Plan de gestion de la réserve nationale de faune de l’Île Portage : chapitre 2


2 Ressources écologiques

2.1 Habitats terrestres et aquatiques

L’île Portage est un écosystème côtier de dunes où l’on rencontre en alternance des cordons dunaires et des creux interdunaires du nord-est au sud-ouest le long de l’île. Sur l’île, la perturbation anthropique est minime. Le sommet des dunes présente une succession bien définie, depuis des dunes couvertes principalement d’ammophiles (Ammophila breviligulata) jusqu’à des dunes d’arbustes, de lichen et de forêts arbustives. On trouve principalement des marais salés à proximité de l’anse Gammon et dans les creux interdunaires le long de la côte est de l’île, tandis que des marais et marécages d’eaux saumâtres et douces occupent les creux situés au centre de l’île. Selon les connaissances historiques locales, la forêt de pins gris (Pinus banksiana)couvrant la moitié nord de l’île (voir les figures 4 et 5) a brûlé deux fois ces dernières années; le dernier gros incendie a eu lieu à la fin des années 1940 ( Malone, 1978 ). À ce jour, 51 espèces de plantes ont été identifiées sur l’île Portage ( Malone, 1978; Christie, 1978; Hinds, 1983; Hinds, 2000; Roland, 1998 ).

La flore de l’île dépend largement de l’âge des dunes sous-jacentes. Les marécages arbustifs composés principalement de la spirée à larges feuilles (Spiraea latifolia), du myrique baumier (Myrica gale), de la calamagrostide raide (Calamagrostis neglecta), de la berle douce (Sium suave) et du bouleau gris (Betula populifolia) sont courants dans les portions intérieures de l’île Portage. La quenouille à feuilles larges (Typha latifolia) et le scirpe maritime (Bolboschoenus maritimus) sont également courants. Les eaux marines et l’air salin influent sur la plus grande partie des étangs peu profonds de l’intérieur de l’île, ce qui entraîne la forte croissance de la ruppie maritime (Ruppia maritima) dans ces étangs. Les étangs dans les marais salés côtiers sont souvent bordés de spartine alterniflore (Spartina alterniflora) et contiennent une petite quantité de ruppies. La zostère marine (Zostera marina) domine dans le vaste étang à l’extrémité sud de l’île. Le potamot pectiné (Potamogeton pectinatus) et le Sparganium multipedunculatum, peu courant, sont présents dans le grand étang du côté est de l’île ( Whitman, 1970; Rothfels et Blaney, 2004 ).

La flore des marais salés est semblable à celles d’autres marais de la région ( Hanson, 2004 ). Des espèces dominantes telles que la spartine étalée (Spartina patens) et le jonc de Gérard (Juncus gerardii) se trouvent dans toute la superficie des marais, et la quenouille à feuilles larges, la fétuque rouge (Festuca rubra), le jonc de la Baltique (Juncus balticus) et le carex paléacé (Carex paleacea) poussent en terrain plus élevé. On note également quelques tales de distichlis en épi (Distichlis spicata). De plus, la livèche d’Écosse (Ligusticum scothicum) est courante dans les aires enrichies par du varech. Dans la RNF, on trouve également la salicorne (Salicornia europaea), l’arroche étalée (Atriplex patula) et la glauce maritime (Glaux maritima).

Des plages entourent l’île et, à l’exception de touffes occasionnelles d’ammophiles à ligule courte et de seigles de mer (Elymus mollis), elles sont dépourvues de végétation. Des zones supérieures de plages atteignent la portion intérieure de l’est de l’île à cause de l’érosion due à des

tempêtes; ces zones sont en train d’être colonisées par le rumex à feuilles de graminée (Rumex acetosella). L’ammophile à ligule courte et le seigle de mer, espèces pionnières des dunes, ont stabilisé le terrain relativement nouveau à l’extrémité sud. Ces dunes étendues offrent une protection pour l’établissement d’espèces courantes telles que le carex silicicole (Carex silicea), le rosier de Virginie (Rosa virginiana), la gesse maritime (Lathyrus japonicus) et le cirier de Pennsylvanie (Myrica pennsylvanica).

2.2 Faune

L’habitat côtier unique de la réserve nationale de faune (RNF) de l’Île Portage a grandement influé sur les espèces et l’effectif des animaux sauvages sur l’île. La mosaïque de dunes ondulées qui comprennent différentes phases de succession végétale entremêlée de milieux humides présente une diversité introuvable sur les îles côtières voisines.

Figure 4 : Succession de dunes, réserve naturelle de faune de l’Île Portage.
Succession de dunes
Photo : M. Malone © Environnement Canada, 1978
Figure 5 : Dunes boisées (pins gris), réserve nationale de faune de l’Île Portage.
Dunes boisées (pins gris)
Photo : C. MacKinnon © Environnement Canada, 2005

2.2.1 Oiseaux

La RNF de l’Île Portage se trouve au milieu de l’embouchure de la rivière Miramichi; ainsi, on observe un nombre considérable d’oiseaux sur l’île et à proximité de celle-ci (77 espèces). Il n’y a pas de grande colonie d’oiseaux de mer ou d’autres oiseaux aquatiques coloniaux sur l’île Portage, mais celle-ci est utilisée abondamment comme site d’alimentation et de repos par un certain nombre d’espèces. La portion boisée de l’île abrite également un nombre important d’espèces de passereaux.

