Rapport annuel 2024-2025 du Directeur du Service d'avocats de la défense

Aperçu

1. Ce rapport couvre la période du 1er avril 2024 au 31 mars 2025. Il est préparé conformément au paragraphe 101.11(4) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), qui énonce les services juridiques dont l’exécution est confiée au directeur du Service d’avocats de la défense (Directeur) et exige qu’il fasse rapport annuellement au juge-avocat général (JAG) sur la prestation des services juridiques et l’exécution des autres tâches entreprises dans le cadre du mandat du Service d’avocats de la défense (SAD).

Rôle du Service d’avocats de la défense

2. Conformément à l’article 249.17 de la Loi sur la défense nationale (LDN), « Tout justiciable du Code de discipline militaire a le droit d’être représenté dans les cas et de la manière prévus par règlement du gouverneur en conseil ». Le SAD est l’organisation chargée d’aider les particuliers à exercer ces droits.

3. Conformément à l’article 249.18 de la LDN, le Directeur est nommé par le ministre de la Défense nationale (MDN).  L’article 249.2 prévoit que le Directeur « exerce ses fonctions sous la direction générale du juge-avocat général » et prévoit que le JAG « peut, par écrit, établir des lignes directrices ou donner des instructions concernant les services d’avocats de la défense ». Le paragraphe 249.2(3) prévoit qu’il incombe au Directeur de veiller à ce que les instructions générales ou les directives émises en vertu de cet article soient mises à la disposition du public. Aucune directive de ce type n’a été émise cette année.

4. Le Directeur est mandaté conformément à l’article 249.19 de la LDN de fournir et diriger la prestation des services juridiques du SAD. Ces services peuvent être divisés en deux catégories : les « conseils juridiques », où des conseils de nature plus générale sont fournis, souvent à la suite d’appels à la ligne d’avocats de garde, et la « représentation juridique », qui implique généralement une relation avocat-client soutenue avec un avocat désigné et la représentation d’un accusé devant une cour martiale (CM), la Cour d’appel de la cour martiale du Canada (CACM) ou la Cour suprême du Canada (CSC). Historiquement et occasionnellement, les avocats ont également comparu devant les commissions provinciales d’examen de la santé mentale et la Cour fédérale.

5. Des conseils juridiques sont offerts lorsque des militaires :

  1. font l’objet d’une enquête en vertu du Code de discipline militaire (CDM), d’une enquête sommaire ou d’une commission d’enquête, souvent lorsqu’on leur demande de faire une déclaration ou qu’ils sont contraints d’agir contre leurs intérêts;
  2. sont arrêtés ou détenus, au cours de la période de 48 heures pendant laquelle l’officier réviseur doit rendre une décision quant à leur remise en liberté;
  3. demandent des conseils de nature générale en prévision d’une audience sommaire;
  4. songent à présenter une demande au commandant pour modifier des conditions qui leur sont imposées;
  5. préparent une demande de révision de la décision ou de la sanction qui a été imposée lors d’une audience sommaire, ou s’ils songent à présenter une telle demande.

6. Les services de représentation juridique sont fournis par un avocat dans les cas suivants :

  1. un officier réviseur refuse de libérer une personne arrêtée, de sorte qu’il est nécessaire de tenir une audience, devant un juge militaire (JM), visant à déterminer si elle doit être maintenue sous garde;
  2. des militaires demandent ou font l’objet d’une révision judiciaire à propos des conditions de libération qui ont été imposées par un officier réviseur;
  3. il y a des motifs raisonnables de croire qu’un accusé est inapte à subir un procès;
  4. il y a mise en accusation pour une CM;
  5. des militaires demandent à un JM de modifier une peine discontinue ou les conditions imposées par une CM, ou à un juge de la CACM lorsque les conditions sont imposées par cette cour;
  6. des militaires ont interjeté appel devant la CACM ou la CSC, ou ils ont demandé l’autorisation d’interjeter appel, et le comité d’appel, établi par les ORFC, a approuvé la représentation aux frais de l’État;
  7. le MDN interjette appel auprès de la CACM ou de la CSC, lorsque les militaires souhaitent être représentés par le SAD.

7. Les obligations et les fonctions que la loi impose au SAD doivent être exercées en conformité avec nos obligations professionnelles et constitutionnelles d’agir dans l'intérêt supérieur des clients. Si les demandes de services juridiques dépassent le mandat du SAD, les militaires sont invités à retenir les services d’un avocat civil à leurs frais.

8. Le SAD n’a pas le mandat de représenter la personne accusée à une audience sommaire. Le système de justice militaire s’appuie sur le conseiller juridique des unités, généralement un juge-avocat adjoint, pour prodiguer des conseils à la chaîne de commandement sur le bien-fondé d’accusations et sur la conduite et la légalité de l’audience sommaire.

