chlore était produit de façon commerciale par les procédés Weldon et Deacon, tous deux basés sur l'oxydation catalytique de l'acide chlorhydrique par l'air. Étant donné que ces deux procédés étaient, en soi, inefficaces pour diverses raisons et qu'ils ne permettaient pas de produire de la soude caustique, ils ont été remplacés par un procédé industriel plus efficace produisant non seulement du chlore, mais aussi de la soude caustique.
Depuis 1853, la soude caustique était produite industriellement à l'aide d'un procédé chimique par lequel on ajoutait, en lot, de l'hydroxyde de calcium [Ca(OH)2] à du carbonate de sodium. Bien que la production de soude caustique par électrolyse fût déjà connue au 18e siècle, il a fallu attendre le développement de génératrices de courant électrique continu de grande capacité avant que ce procédé ne soit commercialisé.
Le procédé de production de chlore et de soude caustique dans une cellule d'électrolyse a été mis au point en 1892. Ce procédé faisait intervenir l'électrolyse de saumure (NaCl) au moyen d'une cathode mobile de mercure liquide et produisait du chlore à l'anode et un amalgame de sodium et de mercure à la cathode.
Ce procédé, dit « d'électrolyse au mercure » a constitué le principal procédé de production commerciale du chlore et de la soude caustique des années 1890 au milieu du 20e siècle. Bien qu'on se serve encore de parle monde du procédé d'électrolyse au mercure, il est de plus en plus remplacé par d'autres procédés d'électrolyse sans mercure. Ces procédés d'électrolyse à diaphragme ou à membrane produisent du chlore et de la soude caustique à partir des mêmes matières brutes (saumure, eau, électricité) et sont analogues quant à la production et au traitement de la substance gazeuse. De ce point de vue, ils sont semblables au procédé d'électrolyse au mercure. Il existe cependant des différences de conception et de fonctionnement entre les divers procédés, en particulier l'absence de mercure dans les effluents et dans les émissions des cellules à diaphragme ainsi que des cellules à membrane.
Dans le passé, on se servait surtout du procédé d'électrolyse au mercure pour produire le chlore et la soude caustique au Canada comme le témoignent les 15 usines équipées d'électrolyseurs au mercure exploitées au pays de 1935 jusqu'au milieu des années 70 (tableau 1). Toutefois, en 1979, il ne restait plus que cinq de ces usines en activité. En décembre 1990, l'usine PPG Canada Inc. de Beauhamois au Québec se convertissait au procédé à membrane.
La disparition du procédé d'électrolyse au mercure des usines de chlore et de soude caustique de l'ensemble du Canada est due à diverses raisons, mais surtout à son remplacement par un procédé ne faisant pas intervenir le mercure. Ce changement était attribuable aux craintes qui se sont manifestées de plus en plus en 1969 et en 1970 quant aux concentrations inhabituellement élevées de mercure présentes à divers endroits du pays dans les eaux de surface, les poissons et les autres organismes aquatiques. Les enquêtes faites par les experts gouvernementaux sur les industries faisant appel au procédé au mercure ont montré que les environs de ces usines de chlore et de soude caustique étaient fortement contaminés par ce métal. L'industrie du chlore et de la soude caustique produit, grâce au procédé d'électrolyse au mercure étant une source ponctuelle importante de pollution, est devenue le foyer de cristallisation des mesures de réglementation, même si d'autres industries rejettent elles aussi du mercure.
Le règlement fédéral sur les effluents a suivi (Règlement sur le mercure des effluents de fabriques de chlore promulgué en mars 1972 en vertu de la Loi sur les pêcheries et révisé en juillet 1977). La reconnaissance de la pollution causée par le mercure en suspension dans l'air a été à l'origine du règlement sur les émissions (Règlement sur les normes nationales de dégagement de mercure par les fabriques de chlore promulgué en juillet 1978 en vertu de la Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique, révisé en février 1990 et incorporé dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement).
Au Canada, les usines équipées d'électrolyseurs au mercure sont non seulement soumises aux règlements fédéraux mais aussi aux lois provinciales, qui sont parfois équivalentes.
Le présent rapport résume la situation des usines de chlore et de soude caustique équipées d'électrolyseurs au mercure en indiquant si elles respectaient ou non les règlements fédéraux sur les effluents et les émissions de mercure durant la période s'échelonnant de 1986 à 1989.
Un électrolyseur au mercure classique consiste en deux sections séparées, mais intégrées, c'est-à-dire l'électrolyseur et le décomposeur. D'habitude, l'électrolyseur est une conduite en acier, à sections rectangulaires, recouverte et à fond plat, qui est longue et étroite (en général 15,2 m × 1,2 m) et légèrement inclinée, où circule à un débit uniforme une saumure (l'électrolyte). La cathode de l'électrolyseur est une mince couche de mercure métallique qui s'écoule sous la saumure et recouvre tout le fond de la conduite. Les anodes, dites « anodes inattaquables », consistent en un métal recouvert de titane et font saillie dans le couvercle. Elles sont suspendues à des tiges isolées fixées au sommet de l'électrolyseur et alignées à l'horizontale. En général, l'espace laissé entre les anodes et la cathode de mercure est de plusieurs millimètres. Pour faciliter la sortie du chlore gazeux, les anodes inattaquables sont disposées en forme de treillis.
