Le soin des sculptures inuites – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 6/9

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Introduction

Pendant des siècles, les Inuits ont gravé des objets utilitaires, comme des pots de cuisson en pierre et des lampes à huile, et ont décoré leurs outils en bois, en pierre, en os et en ivoire de motifs artistiques. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ils ont commencé à créer des sculptures comme source de revenu. Ces premiers objets commerciaux sculptés étaient vendus ou échangés aux baleiniers européens ou américains qui commençaient à fréquenter les régions arctiques à cette époque. Les premières œuvres, habituellement de petites pièces sculptées en ivoire de morse, représentaient des animaux régionaux ainsi que les Inuits eux-mêmes en train d'accomplir des tâches quotidiennes. Les animaux essentiels à la survie des Inuits, notamment les phoques, les caribous, les ours blancs et les oiseaux, étaient souvent sculptés. Les Inuits sculptaient aussi, dans l'ivoire, de petites scènes représentant la chasse en kayaks, la conduite d'attelages de chiens et le dépeçage de phoques. Il semble donc tout à fait pertinent que ces petites pièces soient habituellement désignées par l'expression « sculptures d'échange ».

Les sculptures inuites que nous connaissons aujourd'hui datent de la fin des années 1940 et du début des années 1950. Leur succès repose sur l'enthousiasme d'un jeune artiste ontarien, James Huston, et sur les efforts déployés dans le cadre du « projet d'artisanat esquimau » de la Corporation canadienne de l'artisanat. Ce projet avait pour objectif de promouvoir la création d'objets d'artisanat comme source additionnelle de revenu au sein des collectivités inuites. En collaboration avec la Compagnie de la Baie d'Hudson, et à l'aide d'un certain soutien financier offert par le gouvernement canadien, le projet a encouragé le développement de l'artisanat dans plusieurs collectivités de l'Arctique. Les petits objets sculptés en pierre et en ivoire, qui furent initialement produits, se sont avérés extrêmement populaires lorsqu'ils ont été mis en vente à Montréal au début des années 1950. La pierre et l'os constituaient les matières les plus sculptées, car elles étaient plus accessibles que l'ivoire de morse. Au cours des années 1950 et 1960, les sculptures inuites ont été reconnues à l'échelle internationale à titre de forme d'art de grande importance.

De nos jours, des sculpteurs créent des œuvres dans de nombreuses collectivités inuites, et ce, à la grandeur de l'Arctique. Leurs styles de sculpture d'avant-garde sont distinctifs et combinent des matières traditionnelles, comme la pierre, l'os et l'ivoire, ainsi qu'une vaste gamme de matériaux contemporains et de métaux précieux.

Les matières

La pierre

La sculpture sur pierre est pratiquée dans la plupart des collectivités arctiques, et les types de pierre utilisés sont très nombreux. La pierre à savon, aussi appelée « stéatite », est composée de talc, soit l'un des minéraux connus les plus tendres. Contrairement à la croyance populaire, la plupart des sculptures inuites ne sont pas en pierre à savon mais bien en pierres beaucoup plus dures, comme le chrysotile, l'olivine, la chlorite, la serpentine ou la péridotite (Swinton, 1987). Même le granite et le quartz sont utilisés à l'occasion. La recherche d'une source permanente de pierre à sculpter de qualité constitue depuis longtemps un problème pour de nombreuses collectivités de l'Arctique, et le problème s'est aggravé davantage au cours de la dernière décennie (à quelques années près). Dans certains cas, des collectivités ont dû importer de la pierre et certains sculpteurs ont même commencé à utiliser du marbre qui est souvent noirci avec du cirage à chaussures.

L'os

Les sculpteurs inuits utilisent couramment des os de baleine, des os de caribou et des bois de cervidé. Ces deux derniers types de matières servent habituellement à créer de petits objets sculptés, tandis que les os de baleine sont plus souvent utilisés pour les pièces de taille moyenne et de grande taille. Les os sont en grande partie constitués de matière inorganique qui leur assure résistance et rigidité. Ils comprennent aussi une substance organique molle qui assure leur croissance et facilite leur guérison lorsqu'ils font encore partie d'un animal vivant (pour plus d'information à ce sujet, consulter la Note de l'ICC 6/1 Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé). Cet élément organique a habituellement subi une détérioration bien avant que l'os ne soit sculpté. Les os comprennent une partie centrale spongieuse où se trouve la moelle. Dans le cas des objets sculptés en os de baleine, cette zone peut être particulièrement large (figure 1).

