Programme de rétablissement du ptéléa trifolié au Canada [finale] 2012 : Menaces

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Le COSEPAC (2002) a désigné le ptéléa trifolié « espèce menacée » en raison de son aire de répartition restreinte, de la petite taille de sa population et des répercussions qu’ont sur lui l’aménagement de terrains en vue de la construction de chalets, les cormorans à aigrettes nicheurs et un coléoptère perce-pousse. Dans le rapport ayant mené à la désignation, Ambrose (2002) a indiqué que l’aménagement des plages, le broutage des cerfs, les espèces exotiques envahissantes et l’érosion due aux tempêtes constituaient aussi des menaces pour certaines populations. Les menaces pesant sur l’espèce ont été réévaluées en décembre 2008 dans le cadre d’un atelier consacré à la rédaction du programme de rétablissement. La succession de l’habitat, les activités récréatives, le broutage du bétail et des campagnols, les amas d’ordures et les changements climatiques ont été ajoutés à la liste (consulter les paragraphes suivants pour un aperçu des discussions et des justifications). Le terme « aménagement des paysages » a été utilisé pour désigner les répercussions touchant à la fois l’aménagement de terrains et l’enlèvement de la végétation des plages, et l’expression « changements dans les processus côtiers » pour désigner l’incidence de l’érosion due aux tempêtes. L’expression « présence d’insectes herbivores » renvoie quant à elle aux répercussions dues aux insectes, dont un deuxième coléoptère perce-pousse (papillon nocturne) et une tordeuse récemment découverts par Harris (comm. pers., 2011) et présentant selon lui des menaces potentielles. Le tableau 2 présente des renseignements supplémentaires à propos de ces menaces, et précise le degré de préoccupation général (élevé, moyen ou faible), l’étendue (généralisée ou locale), la présence (actuelle ou anticipée), la fréquence (continue ou indéterminée), la gravité (élevée, moyenne ou faible), la certitude causale (élevée, moyenne ou faible) ainsi que la priorité quant à la prise de mesures pour chacune d’entre elles.

Tableau 2 : Évaluation des menaces
Priorité Menace Degré de préoccupation Étendue Présence Fréquence Gravité Certitude causale
Perte ou dégradation de l’habitat
1 Aménagement des paysages M-E Généralisée Actuelle Continue M E
Modification de la dynamique des écosystèmes ou des processus naturels
2 Surabondance des nids de cormorans à aigrettes M Localisée Actuelle Continue E E
3 Changements dans les processus côtiers M Généralisée Actuelle Continue M M
4 Succession de l’habitat M Localisée Généralisée? Actuelle Continue M E
Processus naturels ou activités
5 Présence d’insectes herbivores M Localisée Actuelle ? M M
Espèce ou génome exotique, envahissant ou introduit
6 Présence de plantes exotiques envahissantes M-F Généralisée Actuelle Continue M M
Perturbation ou dommage et utilisation de ressources biologiques
7 Activités récréatives (véhicules hors-pistes, cueillette de bois pour allumer des feux, camping, piétinement) F Localisée Actuelle Continue F M
Processus naturels ou activités
8 Présence de mammifères herbivores (cerf de Virginie, bétail, campagnol) F Localisée ? ? ? F
Perte ou dégradation de l’habitat
9 Amas d’ordures F Localisée Actuelle Continue ? F
Climat et catastrophes naturelles
10 Changements climatiques F Généralisée Anticipée Continue ? F

