Hibou des marais (Asio flammeus) : plan de gestion 2018
Titre officiel : Plan de gestion du Hibou des marais (Asio flammeus) au Canada 2018
Loi sur les espèces en péril
Série de de plans de gestion
Information sur le document
Environnement et Changement climatique Canada. 2018. Plan de gestion du Hibou des marais (Asio flammeus) au Canada, Série de Plans de gestion de la Loi sur les espèces en péril, Environnement et Changement climatique Canada, Ottawa, v + 42 p.
Pour télécharger le présent plan de gestion ou pour obtenir un complément d’information sur les espèces en péril, incluant les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), les descriptions de la résidence, les plans d’action et d’autres documents connexes portant sur le rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.
Illustration de la couverture : © Steve Garvie (Wikimedia Commons)
Also available in English under the title “Management Plan for the Short-eared Owl (Asio flammeus) in Canada”
Le contenu du présent document (à l'exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d'indiquer la source.
Préface
En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’adopter une législation et des programmes complémentaires qui assureront la protection des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration des plans de gestion pour les espèces inscrites comme étant préoccupantes et sont tenus de rendre compte des progrès réalisés dans les cinq ans suivant la publication du document final dans le Registre public des espèces en péril.
La ministre de l’Environnement et du Changement climatique et ministre responsable de l’Agence Parcs Canada est le ministre compétent en vertu de la LEP à l’égard du Hibou des marais et a élaboré le présent plan de gestion, conformément à l’article 65 de la LEP. Dans la mesure du possible, le plan de gestion a été préparé en collaboration avec les autorités responsables suivantes, en vertu du paragraphe 66(1) de la LEP :
- Agence Parcs Canada
- Ministère de la Défense nationale
- Gouvernements des Territoires du Nord-Ouest; de l’Alberta; du Manitoba; du Québec; du Nouveau-Brunswick; de Terre-Neuve-et-Labrador et du Nunavut
- Gouvernement Tłįchǫ
- Gwich’in Renewable Resources Board
- Nunavut Wildlife Management Board
- Sahtú Renewable Resources Board
- Wek’èezhìi Renewable Resources Board
- Wildlife Management Advisory Council (Territoires du Nord-Ouest)
La réussite de la conservation de l’espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des directives formulées dans le présent plan. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Environnement et Changement climatique Canada et/ou l’Agence Parcs Canada, ou sur toute autre autorité responsable. Tous les Canadiens et les Canadiennes sont invités à appuyer et à mettre en œuvre ce plan pour le bien du Hibou des marais et de l’ensemble de la société canadienne.
La mise en œuvre du présent plan de gestion est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des autorités responsables et organisations participantes.
Remerciements
Le plan de gestion du Hibou des marais a été préparé par Vincent Carignan et François Shaffer (Environnement et Changement climatique Canada, Service canadien de la faune [ECCC-SCF] – région du Québec) en collaboration avec Pierre-André Bernier (biologiste consultant), Véronique Connolly (biologiste consultant) et:
ECCC-SCF– région du Pacifique et Yukon – Sofi Hindmarch, Andrea Norris et Pam Sinclair.
ECCC-SCF– région des Prairies et du Nord – Donna Bigelow, Ryan Fisher, Samuel Haché, Lisa Pirie et Troy Wellicome.
ECCC-SCF– région de l’Ontario – Mike Cadman.
ECCC-SCF– région de l’Atlantique – Jen Rock et Peter Thomas.
Agence Parcs Canada (APC) – Diane L. Amirault-Langlais, Eric Tremblay, Joanne Tuckwell et Leah de Forest
Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest – Department of Environment and Natural Resources : Joanna Wilson.
Governement de la Colombie-Britannique – Michael J. Chutter, Retzer Miller, Tori Stevens et Dave Trotter.
Gouvernement de l’Alberta – Ministry of Environment and Sustainable Resource Development : Mike Russell et Emily Herdman
Gouvernement du Manitoba – Department of Conservation and Water Stewardship : James Duncan et Ken De Smet.
Gouvernement du Québec – Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs : Isabelle Gauthier, Charles Maisonneuve et Antoine St-Louis.
Gouvernement du Nouveau-Brunswick – Ministère des Ressources naturelles : Maureen Toner.
Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador – Department of Environment and Conservation : Jessica Humber.
Les personnes suivantes ont également contribué au document : Geneviève Langlois, Charles Clavet (ECCC-SCF – région du Québec); Natalka Melnycky (Gwich’in Renewable Resources Board), Deborah Simmons et Catarina Owen (Sahtú Renewable Resources Board); Karla Letto (Nunavut Wildlife Management Board).
Enfin, nous remercions sincèrement tous les autres intéressés, y compris les propriétaires fonciers, les citoyens et les intervenants qui ont formulé des commentaires au sujet du présent document ou qui ont fourni des renseignements ayant servi à produire le plan de gestion ainsi que des milliers de bénévoles qui dans le cadre de projets de sciences citoyennes ont participé à des inventaires d’oiseaux.
Sommaire
Le Hibou des marais est un oiseau qui fréquente les milieux ouverts d’origine naturelle et anthropique dans l’ensemble du Canada. L’espèce a été désignée comme étant « préoccupante » par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) en 1994 et en 2008 et est inscrite comme telle à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) depuis 2012.
Environ 300 000 individus et 63 % de l’aire de reproduction du Hibou des marais en Amérique du Nord se trouvent au Canada. L’espèce niche dans toutes les provinces et tous les territoires, mais est plus commune dans les Prairies (Alberta, Saskatchewan et Manitoba) et le long de la côte arctique. La population du Hibou des marais a connu un déclin annuel entre 2,3 % et 5,2 % des années 1960/1970 à 2012, mais semble s’être stabilisée entre 2002 à 2012.
Les principales menaces qui pèsent sur la population de Hibou des marais sont la perte et la dégradation de son habitat (agriculture, développement urbain et commercial, production d’énergie et exploitation minière), les activités qui menacent les individus, les nids et les œufs (pâturage, fauchage et récolte, pesticides, collisions) et les changements climatiques.
Les objectifs de gestion pour le Hibou des marais au Canada sont :
- À court terme : stabiliser ou augmenter la tendance de la population au cours de la période de 2018 à 2028 et maintenir la zone d’occupation à 1 500 000 km2
- À long terme : assurer une tendance positive de la population sur 10 ans à compter de 2028, tout en favorisant une augmentation de la zone d’occupation, y compris la recolonisation graduelle de superficies situées dans la portion sud de l’aire de répartition canadienne
Les stratégies générales nécessaires à l’atteinte des objectifs de gestion sont les suivantes :
- Conservation et gestion de l’espèce et de ses habitats dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage
- Réalisation d’inventaires, de suivis et de recherches portant sur l’espèce, ses habitats et les menaces dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage
- Sensibilisation et promotion des partenariats relativement aux priorités en matière de conservation
1 Évaluation de l’espèce par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada
Date de l’évaluation : Avril 2008
Nom commun (population) : Hibou des marais
Nom scientifique : Asio flammeus
Statut selon le COSEPAC : Espèce préoccupante
Justification de la désignation : L’espèce a subi une diminution de population continue au cours des 40 dernières années, incluant une perte de 23 % au cours des 10 dernières années seulement Note de bas de page 1. La perte et la dégradation de l’habitat dans les aires d’hivernage constituent vraisemblablement les menaces les plus graves, les menaces secondaires étant la perte et la dégradation continues de l’habitat dans les aires de reproduction dans le sud du Canada et l’utilisation de pesticides. L’espèce répond presque aux critères de la désignation « menacée ».
Présence au Canada : Territoire du Yukon, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut, Colombie‑Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Québec, Nouveau‑Brunswick, Île‑du‑Prince‑Édouard, Nouvelle‑Écosse, Terre‑Neuve‑et‑Labrador.
Historique du statut selon le COSEPAC : Espèce désignée « préoccupante » en avril 1994 et en avril 2008.
2 Information sur la situation de l’espèce
Environ 63 % de l’aire de reproduction du Hibou des marais en Amérique du Nord se trouve au Canada (COSEPAC, 2008). L’espèce est inscrite à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (LEP) (L.C. 2002, ch. 29) à titre d’espèce préoccupante depuis 2012. Le Hibou des marais n’est pas protégé par la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs (L.C. 1994, ch. 22). Bien que la plupart des lois provinciales ou territoriales portant sur la faune offrent des dispositions pouvant conserver l’espèce, elle ne figure que sur quelques lois portant sur les espèces en péril (tableau 1).
