Plan de gestion de la réserve nationale de faune de Bradwell : chapitre 5

5 Approches de gestion

La présente section et le tableau 4 présentent une description de toutes les approches susceptibles d’être utilisées dans la gestion de la réserve nationale de faune de Bradwell. Les activités de gestion particulières seront toutefois définies lors du processus de planification annuelle et mises en œuvre en fonction des ressources financières et humaines disponibles.

^dDegré de priorité :
(1) = de 0 à 3 ans
(2) = de 4 à 6 ans
(3) = de 7 à 10 ans

5.1 Gestion des habitats des milieux secs

Le pâturage et le feu seront utilisés pour créer de la diversité dans la structure et la composition de la communauté végétale de la RNF de Bradwell, ce qui améliore l’habitat faunique. On sait qu’une plus grande variété de la structure et de la composition du couvert vivace des milieux secs favorise une plus grande diversité d’espèces comparativement à une monoculture ou à un système de récolte uniforme (Askins et al., 2007; Rotenberry et Wiens, 1980). Par exemple, la densité et le succès de nidification de la sauvagine semblent augmenter dans les paysages présentant de nombreux petits milieux humides et une mosaïque de terres non cultivées et de terres cultivées portant du fourrage vivace et des cultures annuelles (Arnold et al., 2007). Certaines espèces, comme le Canard pilet, peuvent en fait bénéficier de la fenaison ou d’une quelconque forme de gestion du couvert vivace (McMaster et al., 2005). On pourrait donc recourir à de nouvelles interventions de gestion pour atteindre le but d’améliorer l’habitat faunique.

5.1.1 Brûlage dirigé

Chaque année, on peut effectuer un brûlage dirigé afin de réduire le couvert d’arbustes indigènes envahissants, de graminées vivaces exotiques ainsi que l’accumulation de litière, qui constitueraient un risque d’incendie. Un total cumulatif de 43 ha (50 % des milieux secs) sera brûlé tous les cinq ans, de sorte que la période de récurrence moyenne des feux dans les prairies sèches est de dix ans; cet intervalle est conforme avec le régime des feux naturels dans cette région (Wright et Bailey, 1982). Pour en minimiser les effets négatifs à court terme sur les oiseaux migrateurs, on limitera le brûlage au début du mois d’avril avant la période de nidification, ou aux mois de septembre et d’octobre, après la période de nidification.

Les unités de brûlage viseront à remettre en état les prairies indigènes restantes et à maintenir les prairies indigènes cultivées, en association avec le pâturage du bétail. Les limites des unités de brûlage comprendront des éléments bâtis comme des sentiers et des fossés, des plans d’eau libre ou des coupe- feu tondus qui suivent les limites des propriétés ou les crêtes. Ces éléments soit présentent des discontinuités dans les combustibles, soit facilitent l’accès de l’équipement, ou encore sont de bons endroits pour le démarrage de contre-feux qui descendront lentement la pente. Les contre-feux démarrés sur ces éléments de limite seront la forme privilégiée d’allumage, l’allumage par bandes et les feux sous le vent n’étant utilisés que lorsqu’il y a une ligne brûlée ou un plan d’eau de 10 à 15 mètres de largeur sous le vent et sur les flancs. On ne procédera pas au brûlage lorsque la vitesse du vent dépasse 25 km/h, afin de réduire le risque de transport à grande distance des braises de combustibles ligneux et le risque que le feu enjambe les coupe-feux (Cheney et Sullivan, 2008). Les unités de brûlage seront conçues de sorte que chaque feu puisse être géré en toute sécurité par l’effectif actuel de personnel adéquatement formé. Enfin, on n’effectuera pas de brûlage pendant les périodes d’interdiction décrétées par les municipalités des environs ou la province.

Les autres procédures, dont les exigences de formation de Santé et sécurité au travail, les listes de vérification avant brûlage, le système de commandement des interventions, le nettoiement d’une zone incendiée et la coopération avec les propriétaires des alentours et les services d’incendie municipaux, seront définies dans les plans de brûlage individuels.