? = Indéterminée

De nos jours, la principale menace (gravité moyenne, généralisée, certitude causale élevée, degré de préoccupation moyen à élevé) pesant sur la plupart des populations de ptéléas trifoliés provient de la destruction et, dans certains cas, du remplacement, de l’arbre lui-même (ptéléa trifolié ou autre) ou de son habitat tout entier. Le long d’une bonne partie de la rive nord du lac Érié, on assiste à un aménagement intensif des rives et à la disparition de l’habitat de l’espèce au profit de la construction de chalets. De nombreux propriétaires établis le long de la rive débarrassent leur plage privée de sa végétation ou en gazonne une grande partie pour avoir plus facilement accès au lac, pour avoir une meilleure vue ou pour donner à leur propriété une apparence impeccable. Des aménagements incompatibles ont été observés sur les plages situées à proximité du ruisseau Fox, de Lypps Beach, de Linden Beach et d’Erie Beach ainsi qu’à Thamesville, l’un d’entre eux ayant même entraîné la disparition de la population de Linden Beach. L’entretien du bord des routes et des fossés (à Thamesville, sur les routes Snye et Old Ferry du territoire de la Première nation de Walpole Island, dans l’aire de conservation du marais Hillman, dans la réserve naturelle provinciale de Lighthouse Point, au parc national de la Pointe-Pelée, et aux environs de la station de pompage de la route Shore Ouest, sur l’île Pelée) ainsi que l’enlèvement de la végétation sur les plages (plage Cedar, plage Holiday, Colchester, Seacliff, Erieau, Erie Beach et Crescent Beach jusqu’à la pointe Windmill) ont aussi causé des dommages à l’espèce et à son habitat, ou carrément entraîné leur disparition. La ressemblance superficielle du ptéléa trifolié avec l’herbe à puce (Rhus radicans) ne joue d’ailleurs pas en sa faveur (Ambrose, 2002). Par le passé, l’exploitation forestière du genévrier de Virginie (Juniperus virginiana) sur l’île Pelée et au parc national de la Pointe-Pelée a aussi entraîné des répercussions sur l’habitat de l’espèce.

La surabondance des nids de cormorans à aigrettes a des répercussions sur la deuxième population de ptéléas trifoliés en importance au Canada, laquelle est située sur l’île Middle. Depuis 2000, on a dénombré 5 000 nids en moyenne sur l’île (Dobbie, 2008). Des recherches ont montré que les dépôts de guano avaient possiblement une incidence sur la photosynthèse, causant des dommages au feuillage et aux troncs et causant même la mort de certains arbres, et entraînaient des changements dans la composition chimique du sol (Hobara et coll., 2001, Hebert et coll.,2005). Sous les arbres où il y a des nids, le sol est généralement dépourvu de végétation. En 2007, à la suite d’un dénombrement, on a constaté que presque 20 % de cette population a été gravement endommagée (50 % ou moins de l’arbre est en feuilles), et 19 % modérément endommagée (51 à 90 % de l’arbre est vivant et en feuilles). Dans 13 % des cas, on a remarqué la présence de pousses vivantes autour d’un tronc principal ou central mort (Jalava et coll., 2008). Bien que la surabondance des nids constitue une menace localisée, sa gravité élevée, sa certitude causale et la possible disparition d’une importante population de ptéléas trifoliés en l’absence de mesures de gestion font en sorte qu’elle soulève un degré de préoccupation global moyen.

Les changements dans les processus côtiers posent un degré de menace moyen sur le ptéléa trifolié et son habitat. La protection, la stabilisation et la modification généralisées du littoral perturbent les processus côtiers naturels formant les littoraux dynamiques et les flèches de sable de la rive nord du lac Érié. Sur la rive ouest du parc national de la Pointe-Pelée, le littoral a toujours eu tendance à s’accroître ou à prendre de l’expansion. Toutefois, de 2004 à 2006, il s’est érodé de 11 mètres. Selon la Colchester to Southeast Shoal Beach Nourishment Study (Baird, 2010a), si l’on ne prend pas de mesures pour atténuer l’érosion et qu’on n’ajoute pas de sable dans la zone littorale, celle-ci pourrait perdre 126 hectares du côté ouest au cours des 50 prochaines années. La rive est de la péninsule de la pointe Pelée, de Port Alma à la pointe du parc national de la Pointe-Pelée, est naturellement sujette à l’érosion. Cependant, l’aménagement des rives (Baird, 2010b) a fait grimper ce taux d’érosion, qui est maintenant de quatre mètres par année en moyenne au nord du parc national. Des problèmes similaires ont été observés le long de la rive sud du parc provincial Rondeau en raison des digues du port d’Erieau, qui retiennent le sable. La diminution de la quantité de sable transporté et l’augmentation de l’érosion entraînent une diminution de l’habitat convenable pour la germination et rapprochent les arbres établis du bord de l’eau, ce qui les rend plus susceptibles au déracinement causé par les vagues et la glace. On s’attend à ce que des effets sur les niveaux de population se fassent sentir au parc national de la Pointe-Pelée. Heureusement, la perte d’habitat le long de la rive sud du parc provincial Rondeau pourrait être compensée par des gains au parc commémoratif Laverne Kelly, où la majeure partie du sable devant normalement se rendre au parc provincial est capturée, derrière la digue d’Erieau.