NatureServe (2015) estime qu’à l’échelle mondiale, la population du Hibou des marais est « non en péril » (G5; évaluation de novembre 2014). La population canadienne est considérée comme étant « apparemment non en péril » (N4) pendant la saison de reproduction et « vulnérable » (N3) en dehors de cette période (hivernage) (évaluations de février 2012). Aux États-Unis, la population est considérée « non en péril » (N5) pendant la saison de reproduction et en dehors de celle-ci (évaluations de janvier 1997). La cote infranationale (S) pour chaque province et territoire est présentée au tableau 1. Booms et al. (2014) estiment que la cote nationale ne concorde pas avec celles que les États et les provinces ont attribuées à l’espèce puisque 77 % des cotes sont dans les catégories gravement en péril (S1; 27 %), en péril (S2; 22 %) ou vulnérable (S3; 25 %).
Le Hibou des marais est une espèce qui figure sur la liste d’oiseaux communs en déclin rapide selon Partenaires d’envol, un programme nord-américain de conservation des oiseaux terrestres (Partners in Flight Science Committee, 2012).
Province ou territoire | Cote infranationale de NatureServea | Statut provincial ou territorial |
---|---|---|
Colombie-Britannique | S3B, S2N | Non inscrite; Identified Wildlife et Liste bleueb |
Alberta | S3 | Susceptible d’être en périlc |
Saskatchewan | S3B, S2N | Non inscrite |
Manitoba | S2S3B | Menacéed |
Ontario | S2N, S4B | Préoccupantee |
Québec | S3B S3Nk | Susceptible d’être désignée menacée ou vulnérablef |
Nouveau-Brunswick | S3B | Préoccupanteg |
Nouvelle-Écosse | S1S2 | Non inscriteh |
Île-du-Prince-Édouard | S1S2B | Non inscrite |
Terre-Neuve-et-Labrador | S3B (T.-N.), S3S4B (L) | Vulnérablei |
Yukon | S3B | Non inscrite |
Territoires du Nord-Ouest | S3S4B | Non inscritej |
Nunavut | SNRB | Non inscrite |
a S1 – gravement en péril; S2 – en péril; S3 – vulnérable; S4 – apparemment non en péril; S5 – non en péril; S#S# – plage de valeurs entre deux cotes, indiquant l’incertitude à propos du statut de conservation de l’espèce; SNR – espèce dont le statut de conservation n’est pas encore établi; B – population reproductrice; N – population non reproductrice;
b L’espèce n’est pas inscrite en vertu de la Wildlife Act de la Colombie-Britannique (RSBC 1996, ch. 488), mais est listée en vertu du paragraphe 11(1) du BC Government Actions Regulation (BC Reg 17/04) de la BC Forest and Range Practices Act en tant qu’espèce Identified Wildlife à l’intérieur de la Identified Wildlife Management Strategy. En tant que telle, la province peut désigner des Wildlife Habitat Areas (5 -10 ha) dans les sites de repos communaux, des sites de reproduction ou d’hivernage afin de protéger sur les terres provinciales. Liste bleue : les espèces et les communautés écologiques figurent sur la liste rouge ou la liste bleue, selon la cote de conservation à l’échelle provinciale (cote S) qui leur a été attribuée par le Conservation Data Centre. Ces listes peuvent servir à accorder un statut officiel à une espèce en vertu de la Wildlife Act;
c Établi par le Endangered Species Conservation Committee de l’Alberta et protégé par le Wildlife Act;
d Loi sur les espèces et les écosystèmes en voie de disparition du Manitoba (C.P.L.M., c. E111);
e Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario (L.O. 2007, ch. 6);
f Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec (RLRQ, c. E-12.01;
g Loi sur les espèces en péril du Nouveau-Brunswick (L.N.B. 2012, ch. 6);
h Endangered Species Act de la Nouvelle-Écosse(S.N.S. 1998, ch. 11);
i Endangered Species Act de Terre-Neuve-et-Labrador (S.N.L. 2001, ch. E‑10.1);
j Species at Risk (NWT) Act (S.N.W.T. 2009, ch. 16);.k CDPNQ, 2016
k CDPNQ, 2016
Le Hibou des marais figure aussi à l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) ainsi qu’à l’annexe 1 du Règlement sur le commerce d’espèces animales et végétales sauvages en vertu de l’article 21 de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial (L.C. 1992, ch. 52), qui régissent le commerce de l’espèce.
3 Information sur l’espèce
3.1 Description de l’espèce
Selon Wiggins et al. (2006), le Hibou des marais est un hibou de taille moyenne qui mesure environ de 34 à 42 cm de longueur. Les individus ont une grosse tête ronde et présentent de petites aigrettes (touffes de plumes évoquant des oreilles), bien que celles‑ci soient rarement observées. Les yeux des adultes sont jaunes et entourés de plumes noires sur un disque facial pâle. Les ailes sont plutôt longues et sa queue est courte. Les adultes ont le dos brun; leur poitrine, blanc chamois, est marquée de rayures brunes, utiles pour le camouflage. Bien que les individus des deux sexes soient semblables, les femelles sont en moyenne légèrement plus massives (378 g vs 315 g) et leur plumage a également tendance à être plus foncé ventralement et dorsalement (Wiggins et al., 2006). Les juvéniles ressemblent aux adultes, mais avec les parties supérieures et la tête plus sombres, et sans les traits faciaux de l’adulte (Wiggins et al., 2006). Le Hibou des marais n’est facile à repérer que lorsqu’il est en vol, souvent à l’aube et au crépuscule. Son vol irrégulier rappelle celui d’un papillon.
3.2 Population et répartition de l’espèce
L’aire de répartition du Hibou des marais est quasiment mondiale avec une présence sur tous les continents, à l’exception de l’Australie et de l’Antarctique (Holt et al., 1999; Wiggins, 2004). Dans l’hémisphère nord, il occupe une des plus grandes aires de répartition parmi les hiboux puisqu’il niche dans les milieux ouverts de la zone tempérée Nord, et sur un grand nombre d’îles océaniques, y compris les Grandes Antilles et Hawaï (Wiggins et al. 2006). Bien que l’aire de répartition en Amérique du Nord soit vaste (figure 1), sa présence à l’intérieur de cette aire est irrégulière (COSEPAC, 2008). La seule sous‑espèce présente en Amérique du Nord est A. f. flammeus.
Selon Partenaires d’envol, la population mondiale du Hibou des marais serait estimée à 3 000 000 individus, la population d’Amérique du Nord, à 600 000 individus, et la population canadienne nicheuse, à environ 300 000 individus (Partners in Flight Science Committee, 2013). Au Canada, l’espèce est observée dans toutes les provinces et tous les territoires, mais est plus commune dans les provinces des Prairies (Alberta, Saskatchewan et Manitoba) et le long de la côte arctique (Nunavut, Territoires du Nord-Ouest et Yukon). Des observations récentes au nord de l’aire de reproduction connue dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut pourraient être le résultat d’une augmentation des efforts d’inventaires ou d’une expansion de l’aire de répartition de l’espèce (Therrien, 2010; Reid et al., 2011, Smith et al., 2013).
En hiver, l’espèce réside régulièrement dans les milieux ouverts le long du sud de la côte de la Colombie‑Britannique et dans le sud de l’Ontario et, à l’occasion, dans les zones côtières du Canada atlantique (figure 1; Schmelzer, 2005). Le Hibou des marais est présent aussi de façon sporadique dans les provinces des Prairies et au Québec, où le nombre d’individus qui hivernent varie beaucoup d’une année à l’autre (COSEPAC, 2008; National Audubon Society, 2014). Les individus nichant dans les provinces des Prairies se déplacent vers le sud après avoir niché et hivernent principalement dans les Grandes Plaines, aux États-Unis (Clark, 1975). Durant l’hiver, les individus se rassemblent (habituellement moins de 10) et utilisent des sites de repos localisés dans des zones où les ressources alimentaires sont abondantes (Cadman et Page, 1994).
Les voies de migration et les haltes migratoires sont largement inconnues. Les connaissances fragmentaires montrent que des individus nichant en Alaska se déplacent vers le sud, parfois jusqu’au Mexique. Aussi, des oiseaux nichant dans le nord du Québec se rendent dans l’État de New York pour hiverner (voir résultats et références dans Keyes, 2011).