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120279-0002

Figure 1. Os de baleine comportant une portion intérieure spongieuse.

L'ivoire

L'ivoire de morse constitue la matière qui est, de loin, la plus couramment utilisée dans les sculptures inuites. Certains ivoires proviennent toutefois des défenses de narval ou des dents de baleine du Groenland.

L'ivoire est essentiellement composé de la même matière qu'une dent. L'ivoire de morse se caractérise par une couche extérieure de dentine de couleur crème et d'une couche intérieure de dentine secondaire, qui a un aspect cristallin. L'examen minutieux de la plupart des objets sculptés en ivoire de morse permet généralement de distinguer la couche de dentine secondaire et celle de dentine ordinaire (figure 2).

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Figure 2. Ivoire de morse : la coupe longitudinale illustre la dentine secondaire intérieure entourée d'une couche extérieure de dentine.

Les défenses de narval – les fameuses « cornes de licorne » des fables – ont un aspect non équivoque qui se caractérise par leur longueur (elles peuvent atteindre 2,5 m) et leur forme torsadée. Les dents de grand cachalot sont légèrement recourbées et beaucoup plus petites, car elles peuvent atteindre au plus quelque 15 cm de longueur (pour plus d'information à ce sujet, consulter la Note de l'ICC 6/1 Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé).

Les fanons

Les fanons sont des éléments rigides, mais tout de même flexibles, qui sont fixés dans la mâchoire supérieure et garnissent la bouche de nombreuses espèces de baleines. Les fanons servent de filtres ou de tamis pour retenir le krill et d'autres organismes du zooplancton dont se nourrissent les baleines. Dans les sociétés occidentales du XIXe siècle et du début du XXe siècle, les fanons étaient utilisés, entre autres, comme fouets, par les cochers de fiacre, et comme supports pour les corsets de femmes. Bien que les fanons soient souvent appelés « os de baleine », ils sont en réalité composés de kératine, soit la même substance qui se trouve dans les cheveux et les ongles. Ils sont habituellement noirs, mais on en trouve aussi des gris et même des jaunes blanchâtres. Il est rare que des fanons soient intégrés à des sculptures inuites, mais ils sont parfois découpés en minces lanières qui servent à tresser des petits paniers, plus particulièrement en Alaska. De petits morceaux de fanons peuvent parfois être observés sur des bijoux tels que des broches, des bagues et des boucles d'oreilles; et les objets archéologiques comportent souvent des lanières minces découpées dans des fanons, qui servent de fixations (figure 3). À l'occasion, une plaque complète de fanons (dont les dimensions peuvent atteindre 4,5 m de longueur et 40 cm de largeur) peut être sculptée le long de sa tranche afin de créer une scène en silhouette.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 101725-0002

Figure 3. Tête de harpon faite d'os et d'ivoire de morse. Les pièces sont maintenues en place à l'aide de fixations fabriquées avec des fanons.

L'entretien, la manipulation et l'exposition de sculptures inuites

La pierre

La pierre semble être une matière résistante et résiliente, mais les sculptures inuites peuvent tout de même être endommagées si leur manipulation ou leurs conditions d'entreposage ou d'exposition sont inadéquates. Comme il a été indiqué précédemment, ces objets sculptés en pierre peuvent être composés de matières très tendres (la stéatite), de matières très dures (le granite) et de tout ce qui se situe entre les deux. Même dans le cas de pierre plus dure, il est assez fréquent que des marques blanchâtres se forment à leur surface, là où elles ont été en contact avec d'autres sculptures ou avec des surfaces dures de natures diverses (figure 4). Les objets sculptés présentent souvent des égratignures blanchâtres causées par des bagues, des montres ou des boucles de ceinture. Il est donc recommandé d'enlever ces accessoires, dans la mesure du possible, lors de la manipulation de sculptures en pierre.

