Plan de gestion du requin griset et du milandre au Canada [proposition] 2012 : Renseignements sur l'espèce
Date de l’évaluation : avril 2007
Nom commun (population) : requin griset
Nom scientifique : Hexanchus griseus
Désignation par le COSEPAC : espèce préoccupante
Justification de la désignation :Ce grand requin massif (longueur maximale enregistrée de 4,8 m) est une espèce benthique très répandue sur les plateformes continentales et insulaires des mers tempérées ou tropicales dans le monde. Dans les eaux canadiennes du Pacifique, il se trouve dans les anses et le long du plateau et de la pente continentale, généralement à des profondeurs supérieures à 91 m (de 0 à 2 500 m). En l’absence d’information sur la structure de la population, cette espèce est traitée à des fins d’évaluation comme une seule population. La taille actuelle de la population et les tendances en matière d’abondance sont inconnues. Le seul indice de l’abondance disponible, à savoir les taux d’observation de requins immatures à un site peu profond du détroit de Georgia, a diminué de manière significative (> 90 %) au cours des cinq dernières années. Il est peu probable que cet indice soit représentatif de la tendance générale en matière d’abondance du fait qu’on n’observe que des requins immatures à cet endroit et que le site est peu profond par rapport à la profondeur de prédilection. La pêche est la principale menace connue qui pèse sur l’espèce. Ce requin a fait l’objet d’au moins trois pêches dirigées dans les eaux canadiennes, plus récemment à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Il continue d’être capturé de façon accessoire, mais le taux de survie des requins remis à l’eau est inconnu. Les requins observés par les plongeurs portent parfois des cicatrices qui sont le résultat d’un emmêlement dans des engins de pêche. En raison de son âge de maturité tardif (de 18 à 35 ans chez la femelle), ce requin est probablement vulnérable à la surpêche, même à de faibles taux de mortalité. L’abondance et les habitudes de déplacement de cette espèce ailleurs dans le monde sont peu connues; par conséquent, la possibilité d’un effet d’immigration de source externe est inconnue.
Répartition dans les eaux canadiennes : océan Pacifique
Historique du statut du COSEPAC : espèce désignée préoccupante en avril 2007. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
Date de l’évaluation : avril 2007
Common Name (population) : milandre
Nom scientifique : Galeorhinus galeus
Désignation par le COSEPAC : espèce préoccupante
Justification de la désignation :On estime que cette espèce de requin de la côte du Pacifique migre intensivement dans l’ensemble de son aire de répartition, entre le détroit d’Hécate, en Colombie-Britannique, et le golfe de la Californie. Comme rien n’indique que l’espèce a des populations distinctes, elle est considérée, pour les besoins de la présente évaluation, comme une seule population. L’espèce se nourrit principalement de poissons. Au Canada, elle occupe les eaux du plateau continental entre l’ouest de l’île de Vancouver et le détroit d’Hécate. Elle atteint une longueur maximale de moins de deux mètres, elle atteint la maturité vers l’âge de 12 à 17 ans, sa longévité est d’au moins 45 ans, et la durée de génération est de 23 ans. L’espèce est reconnue pour la forte concentration en vitamine A que contient son foie, qui dépasse celle de toute autre espèce de poisson du nord-est du Pacifique. La demande en vitamine A durant la Seconde Guerre mondiale a donné lieu à une pêche importante qui s’est rapidement effondrée à cause de la surexploitation. Plus de 800 000 individus, principalement de grands adultes, ont été pêchés pour leur foie de 1937 à 1949 dans l’ensemble de l’aire de migration de l’espèce. L’espèce est rarement observée de nos jours dans les eaux canadiennes. Elle ne fait l’objet d’aucune pêche commerciale au Canada, mais des individus sont encore pris de façon accessoire au Canada et aux États-Unis, et elle demeure une espèce ciblée par les petites pêches commerciales et récréatives aux États-Unis. Étant donné qu’il n’existe aucune estimation des effectifs de cette espèce, la durabilité des niveaux de prises actuels ne peut être évaluée. La mortalité continue causée par les pêches, l’absence d’un plan de gestion des prises accessoires au Canada, la longue durée de génération ainsi que la faible fécondité de l’espèce suscitent des préoccupations.