La menace que pose la succession de l’habitat cause aussi un degré de préoccupation moyen. La plupart des habitats des alvars et des savanes de l’île Pelée (alvars des routes Stone et Brown, réserves naturelles provinciales de Lighthouse Point et de Fish Point, savane de genévriers de Virginie) ainsi que des savanes des flèches de sable du lac Érié, au parc national de la Pointe-Pelée, en sont moyennement à gravement menacées (Conservation de la nature Canada, 2008, Dougan & Associates et McKay, 2009). La succession de l’habitat est considérée comme la principale menace pesant sur les habitats des alvars de l’île Pelée. Elle a aussi une incidence sur les populations de ptéléas trifoliés du territoire de la Première nation de Walpole Island (Jacobs, comm. pers., 2010), tout comme l’ombrage du couvert boisé et le couvert de plantes grimpantes. On s’attend à ce que des répercussions sur les niveaux de population se fassent sentir à ces endroits, au fur et à mesure que les caractéristiques du couvert forestier progresseront au-delà des caractéristiques optimales pour le ptéléa trifolié. La présence de cette menace et son incidence sur les autres sites restent à déterminer. La prévention des régimes de perturbation, comme le feu, ainsi que les changements dans d’autres régimes, comme les processus côtiers, ont permis à des espèces indigènes qui n’auraient normalement pas fait partie de ces habitats de s’y tailler une place. Sans intervention, les habitats pourraient se transformer en taillis de cornouillers de Drummond (Cornus drummondii), d’angéliques en arbre (Aralia spinosa), de frênes rouges (Fraxinus pennsylvanica), de sumacs aromatiques (Rhus aromatica), de sumacs vinaigriers (Rhus typhina), d’aubépines (Crataegus spp.) et de rosiers sauvages (Rosa canina), en terrains boisés, ou en forêts dominées par le genévrier de Virginie, le chêne (Quercus spp.) et l’érable (Acer spp.). D’ailleurs, le frêne épineux progresse plutôt bien, car les espèces qui broutent l’évitent en raison de ses épines. De plus, de nombreuses espèces d’arbres et d’arbustes pionniers ont des qualités allélopathiques[8] (sumac vinaigrier, sumac aromatique, genévrier de Virginie, genévrier commun [Juniperus communis], micocoulier occidental [Celtis occidentalis] et micocoulier de Soper [Celtis tenuifolia]) ou peuvent empêcher le ptéléa trifolié de pousser grâce à leurs habitudes clonales agressives (herbe à puce [Toxicodendron radicans], cornouiller de Drummond, sumac aromatique et genévrier commun). Les répercussions de l’inhibition allélopathique d’autres espèces sur le ptéléa trifolié et son habitat sont toutefois inconnues. Le développement d’un épais tapis d’herbes peut aussi empêcher la germination des graines.

Un scolyte perce-pousse, identifié par Steve Marshall (Université de Guelph) comme étant un Phloeotribus scabricollis, est considéré comme une « menace potentielle nouvellement reconnue dont l’incidence est inconnue » (COSEPAC, 2002). Lors d’études menées dans le cadre du rapport de 2002 du COSEPAC (Ambrose, comm. pers., 2010), on a découvert que cette espèce se nourrissait des parties en fleur du ptéléa trifolié dans les réserves naturelles provinciales de Fish Point et de Lighthouse Point, dans les secteurs nord du parc national de la Pointe-Pelée, et à l’aire de conservation du marais Hillman. D’importantes parties des arbres avaient été touchées, ce qui a entraîné une diminution de l’abondance de la floraison et une réduction de la taille de la couronne des arbres (Ambrose, 2002). Il s’agit probablement d’un coléoptère indigène du Canada, étant donné la mesure dans laquelle certains individus de cet ordre d’insectes sont associés à leur plante hôte. Cependant, comme l’espèce n’a été repérée que dans la plupart des régions du sud du Canada, il se peut aussi qu’elle soit adventice[9], et qu’elle étende son aire de répartition au nord du territoire d’où elle provient, qui serait, dans ce cas, les États-Unis (Sutherland, comm. pers., 2010).