Description longue
En plus du comportement nomadeNote de bas de page 2 de l’espèce et de sa tendance aux irruptionsNote de bas de page 3, le manque de connaissances concernant la population nichant dans des régions éloignées, ainsi que l’absence de données récoltées d’une façon standardisée, compliquent l’analyse des tendances démographiques (Cadman et Page, 1994; Clayton, 2000; Booms et al., 2014). Les données du Recensement des oiseaux de Noël (CBC, pour « Christmas Bird Count ») pour les États‑Unis indiquent que l’abondance du Hibou des marais aurait connu un déclin annuel moyen d’environ 2,3 % pour la période 1960 à 2012, alors que l’analyse des données pour la période 2002 à 2012 indique une stabilisation (National Audubon Society, 2014). Comme une forte proportion de ces oiseaux fait probablement partie de la population reproductrice du Canada, cette valeur est considérée comme une estimation raisonnable de la tendance de la population au Canada (COSEPAC, 2008). Le Relevé des oiseaux nicheurs au Canada (BBS, pour « Breeding Bird Survey »), un programme qui porte principalement sur les oiseaux nicheurs du sud du Canada, indique également un déclin prononcé avec une baisse moyenne de 5,17 % par année durant la période 1970 à 2012 (I.C. de 95 % = -1,05 % à ‑9,24 %), alors que l’analyse des données pour la période 2002‑2012 (+0,40 % par an; I.C. de 95 % = -14,9 % à +22,7 %) indique une stabilisation (Environnement Canada, 2014). Les données pour l’Alberta (‑4,54 % et +0,40 %) et la Saskatchewan (-5,4 % et +0,68 %) indiquent les mêmes patrons. Le nombre de parcours où le Hibou des marais a été détecté est insuffisant dans les autres provinces et territoires pour calculer une tendance.
Pour leur part, les données des divers projets d’atlas des oiseaux nicheurs menés au Canada ne permettent pas de conclure avec certitude sur la tendance de la population (tableau 2). En effet, en certains endroits, des diminutions marquées du nombre de parcelles occupées sont notées (p. ex., au Québec) alors qu’en d’autres endroits on observe une occupation stable (p. ex., dans les Maritimes) ou des augmentations substantielles (p. ex., en Ontario). Toutefois, les périodes de temps considérées varient d’une province à l’autre, et l’effort d’inventaire et le territoire couvert sont souvent différents entre le premier et le deuxième projet d’atlas dans une même région, ce qui complique les comparaisons. Par exemple, M.A. Gahbauer (dans Cadman et al., 2007) suggère que l’augmentation du nombre de parcelles occupées lors du deuxième atlas en Ontario pourrait être le résultat d’une campagne exhaustive d’inventaires aériens à basse altitude dans les basses terres de la baie d’Hudson ; alors que des recherches ciblées de l’espèce par le Migration Research Fondation (2004) dans le sud de l’Ontario indiquent que l’espèce a abandonné les secteurs agricoles plus éloignés des grands cours d’eau. De plus, les irruptions de l’espèce compliquent l’interprétation des données d’atlas d’autant plus qu’elles sont, au maximum, disponibles sur deux périodes de 5 ou 6 ans séparées de 15 à 20 ans.
Les données pour le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador sont rares et ont été récoltées par l’entremise de projets ponctuels menés à plus petite échelle (voir section 6.1).Par ailleurs, en Saskatchewan, des données sont récoltées en continu dans le cadre du Saskatchewan Breeding Bird Atlas (2016). Au Québec, le Programme de Suivi des populations d’oiseaux en péril (SOS-POP) procède à des suivis annuels des sites de nidification, afin de documenter l’absence ou la présence de l’espèce aux différents sites de nidification (SOS-POP, 2016).
Province | Période de référence de l’atlas | Nombre de parcelles occupées (atlas) | Références |
---|---|---|---|
Colombie‑Britannique | 2008 à 2012 | 50 | Davidson et al. (2014) |
Alberta | 1985 à 1990 | ND | Semenchuk (1992) |
2000 à 2005 | ND | Federation of Alberta Naturalists (2007) |
|
Saskatchewan | 1966 à 2014l | 192 | Smith (1996); Saskatchewan Breeding Bird Atlas (2016)m |
Manitoba | 2010 à 2014l | 82 | Atlas des oiseaux nicheurs du Manitoba (2014) |
Ontario | 1981 à 1985 | 63 | Cadman et al. (1987) |
2001 à 2005 | 158 | Cadman et al. (2007) |
|
Québec | 1984 à 1989 | 120 | Gauthier et Aubry (1995) |
2010 à 2014l | 67 | Atlas des oiseaux nicheurs du Québec (2014) |
|
Maritimes | 1986 à 1990 | 29 | Erskine (1992) |
2006 à 2010 | 32 | Atlas des oiseaux nicheurs des Maritimes (2013) |
lProjets en cours.
m Le Saskatchewan Breeding Bird Atlas n’utilise pas un protocole d’inventaire standardisé. Les observations sont transmises en continu au moyen d’une application web (en anglais seulement). Les parcelles de l’atlas correspondent aux carrés du quadrillage de référence du Système national de référence cartographique à l’échelle de 1:250 000 (Index des cartes du Système national de référence cartographique) plutôt qu’aux carrés de 10 km X 10 km du quadrillage UTM de référence.
3.3 Besoins du Hibou des marais
Le Hibou des marais occupe divers milieux ouverts d’origine naturelle, tels que les prairies, la toundra arctique, la taïga, les tourbières, les marais, les milieux humides, les landes côtières, les estuaires et les prairies naturelles dominées par les peuplements d’armoise (Artemisia filifolia). Il utilise également des habitats agricoles d’origine anthropique (p. ex., prairies aménagées) (Erskine, 1992; Sinclair et al., 2003; Wiggins et al., 2006). Il existe peu d’information spécifique sur les préférences en matière d’habitat à l’échelle du paysage, mais l’espèce fréquente la plupart des principaux écosystèmes au Canada, à l’intérieur desquels se trouve une mosaïque d’habitats offrant des sites de reproduction et d’alimentation optimaux (Wiggins, 2004; COSEPAC, 2008). À une échelle plus fine, certaines études indiquent que les herbes hautes ou moyennes (de plus de 30 cm; voir Clayton 2000; Wiggins, 2004), des milieux secs nécessaires pour installer le nid (Clark, 1975; Tate, 1992) et des perchoirs servant à la chasse (p. ex., arbres isolés; Wiebe, 1987; Keyes 2011) constituent des caractéristiques de plusieurs sites occupés. Les sites d’hivernage ont une densité et une hauteur de litière végétale qui ressemblent à celles présente dans les vieilles prairies ou les habitats naturels (Huang et al., 2010). Cependant, bien que la structure végétale de l’habitat puisse être propice, la densité des populations de proies semble être un meilleur indicateur de l’occupation des sites (p. ex., Poulin et al., 2001). Plusieurs études montrent que le campagnol des prés (Microtus pennsylvanicus), une des principales proies du Hibou des maraisNote de bas de page 4, préfère les prairies naturelles, qui présentent un couvert végétal plus dense et évitent les champs cultivés et les cultures annuelles (Marinelli et Neal, 1995; Peles et Barrett, 1996; Lin et Batzli, 2001).
Dans les habitats propices à la reproduction, un couple de Hibou des marais défend un territoire dont la superficie s’étend de 20 ha à plus de 100 ha. À l’intérieur de ces superficies, lorsque les ressources alimentaires sont abondantes, il peut y avoir les nids de plusieurs couples (nidification semi-coloniale; Pitelka et al., 1955; Clark, 1975; Tate, 1992; Holt et Leasure, 1993; Wiggins, 2004). Herkert et al. (1999) suggèrent que c’est la quantité d’habitats à l’échelle du paysage plutôt que la superficie de parcelles individuelles qui est importante; les petites parcelles pouvant être utilisées si elles sont localisées à proximité de grandes parcelles d’habitat. La reproduction peut débuter dès la fin mars dans les secteurs où l’espèce est résidente et s’étendre jusqu’à la fin août (Dechant et al., 2001). Les œufs sont déposés sur de la végétation aplatie ou dans une dépression creusée sur le sol et couverte d’herbes (Ehrlich et al., 1988). Les jeunes hiboux incapables de voler quittent le nid entre le 14e et 17e jour et se déplacent en marchant à proximité de ce dernier, à une distance pouvant atteindre 175 m; (Clark 1975); ou même 200 m (Hölzinger et al., 1973), jusqu’à ce qu’ils prennent leur premier envol entre le 24e et le 35e jour (Wiggins et al. 2006). Un couple peut nicher à nouveau en cas d’échec au premier essai (Dechant et al., 2001). La maturité sexuelle est atteinte au cours de la deuxième année et les individus sauvages peuvent vivre jusqu’à 12 ans (Cramp, 1985).
