Rapport de l’examen indépendant de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada : Une approche à l’octroi de l’asile axée sur la gestion des systèmes

Rapport de l’examen indépendant de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada : Une approche à l’octroi de l’asile axée sur la gestion des systèmes (PDF, 2,18 Mo)

Le 10 avril 2018

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Notice biographique de l’examinateur indépendant

Neil Yeates a occupé le poste de sous ministre à Citoyenneté et Immigration Canada (maintenant Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada) de 2009 à 2013. Avant d’assumer ce rôle, M. Yeates a agi à titre de sous ministre délégué à Affaires indiennes et du Nord Canada et de sous-ministre adjoint à Santé Canada et à Industrie Canada.

M. Yeates est arrivé au gouvernement du Canada en 2004, après avoir travaillé au gouvernement de la Saskatchewan. Au cours de ses 20 années de carrière au gouvernement de la Saskatchewan, il a occupé divers postes de sous ministre, notamment au ministère de l’Apprentissage, au ministère de l’Éducation postsecondaire, de l’Apprentissage et de la Formation professionnelle, ainsi qu’au ministère des Services correctionnels et de la Sécurité publique. Il a également exercé les fonctions de sous ministre adjoint aux ministères de la Santé, des Services sociaux et des Finances.

M. Yeates est titulaire d’un baccalauréat (avec distinction) en sciences politiques et en histoire de l’Université Queen’s et d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université de Regina.

Après son départ à la retraite en 2013, M. Yeates s’est joint au conseil d’administration du Sentier transcanadien, dont il est maintenant le président. Il est également coprésident du Conseil du capital humain à l’Institut C.D. Howe, membre du Comité de vérification du ministère de la Justice et mentor pour la Fondation Trudeau.

Secrétariat de l’examen de la CISR

Secrétaire générale

  • Lesley Soper

Conseillers

  • Miquelon Deller
  • Hala Elshayal
  • Ginette Grenier
  • Jennifer Irish
  • Luke Morton
  • Ahsin Rafi
  • Klara Steele
  • Anna Wong

Collaborateur

  • Samar Abou-Assaf

Soutien administratif

  • Chantal Thérien

Avant-propos

Le système d’octroi de l’asile est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il est une fois de plus confronté à une hausse marquée du nombre de demandes d’asile qu’il n’est pas en mesure de gérer, au risque de créer un arriéré important qui, s’il n’est pas traité rapidement, pourrait mettre des années à se résorber. Le présent examen indépendant a été entrepris en raison d’une productivité plus faible que prévu à la Section de la protection des réfugiés (SPR), laquelle a été constatée au moment où le nombre de demandes reçues a commencé à croître en 2015 et en 2016. L’examen a donc été commandé avant que la plus récente hausse ne commence réellement à se faire sentir, accentuant l’urgence de procéder aux travaux de l’examen. Non seulement le nombre de demandes d’asile a augmenté dans une mesure importante en 2017, s’élevant à près de 50 000 au cours de l’année civile, mais cette augmentation était aussi en grande partie attribuable aux demandeurs d’asile traversant illégalement la frontière afin de se soustraire à l’application des dispositions de l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis, en vertu desquelles la demande d’asile de bon nombre d’entre eux allait probablement être jugée irrecevable au Canada. En réponse au présent processus d’examen et au nombre grandissant de demandes d’asile, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a lancé de manière indépendante, en juillet 2017, un plan d’action visant à accroître la productivité de son effectif. En parallèle, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) faisait l’objet d’un examen distinct de ses ressources et de ses priorités en vue de renforcer la planification et le contrôle des finances, prescrit par le Conseil du Trésor.

Le système de reconnaissance du statut de réfugié, que l’on appelle le système d’octroi de l’asile au Canada (SOAC), a beaucoup évolué depuis que le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et le Protocole en 1969. Plus récemment, le système a fait l’objet de vastes mesures de réforme en 2010 et en 2012, aux termes de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés et de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada. Les mesures de réforme – dont les résultats à ce jour sont décrits en détail dans le présent rapport – étaient axées sur le traitement accéléré des demandes d’asile de sorte que les demandeurs d’asile de bonne foi soient admis plus rapidement et que les demandeurs d’asile déboutés, après avoir fait appel à la nouvelle Section d’appel des réfugiés (SAR) de la CISR, soient renvoyés plus rapidement du Canada. Elles visaient à gérer le processus d’octroi de l’asile comme un système, prévoyant les mécanismes de gouvernance et de mesure du rendement nécessaires pour surveiller le SOAC et le rajuster au gré des circonstances. Divers changements ont été apportés à l’appui de cette approche axée sur la gestion des systèmes, comme l’adoption de dispositions législatives concernant les délais pour la tenue des audiences et le transfert aux fonctionnaires du rôle de décideur de première instance à la SPR de la CISR, lequel était auparavant exercé par des personnes nommées par décret.

Au cours de cet examen axé sur la gestion, il est apparu évident que deux paradigmes entrent en fait en ligne de compte. Le premier, le paradigme de la gestion des systèmes, vise à imposer l’ordre et la gouvernance à l’échelle du système. L’autre, le paradigme passif ou de l’indépendance, permet à chaque composante du système de fonctionner de façon autonome, sans tenir compte, ou presque, du système dans son ensemble. Il faut une gouvernance de système ou horizontale solide et active pour manœuvrer ce système complexe et en orienter le rendement et les résultats. La CISR oscille depuis toujours entre ces deux paradigmes, mais, en règle générale, elle fonctionne comme un organisme décisionnel autonome, distinct des autres volets du système d’octroi de l’asile, et fait preuve d’une grande déférence envers les décideurs, ce qui contribue à sa passivité. Par conséquent, on a fait un usage limité des lignes directrices et d’autres outils pour appuyer et superviser les membres de l’effectif désignés comme les « commissaires » de la CISR. La réticence de la part de la direction de la CISR à établir des cibles quant au nombre de décisions devant être rendues chaque semaine et à adopter des outils comme des aides à l’évaluation des décisions ou des modèles de décision normalisés montre à quel point cette approche est bien ancrée dans la culture de l’organisation. Ce modèle autonome axé sur le décideur laisse peu de marge de manœuvre pour adopter des outils de gestion des systèmes sans aggraver les préoccupations de la CISR eu égard à l’érosion de l’indépendance institutionnelle. Même s’il va de soi que les décideurs se doivent d’être impartiaux et indépendants dans l’exercice de leur fonction, l’examen devait expressément étudier en détail le défi parallèle de l’indépendance institutionnelle à la lumière des réussites et des difficultés que présente la gestion d’un système d’octroi de l’asile reposant sur un modèle de tribunal indépendant.

Le présent rapport contient trois recommandations fondamentales. La première vise l’adoption d’une approche axée sur la gestion des systèmes pour le SOAC. La deuxième propose que ce soit fait de l’une des deux manières suivantes :

  • Option 1 : Conserver en grande partie, en délaissant quelques éléments, la structure et les rôles actuels de la CISR, d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et de l’ASFC (ce qu’on appellerait la « réforme du système »), mais faire en sorte qu’ils soient surveillés par un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile;
  • Option 2 : Entreprendre une réforme structurelle d’envergure afin de créer un système d’octroi de l’asile intégré dont une seule organisation (que l’on désignerait comme l’« agence de protection des réfugiés »), relevant directement du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, cumulerait autant de fonctions que possible. L’agence de protection des réfugiés serait responsable de la réception des demandes, de la prise de décisions de première instance concernant la protection des réfugiés et de décisions relatives à l’examen des risques avant renvoi, ainsi que de la réinstallation des réfugiés depuis l’étranger. Un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile assurerait également la gouvernance à l’échelle du système.

Des recommandations détaillées ont été formulées quant à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une approche axée sur la gestion des systèmes et à la refonte des processus d’octroi de l’asile actuels. Ces recommandations peuvent être mises en application de manière à conserver la structure en place – l’option de la réforme du système – ou dans le contexte d’un nouvel organisme. Bon nombre de ces recommandations, si elles sont acceptées, pourront être mises en œuvre sur-le-champ. La première étape, cependant, est de déterminer s’il convient d’adopter une approche axée sur la gestion des systèmes et, dans l’affirmative, de commencer aussitôt la mise en œuvre tout en évaluant plus à fond l’option organisationnelle privilégiée. Il est important de déterminer le modèle organisationnel dès que possible, car l’option retenue aura une incidence sur la manière dont l’approche axée sur la gestion des systèmes sera élaborée et mise en œuvre.

La troisième recommandation fondamentale consiste à accroître provisoirement la capacité actuelle du système. Quelle que soit l’approche retenue à long terme, cette option exigera des ressources supplémentaires dans l’immédiat. Il est recommandé qu’une approche intensive soit adoptée pour éliminer l’arriéré actuel de demandes à traiter d’ici avril 2020. Si les recommandations formulées dans le présent rapport sont acceptées, cette approche serait conçue et mise en œuvre dans le contexte de l’une ou autre des options prévues pour un régime axé sur la gestion des systèmes.

Le rapport, divisé en sept chapitres, présente tout d’abord un aperçu de l’évolution du système d’octroi de l’asile, puis certaines pratiques exemplaires à l’étranger, suivies d’un résumé des points de vue des intervenants et des grandes lignes de différents modèles pour le Canada, pour finir par une analyse plus détaillée et un ensemble de recommandations à l’égard d’une approche axée sur la gestion des systèmes. Un résumé des modèles se trouve au chapitre 7.

Contexte de l’examen

Dans le cadre du budget de 2017, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté s’est vu confier le mandat de soumettre la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) à un examen indépendant des procédures de traitement des demandes d’asile afin de recenser les gains d’efficience possibles et les façons d’accroître la productivité des décideurs de la Section de la protection des réfugiés (SPR), en plus de revoir le mandat de la CISR au chapitre de la gouvernance, de la structure et des mécanismes de reddition de comptes qui s’y rattachent (voir la version intégrale du cadre de référence).

Même si l’examen consistait à étudier la prise de décisions de première instance et la SPR de la CISR, tous les éléments du processus d’octroi de l’asile ont été pris en compte, depuis la réception des demandes jusqu’à la prise de décision et au renvoi ou à l’octroi de la résidence permanente, de même que les rôles des autres organisations assurant l’exécution du système, soit Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), et les rôles de Sécurité publique pour ce qui est du portefeuille de la sécurité, du ministère de la Justice relativement à l’aide juridique, de la Cour fédérale et du Service administratif des tribunaux judiciaires (SATJ). Cet examen de portée générale était jugé essentiel, compte tenu de la nature interdépendante du système d’octroi de l’asile.

Plus précisément, tel qu’il est énoncé dans le cadre de référence, l’examen visait à :

  • cerner des options et recommander des approches afin qu’il soit possible de réaliser des gains d’efficacité et d’accroître la productivité dans le traitement des demandes d’asile;
  • tenir compte du cadre juridique qui régit la CISR et qui est énoncé dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et dans la jurisprudence;
  • examiner les gains d’efficacité et la productivité de la CISR d’une manière qui respecte l’indépendance institutionnelle de la CISR et l’indépendance de ses commissaires qui rendent des décisions dans le cadre du modèle actuel;
  • étudier d’autres approches et modèles structurels et de gouvernance susceptibles d’entraîner des gains en efficience tout en préservant l’équité.

Neil Yeates, haut fonctionnaire à la retraite et ancien sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, a été désigné comme tiers expert en gestion et a réalisé l’examen avec l’aide d’IRCC, de l’ASFC et de la CISR, qui ont tous apporté leur expertise à l’équipe chargée de l’examen pour l’appuyer dans cette tâche.

Les travaux entourant l’examen ont été grandement facilités par la contribution d’organisations fédérales, soit l’ASFC, le ministère de la Justice, la CISR et IRCC, qui ont donné généreusement de leur temps pour transmettre l’information, les données et les analyses dont l’équipe responsable avait besoin pour atteindre les objectifs de l’examen.

Les perspectives internationales, présentées au chapitre 2, sont issues des connaissances et des points de vue des représentants du Bureau européen d’appui en matière d’asile et de la Commission européenne, des Services d’immigration et de citoyenneté des États-Unis (U.S. Citizenship and Immigration Services – USCIS), de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, du ministère de l’Intérieur (Home Office) et de l’inspecteur en chef indépendant de Frontières et Immigration (Borders and Immigration) du Royaume-Uni, des organismes responsables de la migration en Suède, en Allemagne et aux Pays-Bas, de l’Institut de politique migratoire (Migration Policy Institute) et des Consultations intergouvernementales sur le droit d’asile, les réfugiés et les migrations (CIG).

L’équipe chargée de l’examen tient à souligner la contribution des experts, des universitaires et des intervenants qui ont été consultés et ont transmis leurs connaissances, leur expertise et leurs idées en vue de rendre le système plus efficace : le Conseil canadien pour les réfugiés et ses membres; l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés; les organismes d’aide juridique de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de l’Ontario; Aide juridique de Montréal; l’Association québécoise des avocats et avocates en droit d’immigration; Kinbrace; la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes; l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration; la Commission des libérations conditionnelles du Canada; les représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Ottawa, à Montréal et à Genève; le Syndicat des douanes, de l’emploi et de l’immigration; Hilary Evans Cameron; Doug Ewart; Jennifer Hyndman; Sean Rehaag; Peter Showler et Lorne Waldman. Les perspectives des intervenants sont énoncées au chapitre 3 du présent rapport.

Chapitre 1 : Survol du système d’octroi de l’asile au Canada

Le système d’octroi de l’asile au Canada (SOAC) s’est transformé au fil des cinq dernières décennies, soit depuis 1969, année à laquelle le Canada a signé la Convention de 1951 des Nations Unies sur le statut des réfugiés et le Protocole de 1967Note de bas de page 1 . Aux termes de ces engagements internationaux, le Canada est tenu de protéger les personnes sur son territoire qui craignent avec raison d’être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social ou de leur opinion politique. Le Canada s’est d’abord acquitté de ses obligations par l’adoption d’une loi nationale, la Loi sur l’immigration de 1976, qui énonce un processus sur papier prévoyant des droits d’appel limités devant la Commission d’appel de l’immigration, le prédécesseur de la CISR.

Au début des années 1980, la procédure de reconnaissance du statut de réfugié accusait déjà des arriérés et des retards lorsque la Cour suprême a établi, dans une décision rendue en 1985 (Singh), que dans les cas où la crédibilité du demandeur d’asile est en jeu, une audition doit avoir lieu. La décision Singh est souvent perçue comme un tournant décisif dans l’application de mesures de protection en vertu de la Charte pour les migrants à leur arrivée en sol canadien. En 1980, le Canada a reçu 1 488 demandes d’asile, nombre qui semble bien modeste aujourd’hui. En 1985, le nombre de demandes d’asile avait atteint 8 260, ce qui a soulevé des préoccupations quant à la capacité et à la pertinence du système d’octroi de l’asile. En guise de réponse, le gouvernement a commandé deux études d’envergure : le rapport Ratushny (1984) et le rapport produit par Rabbi Gunther Plaut (1985), lesquels recommandaient des approches pour instaurer un nouveau système de reconnaissance du statut de réfugié qui allait permettre à la fois de répondre au besoin de se faire entendre et de concilier les intérêts opposés de l’équité et de l’efficacité. Bien qu’aucun consensus n’ait été dégagé sur l’orientation précise à donner à la réforme de reconnaissance du statut de réfugié, les intervenants semblaient convenir presque à l’unanimité que le système était défaillant et qu’une réforme s’imposait. Pour reprendre les propos tenus dans le rapport Ratushny : « […] il est difficile d’imaginer un processus qui pourrait entraîner plus de gaspillage de temps, de ressources et de bonne volonté que le système actuel. »

L’une des préoccupations entourant la réforme au début des années 1980 concernait la nécessité de séparer les considérations relatives à l’immigration des décisions en matière d’asile, et le rapport Plaut est celui qui préconisait le plus fermement la création d’un organe indépendant pour statuer sur les demandes d’asile, lequel serait distinct de la fonction de traitement des demandes d’immigration à la Commission de l’emploi et de l’immigration. À mesure que le gouvernement peaufinait les propositions à l’égard d’un nouveau système de reconnaissance du statut de réfugié, un nombre grandissant d’options structurelles se présentaient. Les trois principales options à envisager étaient les suivantes :

  • L’instance investie du pouvoir de statuer sur les demandes d’asile serait une cour d’archives;
  • L’instance investie du pouvoir de statuer sur les demandes d’asile serait supervisée directement dans ses fonctions administratives par le ministre de l’Emploi et de l’Immigration;
  • La Commission d’appel de l’immigration serait restructurée de manière à créer la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et comprendrait deux sections permanentes – la Commission d’appel de l’immigration, chargée d’instruire les appels de l’immigration, et la Commission du statut de réfugié, chargée de statuer sur les demandes d’asile.

Le Comité permanent du travail, de l’emploi et de l’immigration de la Chambre des communes était favorable à la proposition selon laquelle la Commission serait supervisée directement par le ministre. Cependant, le gouvernement au pouvoir à l’époque a proposé un modèle de tribunal dans le cadre du projet de loi C 55, lequel a été présenté à la Chambre des communes en 1986. C’est à la suite d’un long débat en 1988, alors que le nombre de demandes d’asile avait atteint 85 000, que le gouvernement a adopté les dispositions législatives. Ces dispositions ont donné lieu à l’établissement du système d’octroi de l’asile qui est en place aujourd’hui pour l’essentiel : l’institutionnalisation d’un organe quasi judiciaire indépendant chargé d’instruire les demandes d’asile dans le cadre d’une audience de nature non accusatoire.

C’est ainsi qu’en 1989, la CISR a été créée à titre de tribunal administratif indépendant qui rend compte au Parlement par l’intermédiaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté et qui est investi du pouvoir de rendre des décisions en matière de protection des réfugiés au Canada, assurant l’application du principe de non-refoulement ou de non-renvoi en raison de risque de persécution. Conformément à la décision Singh, la nouvelle Section du statut de réfugié de la CISR allait assurer l’équité procédurale pour le demandeur d’asile en lui proposant la tenue d’une audience. Les cas étaient déférés par des agents d’immigration au point d’entrée ou dans un bureau de traitement au Canada à un tribunal constitué de deux commissaires à la CISR chargés d’évaluer le dossier de façon indépendante aux fins d’octroi de l’asile. Ces commissaires étaient appuyés dans la prise de décision par le personnel de soutien au processus décisionnel et le personnel de recherche sur les pays à la CISR.

Le Canada a par la suite ratifié, en 1995, la Convention des Nations Unies contre la torture, en vertu de laquelle il est tenu de protéger les personnes exposées au risque d’être soumises à la torture ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Le cadre législatif qui prévoit la protection aux termes des deux conventions des Nations Unies a été regroupé dans la loi subséquente, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2002. Cette nouvelle loi énonce les principes suivants pour le programme des réfugiés, y compris l’efficience du système (caractères gras ajoutés) :

  1. de reconnaître que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution;
  2. de remplir les obligations en droit international du Canada relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées et d’affirmer la volonté du Canada de participer aux efforts de la communauté internationale pour venir en aide aux personnes qui doivent se réinstaller;
  3. de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d’une procédure équitable reflétant les idéaux humanitaires du Canada;
  4. d’offrir l’asile à ceux qui craignent avec raison d’être persécutés du fait de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs opinions politiques, leur appartenance à un groupe social en particulier, ainsi qu’à ceux qui risquent la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités;
  5. de mettre en place une procédure équitable et efficace qui soit respectueuse, d’une part, de l’intégrité du processus canadien d’asile et, d’autre part, des droits et des libertés fondamentales reconnus à tout être humain;
  6. d’encourager l’autonomie et le bien-être socioéconomique des réfugiés en facilitant la réunification de leurs familles au Canada;
  7. de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité;
  8. de promouvoir, à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire aux personnes et demandeurs d’asile qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité.

Aujourd’hui, comme c’était le cas en 1989, la CISR demeure l’élément central du système d’octroi de l’asile du Canada, tandis qu’IRCC et l’ASFC s’occupent de la réception des demandes et de l’issue des dossiers après la décision. Le Canada figurait parmi les premiers pays à ratifier le Protocole de 1967 et a été un chef de file dans la création de modèles décisionnels qui étaient pleinement conformes à l’intention. Par ailleurs, depuis ses débuts, le système a donné accès au contrôle judiciaire par la Cour fédérale et les décisions telles que Singh ont accordé aux demandeurs d’asile des mesures de protection en vertu de la Charte. Pour ces raisons, le système d’octroi de l’asile au Canada est très respecté par les intervenants nationaux et internationaux comme un modèle qui favorise la justice naturelle grâce à un processus décisionnel de première instance quasi judiciaire, indépendant et spécialisé. Depuis les mesures de réforme de 2010 et de 2012, le système offre pour la plupart des types de demandes d’asile un accès à un processus d’appel administratif spécialisé reposant sur le bien-fondé de l’affaire devant la Section d’appel des réfugiés (SAR).

Comme les conditions dans les pays évoluent et peuvent empêcher une personne de retourner chez elle, d’autres mécanismes de protection temporaire viennent s’ajouter au système d’octroi de l’asile canadien. Les programmes de sursis administratif aux renvois et de suspension temporaire des renvois sont gérés par l’ASFC, sous la direction du ministre de la Sécurité publique. Ces programmes visent à s’assurer que les personnes sans statut au Canada ne sont pas retournées dans leur pays lorsque celui-ci est aux prises avec un conflit, une crise humanitaire ou des conditions de risque généralisé. Ainsi, une protection temporaire est accordée aux personnes qui en ont besoin en période de crise, et celles qui se trouvent déjà au Canada ont la possibilité de demander l’asile sans craindre de devoir retourner à l’endroit où elles s’exposent à des risques. Par ailleurs, la majorité des personnes visées par une mesure de renvoi du Canada (qui n’ont pas fait l’objet d’une décision récente en matière d’asile par la CISR) ont accès à un examen des risques avant renvoi réalisé par IRCC, qui sert à évaluer le risque prospectif auquel la personne serait exposée à son retour dans son pays d’origine alors que les conditions dans ce pays peuvent avoir changé.

Le système d’octroi de l’asile au Canada s’inscrit dans le contexte global d’une approche de gestion des migrations dans le cadre de laquelle le ministre d’IRCC doit déposer un plan annuel des niveaux d’immigration au Parlement chaque année en novembre. Ce plan comprend un nombre estimatif des cas de résidents permanents dans la catégorie des réfugiés, combinant l’octroi de l’asile et la réinstallation depuis l’étranger. Par conséquent, dans une certaine mesure, une décision est prise chaque année quant au nombre de personnes à qui l’asile est accordé au Canada et de réfugiés réinstallés depuis l’étranger qui seront admis dans la catégorie des résidents permanents.

Le système d’octroi de l’asile au Canada est distinct du programme canadien de réinstallation des réfugiés pour des motifs d’ordre humanitaire, selon lequel les personnes ayant besoin de protection à l’étranger sont sélectionnées aux fins de la réinstallation au Canada à titre de résidents permanents après avoir fait l’objet d’un contrôle par IRCC ou le HCR, ou les deux. Le HCR compte sur le soutien du Canada pour trouver des solutions durables concernant les quelque 22,5 millions de réfugiésNote de bas de page 2  dans le monde à l’heure actuelle. À titre de comparaison, la procédure d’octroi de l’asile du Canada est n’accessible qu’aux personnes qui trouvent le moyen d’entrer au Canada, que ce soit grâce à l’accès sans visa, à un permis de travail ou d’études, à un visa de visiteur, aux services d’un passeur ou au passage de la frontière canado-américaine par voie terrestre en vertu de l’exception à l’Entente sur les tiers pays sûrs. Le nombre de demandes d’asile varie énormément d’une année à l’autre en raison des tendances migratoires en constante évolution et des crises de réfugiés partout dans le monde. À cet égard, les cas d’asile posent un défi sur le plan de la gestion, puisqu’il est difficile de prévoir avec exactitude le nombre de demandes d’asile qui seront présentées au Canada. Des systèmes de visa de résident permanent et temporaire sont en place pour assurer le contrôle et la sélection des personnes qui souhaitent séjourner, étudier, travailler ou se réinstaller au Canada, en réduisant au minimum les séjours indûment prolongés et les demandes d’asile. Les systèmes de visa et les mécanismes de contrôle à la frontière sont cruciaux pour gérer l’accès au Canada. Cependant, il est rare que les visas et les mécanismes de contrôle soient complètement efficaces, et ne parviennent pas, bien souvent, à contrer rapidement les facteurs d’attrait et de répulsion de la migration internationale et du système d’octroi de l’asile. L’expérience récente montre que le caractère et la qualité des systèmes d’immigration et de visa d’autres pays peuvent avoir une incidence importante sur les mouvements migratoires et transfrontaliers.

Depuis l’avènement des modèles d’immigration axés sur le capital humain qui accordent une grande importance à l’éducation, aux connaissances linguistiques et à une main-d’œuvre qualifiée, les systèmes d’octroi de l’asile dans les pays comme le Canada risquent de devenir des solutions de dernier recours pour les migrants économiques peu qualifiés, qui ne disposent généralement pas d’autres voies d’accès à la résidence permanente. Les taux actuels d’octroi de l’asile sont supérieurs à 65 %Note de bas de page 3 , et ces personnes réputées avoir besoin de protection se voient offrir un accès direct pour présenter une demande de résidence permanente au Canada. Cette voie d’accès suscite des préoccupations constantes selon lesquelles les procédures d’octroi de l’asile peuvent être vulnérables à l’utilisation abusive. Lorsqu’il y a de longs délais d’attente pour une audience de demande d’asile initiale, on s’inquiète davantage que le système soit utilisé de façon abusive par des personnes qui souhaitent prolonger leur séjour temporaire au Canada pour bénéficier des soins de santé, d’un permis de travail et de l’école publique, d’un accès direct à la citoyenneté canadienne pour les enfants nés au Canada et d’autres avantages, lesquels font tous en sorte qu’il serait difficile de procéder au renvoi de nombreux demandeurs d’asile déboutés du Canada.

« Arriérés », efficience du programme et financement

Les arriérés – de demandes d’asile en attente d’une décision, de recours devant la Cour fédérale ou de mesures de renvoi du Canada – demeurent un problème perpétuel pour la CISR et le système d’octroi de l’asile dans son ensemble depuis que le programme a été officialisé dans le cadre de la Loi sur l’immigration de 1976. Depuis la création de la CISR en 1989, deux importants épisodes d’arriéré de décisions se sont produits : les volumes de demandes d’asile à traiter s’élevaient à plus de 57 000 en 2002, et à plus de 62 000 en 2009. Dans les deux cas, l’arriéré représentait une capacité de traitement de plus de deux ans à la SPR. Il est normal que le volume de demandes à traiter atteigne un certain niveau; or, dans la situation actuelle où l’arriéré de décisions en matière d’asile équivaut à deux années de travail, le temps nécessaire pour régler les cas est inévitablement appelé à augmenter. À la fin de 2017, le volume de demandes à la SPR dépassait le nombre de cas en instance qu’elle instruit normalement en une année. Les décisions de la SAR étaient rendues dans un délai de plus de 11 mois alors que les contrôles judiciaires et les décisions relatives à l’examen des risques avant renvoi de la Cour fédérale prenaient plus de 6 mois, et tous ces délais s’allongent au rythme de l’augmentation des volumes. Il faudra plusieurs années pour régler les cas traités dans le cadre de la procédure actuelle.

En 2004, la CISR a reçu un financement opérationnel supplémentaire et a éliminé l’arriéré de décisions en deux ans, en partie grâce au changement au processus décisionnel, qui revenait désormais à un seul commissaire au lieu de deux. La CISR a également mis en place des outils de traitement, comme les audiences accélérées, pour accroître la productivité des décideurs et, au même moment, le gouvernement a choisi de reporter la mise en place de la SAR, compte tenu de la capacité insuffisante pour déployer des efforts supplémentaires et éliminer l’arriéré en parallèle.

En 2009, un nouvel arriéré a commencé à s’accumuler, ce qui a précipité l’adoption des mesures de réforme législatives de 2010 et de 2012. Dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de réforme, le gouvernement a réservé des fonds pour réduire l’arriéré séparément du nouveau système, ce qui a permis de constituer une base de financement stable pour traiter 22 500 demandes d’asile par année.

Figure 1 : Aperçu chronologique des activités de la SPR (cas reçus, cas réglés, ressources et arriéré)Note de bas de page 4

Figure 1 : Aperçu chronologique des activités de la SPR (cas reçus, cas réglés, ressources et arriéré) décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 1 : Aperçu chronologique des activités de la SPR (cas reçus, cas réglés, ressources et arriéré)

Ce diagramme montre le nombre de cas réglés par la Section de la protection des réfugiés de 1989 à 2017. Le nombre de cas reçus, réglés et en instance vont de 0 à 70 000. Les chiffres exacts sont détaillés dans le tableau de données sous le diagramme.

Année Cas en instance Cas reçus Cas réglés Décideurs de la SPR
1989 6 561 12 576 5 846 n/a
1990 14 258 22 296 14 294 n/a
1991 14 580 30 546 29 725 n/a
1992 19 270 36 111 30 620 n/a
1993 21 694 39 845 37 172 n/a
1994 18 393 23 659 27 769 n/a
1995 28 044 28 714 19 174 n/a
1996 32 491 29 090 24 397 n/a
1997 30 239 25 281 27 426 n/a
1998 24 370 25 856 31 754 n/a
1999 25 655 30 955 29 562 n/a
2000 31 228 36 355 30 355 n/a
2001Note de bas de page * 48 258 47 823 30 001 n/a
2002 56 907 43 526 34 395 159
2003 43 773 36 171 49 248 171
2004 28 936 26 939 42 379 161
2005 21 737 22 492 30 379 129
2006 24 418 24 592 22 074 92
2007 38 972 29 721 15 120 74
2008 55 659 37 098 20 328 89
2009 62 446 35 949 28 795 104
2010 52 023 23 783 34 260 122
2011 42 149 25 406 35 325 120
2012 32 881 20 141 29 758 133
2013 22 544 10 227 21 091 139
2014 16 319 13 438 20 436 113
2015 16 806 15 961 16 434 97
2016 23 943 22 763 16 573 114
2017 47 209 47 425 23 102 127

Mesures de réforme récentes (2010 et 2012)

Dans l’optique de gérer les volumes élevés de demandes d’asile et d’assurer la prise de décision rapide au sujet des demandes d’asile, la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés (2010) et la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada (2012), désignées comme une « réforme du système d’octroi de l’asile », ont établi des normes de traitement différentielles axées sur des délais plus courts selon les principales mesures de réforme suivantes :

  • Établissement des pays d’origine désignés en vue d’accélérer le traitement des cas pour les pays qui, normalement, ne sont pas sources de réfugiés;
  • Mise sur pied de la SAR pour rendre le système d’octroi de l’asile plus rapide et plus équitable en permettant l’examen des décisions de la SPR et en créant une jurisprudence cohérente et uniforme, sous réserve de certaines restrictions quant à l’accès au processus d’appel comme dans les cas des tiers pays sûrs et des pays d’origine désignés;
  • Délais prévus par la loi ou par règlement pour les audiences de la SPR et les décisions de la SAR (et cibles administratives établies pour d’autres étapes de traitement);
  • Transfert à des fonctionnaires de la fonction de décideur à la SPR, qui était auparavant exercée par des personnes nommées par décret, afin de réduire le nombre de postes vacants et d’assurer une plus grande souplesse en matière de dotation;
  • Interdictions concernant l’accès aux examens des risques avant renvoi et aux demandes de résidence permanente fondées sur des motifs d’ordre humanitaire afin de limiter les recours postérieurs à la présentation d’une demande d’asile et les retards dans l’exécution des mesures de renvoi;
  • Modification des dispositions relatives à la perte de l’asile de manière à révoquer la résidence permanente des personnes qui ont perdu leur statut de personne protégée, sauf dans les cas où les conditions dans leur pays ont changé.

Trois projets pilotes ont aussi été financés : le programme pilote d’aide au retour volontaire et à la réintégration de l’ASFC; le programme pilote d’examens et d’interventions ministériels d’IRCC pour les problèmes de crédibilité ou d’intégrité des programmes, en complément du programme d’interventions de l’ASFC; le projet pilote de vérification approfondie de la sécurité de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Le système est passé à des délais de traitement prévus par règlement de 30, 45 et 60 jours pour une audience initiale devant la SPR, dont les décisions devaient être rendues en quatre mois à compter de la date de présentation de la demande d’asile jusqu’au prononcé de la décision. Dans le but d’assurer le respect de ces délais, les mesures de réforme visaient à adopter des processus d’audience et de prise de décision plus informels, semblables à ceux d’autres pays. Les personnes nommées par décret ont été remplacées par de nouveaux fonctionnaires, ce qui a permis de réduire les coûts de la prise de décision et de faciliter la professionnalisation du rôle de décideur dans les cas d’asile, améliorant ainsi la cohérence et la qualité des décideurs. Pour accroître l’efficience des audiences, les procédures ont été modifiées afin d’accorder aux décideurs une plus grande prise sur les audiences de demande d’asile. De plus, les mesures de réforme ont mis en place une période d’attente avant la délivrance d’un permis de travail qui équivalait au temps prévu pour traiter une demande d’asile. Ces changements ont contribué à réduire considérablement le nombre de demandes d’asile, notamment grâce au traitement accéléré pour les personnes des pays d’origine désignés comme moyen de dissuasion contre les demandes d’asile infondées. Au cours des deux années qui ont suivi la réforme, le nombre de demandes d’asile a diminué de façon marquée, atteignant 10 429 à son plus bas niveau en 2013 (par rapport à un nombre moyen de 28 500 cas au cours des cinq années ayant précédé la réforme).

Un financement important (à compter de 2010-2011) a été accordé à l’ensemble des ministères et organismes concernés pour mettre en œuvre les mesures de réforme et réduire l’arriéré de demandes d’asile.

Compte tenu de la variabilité de la capacité à l’échelle du système à ce moment-là, les mesures de réforme visaient à stabiliser la capacité de manière à pouvoir traiter 22 500 demandes d’asile par année à la CISR, à IRCC et à l’ASFC. Cependant, l’examen des programmes (prévu au Plan d’action pour la réduction du déficit) exigeait que les ministères et organismes réduisent leurs besoins en financement pour ces mesures, et la CISR a également absorbé des compressions dans son budget de fonctionnement. On considérait à l’époque que ces compressions ne nuisaient pas à la capacité de traitement à la CISR ou ailleurs.

En ce qui a trait à la réduction des arriérés, une stratégie sur trois ans a été mise en œuvre pour traiter les demandes d’asile en attente d’une décision à la SPR, ce qui a eu des répercussions en aval sur les mesures de renvoi, les examens des risques avant renvoi et les demandes de résidence permanente fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. L’objectif était de réduire l’arriéré autant que possible avant la date d’entrée en vigueur du nouveau système en décembre 2012. La vérification interne de la stratégie de réduction de l’arriéréNote de bas de page 5  en 2012 a permis de constater que, grâce au financement supplémentaire et aux gains d’efficacité à l’interne, la CISR n’a pas simplement atteint cette cible, mais l’a surpassée. Compte tenu du plus faible nombre de demandes reçues au cours des premières années ayant suivi la réforme, la CISR a pu continuer à réduire l’arriéré de demandes d’asile présentées sous le régime de l’ancien système. Cependant, comme le nombre de demandes reçues a augmenté en 2015 et par la suite, la capacité de la CISR de réduire l’arriéré de l’ancien système a diminué étant donné que les ressources étaient réaffectées au traitement des cas dans le nouveau système. Ainsi, il restait encore 5 500 demandes d’asile dans l’arriéré accumulé avant 2012, lesquelles n’ont été traitées qu’en septembre 2017 dans le cadre du mandat de deux ans d’un groupe de travail spécial composé de décideurs.

Figure 2 : Arriéré de l’ancien système à la Section de la protection des réfugiésNote de bas de page 6 

Figure 2 : Arriéré de l’ancien système à la Section de la protection des réfugiés décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 2 : Arriéré de l’ancien système à la Section de la protection des réfugiés

Ce graphique à barres montre l’arriéré de l’ancien système à la Section de la protection des réfugiés pour la période de 2009 à 2017. Cet arriéré comptait 59 000 cas en 2009-2010, 48 000 cas en 2010-2011, 39 400 cas en 2011-2012, 27 900 cas en 2012-2013, 15 200 cas en 2013-2014, 8 000 cas en 2014-2015, 5 800 cas en 2015-2016 et 5 500 cas en 2016-2017.

Évaluations récentes et mesures des résultats après 2012

En 2016, IRCC a reçu le mandat de mener une évaluation horizontale sur trois ans du système d’octroi de l’asile au Canada à partir des données de 2012 à 2014. L’évaluation a révélé que les demandeurs d’asile assujettis au nouveau système avaient reçu une décision cinq ou six fois plus rapidement que ceux visés par l’ancien système, et que le coût des services de soutien par demandeur d’asile avait diminué en raison de la période de temps plus courte passée dans le système. En outre, les mesures de renvoi étaient exécutées plus rapidement dans le cadre du nouveau système, par rapport aux années ayant précédé la réforme. Même si les demandes d’asile étaient traitées plus rapidement, les délais prévus par la loi pour la tenue des audiences de la SPR et les cibles administratives pour l’exécution des mesures de renvoi établis dans le cadre de la réforme n’étaient pas toujours respectés. L’évaluation a fait ressortir un certain nombre de défis associés à l’atteinte de ces cibles qui sont attribuables à d’autres étapes du système, comme des retards dans le contrôle de sécurité préliminaire et la dotation de postes. Par ailleurs, le coût de traitement par demandeur d’asile ne pouvait être comparé, car les ministères et organismes n’assuraient pas tous un suivi détaillé des dépenses par programme. L’évaluation a également relevé d’autres lacunes, dont les hypothèses divergentes quant au nombre de demandes reçues, les délais et cibles variables, les problèmes liés aux mesures de renvoi et les contestations judiciaires, qui ont toutes ajouté à la pression d’atteindre les objectifs de la réforme du système d’octroi de l’asile. Contrairement à ce qui était attendu, les modifications apportées au modèle de dotation à la SPR n’ont pas rendu le processus décisionnel plus efficace, et les changements aux processus n’ont pas non plus réduit les besoins en aide juridique pour les demandeurs d’asile ni les recours devant la Cour fédérale. L’efficacité de la SAR n’a pas été évaluée et devient donc un aspect important du présent examen indépendant.

Figure 3 : Cas reçus et nombre total de cas réglés à la SPR

Figure 3 : Cas reçus et nombre total de cas réglés à la SPR décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 3 : Cas reçus et nombre total de cas réglés à la SPR

Ce graphique linéaire montre les cas reçus et le nombre total de cas réglés à la Section de la protection des réfugiés. Les nombres de cas reçus, de cas réglés, de cas de l’ancien système réglés et de cas du nouveau système réglés sont présentés dans le tableau de données sous le graphique.

Année Cas reçus à la SPR Nombre total de cas réglés à la SPR Cas de l’ancien système réglés Cas du nouveau système réglés
2013 10 465 20 696 15 045 5 651
2014 13 800 19 928 8 115 11 813
2015 16 592 16 200 2 741 13 459
2016 23 350 16 432 671 15 761
2017 47 425 23 102 1 622 21 480

L’évaluation a permis de constater que le régime des pays d’origine désignés avait réussi au départ à réduire considérablement le nombre de demandeurs d’asile provenant de pays qui, somme toute, respectent les droits de la personne et offrent la protection de l’État, et que ces mesures avaient restreint l’accès à la SAR et à l’examen des risques avant renvoi. Toutefois, les demandeurs d’asile de pays d’origine désignés n’avaient pas obtenu de décisions de première instance plus rapidement que les autres demandeurs d’asile et, à la suite d’une décision de la Cour fédérale rendue en juillet 2015, avaient dorénavant accès au processus de la SAR, bien que cette décision ait eu un effet modeste, puisque l’accès immédiat avait été accordé dans seulement 250 cas environNote de bas de page 7 . De surcroît, l’interdiction d’un an d’accès à l’examen des risques avant renvoi et l’interdiction d’accès à une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire ont fait diminuer le nombre de demandeurs au titre de ces programmesNote de bas de page 8 . Toutefois, bon nombre de demandeurs d’asile déboutés n’ont pas été renvoyés avant l’expiration des interdictions, de sorte qu’ils ont fini par avoir accès à ces mécanismes de recours, annulant ainsi l’effet recherché des interdictions.

L’évaluation contenait six recommandations portant essentiellement sur les délais et les cibles, la gouvernance, la surveillance et la communication des données, la réception des demandes et l’échange de renseignements. IRCC, en tant que ministère responsable, a accepté toutes les recommandations et s’est engagé à résoudre les problèmes dans une réponse de la direction et un ambitieux plan d’action. Le travail se poursuit en vue d’apporter les améliorations administratives que le Ministère s’est engagé à mettre en œuvre en réponse à l’évaluation, y compris la rationalisation du processus de réception, l’échange de renseignements électronique entre les organisations, la gestion des données et la gouvernance améliorée du système, mais ces initiatives accusent du retard en raison du besoin immédiat de traiter les volumes de demandes d’asile qui ne cessent de croître depuis janvier 2017.

Parallèlement à l’évaluation du SOAC, la CISR a commandé une évaluation distincte de la SPR pour la période du 15 décembre 2012 au 31 mars 2015, portant sur 19 secteurs d’intervention. Alors que les mesures de réforme visaient à faire diminuer le coût du système d’octroi de l’asile par le raccourcissement des délais, l’évaluation de la CISR a révélé que les hypothèses entourant la refonte et la restructuration de la SPR avaient sous estimé les ressources requises pour respecter ces échéanciers plus serrés. À l’instar de l’évaluation d’IRCC, l’évaluation de la CISR a mis en lumière les difficultés à surmonter pour respecter les délais plus courts, contribuant à l’augmentation du volume et de l’antériorité des demandes d’asile en instance (c.-à-d. l’arriéré accumulé en raison du nombre de demandes d’asile à traiter supérieur à la capacité de la SPR de respecter les délais). Des retards étaient également attribuables à plusieurs aspects sur lesquels la CISR n’avait aucune prise, comme le temps nécessaire au contrôle de sécurité. Plus globalement, l’évaluation a mis en doute la viabilité du nouveau système, soulignant le stress considérable que les décideurs disaient subir alors qu’ils peinaient à respecter les délais et les cibles.

Dans l’ensemble, l’évaluation comportait 15 recommandations liées à l’exécution et à l’efficacité, dont plusieurs mettaient l’accent sur le renforcement des services de soutien et l’amélioration de la gestion du rendement et de la mise au rôle. La CISR a entrepris de mettre en œuvre ces recommandations, à une exception près, soit celle d’exiger des commissaires qu’ils effectuent une étude semestrielle de la gestion de leur temps afin de permettre une meilleure évaluation des besoins en ressources. Un plan d’action détaillé est en cours d’élaboration à la CISRNote de bas de page 9 .

Non-respect des cibles de productivité et des délais

Alors que les cibles de traitement pour certaines étapes du système ont été atteintes après la réforme, d’autres, comme les délais prévus par la loi pour la tenue des audiences de demande d’asile de première instance et le renvoi des demandeurs d’asile déboutés, n’ont pas été respectées, en grande partie en raison de litiges sur la nouvelle loi et de contraintes sur le plan de la capacité. Tel qu’il est mentionné précédemment, les litiges visant les mesures de réforme de 2012 ont élargi l’accès au processus d’appel en matière d’asile pour les personnes des pays d’origine désignés, et une procédure de contestation est en instance concernant l’interdiction de 12 mois liée à l’accès à la résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. Il en va de même avec les appels en matière d’asile qui continuent de faire l’objet de litiges sur des questions de portée et de pouvoir. Les nouvelles lignes directrices de la jurisprudence adoptées par la SAR commencent à façonner le processus décisionnel de première instance, mais font elles aussi l’objet de litiges à l’heure actuelle. L’effet cumulatif de la nature litigieuse du processus décisionnel en matière d’asile est susceptible de contribuer au mouvement vers des approches de gestion conservatrices et prudentes. À titre d’exemple, des interventions et des litiges ont donné lieu à un faible nombre de décisions rendues de vive voix à l’audience. Aux termes de la réforme du système d’octroi de l’asile, la grande majorité des décisions devaient être prononcées de vive voix, mais les commissaires choisissent de rédiger la plupart d’entre elles après l’audience.

