Préparation du gel de silice pour la conservation en contenant d’objets métalliques – Notes de l’Institut canadien de conservation (ICC) 9/14

Introduction

Avant de faire partie des collections d’un musée, de nombreux objets métalliques auront été touchés par la corrosion due à l’exposition à l’humidité. L’ampleur de ce phénomène dépend de plusieurs facteurs, notamment le type de métal, le degré et le type de corrosion antérieure, la présence de contaminants de surface, comme de la saleté ou des sels, et l’humidité relative (HR) de l’air ambiant. Certains de ces facteurs ne peuvent être contrôlés. C’est le cas, par exemple, du type de métal utilisé ou du degré ou du type de corrosion déjà présente. Toutefois, pour les objets de musée faits uniquement de métal, il est possible de réduire ce qui constitue un facteur clé, soit l’HR (pour obtenir de plus amples renseignements, consulter la Note de l’ICC 9/2 Mise en réserve des métaux).

En général, les objets métalliques ne représentent qu’une partie d’une collection et, parmi ces objets, seuls quelques-uns sont exposés à un risque de corrosion continue. Pour cette raison, rares sont les établissements qui peuvent offrir un espace de collection spécialement conçu pour le rangement au sec des objets métalliques. Il existe néanmoins une solution pour les objets métalliques de plus petite taille, soit l’utilisation d’une boîte en matière plastique et d’un sorbant d’humidité. L’idée est d’établir, dans un contenant, un microenvironnement de conditions sèches pour ralentir ou arrêter la corrosion active initiée ou accélérée par l’humidité de l’air. Quel que soit le système choisi, il devrait être conçu pour la mise en réserve des métaux pendant de nombreuses années sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un entretien fréquent. Ce type de rangement n’est souvent pas adapté aux matériaux non métalliques.

Sorbants d’humidité pour utilisation dans les musées

Traditionnellement, le sorbant d’humidité le plus couramment utilisé dans les musées est le gel de silice (dioxyde de silicium amorphe). Lorsqu’il est scellé dans des poches en feuilles de non-tissé de polyéthylène (comme le Tyvek) ou cousu dans des sacs de coton non blanchi, le gel de silice constitue toujours une solution de rechange rentable et facilement accessible auprès des fournisseurs de musées, de bureaux et d’établissements scientifiques. Plus récemment, d’autres produits, tels l’argile de silicate d’aluminium, les tamis moléculaires et diverses formulations de gel de silice (Art-Sorb, PROsorb et RHapid Gel), ont permis d’obtenir des performances variables. Toutefois, le gel Artsorb ne devrait pas être utilisé, car il est susceptible de corroder les métaux (Robinet, 2007).

Pour simplifier les choses, la présente Note utilisera l’exemple du gel de silice de densité régulière dans la plage de 6 à 12 mesh. Il s’agit d’un sorbant d’humidité que les musées utilisent depuis de nombreuses décennies et qui produit de bons résultats lorsque l’HR est inférieure à 45 %. Tétreault et Bégin (2018) fournissent de plus amples renseignements sur l’utilisation du gel de silice pour contrôler l’humidité.

Calcul de la quantité de gel de silice

Il n’est pas difficile de déterminer la quantité de sorbant d’humidité à utiliser. Si le sorbant d’humidité est préemballé, un certain nombre d’unités sera nécessaire.

Pour calculer le volume intérieur d’une boîte carrée ou rectangulaire, on multiplie la longueur par la largeur par la hauteur (L × l × H). Pour les récipients cylindriques, la formule est la hauteur multipliée par le rayon (la moitié du diamètre) au carré, multiplié par π (pi), soit (H × r2 × 3,14). L’utilisation de valeurs métriques et la mesure des longueurs en centimètres faciliteront les calculs, car il sera alors possible de diviser le volume calculé par 1 000 pour obtenir le nombre de litres.

Pour simplifier le calcul, on peut faire abstraction volume des objets et du volume du gel de silice. Le volume de sorbant d’humidité n’est pas critique pour la mise en réserve des objets métalliques, car une carte indicatrice du taux d’humidité (offerte par les fournisseurs de musées et de matériel pour la conservation), placée dans le contenant, indiquera graduellement l’augmentation du taux d’humidité et le moment où il sera nécessaire de régénérer ou de remplacer le gel de silice. Beaucoup de cartes passent du bleu au rose au fur et à mesure qu’augmente l’humidité. Trop peu de gel nécessitera un remplacement plus fréquent, et un excès de gel prolongera la durée avant qu’un remplacement ne soit nécessaire.

Un exemple de calcul pour une boîte de rangement pourrait être :

Un contenant dont L = 30 cm, l = 20 cm et H = 10 cm aurait un volume de 6 000 cm3.

Pour convertir en litres, 6 000 cm3 × 1 litre/1 000 cm3 = 6 litres.

L’utilisation de 50 g/litre de gel de silice donne 6 litres × 50 g/litre = 300 g de gel de silice de densité régulière.