Les égratignures et les traces d'abrasion peu importantes peuvent souvent être masquées par l'application d'une petite quantité de cire pigmentée. Pour obtenir de plus amples renseignements et des conseils en la matière, consulter un restaurateur qualifié ou communiquer avec l'Institut canadien de conservation.

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Figure 4. Sculpture en pierre à savon d'un morse présentant des égratignures profondes.

Les pierres provenant de certaines régions comportent des inclusions de pyrite de fer, lesquelles ont un aspect de rouille et se retrouvent dans les filons de ces pierres (figure 5). De telles inclusions peuvent causer des problèmes, comme le clivage de la matière et la formation de taches à sa surface, car ils peuvent corroder dans des conditions ambiantes humides. Les produits de corrosion prennent de l'expansion et provoquent le clivage et l'écaillage de la pierre adjacente. Les sculpteurs utilisent parfois un adhésif à base de résine époxyde pour combler ces lacunes. Toutefois, ce matériau de traitement est visible lors d'un examen minutieux de l'œuvre (figure 6).

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 99195-0002

Figure 5. Les inclusions de pyrite de fer ont l'aspect de traits de couleur rouille dans la pierre.

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Figure 6. Le matériau de remplissage (probablement une résine époxyde) a servi à combler une lacune dans la pierre.

Certaines pierres sont assez poreuses et peuvent être tachées par l'apposition d'étiquettes, par exemple une étiquette de prix, sur leur surface (figure 7). De même, si les zones pâles de la pierre sont manipulées ou touchées régulièrement, les huiles naturelles des mains peuvent rendre ces zones plus foncées.

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Figure 7. Sculpture défigurée par des taches laissées par un résidu de ruban adhésif.

Il faut, dans la mesure du possible, réduire au minimum la manipulation des sculptures en pierre et, lorsque cette dernière est absolument nécessaire, le port de gants est conseillé. Les gants en nitrile constituent le meilleur choix, car ils ne posent pas de problèmes en matière d'allergies comme ceux faits de latex. Il faut éviter l'emploi de gants en coton blanc, car ils n'assurent pas une bonne prise sur les objets en pierre dont la surface est lisse. Lorsqu'on ne dispose pas de gants en nitrile, il faut bien se laver les mains avant de manipuler les sculptures.

La plupart du temps, un léger dépoussiérage exécuté avec un chiffon de coton doux et une brosse à poils doux (pour traiter les zones difficiles d'accès) est suffisant pour assurer la propreté des sculptures en pierre. Le mouvement de dépoussiérage doit être fait en dirigeant la poussière vers l'embout du tuyau d'un aspirateur recouvert d'un grillage fin ou d'une étamine, fixé à l'aide d'une bande élastique, pour empêcher les petits morceaux pouvant être accidentellement délogés de la sculpture d'être aspirés. Il est possible de traiter les sculptures qui ont été cirées en les polissant légèrement avec un chiffon de coton doux, ce qui leur redonnera leur lustre d'origine.

Alors que les premières sculptures inuites en pierre des années 1950 et 1960 étaient basses et stables, de nos jours, beaucoup de sculptures sont très élaborées. Bien souvent, leur point d'appui est une patte, une nageoire ou un pied, ce qui transfère leur centre de masse dans la partie supérieure de l'œuvre et les rend donc plus faciles à renverser. Dans cet ordre d'idée, il est important d'évaluer soigneusement la répartition du poids de l'objet et l'emplacement de son point d'équilibre. Si l'objet est particulièrement instable, il pourrait être avantageux d'utiliser un support construit sur mesure. Pour obtenir de plus amples conseils, communiquer avec l'Association canadienne des restaurateurs professionnels ou avec un musée de votre région.