Répartition dans les eaux canadiennes : océan Pacifique
Historique du statut du COSEPAC : espèce désignée préoccupante en avril 2007. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.
Le requin griset (Hexanchus griseus) est l’une des quatre espèces faisant partie de la famille des Hexanchidés. Il est facilement reconnaissable à des caractéristiques que l’on n’observe pas souvent chez d’autres espèces de requins (Mecklenburg et al., 2002), comme la présence de six fentes branchiales ainsi que d’une seule nageoire dorsale (les individus de toutes les autres espèces de requins vivant dans les eaux canadiennes du Pacifique, à l’exception du requin plat-nez (Notorynchus cepedianus), possèdent une deuxième nageoire dorsale). Le requin griset est brun foncé ou de gris à noir sur sa face dorsale, et sa coloration pâlit sur sa face ventrale. La tête du requin est large et comprimée, et le museau est arrondi. L’unique nageoire dorsale est située très loin à l’arrière du corps, à savoir à la fois au-dessus et entre les nageoires pelviennes et anales qui se trouvent sur la face ventrale. Comme chez de nombreuses espèces de requins benthiques, la nageoire caudale du requin griset est pourvue d’un petit lobe inférieur.
Le requin griset est un vivipare possédant un sac vitellin (les petits éclosent dans leur mère avant d’être libérés), et les femelles produisent de 47 à 108 petits mesurant entre 61 et 73 cm (Ebert, 2002, 2003). Cette espèce affiche un dimorphisme sexuel, les femelles étant plus grosses que les mâles. La longueur maximale est de 350 cm chez la femelle et de 480 cm chez le mâle. On a observé que la longueur à la maturité était de 421 cm chez la femelle et de 310 cm chez le mâle (Ebert, 2002). On estime que l’âge à la maturité se situe entre 11 et 14 ans chez le mâle et entre 18 et 35 ans chez la femelle, et que la longévité peut atteindre 80 ans (Florida Museum of Natural History, 2010), mais ces estimations n’ont pas été confirmées.
Figure 1. Illustration du requin griset (MPO, 2011).


Le milandre, aussi appelé requin-hâ ou requin à grands ailerons, est l’une des 46 espèces qui composent la famille des Triakidés. Le milandre est le seul requin de cette famille présent dans les eaux côtières canadiennes du Pacifique. Le milandre est gris bleuâtre foncé sur le dos, et sa couleur devient blanche sur le ventre (Mecklenburg et al., 2002). Il possède deux nageoires dorsales, la première étant située loin devant les nageoires pelviennes et la deuxième étant environ de la même taille que la nageoire anale. La nageoire caudale a un large lobe subterminal qui est presque aussi long que le lobe inférieur (Ebert, 2003). Le museau est long et pointu et la bouche est grande. Les yeux du milandre sont de forme ovale et horizontale, et des spiracles sont bien visibles derrière chaque œil.
On ignore quelle est la structure génétique du milandre dans le Pacifique Nord-Est, et aucune étude concernant l’âge et la croissance du milandre n’a été effectuée. Des études moléculaires récentes (Chabot et Allen, 2009) ont mis en lumière l’existence d’une importante structure génétique dans l’ensemble des populations mondiales de milandre, mais un flux génétique faible, voire nul, a été observé entre les régions géographiques, ce qui laisse sous-entendre qu’il peut exister des sous-espèces ainsi que des espèces régionales distinctes au sein du genre. Cependant, d’autres études doivent être effectuées pour confirmer cette hypothèse et, dans le présent plan de gestion, on considère que le milandre est une espèce unique.
On sait peu de choses du comportement reproducteur du milandre. Le milandre est un vivipare possédant un sac vitellin; les femelles portent entre 6 et 52 petits qui sont libérés entre mars et juillet (Compagno, 1984; Ebert, 2003) et dont la longueur moyenne est de 35 à 37 cm (Ripley, 1946). Le milandre affiche une croissance rapide au cours des trois premières années de vie, puis croît de façon régulière jusqu’à l’âge de 10 ans environ pour, finalement, connaître une croissance lente jusqu’à l’atteinte de la maturité. Dans le Pacifique Nord-Est, la longueur maximale est de 195 cm chez la femelle et de 175 cm chez le mâle (Compagno, 1984). Les milandres croissent lentement et vivent jusqu’à au moins 45 ans. On estime que l’âge à la maturité chez la femelle est d’environ 13 à 15 ans et qu’il est d’environ 12 à 17 ans chez le mâle (Francis et Mulligan, 1998). Dans les eaux de l’est du Pacifique, les femelles atteignent la maturité à 150 cm de longueur totale et les mâles, à 135 cm.
