Chapitre 3 : L'avocat de la défense

LES QUALIFICATIONS

Tous les avocats mutés au DSAD sont des professionnels qualifiés et qui sont inscrits au tableau du Barreau d'une des provinces ou territoires du Canada. Dans le but de parfaire leur habileté en matière de défense, ceux-ci reçoivent régulièrement une formation académique des plus élaborées, tout en maintenant continuellement à jour leurs connaissances juridiques.

Tel qu'indiqué au Chapitre 1, les avocats du DSAD, tout en respectant leur serment d'officier militaire, ne doivent pas violer celui qu'ils ont prêté en tant que membres du Barreau de la province ou du territoire auxquels ils appartiennent respectivement. Ils sont donc requis de se conformer à chacun des codes d'éthique qui leur sont propres, ou aux règles de déontologie1. De plus, chacun d'eux est membre d'office de l'Association du Barreau canadien et doit respecter les règles de conduite qu'elle a émises.

Le rôle d'un avocat du DSAD est en tout point identique à celui d'un avocat civil chargé d'assurer la défense d'un accusé, devant un tribunal de juridiction criminelle : c'est à dire de représenter son client et, dans le respect des lois et de l'éthique professionnelle, lui procurer la meilleure défense possible. C'est dans ce même esprit et face aux mêmes obligations professionnelles2 que l'avocat du DSAD devra principalement assumer ses responsabilités envers son client.

LE DEVOIR DE L'AVOCAT DE LA DÉFENSE

Un avocat du DSAD doit se considérer, dans la pure tradition du mot, le défenseur des intérêts de son client : puisqu'en effet, il l'aide et parle et plaide en sa faveur3. L'avocat est la personne qui a été retenue afin d'articuler et de présenter favorablement la position et la cause de son client. Un avocat de la défense a donc l'obligation de s'y consacrer avec force et courage et en toute indépendance. Dans un tel ordre d'idées, tous les Barreaux énoncent qu'un avocat « représente son client ou sa cliente avec fermeté et dignité, dans le respect des lois en vigueur »4. Il doit, comme tous ses confrères, respecter les règles d'éthique et de déontologie du Barreau auquel il est inscrit. Celles-ci posent certaines limites et indiquent jusqu'où il peut aller, dans les moyens à prendre, pour défendre son client. Chaque Barreau affiche une liste imposante5 des actes et inconduites que les avocats-membres ont l'obligation d'éviter. Cependant, on peut la résumer en affirmant que tous les avocat doivent se conduire avec honneur et intégrité6 et éviter toute conduite ou activité qui puisse donner raison à la critique malveillante ou à un reproche défavorable.

La directive 1 du DSAD

Tous les avocats du DSAD doivent connaître et suivre le code d'éthique ou les règles de la déontologie ou de la conduite professionnelle d'un avocat, émises par le Barreau au tableau duquel ils sont inscrits, ainsi que le code de déontologie professionnelle de l'Association du Barreau canadien. En cas de doute au sujet d'un acte à poser ou d'une décision à prendre, touchant les responsabilités ou devoir d'avocat militaire, les avocats du DSAD devront consulter le directeur à ce sujet, ainsi que leur Barreau respectif, si nécessaire.

LES CONFLITS D'INTÉRÊTS7

Tel qu'indiqué précédemment, c'est envers les intérêts de son client que l'avocat du DSAD doit porter sa loyauté, tout en demeurant, bien entendu, dans les limites des lois et des règles des codes de déontologie pertinentes. Sur ce point, les règlements de ces derniers interdisent aux avocats de fournir en même temps des conseils ou de représenter les intérêts des deux parties opposées8. Ceci peut poser un défi de taille à l'avocat chargé de la défense, qui doit éviter les situations qui pourraient le placer en conflit d'intérêts. Une telle situation peut se définir ainsi :

Il y a conflit d'intérêts lorsque les intérêts en présence sont susceptibles d'inciter l'avocate ou l'avocat à préférer des intérêts à ceux d'une cliente ou d'un client actuel ou éventuel ou d'affecter son jugement et sa loyauté envers cette personne 9.

Le defi s'avère souvent d'autant plus grand que les situations de conflit ne sont pas toujours facile à discerner. À cet égard, il est important de noter que de nos jours, et particulièrement à l'égard des FC, il est fréquent de constater que la perception est souvent associée à la réalité et, dans certains cas, lui est préférée.

