ARCHIVÉ – Description du projet relatif à la ségrégation et au mélange ethniques dans les grandes régions métropolitaines du Canada

La représentation des données et l’interprétation des indices

a) Quotient de localisation :

Dans ce type de projet, il est très difficile de permettre de comparer de façon pertinente la concentration et la dispersion relatives d’un grand nombre de groupes d’immigrants et de minorités visibles au sein de la même ville et entre plusieurs villes. L’une des possibilités consiste à cartographier un groupe particulier en proportion de la population totale du secteur de recensement ou en proportion de la population totale de ce groupe dans la région métropolitaine. Ce genre de carte présente l’avantage d’être assez facile à interpréter, puisque les valeurs illustrées sont de simples pourcentages. Néanmoins, il est souvent délicat de comparer des cartes basées sur les pourcentages obtenus pour les différents groupes, car de profonds écarts existent dans la concentration de ces derniers au sein d’une même région métropolitaine. Il faut alors constituer des intervalles de classe pour représenter convenablement a répartition des intéressés. On peut alors tracer pour les différents groupes des cartes qui se ressemblent beaucoup, en utilisant les mêmes palettes de couleurs et le même nombre de classes. Bien que cela donne à penser que les données sont comparables, les cartes peuvent reposer sur des intervalles de classe très différents et ne pas se prêter à une comparaison directe.

Afin de faciliter l’établissement de comparaisons pertinentes, les cartes que nous avons établies reposent sur les quotients de localisation de chaque groupe d’immigrants et de chaque minorité visible. Les quotients de localisation comparent la concentration relative d’un groupe particulier dans une zone géographique restreinte (le secteur de recensement) à la concentration relative du même groupe dans une zone beaucoup plus étendue (la région métropolitaine). Il s’agit du rapport entre la représentation du groupe dans la population totale du secteur de recensement et sa représentation dans la population totale de la région métropolitaine. Il indique dans quelle mesure un secteur de recensement se démarque de la région métropolitaine quant à la place occupée par un groupe. Par exemple, si les immigrants d’origine britannique constituent 6 p. 100 de la population totale dans le secteur de recensement portant le numéro 004.00, tandis qu’ils comptent pour 3 p. 100 dans la population totale de la région métropolitaine, le quotient de localisation s’établit à 2 pour le secteur en question.

L’interprétation des données se fait comme suit : Si le quotient de localisation est égal à 1, la fréquence relative du groupe étudié dans le secteur de recensement est identique à celle observée dans l’ensemble de la région métropolitaine; si le quotient est supérieur à 1, le groupe est surreprésenté et relativement concentré dans le secteur (si la valeur est 2, la part du groupe dans la population du secteur est deux fois plus importante que dans la région métropolitaine); enfin, si le quotient est inférieur à 1, le groupe est sous-représenté ou faiblement concentré dans le secteur par rapport à la moyenne de l’agglomération [note 8].

Les classes ci-après ont été utilisées pour cartographier les quotients de localisation :

  • 0 – 0,49
  • 0,5 – 1,49
  • 1,5 – 2,99
  • 3,0 – 7,99
  • 8,0 et plus

Ces classes ont été choisies pour leur relative simplicité d’interprétation, surtout quand il s’agit de déterminer les zones où la sous-représentation ou la surreprésentation est particulièrement marquée. Le but n’est pas d’accentuer outre mesure le degré de concentration de certains groupes; en conséquence, les valeurs qui tournent autour de la valeur 1 correspondent à des zones dans lesquelles la représentation coïncide de près avec celle de la région métropolitaine. Il est important de ne pas perdre de vue la taille du groupe, en chiffres absolus, quand on analyse une carte dont certaines zones s’écartent des valeurs moyennes. En effet, une carte qui comporte quelques secteurs dans lesquels un groupe de taille réduite (deux milliers de personnes, par exemple) est fortement surreprésenté ne traduit pas le même phénomène social et ne suscite pas les mêmes réflexions qu’une carte dans laquelle le groupe est composé de dizaines de milliers de personnes.

b) Indice de diversité (entropie) :

