Rapport sur l'état des connaissances scientifiques écologiques concernant le décabromodiphényléther (décaBDE) : résumé

Résumé

En juillet 2006, la décision finale sur l’évaluation préalable de substances - les polybromodiphényléthers (PBDE) a été publiée par le Minsistre de lEnvironnement et par le Ministre de la Santé dans la Gazette du Canada, Partie I. Il a été conclu que les PBDE (c.-à-d. le tétrabromodiphényléther [tétraBDE], le pentabromodiphényléther [pentaBDE], l'hexabromodiphényléther [hexaBDE], l'heptabromodiphényléther [heptaBDE], l'octabromodiphényléther [octaBDE], le nonabromodiphényléther [nonaBDE] et le décabromodiphényléther [décaBDE]), qui sont présents dans les préparations commerciales de PentaBDE, d'octaBDE et de décaBDE de qualité technique, pénètrent dans l'environnement en une quantité ou concentration ou dans des conditions de nature à avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement ou sur la diversité biologique. Les PBDE satisfont ainsi aux critères satisfont les critères sous le paragraphe 64(a) de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement [LCPE (1999)]. En outre, il a été conclu que les sept PBDE homologues satisfont tous aux critères de persistance, mais que seuls les congénères tétraBDE, pentaBDE et hexaBDE satisfont aux critères de bioaccumulation énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation. L'analyse a également montré que les bromodiphényléthers qui comportent le plus grand nombre d'atomes de brome, notamment le décaBDE, peuvent, dans une certaine mesure, s'accumuler dans le biote et y être débromés pour former des produits de transformation bioaccumulables et persistants.

Depuis l'achèvement de l'évaluation écologique préalable, une grande quantité de nouvelles données ont été publiées concernant l'accumulation de décaBDE dans le biote et sa transformation possible en composés bioaccummulables et persistants. Le présent rapport vise à fournir une analyse à jour de la bioaccumulation et de la transformation du décaBDE en résumant l'information examinée dans le cadre de l’évaluation préalable et en examinant les nouvelles données scientifiques publiées jusqu'au 25 août 2009.

Dans l'ensemble, les données disponibles n'indiquent pas que le décaBDE en soi satisfait aux critères numériques de bioaccumulation énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation. Des facteurs comme la faible efficacité d'assimilation et la lente transformation métabolique semblent être d'importants déterminants de la bioaccumulation dans les organismes. Toutefois, des études récentes font état de concentrations de décaBDE en hausse constante chez certaines espèces sauvages, et quelques rapports équivoques indiquent des facteurs de bioamplification (BMF) supérieurs à 1. Les concentrations de la substance sont jugées élevées notamment dans les tissus des espèces suivantes : la crécerelle, l'épervier d'Europe, le faucon pèlerin, le goéland bourgmestre, le renard roux, le requin, le marsouin commun et le dauphin à nez blanc. Même si ces concentrations peuvent s'expliquer par l'amplification trophique ou la bioaccumulation, il est très probable que le biote soit exposé à de très fortes concentrations de décaBDE en consommant des déchets contaminés ou en vivant dans des habitats diversifiés contaminés par la substance, à proximité de zones industrialisées.

En outre, on juge raisonnable de conclure que le décaBDE contribue éventuellement à la formation de PBDE moins bromés et d'autres produits métaboliques dans les organismes, potentiellement ceux qui sont bioaccumulables. Bien que des incertitudes persistent, l'évaluation a permis de trouver de nombreuses indications selon lesquelles les poissons et les mammifères pourraient avoir la capacité de métaboliquement décomposer le décaBDE. Ainsi, chez les poissons, le décaBDE peut être transformé en heptaBDE, en octaBDE et en nonaBDE, et éventuellement en pentaBDE et en hexaBDE. Chez les mammifères, on a observé une débromation du décaBDE en heptaBDE. La formation de PBDE moins bromés semble être très limitée et seule une fraction de la quantité totale de décaBDE (généralement, de l'ordre d'un faible pourcentage) est absorbée par les deux espèces. Cependant, certaines études sur les rongeurs ont conclu, en s'appuyant sur des évaluations du bilan massique, que les taux de transformation peuvent être plus élevés; une étude a notamment indiqué qu'environ 45 % de la dose totale du décaBDE était indétectable et pourrait avoir été métabolisée en d'autres composés (comme les bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés) ou s'être inextricablement liée sous forme de résidus.