5.1.2 Pâturage du bétail

Le pâturage du bétail domestique peut diversifier la structure du couvert vivace à la RNF de Bradwell et limiter l’envahissement par les mauvaises herbes et les plantes ligneuses. Par conséquent, le pâturage sera un outil important du maintien de l’intégrité écologique de la RNF de Bradwell et de la plus grande hétérogénéité dans le couvert de nidification favorisant une plus grande diversité d’oiseaux. Deux éléments de la mise en œuvre du régime de pâturage sont la conception du régime de pâturage le mieux adapté à l’écosystème et la construction de l’infrastructure nécessaire pour supporter ce régime. Les régimes de pâturage sont définis par le moment, la durée, la fréquence et la densité de chargement. La rotation des pâturages consiste à faire passer les animaux d’un pacage à un autre, le report consiste à retarder le pâturage d’un pré jusqu’à ce que la plupart des plantes aient fini de produire des semences et le repos consiste à ne pas mettre un pacage en pâturage pendant au moins un an (Heitschmidt et Stuth, 1991).

La RNF de Bradwell sera gérée en reportant le pâturage à l’été et à l’automne (après le 15 juillet), à une densité de chargement modérée, afin de maintenir la productivité et la densité du couvert végétal pour la nidification de la sauvagine. Les brûlages en parcelles de prairies indigènes restantes peuvent aider à cibler le pâturage du brome inerme dans la RNF en juillet. Le chargement maximal estimé pour la RNF de Bradwell est de167 unités animales-mois (UAM), en supposant des conditions climatiques moyennes et la dominance des graminées cultivées sur 77 ha de milieux secs composés de sol sableux brun foncé et 15 ha de prés humides avec un sol brun foncé (voir Thorpe 2007 pour les méthodes). Les chargements réels entre 2008 et 2012 ont varié comme suit : 299 UAM en 2008, 173 en 2009, 91 en 2010, 39 en 2011, 0 en 2012 et 122 en 2013. Les conséquences de la surutilisation fourragère en 2008, y compris la création de sentiers avec de profondes ornières, étaient toujours visibles en 2012. Les périodes de pâturage réelles ont également varié d’août à octobre.

5.1.3 Traitement d’herbicides

La lutte contre les nouvelles espèces exotiques envahissantes ou les mauvaises herbes considérées comme nuisibles aux termes de la Saskatchewan Weed Control Act utilisera les formulations chimiques et calendriers d’application des opérateurs antiparasitaires titulaires de permis. L’application se fera jusqu’à 30 mètres à l’intérieur des limites de la RNF en vue de favoriser la conformité à cette loi. Toutes les techniques d’application feront intervenir des équipements à main ou montés sur véhicule tout-terrain pour éviter le plus possible de perturber la végétation avoisinante. On pulvérisera de façon ponctuelle un herbicide pour mauvaises herbes à feuilles larges à effet résiduel limité sur les principales espèces qui font problème, comme le chardon des champs ou l’armoise absinthe. Dans aucun cas, des mesures de végétalisation de suivi ne devraient être nécessaires; il suffira de surveiller le succès des mesures appliquées et de procéder à une nouvelle application en cas d’échec.

5.2 Gestion des habitats des terres humides

Les habitats des terres humides changent naturellement avec les fluctuations des niveaux d’eau. Les étangs temporaires deviennent souvent secs au milieu de l’été, ou sont complètement secs la moitié des années sur une période de 20 ans (Stewart et Kantrud, 1971). Les fluctuations des niveaux d’eau sont régies par deux facteurs principaux : le climat et la gestion des terres. Ce n’est que dans le domaine de la gestion des terres qu’on peut influer indirectement sur les terres humides, en régissant la quantité de ruissellement ou d’infiltration d’eau souterraine qui entre dans le bassin du milieu humide. Les apports liés à la gestion des terres peuvent aussi influer sur la qualité de l’eau, étant donné la sédimentation, la turbidité accrue et l’eutrophisation. C’est pourquoi les régimes de pâturage et de brûlage proposés à la section 5.1 auront inévitablement un effet sur les terres humides en augmentant le ruissellement tout en réduisant l’infiltration et la transpiration. Les eaux de ruissellement contiendront également des nutriments organiques et minéraux présents dans les cendres et les déchets d’élevages. Il s’agit de perturbations naturelles dans cet écosystème et elles peuvent constituer des sources essentielles de carbone organique dissous pour l’activité biologique dans les terres humides.

En matière de gestion des habitats, il n’est généralement pas souhaitable de réguler la quantité et le débit d’eau, parce qu’on sait que la recharge de réservoirs artificiels et le drainage des terres humides ont des effets environnementaux néfastes pour certaines espèces sauvages et leurs habitats (Murkin, 1998; Bartzen et al., 2010). Comme la RNF est une aire protégée fédérale, elle est assujettie à des lois et à des politiques qui prônent la conservation des espèces sauvages et de la fonction des terres humides. Toutefois, la gestion dirigée des terres humides dans le projet Baldwin vise à avantager la sauvagine, en particulier les nichées au milieu de l’été, lorsque l’approvisionnement d’eau naturelle peut être un facteur limitant de la survie des nichées. Comme la RNF de Bradwell a été créée au départ pour protéger l’infrastructure de régulation d’eau et la quantité d’eau disponible pour les projets de CIC, cet ouvrage sera donc maintenu en vue de soutenir la fonction des terres humides.