Bien que plus rare – seulement quatre relevés ont été confirmés au Canada – le perceur du ptéléa (Yponomeuta atomocella), un petit papillon nocturne, pose aussi une menace. Des preuves montrant l’existence de davantage de larves, soit environ 60 au parc national de la Pointe-Pelée et environ 20 sur l’île Pelée, ont été découvertes en 2010. Cette larve perce la pointe des jeunes brindilles et les tue. (Harris, comm. pers., 2011). Bien que le petit nombre d’individus suggère que cette espèce n’affecte pas grandement le ptéléa trifolié, si l’on combine ce nombre à celui des autres insectes herbivores ou que la population pullule périodiquement, la menace pourrait être beaucoup plus importante et, par conséquent, préoccupante.

La tordeuse du ptéléa trifolié (Agonopterix pteleae), que l’on trouve en abondance au parc national de la Pointe-Pelée, figure aussi au nombre des menaces potentielles (Harris, comm. pers., 2011). Sa larve vit enroulée dans la marge des feuilles du ptéléa trifolié et s’en nourrit. Une défoliation intensive et généralisée (25 % à 75 % en 2005-2006 [Scarr et coll., 2007] et à des taux similaires en 2009-2010 [Harris, comm. pers., 2011]) a été observée. Pour l’instant, cependant, on ignore si les dizaines de milliers d’insectes observés en 2009-2010 témoignent de la pullulation d’une espèce présente depuis longtemps, mais vouée tôt ou tard à dépérir, ou si ce papillon nocturne est un nouveau venu qui pourrait freiner la croissance du ptéléa trifolié ou menacer sa survie (Harris, comm., pers., 2011).

En raison des répercussions importantes sur les niveaux de population que pourraient avoir ces insectes, le degré de préoccupation à l’égard de la menace qu’ils représentent pour le ptéléa trifolié est moyen. D’autres études doivent être menées pour déterminer les éléments fondamentaux de leur cycle biologique, leur fréquence et leur zone d’occurrence complète, ainsi que la gravité de l’incidence de chaque espèce dans toute l’aire de répartition.

Les plantes exotiques et/ou envahissantes ainsi que les espèces d’arbres allélopathiques représentent une menace moyennement à peu préoccupante, car elles font concurrence au ptéléa trifolié pour ce qui est de l’eau, des nutriments et des sources de lumière dans toute l’aire de répartition. La présence de plantes exotiques envahissantes est préoccupante dans la réserve naturelle provinciale de Fish Point, dans l’alvar de la route Stone, au parc provincial de Port Burwell (Ambrose, 2002), et à Erieau (McKay, obs. pers., 2010). Parmi les plantes suscitant des préoccupations, notons le roseau commun (Phragmites australis), le peuplier blanc/argenté (Populus alba), le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia), l’érable plane (Acer platanoides), le pin sylvestre (Pinus sylvestris), le bouleau blanc d’Europe (Betula pendula), le mûrier blanc (Morus alba), l’aulne glutineux (Alnus glutinosa), le pâturin des prés (Poa pratensis), le pâturin comprimé (Poa compressa), le chiendent (Agropyron repens), la centaurée maculée (Centaurea maculosa), la saponaire officinale (Saponaria officinalis), l’épine-vinette du Japon (Berberisthunbergii) et le mélilot blanc (Melilotus alba). Les espèces fixatrices d’azote, comme le mélilot blanc, améliorent les conditions du sol et permettent ainsi à des espèces qui n’auraient normalement pas survécu dans les milieux pauvres en nutriments comme ceux où vit le ptéléa trifolié de s’y établir, ce qui augmente la concurrence et l’ombre que projettent les autres espèces. Dans les alvars de l’île Pelée, les herbes de pâturage forment des mats sur le substrat rocheux, favorisant probablement ainsi la succession par les arbustes (McFarlane, comm. pers., 2010). Les répercussions sur la population en général sont considérées comme modérées.