La ligne du graphique indique le poids de gel de silice nécessaire à raison de 50 g/litre.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 126258-0010
Figure 1. Calcul du poids de gel de silice nécessaire à raison de 50 g/litre.

La figure 1 peut servir à déterminer la quantité de gel de silice à utiliser. Il suffit de trouver le volume du contenant sur l’axe des x et de remonter jusqu’à la ligne oblique. Puis, on se déplace vers la gauche à partir de ce point pour trouver le volume de gel de silice requis sur l’axe des y. Dans l’exemple ci-dessus, un contenant de 6 litres nécessite 300 g de gel. Si le contenant choisi est un contenant pour aliments bien scellé en polyéthylène ou en polypropylène, cette quantité de gel de silice sec devrait maintenir l’HR dans le contenant non ouvert à moins de 5 % pendant plusieurs mois. L’ajout de gel de silice dans le contenant (par exemple, 600 g, ou 10 % du volume du contenant) peut prolonger cette durée de plusieurs années, selon la taille et le type de contenant utilisé. Dans le cas d’une utilisation continue, on peut modifier le graphique ci-dessus pour répondre aux besoins spécifiques d’entreposage d’objets en fer dans les musées, qui varient selon le type de contenant utilisé et le taux d’HR de la réserve où se trouve la collection.

Les essais effectués avec des contenants pour aliments de marque Lock & Lock (figure 2) ont montré que des contenants plus grands maintenaient les conditions sèches plus longtemps que les contenants plus petits pour le même rapport de gel de silice au volume du contenant (par exemple, 10 % du volume intérieur, ou 100 g/litre). Une augmentation du volume du contenant entraînait une augmentation proportionnelle de la durée. De plus, une relation directe a été observée entre la quantité de gel de silice et la durée de sècheresse complète des contenants.

Indication de l’humidité à l’intérieur du contenant

Il existe plusieurs exemples de sorbants d’humidité préemballés qui comportent un indicateur intégré pour signaler le moment où la sècheresse à l’intérieur du contenant n’est plus assurée. Ces emballages sont très pratiques, car un changement de couleur indique que le contenant n’est plus sec. La méthode la plus simple pour indiquer les conditions sèches d’entreposage des métaux corrodés est d’utiliser une carte indicative de l’humidité pouvant être vue à l’intérieur d’un contenant alimentaire transparent. De nombreuses versions de ces cartes indiquent un niveau d’HR aussi bas que 10 %, ce qui convient pour la mise en réserve de la plupart des objets métalliques. Ces cartes ont une durée de vie limitée et devraient être remplacées selon les instructions du fabricant.

Avec le temps, la vapeur d’eau pénètre lentement dans le contenant, et la carte indique l’augmentation graduelle de l’HR et la nécessité de régénérer ou de remplacer le gel de silice. Si le contenant de rangement est opaque, comme une boîte de conserve ou un film barrière, il faudra l’ouvrir après quelques mois pour vérifier le taux d’humidité indiqué, puis le sceller de nouveau. Cette action introduira de petites quantités d’air humide et raccourcira le temps avant qu’il ne devienne nécessaire de remplacer ou de régénérer le gel de silice.

Séchage du gel de silice

Avant que le gel de silice puisse servir à protéger des objets métalliques, il doit être conditionné pour être sec. Cela se fait habituellement par chauffage dans un four à une température de 60 °C (140 °F) pendant six à sept heures ou à 120 °C (250 °F) pendant une à deux heures. Le gel de silice contenu dans les sachets en non-tissé de polyéthylène devrait être conditionné à une température inférieure à 90 °C (194 °F) pour empêcher le matériau d’emballage de se rétracter ou de fondre. La meilleure méthode de séchage consiste à déposer le gel sur une plaque à biscuits. Il ne devrait pas être nécessaire d’ouvrir les sachets en tissu pour sécher le gel de silice à l’intérieur. Il est possible de suivre l’avancement du séchage après plusieurs heures en pesant les sachets une fois par heure jusqu’à ce que la perte d’eau cesse et que le poids soit stabilisé.

Après le séchage, on doit conserver les sachets dans un contenant hermétique pour les empêcher d’absorber l’humidité de l’air. Les boîtes à biscuits faites de métal et ayant un couvercle bien ajusté ou les pots de peinture inutilisés sont idéaux pour conserver les sachets jusqu’à leur utilisation pour la mise en réserve des objets métalliques. Il est important de faire attention lorsqu’on retire du four des sachets de gel de silice chauds. Le gel de silice peut être régénéré de nombreuses fois avant de perdre son efficacité. Toutefois, le chauffage du gel de silice à des températures supérieures à 100 °C (212 °F) peut conduire à sa décomposition. En cas d’utilisation prolongée, les sachets en tissu peuvent s’user, mais, dans ce cas, on peut les remplacer, au besoin.