Figure 2. Illustration du milandre (MPO, 2011).


Les requins grisets sont largement répartis dans les eaux des mers tempérées et tropicales du globe (figure 3). Dans le Pacifique Nord, on peut les observer à partir du Japon, au sud des îles Aléoutiennes, jusqu’en Californie et au Mexique ainsi que dans les îles Hawaï (Compagno, 1984; Mecklenburg et al., 2002). Dans le Pacifique Sud, on les a observés de l’Australie jusqu’en Nouvelle-Zélande. Dans l’ouest de l’océan Atlantique, l’aire de répartition du requin griset s’étend de la Caroline du Nord jusqu’à la Floride ainsi que depuis le nord du golfe du Mexique jusqu’au nord de l’Argentine, y compris le Nicaragua, le Costa Rica et Cuba. Dans l’est de l’Atlantique, on observe des individus de l’espèce à partir de l’Islande et de la Norvège jusqu’en Afrique du Sud, y compris dans la mer Méditerranée. Son aire de répartition dans l’océan Indien comprend les eaux du large de Madagascar et du Mozambique. En 2005, le requin griset a été désigné en tant qu’espèce quasi menacée à l’échelle mondiale sur la Liste rouge de l’IUCN (Cook et Compagno, 2005). Aucune information ne permet d’estimer l’abondance mondiale du requin griset, mais la Liste rouge de l’IUCN indique que la population mondiale est en déclin.
Figure 3. Aire de répartition mondiale connue du requin griset (Cook et Compagno, 2005).

Le requin griset semble bien réparti dans une grande partie des eaux canadiennes du Pacifique, y compris les bras de mer, le plateau et le talus continentaux ainsi que le détroit de Georgia. Les observations enregistrées disponibles dans les bases de données se limitent aux récents rapports sur les prises commerciales (1979-2007) ainsi qu’aux relevés scientifiques d’autres espèces et, par conséquent, ne décrivent pas entièrement l’aire de répartition canadienne de l’espèce (figure 4). La flottille de chalutiers capture cette espèce à une vaste fourchette de profondeurs (20-1000 m), et le nombre de prises est proportionnel à l’effort, sans égard à une plage de profondeurs en particulier. La flottille de navires de pêche à la ligne a observé des individus de l’espèce entre 20 et 440 m de profondeur, mais la plupart des observations ont été faites à moins de 200 m. Une pêche intensive visant cette espèce a été pratiquée de la fin des années 1930 jusqu’au milieu des années 1940, les autres captures n’étant que des prises accessoires. Le comportement migratoire saisonnier ou latitudinal est limité dans le Pacifique Nord-Est; cependant, une étude récente (Andrews et al., 2010) indique que des requins grisets auxquels on avait fixé des transmetteurs acoustiques dans le Puget Sound se déplacent de façon saisonnière vers le nord, de l’hiver au printemps, ainsi que vers le sud, de l’été à l’automne. En outre, cette étude nous apprend que deux de ces requins munis d’un transmetteur se sont déplacés au nord jusque dans le détroit de la Reine-Charlotte et jusqu’à la côte nord-ouest de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique; un autre requin s’est déplacé au sud jusqu’à Point Reyes, en Californie. Dans l’ensemble, les profils de déplacement sont caractérisés par une migration bathymétrique des individus matures vers des aires de croissance sublittorales moins profondes (profondeur < 200 m), où ils mettent bas (Ebert, 2002, 2003). Les juvéniles semblent utiliser les eaux côtières des bras de mer situés le long de la côte ouest de l’île de Vancouver, dans le détroit de Georgia et dans le Puget Sound et résident de façon prolongée dans ces zones relativement restreintes (COSEPAC, 2007a; Dunbrack et Zielinski, 2003; Andrews et al., 2007). On ne sait pas quel est leur comportement migratoire saisonnier ou latitudinal.
