Rapport annuel de 2019 sur la Loi sur les espèces en péril : chapitre 7
7. Surveillance

Photo : Yves Aubry © ECCC
La surveillance des espèces sauvages constitue le fondement scientifique de tous les aspects du programme des espèces en péril, de l’évaluation à la planification du rétablissement, en passant par la mise en œuvre et l’évaluation des mesures de conservation. Pour l’évaluation, les programmes de surveillance livrent de l’information sur les tendances de l’espèce en matière de répartition, d’abondance et de population, qui constituent des paramètres clés du programme d’évaluation du COSEPAC.
La planification du rétablissement repose sur les données des programmes de surveillance pour déterminer la répartition actuelle et cibler l’habitat essentiel des espèces en péril inscrites. Une surveillance appropriée des mesures de conservation permet l’évaluation de l’efficacité de celles-ci et oriente les initiatives à venir par l’entremise d’un processus de gestion adaptatif.

Photo : Nick Saunders
ECCC gère ou coordonne des programmes de surveillance pour toutes les espèces d’oiseaux migrateurs au Canada, de même que pour certaines autres espèces sauvages. Le Relevé des oiseaux nicheurs de l’Amérique du Nord, qui en était à sa 54e année d’enquête en 2019, sert de base à la surveillance de la situation de la plupart des espèces d’oiseaux terrestres au Canada et aux États-Unis. Ce relevé, comme bien d’autres en Amérique du Nord, repose sur la collaboration de milliers de bénévoles compétents qui savent identifier toutes les espèces d’oiseaux de leur région par leur apparence et par leur son. Les données de ce relevé ont revêtu une importance fondamentale dans le repérage de grands déclins de populations chez de nombreuses espèces d’oiseaux. Le rapport L’état des populations d’oiseaux du Canada 2019 [PDF], qui repose grandement sur ce relevé, cible des oiseaux de prairie, des oiseaux de rivage et des insectivores aériens (oiseaux qui se nourrissent d’insectes en vol, comme les martinets, les hirondelles et les engoulevents) comme espèces préoccupantes à l’égard de leurs besoins de conservation. Plusieurs espèces de chaque groupe ont été inscrites en vertu de la LEP comme étant menacées ou en voie de disparition en raison des préoccupations liées à ces rapides déclins de population, alors que d’autres sont toujours en évaluation.
Un autre rapport de 2019 reposant sur ces programmes de surveillance, rédigé par des chercheurs d’ECCC en collaboration avec de nombreux collègues des É.-U., révèle que les populations globales d’oiseaux aux É.-U. et au Canada ont diminué de 30 %, ce qui représente une perte nette d’environ trois milliards d’individus nicheurs. Cela suggère que la capacité des écosystèmes nord-américains à soutenir les espèces sauvages s’est considérablement détériorée, ce qui met en évidence la nécessité d’adopter des mesures de conservation.
En 2019, des biologistes d’ECCC en Saskatchewan, au Yukon et à Terre-Neuve ont poursuivi des relevés pilotes en vue d’élaborer une nouvelle approche d’échantillonnage pour surveiller les oiseaux dans les vastes forêts boréales qui s’étendent à l’échelle du Nord du Canada. Ces forêts abritent les zones de reproduction de milliards d’oiseaux, dont bon nombre migrent annuellement vers l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. Ces oiseaux risquent de faire face à diverses menaces, allant de la perte d’habitat dans leurs haltes migratoires ou leurs aires d’hivernage aux effets des changements climatiques dans leurs aires de reproduction. Actuellement, la majeure partie des données de surveillance liées à ces espèces proviennent de la limite sud de la forêt, accessible par la route, mais les tendances des populations dans ces zones peuvent différer de celles que l’on pourrait observer dans des zones moins perturbées. L’approche d’échantillonnage d’ECCC utilise un modèle sophistiqué pour assurer la représentativité spatiale et obtenir une bonne couverture de tous les types d’habitat, tout en atténuant les coûts. Les résultats obtenus jusqu’ici indiquent qu’il s’agit d’une approche d’échantillonnage efficace.