Le Cormoran à aigrettes (Phalacrocorax auritus) et la Sterne pierregarin (Sterna hirundo) se nourrissent dans les eaux peu profondes autour de l’île et se reposent sur ses plages, où l’on y a dénombré 595 et 521 individus, respectivement. L’île Egg, juste au sud de l’île Portage, abrite des colonies pouvant atteindre 610 couples de Goélands marins (Larus marinus), 441 couples de Goélands argentés (Larus argentatus) et 558 couples de Cormorans à aigrettes ( MacKinnon, 1996 ). Les oiseaux de ces colonies fréquentent sans aucun doute l’île Portage.

Directement au nord de l’île Portage se trouve la barre Neguac, site qui a déjà abrité une grande colonie de Sternes pierregarins. Une colonie de cette espèce est située à l’île Little Huckleberry, à environ 10,5 km au sud de la RNF de l’Île Portage. Ces deux colonies se composaient de plus de 1 800 et de 3 500 individus, respectivement, à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Cependant, leur effectif a beaucoup diminué ces dernières années à cause de la perturbation anthropique et de l’érosion d’aires de nidification propices. L’île Portage pourrait

également offrir des sites de nidification de remplacement qui ne subissent pas les perturbations anthropiques influant négativement sur ces colonies. Les nicheurs coloniaux de grande taille, comme le Grand Héron, peuvent à l’occasion se déplacer vers un habitat adéquat à proximité d’une colonie existante ou d’autres îles ( Davis et al., 2011; MacKinnon et al., 2005; MacKinnon et Kennedy, 2006 ).

Les goélands et les mouettes se reposent et se nourrissent le long de la côte de l’île Portage. À la RNF, on a observé au maximum 23 Mouettes de Bonaparte (Larus philadelphia), 200 Goélands à bec cerclé (Larus delawarensis), 465 Goélands argentés et 175 Goélands marins.

Les marais salés et les creux interdunaires abritent également plusieurs espèces d’oiseaux. Le Canard noir (Anas rubripes) est l’espèce de sauvagine la plus souvent observée et la plus abondante; cependant, on a aussi observé en nombre moins élevé des Sarcelles d’hiver (Anas crecca), des Canards colverts (Anas platyrhynchos), des Sarcelles à ailes bleues (Anas discors), des Canards pilets (Anas acuta) et des Canards d’Amérique (Anas americana). Les Grands Hérons (Ardea heroidias) fréquentent également ces marais, et des Harles huppés (Mergus serrator) ont été observés en nombres substantiels, avec un nombre maximal de 333 mentions ( Christie, 1978; Erskine, 1978 ).

Les oiseaux de rivage utilisent les plaines intertidales autour de l’île, en particulier le long des côtés nord et ouest et dans l’anse Gammon. Même si des relevés sont peu fréquents, on a observé 11 espèces d’oiseaux de rivage. Neuf d’entre elles sont des migrateurs communs, et 3 espèces - le Chevalier semipalmé (Tringa semipalmata), le Chevalier grivelé (Actitis macularia) et la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) - nichent probablement sur l’île. Les Pluviers argentés (Pluvialis squatarola) sont particulièrement abondants sur les plages de la RNF au cours de la migration printanière.

Une des espèces d’oiseaux les plus évidentes qui nichent sur l’île Portage est le Balbuzard pêcheur. Au moins trois nids ont été observés en 2000, et quatre nids occupés l’ont été en 1987 et en 1989. La portion boisée de l’île abrite également un certain nombre d’espèces de passereaux, mais des relevés exhaustifs n’ont pas été menés.

Le Pluvier siffleur (Charadrius melodus), en voie de disparition, niche sur l’île Portage. Il préfère les dunes exposées et les zones balayées par le vent près de l’extrémité sud de l’île.

2.2.2 Mammifères

La diversité des mammifères est faible sur l’île Portage. Les espèces suivantes ont été observées dans la RNF : campagnol des prés (Microtus pennsylvanicus), musaraigne cendrée (Sorex cinereus), lièvre d’Amérique (Lepus americanus), vison (Mustela vison), renard roux (Vulpes vulpes) et phoque gris (Halichoerus grypus).

Le morse (Odobenus rosmarus) a déjà été chassé sur l’île Portage. En 1968, M. R.D. Young y a trouvé un crâne de morse datant de plusieurs centaines d’années. Ce spécimen ( NBMG 4584 ) est maintenant exposé au Musée du Nouveau-Brunswick ( Miller, 1990 ).

2.2.3 Reptiles et amphibiens

Aucun reptile ou amphibien n’a été observé dans la RNF.

2.2.4 Poissons

L’observation fréquente de Grands Hérons et de Martin-pêcheurs d’Amérique (Ceryle alcyon) en quête de nourriture laissent supposer la présence, dans les étangs salés et les creux interdunaires, d’épinoches et d’autres poissons fréquentant les eaux saumâtres. Cependant, on n’a pas procédé à l’échantillonnage de ces milieux humides pour déterminer la composition en espèces.