Il n’existe présentement aucun indicateur fiable qui nous permettrait de savoir quelle est l’abondance du requin griset dans les eaux canadiennes du Pacifique. Selon une estimation de l’abondance fondée sur des techniques génétiques, une population reproductrice minimale serait présente dans le Pacifique Nord-Est et son effectif se chiffrerait à ~7 900 individus (Larson et al., 2005). On considère que cette estimation n’est probablement pas exacte (COSEPAC, 2007a) vu la faible taille de l’échantillon. On a évalué les taux de rencontre au moyen d’un deuxième indice de l’abondance des requins grisets immatures à un seul endroit où l’eau est peu profonde (40 m) dans le détroit de Georgia (Dunbrack et Zielinski, 2003). Cet indice laisse supposer que l’abondance des requins grisets a décliné d’au moins 90 % sur cinq ans. Cependant, cet indice ne représente pas l’abondance totale puisqu’il se limite aux requins immatures présents à un seul endroit où l’eau est peu profonde (40 m) par rapport à la fourchette des profondeurs de prédilection de l’espèce. En outre, les individus de l’espèce sont d’ordinaire impossibles à identifier, et il se peut donc que l’indice représente le comportement observé à cet endroit plutôt que l’abondance. En raison de l’utilisation d’un site de surveillance de nature exceptionnelle (c.-à-d. que des requins grisets peuvent y être observés régulièrement dans des eaux peu profondes), les interprétations dérivées de la tendance observée doivent être considérées avec prudence. Il est invraisemblable, même selon l’hypothèse d’une mortalité accrue des requins grisets, que cette mortalité suffise à expliquer le taux de déclin observé à ce site. Parmi les explications plausibles, mentionnons le changement dans les conditions environnementales, comme la température de l’eau, qui peut avoir une incidence sur la répartition bathymétrique des requins. En 2004, la température à dix mètres est arrivée au deuxième rang en importance parmi les températures annuelles les plus élevées enregistrées depuis 1970, et la température au fond (395 m) a été la plus chaude jamais enregistrée (MPO, 2006). Cette tendance au réchauffement s’est poursuivie jusqu’en 2007, puis la température a décliné en 2008 (Beamish et al., 2010). Il est possible que ces différences dans les températures s’observent également vers le nord jusqu’au site de l’îlot Flora, ayant de ce fait une incidence sur les taux de rencontre de requins grisets filmés sur caméra vidéo à l’îlot Flora.
Figure 4. Répartition des prises de requins grisets (Hexanchus griseus) au large de la côte ouest du Canada de 1979 à 2007. Les données sur la position des prises sont tirées de la base de données sur les pêches et la recherche de la Station biologique du Pacifique (GFCatch; PacHarvTrawl; PacHarvHL; PacHar3; GFBio).

Le milandre vit dans les eaux des mers tempérées et subtropicales situées entre des latitudes de 68 °N et de 55 °S (figure 5). On observe le milandre dans l’est du Pacifique à partir du nord de la Colombie-Britannique (aucune observation en Alaska) jusque dans le golfe de Californie ainsi que dans les eaux du large du Pérou et du Chili. On sait peu de choses sur la migration de cette espèce dans les eaux de l’est du Pacifique; quoique limité, le marquage de cette espèce dans les eaux de l’est du Pacifique (Ripley, 1946; Herald et Ripley, 1951) indique qu’un mélange a lieu dans l’aire de répartition, entre le sud de la Californie et la Colombie-Britannique. Comme le milandre est très mobile, il est possible qu’un mélange ait lieu, à tout le moins, entre les eaux du large de la Colombie-Britannique, de l’ouest des États-Unis et de la péninsule Baja, au Mexique. Le milandre est réparti dans le sud-ouest de l’océan Pacifique, dans les eaux du large de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Dans l’ouest de l’océan Atlantique, son aire de répartition se limite au sud du Brésil jusqu’en Argentine, tandis que dans l’est de l’Atlantique, on peut l’observer de l’Islande jusqu’en Afrique du Sud, y compris dans la mer Méditerranée. Dans la région ouest de l’océan Indien, le milandre peut être observé dans les eaux du large de l’Afrique du Sud (Compagno, 1984). En 2006, le milandre a été classé sur la Liste rouge de l’IUCN comme étant vulnérable à l’échelle mondiale et comme affichant un niveau de « préoccupation mineure » dans l’est du Pacifique Nord (Walker et al.,2006). On ne possède aucune information sur l’estimation de l’abondance mondiale du milandre.
