Plan de gestion de la réserve nationale de faune de Bradwell : chapitre 3


3 Menaces et défis relatifs à la gestion

Les quatre défis et menaces suivants nuisent à l’intégrité écologique de la réserve nationale de faune de Bradwell (RNF). L’intégrité écologique de la RNF de Bradwell est jugée bonne malgré ces défis et ces menaces, car elle fournit un habitat important à une variété d’oiseaux nicheurs et migrateurs, y compris plusieurs espèces en péril.

3.1 Ouvrages artificiels de régulation d’eau

Historiquement, l’ouvrage de la RNF de Bradwell a nécessité l’accès à de l’équipement lourd, des travaux d’excavation, le déversement de sols et de sous-sol et l’installation de structures de métal et de ciment. L’exploitation subséquente de cet ouvrage exige l’accès au site avec un véhicule plusieurs fois par année, entre avril et octobre, pour surveiller les niveaux d’eau et prendre des décisions concernant l’emplacement ou l’enlèvement des batardeaux. Dans cette région, les bassins fermés naturels de terres humides se remplissent tôt dans l’année avec le ruissellement nival et perdent de l’eau par évaporation ou infiltration par la suite (Stewart et Kantrud, 1971). Toutefois, plusieurs bassins de terres humides sur la RNF de Bradwell sont munis de raccords artificiels d’entrée et de sortie pour obtenir un apport d’eau douce supplémentaire provenant des rivières, pendant plusieurs jours ou semaines à la fin du printemps chaque année, pour aider à remplir les bassins en aval. À l’occasion, des castors et des rats musqués doivent être piégés, des arbres et des arbustes coupés, l’herbe doit être coupée et le fond des fossés doit être dragué en vue de maintenir le fonctionnement des structures artificielles. Le réaménagement des structures tous les 20 à 30 ans exige encore une fois le même processus d’accès de l’équipement lourd, d’excavation, de remblayage et d’installation.

Les activités nécessaires pour entretenir ou réaménager l’ouvrage de régulation d’eau font partie de six à sept activités interdites décrites à l’article 3 du Règlement sur les réserves d’espèces sauvages. La principale circonstance atténuante de cette activité dans la RNF de Bradwell est l’issue positive du maintien de l’habitat des terres humides et des populations d’oiseaux aquatiques, en particulier les nichées de canards, pendant les périodes de sécheresse, soit cinq années sur vingt ans. Toutefois, il devient difficile de mettre en œuvre d’autres formes de gestion active par crainte de causer des effets environnementaux cumulatifs et de susciter d’autres menaces pour la RNF.

Par exemple, les sentiers empruntés par le bétail dans les milieux secs convergent à quelques franchissements autour des terres humides et par-dessus les fossés, et le bétail préfère emprunter les pentes des fossés profonds où il se roule sur le sol et où il y a des minéraux à lécher (figure 4), ce qui a réduit le couvert de végétation le long des pentes et contribue probablement à l’envasement ou l’eutrophisation accrue des terres humides pendant les périodes de précipitations et d’écoulement entre les bassins (Kauffman et Krueger, 1984).

Dans les habitats aquatiques, la végétation presque submergée ou flottante qui pourrait nuire à l’exploitation du réseau d’alimentation en eau du sud-est de Saskatoon est contrôlée en amont par des injections toutes les deux semaines d’un herbicide aquatique, l’acroléine, qui peut détruire le potamot, le myriophylle et d’autres plantes aquatiques de la RNF de Bradwell qui servent de couvert ou d’aliment important pour les oiseaux aquatiques migrateurs (Cota-Sánchez et Remarchuk, 2007). Les autorités du Saskatchewan Water Supply Board étaient d’avis qu’au moment où l’herbicide photosensible et de courte durée atteint la RNF de Bradwell et le projet Baldwin, l’acroléine se dégraderait et que les effets de l’herbicide seraient négligeables. Ils ferment également la prise d’eau de la RNF pendant 24 heures après l’application de l’herbicide, à environ 1,6 km en amont (Franz Environmental Inc., 2006). Il n’y a eu aucune surveillance des bassins de la RNF de Bradwell pour détecter ou évaluer l’effet des ajouts d’acroléine.

La présence de la tête-de-boule pourrait être préoccupante sur le plan de la conservation, même si cette espèce est indigène. Ailleurs dans la région, où des raccords artificiels ont été installés entre les terres humides, le méné a été capable de nager en amont et de coloniser ces milieux humides qui autrement ne sont pas propices à la vie des poissons. Lorsque les ménés arrivent, ils font directement concurrence à la sauvagine pour la nourriture en consommant des invertébrés aquatiques (Hanson et al., 2005). L’effet peut être considérable et diminuer la valeur des terres humides comme habitat d’élevage de la couvée de sauvagine au milieu de l’été, et éliminant ainsi tout avantage que procure l’ouvrage de régulation d’eau. Il n’y a pas eu d’échantillonnage pour surveiller la présence et l’abondance du méné tête-de-boule, car il a été détecté en 1983 (Service canadien de la faune, 1985).