La fidélité du Hibou des marais à un site dépend grandement de l’abondance des ressources (Andersson, 1980; Booms et al., 2014). La raréfaction des proies peut amener les adultes à se déplacer à plus de 1000 km entre deux saisons de nidification (Clark, 1975). Le nomadisme pourrait être plus prononcé dans les populations du nord que dans celles du sud, et les populations du sud pourraient demeurer dans la même région toute l’année (Wiggins et al., 2006). Les sites de migration et d’hivernage semblent plus stables.
Facteurs limitatifs
Les facteurs limitatifs influent sur la survie et la reproduction de l’espèce en plus de jouer un rôle important dans sa capacité d’atteindre des densités de population élevées ou de se rétablir après avoir connu un déclin de sa population. Pour le Hibou des marais, la disponibilité des ressources alimentaires est un facteur limitatif. Les campagnols des prés, une de ses principales proies, ont des fluctuations de populations cycliques chaque 2 à 5 ans environ (Reich, 1981). Ces fluctuations affectent le succès de reproduction du Hibou des marais dont les nids contiennent de 1 à 11 œufs avec une moyenne de 5,6 œufs (Murray, 1976). Cependant, le Hibou des marais a la capacité de nicher plus tôt et d’augmenter la taille des nichées lorsque les proies sont abondantes (Clark, 1975; Holt et Leasure, 1993; Cadman et Page, 1994).
4 Menaces
4.1 Évaluation des menaces
Le tableau 3 présente les menaces directes auxquelles fait face le Hibou des marais. L’évaluation des menaces est basée sur le système unifié de classification des menaces de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le Partenariat pour les mesures de conservation (Conservation Measures Partnership, ou CMP)(voir Salafsky et al., 2008). Dans ce système, les menaces sont définies comme étant les activités ou les processus immédiats qui ont entraîné, entraînent ou pourraient entraîner la destruction, la dégradation et/ou la détérioration de l’entité évaluée (population, espèce, communauté ou écosystème) dans la zone d’intérêt (mondiale, nationale ou infranationale).
Les menaces ont été évaluées en divisant en deux l’aire de répartition de l’espèce. D’une part, les menaces ont été considérées pour la région où les individus sont davantage des nicheurs migrateurs et d’autre part pour la région où les individus présents sont davantage des nicheurs sédentaires ou des hivernants. Cette division a été adoptée dans l’évaluation des menaces puisque les impacts diffèrent selon ces deux régions. Seules les menaces actuelles présentes dans l’aire de répartition du Hibou des marais ou projetées au cours des 10 prochaines années (ou 3 générations dans ce cas-ci pour le Hibou des marais) ont été considérées dans l’évaluation. Les menaces historiques ou toute autre information pertinente permettant de comprendre la nature des menaces sont présentées dans la section 4.2 Description des menaces.
Menaces | Description de la menace | ImpactnRégion nicheur sédentaire -hivernant | ImpactnRégion nicheur-migrateur | Portéeo (3 générations) Région nicheur sédentaire -hivernant | Portéeo (3 générations) Région nicheur-migrateur | Gravitép (3 générations) Région nicheur sédentaire -hivernant | Gravitép (3 générations) Région nicheur-migrateur | Immédiatetéq Région nicheur sédentaire -hivernant | Immédiatetéq Région nicheur-migrateur |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | Développement résidentiel et commercial | Faible | Négligeable | Petite | Négligeable | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
1.1 | Zones résidentielles et urbaines | Faible | Négligeable | Petite | Négligeable | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
1.2 | Zones commerciales et industrielles | Faible | Négligeable | Petite | Négligeable | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
1.3 | Zones touristiques et récréatives | Faible | Négligeable | Petite | Négligeable | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
2 | Agriculture et aquaculture | Faible | Faible | Restreinte | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
2.1 | Cultures annuelles et pérennes de produits autres que le bois | Faible | Faible | Restreinte | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
2.3 | Élevage de bétail | Faible | Faible | Restreinte | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
3 | Production d’énergie et exploitation minière | Faible | Faible | Petite | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
3.1 | Forage pétrolier et gazier | Faible | Faible | Petite | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
3.2 | Exploitation de mines et de carrières | Faible | Faible | Petite | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
3.3 | Énergie renouvelable | Faible | Faible | Petite | Petite | Légère | Légère | Élevée | Élevée |
4 | Corridors de transport et de service | Inconnue | Inconnue | Petite | Petite | Inconnue | Inconnue | Élevée | Élevée |
4.1 | Routes et voies ferrées | Inconnue | Inconnue | Petite | Petite | Inconnue | Inconnue | Élevée | Élevée |
4.2 | Lignes de services publics | Inconnue | Inconnue | Petite | Petite | Inconnue | Inconnue | Élevée | Élevée |
5 | Utilisation des ressources biologiques | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Faible | Faible |
5.1 | Chasse et capture d’animaux terrestres | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Inconnue | Faible | Faible |
6 | Intrusions et perturbations humaines | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Élevée | Élevée |
6.1 | Activités récréatives | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Élevée | Élevée |
7 | Modifications des systèmes naturels | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Petite | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
7.1 | Incendies et suppression des incendies | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
7.2 | Gestion et utilisation de l’eau et exploitation de barrages | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Petite | Négligeable | Négligeable | Élevée | Élevée |
7.3 | Autres modifications de l’écosystème | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Petite | Légère | Négligeable | Élevée | Élevée |
8 | Espèces et gènes envahissants ou autrement problématiques | Négligeable | Négligeable | Restreinte | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Élevée | Faible |
8.1 | Espèces exotiques (non indigènes) envahissantes | Négligeable | Négligeable | Restreinte | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Élevée | Faible |
8.2 | Espèces indigènes problématiques | Négligeable | Négligeable | Restreinte | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Élevée | Faible |
11 | Changements climatiques et phénomènes météorologiques violents | Négligeable | Négligeable | Restreinte | Petite | Négligeable | Négligeable | Élevée | Élevée |
11.1 | Déplacement et altération de l’habitat | Négligeable | Négligeable | Restreinte | Petite | Négligeable | Négligeable | Élevée | Élevée |
11.4 | Tempêtes et inondations | Négligeable | Négligeable | Petite | Négligeable | Négligeable | Négligeable | Élevée | Modérée |
n Impact : Fondé sur la portée et la gravité (très élevé, élevé, moyen, faible, inconnu, négligeable).
o Portée : Proportion de l’effectif de la population qui sera vraisemblablement touchée par la menace au cours des 10 prochaines années
(généralisée = 71-100 %; grande = 31-70 %; restreinte = 11-30 %; petite = 1-10 %; négligeable < 1 %, inconnue). Les catégories peuvent aussi être combinées (p. ex., de grande à restreinte = 11-70 %).
p Gravité : Au sein de la portée, niveau de dommage (évalué en % du déclin attendu au cours des 3 prochaines générations que causera la menace au cours des 10 prochaines années (extrême = 71-100 %; élevée = 31-70 %; modérée = 11-30 %; légère = 1-10 %; négligeable < 1 %, inconnue). Les catégories peuvent aussi être combinées (p. ex., de modérée à légère = 1-30 %).
q Immédiateté : Décrit le caractère immédiat de la menace (élevée [continue]; modérée [possiblement à court terme : < 10 ans ou 3 générations]; faible [possiblement à long terme : > 10 ans ou 3 générations]; négligeable [passé ou sans effet direct]; inconnue).
4.2 Description des menaces
La présente section décrit les menaces énumérées dans le tableau 3. Les menaces envers le Hibou des marais peuvent affecter l’habitat par sa perte ou sa dégradation, mais aussi les individus, les nids et les œufs. Les activités humaines qui occasionnent la perte ou la fragmentation de grandes superficies d’habitats dont l’espèce a besoin durant les différentes phases de son cycle vital sont considérées comme étant le principal facteur responsable du déclin des populations du Hibou des marais (Dechant et al., 2001; Wiggins, 2004; Wiggins et al., 2006).