Les activités récréatives causant des bris et/ou des dommages chez des individus de toutes les classes d’âge (p. ex. l’utilisation de véhicules hors-piste [alvar de la route Stone], la pratique du vélo, le ramassage du bois pour allumer des feux, le camping et le piétinement [alvar de la route Stone]), la présence de mammifères herbivores (comme le cerf de Virginie, présent au parc national de la Pointe-Pelée et au parc provincial Rondeau bien avant que ne soit entreprise la gestion des espèces, le bétail, qui broute les feuilles et les fleurs, et les campagnols, qui pratiquent des incisions sur les arbres) et les amas d’ordures (alvar de la route Stone, réserve naturelle provinciale de Lighthouse Point, Erieau) sont d’autres menaces, quoique faibles et localisées, qui semblent peser sur les populations de ptéléas trifoliés. De plus, la menace potentielle que posent les changements climatiques sur l’ensemble de l’aire de répartition pourrait faire augmenter la fréquence, la gravité et la durée des tempêtes violentes et des vents résultants, accélérer l’érosion des rives causée par les vagues et réduire la concentration de glaces et l’affouillement connexe. Cela peut accélérer la succession de l’habitat et la stabilisation des rives. Les jeunes pousses, qui doivent déjà composer avec un environnement difficile, pourraient ne pas survivre à davantage de sécheresse et de chaleur. Outre ces menaces actuelles, il y a aussi les répercussions de longue date, comme la compaction du sol, causée par la présence de pâturages pour bestiaux dans les alvars de l’île Pelée.

La désignation actuelle d’espèce menacée du ptéléa trifolié, fondée sur une légère décroissance des populations dans l’aire de répartition (Ambrose, 2002), soit moins de 2 500 individus matures au Canada et moins de 1 000 dans chaque population (COSEPAC, 2002), n’est probablement plus valide. Étant donné la petite taille de l’aire de répartition canadienne de l’espèce et les grands écarts qui surviennent naturellement entre les zones centrales, il n’est ni réaliste ni approprié de chercher à étendre les zones d’occurrence et d’occupation au-delà de 20 000 km2 (seuil du COSEPAC pour la catégorie « espèce menacée ») et de 500 km2 (seuil du COSEPAC pour la catégorie « espèce en voie de disparition ») respectivement, ou de s’efforcer de réduire la fragmentation des populations. Il n’est pas non plus garanti que la gestion des populations empêchera le nombre d’emplacements de diminuer en deçà des 34 actuellement documentés dans le rapport du COSEPAC (Ambrose, 2002), et ce, pour deux raisons. D’abord, une diminution du nombre de populations pourrait se produire si un inventaire plus complet des rives du lac Érié permettait de situer l’espèce à de nouveaux endroits, à proximité de populations déjà connues, et que fusionnaient des populations autrefois considérées comme distinctes. De plus, le ptéléa trifolié a une courte durée de vie, et 40 % de ses populations comptent moins de cinq individus matures, ce qui le rend susceptible de disparaître à la suite de perturbations naturelles causées par des phénomènes météorologiques violents. Étant donné la rareté naturelle de l’habitat de l’espèce ainsi que les lacunes dans les connaissances relatives à la taille des populations à l’intérieur de l’aire de répartition, les objectifs de rétablissement liés à la population demeurent difficiles à établir pour l’instant. Par conséquent, la conservation de la population canadienne de ptéléas trifoliés dans l’état qu’on lui connaît actuellement constitue la priorité à court terme. À long terme, on aspire à améliorer la connaissance des populations individuelles et des zones centrales ainsi que de leur viabilité. Par conséquent, les objectifs liés à la population et à la répartition du ptéléa trifolié sont les suivants :

La clé de l’atteinte de ces objectifs en matière de population et de répartition à long terme se trouve dans la restauration et la conservation des mécanismes de perturbation naturelle, qui assureront la survie à long terme de l’habitat essentiel du ptéléa trifolié.

