Tortue mouchetée (Emydoidea blandingii) certaines populations évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2016 : annexe 1
Annexe 1. Déclin de l’abondance relative de la tortue mouchetée (Emydoidea blandingii) en Ontario dû à la conversion des milieux humides
Rapport à l’appui de l’évaluation et du rapport de situation du COSEPAC (mise à jour), en cours d’élaboration.
Auteur : Matthew G. Keevil
Présenté à Teresa Piraino
16 septembre 2015.
Objectif et portée
La présente analyse vise à faire une estimation du déclin relatif des tortues mouchetées à l’échelle de l’Ontario provoqué par la perte d’habitat au cours de trois intervalles situés d’environ 1800 à 2002. Les déclins proportionnels sont calculés sous la forme de perte de milieux humides à l’échelle des écorégions, pondérée par les estimations de densité obtenues des ensembles de données de marquage-recapture compilés dans chaque région. L’analyse n’a pas tenu compte d’autres causes du déclin de l’abondance, comme la fragmentation par les routes, la perte de l’habitat de terrain élevé et les prédateurs favorisés par les activités humaines, lesquelles entraînent collectivement le déclin ou la disparition d’une espèce au sein de son habitat.
Méthodes
La variation proportionnelle de l’abondance due à la perte d’habitat à l’échelle de la province a été calculée suivant la formule suivante, qui quantifie la perte d’habitat pondérée par la densité :
Où DR est la densité moyenne estimée à partir des sites d’étude de l’écorégion R, QRt, est la quantité d’habitat dans l’écorégion R durant la période t, et est le rapport de la superficie de l’habitat dans R durant les périodes t et t - 1. R représente une de trois écorégions : lac Érié - lac Ontario (écorégion 7E), lac Simcoe - Rideau (6E) et baie Georgienne (5E) (OMNRF, 2007). Ce modèle divise l’aire de répartition de la population de tortues mouchetées de l’Ontario en trois régions afin de tenir compte des données disponibles sur les différences écorégionales en ce qui concerne la densité démographique, la perte de milieux humides par le passé et la superficie totale des milieux humides. Les analyses spatiales ont été réalisées au moyen d’ArcGIS 9.3.
Étendue de l’aire de répartition de la tortue mouchetée en Ontario
L’étendue de l’aire de répartition de la tortue mouchetée a été numérisée à partir des données figurant dans l’Atlas des reptiles et des amphibiens de l’Ontario (Ontario Nature, 2015). Les tortues mouchetées sont réparties dans une grande partie du sud et du centre de l’Ontario, à l’exception des comtés de Bruce et de Grey et de certaines parties du sud-est de l’Ontario. Ces données sur la répartition de l’espèce présentent une certaine limite, à savoir que l’étendue de l’aire de répartition historique pourrait être sous-estimée si les tortues mouchetées avaient disparu au moment de la collecte des données. Toutes les analyses ultérieures reposent sur des données spatiales rattachées à l’étendue de l’aire de répartition de la tortue mouchetée. Une partie de la limite nord-ouest de cette aire de répartition atteignait l’écorégion du lac Temagami (4E) et a été fusionnée à l’écorégion de la baie Georgienne pour la présente analyse.
Estimation de la conversion des milieux humides à titre d’indicateur de la perte d’habitat relative (ht/ht-1)
La conversion des milieux humides a été estimée entre quatre périodes (vers 1800, 1967, 1982, 2002) dans des cantons géographiques correspondant à l’écozone des plaines à forêt mixte (écorégions du lac Simcoe - Rideau et du lac Érié - lac Ontario), et les données figurent dans le document Southern Ontario Wetland Conversion Analysis Final Report (Ducks Unlimited Canada, 2010). Ces données ont servi à estimer la conversion totale des milieux humides dans l’aire de répartition de la tortue mouchetée pour ces deux écorégions. Les statistiques sur la conversion des milieux humides des cantons ont été attribuées aux écorégions en fonction du centre des cantons géographiques établi avant la fusion de 1977 (OMNRF, 2013). Les estimations de la conversion de la superficie des milieux humides (en tant que zones absolues) ont ensuite été additionnées à l’échelle des écorégions pour chaque période à l’étude. Il n’existait pas de telles estimations pour la plupart des municipalités situées à l’extérieur des écorégions du lac Simcoe - Rideau et du lac Érié - lac Ontario. Par conséquent, la perte d’habitat dans l’écorégion de la baie Georgienne n’a pas été quantifiée dans le cadre de la présente analyse.
