Pèlerin (Cetorhinus maximus) dans les eaux canadiennes du Pacifique programme de rétablissement : chapitre 13
5. Population et répartition
Populations et répartition mondiale
Le pèlerin est présent dans les eaux tempérées des plateaux côtiers de tous les océans de la planète, mais de façon circonscrite (Froese et Pauly, 2010). Selon la Liste rouge de l’IUCN, le pèlerin est considéré comme vulnérable à l’échelle mondiale et en voie de disparition dans le Pacifique Nord (Fowler, 2005). Dans le Pacifique Nord, on rencontre le pèlerin en Chine, au Japon, en Alaska et depuis la Colombie-Britannique jusqu’aux États-Unis et au Mexique, au sud (Compagno, 2001). Les pèlerins qui sont présents dans les eaux canadiennes du Pacifique font partie d’une population nord-américaine qui migre vers les eaux de la Colombie-Britannique au printemps et à l’été et qui passe l’hiver au large de la Californie. La population de pèlerins du nord-est du Pacifique est présente principalement dans des eaux relevant de la compétence du Canada et des États-Unis. Des prises ont été signalées dans les eaux internationales et au moins deux prises ont eu lieu récemment dans les eaux mexicaines. Les données sur le pèlerin dans les eaux mexicaines sont peu nombreuses, mais il s’agit vraisemblablement d’individus de la même population que celle visée par le présent programme de rétablissement. Les pèlerins présents dans les eaux américaines du Pacifique ont connu un déclin d’au moins la même ampleur que celui observé au large de la côte de la Colombie-Britannique. Depuis 1994, les observations de pèlerins sont extrêmement rares le long de la côte du Pacifique, tant aux États-Unis qu’au Canada. Qui plus est, depuis 1993, on n’a pas observé de groupe de pèlerins supérieur à deux ou trois individus dans les eaux canadiennes et américaines du Pacifique. La meilleure estimation de l’abondance actuelle du pèlerin dans ces eaux se situe entre 321 et 535 individus (McFarlane et al., 2009). Dans cette étude, on a estimé que la population mondiale de pèlerins avant l’exploitation de l’espèce (p. ex. avant 1920) se situait entre 2 790 et 5 116 individus. On estime que le déclin par rapport à l’effectif antérieur à l’exploitation dépasse 90 %3. Au cours de trois générations (de 66 à 99 ans), le pèlerin a presque disparu de l’ensemble des zones où il abondait autrefois.
Populations et répartition dans les eaux canadiennes du Pacifique
Les plus anciens dossiers scientifiques et historiques concernant le pèlerin sont limités, mais décrivent tous la population de pèlerins du Pacifique comme étant abondante et largement répartie, avec une population historique minimale de 750 individus au large des côtes de la Colombie-Britannique (COSEPAC, 2007; McFarlane et al.,2009)4. À l’heure actuelle, le pèlerin n’est pas observé fréquemment dans les eaux canadiennes du Pacifique; seules 13 observations ont été confirmées depuis 1996. Ces observations sont exposées en détail dans le tableau 2 ci-après et sont reproduites sur une carte à la figure 2 de la page 13. L’abondance actuelle de l’espèce dans les eaux canadiennes du Pacifique demeure inconnue, mais tout porte à croire qu’elle est extrêmement réduite. On estime qu’une certaine proportion, voire l’ensemble, de la population (de 321 à 535 individus) utilise les eaux canadiennes du Pacifique sur une base saisonnière, annuelle et décennale (McFarlane et al., 2009). La poursuite des activités de surveillance et de recherche nous aidera à combler cette lacune dans les connaissances. Le déclin de l’abondance de l’espèce est le résultat d’une combinaison de cas d’emmêlement dans des engins de pêche, d’activités d’éradication de l’espèce et de pêche dirigée qui ont eu lieu par le passé (COSEPAC, 2007).
Avant 1970, de grands regroupements de pèlerins étaient observés couramment sur une base saisonnière et largement répartis dans les eaux canadiennes du Pacifique (Wallace et Gisborne, 2006; COSEPAC, 2007). Des dossiers historiques remontant au début des années 1900 ont été utilisés pour relever trois zones où se trouvaient de grands regroupements de pèlerins dans les eaux du large de la Colombie-Britannique : 1) bras de mer Rivers/détroit de la Reine-Charlotte; 2) baie Clayoquot; 3) baie Barkley (voir la figure 2) (Wallace et Gisborne, 2006). Des groupes de petite taille ou dont l’existence n’a pas été confirmée ont été observés par le passé à de nombreux autres sites dans le détroit de Georgia et sur les bancs situés au sud de l’île de Vancouver.
Signalons que les observations de pèlerins dont il est question sont celles où l’individu est visible à la surface. Le pourcentage de temps que les pèlerins passent à la surface varie et est inconnu. L’activité en surface est vraisemblablement fonction de la répartition des proies, des conditions météorologiques et des comportements reproducteurs. Les estimations de l’abondance fondées sur des observations effectuées en surface durant le jour peuvent entraîner une sous-estimation ou une surestimation de l’abondance des requins d’au moins 10 ordres de grandeur (Sims et al.,2005). Le déclin de l’abondance des pèlerins peut également être biaisé par l’imprévisibilité historique des occurrences et du nombre d’individus circulant dans les zones côtières où ils sont observés. Qui plus est, les effets des changements occasionnés par le climat, comme la température de l’eau à la surface de la mer, peuvent également être en cause (Cotton et al., 2005).