Des mesures visant à mettre à jour les données relatives à la taille et à la distribution du ptéléa trifolié au Canada ont été entreprises. Des relevés ont récemment été effectués au parc national de la Pointe-Pelée (Jalava et coll., 2008) et au parc provincial Rondeau (Dobbyn, 2005), et d’autres sont en cours dans la région de Niagara (MRNO, données inédites). Des produits de communication, dont des fiches d’identification du ptéléa trifolié (MRNO, 2009a), des affiches (MRNO, 2009b), des autocollants (MRNO, 2009c) et des aimants (MRNO, 2009d), ont été préparés et sont distribués aux propriétaires fonciers de la région de Niagara et incorporés dans les programmes et communications du parc national de la Pointe-Pelée, du parc provincial Rondeau et du parc provincial de Port Burwell. Quelques recherches ont été menées dans l’aire de répartition de l’espèce. Le tableau 3 présente, en ordre de priorité, les stratégies et approches générales qu’il faut adopter pour contrer les menaces énoncées à la section 4 et atteindre les objectifs liés à la population et à la répartition exposés à la section 5.

Les approches relatives à la planification du rétablissement nécessaires à l’atteinte des objectifs de population et de répartition sont présentées dans le tableau 3, selon leur degré d’urgence. Elles tiennent compte des menaces qui pèsent sur les populations et des besoins en information. La planification de ces approches tiendra compte des répercussions négatives possibles sur d’autres espèces en péril.

La plupart des données concernant le ptéléa trifolié ont été recueillies il y a huit à dix ans. Lors de relevés plus récents effectués au parc national de la Pointe-Pelée, on a inventorié le nombre de troncs plutôt que le nombre d’individus, ce qui rend la taille des populations difficile à estimer et les tendances difficiles à déterminer. Une étude approfondie des secteurs où les populations sont considérées subsistantes, historiques ou disparues et des parcelles d’habitat essentiel (p. ex. la rive du lac Érié, entre le comté d’Essex et la municipalité régionale de Niagara, ainsi que les rives et les îles de la rivière Niagara) doit être effectuée pour mettre à jour l’information sur chacune des populations.

De nombreuses activités peuvent être entreprises par les propriétaires fonciers et les gestionnaires de territoire, de façon indépendante ou conjointe, pour favoriser le rétablissement du ptéléa trifolié. L’indication des activités appropriées ainsi que la promotion et le soutien de l’intendance sont des éléments clés. Les processus côtiers naturels, le feu, les chablis, les infestations d’insectes, les maladies et d’autres perturbations auraient, par le passé, permis de conserver les échappées et les abords de forêt nécessaires à la colonisation et à la survie du ptéléa trifolié. Dans la mesure du possible, il faut permettre à ces processus naturels de se poursuivre, ou encore les restaurer ou les imiter. Il est à noter que les activités de restauration de l’habitat requises pour contrer les menaces que posent les espèces exotiques et/ou envahissantes ou la succession de l’habitat entraîneront une réduction du couvert forestier. Dans les endroits où des menaces ont été décelées, ces mesures sont jugées nécessaires et ne sont pas considérées comme une destruction de l’habitat essentiel, puisqu’elles favorisent une meilleure utilisation de l’habitat par le ptéléa trifolié.

Relativement peu de recherches ont été effectuées sur le ptéléa trifolié dans son aire de répartition, encore moins ici, au Canada. Le tableau 3 indique les recherches qui doivent encore être menées pour définir plus précisément l’habitat essentiel du ptéléa trifolié et atteindre les objectifs de son programme de rétablissement, notamment des recherches visant à obtenir des renseignements biologiques et écologiques de base concernant l’espèce, à recueillir des renseignements clés concernant la génétique, à finaliser l’évaluation des répercussions des menaces que posent les insectes herbivores et les cormorans, et à obtenir l’information nécessaire à la prise de mesures de gestion adaptative.

Des renseignements de base sur les antécédents locaux doivent encore être obtenus. Les ressources et conditions limitantes (lumière, nutriments, érosion et configuration des dépôts), les interactions biotiques (pollinisateurs, concurrents, prédateurs et parasites), les ratios mâles-femelles, les moyens, la distance et la fréquence de dispersion des graines, la viabilité des banques de semences, le taux de grenaison, la réussite de la germination en milieu sauvage, la survie des semis, la longévité, le rôle précis du ptéléa trifolié dans la succession et les répercussions de cette succession sont autant de points que l’on doit éclaircir pour favoriser le rétablissement de l’espèce.