Estimation de la quantité relative d’habitat (q)
L’habitat potentiel total a été quantifié de manière à tenir compte des différences relatives entre les écorégions attribuables aux écarts de la superficie totale des terres et de la proportion des milieux humides. Ces estimations de la superficie de l’habitat ne visent pas à établir la quantité absolue d’habitat convenable pour la tortue mouchetée. La superficie des milieux humides a été estimée par l’application de couches de couverture terrestre plutôt que par la tabulation à partir du document Southern Ontario Wetland Conversion Analysis Final Report (Ducks Unlimited Canada, 2010) étant donné que ce dernier n’était pas disponible pour l’écorégion de la baie Georgienne. Deux sources de données sur la couverture terrestre ont été utilisées : SOLRIS (OMNRF, 2008) pour le sud de l’Ontario et la base de données provinciale de la couverture terrestre (Spectranalysis Inc., 2004). Lorsque les données se chevauchaient spatialement, les données de SOLRIS ont été utilisées. Pour obtenir la quantité d’habitat, nous avons calculé la superficie totale de toutes les classes de couverture terrestre des milieux humides (classes de couverture terrestres de l’Ontario 15-23; classes 50, 55, 59 et 63 de SOLRIS) dans l’aire de répartition de la tortue mouchetée pour chaque écorégion.
Écorégion | Superficie des milieux humides (km2) SOLRIS |
Superficie des milieux humides (km2) Couverture terrestre prov. |
Superficie des milieux humides (km2) Total |
Région géographique (km2) |
---|---|---|---|---|
Lac Simcoe - Rideau | 7 417 | 51 | 7 468 | 50 947 |
Lac Érié - lac Ontario | 1 428 | 0 | 1 428 | 21 899 |
Baie Georgienne | 377 | 1 685 | 2 062 | 68 478 |
Estimation de la densité relative de la population (d)
Des estimations de l’abondance par marquage-recapture et des données sur la zone à l’étude étaient disponibles pour huit sites d’étude en Ontario (tableau, annexe 1), deux sites dans l’écorégion du lac Érié - lac Ontario, cinq sites dans l’écorégion du lac Simcoe - Rideau et un site dans l’écorégion de la baie Georgienne. La densité moyenne estimée s’élevait à 0,78, à 0,29 et à 0,12 adulte/ha respectivement. Les écarts observés dans les densités historiques d’une écorégion à l’autre ont peut-être été plus importants que pour les densités enregistrées récemment étant donné que les populations des régions du sud de l’Ontario, plus productives, font aussi l’objet de perturbations plus grandes, comme la mortalité routière et la prédation accrue des nids favorisée par l’activité humaine. Il se pourrait donc que l’abondance relative historique estimée soit inférieure aux valeurs réelles lorsque la perte de milieux humides a été la plus notable. En retour, cela entraînerait une sous-estimation du déclin total.
Limites des données :
- Il n’y avait pas de données sur les pertes de milieux humides côtiers des Grands Lacs dans l’analyse de la conversion des milieux humides (Ducks Unlimited Canada, 2010).
- L’analyse de la conversion des milieux humides ne tenait pas compte des milieux humides de moins de 10 ha (Ducks Unlimited Canada, 2010).
- Les données sur la couverture terrestre et la conversion des milieux humides n’étaient disponibles que jusqu’en 2002.
- Les données sur la conversion des milieux humides ne sont disponibles que pour la portion de l’écozone des plaines à forêt mixte de l’aire de répartition de la tortue mouchetée de l’Ontario.
- Les estimations de la densité se fondent sur un petit nombre de sites. Les densités relatives récentes pourraient ne pas être de véritables indicateurs des densités relatives historiques.
