Programme de rétablissement du micocoulier rabougri au Canada [version finale] 2011 : Objectifs liés à la population et à la répartition
Selon les données recueillies par Mills et Craig (2008), la désignation du micocoulier rabougri en fonction du déclin de la superficie, de l’étendue et de la qualité des milieux considérés comme l’habitat de l’espèce (moins de 2 500 individus matures au Canada, moins de 1 000 individus par population et zone d’occurrence de moins de 20 000 km2) n’est plus valable. Comme la zone d’occupation de l’espèce au Canada est naturellement petite et que ses populations sont séparées par de grandes distances, nous jugeons peu réaliste ou approprié d’étendre sa zone d’occupation au-delà de 500 km2 ou de tenter de réduire la fragmentation des populations. Ainsi, nous croyons que la meilleure façon d’assurer le rétablissement du micocoulier rabougri est de maintenir les populations subsistantes et de prévenir leur déclin et leur disparition du territoire. Par conséquent, les objectifs relatifs aux populations et à la répartition qui permettront le rétablissement du micocoulier rabougri ont été définis comme suit :
- Ralentir la baisse marquée de la population du micocoulier rabougri du parc national de la Pointe Pelée;
- Maintenir les populations des cinq autres emplacements (peuplements) existants (île Pelée, comté de Lambton, alvar de Point Anne, ZINS du complexe de Stirling Slope et ZINS de l’alvar de la rivière Salmon [Lonsdale]) dans des milieux appropriés.
Une attention particulière sera accordée à la population du parc national de la Pointe Pelée puisque les renseignements recueillis lors de travaux sur le terrain tendent à indiquer que cette dernière diminue de façon marquée (Jalava et coll., 2008). Toutes les autres populations semblent stables.
Le rétablissement et le maintien des régimes de perturbation naturelle, qui permettent la pérennité de l’habitat essentiel, est garant de la réalisation des objectifs liés à la population et à la répartition de cette espèce à long terme. Cette constatation vaut tout particulièrement pour le parc national de la Pointe-Pelée, où la modification des processus côtiers naturels, et potentiellement la suppression des feux, a contribué à la compétition agressive entre les plantes et au remplacement anormalement rapide de communautés végétales clairsemées, milieux propices au développement du micocoulier rabougri, par des milieux plus denses et ombragés.
Des travaux ont déjà été entrepris pour mettre à jour les données sur la population et la répartition du micocoulier rabougri au Canada. Des relevés ont récemment été effectués au parc national de la Pointe Pelée (Jalava et coll., 2008), à la forêt patrimoniale du comté de Lambton (comté de Lambton) (Mills et Craig, 2008) et à la propriété de la ZINS du complexe de Stirling Slope (Agence Parcs Canada, données inédites). Le micocoulier rabougri est une espèce visée par le Ausable River – Kettle Point to Pinery Conservation Action Plan (plan d’action pour la conservation de la rivière Ausable, de Kettle Point au parc provincial The Pinery) de la Carolinian Canada Coalition (Jalava et coll., 2010). Une stratégie de biodiversité pour la région de Port Franks du comté de Lambton, élaborée selon une approche liée aux communautés, est en cours de préparation (Jalava, comm. pers., 2010). Le micocoulier rabougri est au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre des plans directeurs des endroits protégés par l’organisme Conservation de la nature Canada et gérés par Lambton Wildlife Incorporated dans cette région. L’espèce bénéficiera également des objectifs et des mesures de conservation visant la viabilité de la biodiversité des « plages et des rives » énoncés dans le Essex Forests and Wetlands Conservation Action Plan (plan de conservation pour les forêts et les milieux humides d’Essex), dans lequel elle figure à titre d’espèce importante (Équipe du plan d’action pour la conservation des forêts et des milieux humides, 2009). Les communications à ce sujet comprennent notamment une fiche de renseignements sur les espèces en péril (Musée royal de l’Ontario et MRNO, 2008) et divers messages figurant dans la programmation et les communications du parc national de la Pointe-Pelée. La Carolinian Canada Coalition a publié plusieurs documents relatifs à la conservation et à l’intendance destinés à éclairer les propriétaires fonciers sur la question de la protection et de la gestion des espèces et des écosystèmes en péril.
Les approches du programme de rétablissement visant l’atteinte des objectifs relatifs à la population et à la répartition ont été résumées et classées selon leur degré d’urgence dans le tableau 3. Elles tiennent aussi compte des menaces qui pèsent sur les populations ainsi que des besoins en matière de renseignements. Les approches seront planifiées en tenant particulièrement compte des répercussions négatives sur d’autres espècesl.
Selon Sutherland et coll. (1994), le micocoulier rabougri a été observé à Parkhill, dans le comté de Middlesex. Toutefois, la source de cette information demeure inconnue, et les données recueillies ne semblent pas avoir été vérifiées sur le terrain. Gartshore (comm. pers., 2009) et d’autres chercheurs ont signalé la présence possible de micocouliers rabougris en bordure de la gorge de Niagara au Niagara Butterfly Conservancy, à Niagara Falls. Toutefois, de légères différences morphologiques permettent de penser qu’il pourrait s’agir d’individus « échappés de culture » provenant de l’école d’horticulture de Niagara (Commission des parcs du Niagara). La vérification de cette information s’avère nécessaire.
Il est possible que d’autres habitats adéquats existent le long des rives du lac Érié, sur les îles et les rives de la rivière Niagara, sur les rives du lac Huron, de Grand Bend à Kettle Point, sur l’île Pelée et dans les alvars du comté de Hastings, ainsi que sur les rives de l’ancien lac Iroquois, dans le comté de Hastings. Ces secteurs doivent faire l’objet d’une étude approfondie puisqu’ils pourraient abriter de nouveaux individus et/ou de nouvelles populations.