D’autres effets cumulatifs de l’ouvrage de régulation d’eau sont la propagation des plantes aquatiques et émergentes exotiques envahissantes ou l’ajout d’autres substances nocives pour les habitats des terres humides par le réseau de canaux. Les efforts pour lutter contre ces menaces avec des outils chimiques ou mécaniques ne peuvent qu’exacerber les effets cumulatifs. Jusqu’à maintenant, le bétail n’a pas endommagé l’ouvrage de métal et ne lui a pas nui, mais ce conflit entre les deux outils pour gérer les habitats des terres humides ou des milieux secs, y compris les besoins conflictuels d’eau pendant l’été et l’automne, pourrait devenir problématique.

Figure 4 : Érosion due au piétinement du sol par le bétail et aux dépressions creusées par le bétail le long d’une digue artificielle de drainage et près d’un ouvrage de régulation d’eau à poutrelles dans la réserve nationale de faune de Bradwell.

Érosion due au piétinement du sol par le bétail et aux dépressions creusées

Photo : D. Henderson © Environnement Canada, 2015

3.2 Espèces de plantes exotiques envahissantes

Comme il est mentionné à la section 2.4, l’envahissement des milieux secs par le chardon des champs, le laiteron des champs, l’armoise absinthe et le mélilot jaune a été important. La plus grande partie des terrains élevés cultivés ont été ensemencés avec du brome inerme et de la luzerne et maintenant, le brome inerme a envahi la pente descendante de la plupart des zones en bordure des milieux humides. Le long de la lisière sud de la RNF, le canal contient des populations considérables d’alpiste roseau et de roseau commun, bien qu’on ignore s’il s’agit de l’espèce exotique ou indigène.

La décision de gestion de réensemencer les terres cultivées avec des graminées fourragères et des légumineuses dans les années 1970, puis de permettre à une grande partie de cette végétation de persister de façon naturelle pendant des années, a été la plus grande source de semences pour la propagation des espèces envahissantes observées à la RNF de Bradwell. Les besoins relatifs à l’habitat et au paysage de la sauvagine ne conviennent pas toujours à d’autres espèces d’oiseaux, en particulier aux oiseaux chanteurs endémiques de prairie, dont un grand nombre d’espèces sont en péril. Le couvert vivace demeure important pour les oiseaux chanteurs de prairie (McMaster et Davis, 2001), mais les réponses à la structure de ce couvert et du paysage environnant est ce qui diffère entre les oiseaux chanteurs et les canards (McMaster et al., 2005). Certaines espèces d’oiseaux chanteurs dépendent des pâturages indigènes broutés à graminées courtes ou peuvent éviter les habitats d’arbustes en marge des terres humides (Koper et Schmiegelow, 2006, 2007; Skinner et Clark, 2008).

Depuis 2008, le report du pâturage par le bétail a servi à réduire les risques d’incendie provenant de l’accumulation de litière et à créer un habitat de nidification hétérogène. Toutefois, l’effet combiné d’avoir laissé cette prairie ensemencée sans culture pendant plusieurs décennies, puis d’avoir reporté le pâturage, a été une production de semences importante et un vaste envahissement par diverses espèces de plantes exotiques bisannuelles et vivaces. Bien que cette communauté végétale semble être un bon couvert de nidification pour les canards et un habitat de prédilection pour les gaufres et les souris, elle ne convient pas à la plupart des autres espèces d’oiseaux migrateurs ou en péril des milieux secs.

La remise en état et l’amélioration de cet habitat pour un plus vaste éventail d’oiseaux migrateurs exigeraient un pâturage mieux ciblé pour le bétail, et possiblement, la conversion de certains champs aux cultures annuelles pendant plusieurs années avant de tenter le réensemencement avec un mélange plus diversifié de graminées indigènes.

3.3 Extraction du gravier

Plusieurs gravières ont été exploitées à proximité de la RNF de Bradwell par le passé, mais la plupart ont été épuisées. Actuellement, il y a une grande gravière à 1,3 km à l’est de la RNF. Le travail dans une gravière peut perturber la faune dans les environs immédiats, altérer les nappes phréatiques locales et le réseau de drainage et introduire de nouvelles espèces exotiques envahissantes dans la région. Même si l’extraction et la demande de gravier augmentent dans la région en raison du développement économique à Saskatoon, on estime qu’il ne s’agit pas d’une menace grave, compte tenu des servitudes de conservation sur la majeure partie de la propriété avoisinante. Les considérations socio- économiques peuvent changer et augmenter la probabilité de cette menace en particulier.

3.4 Gestion multiorganismes des terres

À proximité de la RNF de Bradwell, de nombreux organismes gèrent et administrent les terres, notamment Canards Illimités Canada, le ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan (terres publiques provinciales) et le ministère de l’Environnement de la Saskatchewan (Wildlife Habitat Protection Lands) (figure 2). Cette approche multi-organismes a assuré la disponibilité de nombreuses parcelles de terre pour l’habitat faunique en couvrant environ 2000 acres (0,4 ha) (sans compter les projets de terres humides de Canards Illimités Canada [CIC]) dans les environs immédiats de la RNF de Bradwell. La coordination multi-organismes pourrait améliorer les efforts déployés en partageant les ressources et en confiant la gestion à une seule autorité.

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