Résultats
Écorégion | Densité (adultes/ha) | Superficie récente des milieux humides (ha) | Perte de milieux humides entre 2002 et 1800 | Perte de milieux humides entre 2002 et 1967 | Perte de milieux humides entre 2002 et 1982 | Déclin des milieux humides pondéré selon la densité dans la province entre 2002 et 1800 | Déclin des milieux humides pondéré selon la densité dans la province entre 2002 et 1967 | Déclin des milieux humides pondéré selon la densité dans la province entre 2002 et 1982 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Lac Érié - lac Ontario | 0,78 | 142 800 | 92,1 % | 34,3 % | 26,2 % | 65 % | 13 % | 11 % |
Lac Simcoe - Rideau | 0,29 | 746 800 | 58,5 % | 3,4 % | 4,5 % | blank | blank | blank |
Baie Georgienne | 0,12 | 206 200 | 0,0 % | 0,0 % | 0,0 % | blank | blank | blank |
Écorégion | 1800 | 1967 | 1982 | 2002 |
---|---|---|---|---|
Lac Érié - lac Ontario | 72,2 % | 40,7 % | 37,7 % | 31,8 % |
Lac Simcoe - Rideau | 26,6 % | 53,3 % | 56,1 % | 61,1 % |
Baie Georgienne | 1,3 % | 6,0 % | 6,2 % | 7,1 % |
Chez la tortue mouchetée en Ontario, la durée d’une génération a été estimée à plus de 40 ans (COSEWIC, 2005). Les périodes pendant lesquelles ont été quantifiées les pertes d’habitat correspondent aux générations suivantes : 5,05 (1800), 0,875 (1967), 0,5 (1982) et 0 (2002) avant l’année de mesure la plus récente, ou 5,375, 1,2, 0,825 et 0,325 générations avant aujourd’hui (2015). Cette analyse permet d’estimer un déclin minimum de l’abondance chez la tortue mouchetée de 13 % depuis 1,2 génération attribuable à la perte de milieux humides, sans compter les pertes d’habitat non mesurées après 2002 et les déclins probablement survenus au sein de l’habitat au cours de toutes les périodes à l’étude, causés par la mortalité routière, les prédateurs favorisés par les activités humaines, le piégeage, la perte d’habitat de terrain élevé et d’autres menaces chroniques.
Un important écart dans la perte de milieux humides mesurée est observé entre la période précédant la colonisation et 1967. Si on suppose provisoirement qu’un taux constant de perte de milieux humides a été enregistré durant cet intervalle et qu’on le calcule séparément par écorégion, la proportion de l’habitat pondéré selon la densité aurait alors été deux fois plus importante en 1936 (~ 1,98 génération avant aujourd’hui) qu’elle ne n’était en 2002. Cela correspond à un déclin minimum de 50 % à l’échelle de l’Ontario au cours des deux dernières générations de tortues mouchetées. Toutefois, il est improbable que le taux de perte d’habitat ait été relativement constant durant cet intervalle et, par conséquent, il faut interpréter cette extrapolation avec une très grande prudence.
Références
COSEWIC. 2005. COSEWIC assessment and update status report on the Blanding's Turtle Emydoidea blandingii in Canada. Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada. Ottawa. (Également disponible en français : COSEPAC. 2005. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la tortue mouchetée (Emydoidea blandingii) au Canada - Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. ix + 47 p.)
Ducks Unlimited Canada. 2010. Southern Ontario Wetland Conversion Analysis Final Report. Ducks Unlimited. Barrie, ON.
OMNRF. 2013. Geographic Township Boundaries. Ontario Ministry of Natural Resources and Forests. Available as spatial data from Land Information Ontario.
OMNRF. 2008. Southern Ontario Land Resource Information System (2000-2002). v.1.2. Ontario Ministry of Natural Resources and Forests. Available as spatial data from Land Information Ontario. (En anglais seulement.)
OMNRF. 2007. Ecological Land Classification of Ontario. Ontario Ministry of Natural Resources and Forests. Available as spatial data from Land Information Ontario.
Ontario Nature. 2015. Ontario Reptile and Amphibian Atlas (en anglais seulement, consulté le 8 août 2015)
Spectranalysis Inc. 2004. Introduction to the Ontario Land Cover Data Base, Second Edition (2000): Outline of Production Methodology and Description of 27 Land Cover Classes. Report to Ontario Ministry of Natural Resources. Available as spatial data from Land Information Ontario.