Les connaissances que nous possédons au sujet de l’écologie du micocoulier rabougri au Canada proviennent d’une seule thèse de doctorat (Dunster, 1992) qui porte sur deux populations en particulier, celle du parc national de la Pointe-Pelée et celle de Northville/Port Franks (comté de Lambton). Toutefois, d’importantes lacunes restent à combler en ce qui a trait aux quatre autres populations. Par conséquent, des recherches supplémentaires doivent être menées pour définir plus précisément l’habitat essentiel du micocoulier rabougri et pour réaliser les objectifs de son plan de rétablissement (tableau 3). Les connaissances acquises au sujet des différences génétiques des individus d’une même population ou de populations différentes éclaireront particulièrement la prise de décision concernant les opérations de rétablissement et d’augmentation jugées faisables.
Depuis des générations, les collectivités des Premières nations maintiennent les écosystèmes locaux en faisant appel aux connaissances écologiques traditionnelles de la communauté. Il est important de travailler avec les détenteurs de ces connaissances dans le cadre de la protection et du rétablissement des espèces et des écosystèmes. Ensemble, les connaissances écologiques traditionnelles et la science occidentale peuvent appuyer plus efficacement les activités d’évaluation, de surveillance et de rétablissement des écosystèmes qui abritent des espèces en péril particulières.
Menace ou facteur limitant ciblés | Degré de priorité | Stratégie générale pour le rétablissement | Description générale des approches de recherche et de gestion |
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Tous | Élevé | Effectuer des relevés des populations et de l’habitat (surveillance). |
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Tous | Élevé | Communiquer les meilleures pratiques de gestion et d’autres renseignements importants. |
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Tous | Élevé | Coordonner les approches de rétablissement. |
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Modification des régimes de perturbation | Élevé | Lutter contre l’érosion. |
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Tous | Moyen | Inciter les propriétaires fonciers à élaborer des mesures de protection et de rétablissement et à les mettre en œuvre. |
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Tous | Moyen | Favoriser l’intégration des connaissances écologiques traditionnelles dans la prise de décisions. |
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Activités d’exploitation forestière inappropriées Développement Extraction d’agrégats | Moyen | Mettre en œuvre des accords d’intendance. |
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Extraction d’agrégats | Moyen | Protéger le micocoulier rabougri et son habitat des travaux d’extraction des ressources. |
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Modification des régimes de perturbation Compétition des plantes | Moyen | Gérer la végétation. |
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Escargots Broutage des cerfs | Moyen | Étudier et appliquer des mesures destinées à empêcher la destruction de l’espèce par les herbivores. |
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Scolytes Escargots Compétition des plantes | Moyen | Terminer l’évaluation de la menace. |
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Modification des régimes de perturbations | Moyen | Faire des recherches sur la différenciation des niches. |
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Renseignements de base insuffisants | Moyen | Faire des recherches sur la dispersion des graines. |
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Modification des régimes de perturbation | Moyen | Faire des recherches sur les effets du feu.s |
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Renseignements de base insuffisants | Moyen | Faire des recherches sur les petites populations isolées. |
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Renseignements de base insuffisants | Moyen | Faire des recherches sur les différences génétiques. |
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Tous | Faible | Rapatriement et augmentation de la population | |
Activités récréatives | Faible | Réduire au minimum les répercussions des activités récréatives. |
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Changements climatiques | Faible | Limiter les répercussions des changements climatiques. |
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8 Le « rapatriement » consiste à rétablir une espèce dans un milieu où elle était autrefois présente, mais d’où elle est disparue.
9 L’« augmentation » consiste à ajouter des individus d’une espèce à une population existante dans le but d’augmenter la taille de la population de cette espèce.
De nombreuses activités peuvent être entreprises par les propriétaires fonciers et les gestionnaires, individuellement ou conjointement, pour faciliter le rétablissement du micocoulier rabougri. Le rétablissement de cette espèce ne peut se faire sans la communication des opérations et des activités d’intendance le favorisant. Par le passé, des éléments de perturbation naturelle comme le feu, les chablis, les infestations d’insectes et les maladies auraient permis la conservation d’espaces dégagés propices à l’établissement et à la pérennité du micocoulier rabougri. Dans la mesure du possible, de tels processus naturels devraient toujours se produire, ou du moins devraient être rétablis ou reproduits. Alors que les pratiques d’exploitation forestière inappropriées peuvent constituer une menace pour le micocoulier rabougri, les pratiques de récolte sélective combinées à de bonnes pratiques forestières peuvent fournir les conditions essentielles – c.-à-d. des milieux dégagés aux abords de forêts ou des clairières – à l’établissement et à la régénération du micocoulier rabougri, tout en réduisant éventuellement les dommages causés par les espèces concurrentes comme l’hamamélis de Virginie. On doit envisager la mise en œuvre de pratiques d’aménagement des forêts rigoureuses dans certains secteurs, notamment dans la forêt patrimoniale du comté de Lambton (comté de Lambton), pour promouvoir le rétablissement de l’espèce et empêcher le déclin de ses populations (c.-à-d. arracher les pinières exotiques et rétablir des habitats plus dégagés). Il faut souligner que les opérations de rétablissement de l’habitat mises en œuvre pour écarter les menaces posées par les espèces exotiques et/ou envahissantes et/ou la succession de l’habitat entraîneront la diminution du couvert forestier. Nous estimons que ces mesures sont nécessaires dans les zones où des problèmes du genre ont été observés, et qu’elles ne détruiront pas l’habitat essentiel, à condition que les modifications favorisent l’établissement du micocoulier rabougri.
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