Être guidée par ses valeurs

Profil d'Emilie Reny-Nolin
Être guidée par ses valeurs

Emilie Reny-Nolin est une scientifique qui occupe un poste bien particulier à Environnement et Changement climatique Canada (ECCC). Elle donne des conseils et coordonne les programmes scientifiques, en plus d'agir à titre d'agente de liaison avec les Autochtones pour divers groupes au sein de la Direction générale des sciences et de la technologie et pour la Direction générale régionale des régions de l'Est et du Centre. Si son poste est unique, son parcours l'est tout autant. Emilie est une grande passionnée des animaux et ses parents lui ont inculqué dès son jeune âge des valeurs orientées sur la protection de la nature et de l'environnement.

Emilie a débuté sa carrière comme technicienne en santé animale, puis ses études universitaires lui ont permis de se spécialiser en sciences biologiques et, plus précisément, en écologie. Après avoir été technicienne en santé animale à l'urgence d'un hôpital vétérinaire et à l'Institut de cardiologie de Montréal, et agi à titre de première répondante pour des mammifères marins en difficulté, elle a développé une spécialisation hors pair dans le travail collaboratif en science avec les communautés autochtones du Nord du Québec.

Sortir de sa zone de confort

C'est pendant qu'Emilie réalisait sa maîtrise en biogéosciences de l'environnement à l'Université Laval de Québec, en 2017, que l'idée de collaborer avec des communautés nordiques a émergé. « J'ai fait le choix de cette maîtrise, car elle touchait à une multitude de disciplines en environnement, et me permettait de suivre des cours sur une foule de sujets qui m'intéressaient; c'était un cursus parfait pour satisfaire ma curiosité », explique Emilie, qui était de retour de voyages aux Philippines et à Vancouver. Ces expériences ont fait grandir son intérêt déjà présent pour la compréhension de la dynamique des écosystèmes naturels.

En bordure des résidus miniers près de Schefferville – Matimekush-Lac John.

« J'ai vu un poste affiché pour les étudiants qui consistait à participer à un projet d'étude sur les conséquences des véhicules tout-terrain dans des communautés au Nord du Québec. En plus d'avoir été interpellée par le côté très concret de cette étude, j'ai eu envie de participer à ce projet pour sortir de ma zone de confort, comme cela consistait à aller dans des régions que je ne connaissais pas et de travailler avec des gens dont j'ignorais tout de leur mode de vie! », raconte la scientifique qui n'a pas peur de relever des défis.

Elle a donc communiqué avec le responsable de ce projet à l'Institut national de la recherche scientifique situé à Québec. De fil en aiguille, Emilie s'est vu confier un poste d'agente de recherche afin d'assurer la gestion du projet de recherche MiraNor, qui regroupe cinq chercheurs indépendants et leurs étudiants et touche des domaines comme l'écotoxicologie, la géomorphologie et l'hydrologie environnementale. L'objectif : restaurer et protéger des habitats du poisson affectés par l'activité minière à proximité de la communauté innue de Matimekush-Lac John, près de Schefferville. Grâce au Fonds pour dommages à l'environnement, administré par ECCC, l'équipe de MiraNor a pu réaliser un projet d'écotoxicologie dans cette région du bassin versant de la rivière de Caniapiscau pour répondre aux préoccupations environnementales des communautés présentes.

Faire le pont entre les scientifiques et les gardiens du territoire

« J'avais tout à apprendre à mon arrivée en poste! J'ai dû bâtir mon réseau de contacts, assurer la gestion des budgets, soutenir les étudiants dans leurs protocoles de recherche et l'organisation de leurs déplacements sur le terrain, et surtout, apprendre à tisser des liens avec les gens des communautés autochtones nordiques », se remémore Emilie. Heureusement, elle a eu l'appui de personnes déjà bien établies dans le domaine, notamment Alexandre-Guy Côté, conseiller en affaires autochtones à la Direction générale régionale de l'Est et du Centre à ECCC, qui est rapidement devenu un mentor et un guide pour sa carrière.

Pose de collet près de la communauté de Uashat mak Mani-utenam.