La mise en exposition des sculptures en pierre doit se faire en prenant toutes les précautions nécessaires. Les sculptures ne doivent pas être placées dans des endroits passants où elles peuvent être accidentellement renversées ou encore sur des étagères où les vibrations peuvent favoriser leur « déplacement » jusqu'au bord des tablettes. Il faut aussi tenir compte de la possibilité de chute des sculptures dans de telles conditions et choisir un emplacement adéquat où elles ne tomberont pas sur un plancher dur ou sur des objets adjacents. Si les aires d'exposition sont ouvertes aux enfants, il serait sage de placer les sculptures en un lieu sûr qui se situe hors de leur portée.

L'os et l'ivoire

L'os est une matière assez résiliente mais il peut se rompre s'il tombe sur une surface dure ou peut s'ébrécher ou s'enfoncer à la suite d'un impact avec le bord d'une tablette. Les sculptures en os de baleine entièrement faites de la section spongieuse de l'os posent un problème distinct (figure 8). Ces objets sont extrêmement fragiles et de petits morceaux se détachent chaque fois qu'ils sont manipulés. Ils doivent donc être protégés à l'aide d'un support permanent qui servira à les déplacer, au besoin. Pour obtenir des conseils sur la fabrication de tels supports, communiquer avec un restaurateur qualifié.

Les techniques de nettoyage des sculptures en os dur et lisse et en bois de cervidé sont les mêmes que celles mentionnées précédemment pour les objets en pierre.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120279-0006

Figure 8. Sculpture entièrement faite de la section spongieuse d'un os de baleine; il est presque impossible de la manipuler sans l'endommager.

Une sculpture en os de baleine peut parfois contenir une certaine quantité d'huile d'origine. Dans ce cas, la partie où se trouve la moelle se caractérise par une couleur très foncée et une odeur quelque peu putride; dans des conditions extrêmes, l'huile peut même s'écouler de l'objet sur les surfaces adjacentes. De tels problèmes sont complexes et il est recommandé de demander les conseils d'un restaurateur qualifié.

Il faut exposer les sculptures en os de baleine, tout comme celles en pierre, en prenant les précautions pertinentes afin d'empêcher qu'elles ne soient renversées et subséquemment endommagées. Les objets en os, et particulièrement ceux en os de baleine, présentent un autre problème majeur, soit l'accumulation de poussières et de saletés dans les sections spongieuses de l'os, qui possèdent une structure hautement tridimensionnelle. Le traitement inadéquat de ces sections lors du nettoyage, et ce, même s'il est exécuté avec les meilleures intentions, peut endommager l'objet. Il est possible d'effectuer le nettoyage des sections plus poreuses situées au centre d'un os ou d'un bois de cervidé en les brossant délicatement avec un petit pinceau à aquarelle composé de poils doux. Comme il a été mentionné précédemment, le dépoussiérage doit toujours se faire en dirigeant la poussière vers l'embout du tuyau d'un aspirateur recouvert d'un grillage fin ou d'une étamine. Il ne faut en aucun cas utiliser un chiffon doux en coton, car il pourrait s'accrocher aux aspérités de la surface irrégulière de l'os et endommager la sculpture.

Les sculptures de ce type devraient idéalement être exposées dans une vitrine étanche (pour plus d'information à ce sujet, consulter la Note de l'ICC 6/1 Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé).

Les objets sculptés en ivoire sont fondamentalement fragiles et un choc physique peut facilement les briser. Il faut réduire au minimum leur manipulation et, lors de leur exposition, s'assurer qu'ils sont stables et que l'environnement est sans danger.

L'os et l'ivoire, tout comme le bois, se dilatent et se contractent lorsqu'ils absorbent ou libèrent de l'humidité. Conséquemment, ils peuvent subir un gauchissement et même se fissurer s'ils sont exposés à de rapides et fréquentes fluctuations de l'humidité relative (figure 9), ce qui constitue un sujet de préoccupation particulièrement important dans le cas de l'ivoire, surtout si la matière est mince.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120279-0007

Figure 9. Cette sculpture de phoque en ivoire de morse s'est fissurée après avoir été exposée à des fluctuations rapides et exceptionnelles de l'humidité relative.