Sous-population | Écorégion | Superficie du site étudié (ha) | Estimation de la population adulte | Densité (adultes/ha) | Durée de l’étude (nombre de saisons) | Activités d’échantillonnage | Méthodes de relevés | Sources |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Sud-ouest de l’Ontario 1 | Lac Érié - lac Ontario | 3 300 | 690 Méthode de Schnabel (modèle modifié de capture pour population fermée) |
0,21 | 9 saisons (2000-2001; 2008-2014) | >650 jours-personne | Captures à la main/ épuisette et inventaire visuel dans les milieux humides et les aires de nidification | Gillingwater et Brooks, 2001; Davy, données inédites |
Sud-ouest de l’Ontario 2 | Lac Érié - lac Ontario | 607 | 818 D’après une estimation de 341 ±214 femelles adultes (méthode de Jolly-Seber au moyen du programme JOLLY, à partir d’un modèle A et de données de marquage-recapture de 2003 à 2006) et un rapport moyen entre les sexes de 1,4 M:1 F. |
1,35 | 21 saisons (1973; 1979; 1980; 1982; 1992-1994; 2003-2016) | >680 jours-personne; ~500 jours-piège |
Captures à la main/ épuisette et inventaire visuel dans les milieux humides et les aires de nidification; verveux | Weller, 1973; Hubbs, 1979; Purves, 1980; Ashenden, 1983; Saumure, 1995; Gillingwater et Piraino, 2004, 2007; Piraino et Gillingwater, 2005, 2006; Gillingwater, 2009, 2013; Enneson, 2010 |
Sud-ouest de l’Ontario 3 | Lac Simcoe | 800 | 138 Indice de Lincoln où N=MC/R (à partir de données de 2010-2011) |
0,17 | 5 saisons (2010-2014) | 1 317 heures-personne; 2 200 jours-piège |
Captures à la main/ épuisette durant des relevés par radiotélémesure, des relevés de mortalité routière et des inventaires visuels dans les milieux humides et les aires de nidification; verveux | Caverhill et al., 2011; Zoo de Toronto, données inédites |
Sud-est de l’Ontario 2 | Lac Simcoe | 690 | 99 (IC de 95 % : 89-124) |
0,14 | 4 saisons (2010-2013) | 5 300 heures-personne; 2360 jours-piège |
Captures à la main/ épuisette durant des relevés par radiotélémesure, des relevés de mortalité routière et des inventaires visuels dans les milieux humides; verveux | Dillon Consulting Ltd., 2014 |
Sud-est de l’Ontario 3 | Lac Simcoe | 900 | 114 (IC de 95 % : 103-136) Modèle de capture en population fermée dans MARK |
0,13 | 3 saisons (2007-2009) | Les milieux humides ont fait l’objet de relevés tous les jours d’avril à septembre chaque année. Des verveux ont aussi été installés tout au long de la saison. | Captures à la main/ épuisette durant des relevés par radiotélémesure et des inventaires visuels dans les milieux humides; verveux | Millar, 2009, données inédites; Millar et Blouin-Demers, 2012 |
Sud-est de l’Ontario 4 | Lac Simcoe | 238 | 85 (IC de 95 % : 53-206) Méthode de Schnabel (modèle modifié de capture pour population fermée) |
0,36 | 5 saisons (2010-2014) | ~68 jours-personne; ~54 jours-piège |
Captures à la main/ épuisette durant des inventaires visuels dans les milieux humides; verveux et pièges flottants | Middleton, 2014; Ontario Nature, données inédites |
Centre-sud de l’Ontario 1 | Baie Georgienne | 340 | 41 (IC de 95 % : 39-50) | 0,12 | 5 saisons (2006-2008; 2009-2010) | Les milieux humides ont fait l’objet de relevés plusieurs fois en avril et mai chaque année. Des patrouilles des sites de nidification ont été faites de 19 h à 23 h tous les soirs pour 3 ou 4 semaines par saison. Plusieurs captures fortuites ont eu lieu dans le cadre de la télémesure et dans des hibernacles communautaires. | Captures à la main/ épuisette durant des inventaires visuels dans les milieux humides et les aires de nidification | Edge et al., 2009, 2010, données inédites; Paterson et al., 2014, données inédites |
Centre-sud de l’Ontario 3 | Lac Simcoe | 90 | 57 Estimation Lincoln- Peterson N=n1*n2/m2 |
0,63 | 2 saisons (2013-2014) | 134 heures-personne (2013); ?? heures-personne (2014) |
Captures à la main/ épuisette durant des inventaires visuels dans les milieux humides | Sheppard, 2013, 2014, données inédites |
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