Au cours de la période qui a précédé le présent examen, le nombre de demandes réglées à la SPR était de 16 200 en 2015 et de 16 432 en 2016, soit bien en deçà de la capacité de traitement financée de 22 500 demandes pour ces deux années. Alors que les audiences pour 90 % des demandeurs d’asile étaient censées avoir lieu dans les délais prévus par règlement, la CISR n’est jamais parvenue à atteindre cette cible, le pourcentage le plus élevé atteint étant 65 % de 2014 à 2016, pour ensuite chuter à 59 % en 2017Note de bas de page 11 . Le nombre de demandes réglées à la SAR a aussi été moins élevé que prévu en raison d’une productivité plus faible des décideurs et de retards importants dans les nominations par décret. Dans son analyse suivant la réforme, la CISR a signalé que la majorité des écarts dans la production entre les hypothèses et les résultats de la réforme à la SPR étaient attribuables à des difficultés imprévues dans la mise en œuvre de son plan des ressources humaines, plus précisément le recrutement insuffisant, la lenteur de l’intensification des activités et la productivité plus faible que prévu. On laisse entendre que les dossiers complexes en provenance d’un plus grand nombre de pays seraient à l’origine des autres écarts.

L’efficience du système est minée par les transferts multiples, parfois en double, entre les différents intervenants du système d’octroi de l’asile, et par l’absence d’un système de triage commun pour la gestion de la charge de travail et d’une plateforme technologique pour l’échange de renseignements. La mise au rôle réalisée au moment de la réception des demandes par IRCC et l’ASFC donne lieu à un taux élevé de remise au rôle par la CISR. Les délais serrés pour la tenue des audiences et les procédures officielles du modèle d’audience actuel compromettent l’efficience et font obstacle aux méthodes préparatoires à l’audience pour cerner les questions déterminantes de manière à mieux cibler le temps consacré aux audiences et à la prise de décision. La productivité et l’efficacité dans la prise de décision sont amoindries par une orientation et un soutien insuffisants pour les décideurs.

Les recours après la première décision – y compris les appels en matière d’asile et les examens des risques avant renvoi – prennent plus de temps que prévu, ce qui entrave également l’issue définitive des cas et des renvois. Les processus de décision sur papier dans le cadre des appels prennent plus de temps que les audiences de première instance en personne. Le taux de renvoi des cas par la SAR à la SPR était aussi élevé qu’un cas sur cinq, mais s’est amélioré récemment. Les contrôles judiciaires par la Cour fédérale prennent eux aussi plus de six mois, ce qui laisse moins de six mois pour exécuter les mesures de renvoi avant l’expiration de l’interdiction d’accès à l’examen des risques avant renvoi. À l’heure actuelle, les décisions sur l’examen des risques avant renvoi sont rendues dans un délai supérieur à six mois.

À la fin du continuum, il y a des retards dans le renvoi des demandeurs d’asile qui n’ont pas qualité de personne à protéger, alors que certains demandeurs d’asile déboutés tentent de se soustraire aux procédures, ne sont pas disposés à collaborer pour obtenir un document de voyage de leur pays d’origine ou sont incapables de renouveler leurs documents de voyage en raison d’un manque de coopération consulaire. L’affectation de ressources et l’établissement de priorités pour le renvoi de réfugiés n’ont pas tout à fait atteint le niveau envisagé dans le cadre des mesures de réforme. En résultat, le nombre de demandeurs d’asile déboutés ayant été retournés dans leur pays a chuté à 3 892 en 2016, sans compter l’arriéré de 17 000 cas de personnes prêtes au renvoi. Cette faible proportion de cas réglés crée un facteur d’attrait favorisant l’afflux de demandeurs d’asile et accroît la probabilité que les demandeurs d’asile déboutés trouvent un moyen de demeurer au Canada, en présentant, par exemple, une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Selon les estimations, 80 % des demandes de ce type sont présentées par des demandeurs d’asile déboutésNote de bas de page 12 .

Figure 4 : Renvoi des demandeurs d’asile déboutés

Figure 4 : Renvoi des demandeurs d’asile déboutés décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 4 : Renvoi des demandeurs d’asile déboutés

Ce graphique à barres montre le nombre de demandeurs d’asile déboutés qui ont été renvoyés de 2011 à 2017. Le nombre de ces demandeurs s’élevait à 11 963 en 2011-2012, à 14 490 en 2012-2013, à 9 431 en 2013-2014, à 7 325 en 2014-2015, à 4 608 en 2015-2016 et à 3 892 en 2016-2017.

Financement de l’asile

Comme il a été mentionné précédemment, le nombre de demandes d’asile a diminué considérablement au cours des premières années qui ont suivi les mesures de réforme de 2012, mais il augmente de façon constante depuis 2015 et devrait nettement dépasser la capacité de financement en 2017. Selon son expérience du nouveau système, la CISR a d’abord indiqué que la SPR avait une capacité de traitement annuelle de 14 500 demandes d’asile, ce qui représente un écart substantiel de 35 % par rapport au niveau financé de 22 500Note de bas de page 13 . Compte tenu des pressions grandissantes pour traiter les demandes d’asile à partir des ressources actuelles, la CISR a commencé à réaliser des gains d’efficacité à l’automne 2016, a augmenté le nombre de mesures de dotation concernant les décideurs à partir des sources de financement nouvellesNote de bas de page 14  et existantes, et a réussi à régler 17 597 demandes d’asile en 2016-2017, soit 30 % de plus que les 13 522 réglées en 2015-2016. En 2017, la CISR a réglé 23 103 demandes d’asileNote de bas de page 15  à l’aide des ressources réservées pour permettre à la SAR d’atteindre cet objectif. À la fin de 2017, il y avait plus de 47 000 dossiers en instance ayant été déférés à la SPR. Cependant, le nombre de demandes d’asile reçues, qui s’élève à près de 50 000 en 2017, est deux plus fois plus élevé que la capacité de traitement financée « à l’état stable ».

Par le passé, il y a eu des périodes de hausse marquée des demandes d’asile pour diverses raisons, dont plus récemment la vague de migrants irréguliers qui ont franchi la frontière dans le but de contourner l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue entre le Canada et les États-Unis. Bien que les causes varient, l’effet est le même dans tous les cas, en l’absence d’un cadre de gestion des urgences qui permettrait d’obtenir des ressources humaines et budgétaires additionnelles pour accroître la capacité de traitement en fonction des volumes accrus de demandes d’asile. Ainsi, les périodes de pointe entraînent des retards dans la mise au rôle des audiences et les décisions en matière d’asile, et les arriérés continuent de s’accumuler. Lorsqu’un arriéré s’accroît, il peut être réduit et éliminé seulement si la capacité de traitement dépasse le nombre de demandes reçues pendant une longue période, à moins que d’autres mesures ne soient prises sur le plan des politiques.

En plus du problème systémique de longue date touchant la gestion des périodes de pointe, l’information au sujet des coûts réels du traitement et des mécanismes de soutien fédéraux est limitée. Les dépenses d’IRCC et de l’ASFC ne sont pas ventilées par rapport à d’autres coûts du réseau national. Le présent examen visait à fournir des coûts détaillés du système pour la première fois aux fins d’analyse. Il est essentiel, pour la gestion du système, de mettre en place des mécanismes de contrôle plus rigoureux axés sur le programme comportant une hiérarchie des responsabilités bien définie. Il y aurait lieu d’assurer le suivi et l’évaluation holistique des dépenses au lieu de se concentrer uniquement sur le financement supplémentaire. Selon les renseignements financiers disponibles à ce jour, on estime que le gouvernement du Canada a dépensé en moyenne 216 millions de dollars annuellement au cours des quatre années qui ont suivi la réforme. Ce montant inclut les coûts directs pour le traitement et les services de soutien social sous la forme des prestations du Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) ainsi que l’aide juridique provinciale, dont les coûts sont assumés par le ministère de la Justice, mais ne comprend pas les coûts pour la Cour fédérale ni les coûts provinciaux en aval.

Figure 5 : Dépenses fédérales totales de 2012-2013 à 2016-2017

Organisation 2013-2014 2014-2015 2015-2016 2016-2017
CISR 95 729 336 $ 91 258 427 $ 81 294 245 $ 84 977 704 $
ASFC 77 790 080 $ 72 034 339 $ 67 534 310 $ 65 757 808 $
IRCC 16 905 394 $ 16 905 394 $ 17 902 088< $/td> 18 590 191 $
PFSI (IRCC) 23 668 047 $ 18 536 334 $ 20 648 519 $ 39 431 005 $
Ministère de la Justice (aide juridique) 12 000 000 $ 12 000 000 $ 12 000 000 $ 18 750 000 $
TotalNote de bas de page 16  226 092 857 $ 210 734 493 $ 199 379 162 $ 227 506 709 $

Figure 6 : Ventilation des dépenses fédérales totales estimées en matière d’asile pour 2016-2017

Figure 6 : Ventilation des dépenses fédérales totales estimées en matière d’asile pour 2016-2017 décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 6 : Ventilation des dépenses fédérales totales estimées en matière d’asile pour 2016-2017

Ce diagramme circulaire montre la ventilation des dépenses fédérales totales estimées en matière d’asile pour 2016-2017. De ces dépenses, 38 % (84 977 704 $) concernent la CISR, 29 % (65 757 808 $) l’ASFC, 8 % (18 590 191 $) IRCC et 25 % (58 191 005 $) les services de soutien social. Selon une ventilation plus précise présentée dans un autre digramme, 17 % (39 431 005 $) des dépenses résultent du Programme fédéral de santé intérimaire et 8 % (18 750 000 $) de l’aide juridique. Les dépenses totales estimées s’élèvent à 227 M$.

La ventilation des principaux types d’activités de traitement, quel que soit le ministère – réception, décision de première instance, assurance de la qualité (examens et interventions, audiences et enquêtes), recours (appels en matière d’asile) et exécution de la loi (mesures de renvoi et examens des risques avant renvoi) – fait ressortir le fait que la majorité des ressources sont investies dans la prise de décisions de première instance et les recours. Les dépenses liées à l’exécution de la loi sont également dignes de mention, étant donné qu’elles ne sont destinées qu’à une fraction des cas (moins de 1 000 dossiers d’intervention et 3 500 renvois). En bref, toute refonte du système doit tenir compte des secteurs où il faut cibler les ressources afin d’obtenir des résultats optimaux pour le système dans son ensemble.

Figure 7 : Dépenses directes estimées par activité pour 2016-2017Note de bas de page 17 

Figure 7 : Dépenses directes estimées par activité pour 2016-2017 décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 7 : Dépenses directes estimées par activité pour 2016-2017

Ce graphique à barres montre les dépenses directes estimées par activité pour 2016-2017. De ces dépenses, 12 % (13 942 024 $) sont attribuables à la réception, 35 % (42 277 011 $) aux décisions de première instance, 15 % (17 775 663 $) à l’assurance de la qualité, 11 % (13 519 013 $) aux recours et 27 % (32 377 775 $) à l’exécution de la loi.

Efforts actuels

Depuis le lancement de l’examen, chacun des partenaires intervenant dans le processus d’octroi de l’asile a entrepris des mesures qui s’annoncent prometteuses :

En juillet 2017, la CISR a lancé un plan d’actionNote de bas de page 18  pour accroître l’efficience du traitement grâce à des mesures axées sur la TI et centrées sur le client et d’autres mesures novatrices. Le plan d’action reconnaît que la CISR a inutilement recours à des processus à caractère judiciaire et met de l’avant un objectif consistant à fonctionner de manière aussi officieuse que possible. Par ailleurs, le plan prévoit des initiatives en vue d’améliorer la gestion des cas, la transmission de documents par voie électronique et la mise en œuvre de nouvelles initiatives de dotation et de gestion du rendement. Parallèlement, la CISR a aussi lancé des initiatives en vue de réduire les arriérés, notamment l’embauche de décideurs à la retraite pour traiter le reste des dossiers sous le régime de l’ancien système remontant à 2012 et aux années antérieures. Le bureau de Toronto met à l’essai des modèles de triage des cas améliorés. Ces initiatives sont prometteuses, mais elles en sont encore à leurs débuts et il est impossible à ce stade-ci d’en évaluer les répercussions à long terme. En plus de son plan d’action interne, la CISR a commandé une analyse comparativeNote de bas de page 19  avec d’autres tribunaux administratifs au Canada et d’autres systèmes d’octroi de l’asile à l’étranger en ce qui concerne les processus, les structures et les pratiques exemplaires. Ce rapport (appelé le rapport Ewart) propose plusieurs aspects à examiner à la CISR, notamment : optimiser l’utilisation de la TI, rationaliser la transmission des renseignements en provenance et à l’intention des demandeurs d’asile, catégoriser les cas, accroître le soutien offert par le personnel aux décideurs, réduire la nécessité des motifs écrits pour les décisions relatives à l’asile, accroître le soutien pour la rédaction des décisions, améliorer le contrôle de la qualité et envisager les nominations conjointes entre les sections de la CISR. La plupart de ces éléments seront abordés dans le présent rapport.

IRCC a réagi à la dernière hausse marquée de demandes d’asile en améliorant l’efficience de son processus décisionnel relatif à la recevabilité dans les bureaux intérieurs, en fonction de l’augmentation importante de la demande au Québec. La capacité additionnelle mise en place et le traitement rationalisé ont permis de réduire considérablement les délais d’attente pour les demandeurs d’asile dans le processus de réception. Les processus initiaux demeurent cependant lourds, y compris les processus décisionnels relatifs à la recevabilité et à l’admissibilité qui se recoupent entre IRCC et l’ASFC, avant qu’un demandeur d’asile dépose le formulaire Fondement de la demande d’asile.

L’ASFC fait actuellement l’objet d’un examen visant à établir les besoins en financement des programmes s’inscrivant dans son mandat et à redéfinir les priorités au besoin. On ignore si l’examen de l’ASFC aura une incidence sur les composantes intervenant dans le système d’octroi de l’asile et le degré de priorité de ce programme pour l’Agence à l’avenir.

Rapide, équitable et définitif?

Dans un ouvrage publié en 2009, Peter Showler, universitaire et ancien président de la CISR, plaide en faveur d’un système [traduction] « rapide, équitable et définitif », faisant observer que [traduction] « le système de demande d’asile du Canada est trop lent » et que [traduction] « les retards causent préjudice aux réfugiés légitimes et peuvent attirer les demandes d’asile infondées »Note de bas de page 20 . Le présent examen considère le caractère « rapide, équitable et définitif » comme une mesure utile du système d’octroi de l’asile.

Le caractère « rapide » suppose d’établir les garanties procédurales nécessaires et des délais raisonnables afin que les demandeurs d’asile soient en mesure d’obtenir du soutien juridique pour préparer leur dossier et que les décideurs soient prêts à instruire les demandes d’asile. Ainsi, la qualité des décisions de première instance est, à bien des égards, la pierre angulaire d’un système d’octroi de l’asile. Un système qui néglige la qualité des décisions de première instance risque de voir ses gains d’efficacité minés par des appels longs et coûteux et l’absence d’issue dans les cas où la qualité de personne à protéger n’est pas reconnue. À l’inverse, un système de première instance trop minutieux qui vise la perfection ralentirait le processus décisionnel, qui serait trop long pour les personnes à protéger, et retarderait le renvoi de celles dont la qualité de personne à protéger n’est pas reconnue.

Depuis 1989, la CISR a traversé plusieurs périodes importantes durant lesquelles la prise de décision était décalée et les volumes accrus de demandes dépassaient largement la capacité de traitement de la SPR. L’histoire se répète encore une fois aujourd’hui, alors que le nombre de demandeurs d’asile au Canada en 2017 s’élève à près de 50 000. Ces volumes représentent une augmentation à trois volets par rapport à ceux de 2014. Ces défis ne datent pas d’hier, quoiqu’ils aient maintenant atteint une ampleur considérable, représentant près du double de la capacité du système actuel. Comme il a été mentionné précédemment, le système du Canada n’a jamais été particulièrement rapide et, même lorsque les volumes de demandes d’asile étaient plutôt faibles, les cibles de productivité à la SPR n’étaient pas respectées pendant la période qui a suivi la réforme du système d’octroi de l’asile. Les délais de traitement se sont considérablement allongés au cours des périodes où les volumes de demandes d’asile étaient élevés, car le système d’octroi de l’asile et le gouvernement du Canada ont mis du temps à réagir, soit par la prise de nouvelles mesures ou l’expansion de la capacité du système. C’est toujours le cas aujourd’hui, en 2018, où l’on observe un allongement rapide des délais et où l’on perd ainsi de vue l’objectif d’un système « rapide ».

Qu’en est-il de l’équité? Le système d’octroi de l’asile du Canada est reconnu à l’échelle internationale en raison de l’image de grande équité qu’il projette. L’équité, dans le contexte de la protection des réfugiés, consiste à s’assurer que le demandeur d’asile a la possibilité de présenter sa version des faits devant des décideurs spécialisés qui sont très compétents lorsqu’il s’agit de statuer sur des demandes d’asile et qui peuvent assurer l’équité procédurale. Ces décideurs doivent agir de manière raisonnable au moment d’évaluer les circonstances particulières de la personne qui demande l’asile, en se fondant sur son témoignage et ses éléments de preuve et en tenant compte des renseignements dont ils disposent sur les conditions précises dans le pays d’origine. Le décideur doit être sensible aux réalités culturelles, et libre de toute partialité personnelle ou institutionnelle; il ne doit jamais se fier aveuglément à des considérations d’ordre politique ou liées aux relations bilatérales.

Si l’équité se rattache à la notion d’indépendance institutionnelle de la CISR au Canada, ce lien est beaucoup moins marqué dans les modèles d’octroi de l’asile des pays de l’Union européenne (UE). Autrement dit, les décideurs doivent être en mesure d’instruire les affaires dans un environnement où leurs décisions ne sont pas perçues comme étant entravées par des facteurs externes, comme les positions en matière de politique étrangère du gouvernement au pouvoir. La notion de protéger l’indépendance des décideurs est au cœur du concept du système canadien actuel et sous-tend la raison d’être permanente d’un tribunal « indépendant » et la culture de déférence envers les décideurs à la CISR. Des études universitaires font état de certains écarts dans les approbations et les rejets par des décideurs à la SPR relativement à des dossiers qui présentent des faits similaires et portent sur le même pays d’origineNote de bas de page 21 . L’équité est minée lorsque la prise de décision est jugée incohérente et laisse place à des recours qui sont raisonnablement susceptibles d’avoir une issue favorable. Au Canada, l’interprétation de l’indépendance institutionnelle par la CISR et la culture qui l’entoure semblent faire obstacle à l’utilisation d’outils d’assurance de la qualité et à la supervision de décideurs présents dans bien d’autres instances.

En ce qui a trait au caractère « définitif », avant la réforme du système d’octroi de l’asile, il était possible d’en appeler des décisions de la SPR uniquement devant la Cour fédérale par l’intermédiaire du processus d’autorisation. La création de la SAR a donné naissance à un nouvel organe d’appel tout en maintenant la possibilité d’avoir recours à la Cour fédérale lorsque la personne n’est pas satisfaite d’une décision de la SAR. Le processus à la SAR était censé consister en un examen rapide sur papier admettant un nombre limité de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas normalement accessibles au moment de l’audience devant la SPR. Il n’était pas prévu qu’il s’agisse une nouvelle audience. L’expérience acquise au cours des cinq dernières années donne à penser que la SAR n’est pas particulièrement rapide, et les cas de la SAR en 2015 et en 2016 ont pris plus de temps que ceux de la SPR. Par ailleurs, des cas de la SAR sont renvoyés à la SPR, car la SAR est incapable de régler une proportion faible, mais notable, de décisions. La grande majorité des demandeurs d’asile déboutés à la SAR s’en remettent ensuite à la Cour fédérale, faisant du caractère « définitif » un objectif plutôt lointain. Il est encore plus difficile d’atteindre le caractère définitif en raison des retards dans les renvois attribuables à la difficulté d’obtenir la coopération des pays sources, ce qui a donné lieu à une diminution importante du nombre de renvois au cours des cinq dernières années. Pour ces raisons, le caractère « définitif » se révèle difficile à atteindre dans le système d’octroi de l’asile canadien.

En résumé, il est évident que le système actuel dans son ensemble n’atteint pas ses objectifs sur le plan de la rapidité ni ceux de l’issue définitive des décisions défavorables en raison, d’une part, de problèmes de gestion, et d’autre part, d’approches passives quant à l’assurance de la qualité. Les facteurs d’attrait créés par la qualité inégale des décisions et les retards du système servent à leur tour à encourager les demandeurs d’asile de mauvaise foi à tenter leur chance dans le système dans l’espoir que leur démarche porte fruit et, au minimum, que leur retour dans leur pays d’origine soit longuement retardé. Le présent examen vise essentiellement à donner suite au besoin d’accroître l’efficience et la rapidité de manière à assurer à la fois l’équité et le caractère définitif. Ce système de près de 30 ans comporte certains aspects qu’il serait impossible de réformer sans l’orientation et le leadership du gouvernement.

Selon les constats du présent examen, une transformation concrète exige une solide perspective de la gestion des systèmes pour établir l’ordre de priorité des cas concernant des personnes à protéger et pour empêcher que des demandes d’asile soient présentées de mauvaise foi et minent la confiance envers le système d’octroi de l’asile. Il n’est en aucun cas nécessaire de sacrifier l’équité pour apporter des améliorations qui permettent de simplifier l’interaction d’un demandeur d’asile avec le processus, pour rationaliser les cas qui sont manifestement fondés ou très crédibles dans le cadre d’un processus simplifié de prise de décision, ou même pour fournir des outils et une orientation à l’appui de la prise de décision afin d’assurer une approche cohérente et transparente. L’atteinte de l’efficience et du caractère définitif et le maintien de l’équité deviennent une question de réflexion et d’équilibre pour la mise en œuvre des solutions proposées dans le présent rapport.

Conclusion

Dans l’ensemble, bien que les efforts déployés actuellement à la CISR, à IRCC et à l’ASFC soient louables, des problèmes persistent en ce qui a trait à la réception, à la mise au rôle et aux audiences, en plus des problèmes de gestion de longue date relevés dans le cadre d’évaluations et de vérifications successives concernant la gouvernance, les ressources humaines, la surveillance du rendement et la reddition de comptes. En l’absence d’une gestion plus stratégique, la réussite globale demeure au mieux incertaine, et au pire improbable. Il est clair que le gouvernement du Canada a investi des sommes importantes pour soutenir les demandeurs d’asile et traiter leurs demandes pendant qu’ils sont au Canada. Comme les volumes de demandes d’asile ont doublé, le financement supplémentaire devra être deux fois plus élevé si le statu quo est maintenu. La « crise » actuelle donne l’occasion de revoir les façons de faire et constitue la raison d’être du présent examen.

Il est important de se rappeler que le système d’octroi de l’asile du Canada se transforme depuis plusieurs décennies, façonné par l’évolution du contexte entourant les réfugiés, la jurisprudence et les mesures de réforme adoptées par divers gouvernements. La CISR est en place depuis maintenant près de 30 ans. Le système canadien a bonne réputation à l’échelle internationale et le Canada est reconnu depuis longtemps comme un pays d’accueil pour les réfugiés, comme en témoigne son intervention récente dans la crise des réfugiés syriens. Néanmoins, le système canadien a de la difficulté à composer avec les vagues successives de demandeurs d’asile qui, bien qu’elles soient imprévisibles, se produisent régulièrement. La lenteur de réaction a mené à la création d’importants arriérés de cas, qui sont coûteux du point de vue financier en plus de placer les demandeurs d’asile dans une situation difficile, souvent pendant plusieurs années, après quoi il peut être très complexe de procéder au renvoi dans les cas des demandeurs d’asile déboutés. Les importantes mesures de réforme en 2010 et en 2012 se sont révélées insuffisantes pour instaurer un système efficace et efficient. La question suivante se pose maintenant : le système tel qu’il est structuré et géré à l’heure actuelle peut-il produire les résultats escomptés? La réponse à cette question se trouve dans le reste du rapport.

Chapitre 2 : Pratiques exemplaires à l’étranger

Les difficultés actuelles du Canada lorsqu’il s’agit de composer avec la hausse marquée des demandes d’asile se posent également ailleurs dans le monde. Au cours des trois dernières années, le volume de demandes d’asile a augmenté considérablement dans les pays de l’UE, où le nombre de demandeurs d’asile a connu une hausse de 123,4 %, passant de 562 700 en 2014 à 1 257 000 en 2015, pour ne diminuer que légèrement en 2016 à 1 204 300Note de bas de page 22 . En Suède seulement, le nombre de demandes d’asile a atteint 169 000 en 2015, ce qui représente 1,7 % de la population. Dans le contexte canadien, cette proportion représenterait une augmentation de plus de 600 000 demandes d’asile, soit le double des niveaux d’immigration actuels au total, et une augmentation plus de dix fois supérieure au nombre de demandes d’asile en 2017. En Allemagne, environ 890 000 demandeurs d’asile sont arrivés au pays en 2015Note de bas de page 23 .

Ces pressions récentes sur les systèmes d’octroi de l’asile européens découlant des niveaux sans précédent de demandeurs d’asile qui se rendent en Europe depuis l’Afrique et le Moyen Orient ont gravement nui à la capacité de pays clés de gérer ces vastes mouvements migratoires. Cependant, l’UE a servi de banc d’essai pour l’innovation dans le traitement des demandes d’asile, alors que des pays comme l’Allemagne et la Suède ont réussi à renforcer rapidement la capacité décisionnelle en une année à peine en accroissant les effectifs affectés au traitement et à la prise de décision et en mettant à profit leur système de triage des cas. Dans l’ensemble de l’UE, l’augmentation du nombre de décisions prises entre 2014 et 2016 était supérieure à celle du nombre de demandes reçues (201 % par rapport à 114 %)Note de bas de page 24 .

À la lumière de cette profusion d’expériences récentes, l’équipe chargée de l’examen a étudié les pratiques exemplaires et les leçons retenues à l’étranger au sujet de la gouvernance, des stratégies de gestion et des approches de traitement dans le cadre d’entrevues, de visites sur place et de recherches documentaires. Cette analyse porte sur les approches adoptées en Suède, en France, en Allemagne, aux Pays Bas, au Royaume-Uni et aux États-Unis. En Europe, les directives de l’UE établissent des normes minimales communes pour les systèmes d’octroi de l’asile, que les pays mettent en application de façon individuelle. Bien que tous les pays soient aux prises avec des difficultés sur le plan du traitement des demandes d’asile, il apparaît évident, dans les différents modèles, que bon nombre de ces systèmes ont atteint un niveau d’innovation supérieur à celui du Canada à l’heure actuelle. Des systèmes de gestion rigoureux ont été mis en place pour composer avec les fluctuations importantes du volume de demandes d’asile. Les pratiques exemplaires à l’étranger sont résumées ci-dessous selon les thèmes propres au contexte canadien : la gouvernance, le financement, le traitement des demandes d’asile, les ressources humaines et la technologie de l’information.

Gouvernance

La majorité des pays à l’étude ont intégré de nombreuses étapes du processus d’octroi de l’asile dans une seule organisation. Les modèles de traitement des demandes d’asile sont pour la plupart structurés comme des « organismes » opérationnels, la moitié environ étant responsable de l’ensemble des étapes du processus, depuis l’enregistrement de la demande d’asile jusqu’à la décision de première instance, à la réinstallation dans le pays d’accueil et au retour volontaire. Ces organismes opérationnels ne visent pas à établir une politique sur l’asile; ils sont plutôt axés sur l’exécution. La prise d’une décision indépendante et impartiale s’inscrit dans les paramètres de la justice naturelle. Au sein de l’UE, ce principe est énoncé dans la Directive relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationaleNote de bas de page 25 . Les décisions concernant d’autres formes discrétionnaires de protection, comme les motifs d’ordre humanitaire et la réunification des familles, sont intégrées dans le processus décisionnel en matière d’asile. Dans bien des cas, par exemple aux États-Unis, aux Pays Bas et au Royaume-Uni, un seul organisme opérationnel est responsable de la réinstallation des réfugiés depuis l’étranger. Les appels en matière d’asile sont, dans tous les cas, traités à l’extérieur de l’organisme chargé de la prise de décision, habituellement par des organes judiciaires spécialisés qui relèvent des ministères responsables de la justice.

L’Office des migrations de la Suède, qui fait partie du ministère de la Justice, est responsable de l’ensemble du continuum de la migration, depuis les demandes d’asile jusqu’aux visas d’études et de travail, en passant par les permis de résidence permanente et temporaire, l’hébergement et les retours volontaires. En Allemagne, l’Office fédéral de la migration et des réfugiés (BAMF) est un organisme du ministère de l’Intérieur chargé de la réception des demandes et de la prise de décisions, dont la majorité des étapes sont exécutées dans les centres d’accueil. Au Royaume-Uni, l’octroi de l’asile relève de la responsabilité de la Direction de l’immigration et de la protection (Immigration and Protection Directorate), qui fait partie de Visas et immigration (UK Visas and Immigration), une division du ministère de l’Intérieur (Home Office), et comprend un contrôle initial aux fins de décision, la gestion de cas par l’intermédiaire du processus d’appel et les renvois assistés.

La situation des États-Unis est quelque peu particulière : le pays est doté d’un système à double protection géré par différentes organisations. Les demandes présentées dans les bureaux intérieurs et aux points d’entrée font l’objet d’une décision par des agents d’asile à la Direction des réfugiés, de l’asile et des opérations internationales (Refugee, Asylum and International Operations directorate) des Services de citoyenneté et d’immigration des États-Unis (US Citizenship and Immigration Services – USCIS), un organisme du département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security). Les cas de renvoi accéléré sont évalués par des agents d’octroi de l’asile des USCIS, puis ils sont transmis à un tribunal de l’immigration qui détermine s’il y a lieu de renvoyer les étrangers accusés d’avoir contrevenu aux lois de l’immigration ou de leur accorder une dispense ou l’asile, d’une manière semblable au processus canadien d’examen des risques avant renvoi.

Les Pays Bas et la France administrent des systèmes décentralisés faisant intervenir plusieurs organisations. Aux Pays Bas, le ministère de la Sécurité et de la Justice est le principal responsable, avec l’appui de trois organismes chargés de la réception, de la prise de décision et des renvois. En France, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est chargé des décisions qui relèvent du portefeuille du ministère de l’Intérieur, tandis que la police et les municipalités gèrent la réception des demandes.

Le Royaume-Uni et les États-Unis comptent également des organes d’examen indépendants définis dans la législation. L’inspecteur en chef indépendant de Frontières et immigration (Borders and Immigration) du Royaume-Uni rend compte de l’efficience et de l’efficacité des services au ministre de l’Intérieur et au Parlement, et reçoit l’orientation d’un groupe consultatif indépendant sur les renseignements relatifs aux pays d’origine et d’un forum sur les réfugiés et l’asile. Aux États-Unis, un ombudsman des services de citoyenneté et d’immigration au département de la Sécurité intérieure a le mandat d’améliorer la qualité des services des USCIS et d’aider les gens à résoudre les problèmes, ce dont il rend compte dans un rapport annuel au secrétaire de la Sécurité intérieure et au Congrès.

Gestion du système

Les pays utilisent un vaste ensemble d’outils de gestion du système d’octroi de l’asile. Lorsque les rôles sont partagés entre des organisations, les réunions périodiques et la coordination entre les dirigeants de ces organisations sont appuyées par des approches de gestion visant à surveiller et à gérer le processus décisionnel. À titre d’exemple, aux Pays Bas, les dirigeants des organismes et le personnel de niveau opérationnel se réunissent pour assurer la coordination horizontale et verticale au moyen d’un plan pluriannuel convenu pour l’octroi de l’asile qui prévoit des objectifs de productivité pour les principales étapes du traitement des demandes d’asile. Des prévisions détaillées examinées et approuvées par la haute direction trois fois par année servent de fondement au financement. L’organisme responsable des décisions discute de son plan chaque trimestre, notamment les cibles à établir pour différents volets de traitement, et les résultats sont examinés chaque semaine par la direction.

En Allemagne, en réaction à la crise, un comité directeur présidé par le ministre fédéral de l’Intérieur a été créé avec les secrétaires d’État de tous les ministères fédéraux concernés, et un plan a été dressé en six mois avec la Chancellerie fédérale responsable de la coordination générale des politiques. À ce comité s’est ajouté un groupe de coordination entre les autorités fédérales et locales et celles des États responsables de l’hébergement. Un système de gestion intégrée des réfugiés a été mis au point à partir des processus fédéraux et régionaux autrefois distincts, lesquels sont maintenant exécutés aux centres d’accueil dans chaque État, avec l’appui des centres de décision et des bureaux satellites, et gérés par l’intermédiaire de réunions fréquentes de la haute direction. Dans l’année qui a suivi le début de la période de pointe, les procédures d’octroi de l’asile ont été raccourcies, simplifiées et converties au numérique.

Les États-Unis et le Royaume-Uni ont également signalé une collaboration continue aux échelons supérieurs pour examiner le rendement du système, y compris les cibles, les prévisions et les ressources. Les États-Unis établissent des cibles en collaboration avec les régions, et surveillent de près chaque étape du processus à l’échelle nationale pour résoudre rapidement les problèmes qui surviennent. La France a opté pour une approche unique en son genre en créant un conseil de gestion composé de représentants élus et d’organisations non gouvernementales (ONG) qui établissent des procédures générales et des objectifs annuels et qui valident le budget. Le dirigeant du système d’octroi de l’asile (le directeur général de l’OFPRA) rend compte au conseil et s’engage à respecter les normes de service définies et à produire des rapports chaque trimestre.

Modèles de financement

La plupart des pays à l’étude ont en place des processus gérés d’affectation des ressources. Ces systèmes reposent sur des modèles de prévision et des cibles de productivité, lesquels serviront à orienter les demandes de ressources pour les années ultérieures. Les prévisions sont mises à jour chaque année, mais se déclinent sur un horizon pluriannuel.

Les Pays Bas sont financés en fonction des prévisions et des délais de traitement; la majorité des cas sont traités selon un système de huit jours, et les autres sont assujettis à un échéancier plus long. Le modèle de financement au Royaume-Uni, qui se rattache au cycle de financement gouvernemental et est mis à jour chaque année, prévoit une certaine marge de manœuvre pour réaffecter des ressources à l’interne ou recourir à un fonds de prévoyance central en fonction de la fluctuation des volumes. Le financement du Royaume-Uni repose sur les prévisions combinées aux normes de service de traitement, selon lesquelles environ 50 % des cas sont jugés simples et traités dans un délai de six mois. Les autres cas sont généralement traités en 12 mois. Le Royaume-Uni établit aussi des cibles pour d’autres éléments du processus, comme les entrevues préliminaires. Il a indiqué que ses prévisions se situent généralement à moins de 1 % du nombre réel de cas. L’Office des migrations de la Suède a en place un modèle de prévision exhaustif comparable, et rend compte chaque trimestre au ministère suédois de la Justice.

Le modèle d’affectation de la dotation aux USCIS fait appel à des méthodes axées sur les données pour quantifier les besoins en ressources par bureau, y compris la Direction des réfugiés, de l’asile et des opérations internationales; le modèle repose sur des facteurs clés, à savoir le nombre projeté de demandes à recevoir, le nombre d’heures par taux d’achèvement (ou les taux de productivité), le taux d’utilisation ou de participation et la contribution des experts en la matière. Comme les États-Unis financent leur système d’octroi de l’asile à partir des recettes tirées des frais d’utilisation perçus dans d’autres programmes d’immigration, il est important que les prévisions quant aux demandes reçues soient aussi exactes que possible. Ce modèle s’inscrit dans une structure de gouvernance plus vaste et est revu et revalidé par la direction dans les secteurs des opérations, des politiques et des finances trois fois par année.

Il convient de mentionner que les États-Unis et la Suède disposent de la latitude voulue pour réaffecter les ressources à l’interne, car les deux pays ont en place des organisations à grande échelle responsables de toutes les étapes du traitement des demandes d’asile et d’autres secteurs d’activité. Le modèle suédois offre cependant une plus grande marge de manœuvre; le financement en cours d’exercice peut être rajusté deux fois et, pour composer avec les hausses marquées de la demande, un fonds de prévoyance par activité est accessible avec possibilité de dépassements si ces derniers peuvent être compensés dans un autre secteur de l’organisation. Bien qu’il n’y ait pas de processus budgétaire pluriannuel aux États-Unis et en Suède, les deux pays établissent des perspectives sur deux ans et sur cinq ans, respectivement, à des fins de planification.

En Allemagne, en réponse à la crise, deux budgets supplémentaires ont été approuvés en 2015, suivis de budgets annuels négociés entre tous les ordres de gouvernement. Au ministère des Finances, un comité de coordination pour les questions liées aux réfugiés a été mis sur pied pour contrôler et planifier les dépenses du système d’octroi de l’asile. À la fin de l’exercice financier de 2015, des fonds excédentaires ont servi à constituer une réserve pour les dépenses supplémentaires visant les réfugiés. Le budget de 2016 pour l’effectif a aussi été largement bonifié de près de 5 000 postes permanents et temporaires, surtout pour assurer la protection des frontières et régler les demandes d’asile. De surcroît, l’aide humanitaire a presque triplé pour contribuer à trouver les causes fondamentales de la migration massive.

Traitement des demandes d’asile

La structure organisationnelle des systèmes d’octroi de l’asile détermine dans une grande mesure la complexité et l’efficience des procédures. Parmi les systèmes des pays à l’étude, certains comportaient des procédures d’asile intégrées, tandis que d’autres faisaient intervenir de multiples parties, depuis la réception jusqu’à la décision. Pour tous les pays, les procédures d’asile supposaient habituellement un processus de deux ou trois étapes, suivi de processus d’examen de la décision et/ou d’assurance de la qualité, dans un délai global d’environ trois à six mois pour les cas simples :

  • enregistrement de la demande d’asile, suivi d’une décision (avec ou sans entrevue);
  • enregistrement de la demande d’asile et examen de la recevabilité, suivis d’une décision (avec ou sans entrevue).

Enregistrement

Dans les pays européens, on attache une grande importance à l’enregistrement rapide et à la vérification de l’identité à des fins de sécurité. Au moment de l’enregistrement initial, des renseignements de base sont recueillis au sujet du demandeur d’asile, soit l’identité, les documents de voyage, les antécédents de voyage, les empreintes digitales et les photos, mais peu d’information sur la nature de la demande d’asile elle même. L’enregistrement sert à vérifier rapidement l’identité, les antécédents relatifs à des interdictions de territoire et les demandes de visa ou d’asile antérieures. Cette étape peut durer à peine quelques heures comme c’est le cas en Suède, où il n’y a pas de vérification des antécédents criminels (selon la politique sur l’asile de l’UE, les antécédents criminels n’empêchent pas de demander l’asile), et jusqu’à quatre heures au Royaume-Uni, où une décision sur l’admissibilité est prise. En Allemagne, tout comme au Royaume-Uni, on ne laisse pas partir le demandeur d’asile avant d’avoir obtenu les résultats de la vérification de sécurité, ce qui prend quelques heures dans la plupart des cas.

Pour confirmer l’identité d’un grand nombre de demandeurs d’asile sans papier, l’Allemagne utilise la biométrie vocale, des claviers spécialisés pour traduire les noms et l’analyse de données mobiles. Dans le cas des mineurs non accompagnés, qui représentaient une proportion élevée dans la vague de demandeurs d’asile en 2015, les Pays Bas, la France et la Suède ont mené des examens médicaux pour vérifier l’âge. Le processus de renvoi accéléré en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis prévoit une entrevue préliminaire afin de permettre au demandeur d’asile d’expliquer brièvement les circonstances entourant sa demande d’asile et de répondre aux questions.

En France, les demandes d’asile doivent être faites dans les 120 jours suivant l’entrée au pays, à moins qu’une raison valable ne justifie la présentation tardive d’une demande. En vertu de la loi, l’enregistrement doit avoir lieu dans les trois jours ouvrables suivant la date à laquelle le demandeur d’asile a déclaré son intention de demander l’asile, période qui peut aller jusqu’à 10 jours ouvrables lorsque les arrivées sont nombreuses. Aux Pays Bas, l’enregistrement se fait habituellement en un à trois jours, ce qui comprend la consignation des renseignements, l’entrevue et l’examen médical. Ensuite, le demandeur d’asile dispose d’une période de répit de six jours au minimum et de trois semaines au maximum avant le début du processus décisionnel de huit jours.

Triage

La plupart des pays ont mis en place un système de triage selon plusieurs catégories pour améliorer l’efficience du processus d’octroi de l’asile. Chaque organisation définit des catégories particulières en fonction de critères précis, comme le pays d’origine, l’itinéraire de voyage, la complexité de la demande d’asile, les résultats antérieurs et le temps requis pour terminer le traitement. Il peut y avoir de trois à sept catégories différentes, notamment les demandes manifestement infondées et fondées et les groupes de pays ou de régions géographiques. Les demandes d’asile qui semblent bien fondées et infondées passent généralement par un processus accéléré. La plupart des pays accordent également la priorité aux mineurs non accompagnés et aux personnes en détention.

Pratiques exemplaires à l’étranger : HCR et BEA

Des modèles exemplaires d’efficience dans le contexte de l’asile dans les pays de l’UE appliquent de nouveaux outils de gestion à leurs systèmes pour réagir aux fluctuations dans le volume de cas à traiter, avec l’appui du HCR et du Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEA), qui sont devenus des centres d’expertise dans l’échange de pratiques exemplaires. Le BEA offre également du soutien opérationnel, par exemple pour les entrevues, l’assurance de la qualité et d’autres services de soutien aux États membres de l’UE. Les principales pratiques exemplaires sont les suivantes :

  • Analyse de l’arriéré et gestion de données, ce qui comprend la collecte, l’analyse et la communication régulières de statistiques détaillées pour dégager les tendances et les pratiques inefficaces.
  • Utilisation de la technologie de gestion des cas, de modèles d’entrevue et de décision et de processus automatisés.
  • Planification en cas d’urgence pour s’assurer d’avoir en place le personnel et les gestionnaires requis, y compris du personnel temporaire et des employés ayant reçu une formation polyvalente, afin de réagir rapidement à la fluctuation des volumes.
  • Diverses procédures de traitement pour différents lots de cas en instance et profils de demandeurs qui permettent la catégorisation et le classement en ordre de priorité des demandes d’asile pour les groupes distinctifs ou le traitement accéléré, et qui font en sorte que les renseignements requis sont recueillis d’emblée en fonction des critères établis.
  • Spécialisation des fonctions et responsabilités du personnel pour assurer l’uniformité et veiller à ce qu’une attention suffisante soit accordée à chaque tâche.
  • Gestion efficace pour établir des objectifs de rendement clairs en fonction de la complexité de la tâche, attribuer le travail, assurer la bonne coordination du bureau et réduire le chevauchement des tâches ou les lacunes.
  • Établissement d’objectifs de rendement clairs pour chaque étape du processus en fonction de la complexité du dossier, et surveillance active par les gestionnaires.
  • Formation intensive de grande qualité pour les nouveaux employés visant l’acquisition de connaissances et de compétences, le perfectionnement professionnel permanent et la formation ciblée pour répondre aux besoins relevés dans le cadre de la supervision continue.
  • Mesures visant le bien-être des employés pour aider à prévenir ou à atténuer le stress, et à réduire le taux de roulement du personnel.
  • Information sur les pays d’origine, comme une orientation sur les principaux enjeux (possibilité de refuge intérieur, protection de l’État), et guides techniques, par exemple concernant l’entrevue des demandeurs d’asile, l’évaluation des faits, les exclusions et le traitement des cas de personnes vulnérables ou ayant des besoins spéciaux, de manière à accroître l’uniformité.
  • Modules de formation pour le nouveau personnel et perfectionnement professionnel continu offerts dans le cadre d’un cours en ligne de six semaines et de l’encadrement en milieu de travail, pour répondre aux besoins relevés durant la supervision continue.

Habituellement, le triage est fait par quelqu’un d’autre que la personne qui mène l’entrevue et le décideur, généralement durant ou après l’enregistrement. En France, la municipalité qui reçoit la demande d’asile détermine la catégorie à laquelle celle-ci appartient. En Suède, des équipes d’agents de traitement des cas attitrés classent les dossiers dans les catégories correspondantes avant de transmettre un avis de convocation aux demandeurs d’asile. Au Royaume-Uni, les dossiers sont triés après l’entrevue préliminaire. De pair avec l’enregistrement, ces systèmes de triage servent à préparer le dossier pour l’agent chargé de l’entrevue ou le décideur en recueillant et en organisant les renseignements de base sur le demandeur d’asile.

Lorsqu’une entrevue est requise, le client et son conseil sont convoqués selon l’état d’avancement du dossier et la stratégie de mise au rôle, laquelle tient compte de la catégorie attribuée. En Suède, par exemple, on envoie un préavis d’un mois, selon la disponibilité du conseil, à l’aide d’un calendrier de disponibilité électronique, de sorte qu’il y a très peu de demandes de changement de date. La plupart des systèmes reposent sur la prémisse selon laquelle il incombe au demandeur d’asile et à son conseil (avocat ou autre) de se rendre disponibles ou de trouver un autre conseil qui peut les représenter à l’entrevue.