Il faut prendre les mesures nécessaires pour assurer la stabilité de l'humidité relative et de la température du milieu et, ce qui est encore plus important, il faut prévenir l'exposition des objets à des conditions extrêmes ou à de rapides fluctuations de celles-ci. La solution la plus simple consiste à exposer les objets en ivoire dans une vitrine étanche et à les entreposer dans un contenant (p. ex. de marque Tupperware), après les avoir soigneusement enveloppés dans du papier de soie ou du tissu de coton. Ces dispositifs jouent le rôle de barrières et réduisent la vitesse d'échange d'air et d'humidité avec le milieu ambiant. Il faut en outre protéger l'ivoire contre toute source de chaleur et toute variation rapide de la température. Les objets en ivoire ne doivent pas être exposés directement à la lumière du soleil ou à des sources de lumière intense, et il faut éviter de les placer à proximité de conduits de chauffage ou de ventilation, de foyers, de murs extérieurs et de fenêtres ou encore sur des appareils électriques et électroniques (p. ex. les ordinateurs, les radios et les téléviseurs).

Si l'objet est en bon état physique, les saletés et les salissures de surface ordinaires peuvent être retirées sans danger. Dans bien des cas, un léger dépoussiérage à l'aide d'une brosse à poils doux est suffisant pour assurer le nettoyage de l'objet. Comme il a été indiqué précédemment, le dépoussiérage doit toujours se faire en dirigeant la poussière vers l'embout du tuyau d'un aspirateur recouvert d'un grillage fin ou d'une étamine.

Dans certains cas, un simple dépoussiérage ne suffit pas à bien nettoyer l'os ou l'ivoire. Il est alors possible de laver les objets en ivoire ou en os non poreux avec une solution aqueuse de détergent anionique, par exemple ceux de marque Ivory Neige ou WA Paste (mélange de cinq millilitres de détergent anionique par litre d'eau de lavage). La solution est appliquée à l'aide de cotons-tiges, en petites quantités suffisantes pour humecter la surface. Le coton-tige doit être tamponné sur une serviette propre afin d'éliminer l'eau en excès avant de toucher la surface de l'objet. Nettoyer quelques centimètres carrés à la fois. La surface ne doit rester humide que quelques secondes, puis elle doit immédiatement être séchée à l'aide d'un autre coton-tige ou d'un chiffon doux.

Nettoyer de nouveau la surface traitée, mais en utilisant uniquement de l'eau afin d'éliminer toute pellicule de détergent ou tout résidu qui pourrait jaunir ou endommager l'objet au fil du temps. Éviter l'application d'eau sur des surfaces fissurées ou poreuses, car le liquide a alors tendance à pénétrer par capillarité dans les fissures et les interstices, ce qui peut entraîner le gauchissement de la surface ou une fissuration plus sérieuse.

Il ne faut jamais laisser tremper un objet en ivoire. Au fil des ans, l'ivoire peut se couvrir d'une « patine » jaunâtre. Cette transformation est le résultat d'un processus naturel de vieillissement et il ne faut jamais chercher à enlever cette patine. Tout essai visant à procéder au blanchiment de l'ivoire en le frottant avec une eau savonneuse ou en le faisant tremper dans des solutions de blanchiment pourrait endommager la surface de manière irrémédiable (pour plus d'information à ce sujet, consulter la Note de l'ICC 6/1 Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé).

Les fanons

Les fanons sont généralement très résistants. Les larges plaques de fanons tendent toutefois à se fendre le long de leur axe longitudinal si elles sont pliées ou repliées, ou encore si elles sont manipulées inadéquatement. Les fanons prélevés lors de fouilles archéologiques présentent parfois une délamination des couches, ce qui produit des zones plus pâles ainsi que le soulèvement et l'écaillage de la surface.

Puisque les fanons sont constitués de kératine, ils peuvent attirer des insectes, comme les anthrènes des tapis et les mites qui se nourrissent d'autres types de kératine, par exemple celle des cheveux, de la laine et des plumes. Il est rare de trouver des fanons endommagés. Il faut néanmoins les manipuler avec grand soin et leur assurer un support adéquat lors de leur exposition. S'ils doivent être entreposés, il faut vérifier leur état régulièrement afin de repérer toute attaque par des insectes (consulter à cet effet la Note de l'ICC 3/1 Stratégies de lutte préventive contre les infestations et méthodes de détection et la Note de l'ICC 3/2 Détection des infestations : inspections des installations et liste de contrôle).