Figure 5. Aire de répartition mondiale connue du milandre (zones rouges) (Walker et al., 2006).

Dans les eaux canadiennes du Pacifique, les observations de milandres ont principalement lieu dans les eaux du plateau continental, le long de l’île de Vancouver, dans le détroit de la Reine-Charlotte et dans le détroit d’Hécate. On ne dispose d’aucune recherche ni d’aucune donnée sur les pêches commerciales concernant le milandre dans le détroit de Georgia (figure 6). Selon les données sur la pêche commerciale au chalut recueillies entre 1996 et 2005, 95 % des prises de milandres (n = 109 mises à l’eau ayant mené à la capture de milandres) sont effectuées à des profondeurs allant de 47 à 285 m. La superficie couverte entre ces deux valeurs au large de la côte ouest du Canada est de ~73 600 km2, superficie qui peut être considérée comme l’aire d’occurrence probable de l’espèce dans les eaux canadiennes du Pacifique. On connaît mal les profils de déplacement du milandre dans le Pacifique Nord-Est. Or, il semble que les déplacements bathymétriques et latitudinaux varient selon le sexe et la saison. Au large de la côte ouest de l’Amérique du Nord, la présence des mâles domine à des latitudes nordiques, tandis que les femelles sont plus abondantes au sud (Ripley, 1946). Dans les relevés scientifiques récents (2002-2009) effectués dans les eaux canadiennes du Pacifique, 84 % des milandres capturés (n = 19) étaient des mâles (King, comm. pers., 2011). Les études par marquage réalisées dans d’autres régions du monde semblent indiquer qu’au moins certains composants de la population effectuent d’importantes migrations et que ces requins peuvent se déplacer sur de grandes distances au cours d’une courte période (COSEPAC, 2007b).
Les tendances actuelles du milandre en matière d’abondance et de population dans les eaux canadiennes du Pacifique sont inconnues. On ne possède aucun indice de l’abondance du milandre dans son aire de répartition du nord-est du Pacifique. Walker (1999) a estimé qu’entre 1938 et 1944, environ 15 600 t de milandre avaient été prélevées le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord (COSEPAC, 2007b). Cette valeur pourrait servir de données de substitution concernant la population historique minimale. À l’heure actuelle, on ne sait pas quelle est la biomasse de la population. Si l’on prend en considération le fait qu’aucune pêche visant le milandre n’a été pratiquée au cours des 60 dernières années, les prises accessoires minimales et les taux de fécondité, on peut supposer que le rétablissement de la population se situe à au moins 10 % du niveau historique. À ce niveau, les milandres présents le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord totalisent au moins 1 500 t.
Figure 6. Répartition des prises de milandres (Galeorhinus galeus) au large de la côte ouest du Canada, de 1994 à 2007. Les données sur la position des prises sont tirées de la base de données sur les pêches et la recherche de la Station biologique du Pacifique (GFCatch; PacHarvTrawl; PacHar3 GFBio).

On considère que le requin griset est une espèce principalement benthique qui vit en eaux profondes, c’est-à-dire à des profondeurs supérieures à 91 m, mais on sait qu’il peut être présent à partir de la surface jusqu’à 2 500 m de profondeur (Ebert, 2003). On les observe souvent sur la partie extérieure des plateaux continentaux et insulaires externes aussi bien que les pentes supérieures associées à des zones de remontées d’eau et de productivité biologique élevée (Ebert, 2003). Certains adultes migrent, de façon occasionnelle, vers des eaux moins profondes (Andrews et al., 2007). L’observation de deux femelles adultes (avec leurs petits) échouées dans des eaux peu profondes du Puget Sound et du détroit de Georgia (Williams et al., 2010; King, comm. pers., 2011) donne à penser que les femelles matures migrent vers des eaux peu profondes pour mettre bas. On estime que les nouveau-nés et les juvéniles demeurent dans les eaux moins profondes du plateau continental et du sommet du talus jusqu’à ce qu’ils atteignent l’adolescence, période pendant laquelle ils se déplacent vers le bas du talus, dans des eaux plus profondes (Ebert, 2003). En 1994, dans le cadre d’une étude de marquage (n = 214) effectuée dans les bras de mer du long de la côte ouest de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique, on a observé principalement des juvéniles des deux sexes, mais aucune femelle mature, et la longueur moyenne des individus des deux sexes était de 205 cm (McFarlane, comm. pers., 2011). Dans le cadre d’une étude par surveillance vidéo effectuée dans le détroit de Georgia en 2001-2002, on n’a également observé que des individus immatures dont la longueur moyenne était de 240 cm (n = 35) (Dunbrack et Zielinski, 2003). Des études similaires effectuées dans le Puget Sound ont seulement permis de constater la présence de juvéniles (Andrews et al., 2007). En utilisant un réseau de récepteurs acoustiques automatiques pour surveiller les profils de déplacement des juvéniles dans le Puget Sound, on a remarqué que de courts déplacements de < 3,1 km sont effectués chaque jour et que la distance maximale d’un déplacement observée au cours de la période d’étude (de septembre 2004 à février 2005) est de 23 km. À partir de ces études, on a émis l’hypothèse que les zones côtières que représentent le Puget Sound, le détroit de Georgia et les bras de mer de la côte ouest de l’île de Vancouver peuvent correspondre à d’importantes aires de croissance du requin griset.