Développement résidentiel et commercial
1.1 Zones résidentielles et urbaines; 1.2 Zones commerciales et industrielles; 1.3 Zones touristiques et récréatives
La perte d’habitat résultant de l’urbanisation, des activités récréatives et de la construction de centres de villégiature a constitué par le passé une menace locale importante, en particulier dans les habitats productifs occupés tout au long de l’année tels les marais côtiers et les prairies adjacentes (Wiggins, 2004; Wiggins et al., 2006). Cette menace touche l’espèce dans certains secteurs où sa densité est élevée par exemple dans le delta du fleuve Fraser en Colombie-Britannique (Campbell et al., 1990). Malgré cela, des observations indiquant de hautes densités d’individus nicheurs ou hivernant sont rapportées dans des zones urbanisées (p. ex., Île Sea près de l’aéroport de Vancouver; Butler et Campbell, 1987).
2. Agriculture et aquaculture
2.1 Cultures annuelles et pérennes de produits autres que le bois; 2.3 Élevage de bétail
L’agriculture, et particulièrement celle qui est intensive, représente une menace pour le Hibou des marais par, entre autres, la conversion d’habitats naturels (p. ex., prairies, milieux humides) en terres agricoles. Samson et Knopf (1994) signalent des pertes importantes de prairies naturelles en Alberta (61 % de prairies mixtes), en Saskatchewan (81 % de prairies mixtes et 86 % de prairies à herbes courtes) et au Manitoba (99 % de prairies à herbes hautes et plus de 75 % de prairies mixtes), ainsi que plus au sud (aux États‑Unis), dans l’ouest et le centre des Grandes Plaines. Bien que l’expansion des terres agricoles au détriment des habitats naturels ait eu cours sur une vaste partie de l’aire de répartition de l’espèce par le passé (aires de reproduction, d’hivernage ou de présence à l’année; Gauthier et al., 2003; Canadian Prairie Partners in Flight, 2004; Samson et al., 2004; Watmough et Schmoll, 2007; Pool et al., 2014), la superficie des terres agricoles a légèrement diminué dans l’ensemble du Canada au cours des dernières années (Statistique Canada, 2011). Il ne reste en fait que peu d’habitat naturel sur un sol qui convient à la production agricole. Par contre, le taux de conversion pourrait s’accélérer si des cultures alternatives (p. ex., biocarburants) pouvant croître sur des terres marginales se développent (Liu et al., 2011). Au niveau des milieux humides, le taux de perte semble également avoir diminué ces dernières années le long du Saint‑Laurent (Ducks Unlimited Canada, 2010) après des décennies de drainage intensif (p. ex., 80 % des milieux humides ont disparu depuis la colonisation européenne; James, 1999; Painchaud et Villeneuve, 2003). Dans les Prairies canadiennes, le taux de perte est plus lent, mais il se poursuit depuis le début des années 1900 (voir références dans Canadian Prairie Partners in Flight, 2004).
L’élevage de bétail est une pratique commune dans une grande partie des Prairies canadiennes et dans les Grandes Plaines, aux États‑Unis (Samson et Knopf, 1994). Le pâturage peut affecter la structure de l’habitat du Hibou des marais en réduisant la hauteur et la densité de la strate herbacée. Bien que les habitats constitués d’herbes courtes et relativement éparses peuvent être utilisés comme aire d’alimentation (Vukovich et Ritchison, 2008), il a été démontré que le pâturage par les ongulés domestiques pouvait limiter les densités de petits mammifères herbivores comme les campagnols et causer un impact sur les niveaux trophiques plus élevés (Villar et al., 2014).
Bien que le Hibou des marais niche sur les terres agricoles, le succès de nidification y est plus bas que dans les habitats naturels (Campbell et al., 1990; Cadman et Page, 1994; Herkert et al., 1999; Keyes, 2011). Dans les régions agricoles, une perte des œufs et une mortalité des oisillons (p. ex., écrasement par le bétail, traumatisme par la machinerie; Arroyo et Bretagnolle,1999) peut survenir lors du pâturage, du fauchage et de la récolte, car ces activités se déroulent généralement avant que les jeunes aient pu quitter le nid. Fondell et Ball (2004) ont constaté que le succès de la reproduction est nettement plus faible dans les prairies pâturées que dans les prairies non pâturées (10 vs 60 %), en grande partie en raison de l’augmentation de la prédation des œufs et des oisillons. Le fauchage et la récolte peuvent aussi mener à une augmentation de la probabilité de prédation des nichées, étant donné que le nid est moins bien dissimulé des prédateurs (Keyes, 2011). Les pratiques agricoles récentes favorisent la récolte plus hâtive et fréquente du foin (With et al., 2008), ce qui peut augmenter le risque de perte des œufs ou des jeunes. Cependant, Dechant et al. (2001) suggèrent qu’un fauchage ou un brûlage occasionnel (p. ex., chaque 2 à 8 ans), mené en dehors de la période de reproduction, peut être requis dans certains cas pour maintenir l’habitat de l’espèce. Ces techniques peuvent permettre d’éviter l’envahissement par les arbustes des prairies à herbe haute.
Les pesticides utilisés pour contrôler des espèces considérées nuisibles (p. ex., pigeons, étourneaux, rongeurs) représentent une menace pour le Hibou des marais. En premier lieu, les pesticides utilisés pour contrôler les ravageurs de cultures pourraient affecter indirectement la survie des individus et le succès reproducteur en diminuant les populations de proies. L’ingestion de proies contaminées par des pesticides (p. ex., 4‑amino-pyridine [Avitrol®], strychnine, fenthion) peut également causer un choc traumatique et tuer les oiseaux de proie (Mineau et al., 1999; Campbell, 2006). Un événement ayant causé une mortalité massive d’oiseaux de proie (incluant cinq Hiboux des marais) a d’ailleurs été lié à l’épandage d’un insecticide utilisé pour le contrôle des infestations de rongeurs en Israël (Mendelssohn et Paz, 1977). Par ailleurs, les concentrations de contaminants rapportées pour le Hibou des marais (Peakall et Kemp, 1980; Henny et al., 1984) n’ont généralement pas un effet important sur l’épaisseur des coquilles des œufs, sur les dommages aux tissus ou sur la mortalité des embryons (Cadman et Page 1994; Wiggins et al., 2006). Sa diète, constituée principalement d’espèces herbivores, le rend probablement moins susceptible à la bioaccumulationNote de bas de page 5 que des espèces qui se nourrissent d’espèces carnivores.
Il existe néanmoins des préoccupations au sujet des néonicotinoïdesNote de bas de page 6, des pesticides qui contaminent les sols et les cours d’eau et qui sont reconnus pour avoir des effets négatifs sur les oiseaux insectivores, entre autres, par le biais d’une réduction des invertébrés dont ils se nourrissent (Mineau et Palmer, 2013; Hallmann et al., 2014). Bien que le Hibou des marais ne soit pas un insectivore, certaines de ses proies le sont, ce qui pourrait engendrer des effets sur ses populations.
3. Production d’énergie et exploitation minière
3.1 Forage pétrolier et gazier; 3.2 Exploitation de mines et de carrières; 3.3 Énergie renouvelable
L’exploration pour trouver de nouvelles sources d’énergie (p. ex., pétrole, gaz, charbon et hydroélectricité) et de minéraux (incluant les agrégats), l’exploitation de ces sources (p. ex., résidus miniers, inondation de superficies pour la création de réservoirs) et le transport des produits (p. ex., oléoducs, lignes de transport d’électricité, routes) peuvent causer la perte, la dégradation et la fragmentation d’habitats (p. ex., milieux humides) dans l’aire de répartition du Hibou des marais (p. ex., Abraham et al., 2011; Pellerin et Poulin, 2013; Secrétariat du RETE, 2014). Bien que les impacts directs de ces menaces sur les populations de Hibou des marais n’aient pas encore été démontrés, la perte, la dégradation et la fragmentation de l’habitat sont reconnues pour affecter l’espèce de façon négative (COSEPAC 2008).
4. Corridors de transport et de service
4.1 Routes et voies ferrées; 4.2 Lignes de services publics
Des cas de mortalité du Hibou des marais ont été observés à la suite de collisions avec des aéronefs, des automobiles, des antennes, des fenêtres, des lignes électriques, des clôtures de barbelés et des éoliennes (Cadman et Page, 1994; Fajardo et al., 1994; Bevanger et Overskaug, 1998; Kingsley et Whittam, 2005; Preston et Powers, 2006; Longcore et al., 2013). Cependant, des interrogations demeurent quant à l’importance de ce facteur comme cause de déclin (COSEPAC, 2008).