Tableau 2 : Observations récentes confirmées de pèlerins dans les eaux canadiennes du Pacifique (1996-juillet 2010).
Année | Lieu | Nombre de requins observés |
---|---|---|
Mai 1996 | Détroit de la Reine-Charlotte | 1 |
1999 | S.-O. de l’île de Vancouver (RPN Pacific Rim, près de l’embouchure de la Nitinat) | 1 |
Fév. 2000 | Détroit de la Reine-Charlotte | 1 |
Mars 2000 | Détroit de la Reine-Charlotte | 1 |
Juil. 2002 | 30 milles au S.-O. de Rose Spit (Haida Gwaii) | 1 |
Août 2004 | Baie Rennell, côte ouest d’Haida Gwaii | 1 |
Mai 2008 | Entre East Point et Point Roberts | 1 |
Sept. 2008 | 2 milles au N.-O. du phare McGinnis (30 milles au N.-O. de Bella Bella, près de Millbanke) | 1 |
Sept. 2008 | Cap Beale (RPN Pacific Rim, au S.-O. de Bamfield) | 1 |
Juil. 2009 | Détroit Juan de Fuca, 1 mille marin au S.-S.-O. de Salmon Banks, île San Juan | 2 |
Août 2009 | À l’embouchure de la rivière San Juan, Port Renfrew | 1 |
Mai 2010 | Starling Point, près de l’entrée du bras de mer Sydney, baie Clayoquot | 1 |
Nombre total de pèlerins observés, 1996-2010 | 13 |
L’encart illustre les observations récentes confirmées5.
L’un des objectifs de rétablissement est d’observer une croissance positive de la population de pèlerins du Pacifique, et peut-être d’atteindre le nombre d’observations (spécimens abattus en moyenne chaque année) enregistrées de 1945 à 1970, c.-à-d. 40 par année. L’un des buts à long terme du rétablissement est de promouvoir la viabilité à long terme d’une population se reproduisant naturellement. Le pèlerin est une espèce longévive qui affiche un faible taux de croissance démographique (c.-à-d. que sa durée de génération s’échelonne sur une période de 22 à 33 ans). D’après les meilleures estimations de l’abondance actuelle du stock et du déclin de celui-ci, on suppose que si une population reproductrice est actuellement présente dans le nord-est du Pacifique et si aucune mortalité anthropique supplémentaire ni aucun changement à l’habitat actuel ne se produisent, il faudra environ 200 ans avant que l’effectif ne revienne au niveau auquel il était avant l’exploitation de l’espèce (McFarlane et al., 2009).
Les objectifs en matière de population et de répartition suivants orienteront les efforts de rétablissement du pèlerin dans les eaux canadiennes du Pacifique.
- Maintenir l’abondance actuelle des pèlerins.
- Atteindre une croissance positive de la population de pèlerins d’ici 15 à 20 ans.
- Obtenir une augmentation des regroupements de pèlerins (deux individus ou plus).
- Maintenir la répartition du pèlerin.
Le potentiel de rétablissement de la population de pèlerins du Pacifique a été évalué en 2008 (voir McFarlane et al.,2009). Trois ensembles d’objectifs de rétablissement ont été présentés, dont : a) reconstituer jusqu’à 1 000 paires de reproducteurs; b) atteindre 30, 40, 50 et 99 % de la capacité biotique (supposée équivalente à l’effectif antérieur à la période d’exploitation); c) atteindre 30, 40, 50 et 99 % de la biomasse initiale (antérieure à la période d’exploitation). Les efforts déployés par le Canada, y compris les activités exposées dans le présent programme de rétablissement pour atteindre les objectifs ci-devant, contribueront à la survie et au rétablissement du pèlerin dans l’ensemble de son aire de répartition; cependant, il faut coordonner les activités de recherche et de gestion avec les États-Unis et le Mexique pour atteindre ces objectifs de rétablissement pour l’ensemble de l’aire de répartition.
3 D’après une estimation chiffrant à 321-535 individus la population actuelle de pèlerins du Pacifique dans les eaux canadiennes et américaines, mesurée à partir des prises historiques de 3 725-5 925 individus tués entre 1920 et 1979 (McFarlane et al., 2009).
4 Population reconstituée à partir des prélèvements annuels estimés entre 1945 et 1970 (40 spécimens, c.-à-d. 1000/25 ans), jumelés à l’estimation de la productivité annuelle (r = 0,023) (COSEPAC, 2007; Smith et al., 1998). Autrement dit, avec un taux de mortalité de 40 individus par année, il faudrait 25 ans pour qu’une population initiale de 750 individus soit ramenée à zéro, avec une valeur de r = 0,023. Il convient de noter que l’on ne dispose d’aucune information ni tendance fiables concernant l’abondance afin de corroborer cette déduction (McFarlane et al., 2009).
5 Treize observations confirmées auprès du réseau des observations de pèlerins, de 1996 jusqu’à juillet 2010.
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