Santé et sécurité

Le gel de silice est un produit chimique; il faudrait donc lire sa fiche de données de sécurité avant de l’utiliser. Le gel de silice est considéré comme légèrement dangereux, et il est recommandé d’éviter tout contact avec la peau et les yeux ainsi que l’ingestion et l’inhalation.

Il faut éviter d’utiliser un gel ayant un indicateur de chlorure de cobalt. Ces indicateurs sont maintenant considérés comme dangereux pour la santé par certaines administrations (Goldberg et coll., 2005). Depuis 2005, il est recommandé d’utiliser, dans les musées, du gel de silice ne contenant pas d’indicateur de chlorure de cobalt.

On peut placer le gel de silice dans un sac de plastique avant de le jeter avec les déchets ordinaires.

Assemblage du contenant

Un des contenants les plus simples dans lequel mettre de petits objets est un contenant alimentaire en polyéthylène ou en polypropylène dont le couvercle est hermétique (figure 1). La forme généralement carrée ou rectangulaire de ce type de contenant facilite le calcul du volume intérieur. Les sacs faits d’un film protecteur thermosoudable doublé d’une couche de papier d’aluminium sont une solution de remplacement, tout comme les boîtes de conserve en métal munies d’un couvercle bien ajusté. Les bacs de rangement en matière plastique peuvent convenir pour les objets plus grands, à condition de trouver le moyen de bien en sceller le couvercle, par exemple à l’aide d’un ruban adhésif.

Dans certains cas, la taille et la forme des objets détermineront le choix du contenant à utiliser. Le choix des contenants en polyéthylène ou en polypropylène est facile, puisque les fabricants indiquent le type de polymère utilisé sur le contenant, sous le symbole de recyclage.

Il faut recouvrir le contenant d’entreposage d’une couche de mousse de polyéthylène, qui sert ainsi de coussin, avant de placer de petits objets métalliques emballés dans des sacs individuels en polyéthylène. Il est possible de soutenir les objets plus grands avec des morceaux de feuille de plastique cannelée et de les séparer avec des morceaux de mousse de polyéthylène. On peut protéger les objets fragiles en les plaçant dans des nids taillés dans de la mousse de polyéthylène. Des suggestions sur la façon de travailler avec les feuilles de matière plastique et la mousse ont été décrites par Schlichting (1994).

De nombreux objets étiquetés et mis dans de petits sacs en polyéthylène étiquetés avec fermeture éclair peuvent être placés dans une seule boîte. Il faut, dans ce cas, laisser de la place pour les sacs cousus en tissu contenant le gel de silice.

Un récipient dont le couvercle est ouvert, deux sacs en polyéthylène à fermeture à glissière contenant des objets en fer, du gel de silice et un indicateur d'humidité.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 126258-0001
Figure 2. Boîte de marque Lock & Lock avec objets en fer, gel de silice et indicateur d’humidité.

Selon la taille des contenants utilisés, il peut être utile de créer des sachets comportant un poids standard de gel de silice, comme 100 g ou 1 000 g. Si l’on utilise des boîtes de rangement de taille standard, on peut les empiler sur des étagères pour gagner de la place dans les réserves des collections.

Conclusion

Le gel de silice et les contenants alimentaires que l’on peut facilement acheter constituent une méthode d’entreposage simple et économique pour les métaux touchés par la corrosion active. Éliminer l’humidité en créant un environnement de rangement au sec réduira ou même freinera la détérioration des objets. De plus, une fois emballés dans des boîtes, les objets métalliques sont protégés contre les effets néfastes d’un milieu muséal, même le plus médiocre.

Bibliographie

  • Goldberg, L., S. Weintraub et F. Sterniolo. Cobalt Indicating Silica Gel Health and Safety Update (format PDF) (en anglais seulement), Conserve O Gram 2/15, Washington (D.C.), National Park Service, septembre 2005.
  • Logan, J., et L. Selwyn. Comment reconnaître la corrosion active, version révisée, Notes de l’ICC 9/1, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2007.
  • Robinet, L. « Artsorb » (en anglais seulement), Conservation DistList, Instance 21:7, mai 2007.
  • Schlichting, C., Travail de la mousse de polyéthylène et des feuilles de plastique cannelées, Bulletin technique de l’ICC 14, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 1994.
  • Tétreault, J., et P. Bégin. Gel de silice : contrôle passif de l’humidité relative, Bulletin technique de l’ICC 33, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2018.
  • Thomson G. The Museum Environment, deuxième édition, Londres (Royaume-Uni), Butterworths, 1986.
  • Waller C. « ArtSorb » (en anglais seulement), Conservation DistList, Instance 19:39, février 2006.
  • Watkinson D., et V. Neal. First Aid for Finds, troisième édition, Hertford (Royaume-Uni), RESCUE – The British Archaeological Trust/UKIC Archaeology Section, 1998.

Rédigé par Cliff Cook

Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2019

No de catalogue : NM95-57/9-14-2019F-PDF
ISSN 1928-5272
ISBN 978-0-660-30579-0

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