Entrevues et décisions

Tous les pays visés par l’examen ont en place un processus d’entrevue dans un cadre informel servant essentiellement à établir le fondement de la demande d’asile, souvent à partir de recherches et d’observations propres au cas faites par la suite. Plusieurs pays ont recours à du personnel spécialisé pour différentes étapes du processus décisionnel, ce qui signifie que les agents chargés de l’entrevue ne sont pas toujours ceux qui prendront la décision. Certains font appel à des spécialistes régionaux du pays en réaction aux brèves périodes de pointe, mais il a été signalé que les spécialistes de différents types de cas pour certains groupes vulnérables présentent des avantages à plus long terme sur le plan de l’efficience. La majorité des pays ont établi des objectifs hebdomadaires détaillés en fonction des types de cas et des catégories, notamment des objectifs plus élevés pour les cas simples et plus faibles pour les cas complexes. En Allemagne, durant la crise, la priorité a été accordée aux cas simples et aux familles nombreuses, lesquels étaient assortis d’objectifs plus élevés. Au Royaume-Uni, une équipe affectée aux cas à traiter met à l’essai de nouvelles méthodes de travail en vue d’accroître l’efficience.

Dans tous les pays à l’étude, un processus d’examen des décisions est réalisé par un autre décideur de même niveau, un décideur de niveau supérieur ou un superviseur. Certains pays examinent les décisions dans 100 % des cas, alors que d’autres centrent leurs efforts sur les décisions prises par des décideurs en période d’essai et dans les cas complexes. Au Royaume-Uni, les spécialistes techniques et les agents principaux de traitement des cas ont la responsabilité d’examiner environ 50 % de toutes les décisions, en plus de procéder à des vérifications aléatoires et à l’assurance de la qualité. Les décisions prises dans les cas complexes et non susceptibles d’appel doivent aussi être approuvées par un agent principal de traitement des cas. En Allemagne et en France et dans le cadre des demandes d’asile présentées dans les bureaux intérieurs aux États-Unis, l’agent chargé de l’entrevue/le décideur rédige la décision, qui est ensuite examinée par un superviseur. En Suède, l’agent chargé de l’entrevue fait une recommandation au décideur, qui supervise une équipe d’agents chargés des entrevues.

Des interprètes participent aux entrevues en personne, par vidéoconférence ou par téléphone. En Allemagne, les interprètes sont désignés selon la langue que les demandeurs d’asile peuvent comprendre pour éviter d’avoir recours à des services dans une langue rare. Les États-Unis surveillent la qualité de l’interprète d’un demandeur d’asile au moyen d’un service téléphonique.

Les demandeurs d’asile peuvent être appuyés par un avocat ou un autre représentant. En Suède et aux Pays Bas, l’aide juridique est offerte gratuitement aux demandeurs d’asile selon un modèle de conseil commis d’office dans la plupart des cas. Fait intéressant, en Suède, les cas jugés susceptibles de faire l’objet d’une décision favorable ne sont pas représentés. Le processus décisionnel de huit jours des Pays Bas comprend une étape importante semblable à une décision d’appel, dans le cadre de laquelle les intervenants travaillent en collaboration avec les conseils pour achever la rédaction des décisions défavorables, ce qui réduit le nombre d’appels officiels et améliore grandement l’efficience du processus dans son ensemble.

Dans le but d’accroître au maximum la productivité, des outils tels que des listes de vérification sont mis à la disposition des agents chargés des entrevues et des décideurs pour les aider à cibler leurs efforts sur les facteurs à prendre en considération pour prendre une décision. Dans la plupart des pays, il y a des modèles à utiliser pour les notes d’entrevue et les décisions. Le Royaume-Uni dispose d’un outil de prise de décision assistée digne de mention, un arbre décisionnel numérique favorisant à la fois l’uniformité et la précision des cas, s’il y a lieu.

Les pays européens fournissent des résumés et des constats concernant les conditions dans les pays, ainsi que des instructions sur les aspects dont les décideurs doivent tenir compte selon le type de demande d’asile et les pays visés. D’autres ministères gouvernementaux ont la responsabilité de préparer des rapports sur les principaux pays sources (comme le ministère des Affaires étrangères aux Pays Bas) ou encore de contribuer à ces rapports. L’Allemagne prépare des rapports concis. Les renseignements sur les pays d’origine sont accessibles au public, sauf en Allemagne.

Assurance de la qualité et intégrité des programmes

Tous les pays à l’étude évaluent continuellement la qualité des décisions en matière d’asile au moyen de programmes officiels d’assurance de la qualité. Les systèmes d’assurance de la qualité comprennent des modèles d’examen des décisions sur le plan opérationnel, auxquels s’ajoutent des unités d’évaluation de la qualité chargées de procéder à des contrôles aléatoires après les décisions et d’en rendre compte à la direction. Le contrôle de la qualité est une fonction interne de chaque organisation, à l’exception de la France, où un contrat est établi avec le HCR afin que celui-ci évalue la qualité des entrevues, des recherches et des décisions et rende publics les constats tirés de son évaluation. Les unités d’évaluation de la qualité spécialisées au sein des organisations s’occupent généralement d’établir les normes et les lignes directrices, de concevoir la formation, de faire la vérification périodique des décisions, de cerner rapidement les problèmes et de surveiller les tendances.

Aux Pays Bas, on procède chaque semaine à l’examen de cas sélectionnés au hasard. Au Royaume-Uni, l’assurance opérationnelle est orientée par des comités de direction et d’évaluation des risques et un conseil de gouvernance. Au niveau opérationnel, des vérifications de première ligne et des activités de surveillance du rendement sont réalisées, tandis qu’une équipe de conformité indépendante évalue un faible pourcentage de cas choisis au hasard et mène des examens ciblés. La fonction de vérification interne, l’inspecteur en chef indépendant et le HCR offrent un troisième niveau d’assurance. En Allemagne, une équipe examine également un faible pourcentage de cas chaque mois et donne suite aux plaintes. Les États-Unis comptent des unités d’intégrité des programmes et d’assurance de la qualité chargées d’établir des indicateurs et des listes de vérification et d’examiner les cas touchant la sécurité et un échantillon de dossiers en fonction des plans annuels. Le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne donnent de la rétroaction sur les constats tirés de ces examens en vue d’améliorer la formation.

Appels

Tous les pays examinés ont en place un processus d’appel pour les demandeurs d’asile déboutés, lequel relève du ministère de la Justice et non de l’organisation responsable de la prise de décision. Dans la plupart des pays, les appels sont instruits par un tribunal de droit administratif, souvent une chambre spécialisée dans le domaine de la migration regroupant des experts en droit de l’immigration. En règle générale, les demandes d’asile qui sont jugées manifestement infondées ne sont pas susceptibles d’appel. En France, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), un tribunal spécialisé pour les appels en matière d’asile, tient des audiences publiques. Aux États-Unis, les décisions peuvent être portées en appel devant la Commission d’appel de l’immigration (Board of Immigration Appeals). Les Pays Bas prévoient un délai d’une semaine pour interjeter appel afin d’assurer l’exécution rapide des mesures de renvoi, et les décisions sont rendues dans un délai de quatre semaines. La plupart des organes d’appel à l’étude sont investis du pouvoir de substituer leur propre décision à celle qui a été prise.

Le contrôle judiciaire est généralement accessible aux demandeurs d’asile après le processus d’appel. Le Royaume-Uni a établi un processus notable pour favoriser le règlement des demandes d’asile sans litige dans le but de réduire le pourcentage de cas où la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire. Des lettres de protocole préalable à l’instance sont échangées entre le demandeur d’asile et le gouvernement. Les recours habituels comprennent le réexamen d’une partie ou de la totalité de la décision initiale et un engagement à prendre une mesure dans un délai précis; par exemple, convenir de réexaminer une décision dans un délai de trois mois.

Renvois

Les renvois représentent un défi pour tous les pays. Selon les données recueillies en 2009 auprès des pays ayant des systèmes d’octroi de l’asile comparables, les taux habituels de renvoi des demandeurs d’asile déboutés sont généralement de moins de 50 %. En complément des renvois forcés, tous les pays visés par l’examen ont en place des programmes de retour volontaire ou assisté qui sont habituellement administrés par les organisations intervenant dans le processus d’octroi de l’asile pour encourager les départs. Les renseignements transmis aux demandeurs d’asile au sujet du retour assisté sont communiqués tout au long du processus de demande d’asile. La plupart des pays offrent de l’aide pour le voyage de retour et la réintégration dans le pays d’origine (y compris l’emploi et la formation), et bon nombre d’entre eux ont mis sur pied des projets sur mesure avec l’Organisation internationale pour les migrations. Les Pays Bas financent leur programme à partir du programme d’aide étrangère, prévoyant l’octroi de subventions et de contributions aux ONG qui offrent du soutien pratique à la réintégration aux demandeurs d’asile déboutés. Les États-Unis et la Suède ont également conclu des ententes directes avec certains pays pour faciliter le renvoi des demandeurs d’asile. Les Pays Bas gèrent activement le renvoi des demandeurs d’asile déboutés en menant automatiquement des entrevues toutes les six semaines en lien avec le soutien social permanent. En 2017, l’Allemagne est venue en aide à près de 55 000 demandeurs d’asile déboutés dans le cadre de son programme de départ volontaire, alors que le Royaume-Uni aide environ 20 % des demandeurs d’asile déboutés. En France, environ 4 774 personnes sont retournées volontairement dans leur pays en 2016, et 1 095 personnes ont reçu une certaine forme d’aide. Les pays ont constaté que ces programmes sont un moyen rentable pour les gouvernements d’appuyer la réintégration des demandeurs d’asile déboutés et de contribuer à l’atteinte des objectifs d’ordre humanitaire, en particulier lorsque d’autres mesures de retour se révèlent insuffisantes pour accroître la conformité aux instructions relatives au départ.

Ressources humaines

Comme les systèmes de la plupart des pays sont intégrés dans un organisme de plus grande portée, il est alors possible de réaffecter du personnel au besoin. En Suède et aux États-Unis, l’effectif est déplacé entre les bureaux régionaux ou différents secteurs d’activité en fonction des exigences et des priorités opérationnelles. Bien que le système des Pays Bas soit décentralisé, les décideurs sont régulièrement réaffectés selon la charge de travail. En réaction à la crise de 2015, la Suède, l’Allemagne et les Pays Bas ont embauché de nouveaux employés permanents et temporaires ayant des antécédents très variés par l’intermédiaire d’agences, essentiellement pour aider à l’enregistrement et aux entrevues préliminaires et assumer d’autres fonctions de soutien. L’Allemagne a également prêté main-forte à des milliers de fonctionnaires provenant d’autres organisations fédérales et a embauché du personnel local supplémentaire. Le Royaume-Uni et les Pays Bas ont tous deux déployés des équipes de décideurs mobiles durant la crise, et l’Allemagne a aussi mis sur pied des centres de prise de décision à l’appui des centres d’accueil. En Suède, lorsque le nombre de demandeurs d’asile a chuté en 2016, les ressources responsables des premières étapes du processus (réception et décisions de première instance) ont été réaffectées aux étapes ultérieures (réévaluation des permis de séjour temporaire).

Au chapitre du traitement de la réinstallation à l’échelle internationale, la plupart des pays envoient des décideurs en matière d’asile dans les missions de réinstallation de réfugiés étant donné la nature similaire du travail entourant les demandes d’asile sur place et la protection à l’étranger. Aux États-Unis, des équipes distinctes d’agents d’octroi de l’asile et de réinstallation font partie de la même direction, et leurs membres peuvent demander une affectation de courte durée dans une autre mission ou une formation polyvalente selon les besoins.

Tous les pays reconnaissent le rôle crucial des décideurs et mettent l’accent sur le recrutement de la bonne personne en fonction des compétences essentielles. La France et la Suède recrutent des personnes ayant acquis une expérience de travail internationale. En Suède, des tests de personnalité sont aussi utilisés, et l’aptitude à résoudre des problèmes est évaluée. Aux Pays Bas, la plupart des agents de traitement des cas sont des avocats de formation. Dans le même ordre d’idées, les États-Unis recrutent la plupart des agents d’octroi de l’asile auprès des facultés de droit, et d’autres auprès d’ONG ou de programmes d’immigration du gouvernement américain. Les avis d’emploi au Royaume-Uni mettent l’accent sur la nécessité d’atteindre les objectifs de rendement.

La formation des nouveaux décideurs dure entre 5 et 16 semaines et est offerte en ligne, en salle de classe et dans le cadre d’exercices pratiques. La formation dans tous les pays porte essentiellement sur la même matière : le droit des réfugiés, les entrevues, la prise de décisions, la recherche et la gestion de cas. L’Allemagne compte un centre de formation réparti à plusieurs endroits et un vaste bassin de formateurs pour répondre à la demande élevée. Durant la crise, le programme de formation a été réduit et réorienté sur des compétences précises comme les techniques d’entrevue ou la spécialisation par pays. Une formation de suivi a été donnée par l’Allemagne, qui a aussi établi des normes de qualité. La plupart des pays prévoient une période d’essai d’un an, au terme de laquelle le décideur est considéré comme étant pleinement qualifié. Les États-Unis exigent également que les agents superviseurs des demandes d’asile suivent une formation spécialisée sur l’application de la jurisprudence, la cohérence et l’efficacité dans l’évaluation des entrevues et des travaux écrits des agents d’octroi de l’asile, et l’amélioration des compétences en rétroaction, en relations interpersonnelles et en gestion de la charge de travail.

Le maintien en poste des décideurs très qualifiés est un défi universel en raison du roulement habituel du personnel, généralement dans un intervalle de trois ans. Le Royaume-Uni entreprend un nouveau programme de perfectionnement pour améliorer le recrutement et le maintien en poste.

Chapitre 3 : Point de vue des intervenants

L’examinateur indépendant a consulté un large éventail d’intervenants qui ont donné leur avis sur le fonctionnement actuel du système selon la perspective des utilisateurs, des défenseurs des intérêts et des spécialistes du domaine de l’asile. Les intervenants n’ont pas hésité à communiquer leurs idées et ont proposé des mesures permettant de réaliser des gains d’efficience ainsi que des possibilités d’amélioration. Bien qu’il n’y ait pas eu de consensus sur toutes les questions, les intervenants ont unanimement souligné l’importance de l’équité dans le système. Essentiellement, les intervenants ont tous insisté sur le principe d’indépendance du processus décisionnel en matière d’asile et ont exprimé une préférence pour le modèle de tribunal sans lien de dépendance avec le gouvernement; en effet, selon eux, l’équité pourrait être menacée si le principe de l’indépendance institutionnelle n’était pas respecté. Dans une même mesure, les intervenants ont soulevé des préoccupations liées aux politiques et aux lois qui ne sont pas résumées dans le présent rapport, car ces considérations étaient hors de la portée de l’examen. Outre les consultations ciblées réalisées par l’examinateur indépendant, les résultats des consultations qu’IRCC a menées auprès des intervenants en juillet 2016 ont permis d’étayer le présent examen.

Les intervenants ont fourni de précieux commentaires sur tous les thèmes abordés dans le présent rapport, lesquels sont résumés ci-après.

Gouvernance

Les intervenants appuient unanimement un système rapide garant d’équité pour les demandeurs. Ils considèrent que les lacunes systémiques dans les organisations clés nuisent à l’atteinte de cet objectif. Ils ont soulevé des préoccupations au sujet de l’absence de gestion globale du système ainsi que de la nécessité de mettre en place un processus plus cohérent. Les clients pâtissent de la transmission inutile et nébuleuse des dossiers entre les organisations ainsi que des retards qui en découlent. Certains intervenants souhaitent que tous les processus décisionnels soient réunis au sein d'une seule organisation experte, y compris en ce qui concerne les décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, les examens des risques avant renvoi ainsi que les décisions relatives au statut des personnes apatrides, afin d’assurer l’uniformité des décisions et du traitement réservé aux clients par rapport à celles-ci. Les intervenants souhaitent également renforcer la responsabilisation au sein du système grâce à un mécanisme de surveillance et de production de rapports, comme un ombudsman ou un inspecteur apte à surveiller les processus d’octroi de l’asile et à en rendre compte au Parlement.

Traitement des demandes

Les intervenants sont d’avis que le système doit être plus souple, conformément aux principes de la justice naturelle, sans compromis sur le plan de l’équité. Bon nombre d’intervenants prônent l’abandon des processus fondés sur les règles, comme les délais stricts qui ne tiennent pas compte de la complexité des dossiers, afin que le règlement des cas se fasse de la façon la plus informelle possible. Ils recommandent, par exemple, de réduire au minimum le nombre d’étapes que les clients doivent suivre au cours du processus et d’éliminer les chevauchements. Ils recommandent aussi des solutions technologiques simples afin d’accélérer le traitement, comme le courriel pour communiquer avec le conseil et les demandeurs, ainsi que les demandes électroniques. Beaucoup d’intervenants ont indiqué que les délais serrés pour le dépôt du formulaire Fondement de la demande d’asile et pour la tenue des audiences entraînaient des reports. Ils ont insisté sur le fait que, grâce à des échéanciers plus longs pour la prise de décision, la CISR serait plus à même de transmettre les dossiers à des décideurs spécialisés et de veiller à ce que les dossiers soient prêts à être instruits. L’utilisation du langage clair dans toutes les communications avec les demandeurs a également été suggérée dans l’optique de permettre une meilleure compréhension du processus. On a recommandé d’effectuer une comparaison avant et après la réforme afin de déterminer les aspects du processus qui prennent désormais plus de temps.

Services d’un avocat

L’aide juridique a été largement reconnue comme un élément essentiel d’un processus efficace. Il a été souligné que si le conseil a accès aux demandeurs d’asile de façon rapide et informelle, le processus devient plus rapide, plus fiable et plus équitable. Les intervenants ont fait ressortir la nécessité d’un financement uniforme et stable de l’aide juridique à l’échelle de pays. Ils ont également réitéré que les besoins en aide juridique des demandeurs d’asile sont évalués en fonction des moyens financiers et du mérite. Un accès rapide aux permis de travail pourrait réduire les coûts associés à l’aide juridique assujettie à l’évaluation des moyens financiers. On a préconisé le versement d’un financement à toutes les provinces par le gouvernement fédéral, pour des programmes d’aide juridique ou de conseil commis d’office, afin de rendre l’accès aux services d’un conseil plus facile et plus équitable tout en garantissant une expertise et une fiabilité accrues (p. ex. cliniques d’aide juridique spécialisées en droit des réfugiés). Afin de remédier à d’autres problèmes qui contribuent aux lacunes en matière de représentation, par exemple la réglementation et la formation inadéquates, il faudrait mettre en place des processus relatifs à la confidentialité et aux plaintes inefficaces au sein du système. Un mécanisme d’assurance de la qualité lié au financement a été suggéré comme moyen pour accroître la responsabilisation à l’égard du public en ce qui concerne les coûts liés à l’aide juridique.

Présentation des demandes d’asile

Les intervenants s’entendent pour dire qu’il devrait y avoir un processus uniforme pour la présentation des demandes d’asile, que ce soit à un point d’entrée ou à un bureau intérieur. Les formulaires devraient être simplifiés et fusionnés pour n'en former qu’un seul, ce qui éliminerait les chevauchements et le double emploi entre l’ASFC, IRCC et la CISR. Selon bon nombre d’intervenants, le processus que doit suivre le demandeur d'asile nécessite que celui-ci et son conseil fournissent un maximum de renseignements afin de veiller à ce que toute question pertinente qui pourrait être soulevée pendant l’audience ne soit pas omise involontairement. Cette approche entraîne des coûts importants, et une façon de remédier à ce problème serait de clarifier les questions de fond avant l’audience ou le plus tôt possible dans le processus de demande d’asile. D’autres suggestions ont été formulées :

  • Soit axer l’entrevue relative à la recevabilité sur l’unique question de la recevabilité de la demande, soit décréter que toutes les demandes sont d’emblée recevables et aborder toute question concernant la recevabilité dans le cadre du traitement de la demande.
  • Éliminer les redondances entre le processus de détermination de la recevabilité et le processus de décision.
  • Accorder plus de temps pour la préparation du formulaire Fondement de la demande d’asile.
  • Recueillir uniquement des renseignements qui sont pertinents à la demande d’asile.
  • Réduire le nombre de documents que les demandeurs d’asile doivent fournir et faire traduire.

Gestion des cas

De l’avis général, le traitement des demandes d’asile devrait être accéléré, les audiences, plus courtes, et le processus, accessible à tous les demandeurs d’asile, peu importe leur pays d’origine. Le système devrait offrir plus de souplesse afin d'effectuer le tri des cas pour lesquels une décision favorable peut manifestement être prise rapidement, sans la tenue d'une audience. On a recommandé la mise en place d’un processus de triage préalable à la mise au rôle, axé sur les questions déterminantes, permettant de relever les cas dont le traitement peut être accéléré et de libérer les ressources décisionnelles pour les cas plus complexes. De nombreux intervenants ont suggéré l’emploi de modèles de soutien administratif permettant de recommander les cas favorables aux décideurs. Cette mesure permettrait à la fois de réduire les coûts et d’augmenter la productivité. La catégorisation des cas selon divers facteurs, comme le pays d’origine, le fait que le demandeur d’asile est un mineur non accompagné, la présence d’une seule question à trancher, le fait que le demandeur d’asile se trouve en détention, l’existence de circonstances particulières, l’appartenance à un groupe pour lequel le traitement des demandes d’asile est accéléré, ou les interventions ministérielles, est considérée comme un outil pratique pour mieux gérer la charge de travail. D’autres suggestions ont été formulées :

Miser sur les processus accélérés :

  • Tout en établissant des mécanismes de protection, accélérer le traitement des cas, que la décision soit favorable ou défavorable; revenir à l’ancien système pour accélérer le traitement de tous les cas manifestement fondés et mettre en place un système parallèle pour le traitement accéléré des cas qui sont probablement infondés.
  • Les demandeurs d’asile de tous les pays devraient avoir accès à un processus accéléré assujetti à des directives; le conseil devrait être en mesure de recommander des cas.
  • Accélérer le traitement des cas des personnes vulnérables (mineurs non accompagnés, demandeurs d’asile dont les membres de la famille sont restés dans le pays d’origine et se trouvent dans une situation de risque, ceux qui ne peuvent poursuivre leurs études en raison de leur statut en matière d’immigration, demandeurs d’asile en détention, cas anciens, personnes LGBTQ).
  • Procéder par examen du dossier quand le cas du demandeur d’asile est bien documenté.

Faire un usage plus judicieux des audiences courtes :

  • Tenir une audience courte quand les éléments de preuve semblent pencher vers une décision favorable, mais qu’un simple examen du dossier n’est pas approprié; une audience complète devrait être tenue seulement s’il est impossible de rendre une décision favorable au terme d’une audience courte.
  • Examiner les pratiques antérieures de la Section de la protection des réfugiés : entrevues accélérées d’une heure pour les demandes d’asile qui seront probablement accueillies, mais qui nécessitent une évaluation de la crédibilité; tenir deux audiences courtes concernant des demandes simples dans une plage horaire prévue actuellement pour une seule audience.
  • Attribuer des audiences courtes uniquement aux décideurs qui excellent à ce type d’audience.

Améliorer la mise au rôle et réduire le nombre de reports et d’ajournements :

  • Transférer la responsabilité de mettre les cas au rôle à l’organisation chargée de rendre la décision.
  • Les demandeurs d’asile devraient être avisés d’une date d’audience peu de temps après que leur cas aura été déféré; si l’audience est remise à plus tard, une nouvelle date devrait être fournie immédiatement.
  • Mettre au rôle à une date plus rapprochée les audiences des demandeurs d’asile qui sont prêts plus rapidement.
  • Éviter le plus possible les retards, car le conseil doit se préparer chaque fois, ce qui augmente les coûts.
  • Les politiques internes et les pratiques de gestion devraient permettre d’éliminer ou de réduire au minimum les retards attribuables, par exemple, à la maladie d’un décideur, à l’omission de documents, à l’absence d’interprètes ou d’interprètes qualifiés, aux vérifications de sécurité et aux demandeurs d’asile non représentés.

Prise de décision

Dans le cadre du présent examen, plusieurs experts en matière de détermination du droit d’asile se sont exprimés avec franchise au sujet des possibilités d’améliorer la productivité et la qualité du travail des décideurs. Deux thèmes clés sont ressortis quant à la prise de décision : premièrement, la nécessité d’améliorer la rapidité et l’uniformité; deuxièmement, celle de rendre les audiences aussi informelles que possible, étant donné que les règles excessivement strictes empêchent les demandeurs d’asile de faire un récit spontané de ce qu’ils ont vécu. Les conférences préparatoires avec le conseil ont aussi été largement recommandées. Voici d’autres suggestions formulées à ce propos :

  • Accroître la transparence des décisions grâce à des motifs plus clairs qui font mention des incertitudes.
  • Élaborer des guides sur des sujets tels que la crédibilité, les possibilités de refuge intérieur, le risque généralisé et la protection de l’État.
  • Établir des lignes directrices quant aux circonstances dans lesquelles le ministre peut intervenir, particulièrement en ce qui concerne les interventions d’IRCC par rapport à la crédibilité, et limiter les interventions aux cas d’exclusion ou de renseignements manquants dans le dossier.
  • Investir dans des renseignements exacts et objectifs sur la situation dans les pays et mettre ceux-ci à jour de façon dynamique, au fur et à mesure que la situation évolue.
  • Ramener les salles d’entrevue pour les décisions rapides et informelles.
  • Instruire et trancher les demandes en une seule séance, ajourner tôt dans la mesure du possible et prononcer plus souvent les décisions de vive voix.

Après la décision

Plusieurs propositions ont été mises de l’avant afin de rationaliser les processus postérieurs à la première décision en matière d’asile, notamment que la Section d’appel des réfugiés prenne une décision définitive et ne renvoie pas les cas à la Section de la protection des réfugiés aux fins d’un nouvel examen. On a également proposé un traitement prioritaire à la Section d’appel des réfugiés. Afin d’aider cette dernière, on a suggéré un recours accru aux directives jurisprudentielles de la Section d’appel des réfugiés, particulièrement en ce qui a trait à la protection de l’État et aux possibilités de refuge intérieur. L’objectif de l’appel devrait être de faire en sorte que la Cour fédérale s’en remette entièrement à la compétence de la Section d’appel des réfugiés, ce qui limiterait le contrôle judiciaire aux questions de droit.

Afin d’encourager le retour des personnes dans leur pays d’origine dans la dignité et l’anonymat, un programme de retour volontaire a été recommandé en tant que méthode plus efficace que le renvoi forcé. Ainsi, un bureau indépendant pourrait faciliter le retour des demandeurs d’asile déboutés dans leur pays. Cela pourrait prendre la forme d’une aide en nature pour le logement, d’une formation sur les moyens de subsistance ou de paiements discrétionnaires pour le transport et la réinstallation. Les intervenants ont recommandé de combiner le processus de demande de résidence permanente avec le processus de demande d’asile de manière à améliorer l’efficacité.

Financement

Tous les intervenants ont convenu que le financement devrait être suffisant pour permettre le traitement rapide des demandes d’asile. Les arriérés ne sont avantageux pour personne, outre ceux qui tentent de prolonger leur séjour au Canada. Ils ont fortement recommandé la mise en place d’un mécanisme permettant de fournir des ressources supplémentaires en cas d’arriéré ou d’afflux de demandes.

Gestion des ressources humaines

Les intervenants ont souligné qu’afin de réaliser des gains d’efficience sur le plan du traitement, il est prioritaire d’assurer le maintien d’un effectif complet de décideurs et d’interprètes disponibles en tout temps, et ainsi d’éliminer les lacunes en matière de capacité. Ils ont également fait valoir que des décideurs bien formés et bénéficiant d'un soutien adéquat représentaient la composante essentielle d’un système efficace, et que le recrutement était un facteur crucial. Voici d’autres suggestions ayant été formulées :

Dotation

  • Rehausser les exigences pour une connaissance de fond accrue du droit des réfugiés, notamment en recrutant des décideurs ayant une formation en droit.
  • Procéder à la vérification des antécédents afin d’évaluer le jugement; évaluer les capacités de synthèse dans le cadre du recrutement; améliorer continuellement les processus permettant d’évaluer les aptitudes.
  • Sélectionner des décideurs compétents et impartiaux; réévaluer les décideurs nommés par rapport aux décideurs fonctionnaires, car le nouveau modèle n’a pas permis d’atteindre les objectifs en matière d’efficience.
  • Accélérer les processus de nomination.
  • Nommer les candidats du plus haut calibre à la Section d’appel des réfugiés afin que ceux-ci soient en mesure de gagner le respect des cours fédérales, de sorte qu’elles s’en remettent à leur compétence, ainsi que de fournir des directives à la Section de la protection des réfugiés pour que celle-ci puisse devenir plus efficiente.
  • Faire en sorte que les évaluations soient uniformes, tant pour la Section de la protection des réfugiés que pour la Section d’appel des réfugiés.
  • Accroître le recours aux postes à temps partiel et à durée déterminée;
  • Envisager le recrutement d’interprètes professionnels.

Formation et gestion du rendement

  • Mieux former les décideurs sur le plan de la rédaction des décisions, de l’utilisation des processus accélérés et de la détermination des questions clés à trancher.
  • Examiner les retours de la Section d’appel des réfugiés et fournir de la formation afin d’éviter les erreurs futures et de faire en sorte que les décisions soient rendues plus rapidement.
  • Demander aux organisations de service et de défense des droits de la personne de fournir une formation continue.
  • Renforcer les programmes de mentorat afin d’augmenter le rendement et de réduire l’épuisement professionnel.
  • Faire en sorte que les mesures d’assurance de la qualité de la Section de la protection des réfugiés aillent au delà des résultats de la Section d’appel des réfugiés et tiennent compte de la rapidité et des plaintes.
  • Mettre en place un processus de plainte simple et transparent afin d’améliorer la qualité des décisions.
  • Remédier au traitement non uniforme aux points d’entrée ainsi qu'aux incohérences perçues grâce à la formation.

Conclusion

Bien que les intérêts des intervenants soient très variés, un consensus instructif se dégage. Il ressort clairement des discussions avec les intervenants qu’il existe de nombreuses possibilités d’apporter des améliorations à l’efficacité et au fonctionnement global du système, et que des contributeurs externes comme les avocats et les ONG devraient faire partie de toute réflexion à l’égard de nouvelles approches en matière de détermination du droit d’asile.

Suivant les thèmes abordés dans cet examen de l’efficacité, le point de vue des intervenants fournit des renseignements précieux sur tous les aspects du système. Sur le plan du traitement initial des demandes d’asile, les intervenants appuient un processus amélioré de réception des demandes d’asile qui réduirait les redondances et améliorerait la collecte de renseignements, tout en faisant un meilleur usage de l’automatisation. En ce qui a trait à la prise de décision, les intervenants souhaitent fortement s’assurer que les procédures de règlement des cas sont adaptées à chaque dossier, notamment grâce à un meilleur triage, au règlement informel des problèmes et à la délimitation des questions à trancher en vue de l’audience du demandeur d’asile. Les idées avancées par les intervenants sont axées sur les intérêts en matière d’équité procédurale des demandeurs d’asile, lesquels doivent assumer le fardeau associé au formalisme du processus, et dans la même mesure sur ceux des ONG et des organismes d’aide juridique, lesquels doivent assumer une partie des coûts qui s’y rattachent. L’équité, la responsabilisation et les résultats étaient au cœur des préoccupations des intervenants, et ces principes trouvent écho dans le présent examen. Bon nombre de ces suggestions pratiques ont été prises en considération dans l’élaboration des recommandations qui suivent.

Chapitre 4 : Vers une gestion systémique des activités d’octroi de l’asile au Canada

Une des principales observations ayant découlé des consultations menées auprès de la CISR, d’IRCC, de l’ASFC et des intervenants est que l’efficience du système d’octroi de l’asile a souffert de l’absence de gestion active, cohérente et responsable dans la totalité du continuum de ses activités. Sans une telle gestion, les décisions relatives aux différentes composantes du système sont prises sans égard à leurs répercussions sur les autres parties du système – y compris le processus de détermination du droit d’asile –, ce qui nuit à la productivité et à l’efficience de l’ensemble.

C’est pourquoi une approche axée sur la gestion systémique est essentielle. Cette approche permet différentes options en matière de gouvernance allant d’un système plus efficient et coordonné à un système en grande partie intégré en une seule structure organisationnelle. Toutefois, certains principes et paramètres communs constituent le cadre essentiel de l’approche générale; ainsi, peu importe l’option retenue ou le résultat final, il est recommandé qu’un certain nombre d’améliorations – qui ne nécessitent aucun changement organisationnel ou législatif – soient immédiatement apportées au système afin d’accroître l’efficience, de corriger les lacunes sur le plan de la capacité et de ramener l’arriéré à un niveau gérable. Un tel programme d’action entraînerait des améliorations qui sont nécessaires à court terme, tout en ouvrant la voie à une transformation systémique plus profonde.

Paramètres de référence

Dans les autres programmes d’immigration et de protection des réfugiés, le gouvernement dispose de leviers pour gérer l’accès au moyen de processus de sélection et d’outils d’évaluation. Outre les visas et les autorisations de voyage, il existe peu de moyens permettant expressément de gérer l’accès à l’asile, le Canada ayant l’obligation légale d’examiner au cas par cas toutes les demandes d’asile recevables présentées au Canada. Des décennies d’expérience montrent que peu importe la provenance des afflux de demandes d’asile, il existe des périodes où la demande dépasse la capacité de réponse du système. Un système bien géré permettra de mieux gérer ces cycles; or, des mesures particulières devront également être prises afin de mettre fin au cycle d’afflux de demandes suivi de l’accumulation d’arriérés et de retards dans la prise de décision.

Dans un paradigme de gestion systémique, il est important de faire la distinction entre la gestion de la charge de travail dans l’ensemble du système d’octroi de l’asile et la gestion des décisions individuelles. Pour cette dernière, la justice naturelle et les normes juridiques canadiennes et internationales fournissent un cadre essentiel. La gestion de la charge de travail concerne la façon dont les décisions sont prises afin de gérer, de catégoriser et de classer par ordre de priorité les demandes d’asile à l’échelle du système. Une gestion stratégique de la charge de travail suppose une structure de gouvernance assurant la reddition de comptes, ultimement au Parlement, de tous les éléments du système au regard d’un plan cohérent. Le système requiert une gouvernance collective qui permettrait la gestion stratégique et cohérente de la fluctuation du nombre de demandes d’asile.

Le système d’octroi de l’asile au Canada devrait avoir pour objectif la prise de décisions efficaces et équitables aux fins de la détermination du statut de réfugié, tout en accordant la priorité au besoin de protection. Il est essentiel que les décisions individuelles relatives aux cas soient prises de manière indépendante, en respectant les principes de justice naturelle ainsi que les normes juridiques canadiennes et internationales. Le modèle de tribunal administratif quasi judiciaire indépendant, lequel vise à protéger l’indépendance des décisions, se trouve à une extrémité du spectre par rapport aux pratiques internationales. Cependant, comme il est souligné dans l’analyse des modèles en vigueur dans d’autres pays, le maintien de ce modèle unique n’est pas nécessaire à la préservation de l’indépendance des décisions. Peu importe le modèle organisationnel, il existe des pratiques de gestion pouvant appuyer les décideurs en ce qui a trait à la façon dont les cas et les décisions sont triés, catégorisés et préparés.

Dans l’examen des différentes options quant à un modèle qui favoriserait une approche axée sur la gestion systémique sans toutefois sacrifier l’indépendance du processus décisionnel, certains paramètres et principes de base ont orienté les recommandations :

  • Respect des engagements internationaux, de la Charte canadienne des droits et libertés et de la jurisprudence canadienne
  • Souci du service à la clientèle
  • Équité et indépendance du processus décisionnel
  • Rapidité et efficience dans tout le continuum du traitement des demandes d’asile
  • Intégrité du système d’octroi de l’asile, pour maintenir la confiance du public
  • Accessibilité des recours
  • Caractère définitif du processus décisionnel relatif aux recours à l’appui de l’application de la loi
  • Solide gouvernance permettant une gestion et une responsabilisation à l’échelle du système
  • Souplesse nécessaire pour réagir aux afflux et aux crises
  • Optimisation des ressources

En gardant à l’esprit les paramètres et principes énoncés ci-dessus, il est possible, dans un paradigme de gestion systémique, de prendre des mesures pour mettre en place certains éléments fondamentaux. Il faut d’abord revoir entièrement la gouvernance, y compris l’approche de gestion et le financement du système. À partir de cette base, il sera possible de transformer le système, ce dont il est question dans le présent chapitre.

Gouvernance, résultats, responsabilisation et financement

Le fonctionnement du système d’octroi de l’asile étant principalement assuré par trois organisations fédérales – l’ASFC, IRCC et la CISR – les résultats sont obtenus par l’entremise de structures de planification et de responsabilisation indépendantes. Pour être maintenue, une gouvernance horizontale trilatérale requiert un engagement exceptionnel de la part de toutes les parties et s’avère fragile lorsque mise à l’épreuve au fil du temps. Quand une partie du système est déficiente, c’est l’ensemble des organisations partenaires qui s’en ressentent. Les cadres de résultats du programme d’octroi de l’asile nécessitent à la fois une gouvernance horizontale et une gouvernance verticale pour être efficaces et axés sur les objectifs et fonctionner comme un tout.

Par ailleurs, l’affectation des ressources destinées aux activités d’octroi de l’asile ne se fait pas de façon systémique. Les ministères reçoivent un financement fixe pour le traitement des demandes d’asile et sont individuellement responsables de la gestion de ces fonds. La majeure partie de la planification et des négociations a lieu de façon ponctuelle, quand des ressources supplémentaires sont demandées, par exemple, par rapport à des changements à la politique des visas ou durant une hausse soudaine du nombre de demandes d’asile – pensons à l’afflux actuel de migrants irréguliers à la frontière américaine. Bien que les demandes de ressources puissent être légitimes du point de vue du ministère qui les présente, il est difficile de prendre en considération les besoins du système dans son ensemble. Il n’existe aucun mécanisme officiel permettant de concentrer les ressources ou de les déplacer stratégiquement d’un ministère à l’autre entre différentes activités en réponse à la demande, si la situation le justifie.

Par ailleurs, les ministères demeurent responsables de leurs propres dépenses, et le financement destiné au traitement des demandes d’asile n’est actuellement pas « réservé » ni protégé. Dans la cadre des opérations quotidiennes, chacun des ministères affecte les ressources à l’interne au traitement des demandes d’asile ou à d’autres activités, selon ce qui est jugé nécessaire. Étant donné que chaque ministère a différentes priorités à concilier, le traitement des demandes d’asile est en concurrence avec les autres programmes pour l’affectation des ressources. Bien qu’il puisse y avoir des affectations théoriques pour le traitement des demandes d’asile, comme ces ressources ne sont pas réservées ni protégées, elles peuvent être déplacées pour répondre à d’autres besoins opérationnels sans considération pour le système dans son ensemble. Au fil du temps, il peut devenir difficile de savoir ce qui est advenu des ressources qui étaient prévues au départ dans le budget de l’organisation.

Enfin, peu de mécanismes permettent d’avoir facilement accès à des fonds pour éventualités. Pendant une forte hausse des demandes d’asile, les organisations doivent réaffecter les fonds à l’interne. À l’exception de l’ASFC, qui a la possibilité de reporter des fonds sur deux ans, elles ne peuvent pas déplacer les ressources d’une année à l’autre. De plus, il n’existe aucun mécanisme simple permettant de faire modifier le financement permanent ou d’avoir accès à des fonds pour éventualités sans passer par le fastidieux processus consistant à élaborer des propositions qui seront étudiées par le gouvernement.

Agence des services frontaliers du Canada – Des priorités difficiles à concilier

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a été créée en 2003 afin de fournir des services frontaliers intégrés, et englobe des responsabilités des ministères des Douanes et de l’Immigration de l’époque. L’ASFC joue un rôle de premier plan dans le traitement des demandes d’asile aux points d’entrée, les vérifications de sécurité, l’intervention dans les cas graves et l’expulsion rapide des demandeurs d’asile déboutés. Une analyse des dépenses de l’Agence depuis les mesures de réforme de 2012 montre que la responsabilisation horizontale actuelle du système d’octroi de l’asile fait que celui-ci est en concurrence avec les priorités générales de l’Agence pour l’affectation des ressources. En 2012, l’ASFC a reçu un nouveau financement pour mettre en œuvre la réforme et augmenter sa capacité afin d’être en mesure de traiter 22 500 demandes d’asile par année, ce qui comprend la réception des demandes, les contrôles de sécurité, les enquêtes, les audiences, l’application de la loi et les renvois. Les dépenses estimées de l’ASFC en matière de traitement des demandes d’asile avant et après la réforme demeurent relativement semblables, et le rendement à cet égard est inférieur à ce qu’il était avant 2012. Dans le cas des renvois, le rendement est très inférieur à ce qu’il était avant la réforme.

Recommandation 1 : Adopter une approche axée sur la gestion systémique.

Recommandation 2 : Établir un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile au niveau des sous-ministres, chargé de recommander au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté un plan annuel pour le système d’octroi de l’asile, lequel :

  • énoncerait les priorités en matière de traitement;
  • confirmerait les prévisions;
  • établirait des cibles en matière de rendement opérationnel;
  • présenterait l’affectation des ressources sous la forme d’un plan budgétaire exhaustif;
  • énoncerait des objectifs en matière d’assurance de la qualité;
  • contiendrait un plan d’investissement et d’innovation par rapport au système et à la technologie de l’information;
  • établirait un cadre redditionnel pour les résultats.

Recommandation 3 : Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et la ministre de la Justice, devrait déposer un plan annuel au Parlement afin de rendre compte chaque année du système dans son ensemble.

Pour parvenir à une approche axée sur la gestion systémique, il faut mettre en place un solide modèle de gouvernance trilatérale qui permettrait une planification à l’échelle du système et donnerait l’occasion à tous les partenaires d’élaborer des plans visant à répondre aux besoins changeants du système dans son ensemble. Selon un tel modèle, un conseil de gestion réaliserait une prévision du nombre de demandes d’asile, énoncerait des priorités en matière de traitement, établirait des niveaux de ressources et officialiserait chaque année un plan triennal qu’il soumettrait à l’examen des ministres et du Parlement. Ce plan servirait de complément à l’actuel plan pluriannuel des niveaux d’immigration.

Plan annuel des niveaux d’immigration

Plan annuel des niveaux d’immigration Tous les ans, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté dépose au Parlement le plan des niveaux d’immigration pour l’année à venir, au plus tard le 1er novembre. Le plan énonce les objectifs du gouvernement en matière d’immigration pour l’année, tant en ce qui concerne le nombre total de résidents permanents que la proportion des différentes catégories de résidents, par exemple pour la conciliation des priorités liées à la réunification des familles et à la croissance économique. Une cible et une fourchette sont établies pour chaque catégorie et pour le plan dans son ensemble et, au besoin, des ressources additionnelles sont demandées en vue d’atteindre les objectifs énoncés dans le plan. Bien qu’IRCC soit le ministère responsable, celui-ci doit consulter ses partenaires en matière d’exécution, dont le Portefeuille de la sécurité publique et la CISR, afin d’atteindre ses objectifs. Le plan est déposé chaque année; or, en 2017, un plan pluriannuel a été présenté pour la première fois. Les fonds nécessaires pour atteindre la cible pour les trois prochaines années sont maintenant réservés dans le cadre financier.

Recommandation 4 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait établir des attentes claires en matière de rendement pour tous les chefs et les administrateurs généraux des organisations en fonction du plan annuel approuvé par le ministre.

En s’appuyant sur les connaissances et la prévoyance du conseil de gestion, le ministre devrait être autorisé à fournir une orientation quant à l’administration de la charge de travail de toutes les organisations, dont la CISR, IRCC et l’ASFC, et à fixer des attentes en matière de rendement opérationnel sans que cela soit perçu comme une influence indue sur l’issue des cas de protection ou d’application de la loi. On pourrait y parvenir de manière transparente au moyen d’une lettre de mandat du ministre à tous les administrateurs généraux ou par l’entremise du greffier, en modifiant en conséquence les ententes de rendement ou les lettres concernant les attentes à l’endroit des administrateurs généraux.

Recommandation 5 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait élaborer des mesures de productivité pour l’ensemble du système.