11. Changements climatiques et phénomènes météorologiques violents
11.1 Déplacement et altération de l’habitat; 11.4 Tempêtes et inondations
Les effets des changements climatiques sur la population du Hibou des marais sont difficiles à prédire, car les diverses espèces d’oiseaux répondent différemment aux variations spatiales et temporelles dans leur environnement (Taper et al., 1995). L’un des effets principaux pourrait être des changements dans la disponibilité des proies. En effet, des scénarios de changements climatiques prédisent une réduction de la couverture de neige dans les Prairies canadiennes (Sauchyn et Kulshreshtha, 2008), ce qui influencerait négativement les populations de campagnols des prés (Heisler et al., 2014). Un autre facteur, l’augmentation du nombre d’événements climatiques extrêmes (vagues de froid, ouragans, tempêtes de vent; Huber et Gulledge, 2011) a le potentiel d’avoir un impact sur l’ensemble de l’aire de répartition.
Les changements climatiques pourraient aussi favoriser la présence accrue de certains prédateurs comme le renard roux (Vulpes vulpes), qui d’une part compétitionne avec le Hibou des marais pour leurs proies et d’autre part peut agir comme prédateur direct sur les œufs et les jeunes Hiboux des marais (Gallant et al., 2012; Berteaux et al., 2015).
Les habitats en région nordique risquent de subir les impacts les plus importants associés aux changements climatiques (Screen et Simmonds, 2010). Une modification de la toundra arctique par l’expansion du couvert arbustif (Myers-Smith et al., 2011; Miller et Smith, 2012; Zhang et al., 2013) réduirait la superficie d’habitat convenable au Hibou des marais dans ce type d’écosystème. En contrepartie, le réchauffement observé de l’Arctique pourrait lui permettre de poursuivre son expansion vers le nord du Canada (Therrien, 2010; Smith et al., 2013).
Autres menaces
La chasse (menace 5.1 dans le tableau 3; dans la section nordique de l’aire de répartition) et les activités récréatives (menace 6.1; p. ex., véhicules tout-terrain circulant dans les habitats côtiers) sont probablement des menaces négligeables ou mineures pour le Hibou des marais. La suppression des incendies (menace 7.1; résultant en une succession des milieux ouverts vers un couvert trop arbustif pour l’espèce), la régénération des terres agricoles abandonnées en friches ou même en forêt (menace 7.3), l’invasion par les espèces exotiques (menace 8.1; particulièrement les arbustes comme le nerprun cathartique [Rhamnus cathartica]) et certaines espèces indigènes (menace 8.2; p. ex., les prédateurs de nids tels le renard roux et la moufette rayée [Mephitis mephitis]) pourraient représenter des menaces. L’impact de ces menaces est présumément plus limité que celles décrites pour les autres menaces présentées précédemment.
5 Objectif de gestion
Les objectifs de gestion pour le Hibou des marais au Canada sont :
• À court terme : stabiliser ou augmenter la tendance de la population au cours de la période de 2018 à 2028 et maintenir la zone d’occupationNote de bas de page 7 à 1 500 000 km2;
• À long terme : assurer une tendance positive de la population sur 10 ans à compter de 2028, tout en favorisant une augmentation de la zone d’occupation, y compris la recolonisation graduelle de superficies situées dans la portion sud de l’aire de répartition canadienne.
Ces objectifs visent à renverser le déclin à long terme des populations qui a mené à la désignation de l’espèce comme étant préoccupante (COSEPAC, 2008). L’horizon de 10 ans pour les objectifs à court terme est considéré comme raisonnable étant donné le défi que représente la stabilisation ou l’augmentation d’une espèce à si large répartition. La zone d’occupation est établie en utilisant l’estimation du COSEPAC (2008) et son maintien devrait être assuré d’abord par la conservation des habitats naturels et les pratiques de gestion bénéfiques dans les habitats perturbés par les activités anthropiques afin de les rendre convenables au Hibou des marais, c’est-à-dire capables de soutenir des populations de proies et d’assurer le cycle vital complet, particulièrement pendant la reproduction. Pour les objectifs à long terme, favoriser l’augmentation de la zone d’occupation va nécessiter des efforts considérables, notamment pour la restauration d’habitats dans les paysages perturbés par les activités anthropiques. L’Annexe A présente une liste préliminaire de secteurs d’intérêt pour la conservation dans les régions où il y a des observations récurrentes de l’espèce depuis quelques décennies ou dans les régions anthropisées.
Les objectifs pourraient être revus lors de l’élaboration du rapport d’évaluation de la mise en œuvre du plan de gestion et du progrès vers l’atteinte des objectifs, lequel est requis 5 ans après l’affichage du plan de gestion (art. 72 LEP).
6 Stratégies générales et mesures de conservation
6.1 Mesures déjà achevées ou en cours
Conservation et gestion
- Des rapports de situation et des plans de gestion régionaux ont été produits, ou des équipes de rétablissement ont été créées dans plusieurs provinces :
- Alberta (rapport de situation : Clayton, 2000)
- Colombie-Britannique (lignes directrices pour la conservation des oiseaux de proie : British Columbia Ministry of Environment, 2013)
- Québec (Équipe de rétablissement des oiseaux de proie; plan de rétablissement en préparation)
- Terre-Neuve-et-Labrador (plan de gestion : Schmelzer, 2005)
- Programmes d’intendance et de conservation de l’habitat (non spécifique au Hibou des marais, mais dont l’espèce pourrait bénéficier):
- Operation Grassland Community (depuis 1989) et Plan d’action pour la conservation des Prairies, en Alberta - collaborent avec les propriétaires fonciers et les grands éleveurs à la conservation des habitats de prairies et des espèces sauvages
- Plan d’action visant plusieurs espèces en péril dans le sud-ouest de la Saskatchewan « South of the Divide » - vise à protéger et rétablir les espèces en péril (en cours - pourrait être bénéfique à l’habitat du Hibou des marais) (Environnement et Changement climatique Canada, 2017)
- South Coast Conservation Program en Colombie-Britannique www.sccp.ca/
- Alberta’s Multiple Species At Risk: At Home on the Range: Living with Alberta’s Prairie Species at Risk (en anglais seulement)
- Programme d’établissement d’une couverture végétale permanente dans les Prairies et en Colombie-Britannique (au début des années 1990; McMaster et Davis, 2001) et en Ontario - les fermiers pouvaient recevoir du financement pour garder hors de la production des terres sensibles sur le plan environnemental
- Programme de mesures incitatives pour la conservation d’une couverture végétale (Conservation Cover Incentive Program) dans le cours supérieur de la rivière Assiniboine, en Saskatchewan et au Manitoba, dans le bassin de la rivière Grand, en Ontario, dans le bassin de la rivière Mill, à l’Île‑du‑Prince-Édouard. Ce programme vise à offrir des mesures incitatives aux propriétaires fonciers pour protéger ou rétablir des écosystèmes
- Au Manitoba, le programme pilote de crédit foncier municipal favorise la création ou l’entretien d’une couverture végétale pour la conservation
- Au Québec, le programme Zones importantes pour la conservation des oiseaux (ZICO) a mené à l’élaboration de plans de conservation de plusieurs sites, notamment à l’îsle aux Grues; les comités des Zones d’interventions prioritaires (ZIP) ont comme mandat de regrouper les principaux usagers du Saint-Laurent et de favoriser leur concertation en vue de résoudre les problèmes locaux et régionaux touchant aux écosystèmes fluviaux et à leurs usages
- Le Programme de Services de diversification des modes d’occupation des sols offre aux propriétaires fonciers des mesures incitatives pour mettre en réserve des terres agricoles marginales (au Manitoba, depuis 2006; en Ontario, depuis 2007; à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, depuis 2008; en Alberta, depuis 2010; en Saskatchewan, depuis 2011)
- Le Programme de gérance de prairies mises en réserve de l’organisme Delta Farmland and Wildlife Trust encourage les fermiers du delta du bas du fleuve Fraser à restaurer des sols, à promouvoir l’établissement de populations de petits mammifères servant de proies aux rapaces et à fournir aux espèces sauvages des habitats d’alimentation, de repos et de nidification
- Le Plan national de conservation d’Environnement Canada devrait permettre de protéger et de restaurer des habitats et écosystèmes utilisés par les oiseaux de prairies
- Les programmes en cours suivants visant les populations nicheuses et migratrices d’oiseaux aquatiques (p. ex., Canards Illimités, Plan conjoint des habitats des Prairies, Plan conjoint des habitats de l’Est, Conservation de la nature Canada)
- Développement de lignes directrices pour différents domaines d’activités :
- Lignes directrices standardisées pour les activités des industries pétrolières (Scobie et Faminow, 2000; Environnement Canada, 2009)
- En Colombie-Britannique, la fiche d’information sur l’espèce (en anglais seulement) et les General Wildlife Measures préparés en vertu de la Identified Wildlife Management Strategy proposent des mesures qui pourraient bénéficier l’espèce
- En Ontario, le Ministère des Ressources naturelles et de la Foresterie fournit des orientations concernant les nids occupés par le Hibou des marais dans un contexte de foresterie. Les standards et lignes directrices concernant les nids occupés se trouvent dans le Forest Management Guide for Conserving Biodiversity at the Stand and Site Scales (OMNR, 2010)
- Développement de politiques visant :
- Les milieux humides (p. ex., Politique fédérale sur la conservation des terres humides)
- Le zonage
- L’utilisation de pesticides
Inventaires, suivis et recherche