Les plages de la RNF de l’Île Portage attirent fréquemment de grands nombres d’oiseaux qui se nourrissent de lançons (Ammodytes americanus) en période de fraye. Le 19 juin 1985, on a observé les oiseaux suivants se nourrissant de ce poisson sur le côté sud-est de l’île Portage : 173 Sternes pierregarins, 50 Goélands marins, 250 Goélands argentés et 50 Goélands à bec cerclé.

2.2.5 Insectes

Un bref relevé des macroinvertébrés a été effectué par le Centre de données sur la conservation du Canada atlantique ( Rothfels et Blaney, 2004 ), qui a noté trois espèces de coléoptères, six espèces de papillons et sept espèces de libellules ainsi que d’autres spécimens de libellules identifiés au genre seulement. Le coléoptère Trichodes nuttalli, associé aux pinèdes et aux prairies sablonneuses, a été observé pour la première fois au Nouveau-Brunswick.

2.3 Espèces en péril

Le Pluvier siffleur (sous-espèce Melodus), espèce en voie de disparition, niche sur l’île Portage depuis de nombreuses années (voir le tableau 4 et la figure 6). L’île abrite plus de 1 % des quelque 400 individus se trouvant dans les provinces de l’Atlantique ( Environnement Canada, 2012 ).

La RNF de l’Île Portage constitue un habitat de nidification et peut-être de rassemblement pour le Pluvier siffleur. Cette espèce favorise les grandes plages de sable, de gravier ou de galets pour la nidification; elle préfère les îles-barrières, les langues de sable et les péninsules. L’espèce niche, s’alimente et s’abrite dans la zone intertidale, depuis la laisse de basse mer jusqu’au sommet d’une dune végétalisée, généralement définie par la présence d’ammophiles ou d’autres végétaux dunaires. L’habitat destiné à l’alimentation et à l’élevage des couvées doit être situé à proximité des sites de nidification. Des caractéristiques du microhabitat telles que la présence de varech, de bois de grève et de mares temporaires améliorent l’habitat en offrant des possibilités d’alimentation et de refuge. La zone de plage entière est donc un élément important de l’habitat essentiel de l’espèce,

depuis la laisse de basse mer et la zone intertidale jusqu’à la ligne de végétation (ammophiles ou autres végétaux dunaires) ou au sommet d’une dune végétalisée ( Gratto-Trevor et Abbott, 2011 ). L’habitat essentiel du Pluvier siffleur a été identifié sur l’île Portage ( Environnement Canada, 2012 ).

On ne connaît aucune autre espèce en péril qui se reproduit dans la RNF, mais le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) y est de passage au printemps et à l’automne. D’autres oiseaux d’intérêt (espèce désignée sensible ou en péril par la province du Nouveau-Brunswick) sont le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), le Moqueur roux (Toxostoma rufum), l’Alouette hausse-col (Eremophila alpestris) et le Chevalier semipalmé (Catoptrophorus semipalmatus).

Tableau 3 : Espèce en péril dans la RNF de l’Île Portage : Oiseau
Noms commun et scientifique de l’espèce Statut
Canada
Loi sur les espèces en péril (LEP)Note1de bas de tableau 3
Statut
Canada
Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)Note2de bas de tableau 3
Statut
Nouveau-Brunswick
Classification à l’échelle provincialeNote3de bas de tableau 3
Présence ou potentiel de présenceNote4de bas de tableau 3
Pluvier siffleur
Charadrius melodus melodus
En voie de disparition En voie de disparition En péril Présence confirmée
Faucon pèlerin
anatumNote5de bas de tableau 3
Falco peregrinus anatum
Préoccupante Aucun statut Aucun statutNote6de bas de tableau 3 Présence confirmée
Bihoreau gris
Nycticorax nycticorax
Aucun statut Aucun statut Sensible Présence probable
Moqueur roux
Toxostoma rufum
Aucun statut Aucun statut Sensible Présence probable
Bruant noir et blanc
Calamospiza melanocorys
Aucun statut Aucun statut Occasionnelle Présence probable
Chevalier semipalmé
Catoptrophorus semipalmatus
Aucun statut Aucun statut Sensible Présence probable
Tableau 4 : Observations de Pluviers siffleurs ( Charadrius melodus melodus) à la RNF de l’Île Portage
Année Individu seul Couples (nids observés) Total des adultes
1983 0 1 2
1985 1 2 5
1987 1 1 (1) 3
1991 0 1 2
1994 1 1 3
1996 1 1 3
1999 1 1 3
2000 0 2 (1) 4
2001 1 3 7
2002 0 3 6
2003 0 5 10
2005 0 1 2
2006 0 1 2
2007 1 2 3
Figure 6 : Nid de Pluvier siffleur dans un habitat typique de la RNF de l’Île Portage.
Nid de Pluvier siffleur dans un habitat
Photo: A. Macfarlane © Environnement Canada, 2000

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