La productivité du système n’est ni stable ni prévisible, ce qui a suscité des doutes quant à l’utilité d’y injecter des ressources. L’instabilité des taux de productivité, de même que la variation du nombre de demandes d’asile, fait qu’il est difficile d’établir des indicateurs de coûts de base. Pour prévoir adéquatement le rendement, il est crucial d’établir une base de référence. Les méthodes et les hypothèses d’établissement des coûts de tous les partenaires doivent être transparentes, de sorte que tous les acteurs du système comprennent et apprécient les échanges de ressources. Les ministères devraient élaborer ensemble des mesures de la productivité, lesquelles feraient l’objet de rapports et seraient réexaminées tous les trimestres. Les modèles permettant d’établir et de mesurer la productivité sont décrits plus en détail au chapitre 6.

Recommandation 6 : Dresser un budget annuel pour les activités d’octroi de l’asile qui serait revu chaque année en fonction du nombre de demandes prévu ainsi que des cibles en matière de productivité établies par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile.

Bien que le ministre d’IRCC demeure responsable du système d’octroi de l’asile, ce sont en définitive les administrateurs généraux de chaque organisation qui doivent présenter les demandes de financement et rendre compte des dépenses. Il va de soi que les ministères sont consultés pour chaque demande de financement supplémentaire; toutefois, il manque une autorité centrale qui adopterait une approche horizontale en matière de financement et examinerait adéquatement les possibilités d’échange, ce qui comprend le transfert de ressources d’un ministère à un autre quand la situation le justifie. Les organismes centraux peuvent jouer ce rôle, dans une certaine mesure; toutefois, leur intervention survient parfois trop tard dans le processus pour remédier efficacement aux problèmes systémiques.

Ainsi, les ministères devraient immédiatement commencer à jeter les bases en vue de l’établissement d’un budget annuel pour l’asile par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile. Pour ce faire, le conseil de gestion devrait travailler en consultation directe avec le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et le ministère des Finances. Un seul budget annuel devrait être présenté pour l’ensemble du système. Ce budget devrait comprendre une prévision pour les deux prochaines années, à des fins de planification. Le niveau de financement serait revu chaque année en fonction du nombre de demandes prévu ainsi que des cibles en matière de productivité établies par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile. Il est recommandé qu’un plan annuel soit mis en place à partir de 2019-2020, avec une nouvelle base de référence continue, ainsi qu’un budget provisoire pour 2018-2019. Le budget devrait constituer un élément clé du plan annuel relatif au système d’octroi de l’asile, lequel serait déposé au Parlement par le ministre d’IRCC en même temps que le plan pluriannuel des niveaux d’immigration qui est déposé chaque année.

Recommandation 7 : Appuyer l’établissement d’un budget relatif au système d’octroi de l’asile que tous les ministères devraient passer en revue et mettre en place un mécanisme permettant de faire le suivi des dépenses.

L’évaluation horizontale a fait ressortir que les ministères n’étaient pas tous en mesure de faire le suivi des dépenses liées au traitement des demandes d’asile avant 2013. Par exemple, alors que l’un des objectifs de l’évaluation horizontale était de présenter le coût par unité, avant et après la réforme, il a seulement été possible de comparer le coût moyen des services de soutien et non le coût du traitement, car les ministères ne font pas tous un suivi systématique des coûts liés au système d’octroi de l’asile et ne sont pas tous en mesure de suivre et de présenter toutes leurs dépenses de programmes.

De plus, comme l’évaluation horizontale était axée sur le financement supplémentaire fourni dans le cadre de la réforme de 2012, le budget des services votés dont disposaient déjà les ministères avant les mesures de réforme n’a pas été étudié. Il convient de mentionner que, dans le cadre du présent examen, l’ensemble des dépenses consacrées au traitement des demandes d’asile par tous les partenaires au fil du temps ont été comptabilisées pour la première fois. Afin de saisir le coût total du traitement des demandes d’asile et d’établir une véritable base de référence pour l’avenir, il faudra mettre en place des systèmes permettant de veiller à ce que les dépenses et les ressources fassent l’objet d’un suivi complet. Les ministères devraient immédiatement revoir leurs méthodes de comptabilisation des dépenses (par exemple au moyen d’une évaluation des programmes) et commencer à faire un suivi systématique et uniforme des ressources.

Recommandation 8 : Mettre au point un modèle de financement souple.

Puisque le gouvernement ne peut pas cesser de traiter les demandes d’asile quand la pleine capacité est atteinte, il est primordial qu’une approche systémique soit adoptée afin de gérer les ressources et d’assurer une certaine souplesse pour la révision du financement, quand la situation le justifie. Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait collaborer avec les organismes centraux afin de mettre au point dès maintenant un modèle de financement souple pour l’ensemble du système. Ce modèle serait étayé par de solides outils de prévision, d’établissement des coûts et de suivi des dépenses. Il serait alors possible de mettre à jour chaque trimestre le nombre de demandes d’asile prévu et les besoins en ressources présentés au conseil de gestion et approuvés par celui-ci, et donc de revoir le financement en cours d’année et de mieux prévoir les changements importants.

Pour ce qui est de la structure, le conseil de gestion devrait collaborer avec les organismes centraux afin d’établir un budget annuel pour les activités d’octroi de l’asile à l'intérieur du plan relatif au système d’octroi de l’asile qui concorderait avec le plan des niveaux d’immigration en vigueur. De même, le budget devrait être approuvé et revu annuellement en fonction du nombre de demandes prévu et des cibles en matière de productivité, et devrait inclure au moins trois années de prévisions (cible estimée et fourchette maximale). Cela faciliterait la mise en contexte des plans élaborés en cours d’année et permettrait la mise de côté de fonds pour les années à venir.

Plus précisément, le financement devrait être établi en fonction de la fourchette maximale prévue, et des fonds pour éventualités seraient fournis pour les activités qui dépassent celle-ci (p. ex. 10 % par activité). Le financement établi pour la fourchette maximale ainsi que les fonds pour éventualités pourraient être placés dans des affectations précises dans les niveaux de référence des ministères. Grâce à des outils améliorés et à jour, comme le coût par demandeur d’asile, les ministères devraient être en mesure de déterminer avec précision les fonds requis pour chaque activité. Par exemple, si le nombre d’appels traités dépasse la base de référence, des fonds pourraient être libérés en fonction du montant défini par appel à la fin de l’année. Inversement, si le nombre d’appels ne dépasse pas la base de référence, les fonds pourraient être réaffectés par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile ou versés dans le cadre financier après discussion avec les organismes centraux.

Pour ce faire, il existe deux options viables : placer les fonds dans une affectation à but spécial ou les placer dans une affectation bloquéeNote de bas de page 26 . Selon l’une ou l’autre des options, afin d’avoir accès aux fonds pour éventualités, les ministères seraient tenus de remplir certaines conditions préétablies pour que les fonds soient libérés par le Conseil du Trésor du Canada – par exemple, une attestation du dirigeant principal des finances ou l’approbation du Conseil du Trésor. Surtout, après avoir été placés dans une affectation distincte, les fonds devraient faire l’objet d’un suivi distinct et ne pourraient pas être utilisés pour d’autres activités. De prime abord, il serait également possible de placer la totalité du financement, plutôt que le financement prévu pour la fourchette maximale et les fonds pour éventualités, mais cela limiterait considérablement la capacité de gestion de trésorerie des ministères. À l’appui de l’une ou l’autre des options, il faudrait mettre en place des mécanismes pour le transfert de fonds aux organisations des processus initiaux aux processus consécutifs quand le nombre de demandes d’asile reçues diminue ou que des pressions opérationnelles surviennent, mais ces transferts seraient dirigés et approuvés par le conseil de gestion. Des mises à jour seraient présentées au conseil de gestion tous les trimestres, ce qui laisserait suffisamment de temps pour la planification et la révision des niveaux de financement en conséquence pour l’année suivante.

Selon un modèle d’organisation pleinement intégrée, une marge de manœuvre accrue, y compris la capacité de répondre aux hausses importantes du nombre de demandes d’asile, pourrait être obtenue en demandant un crédit de deux ans ou l’autorisation de reporter des fonds sur deux ans. Un crédit de deux ans pourrait être viable si les activités étaient réunies au sein d’une seule organisation, et nécessiterait une autorisation législativeNote de bas de page 27 . L’organisation pourrait ainsi reporter tous les fonds inutilisés d’un exercice financier à l’autre, et donc avoir accès à plus de fonds pour éventualités ainsi qu’à un mécanisme lui permettant de s’adapter à des volumes plus faibles ou plus élevés que prévu. Comme pour le modèle précédent, la même fourchette de financement et les mêmes fonds pour éventualités par activité pourraient être retenus et placés dans des affectations, de sorte que les fonds inutilisés puissent retourner dans le cadre financier. À cet égard, citons l’exemple de Parcs Canada et de l’ASFC, qui sont autorisées à reporter des fonds sur deux ans compte tenu de la nature opérationnelle de leurs activités et de leur capacité limitée de gérer leurs groupes de clients. Dans le cas du traitement des demandes d’asile, on pourrait avancer de façon convaincante que le gouvernement a peu de prise sur le nombre de demandes qu’il reçoit.

Recommandation 9 : Officialiser les processus réguliers de planification et de surveillance des ressources humaines à l’échelle du système.

Des processus ordonnés sont nécessaires pour veiller à ce que les ressources humaines soient affectées le plus efficacement possible dans les organisations, et ce, en tout temps. Il devrait y avoir des objectifs clairs en matière de rendement et de dotation, des plans de RH permettant de les atteindre ainsi que des rapports nationaux réguliers visant à cerner les problèmes, à apporter des modifications et à suivre les progrès accomplis. Suivant le modèle actuel d’examen des rapports hebdomadaires et mensuels de productivité et de disponibilité à la SPR, un examen mensuel national officiel du rendement permettrait de maximiser l’affectation et le recrutement des décideurs à l’échelle du système.

Recommandation 10 : Mettre sur pied un comité consultatif externe formé d’experts du domaine de l’asile, lequel conseillerait le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile au sujet des plans et des propositions.

Les intervenants ont avancé que la meilleure méthode de surveillance ministérielle passerait par un organisme d’examen indépendant qui rendrait compte de l’efficacité du tribunal au ministre ou au Parlement, ce qui réduirait la perception d’ingérence politique dans les opérations. Il y a d’importants avantages à établir un noyau de conseillers externes qui seraient en mesure de donner leur avis sur la faisabilité des priorités et des plans d’un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile en tenant compte des besoins des demandeurs d’asile et de ceux qui défendent leurs intérêts tout en établissant la transparence requise et en obtenant le soutien des intervenants à l’égard des plans grâce à des activités de mobilisation précoces et éclairées.

Recommandation 11 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait recommander au ministre d’IRCC un plan visant à éliminer l’actuel arriéré de demandes d’asile d’ici 2020.

Les lacunes actuelles en matière de capacité doivent être palliées. La réduction des arriérés de demandes d’asile dans le système jusqu’à un niveau gérable dans un délai de 24 mois augmentera les chances de réussite du système après 2020. Les arriérés ont d’importants effets en aval pour les provinces, qui assument les coûts relatifs aux soins de santé, à l’éducation et aux services sociaux dont bénéficient les demandeurs d’asile pendant qu’ils attendent une décision définitive.

Recommandation 12 : Adopter un des deux modèles proposés de gestion systémique pour l’octroi de l’asile.

Aux fins d’une mise en œuvre cohérente de ces mesures de réforme, il est recommandé qu’un conseil soit créé le plus rapidement possible. Une décision doit être prise dès le départ quant à une vision de l’état final. Un choix crucial doit être fait entre les deux modèles suivants :

  1. Réforme du système : Selon ce modèle, les processus initiaux seraient intégrés en vue d’accroître l’efficience. La coordination horizontale serait restructurée de manière à assurer une gestion efficace du rendement dans toutes les étapes du continuum d’octroi de l’asile. Un système plus étroitement intégré permettrait une gestion horizontale plus solide sous la direction du ministre d’IRCC et la coordination assurée par un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile formé de sous ministres. Les processus initiaux seraient intégrés en un seul afin de permettre le triage et la catégorisation stratégiques des cas. Autrement, le modèle axé sur la réforme du système conserve la responsabilisation verticale des ministères et organismes participants, mais le tout serait coordonné par l’entremise du conseil de gestion. Les solutions proposées dans ce modèle peuvent être mises en œuvre sans mesure législative et sont tout aussi valables en tant que mesures immédiates pouvant être prises pendant que l’on envisage un modèle plus intégré.
  2. Système intégré d’octroi de l’asile : Selon ce modèle, l’ensemble du mandat fédéral lié à la protection des réfugiés serait confié à une agence de protection des réfugiés relevant du ministre d’IRCC, de sorte que tous les programmes de protection seraient réunis dans une seule agence intégrée. Comme pour le modèle de réforme du système, les processus initiaux seraient regroupés et rationalisés afin d’éliminer les chevauchements et les redondances. Toutes les décisions prises au premier palier à l’égard des demandes d’asile, que ce soit au Canada ou à l’étranger, seraient confiées à un seul organisme relevant du ministre d’IRCC. Les fonctions liées à la sécurité et aux interventions continueraient de relever du ministre de la Sécurité publique; toutefois, il est possible d’étudier diverses améliorations à apporter au traitement initial aux points d’entrée. Les appels demeureraient une fonction séparée relevant d’un tribunal administratif aux côtés de la Section d’appel de l’immigration de la CISR.

Le présent rapport décrit en détail les éléments requis à l’appui de chacun des modèles. Un résumé détaillé des deux modèles est fourni au chapitre 7.

Option 1 – Réforme du système

Option 1 – Réforme du système décrite ci-dessous.
Version texte : Option 1 – Réforme du système

L’option 1 est le modèle de réforme du système. Sous la supervision du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile superviserait, surveillerait et rajusterait le plan des activités d’octroi de l’asile : les ressources, les échéanciers, les priorités et les résultats. Il recommanderait au ministre un budget pour les activités d’octroi de l’asile, y compris des rajustements en fonction des prévisions mises à jour. Le conseil serait présidé par le sous ministre d’IRCC et compterait parmi ses membres les présidents de l’ASFC et de la CISR. Il serait appuyé par les sous ministres de la Sécurité publique et de la Justice, au besoin.

La CISR, IRCC et l’ASFC relèveraient du conseil. IRCC et l’ASFC se chargeraient de l’inscription et de la vérification, puis les trois ministères procéderaient à un triage conjoint. L’ASFC et la CISR seraient responsables des interventions et des décisions relatives aux demandes d’asile. Les recours comprendraient les appels à la CISR, les ERAR/CH et les retours volontaires pour IRCC et les renvois pour l’ASFC.

Option 2 – Système intégré d’octroi de l’asile

Option 2 – Système intégré d’octroi de l’asile décrite ci-dessous.
Version texte : Option 2 – Système intégré d’octroi de l’asile

L’option 2 est le modèle intégré, dans le cadre duquel l’entièreté du mandat fédéral relatif aux demandes d’asile serait confiée à une agence de protection des réfugiés relevant du ministre d’IRCC et les programmes de protection, fusionnés en une seule agence intégrée. Comme pour le modèle de réforme du système, les processus initiaux seraient intégrés et simplifiés afin de réduire la redondance et les recoupements. Toutes les étapes du processus décisionnel de première instance, qu’elles se déroulent au Canada ou à l’étranger, seraient confiées à une seule agence relevant du ministre d’IRCC. Ces étapes comprennent l’inscription, la vérification et le triage des demandes. Les fonctions liées à la sécurité et aux interventions demeureraient sous la responsabilité du ministre de la Sécurité publique, bien qu’il existe des possibilités à explorer pour améliorer le traitement initial aux points d’entrée. Les appels continueraient d’être gérés de façon distincte par un tribunal administratif, parallèlement à la Section d’appel des réfugiés de la CISR.

Chapitre 5 : Le processus de demande d’asile

Le processus de demande d’asile est constitué de trois étapes principales : la présentation de la demande d’asile, la décision relative à la demande d’asile et les processus postérieurs à la décision, c’est-à-dire les différents recours ainsi que les mesures d’application de la loi pour ceux dont la demande d’asile a été rejetée ou la demande de résidence permanente pour ceux qui ont obtenu le statut de réfugié. Ce processus, consistant tout simplement à prendre une décision à partir des renseignements disponibles, a engendré un système beaucoup plus complexe, lequel mobilise de nombreux partenaires et participants : IRCC, l’ASFC, la CISR, la Cour fédérale, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), les demandeurs d’asile, les conseils, les consultants et les interprètes (voir la figure 8 ci-après). L’objectif fondamental du système est simple : offrir aux personnes ayant besoin de protection la possibilité de présenter leur dossier à un décideur. Bien que la réforme législative de 2012 ait d’abord entraîné une amélioration des délais de traitement et une augmentation du nombre de cas réglés dans le nouveau système d’octroi de l’asile, au fur et à mesure que le nombre de demandes a augmenté, les normes de service ont cessé d’être respectées dans la majorité des cas, et des arriérés se sont accumulés à toutes les étapes du processus.

Comme le souligne Peter Showler dans son rapport Fast, Fair and Final, un système d’octroi de l’asile doit être en mesure de traiter des volumes importants et variables de demandes d’asile avec des ressources limitées, à l’instar de n’importe quel autre organe du gouvernement. L’équité procédurale à l’égard du demandeur d’asile va de soi, peu importe la conception du système; alors, quelles sont les caractéristiques d’un processus de demande d’asile efficace? Du point de vue du processus, certaines caractéristiques sont essentielles à l’appui d’un modèle de traitement rationalisé et efficient :

  1. Les objectifs sont communs et clairs pour tous – Toutes les parties devraient travailler ensemble à la réalisation des priorités communes en matière de traitement et respecter ces dernières.
  2. Le processus est simple – Le processus devrait être exempt d’étapes redondantes et de transferts de responsabilité sans valeur ajoutée entre les partenaires participants et au sein des organisations.
  3. Le décideur est informé à toutes les étapes – Tous les renseignements requis pour chaque point de décision sont recueillis dès que possible au cours du processus, et ils répondent aux besoins informationnels de toutes les parties (agents chargés de trancher la question de la recevabilité, décideurs de première instance, agents de renvoi, etc.) dans le système, tant pour les résultats favorables (données requises pour une demande de résidence permanente) que défavorables (expiration d’un document de voyage).

Dans le système actuel, l’absence de ces caractéristiques est flagrante. Le processus d’aujourd’hui est très cloisonné et complexe tant pour les utilisateurs que pour les agents d’exécution; les parties exercent leur rôle séparément conformément à leurs propres objectifs et priorités internes. Le nombre de cas a augmenté considérablement; or, le système n’a pas été en mesure d’établir un ensemble commun de priorités en matière de traitement et de s’organiser en fonction de celui ci. Par conséquent, le processus ne tient pas compte du temps des demandeurs d’asile ni des énergies dépensées dans l’ensemble du continuum dans l’unique but de régler les cas. Les délais prescrits par la loi contribuent à un système d’audience fondé sur le principe du « juste à temps » qui peine à faire en sorte que les audiences aient lieu aux dates prévues. Les exigences en matière d’équité procédurale, la disponibilité des conseils et des interprètes et la communication tardive des documents sont autant de facteurs qui contribuent au maintien de ces dates d’audiences « juste à temps » et nuisent à une gestion stratégique selon laquelle les cas qui se ressemblent pourraient être confiés à des décideurs qui excellent à certains types de cas, ou être traités suivant des processus adaptés.

Selon un processus simple et éclairé, il n’y aurait qu’une seule entrevue initiale, un triage unifié des cas et un processus décisionnel rapide à une étape étayé par des renseignements au cheminement clair, de la réception de la demande d’asile jusqu’à la décision et aux étapes postérieures. Il existe de nombreuses possibilités de réaliser des gains d’efficience, dont certains qui sont plus précieux du point de vue coûts avantages, mais qui contribuent tous à la réalisation d’économies d’échelle, à la réduction des chevauchements et des redondances, à la diminution du nombre d’erreurs sur le plan de la qualité et à l’intégration du processus entre tous les partenaires.

Le présent chapitre présente les possibilités de réaliser des gains d’efficience de bout en bout du processus. Il convient de noter que certaines lacunes actuelles en matière d’efficience sont intensifiées par la législation. Dans un modèle d’organisation intégrée appuyée par un nouveau cadre législatif, certains problèmes liés au processus peuvent être éliminés. Toutefois, étant donné que l’élaboration et la mise en œuvre de modifications législatives peuvent prendre beaucoup de temps, la majorité de ces recommandations peuvent être mises en œuvre sans modification législative.

Recommandation 13 : Mettre sur pied un comité d’experts chargé de mobiliser et de consulter le milieu juridique et les intervenants en ce qui concerne la conception détaillée du processus et les solutions en matière de traitement.

Il existe peu de ressources possédant une connaissance approfondie de l’octroi de l’asile dans le contexte canadien. Le système étant mal compris, sa conception en a souffert – des corrections apportées à un aspect du processus créent souvent de nouvelles lacunes ailleurs. Afin d’optimiser le processus et de réduire le risque de conséquences négatives (comme des retards, des litiges, un manque de souplesse), il sera essentiel de mobiliser les plus grands spécialistes du Canada, au gouvernement et ailleurs, de manière à assurer une refonte optimale des éléments clés du système d’octroi de l’asile, y compris la mise à l’essai les approches avant de les mettre en œuvre.

Figure 8 : Processus simplifié du système d’octroi de l’asile au Canada

Figure 8 : Processus simplifié du système d’octroi de l’asile au Canada décrite ci-dessous.
Version texte : Figure 8 : Processus simplifié du système d’octroi de l’asile au Canada

Cette image montre un processus simplifié du système d’octroi de l’asile au Canada. La réception comprend l’admissibilité et la recevabilité (sécurité, vérification des données biométriques et biographiques, réception des formulaires et saisie des documents de voyage). Le triage, quant à lui, comprend l’examen de la demande d’asile (sécurité, crédibilité et exclusions) à un bureau local au Canada (IRCC Toronto) et au point d’entrée (ASFC Montréal et Vancouver). La décision de première instance est prise par la Section de la protection des réfugiés de la CISR. Si la décision est favorable, le demandeur obtient le statut de personne protégée et peut présenter une demande de résidence permanente. Si elle est défavorable, le demandeur peut interjeter appel à la Section d’appel des réfugiés de la CISR. Lorsque la décision d’appel est favorable, le demandeur obtient le statut de personne protégée et peut présenter une demande de résidence permanente. Lorsqu’elle est défavorable, le demandeur peut en appeler devant la Cour fédérale. Si la Cour fédérale rend une décision favorable, le cas est renvoyé à la Section d’appel des réfugiés de la CISR afin qu’une nouvelle décision soit rendue. Si elle rend une décision défavorable, le demandeur peut demander une ERAR. Si la décision découlant de l’ERAR est favorable, le demandeur obtient le statut de personne protégée et peut présenter une demande de résidence permanente. Si elle est défavorable, le demandeur doit quitter le Canada ou être renvoyé.

Échéanciers : Décisions relatives à la recevabilité : en trois jours à un bureau local au Canada (IRCC/ASFC). Fondement de la demande d’asile : doit être reçu par la Section de la protection des réfugiés dans un délai de 15 jours. Audiences mises au rôle : 30/45/60 jours selon l’endroit où est présentée la demande et le pays d’origine du demandeur d’asile. Vérification de sécurité terminée : cinq jours avant l’audience. Audiences : Les délais sont respectés pour 90 % d’entre elles et la décision est rendue dans les 25 jours suivant l’audience. Recours : jusqu’à 14 mois (SAR – 4 mois, Cour fédérale – de 4 à 8 mois, aucun délai prescrit pour les cas retournés et l’ERAR). Résultat : Aucun délai prescrit pour la résidence permanente, 80 % des demandeurs déboutés sont renvoyés dans les 12 mois suivant la décision définitive.

Procédures de réception des demandes d’asile

La première étape du processus de demande d’asile peut avoir lieu à un bureau intérieur d’IRCC ou à un point d’entrée de l’ASFC. Le processus de réception vise à recueillir les renseignements qui constituent le fondement de la demande d’asile, dont les renseignements requis pour déterminer l’admissibilité (documents d’identité, empreintes digitales, passeports, antécédents personnels et vérification de sécurité) et la recevabilité (antécédents de voyage, demandes antérieures, résidence, admissibilité) en vue de déférer la demande d’asile à la SPR. De plus, le personnel des bureaux intérieurs et des points d’entrée fournit au demandeur des renseignements au sujet du processus et des obligations d’une personne visée par une mesure d’exécution de la loi et autorise la couverture temporaire de soins de santé.

Recommandation 14 : Établir un processus uniforme de réception des demandes d’asile, que celles-ci soient présentées à un bureau intérieur ou à un point d’entrée.

Selon les commentaires des intervenants et le rapport d’évaluation de la réforme du système d’octroi de l’asile, le processus de réception des demandes d’asile requiert une méthode rationalisée et uniforme pour tous les demandeurs d’asile, qu’ils présentent leur demande à un point d’entrée ou dans un bureau intérieur. À l’heure actuelle, IRCC (dans les bureaux intérieurs) et l’ASFC (aux points d’entrée et pour les personnes détenues) se chargent de recevoir les demandes d’asile et d’interviewer les personnes qui les présentent. Les délais et les processus ne sont pas uniformes en raison de la nature décentralisée des lieux d’opération et des différences entre les mandats de chacun. Les intervenants ont entre autres souligné que l’examen réalisé par l’ASFC aux points d’entrée est plus exhaustif que l’entrevue initiale effectuée par IRCC, ce qui laisse craindre qu’un des processus soit trop poussé et porte atteinte à la vie privée des personnes vulnérables présentant une demande d’asile à un point d’entrée, et l’autre, moins rigoureux et sans valeur ajoutée. Une approche commune, uniforme, respectueuse, mais rigoureuse s’impose. Suivant cette recommandation, un processus unique serait créé, ce qui permettrait l’uniformisation des pratiques de collecte de renseignements et donnerait à IRCC et à l’ASFC l’occasion de mettre l’accent sur la qualité et le maintien de l’intégrité du système. Selon un modèle d’organisation intégrée, cette dernière serait responsable de ces activités tant dans les bureaux intérieurs qu’aux points d’entrée à volume élevé.

Recommandation 15 : Rationaliser le processus de réception des demandes d’asile en adoptant des formulaires électroniques afin de simplifier la façon dont les renseignements sont recueillis auprès des clients et saisis dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC).

Il y a possibilité de regrouper les formulaires à remplir à la réception des demandes d’asile afin d’éviter dès le départ que les mêmes renseignements soient fournis deux fois. Le processus pourrait être grandement simplifié grâce au regroupement des étapes consistant à remplir les formulaires et à créer le dossier dans le SMGC, et à l’élaboration de formulaires électroniques dynamiques pouvant être remplis par le client ou son conseil. Les procédures actuelles en matière de renseignements sont reprises en grande partie dans le processus de saisie des données dans le SMGC et se répètent à d’autres étapes de collecte de données en aval (comme le formulaire IMM0008 – Demande de résidence permanente). La création de formulaires électroniques permettrait de garantir que les renseignements essentiels requis tout au long du processus sont recueillis au début, et seulement une fois.

Recommandation 16 : Fournir des renseignements en langage clair ainsi que des formulaires dans diverses langues afin de veiller à ce que les personnes comprennent le processus d’octroi de l’asile.

La majorité des personnes qui demandent l’asile, de même que le public, ne sont pas au courant de la nature du processus de demande d’asile et des attentes qui s’y rattachent, du statut d’immigration du demandeur d’asile pendant le processus ou des critères à remplir pour se voir reconnaître la qualité de personne à protéger au Canada. De plus, bon nombre de demandeurs d’asile ne parlent ni français ni anglais. Pour poursuivre sur la lancée du secteur des ONG, qui soutient déjà les demandeurs d’asile en cours de processusNote de bas de page 28 , il faudrait investir afin de veiller à ce que les demandeurs d’asile soient mieux informés. Associées à la simplification des renseignements, de telles mesures pourraient réduire le temps passé avec le demandeur d’asile pour lui expliquer ses obligations de même que la durée du processus dans son ensemble, et faire en sorte que les clients respectent davantage les procédures.

Recommandation 17 : Bien que, la plupart du temps, la recevabilité puisse être déterminée dans un délai de trois jours ouvrables, dans les cas où les renseignements sont insuffisants, celle-ci devrait être obligatoirement réévaluée avant la tenue d’une audience de première instance.

Actuellement, la décision relative à la recevabilité est considérée comme cruciale afin que les demandeurs d’asile aient accès aux avantages tels qu’un permis de travail, une couverture de soins de santé et d’autres services de soutien. Une pression indue est donc exercée sur le système quand on ne dispose pas de renseignements suffisants pour prendre une décision éclairée à cet égard. Le demandeur d’asile pourrait tout de même avoir accès aux avantages après l’étape de l’inscription et de la collecte de données, mais quand l’identité n’est pas bien étayée, la recevabilité devrait toujours être réévaluée une fois que l’on dispose de plus amples renseignements (c.-à-d. grâce à l’échange de renseignements, au contrôle de sécurité et à la vérification de l’intégrité). Cette activité de triage fondamentale est abordée à la recommandation 20 ci-après.

Recommandation 18 : Les cas ne devraient pas être mis au rôle tant que le contrôle de sécurité préliminaire (CSP) n’est pas terminé.

Les procédures relatives au traitement des cas d’exclusion au titre de la Convention sur les réfugiés sont mal comprises. Il faudrait injecter des fonds afin de veiller à ce que les demandeurs d’asile fassent l’objet d’un contrôle rigoureux avant que leur demande ne soit déférée aux fins d’une audience, de la façon la plus rapide et la plus efficace possible. Des mesures devraient être prises afin de réévaluer les procédures et les outils liés au CSP de sorte que celui-ci puisse être effectué rapidement, sauf dans les cas les plus complexes. À cette fin, l’automatisation accrue du processus de contrôle de sécurité devrait être explorée dans cette optique de rigueur et de rapidité.

Recommandation 19 : L’évaluation nationale des risques en matière de détention ainsi que les solutions de rechange à la détention devraient être utilisées pour gérer la détention des demandeurs d’asile sans utiliser de ressources supplémentaires.

Conformément à l’objectif global de la Stratégie nationale en matière de détention consistant à réduire le nombre de personnes vulnérables mises en détention, toutes les mises en détention devraient être étayées par une évaluation rigoureuse des risques.

Examens et interventions ministérielles

Après la collecte de renseignements auprès du demandeur d’asile, IRCC et l’ASFC effectuent un examen dans le but de relever toute préoccupation en matière de crédibilité, de criminalité ou de sécurité. Cet examen sert principalement à évaluer la nécessité d’une intervention à l’égard de la demande d’asile devant la SPR. En Ontario, un bureau des examens et des interventions d’IRCC examine tous les dossiers, tandis qu’ailleurs au pays, le Programme des audiences de l’ASFC se charge de ce triage initial; dans les deux cas, la même procédure est utilisée. Les objectifs de cet examen sont les suivants :

  • Déterminer s’il existe des questions liées à l’admissibilité, à la recevabilité ou à l’exclusion :
    • demandes d’asile antérieures ou demandes d’asile pour lesquelles le désistement ou le retrait a été prononcé
    • rarement, les cas visés par l’Entente sur les tiers pays sûrs seront examinés pendant que la personne est encore en détention
    • interdiction de territoire pour criminalité au Canada ou à l’étranger (cas renvoyés à la Section de l’immigration de la CISR)
    • statut possible dans un pays tiers (exclusion au titre de la section E de l’article premier).
  • Déterminer s’il convient d’intervenir par rapport à des questions de crédibilité, de fausses déclarations ou d’exclusion (résidence dans un pays tiers, crime grave de droit commun, sanctions de l’ONU, crime organisé, sécurité nationale ou crimes de guerre) devant la SPR pendant l’audience relative à la demande d’asile, ou de demander une mesure de renvoi à la Section de l’immigration de la CISR.

Après avoir examiné le dossier, IRCC interviendra à l’égard de toute question liée à l’intégrité des programmes, à de fausses déclarations, à une exclusion fondée sur la section E de l’article premier ou à la crédibilité, et l’ASFC interviendra pour des motifs liés à la sécurité, à des crimes de guerre ou à la criminalité. Suivant un processus distinct et parallèle, la CISR effectuera son propre examen du cas et déterminera s’il est approprié d’inviter le ministre à présenter des éléments de preuve ou à lui demander de le faire, étant donné qu’IRCC et l’ASFC sont seulement tenus de signaler une intervention au plus tard dix jours avant l’audience.

Les mêmes bureaux de l’ASFC et d’IRCC examinent également les décisions de la SPR afin d’évaluer la nécessité d’intervenir dans les processus subséquents. Le dossier est examiné dans diverses circonstances : quand il pourrait y avoir une incidence grave sur l’intégrité du programme ou des répercussions sur l’évaluation des demandes d’asile subséquentes à la SPR ou à la SAR (lorsqu’une audience est prévue afin de trancher des questions liées à la crédibilité), quand de nouveaux renseignements sont obtenus ou quand un tribunal de trois commissaires est formé par la SAR.

Dans l’ensemble, les activités relatives à l’intégrité du programme d’octroi de l’asile permettent d’assurer l’exécution et la conformité, de vérifier la qualité et l’exactitude des décisions relatives à la recevabilité ainsi que des décisions de la SPR et de la SAR et de dissuader ceux qui voudraient faire une utilisation abusive du système. Conformément à sa mission et à ses priorités, chaque partenaire utilise des outils et des contrôles afin de surveiller et d’établir des priorités en matière de conformité et d’exécution. Le tableau ci-dessous résume les activités relatives à l’intégrité du programme menées par la CISR, IRCC et l’ASFC. La majorité de ces activités se recoupent et contribuent à l’atteinte des objectifs organisationnels en matière d’intégrité, mais ne sont pas régies par un cadre trilatéral général ni rattachées à une évaluation intégrée du risque.

Figure 9 : Activités relatives à l’intégrité du programme d’octroi de l’asile

Activité relative à l’intégrité du programme Activité relative à l’intégrité du programme CISR IRCC ASFC
Réception des demandes

Les décisions relatives à la recevabilité et à l’admissibilité sont prises par des agents qui veillent à ce que seules les personnes ayant le droit de présenter une demande d’asile puissent avoir accès au système

Les dispositions concernant le réexamen permettent également à l’ASFC et à IRCC de revoir ultérieurement les décisions relatives à la recevabilité.

non oui oui
CSP Contrôle de sécurité du demandeur d’asile non non oui
Examen IRCC et l’ASFC examinent les dossiers au regard de questions liées à l’intégrité, à la sécurité, à la criminalité et aux crimes de guerre aux fins de tri en vue d’une intervention. non oui oui
Gestion de l’identité Confirmation de l’identité du demandeur d’asile au moyen des bases de données sur les criminels, de l’échange de renseignements en matière d’immigration et de vérifications biométriques, examen des documents d’identité et saisie des documents de voyage oui oui oui
Intervention du ou des ministre(s) L’ASFC (ministre de la Sécurité publique) peut intervenir pour des motifs graves, et IRCC, pour des motifs liés à la crédibilité ou à l’intégrité du programme devant la SPR ou la SAR. non oui oui
Lettre spéciale La SPR invite IRCC ou l’ASFC et l’informe des questions (sécurité, identité, exclusion) qu’elle a relevées pendant son examen du dossier. oui non non
Exécution de la loi L’exécution des mesures de renvoi est cruciale au maintien de l’intégrité du système. non non oui
Analyse des tendances

IRCC : En matière d’intégrité du programme

ASFC : En matière de traite des personnes, de contrôle de sécurité et d’évaluation du risque

CISR : En matière de règlement des cas

oui oui oui
Rendement de l’interprète Qualité de l’interprétation et normes professionnelles oui non non
Assurance de la qualité Qualité de la préparation des dossiers par la SPR et la SAR oui non non
Dispositions concernant la perte d’asile et l’annulation Le ministre peut faire une demande d’annulation ou de constat de perte d’asile quand il existe des éléments de preuve montrant que la personne s’est de nouveau réclamée de la protection de son pays d’origine ou a obtenu son statut de façon frauduleuse. non oui oui

Recommandation 20 : Par l’entremise du conseil de gestion du système d’octroi de l’asile, élaborer et mettre en place un système de triage unique permettant d’examiner tous les cas au regard de motifs liés à l’intégrité et d’optimiser l’efficience du règlement des cas.

Le classement par ordre de priorité, le triage et la mise au rôle des cas sont essentiels à la gestion efficace du continuum de l’asile dans son ensemble – de la réception de la demande d’asile à la décision de première instance – et nécessitent qu’IRCC, l’ASFC et des partenaires du portefeuille de la Sécurité publique collaborent avec la CISR. Par exemple, si l’examen du bien fondé des demandes d’asile manifestement infondées pouvait être accéléré, cela pourrait atténuer les hausses subséquentes de ce genre de demande. Le tri des cas prioritaires au taux d’approbation élevé – comme la CISR l’a fait au moyen du « traitement accéléré » – peut entraîner des gains d’efficience. Le système de triage devrait être suffisamment souple pour s’adapter aux priorités changeantes au fur et à mesure. Si, au début du processus, tous les partenaires peuvent collaborer harmonieusement à partir des mêmes critères à l’égard des priorités, il est alors possible de réaliser des gains d’efficience. L’élément clé de la gestion systémique est une approche holistique en matière de triage et de classement par ordre de priorité. Le système de triage devrait être fondé sur une évaluation régulière de la nature et du type de demandes d’asile présentées.

Recommandation 21 : Mettre en œuvre, à l’intérieur d’un système de triage commun, une stratégie de traitement permettant de gérer toutes les catégories et sous-catégories de demandes.

Toutes les demandes d’asile devraient passer par un système de gestion de la charge de travail, peu importe le degré de priorité. Grâce à une stratégie de traitement, les cas prioritaires pourraient être traités le plus rapidement possible, les entrevues et les audiences pourraient être axées sur les questions pertinentes pour le règlement de la demande, comme dans le cas des demandes manifestement fondées et manifestement infondées, et des audiences prioritaires pourraient être tenues pour les motifs d’exclusion graves. Malgré la simplicité de la méthode « premier entré, premier sorti », celle ci ne permet pas de gérer efficacement la complexité des différentes catégories de demandes d’asile. Des stratégies de traitement devraient être établies pour les cas suivants :

  • les demandeurs d’asile très vulnérables, comme les mineurs non accompagnés et les personnes détenues;
  • les cas où il y a possibilité d’exclusion;
  • les demandes d’asile manifestement fondées ou manifestement infondées;
  • les cas renvoyés par la SAR et la Cour fédérale;
  • les cas d’annulation ou de perte d’asile;
  • les pays et les catégories de demandes d’asile;
  • les personnes sans papiers et les personnes dont le passeport/document de voyage risque d’expirer.

Recommandation 22 : Clarifier la fonction d’intervention ministérielle (particulièrement par rapport aux constatations relatives à la crédibilité) afin d’éviter les chevauchements avec le rôle du décideur de la SPR.

Dans le système actuel, les interventions ministérielles constituent un important outil de prévention de l’utilisation abusive du système d’octroi de l’asile. L’attribution de rôles clairs à IRCC, à l’ASFC et à la CISR réduit le nombre d’interventions inutiles de la part du ministre, car le décideur dispose de suffisamment de renseignements pertinents pour prendre une décision sans qu’une intervention soit nécessaire. La CISR a indiqué que les activités redondantes, particulièrement en ce qui concerne les interventions portant sur la crédibilité, rallongent la préparation des dossiers et le règlement des cas. Les questions relatives à la crédibilité devraient être mises en évidence à l’intérieur d’une fonction de triage commune dans le cadre de la préparation du dossier en vue de la décision de première instance. Dans un modèle intégré où une agence de protection des réfugiés serait créée, les examens seraient un élément fondamental du triage, et les interventions ministérielles seraient la responsabilité de l’ASFC.

Recommandation 23 : Élaborer un cadre d’assurance de la qualité, supervisé par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile, afin de clarifier et de communiquer les exigences redditionnelles, les rôles et les responsabilités.

La SPR estime que l’actuel Cadre d’intégrité des programmes d’IRCC est redondant, car les décideurs doivent également évaluer la crédibilité du demandeur d’asile et des éléments de preuve documentaire en examinant les mêmes renseignements que la partie intervenante, ce qui donne l’impression d’un double emploi. Dans un modèle de réception et de décision entièrement intégré, un régime d’assurance de la qualité ou d’examen des décisions permettrait de veiller à ce que les mesures de protection de l’intégrité du programme soient adéquates.

Catégorisation des cas aux fins de décision

Sous sa forme actuelle, le système d’octroi de l’asile n’utilise pas d’approche systémique de la gestion des cas et fonctionne en grande partie selon le principe du « premier entré, premier sorti ». Une partie des cas sont traités de façon accélérée selon le pays d’origine du demandeur d’asile. Un très petit nombre de cas sont réglés sans audience, ce qui signifie que la majorité des demandes feront l’objet d’une audience.

Recommandation 24 : Les délais de traitement applicables aux audiences devraient être retirés de la loi. Des normes de service devraient être établies pour les processus de réception des demandes et les décisions de première instance, idéalement dans une fourchette de 90 à 120 jours selon les cibles annuelles en matière de ressources et de productivité fixées par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile.

Les niveaux de ressources, la productivité et la charge de travail se répercutent tous sur les délais de traitement. Les délais prescrits par la loi sont rigides et ne tiennent pas compte de la complexité très variable des cas ni des répercussions de la fluctuation de la demande. En retirant les délais de la loi et en autorisant le conseil de gestion à recommander des cibles ou des normes de service dans un plan annuel soumis à l’approbation du ministre, on permettrait au système de s’adapter rapidement à un environnement changeant par la proposition de délais raisonnables pour les processus de réception des demandes d’asile, les décisions relatives à celles ci, les appels en matière d’asile, les examens des risques avant renvoi et les renvois. Ces délais raisonnables devraient se fonder sur les ressources disponibles, les budgets et les intrants dans le processus. Il faudrait également prévoir suffisamment de temps pour remplir la demande et effectuer les enquêtes en matière d’intégrité et d’exclusion.

Les cibles en ce qui concerne le traitement des demandes d’asile devraient être axées non pas sur la date d’audience, mais sur l’achèvement de la décision de première instance. L’examen suggère une cible de 90 à 120 jours à partir du moment où la demande est déférée jusqu’à celui de la décision. Les intervenants et la SPR avaient également suggéré des cibles semblablesNote de bas de page 29 . Cependant, comme il a été souligné précédemment, le conseil de gestion devrait réaliser sa propre analyse et formuler sa propre recommandation à l’intention du ministre.

Recommandation 25 : Un système de triage commun devrait être utilisé pour catégoriser les demandes d’asile en fonction de leur complexité ou de leur qualité, qu’une audience soit nécessaire ou non, et veiller à ce qu’elles soient acheminées à des décideurs dont la spécialité pourrait être un groupe de pays semblables, des pays en particulier ou certains types de demandes.

Une approche de gestion active permettrait de gérer la charge de travail à l’échelle du système pour tous les types de cas et d’adapter les méthodes en fonction des besoins (traitement sur dossier, entrevue informelle, demande officielle d’éléments de preuve, audience ou combinaison de ces méthodes). Grâce à la détermination et à la mise en œuvre communes des mesures de rationalisation, il devient possible de composer avec les fortes hausses de volume au moyen de l’établissement des priorités et de la spécialisation des décideurs, non seulement par pays, mais aussi par types de questions et de demandes d’asile.

Recommandation 26 : Les décisions sur dossier devraient être envisagées pour le plus grand nombre de cas possible.

Selon la décision rendue en 1985 dans l’affaire Singh, une audience est nécessaire seulement quand des questions de crédibilité sont soulevées et sont d’une importance déterminante. Dans un modèle selon lequel les processus de triage permettent de classer les cas par catégories aux fins de traitement, les décisions sur examen du dossier, entrevue ou audience facultative à l’appui, devraient être privilégiées pour les cas simples et favorables, à la discrétion du décideur. Suivant le modèle d’agence de protection des réfugiés, où l’ensemble du processus, du triage à la décision, serait intégré en une seule organisation, les décisions sur dossier pourraient faire l’objet d’un examen d’assurance de la qualité ou d’un examen décisionnel dans le cadre duquel un agent préposé aux cas recommande une décision à un agent principal qui approuverait celle-ci.

Recommandation 27 : La mise au rôle des audiences devrait être harmonisée avec le processus de triage commun afin de veiller à ce que seuls les cas devant faire l’objet d’une audience soient mis au rôle et à ce que le temps requis pour chaque cas soit évalué. La mise au rôle devrait tenir compte de la disponibilité des parties (décideur spécialisé, demandeur d’asile, conseil et interprète) et se faire au moyen d’outils électroniques.