Autres matériaux connexes

Les sculptures inuites sont souvent assemblées à partir de diverses pièces et, par conséquent, des matériaux connexes différents sont associés à l'œuvre, comme de la babiche, des lanières de cuir brut, des outils en ivoire et des chevilles de fixation en bois (figure 10). Les premiers objets sculptés qui datent des années 1950 et 1960 comprennent parfois des morceaux de plastique provenant de vieux disques et d'autres sources qui étaient insérés dans la sculpture pour représenter, entre autres, les yeux. Des fanons, des morceaux de cire colorée, du cirage, des gommes en caoutchouc roses et même des morceaux de savon ont aussi été employés comme incrustations (Blodgett, 1977).

Plus récemment, certains sculpteurs ont aussi commencé à intégrer de l'argent sterling à leurs œuvres. Ce métal précieux peut toutefois ternir au fil du temps ou, s'il est manipulé de manière inadéquate, sa couleur peut subir une altération et même noircir. Pour obtenir des conseils relatifs à l'entretien et au nettoyage de l'argent, consulter la Note de l'ICC 9/7 Le soin de l'argent.

Les matériaux connexes peuvent parfois être plus fragiles que la matière principale de la sculpture. Il est donc important de tenir compte de ces éléments, particulièrement lors de la manipulation des sculptures ou du nettoyage de la surface.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 2004446-0001

Figure 10. Sculpture en pierre comportant une lanière en peau fragile.

La réparation des sculptures endommagées

Il vaut mieux consulter un restaurateur avant d'entreprendre la réparation d'une sculpture endommagée. Le collage de morceaux brisés peut constituer un problème beaucoup plus complexe que ce qui était initialement prévu. Par exemple, certaines pièces, si elles ne sont pas assemblées dans le bon ordre, peuvent se trouver « verrouillées », sans aucune possibilité de les intégrer à l'ensemble. De nombreux adhésifs commerciaux peuvent jaunir avec le temps et produire des traits de colle peu esthétiques, tandis que d'autres peuvent devenir moins résistants et entraîner une défaillance, plus particulièrement s'ils ont été appliqués dans des zones portantes. De plus, la couleur de certains matériaux de remplissage peut s'altérer au fil du temps et, si les matériaux ne sont pas assez flexibles, ils peuvent causer des dommages additionnels en empêchant le matériau adjacent de se dilater et de se contracter, au besoin. Ce problème peut particulièrement survenir dans le cas des objets en ivoire.

Les experts de l'Institut canadien de conservation peuvent fournir une vaste gamme de conseils en matière de nettoyage des sculptures et de conditions optimales pour leur exposition et leur entreposage.

De nombreuses sculptures inuites sont de petite taille et ont une grande valeur. Il faut donc prendre des mesures adéquates afin de prévenir les vols, notamment en les exposant dans des vitrines verrouillées ou des endroits qui sont réellement hors de portée du public.

L'effet recherché par l'artiste

Il est important de toujours tenir compte du fait qu'en vertu des lois sur les droits d'auteur, il faut consulter l'artiste dont l'œuvre sera modifiée ou exposée dans des conditions différentes de celles propres à l'effet recherché par l'artiste. En règle générale, la meilleure méthode de préservation des objets consiste à les modifier le moins possible. Les pratiques de conservation fournies dans le présent document portent principalement sur les moyens permettant de préserver la plus grande partie possible de la matière d'origine ainsi que l'effet recherché par l'artiste.

Bibliographie

BLODGETT, J. Port Harrison / Inoucdjouac, The Winnipeg Art Gallery, Winnipeg (Manitoba), 1977.

SWINTON, G. Sculpture of the Eskimo, McClelland and Stewart, Toronto (Ontario), 1987.

Tom Stone

Également publié en anglais.

Also available in English.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2016

ISSN 1928-5272

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