Une analyse génétique doit être effectuée pour orienter la restauration de l’habitat, et plus particulièrement pour déterminer l’origine (indigène ou exotique) des individus situés à l’intérieur des terres, les différences génétiques au sein d’une même population et entre les différentes populations, la capacité de clonage de l’espèce (qui pourrait changer notre compréhension actuelle du véritable nombre d’individus au Canada), la diversité particulière à un emplacement (qui pourrait contribuer à la disparition ou à la survie à long terme de certains emplacements) et l’importance génétique de chacun des emplacements. Ces renseignements favoriseraient toute activité de restauration et d’augmentation jugée faisable.

Tableau 3 : Tableau de planification du rétablissement
Menace ou facteur limitant Degré de priorité Stratégie générale pour le rétablissement Description générale des approches de recherche et de gestion
Tous Élevé Effectuer un relevé des populations et des habitats ainsi que de la surveillance
  • Élaborer un protocole normalisé concernant le relevé des populations et des habitats ainsi que leur surveillance
  • Dresser une liste des endroits existants, historiques et d’où l’espèce a disparu, et déterminer l’emplacement approximatif des occurrences non vérifiées et d’autres habitats convenables qui pourraient contenir de nouvelles populations.
  • Effectuer un relevé exhaustif dans les endroits susmentionnés tous les cinq ans, y compris une évaluation de la taille, de la démographie, de la capacité de reproduction des populations, de la répartition, de l’état de santé (notamment celui des espèces nuisibles), du type d’habitat convenable, de sa qualité et de son étendue, des menaces et de leur importance, ainsi que des mesures de gestion actuellement en place à tous ces endroits et des tendances qui y sont associées.
  • Intégrer la science citoyenne lorsque cela est possible.
  • Élaborer un protocole pour assurer la mise à jour, la diffusion et la communication des données.
Tous Élevé Communiquer les pratiques exemplaires en matière de gestion et d’autres faits importants
  • Préparer une trousse d’information comprenant notamment les pratiques exemplaires en matière de gestion et la faire parvenir aux Premières nations, aux propriétaires fonciers et aux gestionnaires de territoire dont les terres abritent des ptéléas trifoliés afin de favoriser la connaissance de l’espèce (description, emplacement et menaces) et la participation aux activités de protection et de rétablissement.
Surabondance de nids de cormorans à aigrettes Élevé Gérer les répercussions des cormorans à aigrettes nicheurs et communiquer les besoins relatifs à ce type de gestion.
  • Gérer la présence des cormorans à aigrettes nicheurs sur l’île Middle conformément auplan de conservation de l’île (Dobbie, 2008) afin de prévenir la disparition de la population de ptéléas trifoliés qui s’y trouve.
  • Communiquer les besoins liés aux mesures de gestion pour conserver l’appui du public.
Changements dans les processus côtiers
Aménagement des paysages
Succession de l’habitat
Élevé Atténuer l’érosion.
  • Collaborer avec Environnement Canada, Pêches et Océans Canada, le MRNO, l’Office de protection de la nature de la région d’Essex, les municipalités locales et d’autres intervenants afin d’entreprendre des mesures d’atténuation de l’érosion dans les cellules littorales des deux côtés de la péninsule de la pointe Pelée.
    • oDécourager la stabilisation et la surprotection des rives, qui empêchent le transport des sédiments par l’eau et leur déplacement vers les plages où croît le ptéléa trifolié.
  • Enlever ou modifier les anciennes structures de protection des rives pour atténuer leurs répercussions sur le transport des sédiments, lorsque possible.
Tous Moyen Inciter les propriétaires fonciers à participer à la planification et à la mise en œuvre de mesures de protection et de rétablissement.
  • Collaborer avec les Premières nations, les groupes d’intervenants, les gestionnaires du territoire et les propriétaires fonciers dans le but d’obtenir du financement et de planifier et de mettre en œuvre les mesures nécessaires à la protection et au rétablissement des populations de ptéléas trifoliés en fonction des besoins prioritaires.
Tous Moyen Mettre en œuvre des accords d’intendance.
  • Collaborer avec des fiducies foncières pour préparer des accords d’intendance juridiques ou informels concernant les zones prioritaires (à déterminer) et protéger ainsi à long terme le ptéléa trifolié et son habitat des incidences découlant de l’humain.