Les intervenants internes et externes estiment que le système de mise au rôle actuel est contreproductif, ne laisse aucune marge de manœuvre pour pallier les lacunes ou devancer une audience, et met tous les cas au rôle sans égard pour leur complexité. Comme le montre le tableau ci-dessous, les dispositions relatives à la mise au rôle prises au moment de la réception de la demande d’asile ne permettent pas d’atteindre les résultats souhaités : un très grand nombre d’audiences ont été remises à plus tard, ce qui nuit à l’efficience du processus. Au cours des quatre premières années suivant la réforme, la majorité des audiences ont eu lieu au moment prévu; toutefois, un nombre considérable de cas n’ont pas été instruits à la date et à l’heure initiales fournies par l’ASFC ou IRCC. Un système de mise au rôle souple et efficace tiendrait compte des priorités et les stratégies de gestion des cas. Les décideurs spécialisés pourraient être autorisés à regrouper les cas devant faire l’objet d’une audience et à prévoir du temps en fonction de leur complexité. Tous les facteurs raisonnables, comme la disponibilité des décideurs et du conseil du demandeur d’asile, l’interprétation et les délais de communication des documents devraient être pris en considération dans la mise au rôle d’une audience en vue de réduire au minimum les changements de date et d’heure.

Figure 10 : Audiences retardées en raison d’un changement de date ou d’heure

Année de l’audience cible Aucun changement de date/heure Au moins un changement de date/heure Total – Demandes d’asile instruites au moment prévu
Demandes d’asile non instruites au moment prévu Demandes d’asile instruites à temps Tous les cas pour lesquels il y a eu un changement de date/heure
2013 2 632 48 % 1 352 25 % 1 502 27 % 2 854 52 % 75 %
2014 4 036 52 % 1 422 18 % 2 331 30 % 3 753 48 % 82 %
2015 4 326 48 % 2 137 24 % 2 551 28 % 4 688 52 % 76 %
2016 4 832 39 % 4 732 38 % 2 763 22 % 7 495 61 % 62 %
Total 15 826 46 % 9 643 28 % 9 147 26 % 18 790 54 % 72 %

Audience et décision de première instance

Après que la demande d’asile est déférée à la SPR aux fins de la prise d’une décision de première instance, le dossier est communiqué aux trois parties : l’ASFC, IRCC et la CISR. Le Greffe de la CISR effectue le triage et transmet la demande d’asile au décideur qui en est saisi. Le demandeur d’asile et son conseil peuvent communiquer des éléments de preuve jusqu’à dix jours avant l’audience, de sorte que le décideur dispose de tous les documents nécessaires ainsi que de suffisamment de temps pour se préparer à tenir l’audience et à rendre une décision. Bien que ce délai soit prescrit dans les règles relatives à la communication de la preuve, il s’agit d’un intervalle de temps bien court pour que la SPR puisse s’organiser efficacement. Dans le cas d’une intervention, le ministre peut communiquer des renseignements jusqu’au moment de l’audience. Pour des raisons d’équité procédurale, le demandeur d’asile doit également disposer d’un délai raisonnable pour obtenir des éléments de preuve et des documents à l’appui, ainsi que pour préparer son dossier. Des délais insuffisants pour recueillir les faits et fournir des éléments de preuve à l’appui peuvent entraîner des reports et des ajournements inutiles et augmentent la possibilité d’un appel.

Recommandation 28 : Cerner les questions clés à trancher au moment de l’audience avant la date d’audience, en collaboration avec le conseil, afin de faciliter le règlement rapide de la demande d’asile.

Dans l’optique d’une meilleure préparation des cas, le décideur devrait être encouragé à cerner les questions clés, ce qui permettrait de réduire le temps requis pour une audience. En vue de circonscrire les questions à trancher lors de l’audience ou de régler le cas sans tenir d’audience complète, il faudrait envisager, avant l’audience, des discussions avec le conseil ou une entrevue avec le demandeur d’asile, par téléphone ou par courriel, pour convenir des questions clés et déterminer les éléments de preuve requis de manière informelle.

Recommandation 29 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait envisager de conclure un contrat trilatéral pour les services d’interprétation par téléphone, sur le Web et en personne pour le processus de réception des demandes d’asile et l’entrevue ou l’audience.

Une interprétation de qualité à toutes les étapes du processus constitue un élément important de la collecte de renseignements exacts, permet au demandeur d’asile de mieux comprendre le processus et réduit au minimum les retards pour IRCC, l’ASFC et la CISR. Actuellement, les interprètes sont accrédités par la CISR, mais IRCC et l’ASFC lui font concurrence pour ces ressources et ont des échelles salariales moins élevées, ce qui se répercute inutilement sur la disponibilité et l’uniformité du service d’interprétation à toutes les étapes du processus de demande d’asile. Un service d’interprètes professionnels pouvant être déployé virtuellement dans tout le système d’octroi de l’asile par téléphone pourrait rendre le système plus efficient en améliorant la qualité, la disponibilité et le coût. De meilleurs contrôles quant à l’évaluation et au rendement des interprètes permettraient de réduire le nombre d’appels où la qualité de l’interprétation est en cause.

Recommandation 30 : Dans les plans de locaux, les grandes salles d’audience officielles devraient être abandonnées en faveur de petits locaux d’entrevue polyvalents dotés d’équipement de vidéoconférence pour les conseils et les demandeurs d’asile qui se trouvent dans des lieux éloignés.

Le réaménagement des bureaux existants procurerait une plus grande marge de manœuvre quant à la réservation de salles d’audience et devrait diminuer l’empreinte et le coût des locaux de même que réduire au minimum les reports attribuables à un manque d’espace. Des locaux de rechange, comme ceux qui sont actuellement utilisés pour les demandeurs d’asile vulnérables, atténuent le caractère officiel des procédures, lequel est très intimidant pour les personnes qui comparaissent devant le décideur de première instance.

Lignes directrices et outils pour la prise de décision

Les décideurs qui statuent sur les demandes d’asile doivent rendre des décisions équitables en temps opportun. Ils doivent trancher la question de savoir si le demandeur d’asile a besoin de protection selon une évaluation des faits qui sont propres à la demande d’asile et les connaissances relatives à la situation dans le pays où le demandeur prétend être persécuté ou exposé à un risque de persécution, dans le contexte des lois nationales et internationales. Dans leur processus décisionnel, les décideurs sont soutenus par des avis et des recherches solides. Le temps nécessaire à la préparation des dossiers peut être réduit si les décideurs sont soutenus par le personnel, notamment en ce qui concerne la recherche et la synthèse des faits pertinents se rapportant au pays d’origine ainsi que la détermination des questions clés d’une affaire. Parmi les autres pratiques exemplaires relevées, notons l’utilisation d’outils et de lignes directrices, tels que des arbres décisionnels et des renseignements concis sur le pays d’origine. L’indépendance du processus décisionnel est respectée dans l’élaboration et l’application de ces outils et pratiques. En règle générale, la réduction de la charge de travail des décideurs liée à la préparation des dossiers permet de gagner du temps et de réduire les coûts tout en maximisant le temps et l’efficacité des décideurs. La qualité et l’uniformité des décisions pourraient également être améliorées.

Directives – De nombreux documents sous-utilisés

En plus des RPO, il existe un certain nombre d’outils servant à guider le processus décisionnel, outre les lois nationales et les règles de la CISR :

  • décisions de tribunaux formés de trois commissaires de la SAR;
  • guides jurisprudentiels;
  • décisions à caractère persuasif;
  • directives et instructions du président de la CISR;
  • lignes directrices, politiques et notes du HCR.

La conception d’arbres décisionnels est également envisagée dans le Plan d’action de la CISR. Les guides de formation constituent une autre source d’orientation.

Ces divers outils et instruments visent à orienter la prise de décisions de qualité; les directives du président abordent principalement la façon dont certains types de demandes devraient être traitées (par exemple, les questions liées au genre, à l’orientation sexuelle, aux enfants non accompagnés et aux demandeurs d’asile vulnérables) ainsi que les procédures.

Toutefois, en ce qui concerne l’interprétation de la loi ou les questions mixtes de fait et de droit (c.-à-d. dans des domaines comme la protection de l’État, la violence personnalisée ou généralisée et les possibilités de refuge intérieur), ces outils sont sous-utilisés. Le potentiel de la SAR pour ce qui est de clarifier certaines questions dans la jurisprudence pour la SPR est également sous-utilisé : il n’existe que trois guides jurisprudentiels. À l’heure actuelle, la SPR ne dispose d’aucun guide de ce genre.

Recommandation 32 : Élaborer des lignes directrices propres aux pays et aux types de demande afin de soutenir les décideurs (de même que les demandeurs d’asile et les conseils) dans l’évaluation des différents types de demandes.

Un examen des pratiques internationales révèle une tendance croissante à la production de notes d’orientation sur les pays. Si une telle orientation était fournie, elle contiendrait un résumé et une évaluation des RPO ainsi qu’une application des principes juridiques, et ferait ressortir les questions clés dans les décisions relatives aux demandes d’asile, comme les possibilités de refuge intérieur, la protection de l’État et la violence généralisée. Ces guides pourraient aider considérablement les décideurs à se familiariser avec les RPO dont ils disposent et permettraient de rationaliser la préparation des dossiers. Ils permettraient également de veiller à l’uniformité des connaissances d’un décideur à l’autreNote de bas de page 34 . Ceux-ci devraient être élaborés et tenus à jour pour les principaux pays sources de demandeurs d’asile et de réfugiés réinstallés au Canada. Ils devraient compléter les RPO plutôt que d’en faire partie. Les directives seraient examinées et approuvées par le président de la CISR ou l’administrateur de l’agence (selon un modèle intégré) et élaborées en consultation avec le comité consultatif externe proposé à la recommandation 10.

Recommandation 33 : Créer une source commune de renseignements sur les pays à l’appui de toutes les décisions relatives aux demandes d’asile au gouvernement du Canada.

Il est possible d’élaborer des outils communs à l’échelle du système d’octroi de l’asile. Bien que toutes les décisions relatives aux demandes d’asile soient prises au cas par cas par des décideurs indépendants, des décisions semblables sont prises ailleurs au gouvernement – par exemple en ce qui concerne la suspension et le report des mesures de renvoi (ASFC), les examens des risques avant renvoi (IRCC) et les extraditions (ministère de la Justice). Bien que certains renseignements sur la situation dans les pays soient mis en commun, chaque partie du système dispose de ses propres directives et renseignements. Par exemple, en supplément des cartables nationaux de documentation préparés par la CISR, IRCC gère depuis 2014 son propre répertoire d’information afin de rendre compte de la situation dans les pays, notamment en ce qui concerne les droits de la personne, les tendances en matière d’immigration et le risque, lequel est mis à la disposition des décideurs du réseau d’IRCC. Ce répertoire utilise les évaluations effectuées par les missions du Canada à l’étranger ainsi que les rapports annuels du gouvernement du Canada sur les droits de la personne. Les rapports devraient être rédigés dans le but d’être diffusés au public et utilisés dans toute procédure liée à l’immigration. La mise en commun des renseignements et des rapports pourrait réduire les redondances et le dédoublement des efforts à l’échelle du système tout en améliorant l’efficience en matière de recherche et l’uniformité dans la prise de décision.

Recommandation 34 : Élaborer des outils informels et pratiques permettant de cerner les principaux faits importants aux fins de la prise de décision et de la rédaction des décisions.

Il y a possibilité d’utiliser plus d’outils pratiques à l’appui du processus décisionnel, notamment :

  • des employés de soutien au processus décisionnel qui préparent les dossiers et effectuent des recherches connexesNote de bas de page 35 ;
  • des outils permettant de cerner les questions clés;
  • des discussions avant l’audience afin de cibler les éléments de preuve et de circonscrire les questions à trancher;
  • des outils d’aide à la rédaction de décisions.

Comme il a été mis en évidence dans certains modèles étrangers, un certain nombre d’autres systèmes d’octroi de l’asile fournissent actuellement un soutien consultatif, des outils, des arbres décisionnels, des recherches propres aux cas et des gabarits de décision afin d’accélérer la préparation des décisions. Ces types d’outils et de méthodes aident les décideurs à mettre l’accent sur les questions clés, appuient la préparation de décisions éclairées et améliorent l’uniformité d’un décideur à l’autre. Ils permettent de cibler les questions qui seront abordées pendant l’audience, de réduire le temps nécessaire et de diminuer le nombre d’ajournements. De plus, les outils d’aide à la rédaction de décisions fournissent une base solide pour les activités d’assurance de la qualité. Le Plan d’action de la CISR envisage la création de cadres décisionnels « pour orienter la structure et la rédaction des décisions » dans le cadre d’un important projet de transformation de la technologie de l’information visant à élaborer un « outil de gestion des connaissances et de l’informationNote de bas de page 36  ». Des outils provisoires devraient être mis en place immédiatement afin d’augmenter la productivité en matière de prise et de rédaction de décisions à court terme.

Prononcé des décisions

Les décisions relatives aux demandes d’asile sont prononcées de vive voix à l’audience, puis rédigées, ou alors mises en délibéré et fournies seulement par écrit.

Recommandation 35 : Continuer de réduire le besoin de fournir des motifs par écrit pour les décisions favorables et encourager le prononcé de décisions de vive voix, avec un gabarit de décision à l’appui.

Un gabarit de décision électronique devrait être élaboré pour les décisions et les motifs de décision de la SPR afin de réduire le temps requis pour rédiger des décisions et d’améliorer la qualité et l’uniformité des décisions.

Recommandation 36 : Dans le cadre d’assurance de la qualité proposé à la recommandation 23, un processus d’assurance de la qualité pour la prise de décision devrait être élaboré et mis en œuvre.

À l’intérieur d’un cadre d’assurance de la qualité, des mesures quantitatives et qualitatives précises devraient être établies afin de veiller à ce que le programme permette l'atteinte du but souhaité. Les indicateurs de rendement actuels établis pour les activités relatives à l’intégrité du programme reposent sur des cibles liées au règlement des cas. Les facteurs les plus importants pour l’état de santé global du système d’octroi de l’asile sont les suivants :

  • délai de traitement moyen selon le type de cas et la catégorie de traitement (de la réception de la demande au prononcé de la décision);
  • qualité et durée des entrevues et des audiences;
  • résultats du processus décisionnel selon le type de cas et la catégorie de traitement (décision sur dossier, entrevue courte, audience, décisions complexes);
  • taux d’écart des décisions;
  • vérifications de la qualité des décisions;
  • résultats en matière d’intervention;
  • résultats en matière de recours;
  • mesures de qualité précises pour les conseils, les consultants et les interprètes.

Les activités d’assurance de la qualité devraient être intégrées aux opérations quotidiennes. Elles devraient permettre de produire des rapports continus, être surveillées activement par le personnel et les gestionnaires et utilisées pour orienter la formation. Les problèmes importants en matière d’intégrité et de traitement qui surviennent au moment de la réception des demandes d’asile ou du triage devraient être communiqués rapidement et officiellement à tous les partenaires du système au moyen d’alertes régulières.

Recommandation 37 : Il faudrait étudier la question de savoir si ceux qui rendent les décisions de première instance à l’égard des demandes d’asile devraient être habilités à renvoyer des cas à IRCC aux fins de traitement d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

Malgré l’interdiction d’un an relative aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire par suite d’une décision défavorable de la SPR, une proportion très élevée de ces demandes sont présentées par des demandeurs d’asile déboutés, normalement en tout dernier recours. Comme ces demandes surviennent en toute fin de processus, bon nombre d’entre elles sont fondées entièrement ou partiellement sur des facteurs liés à l’établissement. D’autres demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaires reposent sur des facteurs liés au préjudice, à la discrimination, à l’état de santé ou à la familleNote de bas de page 37 .

Les demandes de protection des membres de la famille sont regroupées pour les besoins de l’audience, mais chacun d’entre eux reçoit une décision selon le bien fondé de sa propre demande. Dans les cas où un seul membre de la famille se voit reconnaître la qualité de personne à protéger, la plupart des problèmes liés à la réunification de la famille peuvent être réglés par l’entremise du processus de demande de résidence permanente. Dans les cas où un enfant à charge obtient la protection, mais pas son parent, une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est utilisée pour maintenir l’unité de la famille. Quand ils tranchent une demande d’asile, les décideurs doivent se prononcer sur des questions de discrimination. Dans certains cas, ils octroient l’asile même si le critère à cet égard n’est pas entièrement satisfait. Ces décideurs sont bien placés pour formuler une recommandation à l’intention du ministre sur les cas impérieux qui pourraient justifier l’examen de motifs d’ordre humanitaire, ce qui permettrait de simplifier le traitement.

Recours

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de 2001 contenait des dispositions prévoyant la possibilité d’interjeter appel devant la SAR d’une décision de première instance rendue par la SPR. Le processus d’appel de la SAR a été conçu pour être plus exhaustif que le processus de contrôle judiciaire de la Cour fédérale, la SAR étant habilitée à examiner le bien-fondé de la demande et à substituer sa décision à celle de la SPR. L’autorisation de contrôle judiciaire à la Cour fédérale est accordée selon que le demandeur d’asile a ou non une « cause raisonnablement défendable ». Habituellement, la Cour fédérale ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve et n’entend pas de témoignages. Si le contrôle judiciaire est favorable, elle renvoie l’affaire à la SPR aux fins d’un nouvel examen. Ces distinctions étaient essentielles pour les intervenants, qui avaient longtemps milité pour un processus d’appel plus large. Il était également attendu que, en tant que tribunal d’appel spécialisé, la SAR soit en mesure de réexaminer rapidement (c. à-d. en 90 jours) les cas sur seul examen du dossier. En même temps, on s’attendait à ce que la SAR améliore l’uniformité des décisions en établissant une jurisprudence nationale solide et cohérente en matière de droit des réfugiés, ce qui devait contribuer à un processus décisionnel robuste et de grande qualité à la SPR et aider les membres de cette dernière à rendre leurs décisions plus rapidement. La SAR devait également permettre de réduire le nombre et la proportion de cas renvoyés à la Cour fédérale.

La disposition relative à l’appel est entrée en vigueur seulement en 2012, la CISR ne disposant pas de la capacité nécessaire pour gérer l’augmentation rapide des demandes d’asile en même temps que l’arriéré. Les modifications législatives de 2012 ont légèrement élargi la portée de l’appel de la SAR en permettant la présentation de nouveaux éléments de preuve dans ces circonstances limitées – principalement quand les éléments de preuve sont survenus après la décision de la SPR – ainsi que la tenue d’une audience par rapport à ces éléments de preuve si la crédibilité est en cause. Or, l’intention était d’éviter les audiences de novo, ou toutes nouvelles audiences, devant la SAR. Afin de faire contrepoids à ces mesures, certaines dispositions ont été rationalisées; entre autres, l’accès à la SAR a été interdit pour certaines catégories de demandes d’asile (par exemple, les demandes jugées manifestement infondées par la SPR et les demandes visées par l’Entente sur les tiers pays sûrs). Le traitement rapide des appels était considéré comme essentiel pour veiller à ce que les véritables demandeurs d’asile s’intègrent rapidement dans la société canadienne et à ce que les demandeurs d’asile déboutés soient rapidement renvoyés du Canada.

Les deux premières années d’existence de la SAR (2013 et 2014) ont été une période de démarrage progressif, au fur et à mesure que l’organisation était mise sur pied et que les nouveaux cas cheminaient dans le système. Les décisions de la Cour ont également eu une incidence sur la SAR, notamment la décision de juillet 2015 annulant l’interdiction d’accès à la SAR pour les demandes liées à des pays d’origine désignés. La nature de l’examen effectué par la SAR a également été dictée par les décisions de la Cour fédérale. Il est attendu que la jurisprudence touchant la SAR continue d’évoluer.

La figure 11 ci-dessous montre l’issue des appels avant (2002-2012) et après la création de la SAR. Au cours de la période antérieure à la réforme, 63 % des décisions défavorables rendues par la SPR faisaient l’objet d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale; la majorité de ces demandes (87 %) étaient rejetées. Parmi le 13 % de cas pour lesquels la demande d’autorisation a été accueillie, 39 % ont fait l’objet d’une décision favorable de la Cour fédérale, ce qui représente 5 % de tous les cas pour lesquels une autorisation a été demandée. De 2015 à 2017, de 72 à 79 % des demandes d’asile rejetées par la SPR ont fait l’objet d’un appel à la SAR. Il est difficile de comparer avec précision les périodes antérieure et postérieure à la réforme étant donné que les examens effectués par la SAR et la Cour fédérale se fondent sur des facteurs légèrement différents. Néanmoins, il est évident qu’une proportion accrue de cas font l’objet d’un appel. De plus, la SAR substitue relativement peu de ses décisions à celles de la SPR (8-11 %) et renvoie une proportion élevée de cas à la SPR aux fins d’un nouvel examen (13-19 %). Il convient de noter que le nombre de décisions substituées et de renvois a quelque peu diminué en 2017 en raison des efforts louables déployés par la SAR. Enfin, le taux élevé de décisions infirmées (c.-à-d. les cas qui sont renvoyés à la SPR aux fins d’un nouvel examen et les décisions substituées par la SAR), qui était estimé à 10 % au moment de la création de la SAR, était d’environ 24 à 27 % en 2015-2017, ce qui représente un quart de toutes les décisions de la SPR qui ont été portées en appel.

Figure 11 : Appels, avant et après la réformeNote de bas de page 38

Demandes d’asile instruites par la SPR Moyenne avant la réforme 2013 2014 2015 2016 2017
Demandes d’asile déférées à la SPR 27 400 10 465 - 13 800 - 16 592 - 23 350 - 47 425 -
Décisions rendues par la SPR 28 106 5 651 - 11 813 - 13 459 - 15 761 - 21 480 -
Accueils 11 807 3 064 54 % 7 156 61 % 8 596 64 % 9 972 63 % 13 559 63 %
Rejets 11 836 2 009 36 % 3 961 34 % 4 119 31 % 4 821 31 % 6 231 29 %
Désistements 1 509 221 4 % 271 2 % 212 2 % 286 2 % 715 3 %
Retraits/Autres 2 954 357 6 % 425 4 % 532 4 % 682 4 % 975 5 %
Appels entendus par la SAR Cour fédérale 2013 2014 2015 2016 2017
Appels interjetés/% de décisions défavorables de la SPR 63 % des décisions défavorables de la SPR font l’objet d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire à la Cour fédérale : 13 % autorisation accordée. 87 % autorisation refusée. 1 146 57 % 2 391 60 % 2 959 72 % 3 813 79 % 4 895 79 %
Décisions   688 - 1 935 - 2 781 - 2 967 - 3 136 -
Renvoyées à la SPR sur le fond 39 % des demandes de contrôle judiciaire accueillies 85 12 % 296 15 % 483 17 % 570 19 % 409 13 %
Infirmées par la SAR sur le fond 39 % des demandes de contrôle judiciaire accueillies 38 6 % 71 4 % 209 8 % 235 8 % 346 11 %
Rejetées sur le fond 52 % rejetées 291 42 % 1 060 55 % 1 606 58 % 1 618 55 % 1 625 52 %
Rejetées pour des raisons administratives 4 % retirées 274 40 % 508 26 % 483 17 % 544 18 % 756 24 %

Recommandation 38 : Éliminer les renvois de la SAR à la SPR en modifiant la LIPR.

Comme il est souligné dans l’analyse qui précède, bien que la SAR s’efforce de réduire le nombre de renvois à la SPR, un nombre considérable d’affaires sont renvoyées aux fins d’un nouvel examen. La SPR place généralement ces affaires au bas de la pile, car les nouvelles demandes d’asile sont traitées en priorité afin de respecter les délais prescrits par la loi. Par ailleurs, les affaires renvoyées sont habituellement instruites par un commissaire différent de la SPR. Ainsi, l’intention qui sous-tendait la création de la SAR, soit d’éviter une audience de novo, n’est pas réalisée. Qui plus est, en théorie, une autre décision défavorable de la SPR pourrait donner lieu à un nouvel appel devant la SAR; les cas pourraient ainsi rebondir d’une instance à l’autre pendant de longues périodes.

La SAR est limitée dans sa capacité de rendre des décisions définitives, c.-à-d. de substituer ses décisions à celles de la SPR ou de confirmer celles ci, en raison du caractère restreint des dispositions de la LIPR en ce qui concerne la tenue d’audiences à la SAR. La SAR a tenu des audiences dans seulement 2 % des cas, en partie parce que la loi autorise la tenue d’une audience seulement quand la question de la crédibilité est soulevée par rapport à de nouveaux éléments de preuve. Afin d’empêcher le renvoi d’affaires à la SPR, il faudra modifier ces dispositions. Il est entendu que la SAR aura besoin de plus de temps pour rendre une décision quand une audience est requise. Toutefois, cela représentera d’importantes économies de temps pour le système dans son ensemble et, plus important encore, pour le demandeur d’asile.

Recommandation 39 : Au cours des deux prochaines années (jusqu’en 2020), surveiller de façon continue la déférence accordée à la SAR par la Cour fédérale et déterminer si un processus d’appel en deux étapes est nécessaire.

En créant la SAR, on s’attendait à ce que, au fil du temps, la Cour fédérale en vienne à faire preuve de déférence à l’égard de celle-ci et que le nombre de demandes d’autorisation de contrôle judiciaire diminue. Or, le nombre de demandes d’autorisation accueillies visant une décision de la SAR a augmenté comparativement à ce qu’il en était des décisions de la SPR qui allaient directement à la Cour fédérale avant la réforme. Les figures 12 et 13 ci-après montrent l’acheminement des cas entre la SPR et la Cour fédérale avant la réforme et entre la SAR et la Cour fédérale après la réforme. De 2007 à 2012, une moyenne de 57 % des décisions défavorables de la SPR ont fait l’objet d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. De 2015 à 2017, une moyenne de 81 % des décisions défavorables ont fait l’objet d’une telle demande.

Il convient de noter que le nombre de cas renvoyés à la Cour fédérale a diminué, passant de quelque 4 000 cas avant la réforme à 1 760 cas en moyenne de 2015 à 2017 (ce dernier nombre étant composé presque en parts égales de décisions de la SPR et de la SAR). Fait important, le nombre de décisions rendues par la SPR a varié d’une année à l’autre, de même que le nombre de décisions défavorables répondant aux critères pour faire l’objet d’un appel à la SAR ou d’une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale. De 2015 à 2017, le nombre de décisions défavorables était nettement inférieur à la moyenne (soit une moyenne annuelle de 1 062 en 2015-2017 comparativement à 7 088 de 2007 à 2012), ce qui explique le plus petit nombre de demandes présentées à la Cour fédérale.

Comme le révèle un examen des décisions de la Cour fédérale, et comme il est souligné précédemment, une moyenne de 81 % des décisions défavorables de la SAR, ou 881 cas par année, ont fait l’objet d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire au cours de la période 2015-2017. Cette autorisation a été accordée dans 23 % des cas, et le contrôle judiciaire a été favorable dans 51 % des cas. Ces taux sont comparables à ceux d’avant la réforme (2007-2012), soit un taux d’autorisation d’environ 21 % et de contrôle judiciaire favorable d’environ 26 %. Contrairement à ce à quoi on s’attendait, la Cour fédérale accepte une proportion légèrement plus élevée de demandes de contrôle judiciaire concernant des décisions de la SAR qu’elle ne le faisait pour la SPR avant la création de la SAR. La Cour fédérale continue d’instruire des cas provenant directement de la SPR; au cours de la période 2015-2017, elle a reçu 2 638 demandes d’autorisation de contrôle judiciaire visant des décisions de la SPR, qu'elle a accueillies dans 21 % des cas (551), soit essentiellement le même taux que pour les décisions de la SAR (21,5 %). Bref, il semble que la Cour fédérale accorde peu de déférence à la SAR, voire aucune, ce qui porte à croire que l’on doit évaluer plus à fond la contribution de la SAR au processus d’octroi de l’asile. Si la majorité des décisions défavorables de la SAR continuent de se rendre à la Cour fédérale, et si beaucoup d’entre elles sont renvoyées à la SAR aux fins de réexamenNote de bas de page 39 , la SAR a donc peu de valeur ajoutée. Qui plus est, la SAR compte 58 commissaires financés, ce qui correspond à environ la moitié de l’effectif de la SPR; les décideurs dont l’efficacité a été jugée insuffisante pourraient être réaffectés à la SPR. Cette évaluation devrait être terminée au plus tard en 2020.

Figure 12 : Décisions défavorables de la SPR à la Cour fédéraleNote de bas de page 40

Année de décision Avant la création de la SAR Après la création de la SAR
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
TOTAL Décisions défavorables de la SPR 6 494 6 348 9 216 13 035 15 216 13 484 9 539 7 911 5 331 4 694 5 685
Décisions principales défavorables de la CISR (SPR) 4 329 4 232 6 144 8 690 10 144 8 989 6 359 5 274 3 554 3 129 3 790
Demandes d’autorisation (SPR) 2 266 2 636 3 375 4 377 5 592 6 04. 3 691 2 634 1 237 670 731
Demandes d’autorisation accueillies (SPR) 700 656 595 951 1 410 913 778 551 303 161 100
Demandes d’autorisation rejetées (SPR) 3 032 3 417 4 155 5 558 7 826 4 984 3 025 1 999 894 480 324
Demandes de contrôle judiciaire accueillies (SPR) 233 232 159 215 265 265 326 327 417 129 67
Demandes de contrôle judiciaire rejetées (SPR) 216 242 212 280 394 394 333 305 367 113 51

Figure 13 : Décisions défavorables de la SAR à la Cour fédérale

Année de décision Avant la création de la SAR Après la création de la SAR
2007-2012 2013 2014 2015 2016 2017
Décisions défavorables de la SAR (Total) N/A 300 1 149 1 721 1 574 1 485
Décisions principales défavorables de la CISR (SAR) N/A 200 766 1 147 1 049 990
Demandes d’autorisation (SAR) N/A 143 585 898 861 885
Demandes d’autorisation accueillies (SAR) N/A 37 159 226 232 129 (15%)
Demandes d’autorisation rejetées (SAR) N/A 99 411 655 613 495
Demandes de contrôle judiciaire accueillies (SAR) N/A - 37 132 141 92
Demandes de contrôle judiciaire rejetées (SAR) N/A - 14 74 120 94

Recommandation 40 : Permettre le maintien en poste des décideurs nommés par décret à la SAR jusqu’à ce que des remplaçants soient nommés afin d’améliorer la souplesse de la dotation à la SAR.

Recommandation 41 : Au sein même du cadre d’assurance de la qualité du conseil de gestion du système d’octroi de l’asile, élaborer un régime d’assurance de la qualité pour la SAR.

Selon le Règlement, la SAR doit rendre une décision dans les 90 jours suivant la mise en état de l’appel. À l’heure actuelle, la SAR ne respecte pas ce délai et n’a pas été en mesure de le respecter de façon constante depuis sa création. En date du 31 mars 2017, la SAR avait un arriéré de 2 130 cas, chiffre qui avait grimpé à 3 170 à la fin de 2017. En 2016, il fallait environ quatre mois pour qu’une affaire soit réglée en appel, et en 2017, les délais de traitement ont grimpé à plus de 11 mois. Deux facteurs contribuent à la longueur de ces délais : le nombre de décideurs et la productivité de ces derniers. Premièrement, le nombre de commissaires à la SAR est nettement inférieur à l’effectif complet en raison de retards dans le processus de nomination par le gouverneur en conseil. La productivité (le nombre de décisions rendues par année par un commissaire) a été en deçà des cibles au cours des quatre dernières années, soit 78 décisions par année en moyenne comparativement à la cible de 100 décisions par année. Le tableau ci-après illustre la mesure dans laquelle chacun de ces facteurs contribue aux lacunes en matière de productivité de la SAR.

La capacité financée de la SAR avait d’abord été établie à 4 500 cas par année (45 décideurs traitant une moyenne de 100 appels chacun), mais a par la suite été rehaussée à 5 800 cas grâce à un nouveau financement octroyé en 2016. Le nombre d’appels mis en état a augmenté graduellement à partir de 2013, atteignant 3 813 en 2016, puis 4 895 en 2017. Ce volume est inférieur à la capacité financée de la SAR. Toutefois, le nombre de décideurs a toujours été nettement inférieur au niveau financé et a maintenant atteint une insuffisance critique, soit de seulement 31 décideurs en moyenne en 2017, ou 53 % de l’effectif complet. Selon les cibles de productivité, ces 31 décideurs auraient dû produire 3 100 décisions, mais n’en ont rendu que 2 306 (soit 26 % de moins que la cible). Le nombre de décideurs manquants (c.-à-d. 26 commissaires) a entraîné un manque à gagner d’au moins 2 600 décisions en 2017 (au taux de productivité réel de la SAR, ce nombre aurait été de 1 924). Si la SAR disposait du nombre financé convenable de décideurs, elle respecterait les délais prévus et l’arriéré actuel n’existerait pas. D’après la productivité actuelle, on estime que la SAR aurait besoin de 52 décideurs pour arriver à gérer le volume d’appels actuel (43 décideurs au taux de productivité cible). Le problème de la dotation et celui de la productivité des décideurs doivent être réglés, car le manque de capacité à la SAR menace de nuire à l’ensemble du processus d’octroi de l’asile.

Figure 14 : Décisions rendues par la SAR et incidence du manque de personnel et de la faible productivitéNote de bas de page 41

Année Cas reçus par la SAR Financé Effectif actuel Incidence du manque de personnel et de la faible productivité
Decision makers Décideurs Décisions prévues Décideurs Décisions prévues Décisions réelles/Décideurs Attribuable au manque de décideurs Attribuable à la productivité actuelle des décideurs
2013 815 45 4 500 10 1 000 465 46 -3 500 -87 % -535 -13 %
2014 1 714 45 4 500 17 1 700 1 307 77 -2 800 -88 % -393 -12 %
2015 1 869 45 4 500 25 2 500 1 879 75 -2 000 -76 % -621 -24 %
2016 2 302 49 4 900 30 3 000 2 005 67 -1 900 -66 % -995 -34 %
2017 2 992 58 5 800 32 3 200 2 119 66 -2 600 -71 % -1 081 -29 %

Le processus de nomination par le gouverneur en conseil a toujours été peu fiable et peu à même de répondre aux besoins en ressources de la SPR et de la SAR. Les commissaires de la SPR sont maintenant des fonctionnaires, pour lesquels la dotation s’accompagne de son lot de difficultés. Toutefois, comme la SPR, la SAR doit disposer des ressources nécessaires en tout temps afin de remplir son mandat décisionnel et de veiller à ce que les cas soient réglés dans les délais prescrits. Depuis 2015, la SAR a connu un renouvellement presque complet de ses commissaires. On se serait attendu à ce que cela entraîne une diminution de la productivité tandis que les nouveaux commissaires étaient intégrés à l’effectif, formés et acquéraient l’expérience nécessaire pour être pleinement productifs. Cela s’est effectivement produit : le taux de productivité a baissé, passant de 83 décisions en moyenne en 2013 et en 2014 à 73,5 en 2016 et en 2017, soit un déclin de 11 %. Il est tout à l’honneur de la SAR et de la CISR que ce déclin n’ait pas été plus marqué. Compte tenu des problèmes associés au processus de nomination par décret, il est proposé que la nomination des commissaires de la SAR soit prolongée jusqu’à l’arrivée de remplaçants. La CISR devrait disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour décider de mettre fin à une nomination pour des motifs de rendement ou si elle dispose d’une capacité suffisante pour respecter la norme de 90 jours.

Les qualifications requises pour être commissaire de la SAR sont plutôt générales. Elles comprennent : grade universitaire (ou combinaison équivalente d’études et d’expérience), et expérience de l’interprétation de lois et de règlements, de la préparation de décisions écrites et de l’utilisation de logiciels de traitement de texte. L’expérience à titre de décideur d’un tribunal constitue un atoutNote de bas de page 42 . Depuis 1989, année de création de la CISR, la loi (LIPR) exige que les titulaires des principaux postes de gestion à la CISR, ainsi que 10 % des décideurs, possèdent cinq années d’expérience dans la profession juridique. L’expérience dans le domaine du droit semblerait particulièrement importante dans le cas de la SAR, qui instruit des appels, dont les décisions peuvent faire l’objet de contrôles de la Cour fédérale – une entité constituée de juges – et dont les commissaires doivent travailler avec les avocats des demandeurs d’asile. Qui plus est, les décisions relatives aux demandes d’asile font souvent l’objet de contestations judiciaires, ce que reconnaît la SAR, car presque 80 % de ses commissaires sont des avocats. Dans ce contexte, la CISR devrait revoir les qualifications requises pour être commissaire de la SAR afin d’évaluer si une plus grande importance devrait être accordée aux qualifications juridiques dans l’offre d’emploi et de déterminer l’étendue de l’expérience juridique requise. Dans la même veine, la formation devrait être revue au regard de la rétroaction fournie par la Cour fédérale, et un solide processus d’assurance de la qualité devrait être mis en place. Ce processus pourrait être conçu et mis en œuvre sans empiéter sur l’indépendance des décideurs. Des contrôles réguliers des décisions rédigées par les commissaires de la SAR peuvent être effectués et une rétroaction peut être fournie, ce qui est particulièrement important pendant les 12 mois que dure la phase d’apprentissage. De manière plus générale, les leçons tirées devraient être intégrées à la formation, aux séances d’examen par les pairs et aux initiatives de mentorat. Ces mesures sont suggérées dans l’optique que la Cour fédérale accorde une déférence accrue aux décisions de la SAR, en supposant que plus les décisions sont de qualité, moins la Cour fédérale accueillera de demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire, confirmant ainsi la valeur ajoutée de la SAR.

Recommandation 42 : Augmenter le nombre de guides jurisprudentiels élaborés par les décideurs de première instance et la SAR ainsi que de décisions jurisprudentielles d’application obligatoire (décisions rendues par un tribunal de trois commissaires) de même que le recours à ces outils.

L’inclusion dans la loi d’une disposition relative à la création de directives et de guides jurisprudentiels « précise l’intention du Parlement qui souhaite que le président participe à la stratégie décisionnelle de la CISR dans son ensemble en vue d’aider les décideurs lorsqu’il s’agit de questions qui revêtent une importance particulière quant au fond et à la procédureNote de bas de page 43  ». De plus, le président peut constituer des tribunaux formés de trois commissaires, dont les décisions sont d’application obligatoire pour la SPR et les tribunaux d’un seul commissaire à la SAR. Les guides jurisprudentiels énoncent la politique par l’application du droit établi par une décision de la CISR aux faits propres à un autre cas dont est saisi un décideur. À ce jour, ils ont été utilisés avec modération; quatre sont actuellement en vigueur et ils ont tous été créés depuis juin 2016.

Un des motifs avancés pour expliquer pourquoi le rôle jurisprudentiel de la SAR a été sous-utilisé et que son potentiel n’a pas été réalisé est que les dispositions législatives lient les directives à une décision. Ainsi, quand elle jugeait que des directives jurisprudentielles étaient nécessaires, la SAR estimait qu’elle devait attendre la décision « parfaite », c’est-à dire une décision qui représente bien la question devant faire l’objet d’un guide. Au Royaume-Uni, où le mécanisme d’appel a un rôle jurisprudentiel semblable, des cas représentatifs peuvent être entendus en même temps que le témoignage d’experts afin de maximiser la qualité et la pertinence des directives.

Lors des consultations avec les intervenants, il a été souligné que des guides accessibles au public concernant l’interprétation des principes applicables à la détermination du statut de réfugié seraient également utiles. La crédibilité est une question clé que doit trancher le décideur de première instanceNote de bas de page 44 . Le dernier guide public préparé par la CISR date de 2004, compte 72 pages et contient plus de 300 références à des décisions de la Cour fédérale. Depuis ce temps, le HCR et les autres pays ont accompli d’importants progrès quant à l’élaboration de guides transparents et simplifiés au sujet des principes, des facteurs et des approches. Le rapport du « Projet CredoNote de bas de page 45  » du HCR est un outil important pour la mise à jour de ces directives.

La CISR devrait élaborer plus de guides jurisprudentiels et y avoir recours davantage. Elle pourrait ainsi traiter les questions nouvelles, dissiper les ambigüités dans la jurisprudence au sujet des réfugiés et corriger les erreurs qui se répètent dans le processus décisionnel et rendre ce dernier plus efficient. Dans le Plan d’action de la CISR établi en 2017 et le « rapport Ewart », on reconnaît également qu’il est possible d’en faire plus à cet égard.

Après la décision

Quand une décision favorable est rendue à l’égard de leur demande d’asile, les demandeurs d’asile sont autorisés à présenter une demande de résidence permanente pour eux-mêmes, leur époux et leurs personnes à charge. Selon le processus actuel, les formulaires sont fournis au moment de la présentation de la demande d’asile. Quand la décision à l’égard de la demande d’asile est défavorable, une fois le processus d’appel terminé, le Programme des renvois de l’ASFC tente de veiller à ce que les demandeurs d’asile visés par une mesure de renvoi exécutoire soient renvoyés du Canada, quoique, comme il est souligné au chapitre 1, les taux de renvoi du passé sont plutôt faibles. Quand une personne est visée par une mesure de renvoi exécutoire, on l’interroge afin de vérifier qu’elle possède un document de voyage valide et, si elle y est admissible, on lui offre un examen des risques avant renvoi (ERAR), lequel a pour objet de réévaluer le risque de menace pour la vie, de persécution ou de traitements ou peines cruels ou inusités auquel la personne est personnellement exposée. L’ERAR est offert quand au moins un an s’est écoulé depuis la dernière décision relative à la demande d’asile et se veut une mesure de protection visant à évaluer tout changement du risque auquel la personne serait exposée à son retour dans son pays. Si la personne n’a pas de document de voyage valide, les agents d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’ASFC font la liaison avec les ambassades étrangères afin d’obtenir les documents de voyage requis. L’ASFC peut également prendre d’autres mesures, comme s’occuper des préparatifs de voyage, fournir une escorte et assurer la liaison avec le personnel de l’ASFC à l’étranger afin d’assurer un renvoi efficace dans le pays d’origine.

Recommandation 43 : Intégrer complètement au traitement des demandes d’asile le processus de demande de résidence permanente des époux et des personnes à charge qui n’accompagnent pas le demandeur d’asile afin de réduire au minimum les processus redondants et la collecte de données additionnelles advenant le cas où une décision favorable est rendue à l’égard de la demande d’asile.

La norme de service pour le traitement des demandes de résidence permanente est actuellement de plus de deux ans. Les retards dans la réunification des familles peuvent exercer une pression indue sur le système, les membres de la famille décidant parfois de présenter leur propre demande d’asile sans savoir quand la question de leur résidence sera réglée. Bien que l’ampleur de ce problème n’ait pas été évaluée dans le cadre de l’examen, les intervenants affirment que ces circonstances incitent les personnes à charge à prendre d’autres moyens pour entrer au Canada, y compris le recours à des passeurs, pendant le long délai entre la présentation d’une demande d’asile par un membre de leur famille et l’accès à la résidence permanente. Il faudrait envisager de réduire au minimum les temps d’attente quand des personnes à charge déclarées attendent à l’étranger d’être réunies avec les demandeurs.

Recommandation 44 : Établir des cibles et des normes de service précises pour l’examen des risques avant renvoi afin d’améliorer les délais de traitement.

En vue du transfert de la responsabilité de l’ERAR à la CISR qui était prévu dans le cadre des réformes de 2012, le programme d’ERAR est parvenu à réduire considérablement l’arriéré de cas. Après la réforme, les décideurs respectaient occasionnellement les cibles en matière de traitement, appuyés par un processus de surveillance national. Il arrive souvent qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire soit traitée en même temps qu’une demande d’ERAR. Une décision favorable à la première étape de ce processus entraîne la fermeture du dossier d’ERAR. Les processus concurrents d’ERAR et de demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaires entraînent des priorités difficiles à concilier qui rallongent le traitement des demandes d’ERAR, lequel prend actuellement 12,8 mois. L’ERAR devrait être terminée le plus rapidement possible afin de faciliter le renvoi, mais il n’existe actuellement aucune norme de service à cet égard. Le conseil de gestion devrait fixer des délais réalistes fondés sur une vision globale du processus d’octroi de l’asile. L’ERAR devrait être assortie de sa propre norme de traitement claire pour la présentation d’une décision à l’ASFC à l’appui du renvoi, et elle ne devrait pas être retardée. Quand une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est traitée en même temps, la norme de service pour l’ERAR devrait tout de même être respectée.