- À Terre‑Neuve‑et‑Labrador, un programme d’inventaires dans de grandes étendues de milieux ouverts ou à des sites où la présence de hiboux a déjà été notée pendant la période de reproduction a été initié en 2003 et 2004 (Schmelzer, 2005)
- Dans le sud de l’Ontario, la Migration Research Foundation (2004) a entamé le suivi du Hibou des marais (2003, 2006‑2007) afin de répertorier les populations nicheuses et les populations hivernantes de cette région. De plus, Études d’oiseaux Canada a entrepris de répertorier de l’information sur la population hivernante du sud de l’Ontario en 2003. En 2010‑2011, les responsables du programme ont lancé une opération pancanadienne de collecte de données sur le Hibou des marais pour repérer les sites de nidification et d’hivernage
- Au Québec, le Zoo sauvage de Saint-Félicien et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec mettent en œuvre depuis 2012 un protocole d’inventaire et documentent l’utilisation spatiale de l’habitat dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le Regroupement QuébecOiseaux assure un suivi des sites de nidification du Hibou des marais par l’entremise du programme SOS-POP depuis 1994
- Des protocoles d’inventaires spécifiques au Hibou des marais ont été développés au Manitoba (Manitoba’s Nocturnal Owl Survey), à Terre-Neuve-et-Labrador (Schmelzer, 2005), en Saskatchewan (Saskatchewan Ministry of Environment 2014) en Alberta (Government of Alberta, 2013a) et au Québec (Gagnon et al., 2015)
- Une étude sur le Hibou des marais a été réalisée (Keyes, 2011) avec comme objectifs: de déterminer, dans le contexte de ses déplacements nomades, migratoires et/ou philopatriques, le lieu de nidification d’origine d’individus ou de spécimens de musée; d’élaborer un protocole d’inventaire visuel pratique destiné à améliorer les activités de suivi et à faciliter les évaluations de l’utilisation de l’habitat à l’échelle du paysage d’une saison à l’autre; et de décrire les caractéristiques des sites de nidification, le succès de la reproduction et les causes de l’échec de la reproduction
- Les déplacements migratoires ont été suivis à divers sites en Amérique du Nord au moyen du baguage, de la radiotélémétrie, de l’analyse des isotopes stables et de l’installation d’émetteurs satellites (Études d’oiseaux Canada, Fish and Wildlife Service des États‑Unis, Wildlife Diversity Program, Department of Fish and Game de l’Alaska, Department of Environmental Conservation de l’État de New York, Service canadien de la faune, Raptor Research Foundation, Migration Research Foundation, etc.)
- Études d’oiseaux Canada a établi un programme d’inventaires nocturnes de hiboux faits par des bénévoles en Atlantique, l’Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, l’Ontario, le Québec, la Saskatchewan, de même que dans les Territoires du Nord-Ouest. Des lignes directrices pour les relevés nocturnes de hiboux en Amérique du Nord ont aussi été publiées par le Beaverhill Bird Observatory et par Études d’oiseaux Canada (Takats et al. 2001)
Sensibilisation et partenariats
- Des ateliers scientifiques ont été tenus pour identifier les besoins en matière de conservation du Hibou des marais : lors de la rencontre inaugurale du Groupe de travail canadien sur le Hibou des marais à Winnipeg en novembre 2006; durant la réunion annuelle de la Raptor Research Foundation, en Pennsylvanie en septembre 2007 (Raptor Research Foundation, 2007); durant la World Owl Conference, aux Pays‑Bas en novembre 2007; et durant la réunion annuelle de la Raptor Research Foundation, à Missoula en 2008 (Raptor Research Foundation, 2008). Un symposium sur la situation du Hibou des marais intitulé « Short‑Eared Owls : The Need for a Conservation Plan » a aussi été tenu à la réunion annuelle de 2011 de la Raptor Research Foundation, à Duluth (Raptor Research Foundation, 2011)
- Un grand nombre d’organisations travaillent à sensibiliser le grand public et les propriétaires ou encourager le signalement des observations de Hibou des marais (p. ex., Études d’oiseaux Canada; Zoo sauvage de Saint‑Félicien; Regroupement QuébecOiseaux; Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie; Équipe de rétablissement des oiseaux de proie du Québec; gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; Grassland Conservation Council de la Colombie‑Britannique www.bcgrasslands.org/index.php/what-we-do)
6.2 Stratégies générales
Les stratégies générales visant à atteindre les objectifs de gestion du Hibou des marais sont les suivantes :
- Conservation et gestion de l’espèce et de ses habitats dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage.
- Réalisation d’inventaires, de suivis et de recherches portant sur l’espèce, ses habitats et les menaces dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage.
- Sensibilisation et promotion des partenariats relativement aux priorités en matière de conservation.
6.3 Mesures de conservation
Stratégie générale | Mesure de conservation | Prioritér | Menaces ou préoccupations traitées | Échéancier |
---|---|---|---|---|
Conservation et gestion de l’espèce et de ses habitats s dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Identifier des priorités nationales et régionales en matière de conservation et les mettre en œuvre en utilisant des approches multiespèces ou écosystémiques à la conservation et l’aménagement (incluant la restauration où nécessaire) de grandes étendues de prairie, de milieux humides et d’autres milieux ouverts:
|
Élevée | Toutes les menaces | 2018‑2028 |
Conservation et gestion de l’espèce et de ses habitats s dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage |
Promouvoir la conformité avec :
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Élevée | Toutes les menaces | 2018‑2028 |
Conservation et gestion de l’espèce et de ses habitats s dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Encourager la mise en œuvre des politiques et des programmes existants de réduction des pesticides, des gaz à effet de serre et autres polluants, et combler les lacunes visant d’autres menaces (si applicable). |
Moyenne | 2. Aquaculture et agriculture (2.1 Cultures annuelles et pérennes de produits autres que le bois); 11. Changements climatiques et phénomènes météorologiques violents (11.1 Déplacement et altération de l’habitat; 11.4 Tempêtes et inondations) | 2018‑2028 |
Conservation et gestion de l’espèce et de ses habitats s dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Réévaluer les cotes de NatureServe afin de s’assurer d’une meilleure correspondance entre les cotes nationales et infranationales. |
Moyenne/Faible | Priorité de l’espèce en matière de conservation | 2020 |
Réalisation d’inventaires, de suivis et de recherches portant sur l’espèce, ses habitats et les menaces dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Mettre à jour les protocoles développés dans les provinces et territoires en fonction de recommandations récentes (p. ex., Calladine et al., 2008, 2010; Keyes 2011) afin d’élaborer et mettre en œuvre un protocole de suivi national standardisé pour préciser :
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Élevée | Lacunes dans les connaissances | 2018‑2028 |
Réalisation d’inventaires, de suivis et de recherches portant sur l’espèce, ses habitats et les menaces dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Mener des recherches et récolter les connaissances écologiques traditionnelles autochtones portant sur :
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Élevée | Lacunes dans les connaissances | 2018‑2028 |
Réalisation d’inventaires, de suivis et de recherches portant sur l’espèce, ses habitats et les menaces dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Établir une base de données géospatiale sur l’utilisation du territoire (habitats et menaces) et effectuer un suivi sur une base régulière afin d’adapter les priorités en matière de conservation. |
Moyenne | Toutes les menaces; Lacunes dans les connaissances |
2018‑2028 |
Réalisation d’inventaires, de suivis et de recherches portant sur l’espèce, ses habitats et les menaces dans l’aire de reproduction, de migration et d’hivernage | Développer un modèle de qualité de l’habitat pour le Hibou des marais ou un modèle multiespèces (p. ex., oiseaux des prairies) incorporant :
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Moyenne | Lacunes dans les connaissances | 2018‑2028 |
Sensibilisation et promotion des partenariats relativement aux priorités en matière de conservation | Établir les priorités en matière de conservation du Hibou des marais et de ses habitats en poursuivant ou en établissant des partenariats avec :
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Élevée | Toutes les menaces | 2018‑2028 |
Sensibilisation et promotion des partenariats relativement aux priorités en matière de conservation | Déterminer des approches visant à favoriser les mesures de conservation auprès des gestionnaires de terres, des autochtones et des autres intervenants afin de promouvoir leur engagement :
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Moyenne | Toutes les menaces | 2018‑2028 |
r « Priorité » reflète l’ampleur dans laquelle la mesure contribue directement à la conservation de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une mesure qui contribue à la conservation de l’espèce. Les mesures à priorité élevée sont considérées comme étant celles les plus susceptibles d’avoir une influence immédiate et/ou directe sur l’atteinte de l’objectif de gestion de l’espèce. Les mesures à priorité moyenne peuvent avoir une influence moins immédiate ou moins directe sur l’atteinte de l’objectif de gestion, mais demeurent importantes pour la gestion de la population. Les mesures de conservation à faible priorité auront probablement une influence indirecte ou progressive sur l’atteinte de l’objectif de gestion, mais sont considérées comme des contributions importantes à la base de connaissances et/ou à la participation du public et à l’acceptation de l’espèce par le public.