Aménagement des paysages
Changements dans les processus côtiers
Succession de l’habitat
Présence de plantes exotiques envahissantes
Activités récréatives
Moyen Gérer la végétation.
  • Élaborer et mettre en œuvre des activités de gestion de la végétation pour contrebalancer les effets de l’aménagement des paysages, des changements dans les processus côtiers, de la succession de l’habitat, de la présence de plantes exotiques envahissantes et des activités récréatives, plus particulièrement dans les zones touchées par la modification des régimes de perturbation naturels.
  • Au besoin, cibler les plantes qui menacent les populations de ptéléas trifoliés par la concurrence.
Surabondance de nids de cormorans à aigrettes Moyen Effectuer des recherches et des évaluations sur les répercussions du cormoran.
  • Déterminer l’incidence à court et à long terme du guano du cormoran à aigrettes sur l’établissement et la préservation du ptéléa trifolié.
Présence d’insectes herbivores Moyen Effectuer des recherches et des évaluations sur la menace que pose la présence d’insectes herbivores.
  • Déterminer les habitudes alimentaires, le cycle biologique, l’aire de répartition et le cycle d’occurrence des insectes herbivores, et confirmer ou réfuter les répercussions sur les niveaux de population et leur gravité.
Manque d’information fondamentale Moyen Effectuer des recherches pour obtenir des renseignements de base de nature biologique et écologique.
  • Faire des recherches sur les ressources/conditions limitantes, les interactions biotiques, les ratios mâles-femelles, la grenaison, la dispersion et la viabilité des graines, la germination, la longévité, le rôle précis du ptéléa trifolié dans la succession et les répercussions de cette succession.
Tous Moyen Pratiquer la gestion adaptative.
  • Faire le suivi des activités de gestion active se rapportant au rétablissement du ptéléa trifolié et veiller à ce que les techniques de gestion soient améliorées en fonction des leçons apprises.
Activités récréatives Faible Minimiser les répercussions des activités récréatives.
  • Préparer et installer des panneaux dans les endroits publics pour informer les visiteurs de la présence du ptéléa trifolié et des façons de prévenir l’incidence des activités récréatives.
  • Contrôler l’accès des visiteurs.
  • Rétablir à l’état naturel, au besoin, les sentiers destinés aux visiteurs.
  • Recommander aux gestionnaires de terres publiques d’établir des règlements et/ou de veiller à leur application.
  • Recommander une application plus stricte des mesures de protection de l’environnement énoncées dans la Loi sur les véhicules tout terrain de l’Ontario.
Broutage/présence d’animaux herbivores Faible Gérer la surabondance des cerfs de Virginie et communiquer les besoins associés à une telle activité.
  • Gérer les populations de cerfs de Virginie conformément au plan de gestion des ressources et au plan directeur du parc (Hutchinson et coll., 1988; MRNO, 1991) dans les endroits où des répercussions sur le ptéléa trifolié se font sentir.
  • Communiquer les besoins associés à une telle activité afin d’obtenir et de conserver l’appui du public concernant la gestion des espèces surabondantes.
Tous Faible Effectuer des recherches de nature génétique.
  • Analyser les différences génétiques au sein des populations et entre celles-ci.
Aménagement des paysages
Activités récréatives
Faible Rapatrier et accroître des populations.
  • Évaluer la faisabilité du rapatriement[10] des populations disparues et de l’accroissement[11] des populations de petite taille et procéder à la mise en œuvre, lorsqu’approprié.
Changements climatiques Faible Réduire les changements climatiques.
  • Promouvoir et encourager les activités visant à ralentir le rythme des changements climatiques.

8 Les plantes allélopatiques suppriment les autres plantes ou en freinent la croissance en libérant des toxines chimiques.

9 Une espèce adventive est une espèce exotique ou répandue de façon locale dans un nouveau territoire.

10 Le « rapatriement » consiste à rétablir une espèce dans un milieu où elle était autrefois présente, mais d’où elle a disparu.

11 L’« accroissement » consiste à ajouter des individus d’une espèce à une population existante afin d’augmenter la taille de cette espèce.


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