Figure 15 : Productivité des agents chargés de l’ERAR et des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaireNote de bas de page 46 

Année ETP PM-04 disponibles (moyenne) Nombre réel de décisions principales Nombre réel de décisions principales par décideur Moyenne des cas principaux par semaine
2013 58,2 2 246 39 1,0
2014 62,3 3 262 52 1,3
2015 56,4 3 937 70 1,8
2016 54,3 4 252 78 2,0
2017 55,7 4 393 79 2,0

Recommandation 45 : Fournir aux agents chargés de l’ERAR une liste de tous les documents liés à la demande d’asile afin qu’ils soient plus à même d’évaluer les nouveaux éléments de preuve.

À l’heure actuelle, les agents chargés de l’ERAR reçoivent la décision de la SPR dans le dossier et peuvent demander des documents additionnels. Si on leur fournissait une liste de tous les documents pris en compte dans l’examen de la demande d’asile ainsi que le dossier initial, ils disposeraient de renseignements additionnels à l’appui leur processus décisionnel, et cela réduirait les retards occasionnés par les demandes de documents. Un dossier électronique commun permettrait de réduire la nécessité de communiquer de nouveau les renseignements.

Recommandation 46 : Les décisions relatives à l’ERAR devraient être prises par les mêmes personnes qui rendent les décisions de première instance relatives aux demandes d’asile.

Les décisions relatives à l’ERAR devraient être prises par des décideurs de première instance, ce qui serait possible dans le contexte d’une réforme du système ou dans un système intégré. Les délais prévus pour la prise de décisions ne permettent pas le renvoi rapide des demandeurs d’asile déboutés, ce qui est un objectif du système, car les décisions relatives à l’ERAR prennent plus de temps que les décisions de première instance. Comme les décideurs de première instance, les nouveaux agents chargés de l’ERAR reçoivent une formation exhaustive suivie de séances régulières portant sur les tendances en matière de litiges. Afin de renforcer l’ERAR et les décisions de première instance, il faudrait que les agents reçoivent la même formation sur l’évaluation du besoin de protection. Au sein d’un système intégré, une seule organisation se chargerait d’élaborer et de fournir cette formation. Dans le contexte d’une réforme du système, IRCC et la SPR devraient travailler de concert pour harmoniser cette formation dans le cadre des plans en vigueur quant à la mise en œuvre de leurs programmes respectifs.

Recommandation 47 : Les renvois devraient être traités en priorité dès la prise d’effet de la mesure de renvoi.

Les demandeurs d’asile déboutés devraient être renvoyés dès la prise d’effet des mesures de renvoi. Une lettre demandant à ceux-ci de se présenter en vue de leur retour dans leur pays d’origine devrait être incluse avec les décisions défavorables de la SPR et de la SAR, et les exigences à cet égard devraient être surveillées afin de repérer les cas où celles-ci ne sont pas respectées. Un bureau central devrait immédiatement programmer tous les retours, et l’ASFC, surveiller tous les départs prévus à des fins de conformité.

Recommandation 48 : La possibilité de créer un programme de retours volontaires sans escorte pour les demandeurs d’asile déboutés présentant un risque faible devrait être réexaminée afin de déterminer si un tel programme, administré par IRCC ou l’agence de protection des réfugiés, encouragerait plus de demandeurs d’asile déboutés à quitter le Canada.

Les renvois représentent un coût global important pour le système d’octroi de l’asile. Il faudrait veiller à ce que les demandes de documents de voyage soient préparées au début du processus. La création d’un bureau centralisé des retours auquel les demandeurs d’asile déboutés se présenteraient après avoir obtenu une décision définitive défavorable pourrait être un moyen plus économique d’administrer les retours, étant donné que la majorité des demandeurs d’asile ont un profil de risque faible. Le même bureau pourrait administrer l’annulation des permis et autres avantages ainsi que gérer les demandes d’ERAR.

Chapitre 6 : Facteurs habilitants du système

Gestion des ressources humaines

Pour assurer la prise de décisions efficientes et de grande qualité en matière d’asile, il est essentiel de disposer de solides pratiques de gestion des ressources humaines. Des intervenants et des études antérieures insistent sur l’importance, pour la SPR, de se doter d’un effectif complet de préposés aux entrevues et de décideurs adéquatement formés, prêts à établir et à trancher les principales questions pertinentes afin de statuer sur les demandes d’asile le plus rapidement possible. Le recrutement en fonction des compétences, la polyvalence de l’effectif et la gestion rigoureuse du rendement sont aussi considérés comme des éléments clés d’une gestion des ressources humaines efficace et efficiente. La section suivante porte sur les principales stratégies à adopter pour améliorer le recrutement, la formation et le maintien en poste du personnel.

Recommandation 49 : Se doter d’un effectif dans le domaine de la protection des réfugiés pour assurer la disponibilité d’employés expérimentés et favoriser la souplesse en matière de dotation.

L’un des objectifs des réformes de 2010 et de 2012 consistait à établir un effectif plus stable afin de remédier au roulement élevé des décideurs nommés par décret et aux retards dans les remplacements, qui ont fait grimper le taux de postes vacants et fait en sorte qu’il n’y avait plus suffisamment d’employés pour gérer la charge de travail. On a présumé qu’une modification de la classification dans le but que les personnes nommées par décret deviennent des décideurs fonctionnaires réduirait le nombre de postes vacants et d’absences, et fournirait la souplesse nécessaire pour ajuster la taille de l’effectif en fonction de la fluctuation du volume des demandes. On a également supposé que la tendance en matière d’attrition serait modeste, malgré les taux antérieurs élevés au sein des personnes nommées par décret, et proposé une classification PM 6 à l’échelle d’autres postes similaires à la CISR, pour former un tout cohérent, même si ce niveau était supérieur à celui des décideurs à IRCC.

Bien qu’au sein de l’effectif initial de décideurs fonctionnaires, certains employés connaissaient déjà le système d’octroi de l’asile, la majorité d’entre eux étaient nouveaux à la SPR. Au cours des trois années qui ont suivi la mise en place du nouveau système, le taux de roulement s’est avéré égal, voire supérieur, au taux moyen enregistré pour les personnes nommées par décret et, par conséquent, le nombre de décisions rendues a été bien inférieur à la capacité prévue de 22 500 par année. La disponibilité des employés figure aussi au nombre des problèmes ayant mené à l’atteinte de résultats inférieurs lors des périodes d’absence de courte durée non remplacées. Compte tenu des possibilités d’avancement professionnel limitées au niveau PM 6 à la SPR, certains décideurs nouvellement recrutés ont quitté leurs fonctions pour occuper un poste PM-6 ou un poste pourvu par décret dans d’autres sections de la CISR. En 2016, une nouvelle approche de recrutement prévoyant l’établissement d’un avis de recrutement externe au printemps et à l’automne de chaque année a été adoptée afin de créer un bassin de décideurs PM-6. Telle qu’elle est conçue à l’heure actuelle, cette approche accorde la priorité aux candidats ayant l’expérience des tribunaux, qui sont de bons candidats, plutôt que de procéder à une sélection fondée sur les compétences.

Considérée dans son ensemble, la disponibilité des décideurs demeure un défi. Dans un modèle de système intégré, le potentiel d’établissement d’un effectif polyvalent et élargi dans le domaine de la protection des réfugiés est considérable. Au sein de l’agence de protection des réfugiés, les décideurs en matière d’asile de première instance, les agents d’examen des risques avant renvoi et le personnel de réinstallation partout dans le monde formeraient un groupe d’agents de protection des réfugiés relevant d’une seule organisation. Un parcours de perfectionnement pourrait être établi pour les décideurs, en fonction des différents volets ou niveaux de complexité des cas (p. ex. PM-4 pour l’examen des documents, PM-5 pour les courtes entrevues et PM-6 pour les cas complexes). Ce parcours favoriserait le recrutement, le perfectionnement et le maintien en poste d’agents de protection hautement qualifiés, augmenterait la souplesse en matière de dotation dans l’ensemble du système d’octroi de l’asile et contribuerait à assurer la présence d’un nombre suffisant d’employés pour gérer la charge de travail. Un processus de dotation annuel clairement axé sur les compétences évaluées lors des examens écrits, des entrevues et des mises en situation ainsi que le recours à de nouvelles sources de candidats potentiels pourraient aussi favoriser l’accessibilité à de possibles recrues et réduire le fardeau administratif qu’engendrent de multiples processus. Des occasions d’affectations latérales aux opérations de réinstallation de réfugiés à l’étranger procureraient également de la variété et amélioreraient l’uniformité de la prise de décision entre les programmes de protection.

Recommandation 50 : Établir un effectif occasionnel pour faciliter une intervention rapide lors de la hausse du volume des demandes et éviter ainsi l’accumulation d’arriérés.

Comme la charge de travail est variable, il est essentiel d’avoir accès rapidement à des employés supplémentaires pour éviter les retards de traitement et les arriérés. Plusieurs organisations fédérales (p. ex. l’Agence du revenu du Canada, Élections Canada et Statistique Canada) se sont d’ailleurs dotées d’un effectif occasionnel ou saisonnier pour gérer les périodes de pointe de la demande. Le recrutement délibéré et bien géré d’employés excédentaires, l’embauche d’employés à temps partiel et occasionnels et la création de bassins de candidats devraient être utilisés pour gérer à la fois les périodes de forte demande et les taux élevés d’attrition. Selon le modèle intégré que propose l’agence de protection des réfugiés, les agents recevraient une formation polyvalente et pourraient être affectés à d’autres fonctions, au besoin, même si cela risque d’être difficile. Dans un modèle harmonisé, il est nécessaire d’établir des mécanismes permettant d’accéder rapidement à des employés de l’extérieur de l’organisation. À l’heure actuelle, la SPR embauche des décideurs d’autres tribunaux et des personnes auparavant nommées par décret afin de pourvoir les postes de courte durée ou occasionnels, et procède à des réaffectations au sein de l’organisation. Toutefois, cette approche semble en grande partie réactive, ce qui fait qu’à certaines périodes, il n’y a plus assez d’employés pour gérer la charge de travail. De plus, aucune entente n’est en place pour permettre l’accès à des employés supplémentaires de partenaires fédéraux pour de courtes périodes. Afin d’avoir accès en tout temps à du personnel disponible immédiatement, il faudrait désigner des employés de partenaires fédéraux à des fins d’affectation potentielle, en fonction de leurs compétences et de leur formation préalable. Il faudrait également porter une attention particulière à la disponibilité du personnel de réserve des autres services essentiels, comme les interprètes et les conseillers juridiques, afin de prévenir les retards dans l’instruction des audiences.

Recommandation 51 : Bien former les décideurs de première instance et évaluer leur rendement pendant la période de probation.

La capacité d’atteindre les cibles de productivité est une compétence clé en matière de prise de décision. À la suite des mesures de réforme, il était prévu que les nouveaux décideurs atteignent leur un rendement optimal en 12 mois. Cependant, selon des données probantes, tant les décideurs nommés par décret que les décideurs fonctionnaires ont atteint ce niveau à leur troisième année d’exercice. La CISR a indiqué que les failles dans cette hypothèse sont à l’origine d’une légère diminution du nombre cas réglés chaque année.

Étude de cas : Commission des libérations conditionnelles du Canada

La Commission des libérations conditionnelles du Canada a une approche bien établie en ce qui a trait à la gestion des cas, au processus décisionnel et aux décideurs nommés par décret. En voici quelques éléments clés.

  • Dotation fondée sur les compétences clés : Les candidats aux postes pourvus par décret doivent avoir d’excellentes compétences d’analyse et de prise de décision, savoir interpréter de l’information, être capables de communiquer de façon claire, concise et exhaustive et pouvoir composer avec une charge de travail lourde, des délais serrés et un environnement stressant.
  • Cibles : Les attentes liées au travail communiquées au moment du recrutement sont détaillées. Habituellement, selon ce qui est indiqué sur le site Web de la Commission, la semaine de travail d’un commissaire consiste en deux jours de préparation en vue des audiences, deux jours d’audiences et une journée d’examens par voie d’étude des dossiers. De façon générale, les commissaires doivent effectuer une préparation en vue de la tenue de trois à six audiences par journée d’audience, et sont habituellement appelés à effectuer huit examens par voie d’étude des dossiers et à rendre des décisions dans chacun de ces casNote de bas de page 47 .
  • Formation, suivi du rendement et assurance de la qualité : Les personnes nouvellement nommées se voient confier une charge de travail complète dans les trois à six mois suivant leur embauche. Elles reçoivent une formation d’orientation sur plusieurs semaines et peuvent bénéficier d’une orientation et de mentorat ou de soutien supplémentaires, au besoin. La formation annuelle continue est déterminée en fonction des examens de cas, de la jurisprudence, des évaluations annuelles et de la consultation de divers intervenants. De la formation supplémentaire est fournie aux décideurs lorsque des problèmes sont observés – des examens de la qualité et des évaluations annuelles fondées sur les compétences sont alors entrepris.
  • Principaux facteurs habilitants contribuant à l’efficience du processus décisionnel :
    • Législation : Critères de prise de décision clairs et délais établis.
    • Soutien à l’égard des cas : Modèle de soutien décisionnel incluant la préparation des cas par les employés, afin que les décideurs reçoivent toute l’information nécessaire (c.-à-d. qu’ils soient prêts pour une décision) avant un examen.
    • Audiences : Tenues dans un contexte semi officiel, p. ex. dans les salles de conférence et de réunion d’établissements correctionnels.
    • Numérisation : Système de fichiers électroniques entièrement numérisés, attribution des cas et mise au rôle au moyen d’un système de cas automatisé, utilisation de décisions en format électronique et de signatures numériques, possibilité pour les décideurs d’utiliser des outils électroniques pendant les audiences et de travailler à distance à l’aide de la vidéoconférence, possibilité de transférer facilement la charge de travail d’un bout à l’autre du pays.

Dans son plan d’action de juillet 2017, la CISR prévoit l’adoption d’une approche d’immersion à l’échelle nationale pour la formation des décideurs ainsi que d’une approche conséquente d’exclusion des recrues dont le rendement est faible pendant la période de probation. Ces changements sont importants pour augmenter progressivement le nombre de cas réglés. Cependant, l’information fournie jusqu’à maintenant indique que la SPR planifie toujours ses ressources en fonction d’une période de progression du rendement de 18 mois et de l’atteinte d’un rendement optimal au bout de 24 à 36 mois, ce qui est bien au-delà de la période probatoire habituelle de 12 mois. Le faible taux de progression dans le nombre de cas réglés nuit au rendement général. Il faut hausser les attentes envers les nouvelles recrues pour être en mesure d’évaluer leur pleine productivité pendant la période de probation de 12 mois, afin établir leur capacité de rendement plus rapidement et de réduire au minimum les pertes de productivité occasionnées par le roulement de personnel. Le recours à un modèle dans le cadre duquel un comité évaluerait les nouvelles recrues pendant la période de probation devrait aussi être envisagé. De plus, les attentes habituelles en matière de règlement de cas et les normes de qualité et de rapidité devraient être incluses dans les avis d’emploi afin que les employés potentiels en soient mieux informés.

Recommandation 52 : Renforcer le perfectionnement professionnel des décideurs en offrant de la formation régulière sur des compétences clés comme la rédaction de décisions concises et la tenue d’entrevues et d’audiences ciblées.

Une formation complète de perfectionnement professionnel axée sur la cohérence du processus décisionnel est offerte chaque mois aux employés, mais la formation sur les compétences clés est dispensée par l’intermédiaire d’organisations externes. Une pratique exemplaire consisterait à établir un profil de connaissances et de compétences pour les décideurs et de concevoir un programme permettant d’adapter la formation (en ligne, autonome, évaluée) aux composantes de ce profil. Cela jetterait les bases du perfectionnement de compétences clés comme la rédaction de décisions concises et la tenue d’audiences ciblées, en plus d’aider les décideurs à atteindre les cibles. Afin d’assurer la pertinence de la formation, les décideurs et la direction pourraient avoir la possibilité de fournir une rétroaction régulière.

Recommandation 53 : Renforcer la fonction de supervision des décideurs de première instance afin d’améliorer l’assurance de la qualité et la gestion du rendement.

La structure de gestion de la SPR liée à la supervision des décideurs comprend un vice-président (EX 4), trois vice-présidents adjoints (EX-2) responsables de trois bureaux régionaux ainsi que neuf commissaires coordonnateurs (AS-8) qui travaillent avec des équipes de 8 à 12 décideurs, en plus d’assumer certaines fonctions décisionnelles. La fonction de commissaire coordonateur se trouverait renforcée si les responsabilités associées à ce poste étaient axées uniquement sur la gestion et exigeaient davantage d’expérience des RH et/ou plus de formation en gestion et en supervision. Les questions relatives à la classification comme les tâches de gestion et la portée du contrôle devraient être réévaluées.

Recommandation 54 : Affecter du personnel spécialisé à la réception des demandes d’asile aux principaux points d’entrée.

L’ASFC n’exerce plus de fonctions spécialisées de traitement des demandes aux points d’entrée où les volumes de réception sont élevés, ce qui rend le processus de traitement de ces demandes beaucoup plus long et coûteux. Comme la réception des demandes d’asile est une fonction hautement spécialisée qui comporte de nombreux aspects administratifs nécessitant l’intervention à la fois d’agents et de personnel administratif, il faudrait envisager de réaffecter du personnel de bureau aux points d’entrée où un grand nombre de demandes sont présentées afin d’améliorer la rapidité, la qualité et l’uniformité du traitement. Le recours à du personnel administratif polyvalent de l’ASFC – ou à du personnel de l’agence dans le cadre d’un modèle intégré – permettrait de faire des gains d’efficience et de réduire les coûts, en plus de libérer les agents des services frontaliers pour leur permettre de s’occuper de composantes liées à la sécurité.

Recommandation 55 : Examiner les pratiques exemplaires d’autres professionnels en relations d’aide afin d’améliorer la résilience et la santé mentale.

La résilience est une compétence essentielle qui aide les gens à composer avec des emplois éprouvants sur le plan émotionnel et de lourdes charges de travail. Elle contribue à la réduction des absences et au maintien en poste. Bien que de nombreux attributs de la résilience soient individuels, il demeure très important d’offrir des services de soutien organisationnel à cet égard, notamment de la supervision de soutien, des équipes de travail cohésives, du soutien par les pairs ou de l’encadrement, du mentorat et de la formation. La SPR offre bon nombre de ces services ou envisage de les offrir dans le cadre du Plan d’action. Elle pourrait tout de même examiner les pratiques exemplaires d’autres professionnels en relations d’aide travaillant avec des personnes sous la contrainte, comme les fournisseurs de services de protection de l’enfance ou de soins de santé d’urgence, afin de trouver de nouvelles façons de favoriser le mieux-être des décideurs. Elle devrait aussi envisager la possibilité d’inscrire la résilience au nombre des critères de sélection préalable des employés potentiels.

Productivité des décideurs

La productivité des décideurs est au cœur des résultats de chacun des secteurs d’activité du système d’octroi de l’asile. Les chiffres bien inférieurs aux prévisions à la SPR sont d’ailleurs le principal facteur à l’origine du présent examen. Il est toutefois à noter que, bien que l’examen mette l’accent sur la productivité de la SPR, celle d’autres organes décisionnels du système d’octroi de l’asile a aussi été évaluée. Pour que la productivité dans son ensemble augmente, les décideurs doivent être en mesure de rendre rapidement des décisions de très grande qualité, et le système doit être organisé de manière à ce que ce soit possible. L’objectif consiste à maintenir la confiance du public à l’égard du système et à réduire le nombre de cas annulés ou renvoyés par la SAR et la Cour fédérale. Bref, il faut chercher à établir un juste équilibre entre la rapidité, l’équité et le caractère définitif.

Comparativement aux années précédentes, en 2017, la productivité des décideurs de première instance a connu une hausse importante. Au total, la SPR a réglé 23 100 cas (21 480 dans le cadre du nouveau système et 1 622 dans le cadre de l’ancien), ce qui représente environ 12 594 décisions, comme l’illustre la figure 16 ci-dessous. Plusieurs facteurs peuvent expliquer une telle hausse de productivité, notamment le financement supplémentaire pour les décideurs, la mise en œuvre des mesures d’efficience prévues au Plan d’action de la CISR et l’accroissement de la capacité de spécialisation attribuable à l’augmentation du nombre de demandes reçues. Cependant, malgré cette hausse, la SPR n’a pas atteint la cible annuelle de 144 décisions par décideur établie lors de la réforme. Elle a tout de même presque atteint sa cible interne de 100 à 130 décisions par année en 2017, avec une moyenne annuelle de 99 décisions par décideur.

Comme il est indiqué au chapitre 5, la SAR n’a pas atteint ses cibles de productivité internes parce que son processus de reconduction du mandat des personnes nommées par décret n’est pas adapté aux besoins et que le rendement de ses décideurs est faible. De manière générale, le manque à gagner en matière de productivité correspond plus ou moins au tiers des résultats attendus. Enfin, d’après les analyses réalisées dans le cadre du présent examen, il a été établi que les décideurs saisis des demandes d’ERAR et pour motifs d’ordre humanitaire n’avaient pas non plus atteint leurs cibles de productivité interne, enregistrant un manque à gagner d’environ 50 %.

Bien qu’il faille faire preuve de discernement au moment de comparer la productivité en matière de prise de décision de ces trois secteurs d’activité étant donné les différences dans le travail à effectuer et les problèmes de qualité des donnéesNote de bas de page 48 , l’analyse précédente souligne la nécessité de simplifier le processus d’octroi de l’asile afin de mieux appuyer les décideurs à toutes les étapes du système. Comme il est indiqué ci-après, il faudrait établir un modèle de productivité réaliste qui tient compte de tous les intrants et de toutes les variables requises pour l’obtention d’un résultat donné. Un tel modèle contribuerait à l’établissement de cibles de productivité réalistes, lesquelles sont essentielles à la gestion efficace et efficiente du système dans son ensemble.

Figure 16 : Productivité de l’effectif de décideurs actuel pour l’ensemble du système, 2016 et 2017

Année Secteur d’activité Demandes reçues (principales) Effectif de décideurs Nombre de décisions par décideur prévues Nombre de décisions prévues Nombre réel de décisions par décideur Nombre réel de décisions Manque à gagner global en matière de productivité
2016 SPR 13 906 114 144 16 416 85 9 737 -6 679 -41 %
SAR 2 302 30 100 3 000 67 2 005 -995 -33 %
ERAR/CH 6 431 54 108 6 060 78 4 252 -1 808 -50 %
2017 SPR 26 959 127 144 18 288 99 12 594 -5 694 -31 %
SAR 2 992 32 100 3 200 66 2 119 -1 081 -34 %
ERAR/CH 5 862 56 108 6 216 79 4 393 -1 823 -52 %

Recommandation 56 : Établir des cibles ambitieuses, mais réalistes, pour les décideurs de première instance et la SAR en fonction d’une analyse détaillée des données relatives à l’utilisation du temps, et intégrer ces cibles à un modèle de productivité solide.

Il est admis que la complexité des cas en matière d’asile peut varier grandement. Les cibles de productivité devraient donc être fondées sur un triage des cas en fonction de leur complexité et de l’approche décisionnelle à utiliser pour chaque type de cas. Même si le rendement global des décideurs dépend de multiples facteurs (disponibilité, processus de travail, gestion, etc.), les attentes individuelles doivent être claires, ambitieuses et mesurées régulièrement. On s’attendait à ce que les mesures de réforme de 2012 permettent au décideur fonctionnaire moyen de rendre autant de décisions en une année que le décideur nommé par décret le plus productif avant la réforme. Cette hypothèse appuyait la cible originale de 22 500 cas réglés par année (demandeurs principaux et personnes à charge, selon un coefficient de 1,6). Cependant, à la SPR en général, les décideurs fonctionnaires d’après la réforme ont rendu moins de décisions que les personnes nommées par décret qui, elles-mêmes, n’ont pas atteint leur cible de productivité.

La SPR fait un suivi des décisions rendues chaque année, mais ne recueille aucune donnée quantitative sur le temps que les commissaires consacrent à leurs diverses tâches. Elle s’attend à ce que les commissaires coordonnateurs surveillent le rendement et que, en cas de problème (p. ex. incapacité à suivre le rythme imposé par la charge de travail), ils travaillent avec les décideurs concernés pour qu’ils améliorent leur rendement.

Afin d’améliorer la productivité, il faudrait établir des cibles pour chaque étape du processus, notamment pour la préparation, les entrevues, la rédaction des décisions et leur prononcé, en fonction d’une analyse détaillée du temps consacré à chacune et en tenant compte de l’existence de divers types de cas.

Recommandation 57 : Élaborer un nouveau modèle de productivité qui intègre un système de triage et d’autres mesures d’efficience recommandées dans le présent rapport et le soumettre à l’approbation du conseil de gestion du système d’octroi de l’asile.

L’élaboration et la mise en œuvre d’outils de gestion pour évaluer et prévoir les besoins en matière de traitement des cas sont des composantes essentielles d’une approche axée sur la gestion des systèmes. Au nombre des outils les plus importants figure un modèle de productivité souple, capable de tenir compte des changements dans les volumes et les types de demandes, de diverses stratégies de traitement des cas, de l’utilisation de nouveaux systèmes de réception et de triage et de l’équilibre optimal entre décideurs et personnel de soutien.

Figure 17 : Composantes d’un modèle de productivité pour le système d’octroi de l’asile

Figure 17 : Composantes d’un modèle de productivité pour le système d’octroi de l’asile ci-dessous.
Version texte : Figure 17 : Composantes d’un modèle de productivité pour le système d’octroi de l’asile

Ce diagramme de processus montre les composantes d’un modèle de productivité pour le système d’octroi de l’asile. La prévision est établie en fonction des demandes d’asile attendues aux points d’entrée, dans les bureaux intérieurs et aux points d’entrée non officiels, selon une fourchette de un à trois ans. Les variables liées au triage comprennent la réception (nombre de cas de recevabilité réguliers et nombre de cas de recevabilité complexes), le triage (nombre de cas des volets « sur dossier », « courtes entrevues » et « cas complexes ») et les décisions de première instance (nombre de décisions rendues sur dossier, nombre de décisions rendues à la suite de courtes entrevues, nombre de décisions rendues à l’égard de cas complexes).

Les intrants comprennent des variables liées à la productivité (disponibilité des ressources et délai de prise de décision par type de cas selon le nombre d’heures de disponibilité par semaine, le nombre d’heures consacrées au triage et le nombre d’heures par type de décision) et les résultats en matière de traitement (assurance de la qualité, appels et exécution de la loi selon le nombre de décisions examinées chaque semaine, le nombre d’heures de disponibilité des ressources chargées de l’assurance de la qualité par semaine, le nombre d’appels sur dossier, le nombre d’audiences, le nombre d’heures de disponibilité des ressources de la SAR par semaine et le nombre de cas prêts pour renvoi).

Les résultats comprennent les variables postérieures à la décision (réception, triage, décisions de première instance, assurance de la qualité, appels et exécution de la loi selon le nombre de décisions liées à la recevabilité, le nombre de cas triés par volet pour décision, le nombre de décisions liées au statut de réfugié, le nombre de décisions examinées, le nombre de décisions substituées en appel, le nombre de décisions confirmées et le nombre de cas d’exécution de la loi) et les besoins en ressources (réception, triage, décisions de première instance, assurance de la qualité, appels et exécution de la loi selon le nombre d’agents d’évaluation de la recevabilité, le nombre d’agents de triage, le nombre de décideurs, le nombre de spécialistes de l’assurance de la qualité et le nombre d’agents de renvoi).

Voici ce que devrait prévoir un modèle de productivité relatif à la prise de décisions de première instance.

  • L’établissement de cibles dans les différents volets de traitement en fonction des différents cas à traiter :
    • les cibles de décisions sur dossier et fondées sur de courtes entrevues sont établies en fonction du nombre de cas complexes nécessitant une audience complète;
    • les hypothèses par volet se fondent sur les taux d’approbation antérieurs, par type de cas et de pays (X % de décisions sur dossier, Y % de courtes entrevues et Z % de cas complexes).
  • L’établissement de cibles personnelles de prise de décisions par volet de traitement (décisions sur dossier, courtes entrevues, cas complexes).
  • Une adaptation aux changements dans les processus et aux améliorations technologiques et la prise en compte de services d’aide et de préparation des cas et d’outils d’orientation et de prise de décision bien établis.

Ces composantes sont illustrées ci-dessous, dans un exemple de modèle de productivité pour la SPR fourni à titre indicatif. Ce modèle compare les résultats obtenus en 2017 à ceux qui pourraient être obtenus grâce à l’instauration d’un système de triage (voir la figure 18). Trois volets y sont représentés : les décisions sur dossier (20 % des cas), les courtes entrevues (50 % des cas) et les cas complexes (30 % des cas). D’après les hypothèses établies, le règlement d’un cas nécessiterait de 2, 5 à 13 heures, selon le volet, ce qui permettrait à l’effectif actuel de la SPR de rendre une décision à l’égard non pas de 15 000 cas, mais de 19 000 (augmentation de 27 %). Pour permettre la gestion de près de 50 000 demandes (dont 31 000 décisions principales), ce qui correspond au nombre de demandes reçues en 2017, il faudrait accroître l’effectif de 127 à 206 décideurs. Évidemment, les hypothèses formulées sont essentielles à la détermination des résultats du modèle. Les responsables du présent examen croient que celles présentées ici sont raisonnables. Elles devront néanmoins être mises en pratique en situation réelle, surveillées et adaptées en fonction des besoins.

Il faudrait élaborer des modèles semblables pour les procédures de réception des demandes, le triage, le soutien à la prise de décision, la SAR, l’ERAR et les renvois. Les responsables du présent examen croient que les approches recommandées dans ce rapport permettraient d’augmenter largement la productivité, laquelle est l’un des deux facteurs clés de l’affectation des ressources et de l’établissement du budget annuel, l’autre étant le nombre de demandes reçues. Ces modèles de productivité devraient être approuvés par le conseil de gestion. En outre, les résultats devraient être présentés chaque trimestre au conseil, sous forme de rapport, puis mis à jour annuellement ou plus fréquemment, au besoin.

Figure 18 : Exemples de modèles de productivité pour la SPR

Situation actuelle Nbre de décisions en fonction de la capacité Nbre de décisions principalesNote de bas de page 49  Nbre de décisions par année (par semaine) Nbre de décideursNote de bas de page 50 
2 % des décisions sont rendues sur dossier 406 254 24
(6)
2
98 % des décisions sont rendues à la suite d’une audience régulière 19 914 12 446 10
(2.5)
125
Autres mesures d’efficience 3 680 2 300 - -
Total 24 000 15 000 - 127
Exemple 1 : Répartition par volet et hausse de productivité avec l’effectif actuel de décideursNote de bas de page 51  Nbre de décisions en fonction de la capacité Nbre de décisions principales Nbre de décisions par année (par semaine) Nbre de décideurs
20 % des décisions sont rendues sur dossier 6 080 3 800 520
(13)
8
50 % des décisions sont rendues à la suite d’une courte entrevue 15 200 9 500 200
(5)
48
30 % des décisions concernent un cas complexe 9 120 5 700 80
(2)
71
Total 30 400 19 000 - 127
Exemple 2 : Répartition par volet et hausse de productivité avec des décideurs additionnels Nbre de décisions en fonction de la capacité Nbre de décisions principales Nbre de décisions par année (par semaine) Nbre de décideurs
20 % des décisions sont rendues sur dossier 9 920 6 200 520
(13)
12
50 % des décisions sont rendues à la suite d’une courte entrevue 24 800 15 500 200
(5)
78
30 % des décisions concernent un cas complexe 14 880 9 300 80
(2)
116
Total 49 600 31 000 - 206

Recommandation 58 : Entreprendre un examen de supervision de tous les motifs à des fins d’assurance de la qualité et d’uniformité, avant ou après la décision.

Comme l’indique le chapitre sur les pratiques exemplaires à l’étranger, les modèles d’examen des décisions fonctionnent efficacement dans les systèmes d’octroi de l’asile hautement productifs. À la SPR, les décideurs peuvent demander conseil à des conseillers juridiques ou à des commissaires coordonnateurs, à leur discrétion. L’assurance de la qualité prend principalement la forme d’une rétroaction, fournie lors de discussions sur la gestion du rendement où les décideurs invitent leur commissaire coordonnateur à évaluer certaines décisions. Les décisions font aussi l’objet d’examens périodiques dirigés par l’unité responsable des évaluations de la CISR. Cependant, compte tenu de l’importance de la qualité et de l’uniformité, il est recommandé d’adopter une approche plus systématique dans le cadre de laquelle les superviseurs examineraient tous les motifs, avant ou après la décision, pour cerner toutes les lacunes en matière d’analyse et y remédier de façon continue, et potentiellement réduire au minimum le nombre de décisions renvoyées par la SAR et la Cour fédérale. Il s’agirait là de la principale responsabilité des superviseurs, qui détermineraient l’approche appropriée pour chaque décideur. Les partenaires étrangers recourent à divers modèles. Dans un modèle « avant décision », par exemple, les superviseurs examineraient les cas dans un délai préalablement établi et discuteraient de tout problème avec le décideur, qui conserverait le pouvoir le rendre la décision finale.

Recommandation 59 : Rééquilibrer le modèle de soutien aux décideurs afin de déterminer comment le personnel peut mieux contribuer à la préparation des cas.

À la suite des mesures de réforme, les tâches de préparation des cas sont passées du personnel de soutien aux décideurs. Or, il est bien établi que le temps consacré à la préparation des cas empiète sur le temps consacré aux principales responsabilités décisionnelles. Le transfert des tâches de préparation des cas à du personnel subalterne améliorerait la productivité globale. On pourrait réorganiser le large bassin de personnel du greffe afin de créer des postes distincts dont les fonctions consisteraient, par exemple, à vérifier les dossiers afin de s’assurer qu’ils sont complets et prêts à être examinés. Cette approche permettrait non seulement de soutenir les décideurs, mais aussi d’offrir au personnel du greffe de nouvelles possibilités de perfectionnement professionnel et d’améliorer leur maintien en poste. Un projet pilote dans le cadre duquel des employés du greffe soutiennent des décideurs dans leurs fonctions selon un ratio de 1:3 est actuellement en cours. L’évaluation de ce projet pilote devrait permettre de déterminer les avantages de cette approche et le coefficient optimal de soutien aux décideurs.

Mesures de soutien juridique au système

La représentation juridique est devenue une caractéristique bien établie du système canadien d’octroi de l’asile. Aujourd’hui, comparativement à avant 2012, une proportion plus importante de demandeurs d’asile sont représentés par un avocat ou un consultant, en grande partie en raison des délais de traitement accélérés, qui limitent l’emploi et, par conséquent, augmentent l’admissibilité à l’aide juridique accordée en fonction des ressourcesNote de bas de page 52 . Avant la réforme, environ 88 % des demandeurs d’asile étaient représentés, comparativement à 96 % aujourd’hui.

Les demandeurs font appel à des avocats, à des consultants et à des ONG qui les aident à préparer leur demande, à recueillir des éléments de preuve pertinents et à se préparer aux audiences. Les coûts de base de ces services ainsi que les coûts liés à la traduction et à l’interprétation sont habituellement couverts par l’aide juridique. Ils constituent donc des coûts parallèles ou « fantômes » du système d’octroi de l’asile, partagés entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Bon nombre d’inefficiences du système que doit assumer la communauté de l’aide juridique, notamment sur le plan de la mise au rôle, font grimper ces coûts. C’est pourquoi l’aide juridique est un élément à prendre en compte au moment d’établir des mesures d’efficience.

La majorité des contributions fédérales en matière d’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés compensent directement les coûts liés aux demandes d’asile. Cependant, d’après une évaluation du Programme d’aide juridique entreprise par le ministère de la Justice, les contributions fédérales représentent environ 35 % des coûts totauxNote de bas de page 53 . Ce qui est particulier, c’est que seulement six des dix provinces offrent de l’aide juridique aux réfugiés et que la majorité d’entre elles fondent leur décision en matière d’admissibilité sur le mérite et les ressources disponibles, alors que plus de 90 % des demandeurs sont admissibles à l’aide offerte par la SPR dans la plupart des provinces. À la SAR, les critères d’admissibilité sont plus rigoureux; en général, 50 % des demandeurs ou moins sont admissibles à de l’aide juridique à cette étapeNote de bas de page 54 .

Les avocats en droit des réfugiés soutiennent que le rôle du conseil dans la préparation d’une demande d’asile cohérente fait sauver du temps aux décideurs. Grâce à une meilleure communication et à de meilleurs outils électroniques, davantage de gains d’efficience pourraient tout de même être réalisés. Des intervenants signalent aussi que la compétence des conseils a une grande incidence sur le résultat du processus et qu’un grand nombre de demandeurs sont représentés par des conseils non expérimentés, ce qui entraîne des pertes de temps et engendre des coûts non nécessaires.

Recommandation 60 : Établir des processus électroniques simples pour améliorer la collaboration avec les conseils, notamment en ce qui concerne la mise au rôle des entrevues et la présentation des documents.

Comme il est recommandé au chapitre 5 du présent document, pour assurer l’efficience du système, il faudrait envisager de faire participer les conseils à la conception du processus.

Outils habilitants de la TI

Les outils habilitants de la TI sont essentiels au processus axé sur l’information du système d’octroi de l’asile. Les partenaires recourent à la collecte et à l’échange de renseignements sur les clients afin d’appuyer de multiples points de décision dans le continuum de traitement, que ce soit pour l’établissement de l’identité, l’admissibilité, la recevabilité, le triage, les interventions, la décision en matière de protection, les recours après décision, la résidence permanente ou l’exécution de la loi. Alors qu’un grand nombre d’organisations similaires du Canada et d’autres pays (y compris des organisations d’octroi de l’asile) migrent vers des solutions technologiques de prochaine génération, lesquelles comprennent la veille stratégique, l’automatisation des décisions et l’analytique prédictive, le processus canadien d’octroi de l’asile n’est que partiellement habilité par la technologie de l’information.

Figure 19 : Technologie de l’information à l’appui du système canadien d’octroi de l’asile

Figure 19 : Technologie de l’information à l’appui du système canadien d’octroi de l’asile ci-dessous.
Version texte : Figure 19 : Technologie de l’information à l’appui du système canadien d’octroi de l’asile

Cette image montre le cheminement du dossier papier, y compris du formulaire Fondement de la demande d’asile, de sa réception à l’ASFC/IRCC jusqu’à sa transmission à la CISR aux fins de décision et à la Cour fédérale en cas d’appel. Les formulaires (Fondement de la demande pour la CISR, Annexe 12 pour l’ASFC et IMM 0008 pour IRCC [renseignements partiels saisis]) ainsi que les documents d’identification et de voyage du demandeur sont entrés manuellement dans le Système mondial de gestion des cas. Les renseignements biométriques (vérification du casier judiciaire canadien, vérification des empreintes digitales pour connaître l’historique d’immigration aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle Zélande), eux, sont entrés automatiquement.

Les données de base sur le demandeur et la décision définitive relativement à la demande d’asile sont transmises dans le Système national de gestion des cas de l’ASFC. Les données de base sur le demandeur, la déférence à la CISR et la vérification de sécurité sont transmises dans le système NOVA de la CISR.

Il y a échange automatique des résultats de la vérification de sécurité entre le SMGC et le Système de suivi sécuritaire de l’ASFC.

L’Outil de mise au rôle des audiences ajoute automatiquement la date de l’audience dans le système NOVA (CISR). L’ASFC et IRCC saisissent manuellement la date temporaire pour la SPR dans l’Outil de mise au rôle.

Pour appuyer la transformation du système d’octroi de l’asile introduite par la réforme de 2012, plusieurs changements en matière de TI ont été apportés, et leurs résultats se reflètent sur l’état actuel de la technologie. Des fonds ont également été accordés à IRCC, le responsable des politiques, afin qu’il établisse une unité d’analyse et de surveillance et qu’il améliore la base de données de renseignements sur les réfugiés, appelée le continuum des demandeurs d’asile. Même si la majorité des changements techniques nécessaires ont été apportés au système, des lacunes importantes sont demeurées, notamment en ce qui concerne l’outil de mise au rôle des audiences. On a créé cet outil en tant que solution temporaire pour permettre aux agents d’IRCC et de l’ASFC de fixer des dates d’audience pour le compte de la CISR, mais depuis, aucun outil plus souple permettant d’établir le calendrier en fonction de la disponibilité des décideurs n’a été mis sur pied. De plus, le continuum des demandeurs d’asile, qui constitue la principale base de données de renseignements d’IRCC, n’est pas encore complètement fonctionnelNote de bas de page 56 .

Recommandation 61 : Effectuer un bilan de santé de la TI dans le système d’octroi de l’asile en vue d’élaborer un plan de TI intégré.

Le Programme d’amélioration continue de NOVA est un plan sur cinq ans (2016-2021) de la CISR qui lui permettra de passer du simple suivi des cas à la gestion des cas. Il comprend une amélioration de l’outil de mise au rôle des audiences qui permettra d’établir le calendrier « en temps réel » et en fonction de la disponibilité des commissaires, ce qui devrait grandement réduire les remises au rôle de cas, un irritant de longue date pour IRCC, l’ASFC, la CISR, les demandeurs et les conseils. L’objectif de ce programme consiste à appuyer les priorités de la CISR en établissant un outil de gestion des cas sécuritaire, fiable et efficace qui simplifiera les activités et normalisera les processus opérationnels tout en offrant un processus de présentation électronique des demandes et une gestion intégrée des documents de bout en bout. Le Programme vise également la mise en place d’un portail libre service complet, la production de rapports conviviaux, la régularisation d’un outil de mise au rôle, l’introduction de l’automatisation dans la gestion des cas et le déroulement des opérations ainsi que la normalisation de la correspondance envoyée.

Il convient de noter que le Programme fait appel à une approche souple de développement de la TI qui, par exemple, prévoit des améliorations à NOVA toutes les trois semaines (alors que, selon l’approche traditionnelle, les mises à jour sont peu nombreuses et rigoureusement contrôlées) qui découleront de consultations avec un réseau d’utilisateurs finaux et de commentaires reçus de leur part. L’initiative est encore jeune, mais elle contraste avec l’approche standard de développement de la TI utilisée jusqu’à maintenant, dans le cadre de laquelle les avancées sont rigoureusement contrôlées, la formulation de commentaires par les utilisateurs est régie et seulement quelques mises à jour sont apportées chaque année.

Bien que le plan de la CISR soit tout à fait louable pour ses composantes d’avenir, il ne permet pas l’adoption d’une approche à l’échelle du système avec les partenaires clés, soit IRCC et l’ASFC. Pour éviter la fragmentation du système d’octroi de l’asile, les ministères devraient immédiatement faire un bilan de santé de la TI afin d’examiner et d’évaluer les approches actuelles en matière de développement de la TI, dans le but de mettre en place un plan de TI intégré.

Recommandation 62 : Inclure au plan de TI intégré l’établissement d’un système de gestion des cas et d’un dossier électronique uniques, la mise en place d’un mécanisme à l’intention des demandeurs d’asile pour la soumission de renseignements par voie électronique et la création d’un outil de mise au rôle électronique.

Un bilan de santé de la TI devrait permettre de connaître les besoins relatifs à l’élaboration d’un plan de TI pluriannuel à soumettre au conseil de gestion du système d’octroi de l’asile aux fins d’examen. Ce plan devrait prévoir un développement souple et être axé sur les besoins des utilisateurs, la conception itérative, le souci du service à la clientèle et l’interopérabilité. Il devrait aussi être le fruit d’un travail de collaboration entre des experts et le Service numérique canadien.

Recommandation 63 : Mettre en œuvre une stratégie de gouvernance des données à l’échelle du système.

Il faudrait considérer comme prioritaire l’élaboration d’une stratégie de gouvernance des données qui appuierait la production de rapports opérationnels et de rapports à l’intention de la direction améliorés. Les outils de planification et de reddition de comptes actuels ne conviennent pas à la gestion opérationnelle du système d’octroi de l’asile.

Recommandation 64 : Envisager le recours à l’analytique prédictive pour l’évaluation des risques.

Le conseil de gestion devrait encourager l’utilisation de l’analytique prédictive dans l’orientation du processus décisionnel, car celle-ci permettrait de reconnaître rapidement et avec précision les cas à faible risque et à risque élevé, de simplifier le traitement et de maintenir l’intégrité du programme. Les responsables du présent examen se doutent bien que divers partenaires travaillent actuellement à la création de nouveaux outils d’automatisation et, de manière générale, ils appuient le recours à l’automatisation lorsque cela est possible et justifié, et s’il est appuyé par une analytique encadrée. Il faut toutefois examiner chaque proposition attentivement afin d’évaluer si elle s’harmonise avec une approche de TI plus intégrée pour le traitement des demandes d’asile et d’immigration, comme le soulignent les présentes recommandations.