On considère que le milandre est une espèce pélagique côtière qu’on observe souvent loin au large, mais qu’il n’est pas une espèce océanographique (Compagno, 1984). On décrit son habitat comme correspondant aux eaux tempérées du plateau continental, depuis les eaux près de la côte, y compris les baies peu profondes, jusqu’aux eaux du large à une profondeur maximale de 471 m, souvent près du fond (Ebert, 2003). On a observé des individus de l’espèce à l’emplacement de la ligne de démarcation ainsi que dans des baies et des canyons sous-marins. On estime d’ordinaire que les individus présents au large se trouvent près du fond, mais on en a déjà capturé au moyen de palangres flottantes pélagiques au-dessus des couches d’eau profondes (Compagno, 1984). Les petits et les juvéniles vivent dans des habitats sublittoraux, dans des eaux peu profondes, pendant un ou deux ans avant de se déplacer vers le large. On croit que la baie du sud de la Californie est la principale aire de croissance de cette espèce (Ebert, comm. pers., 2011).
Parmi les prédateurs potentiels du requin griset figurent l’otarie de Steller (Eumetopias jubatus), l’éléphant de mer (Mirounga angustirostris), l’épaulard (Orcinus orca), le requin blanc (Carcharadon carcharias) (COSEPAC, 2007a) et, vraisemblablement, d’autres espèces de requins (Ebert, comm. pers., 2011). On a déjà observé que les requins grisets n’hésitent pas à attaquer l’un des leurs si ce dernier est en détresse (Bigelow et Schroeder, 1948; Ebert, comm. pers., 2011).
Le requin griset est un prédateur opportuniste qui s’alimente, principalement la nuit, d’un vaste éventail de proies comme des céphalopodes, des crustacés, plusieurs espèces de poissons osseux (p. ex. le merlu du Chili [Merluccius productus], le hareng [Clupea harengus], les poissons plats [Pleuronectidae], les morues [Gadidae], les maquereaux [Scombridae, Carangidae], les sébastes [Scoraenidae], les requins et les raies [Elasmobranchii] ainsi que des carcasses de mammifères marins, comme les marsouins [Phocoenidae], les dauphins [Delphinidae] et les otaries [Otariidae]) (Compagno, 1984; Ebert, 1986; Ebert, 1994; Ebert, 2003). Dans le cadre d’une étude effectuée sur la côte ouest de l’île de Vancouver, on a examiné les contenus stomacaux de 56 requins grisets juvéniles : 48 estomacs étaient vides, sept contenaient du saumon (Oncorhynchus sp.) et un contenait du calmar (ordre des Teuthida) (Benson et al., 2001).
On sait peu de choses des prédateurs du milandre. Les quelques études disponibles indiquent qu’ils sont la proie d’autres élasmobranches, y compris le requin blanc (Carcharodon carcharias), le requin plat-nez (Notorynchus cepedianus) et, vraisemblablement, des mammifères marins (Ebert, 2003). En Nouvelle-Zélande, on a observé un épaulard (Orcinus orca) en train de décrocher un milandre d’une palangre utilisée pour la pêche commerciale (Visser, 2000).