ECCC utilise aussi de plus en plus des unités d’enregistrement autonomes (UEA) pour surveiller les populations d’oiseaux. Ces appareils peuvent être fixés sur un arbre ou un poteau et programmés pour enregistrer les sons des oiseaux (et d’autres espèces fauniques) selon un horaire prédéterminé. Par exemple, en effectuant plusieurs jours d’enregistrement, en se concentrant sur les heures d’activité accrue en avant-midi, on peut estimer les probabilités de détection et ainsi améliorer l’efficacité des relevés. On peut aussi programmer l’enregistrement au crépuscule ou la nuit, pour détecter des espèces comme les hiboux ou les engoulevents en toute confiance. Dans les zones éloignées qui ne sont pas facilement accessibles durant la saison de la couvaison, il est possible de déployer des UEA en hiver, en accédant aux zones visées en motoneige ou par les routes d’hiver. Il suffit ensuite de programmer les appareils afin de réaliser des enregistrements à répétition au printemps, en été et à l’automne, ce qui permet d’obtenir de l’information non seulement sur les nombres d’oiseaux nicheurs, mais aussi sur leur date d’arrivée et de départ.
ECCC a aussi continué à investir dans le Programme de surveillance régionale et internationale des oiseaux de rivage (PRISM), un programme de surveillance reposant sur une combinaison de relevés dans les aires de reproduction de l’Arctique, les haltes migratoires et les aires d’hivernage, principalement en Amérique du Sud. Les suivis migratoires, qui ont cours depuis le début des années 1970, constituent actuellement la principale source d’information sur les tendances des populations d’oiseaux de rivage et ont fourni les données qui ont permis de conclure que de nombreuses espèces sont en grave déclin. Les relevés PRISM réalisés dans l’Arctique sont particulièrement complexes à mettre en œuvre, puisqu’ils nécessitent normalement des équipes de quatre personnes travaillant dans différents camps en zone éloignée dans l’Arctique et se déplaçant en hélicoptère pour accéder aux parcelles échantillons. En une vingtaine d’années, jusqu’en 2018, les biologistes d’ECCC ont réussi à réaliser une première ronde de relevés dans le cadre de laquelle ils ont échantillonné toutes les aires d’habitat potentiellement convenables pour les oiseaux de rivage à l’échelle de l’Arctique canadien. Ces données sont en cours d’analyse pour estimer la population totale d’oiseaux nicheurs de chaque espèce et de cartographier la répartition des activités de reproductions dans tout l’Arctique. Une autre ronde de relevés du même ordre a repris en 2019 pour commencer à déterminer comment l’abondance et la répartition peuvent changer en raison des changements climatiques et d’autres menaces. Ces données seront étudiées avec les données relatives aux tendances migratoires et d’autres renseignements afin de déterminer si des espèces doivent être inscrites en vertu de la LEP.

Les atlas des oiseaux nicheurs représentent une autre série de programmes de surveillance importante qui contribue à l’évaluation et à la conservation des espèces en péril. Ces projets requièrent habituellement un travail intensif sur environ cinq ans, faisant appel à une combinaison de bénévoles compétents et de professionnels en vue de recueillir des renseignements détaillés sur la répartition et l’abondance des oiseaux à l’échelle d’une région. Les données sont habituellement recueillies dans des zones de 10 x 10 km reposant sur une grille UTM (Universal Transverse Mercador), mais des relevés sont aussi réalisés dans des zones précises pour les espèces coloniales et les espèces préoccupantes du point de vue de la conservation, dont les espèces inscrites en vertu de la LEP. Ces données contribuent ainsi à la cartographie de l’habitat essentiel et au repérage de zones devant faire l’objet de mesures de conservation. ECCC a travaillé en collaboration avec l’organisation non gouvernementale Oiseaux Canada, de même qu’avec de nombreux autres partenaires, afin de produire des atlas en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba, dans le Québec méridional et dans les Maritimes. La cueillette de données en vue de la préparation de l’atlas du Québec méridional a pris fin en 2014, mais une importante étape a été franchie en 2019, avec la publication des résultats dans un ouvrage intitulé Deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional, qui a valu à ses coauteurs le prix du Scientifique de l’année de Radio-Canada. Des travaux sont en cours en vue de produire un atlas du Nord du Québec. Une troisième année de cueillette de données a été réalisée pour l’atlas de la Saskatchewan. Des données ont ainsi été obtenues des prairies du sud aux forêts boréales du nord (en collaboration avec le projet boréal mentionné plus haut). Des projets sont en cours pour la réalisation d’un nouvel atlas à Terre-Neuve (à partir de 2020) et d’un troisième atlas des oiseaux nicheurs en Ontario (à compter de 2021).