Chapitre 7 : Sommaire des modèles proposés

À partir des recommandations précises formulées précédemment, le présent chapitre présente sommairement les caractéristiques des deux modèles à privilégier pour parvenir à une approche axée sur la gestion des systèmes. Il est à noter que, peu importe le modèle choisi, des changements importants devront être apportés à la situation actuelle.

Option 1 – Réforme du système

Ce modèle propose un système plus étroitement harmonisé qui permettrait de simplifier grandement les choses et d’améliorer la coordination grâce à une gestion horizontale renforcée, assurée par le ministre d’IRCC et coordonnée par un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile formé de sous-ministres. Le conseil de gestion serait responsable de la recommandation d’un plan annuel de gestion du système d’octroi de l’asile. Le modèle propose aussi le regroupement des processus initiaux en un seul et même processus afin de permettre le triage et la catégorisation stratégiques des cas. Pour le reste, la structure de responsabilisation verticale des ministères et des organismes concernés serait préservée, à la différence près que la coordination générale en matière d’asile serait assurée par le conseil de gestion, dont le fonctionnement reposerait sur la coopération et le consensus entre les membres. Le conseil de gestion ne pourrait pas outrepasser la reddition de comptes verticale, mais s’emploierait à établir des concepts et des approches communs de gestion du système d’octroi de l’asile.

L’une des composantes essentielles de l’approche axée sur les systèmes est la définition de cibles de productivité; pour chaque étape du processus d’octroi de l’asile, le conseil de gestion définirait des cibles appuyées sur une stratégie de ressources humaines. Un bilan de santé de la TI et un cadre de gouvernance des données formeraient les pierres angulaires de la création d’outils électroniques, de la gestion d’une TI interfonctionnelle et de l’analytique prédictive, lesquelles orienteraient le triage des demandes d’asile et la prévision des volumes. Un fonds de prévoyance et un effectif polyvalent seraient également établis pour éliminer l’arriéré et gérer toute nouvelle hausse des volumes. La surveillance active assurée par le conseil de gestion permettrait d’apporter des correctifs à mi année, au besoin.

Gouvernance et reddition de comptes :

  • Dans l’exercice de ses responsabilités à l’égard du système d’octroi de l’asile, le ministre d’IRCC déposerait au Parlement un plan annuel de gestion du système d’octroi de l’asile aux fins suivantes :
    • Établir, en fonction des prévisions concernant le flux de demandeurs d’asile pour l’année à venir, les normes de traitement et de productivité ainsi que les priorités de la charge de travail, en fonction du budget annuel consacré au système d’octroi de l’asile et de la capacité prévue;
    • Rendre des comptes sur le plan de l’année précédente et les résultats obtenus.
  • Un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile formé de sous ministres, présidé par le sous-ministre d’IRCC et comptant parmi ses membres le président de la CISR, le président de l’ASFC (en tant qu’administrateur de l’organisme au sein du portefeuille de la Sécurité publique) ainsi que des représentants des ministères de la Justice et des Affaires mondiales, serait établi aux fins suivantes :
    • Recommander au ministre le plan annuel de gestion du système d’octroi de l’asile;
    • Approuver le plan directeur de chaque ministère et organisme concernant l’exécution du plan annuel de gestion du système d’octroi de l’asile;
    • Approuver un plan budgétaire détaillé et procéder à l’affectation des ressources;
    • Établir des calendriers opérationnels pour les contrôles de sécurité, la mise au rôle, les audiences, le prononcé des décisions et le règlement des cas;
    • Établir des priorités et des critères pour le triage et la catégorisation des demandes d’asile;
    • Surveiller la mise en œuvre du plan, veiller à ce que les changements nécessaires soient apportés et produire des rapports réguliers à l’intention du ministre.
  • Un comité consultatif expert externe composé de conseillers de l’extérieur de la fonction publique serait constitué et formulerait des conseils de façon continue à l’intention du conseil de gestion au sujet des plans et des propositions.
  • Un cadre d’évaluation (comprenant des indicateurs de réussite) serait établi et approuvé par le conseil de gestion et le ministre; le conseil de gestion effectuerait une surveillance régulière et des évaluations seraient réalisées à intervalles réguliers.
  • Le président de l’ASFC présenterait au conseil de gestion un rapport annuel sur les contrôles de sécurité, les interventions et les renvois exécutés.

Financement

Un seul budget serait établi pour l’ensemble du système d’octroi de l’asile. Des fonds de prévoyance confèreraient la souplesse nécessaire pour répondre à la hausse du volume des demandes :

  • Le budget du système d’octroi de l’asile serait convenu et réinitialisé chaque année, le financement serait réservé et les résultats des dépenses feraient l’objet d’un suivi régulier de la part du conseil de gestion, en fonction des normes de productivité et du volume des demandes.
  • Un effectif occasionnel et des fonds de prévoyance offriraient une certaine souplesse en matière de ressourcement pour réagir aux changements imprévus dans le volume des demandes.

Simplification et amélioration des processus

Il faudrait prendre des mesures immédiates qui amélioreraient la rapidité du processus décisionnel de première instance et la productivité qui y est associée, sans nuire à la qualité.

  • Concevoir un seul processus commun regroupant toutes les activités initiales, comme la collecte des renseignements sur l’identité, la décision relative à la recevabilité de la demande et la préparation du formulaire Fondement de la demande d’asile, à l’aide d’outils et de formulaires simplifiés.
  • Mettre en œuvre un système de triage unique s’appuyant sur des critères approuvés par le conseil de gestion et de fondant sur le niveau d’effort (approbations papier, audiences accélérées, à « question unique » ou complexes), le type de cas ou le caractère prioritaire (p. ex. les personnes vulnérables).
  • Adopter une approche d’entrevue informelle, tirer profit de la vidéoconférence et occuper moins d’espace.
  • Lorsqu’une audience de première instance est justifiée, encourager activement l’utilisation de pratiques et d’outils efficients (comme des discussions ou des échanges avant l’audience) afin de cerner les principales questions visées par l’audience et de parvenir à une entente plus rapidement.
  • Fournir davantage de soutien aux décideurs sur le plan de la préparation des cas, notamment en déterminant les principales questions à trancher et en recueillant les renseignements à jour requis pour rendre une décision (p. ex. considérations relatives au pays d’origine, facteurs de protection de l’État, possibilités de refuge intérieur).
  • Continuer à promouvoir l’utilisation stratégique de lignes directrices pour encadrer les décisions en matière de protection, produites en vertu des pouvoirs délégués de la CISR et en consultation avec le conseil de gestion, portant notamment sur l’évaluation des pays et les types de demandes d’asile.
  • Éliminer les interventions de la part du ministre d’IRCC et ne conserver que celles du ministre de la Sécurité publique qui concernent des décisions de première instance et des décisions portées en appel, pour des motifs de sécurité, d’exclusion et d’intégrité. Faire passer l’actuel programme d’examens et d’interventions d’IRCC à un programme d’assurance de la qualité rigoureux relevant du conseil de gestion.
  • Réduire les exigences relatives aux motifs écrits – par exemple, exiger la rédaction de tels motifs uniquement lors de décisions défavorables, lorsqu’un cas est visé par des interventions et/ou qu’il est susceptible d’avoir une valeur jurisprudentielle ou de poser un risque (selon ce que déterminera le conseil de gestion).
  • Simplifier la rédaction des décisions, notamment grâce à des arbres décisionnels, à des modèles et à des enregistrements numériques.
  • Autoriser la tenue d’audiences à la SAR – sans toutefois permettre l’élargissement des motifs d’appel – afin d’éviter le renvoi de cas à la première instance afin qu’une nouvelle décision soit rendue.
  • Mettre sur pied un programme pour encourager les retours volontaires et les options de rechange à l’exécution de renvois, qui serait administré par IRCC; l’ASFC conserverait la responsabilité de l’exécution des renvois.

Facteurs habilitants du système

La planification des ressources humaines à l’échelle du système favoriserait l’établissement de responsabilités et d’attentes en matière de rendement claires, grâce aux mesures qui suivent :

  • À l’intérieur d’un plan annuel de l’octroi de l’asile, établir des objectifs de productivité repris dans les ententes de gestion du rendement des dirigeants des ministères et organismes et dans une lettre énonçant les attentes, rédigée à l’intention du président de la CISR;
  • Offrir de nouvelles possibilités de formation et de perfectionnement professionnel de grande qualité en ligne accessibles à tous les décideurs du gouvernement appelés à rendre des décisions en matière de protection, afin réduire le temps de formation nécessaire lorsque de nouveaux décideurs sont requis à court préavis;
  • Affecter des employés de l’ASFC polyvalents et spécialisés à la réception des demandes aux points d’entrée recevant un volume élevé de demandes;
  • Recruter des décideurs hautement qualifiés en appel, dans l’espoir que les décisions de la SAR obtiennent la confiance des tribunaux et que le nombre de demandes d’autorisation devant la Cour fédérale diminue;
  • Établir un effectif occasionnel qui pourrait être mis à profit lors de soudaines hausses du volume des demandes, grâce à un fonds de prévoyance; l’utilisation mixte des effectifs de la CISR et d’IRCC (détermination du statut de réfugié de première instance et décideurs responsables de l’ERAR) devrait être envisagée pour remédier aux arriérés combinés.

L’intégration de la TI encouragerait la mise en œuvre d’un système de TI commun et d’un mécanisme électronique d’interaction avec les demandeurs d’asile et d’échange de renseignements qui permettrait, notamment, de remplacer la collecte de renseignements au moyen de formulaires papier. Des mesures peuvent être prises immédiatement aux fins suivantes :

  • Effectuer un bilan de la santé de la TI pour tous les systèmes actuellement utilisés aux fins du traitement des demandes d’asile en vue d’adopter une approche souple et intégrée en matière de TI pour tous les secteurs d’activité du système, approche qui permettrait l’établissement d’un plan de TI sur trois ans à partir de 2018, sous la direction du conseil de gestion.
  • Élaborer un cadre de gouvernance des données et d’analytique prédictive qui guidera la prise de décisions fondées sur la preuve, et améliorer les options relatives au contrôle, au triage et à l’évaluation des risques.

Option 2 – Système intégré de l’octroi de l’asile

Dans le cadre d’un modèle intégré, on réinitialiserait l’actuel système en fusionnant le programme de protection à une agence de protection des réfugiés intégrée qui gèrerait la majorité des processus et serait dirigée par un responsable unique et indépendant. Comme dans le modèle de réforme du système proposé précédemment, les processus initiaux seraient intégrés et simplifiés. De plus, toutes les étapes du processus décisionnel de première instance lié à l’octroi de l’asile, qu’elles se déroulent au Canada ou à l’étranger, seraient confiées à un effectif de protection géré au sein d’une seule agence relevant du ministre d’IRCC. Le processus d’appel demeurerait sous la responsabilité de la Section d’appel de l’immigration à la CISR et serait inscrit dans la loi afin de permettre la prise de décisions.

  • Une agence de protection des réfugiés serait créée; elle relèverait du ministre d’IRCC et le conseil de gestion assurerait une surveillance en matière de gestion :
    • La réception des demandes, le triage et la prise de décision de première instance seraient pleinement intégrés;
    • Le système de protection intégré pourrait fournir des occasions d’intégrer des décideurs responsables de la protection intérieure et de l’ERAR à l’effectif de sélection des réfugiés à réinstaller œuvrant à l’étranger;
    • L’agence ne s’occuperait pas des fonctions liées à la sécurité, aux interventions, à l’exécution de la loi et à l’exécution des renvois, qui demeureraient sous la responsabilité de l’ASFC;
    • Les pouvoirs décisionnels en matière de protection seraient délégués au directeur de l’agence de protection des réfugiés dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;
    • La prise d’une décision après la première entrevue serait autorisée pour certaines catégories de demandes d’asile, selon ce que déterminerait le conseil de gestion, sans que des motifs écrits doivent être rédigés;
    • De sa propre initiative, un décideur de l’agence pourrait recommander au ministre de tenir compte de motifs d’ordre humanitaire pour un membre de la famille d’un demandeur d’asile principal;
    • Les examens des risques avant renvoi seraient réalisés par l’agence.
  • Un programme complet de formation et de perfectionnement professionnel serait mis en place pour tous les décideurs et membres du personnel de soutien de l’effectif de protection :
    • Des employés spécialisés de l’agence s’occuperaient du traitement des demandes aux points d’entrée recevant un volume de demandes élevé.
  • Un modèle de productivité serait mis en œuvre pour tous les aspects du processus d’octroi de l’asile; le conseil de gestion en assurerait la surveillance.
  • Les appels en matière d’asile et les appels en matière d’immigration seraient instruits par un seul tribunal d’appel (en parallèle à la Section de l’immigration de la CISR) maintenant un effectif de décideurs hautement qualifiés et spécialisés.
  • Des possibilités de retours volontaires et des solutions de rechange à l’exécution des renvois seraient élaborées et administrées par la nouvelle agence en s’inspirant de pratiques fructueuses utilisées à l’étranger.
  • La législation habilitante pour la création de la nouvelle agence confèrerait les pouvoirs nécessaires pour un report financier de deux ans.
  • IRCC fournirait à l’agence des services de soutien ministériels (RH, TI, finances et administration).

Comparaison des modèles

Le tableau ci-dessous compare le système actuel au modèle de réforme du système et au modèle intégré d’agence de protection des réfugiés.

Gouvernance, résultats, reddition de comptes et financement Modèle actuel Option 1 – Réforme du système Option 2 – Système intégré
Gestion du système Gestion horizontale ponctuelle coordonnée par IRCC Gestion horizontale des organisations coordonnée par le conseil de gestion Gestion horizontale de l’agence coordonnée par le conseil de gestion
Financement Ressources fixes non directement liées aux prévisions, gestion individuelle Budget annuel à l’échelle du système et fonds de prévoyance lié aux prévisions, responsabilités individuelles Budget annuel de l’agence pour l’ensemble du système, fonds de prévoyance lié aux prévisions, report financier de deux ans
Gouvernance des données Quelques rapports sur le système, responsabilités individuelles Stratégie à l’échelle du système, responsabilités individuelles Stratégie de l’agence à l’échelle du système
Processus Modèle actuel Option 1 – Réforme du système Option 2 – Système intégré
Réception des demandes ASFC et IRCC IRCC Agence de protection des réfugiés
Triage et mise au rôle ASFC, IRCC, CISR Processus à l’échelle du système, géré par IRCC Processus à l’échelle du système, géré par l’agence
Lignes directrices et outils de prise de décision Cartables de RPO volumineux, aucune mise en commun des RPO avec les personnes nommées par décret, manque de lignes directrices stratégiques, utilisation faible des guides jurisprudentiels Documents de RPO concis communiqués aux personnes nommées par décret, lignes directrices stratégiques, utilisation accrue des guides jurisprudentiels, aides à la décision Documents de RPO concis communiqués aux personnes nommées par décret, lignes directrices stratégiques, utilisation accrue des guides jurisprudentiels, aides à la décision
Interventions ministérielles IRCC et ASFC ASFC ASFC
Décisions de première instance SPR – la majorité des cas nécessitent une audience SPR – plus de décisions sur dossier Modèle d’entrevue de l’agence – plus de décisions sur dossier
Appels SAR SAR, pas de renvois à la SPR Fusion de la SAR et de la SAI, pas de renvois à la SPR
ERAR IRCC IRCC/SPR Agence de protection des réfugiés
Motifs d’ordre humanitaires IRCC IRCC Agence de protection des réfugiés
Renvois ASFC Programme de retours volontaires à IRCC, renvois forcés à l’ASFC Programme de retours volontaires à l’agence, renvois forcés à l’ASFC
Réinstallation Programme distinct d’IRCC Programme distinct d’IRCC Intégrée au rôle de l’agence
Facteurs habilitants du système Modèle actuel Option 1 – Réforme du système Option 2 – Système intégré
Effectif de protection Divers groupes et niveaux pour différents types de cas à l’échelle du système Divers groupes et niveaux pour différents types de cas à l’échelle du système Un seul groupe d’agents de protection, mais divers niveaux pour différents types de cas
Effectif occasionnel Employés occasionnels et nommés pour une période déterminée, au besoin Affectations à l’échelle du système Agents polyvalents de l’agence de protection des réfugiés
TI Processus principalement fondé sur la présentation de documents papier, systèmes multiples offrant une intégration minimale Bilan de santé de la TI, transition vers un système et des dossiers électroniques uniques Bilan de santé de la TI, transition vers un système et des dossiers électroniques uniques
Productivité Par organisation À l’échelle du système, précisée dans une entente Agence de protection des réfugiés

Bien qu’elles présentent de nombreux éléments clés identiques, les options 1 et 2 comportent aussi d’importantes différences, dont voici un résumé :

  • Meilleure intégration dans le modèle de l’agence – les cas d’ERAR, ainsi que certains cas CH et de réinstallation depuis l’étranger, sont confiés à l’agence, mais pas à la CISR dans le modèle de réforme du système.
  • Polyvalence intégrée de l’effectif de protection – grâce à son nombre de secteurs d’activité, l’agence serait en mesure de réaffecter du personnel plus rapidement, de se doter d’un effectif occasionnel et de travailler plus étroitement avec IRCC.
  • Complexité du système réduite – le système actuel exige trop de manipulations de la part d’IRCC, de l’ASFC et de la CISR. L’agence assumerait la responsabilité de toutes les étapes du traitement, de la réception à la décision, ainsi que des retours volontaires.
  • Responsabilités plus claires – en concentrant les fonctions à l’agence, les responsabilités sont plus simples et directes.
  • Préservation de l’indépendance des décideurs – le pouvoir d’octroyer l’asile est délégué au directeur de l’agence dans la LIPR.
  • Chevauchement évité – Les interventions ministérielles sont réservées à l’ASFC.
  • Frais administratifs généraux réduits au minimum et économies d’échelle accrues – l’agence recevrait du soutien administratif d’IRCC, une organisation beaucoup plus grande que la CISR à l’heure actuelle, et on s’attend à ce que des économies importantes puissent être réalisées.

Il n’est pas nécessairement simple de choisir entre les deux modèles. Dans un cas comme dans l’autre, IRCC, l’ASFC et la CISR devront assumer d’importants rôles de leadership et déployer des efforts de mise en œuvre considérables. À l’approche du 30e anniversaire de l’introduction du modèle de tribunal à la CISR, le moment est bien choisi pour évaluer si cette façon de faire est celle qui convient le mieux à l’octroi de l’asile aujourd’hui. Peu importe l’approche organisationnelle privilégiée, des changements s’imposent de toute urgence.

Prochaines étapes

L’objectif initial du présent examen consistait à évaluer le processus décisionnel de première instance de la SPR en matière d’octroi de l’asile et à formuler des recommandations pour en améliorer l’efficience. Il est maintenant clair que la SPR fonctionne dans un contexte d’asile plus large qu’autrefois et que de nombreux facteurs extérieurs ont une incidence sur l’efficience du processus décisionnel de première instance. Aucun aspect particulier du système ne peut être désigné comme étant la cause première de l’inefficience, et il n’existe pas de remède à la complexité du processus décisionnel en matière de protection à la SPR, à la SAP ou à l’étape de l’examen des risques avant renvoi. La prise de décisions relatives à la protection est, de par sa nature, une fonction décisionnelle complexe. Cette complexité, combinée à l’importance de considérer l’octroi de l’asile comme un système et à la fluctuation du volume des demandes d’asile, a guidé les principales recommandations et conclusions formulées dans ce rapport.

La CISR a vu le jour en 1989, soit il y a presque 30 ans. Il est plus que temps de mettre en place les mécanismes nécessaires pour faire de l’octroi de l’asile un système beaucoup mieux géré. L’établissement d’un régime de gouvernance solide pour la supervision de tout le continuum de traitement des demandes d’asile est l’élément clé d’un système stable et prévisible, comme celui que préconise le présent examen. L’adoption d’un modèle de ressources et de productivité à l’échelle du système, combiné à un cycle d’examen du financement annuel, permettra au système de répondre avec souplesse aux fluctuations de la demande. Il s’agit d’une étape essentielle si l’on veut arriver à prendre les devants sur la crise actuelle en matière d’asile et se préparer à toute hausse soudaine de la demande dans le futur.

La gouvernance peut aussi offrir des occasions de mieux planifier le travail et les efforts menant à la prise de décision selon les priorités. Des approches organisation par organisation décousues ne peuvent permettre l’atteinte des objectifs du système. Une responsabilité partagée d’établissement des priorités allègerait l’inconfort que causent les approches de traitement actuelles, où la décision d’accorder la priorité à une charge de travail en particulier ou d’adopter une approche « premier arrivé, premier servi » est prise par une seule organisation, alors que les résultats sont assumés par le système en entier. Une gouvernance partagée peut et doit être établie pour résoudre les compromis actuels et veiller à ce que toute la charge de travail soit gérée de la manière la plus appropriée, efficiente et rapide qui soit.

De plus, des gains d’efficience peuvent être réalisés en intégrant le traitement – de la réception de la demande à la prise d’une décision – à l’ensemble du continuum. Les organisations doivent collaborer beaucoup plus étroitement pour tirer un plus grand avantage des points d’interaction avec les demandeurs, du moment où la demande est enregistrée jusqu’à la détermination de sa recevabilité, de manière à ce que les décisions à l’égard des cas simples soient rendues avec une grande intégrité, mais nécessitent des interventions modérées et des coûts moindres pour le gouvernement du Canada. Le cheminement d’une demande enregistrée et jugée recevable vers l’évaluation du fondement, l’audience et la décision de première instance demande du temps et des efforts en raison de procédures et d’interactions qui ne sont pas pleinement harmonisées. De plus, la technologie ne favorise pas la réception et la gestion simplifiée des cas dans la mesure nécessaire au bon déroulement d’un processus dans lequel l’information occupe une place importante et qui, aujourd’hui, devrait être entièrement se faire par voie électronique et permettre de traiter et de gérer virtuellement des demandes.

Il faudrait associer l’optimisation du traitement au moyen de procédures simplifiées et d’outils technologiques à des approches de gestion concertées pour améliorer l’appui et la formation offerts aux décideurs et au personnel de soutien. La complexité du traitement et du processus décisionnel nécessite que l’on investisse dans de la formation et des outils qui correspondent à la tâche. D’un côté, on demande à des agents généralistes d’exécuter des programmes hautement spécialisés aux points d’entrée du Canada, et de l’autre, on néglige de systématiser l’assurance de la qualité dans le traitement des cas et la prise de décision, alors que cela permettrait d’éliminer la répétition d’erreurs au sein d’un système coûteux et litigieux. Dans cette sphère de traitement complexe, les outils de gestion actifs ont un rôle important à jouer pour optimiser à la fois la quantité et la qualité des décisions. Dans le même ordre d’idée, la SAR continue de donner l’occasion de rectifier la qualité des décisions de la SPR et de clarifier des questions d’importance pour la prise de décisions à la SPR. Ce faisant, elle augmente sa valeur en tant que palier de recours et continue de réduire les besoins de révision à la Cour fédérale.

Lorsque le processus aboutit à une décision relative à la protection qui est de grande qualité, ses conséquences devraient être appliquées rapidement et avec confiance. D’autres d’outils peuvent être exploités dès le début du processus, dans le cas de décisions défavorables, pour permettre des retours sécuritaires et humains. Un demandeur devrait s’engager à accepter les conséquences associées au rejet de sa demande dès qu’il la présente, réitérer cet engagement à chaque point de décision défavorable et l’honorer activement par la suite. Il faudrait également surveiller régulièrement l’efficacité avec laquelle la loi est appliquée, car il ne sert à rien de déployer des efforts et d’engager des coûts pour traiter et régler des demandes de protection avec diligence si la décision n’a aucun caractère définitif.

Comme il a été mentionné au tout début du présent rapport, il faut d’abord déterminer si l’on doit adopter une approche axée sur la gestion des systèmes par rapport à l’asile. Il faut ensuite établir si les propositions formulées dans le présent rapport nécessitent une intégration structurelle approfondie, qui passerait par la création d’une agence de protection des réfugiés, pour parvenir à la voie de la durabilité recommandée. Enfin, il faut investir dans la capacité du système existant. Le système d’octroi de l’asile en est à un point critique, et sa saine gestion est essentielle tant pour les demandeurs et leur famille que pour le Canada et les Canadiens.

Annexe A : Examen de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié – cadre de référence

Contexte

Dans le cadre du budget de 2017, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a été chargé d’entreprendre un examen indépendant de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) pour trouver un moyen de réaliser des gains d’efficacité et d’accroître la productivité. Un tiers expert tiers dirigera l’examen sous la surveillance de la CISR, d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et des organismes centraux.

Outre les gains d’efficacité et la productivité, l’examen portera notamment sur le mandat de la CISR en ce qui concerne la gouvernance, la structure et les mécanismes de responsabilisation connexes. Bien qu’il soit axé sur la CISR, l’examen devrait aussi prendre en considération le système d’octroi de l’asile dans son ensemble, ainsi que les approches adoptées par d’autres pays et les pratiques exemplaires à l’étranger.

Pour favoriser l’atteinte de ce résultat, la rédaction d’un rapport final exposant les conclusions de l’examen et les mesures recommandées doit être achevée au plus tard au début de juin 2018. Un rapport provisoire doit aussi être présenté d’ici la mi-décembre 2017.

Situation

Le système d’octroi de l’asile au Canada soutient un élément central de la tradition humanitaire du Canada qui consiste à offrir une protection aux personnes déplacées et persécutées. Même si IRCC est l’administrateur général du système, de multiples organisations, y compris la CISR, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), Sécurité publique Canada et le ministère de la Justice, en assurent l’exécution.

La CISR est un tribunal administratif indépendant dont la mission consiste à rendre des décisions sur des cas touchant l’immigration et le statut de réfugié. À la CISR, deux sections sont chargées de trancher les cas et les appels en matière d’asile, à savoir la Section de la protection des réfugiés (SPR) et la Section d’appel des réfugiés (SAR).

Il existe deux autres sections à la CISR. La Section de l’immigration (SI) effectue des enquêtes et des contrôles des motifs de détention. La Section d’appel de l’immigration (SAI) tranche les appels dans certains cas d’immigration (p. ex. des demandes de parrainage au titre de la catégorie du regroupement familial, certaines mesures de renvoi, des demandes fondées sur l’observation de l’obligation de résidence et des enquêtes).

En 2012, un financement a été accordé aux ministères responsables de l’exécution du système d’octroi de l’asile en vue du traitement de 22 500 demandes d’asile par année. Cependant, en se fiant à son expérience du nouveau système, la CISR a conclu que le financement offert ne permettait que le traitement d’environ 14 500 demandes d’asile par année, bien qu’elle ait réglé 17 200 demandes d’asile en 2016-2017 par la recherche de gains d’efficacité et d’autres mesures.

Le volume des demandes d’asile fluctue grandement d’une année à l’autre et s’accroît constamment depuis 2013. Les organisations assurant l’exécution du système d’octroi de l’asile sont tenues de traiter toutes les demandes qu’elles reçoivent. Compte tenu des capacités actuelles, une telle hausse des demandes d’asile contribue directement à une augmentation de l’arriéré.

Objectif

L’objectif de l’examen est de trouver des solutions et de recommander des approches afin qu’il soit possible de réaliser des gains accrus d’efficacité et d’accroître la productivité eu égard au traitement des demandes d’asile. Les solutions et les approches recommandées devraient également tenir compte, au besoin, des répercussions sur les autres secteurs et secteurs d’activité de la CISR.

La mise en œuvre de toute recommandation découlant du présent examen suivra la présentation d’un rapport final et devrait, le cas échéant, être approuvée par le Cabinet.

Principales considérations

L’examen prendra en compte le cadre légal qui régit la CISR et qui est énoncé dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et la jurisprudence. L’examen des gains d’efficacité et de la productivité de la CISR respectera l’indépendance institutionnelle de la CISR et l’indépendance des commissaires qui rendent des décisions dans le cadre du modèle actuel. Il portera également sur d’autres modèles de structure et de gouvernance ainsi que sur les approches qui pourraient entraîner des gains en efficience tout en préservant l’équité.

Portée

L’examen portera principalement sur la SPR de la CISR, puisque celle-ci semble aux prises avec des difficultés sur le plan des capacités qui ne touchent pas les autres sections de la CISR. L’efficience et l’efficacité générales de la SPR sont essentielles au bon fonctionnement du système d’octroi de l’asile. La SPR est aussi la plus grande section de la CISR, dont elle représente environ le tiers des dépenses. Dans la mesure où les recommandations ont une incidence sur les activités de la CISR autres que celles de la SPR, l’examen devrait également prendre en considération le fonctionnement général de la CISR, notamment de la SAR, de la SI et de la SAI, et pourrait viser les services internes, comme le soutien administratif et les locaux utilisés dans le cadre du processus décisionnel.

Même si l’examen sera principalement axé sur la CISR, étant donné la structure actuelle du système d’octroi de l’asile, il pourrait tenir compte de divers éléments du processus en place, de la réception des demandes d’asile à la prise de décisions, y compris le rôle d’autres organisations assurant l’exécution du système (selon la structure actuelle ou par l’intermédiaire d’une autre structure) et les gains d’efficacité visant à réduire au minimum les coûts d’exécution fédéraux et les coûts liés aux services aux demandeurs d’asile. Cette analyse comprendra, entre autres facteurs, une comparaison entre, d’une part, les décisions prises à la première étape du processus décisionnel et les processus d’appel de la CISR et, d’autre part, les modèles décisionnels et administratifs ainsi que les pratiques exemplaires en place dans d’autres pays.

L’examen devrait porter sur les trois questions suivantes :

  1. De quelle manière peut-on améliorer l’efficience du système d’octroi de l’asile dans sa structure actuelle?
  2. Quels éléments de la structure actuelle de la CISR pourrait-on modifier afin d’optimiser l’efficience et la productivité tout en préservant l’équité?
  3. Si l’examen propose un autre cadre de gouvernance et de responsabilisation, de quelle manière ce cadre devrait-il s’appliquer aux autres sections?

Critères d’évaluation

Au moment de procéder à l’examen, le tiers expert devrait prendre en compte les critères suivants, entre autres, s’il y a lieu :

Efficacité et structure

  • Analyser la structure de gouvernance et les mécanismes de responsabilisation connexes, en particulier ceux qui ont trait au système d’octroi de l’asile (sans toutefois exclure d’autres secteurs d’activité), de la recevabilité de la demande d’asile à la prise de décision, pour cerner tout effort en double déployé par les partenaires chargés de l’exécution du système et établir des comparaisons au moyen d’exemples à l’étranger.
  • Examiner les gains d’efficacité et les améliorations possibles dans le cadre légal et réglementaire existant.
  • Étudier en quoi les règles, la réglementation et les obligations juridiques actuelles peuvent restreindre la CISR.
  • Réaliser une analyse coûts-avantages détaillée de la mise en place de toute nouvelle structure proposée, qui met particulièrement l’accent sur les gains d’efficacité.

Productivité et efficience

  • Analyser les processus opérationnels, y compris le triage, la mise au rôle des demandes d’asile, la préparation des cas et la durée des audiences.
  • Déterminer si l’utilisation des locaux réservés aux audiences ainsi que des outils technologiques est efficiente et efficace, et établir la faisabilité de la mise en œuvre d’outils ou de plateformes et de stratégies de gestion des cas novateurs, selon ce que démontrent les exemples à l’étranger.
  • Examiner la façon dont les mesures actuelles mises en œuvre par la CISR pourraient permettre d’obtenir des gains accrus d’efficacité et la façon dont la CISR réagit actuellement aux volumes fluctuants de demandes d’asile.
  • Déterminer si la division des tâches entre le personnel de soutien administratif et les décideurs est appropriée.
  • Déterminer comment la gestion du rendement peut être mise à profit pour accroître l’efficience.

Rôles et responsabilités

Tiers expert
Diriger l’examen. Offrir des conseils indépendants au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Rendre compte des progrès réalisés au Comité directeur.
Comité directeur
Le Comité directeur assurera la supervision et l’orientation de l’examen, notamment par la surveillance du travail du tiers expert, afin de veiller à ce que les réalisations attendues correspondent au présent cadre de référence.
Secrétariat de l’examen indépendant
Un petit secrétariat, dirigé par un cadre, est mis sur pied pour fournir un soutien administratif, recueillir et analyser de l’information et contribuer à la rédaction du rapport, selon les directives du tiers expert. Le secrétariat procurera aussi un soutien administratif au Comité directeur.
Organismes centraux
Les organismes centraux examineront les résultats pour s’assurer que les renseignements répondent aux exigences relatives à l’information décisionnelle des organismes centraux.
Conseil du Trésor
Le Conseil du Trésor examinera, s’il y a lieu, les résultats et les recommandations présentés par le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.

Échéances et réalisations attendues

Les conclusions et les recommandations formulées à l’issue du présent examen seront présentées dans le rapport provisoire et le rapport final (voir ci-dessous).

Rapport provisoire – Le rapport provisoire devrait fournir un résumé des conclusions et des recommandations en fonction des critères d’évaluation. Échéance : 15 décembre 2017

Rapport final – S’appuyant sur le rapport provisoire, le rapport final devrait fournir une analyse détaillée, ainsi que des conclusions et des recommandations liées aux critères d’évaluation. Échéance : 1er juin 2018

Principales activités

  • D’avril à mai 2017 – Mise sur pied du Comité directeur et du secrétariat de l’examen. Rédaction définitive du cadre de référence ou de l’énoncé des travaux. Choix d’un tiers expert.
  • Juin 2017 – Début du travail du tiers expert. Première séance d’information ou réunion du Comité directeur et du tiers expert. Présentation du cadre d’évaluation (y compris la méthode) au Comité directeur.
  • De juin à novembre 2017 – Réalisation de l’examen. Tenue de réunions mensuelles avec le Comité directeur.
  • Décembre 2017 – Présentation du rapport provisoire au Comité directeur.
  • De décembre 2017 à mai 2018 – Réception de la rétroaction du Comité directeur. Préparation d’un rapport final détaillé.
  • Juin 2018 – Présentation du rapport final au Comité directeur.

Annexe B : Étude comparative de la réforme de 2012 et du rendement actuel

La réforme du système réalisée en 2012 fait l’objet d’un suivi trimestriel au moyen d’un cadre des résultats appelé les Mesures de succès, un rapport coordonné par IRCC.

Élément du processus d’octroi de l’asile Changements Résultats à la fin 2016-2017
Collecte des renseignements La Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés (LMRER) proposait la nomination d’un agent d’entrevue PM-3 pour la tenue d’une entrevue de triage dans les 8 jours; remplacé par le formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) dans la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada (LVPSIC) en tant que mesure d’économie et en raison de l’opposition des intervenants; a remplacé le formulaire de renseignements personnels qui devait être remis à la CISR dans les 28 jours suivant la demande d’asile. Données non disponibles
Décision relative à la recevabilité

La recevabilité de la demande d’asile doit être établie par un agent dans les 3 jours ouvrables suivant la réception de la demande :

  • Si la demande d’asile a été faite à un PDE, le demandeur doit soumettre le formulaire FDA à la CISR au plus tard 15 jours après le renvoi de la demande.
  • Si la demande d’asile a été faite dans un bureau intérieur, le demandeur doit soumettre le formulaire FDA au moment de l’entrevue sur la recevabilité.
En pratique, la décision relative à la recevabilité n’est pas prise dans les 3 jours ouvrables dans les bureaux intérieurs puisque le demandeur d’asile rencontre d’abord un préposé qui fixe la date de l’entrevue sur la recevabilité, qui pourrait avoir lieu plusieurs semaines après la prise de contact.
Mise au rôle de l’audience Les agents d’IRCC ou de l’ASFC mettent au rôle l’audience à la CISR une fois que la recevabilité de la demande a été établie (l’audience est déjà prévue par la CISR). 50 % des audiences sont immédiatement mises au rôle à une date ultérieure par la CISR en raison de la disponibilité des décideurs.
En 2016-2017, 35 % des audiences ont été retardées, ce qui représente une hausse par rapport aux années précédentes, en raison principalement du contrôle de sécurité préliminaire (CSP).
Contrôle de sécurité préliminaire (CSP)

Tous les demandeurs d’asile âgés de 18 ans ou plus doivent se soumettre à un contrôle de sécurité au regard de préoccupations liées aux articles 34, 35 et 37 de la LIPR. Dans 80 % des cas, le contrôle est terminé :

  • dans les 25 jours pour les demandeurs d’asile à un bureau intérieur provenant d’un pays d’origine désigné (POD);
  • dans les 40 jours pour les demandeurs d’asile à un PDE provenant d’un POD;
  • dans les 55 jours pour les demandeurs d’asile ne provenant pas d’un POD.
Les échéances visées ont été largement respectées en 2016-2017, à l’exception du troisième trimestre où la cible n’a pas été atteinte.
L’évaluation de la CIRS réalisée en 2015 a révélé que, selon les données, les retards liés au CSP se produisent en grande partie une fois la confirmation reçue.
Section de la protection des réfugiés

Audience informelle par des décideurs fonctionnaires plutôt que par des personnes nommées par décret. La date de l’audience est fixée selon les délais prévus (à partir de la date de la demande d’asile) :

  1. 30 jours pour les demandeurs d’asile à un bureau intérieur provenant d’un POD;
  2. 45 jours pour les demandeurs d’asile à un PDE provenant d’un POD;
  3. 60 jours pour les demandeurs d’asile ne provenant pas d’un POD.

90 % des audiences auront lieu dans les délais prévus (à partir de la date de la demande d’asile):

  1. 30 jours pour les demandeurs d’asile à un bureau intérieur provenant d’un POD;
  2. 45 jours pour les demandeurs d’asile à un PDE provenant d’un POD;
  3. 60 jours pour les demandeurs d’asile ne provenant pas d’un POD.
La proportion d’audiences tenues selon les délais prévus par règlement n’atteint toujours pas la cible de 90 %; en 2016-2017, 59 % des audiences, en moyenne, ont eu lieu dans le respect des délais.
Les demandes d’asile déférées (cas renvoyés par la SAR ou la Cour fédérale, demandes d’annulation ou du constat de la perte du statut de réfugié) peuvent ne pas être réglées pendant une longue période, ce qui crée un nouvel arriéré dans le système, auquel s’ajoutent les nouveaux cas déférés non réglés.
Section d’appel des réfugiés Création de la Section d’appel des réfugiés; accès interdit à certains demandeurs d’asile.
Le demandeur d’asile dispose de 15 jours à partir de la date à laquelle il reçoit les motifs écrits de la SPR pour interjeter appel de la décision, et de 30 jours pour mettre l’appel en état.
Une décision doit être prise dans les 90 jours de la mise en état de l’appel (sauf en cas d’audience).
En 2016-2017, environ 80 % des demandeurs d’asile qui ont obtenu une décision défavorable de la SPR ont porté cette décision en appel (s’ils étaient autorisés à le faire).
Le temps nécessaire pour rendre une décision a augmenté au cours des dernières années. Au premier trimestre de 2016-2017, 66 % des décisions ont été rendues dans le délai de 90 jours. Au quatrième trimestre de 2016-2017, ce pourcentage avait chuté à 30 %.
De façon générale, les décisions sont rendues dans les cinq mois.
Cour fédérale Au moins 50 % des décisions de rejet d’une demande d’autorisation doivent être rendues dans les 120 jours suivant la présentation de la demande. L’audience doivent avoir lieu au plus tôt 30 jours et au plus tard 90 jours après l’octroi de l’autorisation. Données non disponibles
Pays d’origine désignés Nouveau pouvoir conféré au ministre de désigner des pays d’origine; les demandeurs d’asile provenant de ces pays sont assujettis à des délais différents et n’étaient pas au départ autorisés à interjeter appel des décisions de la SPR à la SAR. Tous les cas concernant des POD ont accès à la SAR
Cessation et perte du statut de résident permanent Lorsque la CISR juge qu’une personne protégée n’a plus besoin de protection à titre de réfugié, cette personne perd son statut de résident permanent (à moins que la protection cesse en raison d’un changement dans la situation du pays). Aucun changement
Demandes d’asile fondées sur des motifs d’ordre humanitaire Interdiction de présenter une demande pour motifs d’ordre humanitaire pendant 12 mois à la suite d’une décision de la CISR, et interdiction de faire des demandes simultanées pour de tels motifs à partir du moment où la demande est déférée à la SPR (sauf pour des raisons médicales ou dans l’intérêt supérieur de l’enfant).
La loi ne prescrit aucun délai ou norme de service
Au cours des 12 mois précédant la fin de juin 2017, les décisions relatives aux motifs d’ordre humanitaire accusaient un délai de traitement de 23 mois. Il convient de signaler que ce chiffre tient compte de toutes les décisions relatives à de tels motifs, y compris celles ne visant pas des demandeurs d’asile déboutés.
Examen des risques avant renvoi Interdiction d’une année pour les demandes d’ERAR après la dernière décision de la CISR ou le dernier ERAR pour les demandeurs ne provenant pas d’un POD; interdiction de trois ans pour les demandeurs provenant d’un POD.
La loi ne prescrit aucun délai ou norme de service
Aucun changement
Les délais de traitement ne sont pas connus pour l’instant
Renvois Les demandeurs d’asile qui n’ont pas le droit d’interjeter appel auprès de la SAR sont exclus du sursis automatique au renvoi au moment de la présentation d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision de la SPR.
Renvoi de 80 % des demandeurs d’asile déboutés dans les 12 mois suivant la décision de la CISR.
Aucun changement
En 2016-2017, moins de 40 % des demandeurs d’asile en vertu du nouveau système et moins de 60 % des demandeurs d’asile en vertu de l’ancien système ont été renvoyés dans l’année suivant la décision définitive de la CISR.
En moyenne, les renvois ont lieu dans les 14 mois suivant la date de la demande d’asile et dans les sept mois de la décision définitive de la CISR.

Annexe C : Résumé des évaluations récentes du programme

Évaluation du système d’octroi de l’asile au Canada (avril 2016)

  1. En ce qui a trait au fonctionnement continu du système d’octroi de l’asile au Canada, en collaboration avec les organisations concernées, IRCC devrait :
    1. examiner les hypothèses touchant la réception des demandes d’asile, la productivité et le renouvellement du personnel pour orienter les futurs exercices d’établissement des coûts;
    2. analyser plus à fond les défis actuels en ce qui concerne les cibles et les délais actuels, et instaurer des mesures pour les surmonter, ou rajuster les délais et les cibles, au besoin. Cela devrait comprendre, tout spécialement, les cibles applicables aux décisions de la SPR et les renvois;
    3. analyser plus à fond les objectifs stratégiques de la réforme et les principales étapes du système d’octroi de l’asile au Canada qui n’obtiennent pas complètement les résultats escomptés, et effectuer les révisions nécessaires aux politiques.
  2. En collaboration avec les organisations concernées, IRCC devrait mettre en place la structure de gouvernance nécessaire pour assurer un processus décisionnel efficace, superviser et surveiller la mise en œuvre de toute autre modification du système d’octroi de l’asile au Canada et son exécution continue, de même que tenir compte des résultats de l’évaluation.
  3. En ce qui concerne la surveillance continue et la production de rapports sur le rendement du système d’octroi de l’asile au Canada, en collaboration avec les organisations concernées, IRCC devrait :
    1. déterminer quels volets du système d’octroi de l’asile au Canada seront surveillés et pour lesquels des rapports seront produits, et convenir des cibles et des définitions;
    2. corriger les lacunes dans la production de rapports et les données actuelles, notamment en vérifiant que les données nécessaires sont saisies par les organisations participantes et pleinement intégrées dans le continuum des demandeurs d’asile.
  4. IRCC devrait officialiser la gouvernance des données et la gestion des projets dans le continuum des demandeurs d’asile.
  5. En collaboration avec les organisations concernées, IRCC devrait réduire les lourdeurs administratives dans le processus de réception des demandes d’asile, lorsque cela est possible.
  6. IRCC, l’ASFC et la CISR devraient instaurer des processus pour permettre l’échange électronique de renseignements entre les organisations, dans la mesure du possible.