On l’a vu, les cartes tracées pour chaque ville indiquent le degré de diversité ethnoculturelle à l’échelle des secteurs de recensement. Elles s’appuient sur des données relatives aux minorités visibles et reposent sur des valeurs de diversité ou d’entropie pour chaque secteur de recensement de la région métropolitaine (Allen, 2005; Sandoval et coll., 2002; White, 1986). Plutôt que de mesurer le degré de concentration d’un groupe donné dans une zone peu étendue, l’indice de diversité indique si une zone présente une homogénéité plus ou moins grande, compte tenu du nombre de groupes ethnoculturels que l’on trouve dans l’ensemble de l’agglomération. L’échelle s’étend de 0 à 100; un indice de 0 représente une homogénéité parfaite (le secteur est dominé par un seul groupe), un indice de 100 une hétérogénéité parfaite (tous les groupes sont représentés de manière équivalente dans le secteur). Disons simplement que plus le chiffre est élevé, plus les groupes sont représentés de manière équilibrée; à l’inverse, plus le chiffre est petit, plus un groupe immigrant ou ethnoculturel occupe une place importante. Une faible valeur ne signifie pas nécessairement que le secteur est parfaitement homogène, mais que la répartition proportionnelle des groupes n’est pas égale et qu’un ou deux groupes dominent. La formule de calcul de l’indice de diversité est la suivante :

Équation mathématique

Hi = indice de diversité du secteur de recensement i

P(i) = proportion de la population du secteur qui fait partie d’une minorité visible k

K = nombre total de catégories de minorités visibles

Les auteurs ne s’entendent pas sur les chiffres à partir desquels on peut parler de diversité ou d’homogénéité en utilisant cette formule. Allen (2005) estime que les valeurs supérieures à 84 témoignent d’une grande diversité, tandis que Sandoval et coll. (2002) fixent le seuil à 75. On a établi les intervalles de classe suivants dans le cadre du projet :

  • 71 – 100 (élevée)
  • 56 – 70
  • 41 – 55 (légère)
  • 21 – 40
  • 0 – 20 (faible)

La limite inférieure de la classe la plus élevée a été fixée à 71 afin de faciliter les comparaisons entre villes. À Toronto, Vancouver et Montréal, un assez grand nombre de secteurs de recensement se situeraient dans la classe la plus élevée même si le seuil avait été établi à 75 ou à 84. Dans les villes canadiennes qui présentent une diversité nettement moindre, quelques secteurs seulement, voire aucun, se situeraient dans la classe supérieure si le seuil avait été fixé plus haut que 71.

Des cartes de diversité ont été tracées pour le lieu de résidence et le lieu de travail. Dans le premier cas, elles reposent sur les treize catégories qui composent la variable « minorité visible » selon la définition qui en est donnée par le gouvernement du Canada, pour les besoins de l’équité en matière d’emploi. Dans le deuxième cas, le nombre de catégories a été réduit en amalgamant certains groupes afin de limiter la suppression des données (tableau 3). Étant donné que les données relatives au lieu de travail ne concernent que la population qui occupe un emploi dans un lieu fixe, et que la proportion de personnes répondant à ce critère est assez faible dans bien des groupes d’immigrants et des minorités visibles, il a été nécessaire de réunir plusieurs groupes pour que l’analyse ne pâtisse pas trop de la suppression des données.

Tableau 3 : Minorités visibles pour lesquelles a été calculé l’indice de diversité relativement au lieu de résidence et au lieu de travail
Lieu de résidence Lieu de travail
  • Chinois
  • Asiatiques de l’Est (Chinois, Coréens, Japonais)
  • Asiatiques du Sud
  • Asiatiques du Sud
  • Noirs
  • Noirs
  • Philippins
  • Asiatiques du Sud-Est (Asiatiques du Sud-Est, Philippins)
  • Latino-Américains
  • Arabes
  • Asiatiques du Sud-Est
  • Autres (Latino-Américains, Asiatiques de l’Ouest, minorités visibles n.i.a, minorités visibles multiples)
  • Arabes
  • Tous les autres (personnes d’origine européenne ou blanches)
  • Asiatiques de l’Ouest
 
  • Coréens
 
  • Japonais
 
  • Minorités visibles n.i.a. (non incluses ailleurs)
 
  • Minorités visibles multiples
 
  • Tous les autres (personnes d’origine européenne ou blanches)
 

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[8] L’une des limites du quotient de localisation est que la sous-représentation ne peut s’établir qu’entre 0 et 1, tandis que la surreprésentation peut aller jusqu’à l’infini. Il n’est donc pas toujours aisé d’évaluer le degré de sous-représentation ou de surreprésentation en raison des échelles différentes de part et d’autre de l’unité.

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