Une fois le projet MiraNor terminé, Emilie s'est jointe à ECCC dans le cadre d'un projet pilote lancé en 2022 par la Direction générale régionale des régions de l'Est et du Centre et la Direction générale des sciences et de la technologie. Ce projet a vu le jour afin de coordonner plus efficacement les activités courantes d'ECCC en matière d'élaboration et de mise en œuvre de projets de recherche dirigés par la Direction générale des sciences et de la technologie et auxquels participent des communautés autochtones de la région du Québec. Dans ce contexte, Emilie a entamé ses fonctions à titre d'agente de liaison pour faire le pont entre les scientifiques, les organisations, et environ 50 communautés autochtones, facilitant ainsi le développement de projets de recherche collaboratifs entre les chercheurs et les membres des communautés autochtones.

« Mon travail consiste à établir un dialogue avec les communautés, écouter leurs besoins et leurs préoccupations environnementales, puis faire le pont avec les scientifiques d'ECCC pour les amener à développer des projets de recherche qui prennent en compte les réalités de tous, tout en facilitant la collaboration avec les gardiens autochtones, qui connaissent leur région mieux que personne! », précise Emilie, portée par ce projet qui rejoint en tous points ses valeurs liées à la science, à la conservation et au travail collaboratif.

Un projet en attire un autre

Le travail d'Emilie prend tout son sens alors qu'il répond aux préoccupations des communautés autochtones et permet le suivi de la santé de populations d'animaux sauvages qui sont parfois en péril. « Grâce au travail de toutes les parties prenantes, on répond à des questions concrètes. Cela peut prendre du temps avant d'avoir des réponses, mais les retombées sont tangibles », précise-t-elle. La durée dans le temps de tels projets représente effectivement un défi, d'autant plus qu'Emilie participe également à la recherche de fonds pour assurer la pérennité des projets qu'elle entreprend avec ses partenaires.

Mon travail est varié et me permet de toucher à de nombreux aspects de la science. Mais ce que j’aime par-dessus tout de mon rôle est que l’humain est au cœur de mon travail : être en contact avec les membres des communautés autochtones m’anime au plus haut point. Nous avons tant à apprendre d’eux.

Emilie Reny-Nolin

Par exemple, en 2022, Philippe Thomas, biologiste de la faune à ECCC, en collaboration avec des chercheurs de l'Université d'Ottawa et avec l'appui d'Emilie et de son équipe, a développé un prototype en laboratoire permettant d'évaluer l'état de santé des hardes de caribous à l'aide de leurs fèces, récoltées par les membres de communautés innues, au nord du Québec. Ce volet de validation de principe étant terminé, les chercheurs aspirent maintenant à mettre au point des ensembles portatifs d'analyses d'hormones, capables de résister aux conditions climatiques hivernales nordiques. Ainsi, les gardiens du territoire pourront eux-mêmes faire l'analyse des hormones de stress ou reproductives dans les fèces de caribou, favorisant ainsi leur autonomie et leur permettant de bâtir leur propre base de données sur la santé du caribou, un souhait qu'ils ont manifesté. L'aboutissement de ce projet, prévu pour 2026, est une grande fierté pour Emilie.

Échantillonnage de sédiments en lac près de Matimekush-Lac John.

Emilie a vite réalisé que lorsque les résultats des projets sont transmis aux communautés, ces résultats soulèvent bien souvent de nouvelles questions qui peuvent mener à de nouvelles investigations scientifiques. À la question « quel est ton plus grand apprentissage depuis le début de ce projet pilote? », elle répond : « Celui de l'importance d'être à l'écoute. En arrivant dans les communautés, j'avais beaucoup de choses à leur dire, mais j'ai réalisé l'importance d'écouter leurs préoccupations, et leurs enseignements, qui sont très riches, ce qui a permis de développer des liens de confiance et même des amitiés! Leur mémoire collective et leurs connaissances ancestrales doivent impérativement être intégrées dans la façon dont nous conduisons nos projets. C'est aussi ça, la réconciliation avec les communautés autochtones. »

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