Évaluation de la SPR (décembre 2015)

  1. La CISR devrait envisager d’entreprendre un exercice à portée limitée, dans le cadre duquel les commissaires comptabilisent leur temps pendant quelques semaines une fois ou deux par année afin de mettre à jour les hypothèses, d’établir des estimations plus précises des ressources, de connaître les activités qui exigent le plus de temps, d’orienter la formation et d’éclairer d’autres décisions quant à la façon de répartir les ressources humaines pour accroître l’efficience.
  2. La CISR devrait envisager de réaliser un projet pilote qui permettrait de déterminer si le soutien offert en dehors de la salle d’audience constitue une solution rentable pour accroître l’efficience du système.
  3. La CISR devrait envisager de réaliser un projet pilote qui consisterait à fournir à la SAR les transcriptions de la SPR afin d’évaluer les gains d’efficacité que l’accès aux transcriptions pourrait procurer.
  4. La SPR devrait examiner son approche consistant à fonder les décisions sur une seule question déterminante et vérifier si cette approche favorise un système d’octroi de l’asile plus efficace, en l’abordant du point de vue de l’ensemble du système plutôt que du seul point de vue de la SPR.
  5. La CISR, IRCC et l’ASFC devraient entamer des discussions au sujet de la mise au rôle, des retards attribuables au contrôle de sécurité préliminaire (CSP) et de l’échange de renseignements; plus précisément, ces discussions devraient porter sur un outil de mise au rôle plus fiable et plus souple, des pratiques de mise au rôle qui assurent un plus grand contrôle de la SPR et l’échange de renseignements en temps plus opportun et mieux adapté aux besoins.
  6. Dans le cadre de la recommandation no 2, la CISR devrait envisager de redéfinir les postes au sein du greffe ou déterminer si une autre méthode conviendrait mieux pour offrir plus de soutien aux commissaires.
  7. Relativement à la recommandation no 2, la CISR devrait examiner les mesures à prendre pour permettre à la Direction de la recherche de fournir des réponses rapides et du contenu plus ciblé à la SPR.
  8. La CISR devrait examiner de quelle manière la fonction analytique peut être remaniée pour accroître l’efficacité.
  9. Les objectifs de rendement individuels devraient être établis après consultation des commissaires et en fonction des données probantes indiquant ce qui est raisonnable dans le contexte du système actuel.
  10. La SPR et la SAR devraient déterminer s’il conviendrait de publier davantage de décisions à caractère persuasif ou d’intérêt public sur leur site Web, et évaluer les visites organisées dans le cadre du programme Ready et les séances d’information pour se faire une meilleure idée du taux de participation à ces activités et de la satisfaction à leur égard.
  11. La SPR devrait examiner le formulaire FDA afin de déterminer si des améliorations sont nécessaires pour permettre d’exposer clairement les renseignements pertinents aux fins de la demande d’asile.
  12. Les retards dans la mise au rôle des audiences attribuables aux périodes de pointe devraient faire l’objet d’un suivi et d’un examen dans le but de comprendre leurs causes précises. La SPR devrait examiner les effets en aval des périodes de pointe sur le rendement des commissaires afin de bien comprendre les répercussions sur la section dans son ensemble.
  13. Les retards qui surviennent une fois la confirmation du CSP reçue devraient être catégorisés en tant que limites opérationnelles de la SPR et pris en considération dans la nouvelle mesure du rendement.
  14. La surveillance et la production de rapports au sujet de l’arriéré devraient être pris en compte dans les mesures de rendement de la SPR, y compris le nombre de cas en attente et leur antériorité, et une analyse de la nature des cas et des facteurs qui ont contribué à leur présence dans l’arriéré, ainsi que les rapports connexes.
  15. La SPR et la SAR devraient examiner les suggestions en vue de l’amélioration des outils de gestion des connaissances formulées dans la présente évaluation et prendre les mesures qui s’imposent.

Annexe D : Mandat proposé pour le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile

Énoncé et portée du mandat

Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile (CGSOA) a pour responsabilité première de surveiller le système d’octroi de l’asile du Canada tout en respectant les mandats et les responsabilités de chacune des organisations participantes.

Les objectifs de la CGSOA sont les suivants :

  • Coordonner l’élaboration d’une approche axée sur la gestion du système et sa mise en œuvre continue, y compris l’établissement d’attentes de rendement claires et d’un cadre de responsabilisation
  • Approuver les besoins budgétaires annuels et ponctuels conformément à la productivité convenue et aux prévisions en matière de demandes d’asile
  • Établir un cadre de surveillance assorti de mesures de rendement et d’échéances opérationnelles pour le triage, le contrôle de sécurité, la mise au rôle, les audiences, la prise de décision et le règlement des cas et les renvois
  • Recommander au ministre d’IRCC le plan annuel relatif à l’octroi de l’asile en vue de son dépôt au Parlement, ainsi que le rapport sur la mise en œuvre et les résultats du plan de l’année précédente, les cibles, les normes opérationnelles de rendement et les priorités en matière de triage
  • Approuver le plan stratégique et opérationnel de chacun des ministères et organismes participant à l’atteinte du plan annuel relatif à l’octroi de l’asile, y compris les stratégies d’atténuation des risques
  • Examiner et suivre les progrès des organisations dans la mise en œuvre des plans, approuver tout changement d’envergure, au besoin, et produire des rapports trimestriels à l’intention du ministre

Composition du conseil

Président :

  • sous-ministre d’IRCC

Membres :

  • Président de la CISR
  • [Directeur de l’agence de protection des réfugiés]
  • Président de l’ASFC

Si le président désigné n’est pas disponible, un remplaçant devra alors convoquer les membres et diriger la réunion. Les représentants désignés doivent posséder le pouvoir décisionnel nécessaire au contexte du conseil et doivent être de rang équivalent à celui de sous-ministre adjoint.

Observateurs, sur invitation :

  • Sécurité publique Canada
  • Justice Canada
  • Finances Canada
  • Secrétariat du Conseil du Trésor

Secrétariat

Le secrétariat du CGSOA sera désigné par le président et aura les responsabilités suivantes :

  • Élaborer un plan de travail annuel à faire approuver par le conseil;
  • Coordonner la surveillance continue des produits livrables du plan de travail;
  • Rédiger et coordonner les ordres du jour des réunions et les documents connexes et les distribuer aux membres cinq jours ouvrables avant les réunions;
  • Rédiger les comptes rendus des décisions et assurer le suivi;
  • Fournir un soutien logistique comme les invitations aux réunions, les relevés de présences et les réservations de salle;
  • Épauler le président dans la gouvernance du conseil.

Gouvernance

  • Comités de soutien – Des comités subsidiaires interministériels peuvent fournir leur appui au conseil, au besoin. Les rôles et les responsabilités des comités subsidiaires seront les mêmes que ceux établis dans leur mandat et approuvés par le conseil.
  • Soutien consultatif externe – Le conseil consultera à intervalles réguliers, soit une fois par année, le comité consultatif expert externe.
  • Plan de travail – Un plan de travail pluriannuel cyclique structuré en fonction des objectifs du CGSOA orientera les produits livrables du conseil. Le plan de travail assurera un suivi de l’élaboration du plan annuel et du rapport au Parlement, ainsi qu’une surveillance continue de la gestion du rendement du système d’octroi de l’asile.
  • Prise de décision – Les décisions du conseil seront prises par consensus et doivent être signalées dans le compte rendu des décisions, accompagnées du suivi prévu.
  • Fréquence des réunions – Le conseil se réunira un moins une fois tous les quatre mois. Des réunions spéciales portant sur des sujets précis peuvent aussi avoir lieu.
  • Comptes rendus des décisions – Les comptes rendus des décisions (CRD) seront rédigés par le secrétariat dans les trois jours ouvrables. On demandera au président et aux membres du conseil de formuler leurs commentaires sur les CRD afin de les y intégrer avant la réunion suivante, où le CRD sera ratifié par les membres du CGSOA. Les CRD approuvés seront accessibles dans les deux langues officielles.
  • Mesures de suivi – Les mesures de suivi signalées dans le CRD feront l’objet d’un suivi par le secrétariat. Les organisations responsables seront tenues d’informer le secrétariat de tout fait nouveau concernant leurs mesures de suivi. Les discussions au sujet du suivi des mesures et la surveillance des mesures de suivi feront l’objet d’un point permanent à l’ordre du jour du conseil.
  • Points à l’ordre du jour – Les membres sont invités à proposer des points à l’ordre du jour en communiquant avec le secrétariat.
  • Évaluation – Chaque année, le conseil procédera à un examen de son mandat et de son efficacité. Le président enverra aux membres du conseil un rapport dans lequel il formulera les recommandations et les mesures nécessaires.

Annexe E : Résumé du Rapport du vérificateur général : Le traitement des revendications du statut de réfugié (1997) et du rapport Au-delà des chiffres (1997)

Deux rapports d’envergure ont été rédigés à la suite de la création de la CISR. Les deux recommandaient des améliorations à la gestion du système, et bon nombre des propositions détaillées sont toujours pertinentes aujourd’hui – celles prises en considération dans les recommandations du présent examen sont précédées d’un astérisque (*).

Point saillants pertinents tirés du Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes (décembre 1997), extraits du chapitre 25 – Le traitement des revendications du statut de réfugié

Réception de la revendication

La détermination de la recevabilité des revendications : un niveau de contrôle essentiel mais peu efficace

*25.47 Citoyenneté et Immigration Canada devrait revoir les mécanismes utilisés pour l’application des critères de recevabilité prévus dans la Loi sur l’immigration.

Il faut que l’information recueillie lors du premier contact avec le revendicateur soit plus complète et plus pertinente

*25.51 Citoyenneté et Immigration Canada et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié devraient unir leurs efforts afin d’établir une stratégie commune pour s’assurer que toutes les informations pertinentes au traitement des revendications du statut de réfugié soient recueillies en temps opportun.

La disposition relative au traitement de la revendication dans le premier pays où le demandeur a trouvé asile n’a jamais été appliquée

25.56 Citoyenneté et Immigration Canada devrait intensifier ses efforts pour s’assurer d’une coopération internationale accrue en ce qui a trait à la responsabilité de l’examen des revendications du statut de réfugié.

On doit continuer les efforts entrepris pour améliorer le processus de sélection des commissaires

*25.70 Le gouvernement devrait s’assurer que le processus de sélection des commissaires donne davantage l’assurance que les nominations ou les renouvellements de mandat à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié sont basés sur les qualifications nécessaires pour répondre à la complexité et à l’importance de la tâche.

Le fort taux de roulement des commissaires et la courte durée des mandats ont eu un impact négatif important sur la productivité. Il importe de disposer du nombre de décideurs requis

*25.84 Le gouvernement devrait améliorer ses pratiques en matière de nomination des commissaires afin d’assurer que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié dispose en temps opportun d’un nombre suffisant de décideurs d’expérience.

Détermination du statut de réfugié

La Commission accorde une grande importance au développement et au maintien des compétences de ses commissaires. L’information disponible ne favorise pas toujours la prise de décisions éclairées et équitables

*25.98 La Commission de l’immigration et du statut de réfugié et Citoyenneté et Immigration Canada devraient s’assurer que les commissaires disposent de l’information requise pour rendre des décisions éclairées avec équité.

Des améliorations sont nécessaires dans les pratiques de la Commission

*25.107 La Commission de l’immigration et du statut de réfugié devrait :

  • Instaurer plus de rigueur et d’uniformité dans les pratiques liées à la détermination du statut de réfugié;
  • Se doter d’une stratégie globale et de mécanismes de surveillance qui favoriseront l’atteinte de ses objectifs opérationnels.

Le climat organisationnel à la CISR risque de compromettre le succès des efforts entrepris pour améliorer le processus

25.113 La Commission de l’immigration et du statut de réfugié devrait chercher sans tarder à améliorer son climat organisationnel et à développer une vision commune chez ses employés.

Le traitement des cas de revendicateurs non reconnus comme réfugiés : un cheminement lent, complexe et inefficace

On se questionne sur l’efficacité et les résultats de l’évaluation des risques de retour

25.125 Citoyenneté et Immigration Canada devrait s’assurer que l’évaluation des risques de retour :

  • S’inscrit dans les limites de l’objectif visé par la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié;
  • Est effectué de façon efficiente et en temps opportun.

Il y a lieu d’appliquer plus de rigueur dans l’évaluation des considérations d’ordre humanitaire

25.130 Citoyenneté et Immigration Canada devrait veiller à instaurer plus de rigueur dans les mécanismes entourant la prise de décision en matière de considérations humanitaires.

Le Ministère éprouve beaucoup de difficultés à effectuer les renvois

25.140 Citoyenneté et Immigration Canada devrait s’assurer qu’il dispose de l’information nécessaire pour gérer les activités liées au renvoi et il devrait prendre des mesures pour en augmenter l’efficacité.

Reddition de comptes et information au Parlement

Il faut fournir de l’information plus pertinente et plus complète aux parlementaires

* 25.144 Citoyenneté et Immigration Canada et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié devraient s’assurer que les parlementaires disposent de l’information nécessaire pour amener le gouvernement à rendre compte du rendement de l’ensemble des activités liées au traitement des revendications du statut de réfugié.

Conclusion

Une révision majeure du processus s’avère nécessaire.

Points saillants pertinents tirés du rapport Au-delà des chiffres, l’immigration de demain au Canada, décembre 1997, extraits du chapitre 7 – Un nouveau régime de protection

7.7 Création d’une structure de protection

Leadership international

82 : La Loi sur la protection devrait habiliter le Canada à user de son influence pour amener la communauté internationale à envisager des solutions nouvelles dans le domaine de la protection en réponse aux situations de crise des réfugiés.

Un seul système de protection

*83 : La Loi sur la protection devrait intégrer toutes les activités de protection du Canada dans un seul système.

Une seule agence de protection

*84 : La Loi sur la protection devrait prévoir la création d’une agence de protection qui serait responsable de l’administration du régime de protection du Canada.

*85 : L’agence de protection devrait former un cadre de fonctionnaires de carrière comme agents de protection et agents d’appel. Elle devrait affecter des agents de protection pour statuer sur les demandes d’asile au Canada et à l’étranger, et des agents d’appels pour revoir les décisions concernant les demandes d’asile déposées au Canada.

Un comité consultatif de protection

*86 : La Loi sur la protection devrait prévoir la création d’un comité consultatif composé de spécialistes en matière d’asile pour conseiller l’agence de protection.

7.8 Des critères de protection plus généreux

87 : La Loi sur la protection devrait définir des critères d’asile tenant compte des obligations du Canada en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et des considérations actuelles et virtuelles de droits de la personne et d’ordre humanitaire dont la violation peut compromettre la vie et la sécurité du demandeur. Les mêmes critères devraient s’appliquer aux demandes d’asile faites au Canada et à l’étranger. Tous les critères devraient être examinés dans le cadre d’une seule procédure administrative.

88 : L’agence de protection devrait donner priorité aux personnes les plus vulnérables et ayant le plus besoin de protection. Les requérants ne devraient pas avoir à démontrer qu’ils peuvent s’établir avec succès au Canada.

7.9 La procédure de protection à l’étranger

Priorité aux plus vulnérables

89 : La Loi sur la protection devrait établir des conditions de nature à encourager la présentation des demandes à la première occasion, c’est-à-dire dans l’ordre : à l’étranger, au point d’entrée, au Canada.

Dispositions de sélection : gouvernementales et non gouvernementales

90 : La Loi sur la protection devrait contenir des dispositions habilitant l’agence de protection à conclure des ententes avec des ONG pour la sélection et/ou l’établissement de réfugiés. Ces organisations pourraient sélectionner des personnes ayant besoin de protection en sol étranger sur la base des critères du régime de protection.

91 : Les demandeurs d’asile à l’étranger pourraient être parrainés par le gouvernement du Canada ou, dans certains cas, par des organisations non gouvernementales. L’aide au rétablissement serait assurée par le gouvernement, les ONG ou les deux.

Procédures

92 : Pour assurer l’équité et l’efficacité de la procédure d’évaluation des demandes d’asile outre-mer, la loi et les règlements devraient prévoir ce qui suit :

  • l’agent de protection outre-mer serait autorisé à faire un premier tri des demandes sur papier;
  • les demandeurs pourraient se faire représenter par un membre du barreau d’une province ou d’une association régie par une province, ou une personne dont les services ne sont pas rémunérés;
  • l’agent de protection rendrait sa décision motivée par écrit dans les six semaines de l’entrevue avec le requérant;;
  • les décisions seraient sans appel;
  • en cas de décision favorable, le dossier serait transmis au bureau des visas responsable pour l’émission d’un visa d’immigrant.

93 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté et la Loi sur la protection devraient permettre de conférer un statut de protection temporaire aux personnes d’outre-mer jugées avoir un besoin urgent de protection.

7.10 La procédure de protection au Canada

94 : La Loi sur la protection devrait faire en sorte que le régime intérieur de reconnaissance du statut de protection soit équitable, cohérent, expédient et conforme aux principes de justice naturelle. Les demandeurs d’asile de bonne foi devraient trouver intérêt à se manifester dans les meilleurs délais.

Dispositions de tiers pays sûr

95 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait habiliter le ministre à désigner un pays « tiers pays sûr », même pour une catégorie de personnes. L’agence de protection devrait être consultée. Le projet de règlement et une déclaration indiquant pourquoi le pays en question devrait être considéré tiers pays sûr devraient être soumis au comité permanent de la Chambre des communes.

96 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait obliger le ministre à déposer à la Chambre des communes tout règlement sur un tiers pays sûr et l’accompagner d’une déclaration. La déclaration devrait indiquer si le pays en question respecte les règles du droit international concernant la protection des demandeurs d’asile et les autres normes pertinentes de droits de la personne.

Procédure préalable à l’évaluation

97 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté et la Loi sur la protection devraient stipuler que l’agence de protection a juridiction sur toutes les demandes de protection dès qu’elles sont déposées. Leur recevabilité devrait être déterminée par les agents de protection, sauf dans le cas de personnes venant au Canada moins d’un an après s’être vu refuser une demande d’asile ou de personnes venant d’un tiers pays sûr. La recevabilité de telles demandes serait déterminée par les agents de détermination de statut.

98 : La Loi sur la protection devrait contenir une disposition interdisant à un requérant dont la demande de protection a été refusée de présenter une nouvelle demande tandis qu’il séjourne au Canada. Dans le cas d’un requérant qui revient au Canada après un premier refus, le délai actuel de 90 jours avant le dépôt d’une nouvelle demande devrait être porté à un an.

Procédure typique en sol canadien

1. Premier contrôle

99 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait ordonner que les vérifications obligatoires d’état de santé, d’antécédents criminels et de risques de sécurité soient amorcées dès l’arrivée des demandeurs d’asile en sol canadien.

100 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait obliger les demandeurs d’asile au Canada à subir comme condition d’octroi d’un statut provisoire, un examen médical en deçà de 10 jours de leur arrivée en sol canadien pour des raisons de santé et de sécurité publiques.

2. Une procédure expéditive

101 : La loi et les règlements sur la protection devraient codifier les conditions et les délais également applicables à toutes les parties dans la procédure de détermination de protection au Canada. La loi et les règlements devraient fixer des délais pour le dépôt des demandes d’asile en sol canadien, avec prolongements éventuels en raison de nouvelles circonstances.

3. Services d’aide et de conseils

102 : La loi et les règlements sur la protection devraient prévoir des services d’aide complets pour les demandeurs d’asile au point d’entrée.

4. L’octroi du statut provisoire et l’accès aux prestations

103 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait conférer un statut provisoire aux personnes qui demandent l’asile, sauf si le demandeur refuse de collaborer ou est jugé représenter un danger public ou une menace pour la sécurité nationale. La Loi sur la protection devrait reconnaître aux personnes ayant le statut provisoire le droit au travail et à l’aide sociale.

104 : La Loi sur la protection devrait stipuler que le gouvernement fédéral assume, par l’intermédiaire de l’agence de protection, les frais d’aide sociale en sol canadien jusqu’à ce que leur cas soit résolu (c’est-à-dire qu’ils obtiennent le statut d’immigrant reçu ou soient renvoyés du Canada).

5. L’entrevue pour la demande de protection

105 : La loi et les règlements sur la protection devraient établir les conditions d’une procédure juste et rapide. Ils devraient stipuler que les demandes soient entendues en deçà de six semaines et que le demandeur communique tous les faits et documents pertinents.

*106 : Pour accélérer l’entrevue, la loi et les règlements sur la protection devraient prévoir l’examen préliminaire des demandes par des employés de l’agence de protection. Ces employés pourraient recommander à l’agent de protection d’approuver sans entrevue une demande leur paraissant justifiable a priori.

6. Les décisions

107 : La loi et les règlements sur la protection devraient exiger que l’agent de protection rende sa décision en deçà de six semaines de l’entrevue pour examiner la demande. Les demandeurs à qui l’asile est accordé seraient déférés par l’agence de protection aux autorités de l’immigration pour l’octroi du statut d’immigrant reçu.

7. Appels

*108 : La Loi sur la protection devrait prévoir un recours à la section d’appel de l’agence de protection en appel des décisions des agents de protection sur les demandes entendues en sol canadien. La section d’appel devrait se borner au réexamen des documents. Elle pourrait demander un plus ample informé, confirmer la décision ou en rendre une nouvelle.

7.11 Le statut d’asile : statut temporaire et cessation

Le statut temporaire

109 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté et la Loi sur la protection devraient conférer un statut de protection temporaire, avec possibilité de demander l’établissement au bout de trois ans, aux personnes qui ont démontré leur besoin de protection, mais sont incapables de fournir des preuves d’identité satisfaisantes.

Cessation de statut

110 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté et la Loi sur la protection devraient autoriser le ministre à engager une procédure dite de cessation pour la révocation du statut de protection temporaire ou du statut d’immigrant reçu octroyé pour des motifs de protection.

111 : Les motifs de cessation devraient comprendre :

  1. le fait de se prévaloir de nouveau de la protection du pays persécuteur;
  2. l’obtention du statut de protection par fraude ou fausse déclaration; ou
  3. des raisons de soupçonner que le détenteur du statut a commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

112 : La cessation de statut devrait être décidée par un agent de protection à la suite d’une entrevue. La décision serait sans appel, sauf si le défendeur est immigrant reçu. Dans ce cas, la procédure devrait être engagée dans les trois ans qui suivent l’obtention du statut. La perte du statut d’immigrant reçu serait réputée survenir quand l’agent de protection ordonne la cessation.

7.12 L’établissement des personnes protégées

113 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait faire en sorte que la demande d’établissement de personnes dont le besoin de protection a été reconnu par le Canada serait traitée immédiatement, sous réserve des vérifications statutaires d’état de santé, d’antécédents criminels et de risque de sécurité.

114 : Les personnes dont le besoin de protection a été reconnu au Canada ou à l’étranger devraient être exemptées des droits exigibles pour le traitement de leur demande d’établissement. Elles resteraient soumises aux droits d’établissement, mais un prêt pourrait leur être consenti.

115 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait continuer de faire en sorte que les membres de la famille immédiate (conjoint et enfants à charge) soient inclus et considérés simultanément dans la demande d’établissement, même s’ils résident à l’étranger.

116 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté devrait exempter de la clause de coûts excessifs des dispositions d’inadmissibilité médicale les personnes à qui l’asile est accordé au Canada et à l’étranger, et les personnes à leur charge. Les personnes de l’étranger à qui l’asile est accordé, et les personnes à leur charge, devraient être tenues de subir un examen médical pour des raisons de santé et de sécurité publiques avant de recevoir les documents requis pour leur entrée au Canada.

117 : La Loi sur la protection devrait obliger l’agence de protection à prendre les arrangements nécessaires, avec la province de destination, pour l’accueil des personnes à l’étranger à qui l’asile est accordé et qui ont besoin de soins médicaux importants.

118 : La Loi sur l’immigration et la citoyenneté et la Loi sur la protection devraient faire porter au gouvernement la responsabilité des frais médicaux des personnes qui demandent asile au Canada et de celles à qui l’asile est accordé jusqu’à l’obtention de leur statut d’immigrant reçu.

7.13 La mise en œuvre d’un nouveau régime de protection

*119 : Des fonds doivent être affectés au maintien du régime actuel de reconnaissance du statut de réfugié jusqu’à ce qu’il ait traité toutes les demandes reçues avant la date d’entrée en vigueur du nouveau régime de protection. Le quorum de la section du statut de réfugié devrait être réduit à un membre pour les besoins de la cause.

7.14 Renvois

Les ordonnances de renvoi devraient être exécutées aussi rapidement que possible à la suite du rejet de demandes. Nous ne saurions insister assez sur l’importance pour le gouvernement d’en faire une priorité absolue : l’intégrité du régime de protection en dépend. Ceux à qui l’asile est refusé ne devraient pas être autorisés à rester; sinon, le régime de protection ne sert à rien.

Annexe F : Résumé des recommandations de l’examen

Gouvernance, résultats, responsabilisation et financement

Recommandation 1 : Adopter une approche axée sur la gestion systémique.

Recommandation 2 : Établir un conseil de gestion du système d’octroi de l’asile au niveau des sous-ministres, chargé de recommander au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté un plan annuel pour le système d’octroi de l’asile, lequel :

  • énoncerait les priorités en matière de traitement;
  • confirmerait les prévisions;
  • établirait des cibles en matière de rendement opérationnel;
  • présenterait l’affectation des ressources sous la forme d’un plan budgétaire exhaustif;
  • énoncerait des objectifs en matière d’assurance de la qualité;
  • contiendrait un plan d’investissement et d’innovation par rapport au système et à la technologie de l’information;
  • établirait un cadre redditionnel pour les résultats.

Recommandation 3 : Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, en consultation avec le ministre de la Sécurité publique et la ministre de la Justice, devrait déposer un plan annuel au Parlement afin de rendre compte chaque année du système dans son ensemble.

Recommandation 4 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait établir des attentes claires en matière de rendement pour tous les chefs et les administrateurs généraux des organisations en fonction du plan annuel approuvé par le ministre.

Recommandation 5 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait élaborer des mesures de productivité pour l’ensemble du système.

Recommandation 6 : Dresser un budget annuel pour les activités d’octroi de l’asile qui serait revu chaque année en fonction du nombre de demandes prévu ainsi que des cibles en matière de productivité établies par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile.

Recommandation 7 : Appuyer l’établissement d’un budget relatif au système d’octroi de l’asile que tous les ministères devraient passer en revue et mettre en place un mécanisme permettant de faire le suivi des dépenses.

Recommandation 8 : Mettre au point un modèle de financement souple.

Recommandation 9 : Officialiser les processus réguliers de planification et de surveillance des ressources humaines à l’échelle du système.

Recommandation 10 : Mettre sur pied un comité consultatif externe formé d’experts du domaine de l’asile, lequel conseillerait le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile au sujet des plans et des propositions.

Recommandation 11 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait recommander au ministre d’IRCC un plan visant à éliminer l’actuel arriéré de demandes d’asile d’ici 2020.

Recommandation 12 : Adopter un des deux modèles proposés de gestion systémique pour l’octroi de l’asile.

Le processus de demande d’asile

Recommandation 13 : Mettre sur pied un comité d’experts chargé de mobiliser et de consulter le milieu juridique et les intervenants en ce qui concerne la conception détaillée du processus et les solutions en matière de traitement.

Procédures de réception des demandes d’asile

Recommandation 14 : Établir un processus uniforme de réception des demandes d’asile, que celles-ci soient présentées à un bureau intérieur ou à un point d’entrée.

Recommandation 15 : Rationaliser le processus de réception des demandes d’asile en adoptant des formulaires électroniques afin de simplifier la façon dont les renseignements sont recueillis auprès des clients et saisis dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC).

Recommandation 16 : Fournir des renseignements en langage clair ainsi que des formulaires dans diverses langues afin de veiller à ce que les personnes comprennent le processus d’octroi de l’asile.

Recommandation 17 : Bien que, la plupart du temps, la recevabilité puisse être déterminée dans un délai de trois jours ouvrables, dans les cas où les renseignements sont insuffisants, celle-ci devrait être obligatoirement réévaluée avant la tenue d’une audience de première instance.

Recommandation 18 : Les cas ne devraient pas être mis au rôle tant que le contrôle de sécurité préliminaire (CSP) n’est pas terminé.

Recommandation 19 : L’évaluation nationale des risques en matière de détention ainsi que les solutions de rechange à la détention devraient être utilisées pour gérer la détention des demandeurs d’asile sans utiliser de ressources supplémentaires.

Examens et interventions ministérielles

Recommandation 20 : Par l’entremise du conseil de gestion du système d’octroi de l’asile, élaborer et mettre en place un système de triage unique permettant d’examiner tous les cas au regard de motifs liés à l’intégrité et d’optimiser l’efficience du règlement des cas.

Recommandation 21 : Mettre en œuvre, à l’intérieur d’un système de triage commun, une stratégie de traitement permettant de gérer toutes les catégories et sous-catégories de demandes.

Recommandation 22 : Clarifier la fonction d’intervention ministérielle (particulièrement par rapport aux constatations relatives à la crédibilité) afin d’éviter les chevauchements avec le rôle du décideur de la SPR.

Recommandation 23 : Élaborer un cadre d’assurance de la qualité, supervisé par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile, afin de clarifier et de communiquer les exigences redditionnelles, les rôles et les responsabilités.

Catégorisation des cas aux fins de décision

Recommandation 24 : Les délais de traitement applicables aux audiences devraient être retirés de la loi. Des normes de service devraient être établies pour les processus de réception des demandes et les décisions de première instance, idéalement dans une fourchette de 90 à 120 jours selon les cibles annuelles en matière de ressources et de productivité fixées par le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile.

Recommandation 25 : Un système de triage commun devrait être utilisé pour catégoriser les demandes d’asile en fonction de leur complexité ou de leur qualité, qu’une audience soit nécessaire ou non, et veiller à ce qu’elles soient acheminées à des décideurs dont la spécialité pourrait être un groupe de pays semblables, des pays en particulier ou certains types de demandes.

Recommandation 26 : Les décisions sur dossier devraient être envisagées pour le plus grand nombre de cas possible.

Recommandation 27 : La mise au rôle des audiences devrait être harmonisée avec le processus de triage commun afin de veiller à ce que seuls les cas devant faire l’objet d’une audience soient mis au rôle et à ce que le temps requis pour chaque cas soit évalué. La mise au rôle devrait tenir compte de la disponibilité des parties (décideur spécialisé, demandeur d’asile, conseil et interprète) et se faire au moyen d’outils électroniques.

Audience et décision de première instance

Recommandation 28 : Cerner les questions clés à trancher au moment de l’audience avant la date d’audience, en collaboration avec le conseil, afin de faciliter le règlement rapide de la demande d’asile.

Recommandation 29 : Le conseil de gestion du système d’octroi de l’asile devrait envisager de conclure un contrat trilatéral pour les services d’interprétation par téléphone, sur le Web et en personne pour le processus de réception des demandes d’asile et l’entrevue ou l’audience.

Recommandation 30 : Dans les plans de locaux, les grandes salles d’audience officielles devraient être abandonnées en faveur de petits locaux d’entrevue polyvalents dotés d’équipement de vidéoconférence pour les conseils et les demandeurs d’asile qui se trouvent dans des lieux éloignés.

Lignes directrices et outils pour la prise de décision

Recommandation 31 : Veiller à ce que les renseignements sur le pays d’origine (RPO) soient résumés pour les décideurs.

Recommandation 32 : Élaborer des lignes directrices propres aux pays et aux types de demande afin de soutenir les décideurs (de même que les demandeurs d’asile et les conseils) dans l’évaluation des différents types de demandes.

Recommandation 33 : Créer une source commune de renseignements sur les pays à l’appui de toutes les décisions relatives aux demandes d’asile au gouvernement du Canada.

Recommandation 34 : Élaborer des outils informels et pratiques permettant de cerner les principaux faits importants aux fins de la prise de décision et de la rédaction des décisions.

Prononcé des décisions

Recommandation 35 : Continuer de réduire le besoin de fournir des motifs par écrit pour les décisions favorables et encourager le prononcé de décisions de vive voix, avec un gabarit de décision à l’appui.

Recommandation 36 : Dans le cadre d’assurance de la qualité proposé à la recommandation 23, un processus d’assurance de la qualité pour la prise de décision devrait être élaboré et mis en œuvre.

Recommandation 37 : Il faudrait étudier la question de savoir si ceux qui rendent les décisions de première instance à l’égard des demandes d’asile devraient être habilités à renvoyer des cas à IRCC aux fins de traitement d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

Recours

Recommandation 38 : Éliminer les renvois de la SAR à la SPR en modifiant la LIPR.

Recommandation 39 : Au cours des deux prochaines années (jusqu’en 2020), surveiller de façon continue la déférence accordée à la SAR par la Cour fédérale et déterminer si un processus d’appel en deux étapes est nécessaire.

Recommandation 40 : Permettre le maintien en poste des décideurs nommés par décret à la SAR jusqu’à ce que des remplaçants soient nommés afin d’améliorer la souplesse de la dotation à la SAR.

Recommandation 41 : Au sein même du cadre d’assurance de la qualité du conseil de gestion du système d’octroi de l’asile, élaborer un régime d’assurance de la qualité pour la SAR.

Recommandation 42 : Augmenter le nombre de guides jurisprudentiels élaborés par les décideurs de première instance et la SAR ainsi que de décisions jurisprudentielles d’application obligatoire (décisions rendues par un tribunal de trois commissaires) de même que le recours à ces outils.

Après la décision

Recommandation 43 : Intégrer complètement au traitement des demandes d’asile le processus de demande de résidence permanente des époux et des personnes à charge qui n’accompagnent pas le demandeur d’asile afin de réduire au minimum les processus redondants et la collecte de données additionnelles advenant le cas où une décision favorable est rendue à l’égard de la demande d’asile.

Recommandation 44 : Établir des cibles et des normes de service précises pour l’examen des risques avant renvoi afin d’améliorer les délais de traitement.

Recommandation 45 : Fournir aux agents chargés de l’ERAR une liste de tous les documents liés à la demande d’asile afin qu’ils soient plus à même d’évaluer les nouveaux éléments de preuve.

Recommandation 46 : Les décisions relatives à l’ERAR devraient être prises par les mêmes personnes qui rendent les décisions de première instance relatives aux demandes d’asile.

Recommandation 47 : Les renvois devraient être traités en priorité dès la prise d’effet de la mesure de renvoi.

Recommandation 48 : La possibilité de créer un programme de retours volontaires sans escorte pour les demandeurs d’asile déboutés présentant un risque faible devrait être réexaminée afin de déterminer si un tel programme, administré par IRCC ou l’agence de protection des réfugiés, encouragerait plus de demandeurs d’asile déboutés à quitter le Canada.

Facteurs habilitants du système

Gestion des ressources humaines

Recommandation 49 : Se doter d’un effectif dans le domaine de la protection des réfugiés pour assurer la disponibilité d’employés expérimentés et favoriser la souplesse en matière de dotation.

Recommandation 50 : Établir un effectif occasionnel pour faciliter une intervention rapide lors de la hausse du volume des demandes et éviter ainsi l’accumulation d’arriérés.

Recommandation 51 : Bien former les décideurs de première instance et évaluer leur rendement pendant la période de probation.

Recommandation 52 : Renforcer le perfectionnement professionnel des décideurs en offrant de la formation régulière sur des compétences clés comme la rédaction de décisions concises et la tenue d’entrevues et d’audiences ciblées.

Recommandation 53 : Renforcer la fonction de supervision des décideurs de première instance afin d’améliorer l’assurance de la qualité et la gestion du rendement.

Recommandation 54 : Affecter du personnel spécialisé à la réception des demandes d’asile aux principaux points d’entrée.

Recommandation 55 : Examiner les pratiques exemplaires d’autres professionnels en relations d’aide afin d’améliorer la résilience et la santé mentale.

Productivité des décideurs

Recommandation 56 : Établir des cibles ambitieuses, mais réalistes, pour les décideurs de première instance et la SAR en fonction d’une analyse détaillée des données relatives à l’utilisation du temps, et intégrer ces cibles à un modèle de productivité solide.

Recommandation 57 : Élaborer un nouveau modèle de productivité qui intègre un système de triage et d’autres mesures d’efficience recommandées dans le présent rapport et le soumettre à l’approbation du conseil de gestion du système d’octroi de l’asile.

Recommandation 58 : Entreprendre un examen de supervision de tous les motifs à des fins d’assurance de la qualité et d’uniformité, avant ou après la décision.

Recommandation 59 : Rééquilibrer le modèle de soutien aux décideurs afin de déterminer comment le personnel peut mieux contribuer à la préparation des cas.

Mesures de soutien juridique au système

Recommandation 60 : Établir des processus électroniques simples pour améliorer la collaboration avec les conseils, notamment en ce qui concerne la mise au rôle des entrevues et la présentation des documents.

Outils habilitants de la TI

Recommandation 61 : Effectuer un bilan de santé de la TI dans le système d’octroi de l’asile en vue d’élaborer un plan de TI intégré.

Recommandation 62 : Inclure au plan de TI intégré l’établissement d’un système de gestion des cas et d’un dossier électronique uniques, la mise en place d’un mécanisme à l’intention des demandeurs d’asile pour la soumission de renseignements par voie électronique et la création d’un outil de mise au rôle électronique.

Recommandation 63 : Mettre en œuvre une stratégie de gouvernance des données à l’échelle du système.

Recommandation 64 : Envisager le recours à l’analytique prédictive pour l’évaluation des risques.

Bibliographie et sources

Le présent rapport est fondé sur de l’information recueillie de sources internes et publiques entre juin 2017 et mars 2018, y compris :

Documents :
Documents, plans et résultats ministériels (rapports sur les plans et les priorités/résultats ministériels), décisions des tribunaux, législation, vérifications, évaluations, rapports d’experts de l’extérieur
Analyses de données :
Plans financiers et dépenses, données sur le coût par demandeur d’asile, modèles prévisionnels, données sur les cas reçus et réglés, données sur la productivité
Entretiens :
Experts à l’interne et de l’extérieur au Canada et dans les pays de référence
Visites sur place :
Bureaux de Toronto et de Montréal de la CISR, d’IRCC et de l’ASFC; poste frontalier de Lacolle, au Québec
Études de cas :
Examen d’autres tribunaux et modèles de prestation des services
Décisions :
SPR, SAR, Cour fédérale, Cour d’appel fédérale et IRCC au sujet de différents cas de protection (y compris sélectionnés de manière aléatoire)

L’information accessible au grand public figure dans la bibliographie qui suit. Les limites relatives aux données sont signalées dans le rapport.

  • Asylum Information Database, Country Reports (rapports sur les pays)
  • Angus, Gavin Grant, « Unappealing: An Assessment of the Limits on Appeal Rights in Canada’s New Refugee Determination System, 2015 », Osgoode Legal Research Paper
  • Angus, William H., An Early Look at the New Inland Refugee Determination Process, Osgoode Law School, Université York, 25 janvier 1989
  • Atak, Idil, et coll., Association canadienne d’études sur les réfugiés et la migration forcée, « Making Canada's Refugee System Faster and Fairer: Reviewing the Stated Goals and Unintended Consequences of the 2012 Reforms », 2017
  • Vérificateur général du Canada, « Le traitement des revendications du statut de réfugié », rapport à la Chambre des communes, 1997
  • Vérificateur général du Canada, « Le processus de nomination par le gouverneur en conseil », rapport Le point de mars 2009
  • BAMF, brochure intitulée « Integrated Refugee Management – A New System for Germany », 17 juillet 2017
  • BAMF, « The stages of the German asylum procedure », octobre 2016
  • Bosveld, E., 2017 (président de l’audience), Atkinson K, De Andrade M, SAR, « Décision d’un tribunal constitué de trois commissaires (no de dossier de la SAR : TB6-03419) »
  • Byrne, Rosemary, « The Protection Paradox: Why Hasn’t the Arrival of New Media Transformed Refugee Status Determination? », 2015
  • Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, « Reform Proposals for Canada’s Inland Refugee Determination System and Other Aspects of the Immigration System », 2016
  • Conseil canadien pour les réfugiés, « L’expérience des demandeurs d’asile aux audiences dans le cadre du nouveau système », 2014
  • Citoyenneté et Immigration Canada, Évaluation du Projet pilote relatif aux examens et aux interventions ministériels, juillet 2015
  • Davis, S., Kunin R. et Trempe R., « Au-delà des chiffres : l’immigration de demain au Canada », 1997
  • Bureau européen d’appui en matière d’asile, rapport annuel sur la formation de 2016, juillet 2017
  • European Stability Initiative, « Amsterdam in the Mediterranean – How a Dutch-style asylum system can help resolve the Mediterranean refugee crisis », 26 janvier 2018
  • Eurostat, statistiques sur l’asile, juin 2017
  • —. « 1,2 million de primo-demandeurs d’asile enregistrés en 2016 », communiqué de presse, 16 mars 2017
  • —. « Décisions de première instance sur les demandes par nationalité, âge et sexe », données trimestrielles (arrondies), 01-12-2017
  • Cour d’appel fédérale, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Bujar Huruglica, Hanife Huruglica et Sadifje Ramadani, 2016
  • Fratzke, Susan, « Weathering Crisis, Forging Ahead: Swedish Asylum and Integration Policy », Migration Policy Institute, juin 2017
  • Heckman, Gerald, « Canada's Refugee Status Determination System and the International Norm of Independence », Refuge, vol. 25 (no 2)
  • Ministère fédéral allemand des Finances, « Asylum and refugee policy: the role of the federal budget », 27 janvier 2017
  • Germain, Regina, « AILA’s Asylum Primer: A Practical Guide to U.S. Asylum Law and Procedure Book », Whole, Washington, D.C.: American Immigration Lawyers Association, 1998
  • Grant, Louise et Gail Kinman, « Emotional Resilience in the Helping Professions and how it can be Enhanced », Health and Social Care Education, vol. 3 (no 1), p. 23-34, 2014
  • Grote, Janne, « The changing influx of asylum seekers in 2014-2016: Germany’s response », document de travail 79, European Migration Network, 8 février 2018
  • Houle, France et Sossin, Lorne, « Tribunals and Policy-Making: From Legitimacy to Fairness in Essays in Administrative Law and Justice (2001-2007) »
  • Chambre des communes, Procès-verbal et témoignages du Comité permanent du travail, de l’emploi et de l’immigration, fascicule 46, 1985
  • Consultations intergouvernementales sur le droit d’asile, les réfugiés et les migrations, « Asylum Procedures, Report on Policies and Practices in IGC participating States », septembre 2015
  • Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Vérification du projet de réduction de l’arriéré de la Section de la protection des réfugiés, 2012
  • —. Outils, directives et guides jurisprudentiels à l’intention des décideurs; consulté en novembre 2017
  • —. Annonces de possibilités d’emploi, commissaire, SPR, demandes en instance (PM-6), 2017-10-12; commissaire coordonnateur, SPR (AS-8), 2017-10-12
  • —. Cartables nationaux de documentation
  • —. Renouvellements de mandat, postes vacants et effectifs à la Section d’appel des réfugiés, 5 février 2018
  • —. Rôles et responsabilités des commissaires et attentes à leur égard, Section de la protection des réfugiés, octobre 2012
  • —. Statistiques sur les demandes d’asile (nouveau système), 20 février 2017
  • —. Statistiques sur les demandes d’asile (ancien système), 20 février 2017
  • —. Divers formulaires : Fondement de la demande, Avis d’intention d’intervenir - SPR
  • Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada,
  • —. Évaluation de la réforme du système d’octroi de l’asile au Canada, avril 2016
  • —. Évaluation du Programme d’examen des risques avant renvoi, juin 2016
  • —. Divers formulaires :
    • Formulaire de demande générique pour le Canada (IMM 0008)
    • Personnes à charge additionnelles / Déclaration (IMM 0008DEP)
    • Annexe A – Antécédents / Déclaration (IMM 5669)
    • Annexe 12 – Demandeurs d’asile au Canada (IMM 0008 – Annexe 12)
    • Liste de contrôle des documents (IMM 5745)
    • Recours aux services d’un représentant (IMM 5476)
    • Antécédents/Déclaration (IMM 5669)
    • Personnes protégées et réfugiés au sens de la Convention (IMM 0008)
    • Renseignements additionnels sur la famille (IMM 5406)
    • Vérification du statut (VdS) ou remplacement d’un document d’immigration – IMM5009F
    • Triage et examen des formulaires des demandes d’asile (IMM 5736)
  • Jones, David Philip, « Recent Developments in Administrative Law », allocution à l’occasion de la Réunion générale annuelle de 2015 de la Foundation of Administrative Justice, Edmonton (Alberta), 2015
  • Aide juridique Ontario, rapport annuel de 2015-2016
  • Library of Congress, « Refugee Law and Policy: France », mars 2016
  • Bibliothèque du Parlement, « Reconnaissance au Canada du statut de réfugié : résumé du rapport Plaut et opinions des témoins », 1985
  • Macauley, R. et J. Sprague, Practice and procedure before administrative tribunals. Scarborough, Carswell, 1994
  • Mactavish, Anne L, Association canadienne d’études sur les réfugiés et la migration forcée, « The Role of the Federal Court in the Canadian Refugee Determination Process », 2015
  • McLachlin, Beverley, « Tribunaux administratifs et tribunaux judiciaires : une relation en évolution », 2013
  • Noll, Gregor, « Rejected Asylum Seekers: The Problem of Return », International Migration, 1999
  • Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Rapport d’activité 2016, 2017
  • Commission des libérations conditionnelles du Canada, Rôles et responsabilités d’un membre, 2016-11-04
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