L'électrolyse entraîne la dissociation de la saumure et la production d'ions sodium et chlore (Na+, Cl-). Le Na+ se combine au mercure de la cathode et forme un amalgame de sodium (Na-Hg) qui sort de l'électrolyseur et coule jusqu'au décomposeur, une conduite en acier fermée, à sections rectangulaires, fixée sous l'électrolyseur ou sur son côté. À cet endroit, de l'eau déminéralisée est ajoutée à l'amalgame de sodium pour libérer le mercure (qui est recyclé dans l'électrolyseur) avec production d'hydroxyde de sodium (NaOH) et d'hydrogène (H2). Le décomposeur n'est pas alimenté en électricité.
Il y a production de chlore gazeux aux anodes inattaquables. Le gaz sort de l'électrolyseur, est refroidi (pour en éliminer l'eau), séché (à l'acide sulfurique), puis liquéfié.
Les réactions chimiques qui se produisent dans chacune des deux sections sont les suivantes :
Les figures 1, 2 et 3 sont respectivement des reproductions de photographies prises à l'usine ICI Ltée de Cornwall qui représentent une salle d'électrolyse au mercure en fonctionnement, d'un électrolyseur au mercure et des anodes inattaquables. La figure 4 illustre le schéma d'un électrolyseur au mercure.




Vu les craintes de plus en plus fortes soulevées par la présence de mercure dans les effluents, les émissions et les déchets solides des usines de chlore et de soude caustique, d'autres procédés sont maintenant exploités commercialement au Canada. Il s'agit des procédés d'électrolyse à diaphragme ou à membrane, qui font appel aux mêmes composantes brutes de base (saumure, eau, électricité). Tous deux produisent du chlore et de la soude caustique et sont semblables quant à la production et au traitement des gaz résultants. Cependant, ni l'un ni l'autre n'utilisent du mercure.
Dans l'électrolyseur à diaphragme, les anodes et les cathodes sont placées en parallèle et séparées par une couche poreuse d'amiante. Cette couche (le diaphragme) recouvre la cathode en mailles d'acier et permet la traversée des ions par migration électrique, mais limite la diffusion des substances qui pourraient entraîner la formation de sous-produits indésirables (chlorates) et rendre le courant moins efficace.
La saumure saturée purifiée est électrolysée en chlore, en soude caustique et en hydrogène. Le chlore se dégage aux anodes inattaquables et sort par une conduite prévue à cet effet. L'hydrogène gazeux et les ions hydroxyde apparaissent à la cathode. Une solution de NaOH d'une concentration entre 10 et 15 % est produite dans le compartiment de la cathode. Les électrolyseurs à diaphragme peuvent être compacts et avoir une résistance moindre, car les électrodes peuvent être rapprochées. Dans ces électrolyseurs, il faut que la tension soit plus élevée, étant donné leur résistance, de même que la pression hydrostatique sur la saumure.
Dans le procédé d'électrolyse à membrane, mis au point au début des années 70 grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la technologie des membranes, une membrane échangeuse de cations sert de barrière sélective entre les compartiments de l'anode et de la cathode. La membrane d'acide perfluorocarboxylique permet la migration de l'ion Na+ vers la cathode, empêche la migration de l'ion OH- vers l'anode et oblige l'ion Cl- à demeurer dans la région de l'anode, ce qui assure une plus grande pureté au NaOH dans le compartiment de la cathode.
En conditions d'exploitation, on fait passer une solution saturée en sel dans un système de prétraitement, puis sur un lit de résine échangeuse d'ions pour en éliminer les cations multivalents. La solution de sel traitée est ensuite acheminée vers le compartiment de l'anode. Les ions Na+ migrent à travers la membrane échangeuse de cation vers le côté cathode et forment avec les ions OH- de l'hydroxyde de sodium. De l'eau pure est injectée dans le catholyte pour régler la concentration de l'hydroxyde de sodium obtenue. Le NaOH ainsi produit a une concentration d'environ 20 % et doit donc être évaporé pour que la concentration obtenue soit d'à peu près 50 %. Le chlore gazeux produit à l'anode est soit utilisé tel quel, soit liquéfié et stocké.
Les électrolyseurs à diaphragme et les électrolyseurs à membrane ont des avantages environnementaux assurés sur les électrolyseurs au mercure, notamment l'absence de mercure dans les appareils, les effluents, les émissions, les déchets solides et les produits. Toutefois, il existe encore des usines équipées d'électrolyseurs au mercure en exploitation au Canada (en 1989, il n'en restait que cinq) à cause de la concentration plus forte de la soude caustique produite par ce procédé en comparaison aux procédés à diaphragme et à membrane, et en raison des frais de remplacement des appareils et de désaffectation des usines. On présente au tableau 2 une comparaison des avantages et des inconvénients respectifs des trois procédés.
On trouve au tableau 3 la production canadienne de chlore et de soude caustique au moyen des procédés d'électrolyse au mercure, à diaphragme et à membrane pour la période de 1986 à 1989. Le tableau 4 indique la diminution de la part du marché occupée par les producteurs de soude caustique et de chlore selon le procédé au mercure.