À l’échelle mondiale, le régime alimentaire du milandre est principalement constitué de poissons osseux et de céphalopodes (Teuthoidea) (Walker, 1989). Le milandre est un prédateur opportuniste qui se nourrit de plusieurs espèces de poissons pélagiques et démersaux (Ebert, 2003). Les juvéniles s’alimentent moins souvent de poissons et de céphalopodes; leur régime alimentaire est principalement constitué de petits invertébrés (Walker, 1989). L’étude de Ripley (1946) est le seul document portant sur le régime alimentaire du milandre dans le Pacifique Nord-Est. Les contenus stomacaux décrits dans cette étude comprennent une diversité de familles de poissons comme les harengs (Clupeidae), les poissons plats, le pilotin tacheté (Porichthys notatus), les sébastes, les maquereaux et les perches (Embiotocidae) ainsi que les céphalopodes (Ripley, 1946). Dans une étude récente effectuée dans l’Atlantique Nord-Est, on a découvert que le régime alimentaire du milandre adulte était presque entièrement composé de poissons osseux (98,8 % au poids) (Morato et al., 2003). En Australie, les poissons osseux représentent 47 % du régime alimentaire au poids, suivis par les céphalopodes (37 %) (Walker, 1999). Le régime alimentaire semble varier considérablement selon la saison, le lieu ainsi que la taille du requin.
Les facteurs limitatifs, du fait qu’ils sont intrinsèques à la biologie des espèces, ne peuvent être ni atténués ni gérés. D’ordinaire, ces processus ascendants et descendants naturels sont régis par certains facteurs comme la disponibilité et la qualité des proies et par les prédateurs respectivement. Cependant, l’activité humaine peut exercer des contraintes qui modifieront l’équilibre entre ces facteurs limitatifs, menaceront les populations ou auront une incidence sur le potentiel de conservation. En pareils cas, il faut prendre les mesures qui s’imposent afin que l’activité humaine n’engendre pas de contraintes indues sur les facteurs limitatifs. Les facteurs limitatifs applicables à ces espèces sont décrits dans les paragraphes ci-après et comprennent les caractéristiques du cycle biologique, les conditions climatiques et océanographiques ainsi que les exigences précises en matière d’habitat.
Les caractéristiques du cycle biologique comme la longévité (estimée à 80 ans pour le requin griset et à plus de 45 ans pour le milandre), la maturité tardive (estimée à 18-35 ans chez les requins grisets femelles et à 13-17 ans chez les milandres femelles) ainsi que la faible fécondité (47-108 petits chez les requins grisets et 6-52 petits chez les milandres) permettent de définir ces espèces comme ayant adopté une stratégie démographique de type équilibré (King et McFarlane, 2003). De ce fait, ils affichent un faible taux d’accroissement intrinsèque (Smith et al.1998) et ne peuvent se rétablir rapidement à la suite d’une réduction de la population.
On sait que les conditions climatiques et océanographiques ont un impact sur l’abondance ou la répartition et la disponibilité du plancton et des espèces de poissons dans le Pacifique Nord-Est (King, 2005). Le requin griset et le milandre s’alimentent de façon opportuniste, et les changements touchant les espèces de proies ne semblent pas limiter la croissance ou la stabilité des populations. Cependant, une diminution à long terme de la disponibilité des proies occasionnée par des causes d’origine naturelle ou anthropique peut avoir une incidence sur le comportement de ces espèces ainsi qu’un impact direct sur les profils d’alimentation, de migration et de répartition.
Les requins grisets juvéniles vivent dans des zones sublittorales où l’eau est peu profonde; une fois adultes, ils s’adaptent pour vivre dans les eaux profondes. Des changements à grande échelle d’origine naturelle ou anthropique survenant dans ces environnements entraîneront vraisemblablement des effets négatifs sur ces espèces. Par exemple, la dégradation de l’habitat dans les aires de croissance sublittorales peut avoir un impact important, car les modèles démographiques donnent à penser que la survie des requins juvéniles qui sont sur le point d’atteindre la maturité est proportionnellement plus importante pour la survie de la population chez cette classe que pour toute autre classe d’âge (Kinney et Simpfendorfer, 2009). Il s’agit donc d’un facteur limitatif qui peut être atténué ou géré.
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