La maintenance peut inclure des visites opérationnelles et des inspections fréquentes du personnel de CIC et, à l’occasion, l’accès avec de l’équipement lourd, l’excavation et le remplacement du sol, le dragage et le nettoyage des fossés, le remplacement des ponceaux de métal et la revégétalisation des sites perturbés. Ces activités doivent être conformes à la Politique fédérale sur la conservation des terres humides et ne pas être susceptibles de causer des effets environnementaux néfastes importants en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012). Les aspects de la réglementation qui concernent le prélèvement d’eau du réseau de canaux relèvent de la Saskatchewan Water Security Agency, qui délivre les permis à CIC à cette fin.

5.3 Gestion de la faune

La chasse est permise dans la RNF de Bradwell selon un avis affiché à l’entrée de la propriété. Les chasseurs de sauvagine ont soutenu financièrement le projet Baldwin de CIC pour que la chasse à la sauvagine soit permise dans la région. Tous les règlements fédéraux et provinciaux relatifs à la chasse aux espèces sauvages s’appliquent à la RNF de Bradwell.

Le retrait occasionnel de castors ou de rats musqués sera autorisé aux endroits où ces animaux sont responsables de l’obstruction d’ouvrages de régulation d’eau ou de l’inondation de routes municipales. On appliquera des méthodes sans cruauté pour le retrait des animaux, de leurs huttes et des éventuels barrages, et on mettra en œuvre des méthodes de prévention et de suivi, sous la direction d’un agent de conservation provincial et dans le respect des lois provinciales applicables.

Aucune autre mesure active de gestion des populations d’espèces sauvages n’est prévue pour la période 2014-2018.

5.4 Partenariat de gestion multi-organismes des terres

La principale fonction de la RNF de Bradwell est de protéger l’ouvrage de régulation d’eau construit par CIC afin de fournir de l’eau aux zones humides jusqu’en dehors de limite de la RNF de Bradwell. L’intérêt de ce projet provient du fait que les impacts de cet ouvrage s’étendent majoritairement à travers le projet Baldwin, qui est le projet majeur de la région géré par CIC. Pris ensemble, la RNF de Bradwell et le projet Baldwin de CIC offrent un habitat important à une concentration importante sur le plan national de la sauvagine migratrice, et ce aligné à la stratégie sur les aires protégées (Environnement Canada 2011b). Un partenariat de gestion multi-organismes, où la RNF de Bradwell est consolidée aux propriétés adjacentes de CIC et confiée à une seule autorité de gestion dirigée par Environnement Canada, est une voie possible pour remédier aux irrégularités mentionnées ci-dessus, et elle a été recommandée dans le dernier plan de gestion pour la RNF de Bradwell (Service canadien de la faune, 1985). Grâce à cette option, les besoins conflictuels des utilisateurs d’eau en aval peuvent être réduits et les ressources en eau peuvent être gérées en fonction d’un éventail plus vaste d’espèces sauvages, ce qui est plus conforme au Règlement sur les réserves d’espèces sauvages. En outre, l’élargissement du territoire et des terres humides de la RNF de Bradwell attirerait une concentration plus importante d’espèces migratrices et un plus grand nombre d’oiseaux, ce qui est plus conforme aux critères de sélection et de conservation d’une réserve nationale de faune. Une deuxième option consisterait à mettre en place une entente de gestion coopérative avec CIC afin de gérer conjointement la RNF de Bradwell et le projet Baldwin adjacent de CIC.

L’évaluation de la faisabilité des deux options ci-dessus exige une communication ouverte entre le Service canadien de la faune, Canards Illimités Canada, la municipalité de Blucher, les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement de la Saskatchewan et les propriétaires des terres entourant la RNF de Bradwell, de façon à pouvoir discuter des options de consolidation de la propriété pour la gestion ou d’options de gestion coopérative. La communication entre les parties intéressées est la première étape de l’évaluation des dimensions écologiques et socio-économiques de l’élargissement possible de la RNF de Bradwell aux propriétés privées adjacentes.