L'évaluation de la transformation du décaBDE dans l'environnement a permis de relever de nombreuses études de laboratoire montrant qu'il peut se décomposer dans l'environnement, particulièrement par photodégradation et par biodégradation. Des études de la photodégradation du décaBDE sorbé sur des solides dans des milieux aqueux et secs ont démontré que le décaBDE se transformait en triBDE à octaBDE et en nonaBDE. Parmi les autres produits de transformation de la substance, on comptait également six types de bromodibenzofuranes, notamment des tribromodibenzofuranes (triBDF), des tétrabromodibenzofuranes (tétraBDF), des pentabromodibenzofuranes (pentaBDF), des hexabromodibenzofuranes (hexaBDF), des heptabromodibenzofuranes (heptaBDF) et des octabromodibenzofuranes (octaBDF), ainsi que des composés non identifiés. Bien que favorable à l'environnement, la fraction réelle de décaBDE exposée à la lumière du soleil était adsorbée aux particules atmosphériques et aquatiques, ou les matières solides (p. ex. issues de sources anthropiques ou naturelles) constituaient une petite fraction de la quantité totale de décaBDE dans l'environnement. Des études sur la biodégradation ont aussi montré que le décaBDE peut se décomposer surtout en heptaBDE, en octaBDE et en nonaBDE, tandis que la transformation en triBDE a aussi été observée en conditions de laboratoire favorables. Globalement, la biodégradation semble se produire à un rythme bien plus lent que celui de la phototransformation, avec des demi-vies de l'ordre de plusieurs années, voire des décennies. D'après les rapports, la demi-vie photolytique du décaBDE adsorbé à la poussière domestique et exposé à la lumière du soleil est de un à deux mois environ (en supposant une période de 8 heures de soleil par jour).

On a estimé par modélisation les facteurs de bioaccumulation et les facteurs de bioamplification pour déterminer si les produits de transformation du décaBDE dans les organismes vivants et l'environnement en général sont bioaccumulables. L'évaluation a montré que bon nombre des produits de transformation identifiés peuvent être bioaccumulables (c.-à-d. que leur facteur de bioaccumulation dépasse 5 000) et que certains peuvent se bioamplifier dans les chaînes alimentaires. L'analyse a aussi indiqué, sur la base de données empiriques, que certains produits de transformation du décaBDE (c.-à-d. le tétraBDE, le pentaBDE et l'hexaBDE) sont nettement bioaccumulables.

Bien que les études de laboratoire sur la transformation du décaBDE indiquent que celui-ci devrait se transformer en BDE et en BDF comportant un nombre moindre d'atomes de brome, aucune étude de surveillance n'a montré de façon irréfutable que ce phénomène se produit effectivement dans l'environnement. Cette constatation porte à croire que le processus de transformation environnementale serait très lent et complexe et qu'il pourrait être lié à une petite fraction de la quantité totale de décaBDE dans l'environnement. Les indications de ce processus pourraient être masquées par les profils de PBDE dans l'environnement, lesquels sont dominés par les congénères présents dans les produits commerciaux. Comme relativement peu d'études mesurent spécifiquement les congénères octaBDE et nonaBDE dans les échantillons environnementaux, il est difficile de caractériser la débromation du décaBDE dans l'environnement.

Ce rapport porte surtout sur le décaBDE, mais les analyses et les conclusions qu'il présente peuvent s'appliquer utilement à d'autres produits ignifuges dont la structure chimique et les profils d'utilisation sont semblables à ceux du décaBDE, comme le décabromodiphényléthane (décaBDéthane). Comme le décaBDE et le décaBDéthane ne diffèrent que par le lien entre leurs noyaux aromatiques, ces substances peuvent présenter des similitudes dans leurs propriétés physiques et chimiques, leur persistance, leur transformation et leur accumulation dans les organismes vivants. Compte tenu des propriétés semblables des deux produits, de la présence du décaBDéthane dans la faune au Canada et du potentiel du décaBDéthane comme produit de remplacement du décaBDE à grande échelle, il est aussi nécessaire de mieux comprendre les risques du décaBDéthane pour l'environnement, notamment sa capacité de s'accumuler dans les animaux sauvages et de se transformer en produits potentiellement bioaccumulables. La compréhension des risques liés aux solutions de rechange permettra, dans l'ensemble, de procéder au remplacement d'ignifugeants de façon informée.

 

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