Des programmes de financement fédéraux administrés par ECCC et, dans certains cas, gérés conjointement par le Ministère, le MPO et Parcs Canada (y compris le Programme d’intendance de l’habitat, le Fonds autochtone pour les espèces en péril et le Fonds interministériel pour le rétablissement), soutiennent aussi des activités de surveillance. Les renseignements provenant de ces initiatives, de même que ceux qui émanent des chercheurs et des organisations partenaires, permettent le suivi des progrès en vue de l’atteinte des objectifs de rétablissement.
Le MPO recueille des données sur les espèces en péril dans le cadre de travaux scientifiques et en appuyant la science citoyenne par l’entremise de ses programmes de subvention et de contribution. Le MPO a grandement concentré ses activités de surveillance sur les populations de mammifères marins et la répartition de celles-ci, en mettant l’accent sur les espèces suivantes, qui sont en voie de disparition : l’épaulard résident du sud, la baleine noire de l’Atlantique Nord et le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent.
En 2019, le MPO a fait des avancées dans plusieurs de ses domaines de travail de surveillance, notamment :
- le déploiement de l’utilisation des technologies et des approches existantes pour assurer la surveillance et le suivi des baleines dans les eaux canadiennes, de même que l’élaboration, la mise à l’essai et la mise en œuvre de nouvelles approches et technologies à diverses fins, y compris pour alimenter les mesures de ralentissement des navires et de gestion de la pêche;
- la surveillance des niveaux de contaminants chez les baleines et leurs proies;
- la surveillance des populations de baleines noires de l’Atlantique Nord (Canada atlantique), de baleines boréales (population des mers de Béring, des Tchouktches et de Beaufort), de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent et de bélugas de la baie Cumberland;
- la répartition, les déplacements et l’utilisation de l’habitat par les baleines à bec communes sur la plateforme néo-écossaise;
- la répartition et l’abondance des loutres de mer dans le Pacifique;
- l’évaluation du potentiel de rétablissement de la baleine grise, population du groupe s’alimentant le long de la côte du Pacifique et population du Pacifique Ouest.
L’Agence Parcs Canada surveille plusieurs indicateurs d’écosystèmes et espèces en péril dans les aires qu’elle administre. En 2019, les progrès réalisés dans les activités des plans d’action plurispécifiques définitifs de l’APC ont fait l’objet d’un suivi dans le système national de base de données sur la surveillance écologique de Parcs Canada. L’information obtenue grâce aux activités de surveillance et aux cibles des plans d’action sert à déterminer les progrès réalisés dans l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition et les mesures de rétablissement, comme il est indiqué dans les plans d’action plurispécifiques.
En 2019, l’APC a continué à suivre la distribution des espèces trouvées sur les terres et dans les eaux qu’elle administre. Ces renseignements contribuent à alimenter les rapports Espèces sauvages, les rapports de situation du COSEPAC et l’élaboration des plans d’action plurispécifiques. L’Agence Parcs Canada a aussi examiné 41 rapports de situation du COSEPAC en 2018 pour les espèces terrestres et aquatiques présentes sur les terres et les eaux qu’elle administre.