5.5 Surveillance

Les activités de surveillance suivantes seront menées à la RNF de Bradwell pour évaluer les buts et les objectifs de gestion et pour satisfaire aux objectifs de toute stratégie ou de tout plan d’action de rétablissement des espèces en péril. Comme il a été mentionné précédemment, toutes les activités de surveillance se dérouleront dans les limites imposées par les ressources humaines et financières disponibles.

1. répartition et abondance de la sauvagine, des espèces d’oiseaux chanteurs et des espèces en péril (but 1, objectifs a-c, but 2, objectif a).
2. habitats appropriés dans les milieux secs pour les oiseaux chanteurs des prairies et les canards de prairie, en particulier le Pipit de Sprague et le Canard pilet, à l’aide de mesures d’obstruction verticale et du couvert foliaire qui seront comparées aux besoins publiés en matière d’habitat (but 1, objectifs a-c).
3. répartition et abondance des espèces de plantes indigènes (but 1, objectifs a-c).
4. répartition et abondance des espèces exotiques envahissantes (but 1, objectif c).
5. évaluations de la santé des terrains de parcours et des milieux riverains (lentiques) aux endroits où broute le bétail - à l’aide entre autres de mesures avant et après avec sites de traitement et sites témoins (but 1, objectifs a-c et but 2, objectif a).
6. réductions de la végétation ligneuse dues aux traitements par brûlage - à l’aide de mesures de la hauteur et de la densité, dont des mesures avant et après avec sites de traitement et sites témoins (but 1, objectifs a et c).
7. réductions des mauvaises herbes nuisibles suivant l’application de mesures de lutte - à l’aide de mesures visant la couverture, la superficie ou la densité selon le type de mauvaises herbes, pour l’année où le traitement a été appliqué et la suivante (but 1, objectif b).
8. qualité de l’habitat aquatique pour la sauvagine, à l’aide de l’abondance de la végétation presque submergée et du méné tête-de-boule comme indicateurs de l’acroléine ou des apports d’eau du canal aux sites d’impact et de régulation (but 2, objectif a.).
9. respect par les titulaires de permis et par CIC des interdictions d’activités et des conditions des permis (but 1, objectifs a-c, but 2, objectifs a-c).
10. vérification annuelle de l’état des installations et infrastructures en vue de leur réparation, remplacement ou déclassement (but 1, objectifs a-c, but 2, objectifs a-c).

Les résultats des diverses activités de surveillance seront pris en compte dans la planification de la gestion annuelle et courante de la RNF de Bradwell. Il pourra y avoir des changements dans les activités de surveillance après l’examen quinquennal du plan et des buts de gestion.

5.6 Recherche

On envisage de délivrer des permis pour les activités de recherche lorsque les résultats de celles-ci seraient susceptibles de :

1. réaliser un ou plusieurs des buts ou objectifs de gestion;
2. ne pas nuire à la conservation des espèces sauvages;
3. ne pas causer d’effets environnementaux néfastes importants.

Pour obtenir un permis de recherche dans la RNF de Bradwell et recevoir des instructions concernant les lignes directrices pour une proposition de recherche, veuillez communiquer avec :

Réserve nationale de faune - Demandes de permis
Environnement CanadaService canadien de la faune
Région des Prairies et du Nord
115 Perimeter Road
Saskatoon (Saskatchewan) S7N 0X4

5.7 Information et sensibilisation du public

Peu de gens visitent la RNF de Bradwell pour observer la faune ou chasser la sauvagine et un programme substantiel d’information du public et de sensibilisation n’est pas justifié. Pour les publics nationaux et internationaux, une information sommaire est largement accessible par l’entremise du site Web des aires protégées d’Environnement Canada. Pour les publics locaux, les panneaux d’information et de limites sont essentiels à la poursuite du travail de sensibilisation au site. Les publics locaux et les résultats dont il faut tenir compte en préparant tout matériel ou événement de communications comprennent :

• les utilisateurs agricoles détenteurs de permis, les chasseurs ou les entrepreneurs responsables de l’entretien qui se conforment à toutes les conditions du permis ou aux avis affichés;
• les voisins qui peuvent rapidement signaler les infractions soupçonnées ou les activités interdites au Service canadien de la faune.

Comme les utilisateurs locaux sont les plus susceptibles d’avoir une incidence sur la RNF de Bradwell, il est important de renforcer le soutien local des buts et des objectifs de gestion de la RNF. Il est raisonnable de s’attendre à un niveau constant de soutien local et de conformité quant aux activités interdites, compte tenu du fait que la gestion actuelle comprend le pâturage du bétail appartenant à des propriétaires locaux, la chasse permise, de même que le retrait occasionnel des castors problématiques.