7 Mesure des progrès
Les indicateurs de performance présentés ci-bas permettent de définir et de mesurer le progrès dans l’atteinte des objectifs de gestion. La réussite de la mise en œuvre du plan de gestion sera mesurée tous les cinq ans au moyen des indicateurs suivants :
- À court terme : la tendance de la population s’est stabilisée ou a augmenté au cours de la période de 2018 à 2028 et la zone d’occupation est maintenue à 1 500 000 km2;
- À long terme : la tendance de la population sur 10 ans est positive à compter de 2028 et la zone d’occupation est augmentée, y compris dans la portion sud de l’aire de répartition canadienne.
Étant donné les lacunes actuelles dans le suivi des tendances démographiques et la nature générale de l’estimation de la zone d’occupation, ces indicateurs seront clarifiés à partir des protocoles développés dans le cadre des mesures de conservation définies à la section 6.3.
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Annexe A : Secteurs d’intérêt pour la conservation du Hibou des marais au Canada
Dans les Territoires du Nord-Ouest, le secteur d’intérêt inclut :
- zone de toundra côtière le long de la côte continentale de la mer de Beaufort
En Colombie-Britannique, les secteurs d’intérêt incluent :
- Delta du fleuve Fraser
- Prairies et milieux humides de la rivière Peace (près de la frontière avec l’Alberta)
Dans les provinces des Prairies (Alberta, Saskatchewan et au Manitoba), le secteur d’intérêt inclut :
- Situés dans la portion sud, principalement dans les habitats de prairies et de pâturages résiduels de la Région de conservation des oiseaux 11 – Marmites des Prairies.
En Alberta, les secteurs d’intérêt incluent :
- Zones agricoles, marais et prairies à l’est du Petit Lac de l’Esclave, le long de la rivière Peace (Grande Prairie, Fairview)
- Zones agricoles, marais et prairies de la région de Beaverhill lake
En Saskatchewan, les secteurs d’intérêt incluent :
- Zones agricoles, marais et prairies le long de la rivière Saskatchewan Nord (North Battleford)
- Zones agricoles, marais et prairies des rives de Last Mountain Lake
- Zones agricoles, marais et prairies des rives de Quill Lake
Au Manitoba, les secteurs où l’on retrouve l’espèce de façon récurrente sont :
- Marais et prairies au nord du lac Winnepegosis et près du lac Clearwater
- Zones agricoles, marais et prairies au sud du lac Manitoba
En Ontario, les secteurs d’intérêt incluent :
- Marais et prairies des basses-terres de la baie d’Hudson et de la baie James
- Zones agricoles, marais et prairies le long des rives des Grands Lacs
- Zones agricoles, marais et prairies près du Lac Saint-Clair
- Zones agricoles de la péninsule du Niagara (p. ex., Haldimand, Hamilton)
- Zones agricoles insulaires près de Kingston (p. ex., île Amherst, île Wolfe; Weir 2008; Keyes, 2011)
Plusieurs secteurs agricoles situés plus en retrait des grands cours d’eau et auparavant occupés par l’espèce semblent avoir été abandonnés (Migration Research Foundation, 2004).
Au Québec, les secteurs d’intérêt incluent :
- Zones agricoles, marais et prairies sur les îles du Saint-Laurent (notamment l’archipel des îles de Varennes et l’archipel de l’Isle-aux Grues) et le long des rives du fleuve et de l’estuaire (haut-marais de La Pocatière et de la baie de Mille-Vaches) du Saint-Laurent, particulièrement sur la rive sud (terrasses du Bas-Saint-Laurent), mais aussi à quelques endroits de faible altitude sur la rive nord (p. ex., Havre-Saint-Pierre, Blanc-Sablon, péninsule Manicouagan)
- Zones agricoles, marais et prairies des basses terres du Saguenay-Lac-Saint-Jean
- Zones agricoles de l’Abitibi
- Haut-marais et milieu dunaire des Îles-de-la-Madeleine
- Haut-marais et prairies de la Baie des Chaleurs
- Marais et prairies des basses terres de la Baie-James (p. ex., baie Boatswain, baie Cabbage Willows)
- Habitats ouverts le long de la Rivière La Grande (p. ex., Radisson)
Dans les provinces de l’atlantique, les secteurs d’intérêt incluent :
- Marais et prairies de la zone côtière du Nouveau-Brunswick
- Marais et prairies de la zone côtière de la Nouvelle-Écosse
- Marais et prairies de l’Île-du-Prince-Édouard
- Marais et prairies de la zone côtière de Terre-Neuve-et-Labrador.
Annexe B : Effets sur l’environnement et sur les espèces non ciblées
Une évaluation environnementale stratégique (EES) est effectuée pour tous les documents de planification du rétablissement en vertu de la LEP, conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes. L’objet de l’EES est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairée du point de vue de l’environnement et d’évaluer si les résultats d’un document de planification du rétablissement peuvent affecter un élément de l’environnement ou tout objectif ou cible de la Stratégie fédérale de développement durable (SFDD).
La planification de la conservation vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que la mise en œuvre de plans de gestion peut, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur des espèces ou des habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement inclus dans le plan lui-même, mais également résumés dans le présent énoncé, ci-dessous.
De manière générale, ce plan de gestion devrait avoir un effet bénéfique sur d’autres espèces vivant dans le même type d’habitat que le Hibou des marais, parce qu’il devrait réduire les menaces par la mise en œuvre de pratiques de gestion bénéfiques. Plusieurs espèces d’oiseaux sensibles peuvent profiter des mesures établies dans le plan de gestion, y compris la Chevêche des terriers (Athene cunicularia; en voie de disparition LEP), le Bruant de Henslow (Ammodramus henslowii; en voie de disparition LEP), la Buse rouilleuse (Buteo regalis; menacée LEP), le Pipit de Sprague (Anthus spragueii ; menacée LEP), le Goglu des prés (Dolichonyx oryzivorus; menacée COSEPAC), la Sturnelle des prés (Sturnella magna; menacée COSEPAC), le Courlis à long bec (Numenius americanus; préoccupante LEP), le Plectophane à ventre noir (Calcarius ornatus; préoccupante LEP), le Bruant de Baird (Ammodramus bairdii; préoccupante LEP) et le Râle jaune (Coturnicops noveboracensis; préoccupante LEP).
La possibilité que le présent plan de gestion entraîne des effets négatifs imprévus sur l’environnement et sur d’autres espèces a été examinée. La majorité des mesures recommandées sont non intrusives, y compris les relevés et les activités de sensibilisation du public. L’EES a permis de conclure que le plan de gestion sera clairement favorable à l’environnement et n’entraînera pas d’effets négatifs significatifs.
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