L'AVOCAT DE LA DÉFENSE ET LA CHAÎNE DE COMMANDEMENT

La chaîne de commandement s'avère de tous les éléments caractéristiques aux FC, celui qui touche l'ensemble de toute la hiérarchie militaire; et les avocats du DSAD ne sont pas exempts de cette réalité. Dans le contexte des activités qui les occupent, ils répondent directement au DSAD, qui est à la fois un officier supérieur et un superviseur. Au sûrcroit, l'entière organisation est sous la supervision générale du JAG10. Finalement, étant soumis au Code de discipline militaire, ils sont tenus d'obéir à tout ordre légitime d'officiers supérieurs11.

Il est donc évident qu'il existe au niveau de l'unité un conflit qui demeure irréconciliable entre les intérêts de la chaîne de commandement et ceux des avocats chargés de défendre un militaire. La première entité est responsable de l'administration de la discipline et de ce qui en découle soit, poursuivre et punir les présumés contrevenants. D'autre part, l'avocat de la défense doit protéger et faire progresser les intérêts de ces mêmes contrevenants.

Comme il a déjà été observé12, l'encadrement conféré au DSAD par la loi et les règlements permet à ses avocats, dans toute la mesure où cela s'avère possible dans une organisation militaire, de se détacher de l'influence de la chaîne de commandement et de répondre en toute indépendance, aux exigences et aux responsabilités qui leur incombent13. Conséquemment, dans l'exercice légitime de leurs fonctions et en autant qu'elles sont menées conformément à l'éthique de leur profession, les avocats du DSAD ont l'assurance législative d'être protégés de toute influence ou autorité qui pourrait être, ou tenter d'être, exercée sur eux par la chaîne de commandement.

Cela ne signifie pas qu'ils peuvent ignorer ou bouder la chaîne de commandement. Au contraire, ils ne doivent jamais oublier la nécessité de gagner le respect de tous les militaires et d'agir envers tous et chacun avec courtoisie et avec les égards qui leur sont dus. De plus, en tant que membres des FC, ils sont non seulement soumis au Code de discipline militaire, mais on attend aussi d'eux qu'ils se conforment aux règles d'éthique que leur grade d'officier militaire commande.

Il faut ajouter que c'est fondamentalement à la chaîne de commandement qu'il incombe de veiller au bien-être d'un présumé contrevenant et de lui fournir l'aide auquel il est en droit de s'attendre comme militaire. L'avocat de la défense doit donc connaître et savoir se servir des nombreuses ressources que la chaîne de commandement est en mesure de lui procurer dans divers domaines tels l'obtention de témoins, l'accès à de l'information spécialisée, ou simplement un soutien administratif.

La directive 2 du DSAD

Les avocats du DSAD doivent toujours respecter la chaîne de commandement, sans pour autant agir d'une façon qui pourrait laisser croire qu'ils sont dépendants de celle-ci ou qui jetterait un doute quant à leur loyauté à l'endroit de leur client.


Notes en bas de page

1 Le droit de pratique de l'avocat est réglementé dans chaque province, et territoire, par des sociétés, communément appelées en français Barreaux. Chacun d'eux a codifié des règles de conduite, auxquelles doivent adhérer tous leurs membres (p. ex., le Code de déontologie du Barreau du Haut Canada ou le Code de déontologie professionnelle de l'Association du Barreau canadien). Ceux-ci ont pour but d'assurer la bonne conduite de ses membres, qu'ils encadrent d'ailleurs d'un comité de discipline, dont les sanctions aux violations de ces règles vont de la suspension à la révocation du droit de pratique.

2 Le commentaire no. 2 de la règle 10 du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada indique en partie que : « ... L'avocate ou l'avocat a le devoir de soulever résolument tous les points, de faire valoir tous les arguments et de poser toutes les questions, si déplaisantes soient-elles, qu'il estime favorables à la cause de son client ou de sa cliente. Il doit aussi chercher à utiliser tous les recours et moyens de défense autorisés par la loi qui sont à l'avantage de son client ou de sa cliente ».

3 Voir la définition « d'avocat » et « défenseur » dans le dictionnaire de la langue française Le Petit Robert (édition 1976) aux p.130-132 et 422, respectivement.

4 La note 1 du chapitre IX du Code de déontologie professionnelle de l'Association du Barreau canadien et la règle 10 du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada.

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Une deuxième dimension du conflit d'intérêts est décrite au chap. 5 de ce précis.

8 Le chap. V du Code de déontologie professionnelle de l'Association du Barreau canadien et la règle 5 du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada.

9 La règle 5 du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada.

10 L'art. 249.2(1) de la LDN.

11 Voir l'art. 83 de la LDN et l'art. 19.015 des ORFC.

12 Voir le chapitre 2 de ce précis, intitulé « L'indépendance et la chaîne de commandement ».

13 Ibid.

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