Mise à jour à propos de la réforme législative du système de justice militaire

9. Le projet de loi C-66, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois (Loi sur la modernisation du système de justice militaire) est expiré au Feuilleton. Par conséquent, bien que la loi prévoit encore que les cours martiales ont compétence pour juger une personne relativement à une infraction sexuelle visée par le Code criminel qui aurait été commise au Canada, en principe, ces types d’infractions sont jugées dans le cadre du système de justice pénale civil. Ces personnes accusées n’ont pas le droit à la représentation par un avocat du SAD et la question de leur accès à la justice reste en suspens, car aucune politique n’est mise en place pour leur fournir une représentation juridique. Ce projet de loi avait également comme objectif d’augmenter le niveau d’indépendance du Directeur.

L’organisation, l’administration et le personnel du Service d’avocats de la défense

10. Tout au long de la période de référence, l’organisation a été physiquement située au Centre Asticou à Gatineau, au Québec, bien qu’une posture de travail hybride soit en place. Une relocalisation des bureaux du SAD dans la région de la capitale nationale est prévue pour la fin de l’année civile.

Avocats de la défense militaires

11. Le bureau était composé du Directeur, du Directeur adjoint et de six avocats militaires de la Force régulière. De plus, l’équipe comprenait un avocat militaire de la Force de réserve travaillant à temps plein et six avocats de la Force de réserve travaillant à temps partiel dans divers endroits au Canada.

12. Le JAG a informé le SAD que 22 avocats militaires avaient indiqué que le SAD constituait l’une de leurs préférences en matière d’affectation. Dans la période visée par le rapport, trois avocats militaires ont été mutés au SAD; la majorité d’entre eux avaient de l’expérience en matière de litige avant de se joindre aux Forces armée canadiennes (FAC).

Soutien administratif

13. Le soutien administratif était assuré par deux employés de bureau occupant des postes classés aux niveaux CR-04 et AS-01, ainsi que par une parajuriste au niveau EC-03.

Avocats civils

14. Tel que le prévoit la LDN, le Directeur peut embaucher, aux frais de l’état et aux termes d’un contrat, des avocats civils pour aider les accusés dans les cas où, après avoir reçu une demande de représentation par le SAD, aucun avocat militaire n’est en mesure de les représenter. La passation de contrats se produit pour plusieurs raisons, mais principalement en raison d’un conflit d’intérêts réel ou potentiel, impliquant souvent la représentation d’un co-accusé par le SAD. Au cours de la période visée par le présent rapport, le Directeur a conclu des contrats avec des avocats civils pour représenter des militaires dans trois dossiers.

Financement

15. Au cours de l’exercice financier, les fonds suivants ont été dépensés.

Fonds Dépenses
C125 Frais des cours martiales (avocats, experts, déplacements et services) 222 432,86 $
L101 Frais de fonctionnement 66 450,57 $
L111 Rémunération des civils et indemnités 222 239,95 $
C127 (Solde) Solde et indemnités de la Force de réserve 280 643,55 $
C127 (O&M) Opérations et maintenance 8 583,98 $
  Total 800 350,91 $

16. Ce montant est légèrement inférieur à celui de l’année dernière en raison de l’imprévisibilité du nombre de causes et de la durée et du lieu des procès.

Services, activités et formation

Services d’avocats de garde

17. Des conseils juridiques sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour les militaires qui font l’objet d’une enquête, qui sont en détention ou qui requièrent des conseils relativement à la justice militaire.  Les avocats de garde reçoivent, en moyenne, de 10 à 15 appels par jour. Les conseils juridiques sont généralement fournis par l’intermédiaire de notre ligne d’avocats de garde, un numéro sans frais qui est distribué au sein de l’ensemble des FAC et qui est disponible sur notre site Web, ou par l’intermédiaire de la police militaire (PM) et d’autres autorités susceptibles de participer aux enquêtes et aux détentions en vertu du CDM.  Les avocats militaires assument à tour de rôle la fonction d’avocat de garde sur une base hebdomadaire tout en continuant à s’occuper de leur charge de travail régulière.

Services devant la cour martiale

18. Lorsqu’ils comparaissent devant une CM, les accusés ont le droit d’être représentés par un avocat du SAD aux frais de l’État, de retenir les services d’un avocat à leurs propres frais ou de décider de ne pas être représentés par un avocat.

19. Au cours de la période visée par le présent rapport, 25 membres ont sollicité les services d’un avocat militaire du SAD pour les représenter devant la CM. Si l’on ajoute les 39 dossiers reportés de la période précédente, la charge de travail pour cette période de rapport était de 64 cas. 

20. Quarante-quatre dossiers ont été terminés au cours de la période visée par le présent rapport. Parmi ces 44 dossiers, 12 militaires représentés par un avocat du SAD ont vu leurs accusations retirées, ou n’ont jamais fait l’objet de mise en accusation.

21. Au cours de la période visée par le présent rapport, les avocats du SAD ont assuré la représentation des personnes accusées devant 32 cours martiales. Dans deux dossiers, l’accusé a été déclaré non coupable de tous les chefs d’accusation. Dans 29 dossiers, l’accusé a été déclaré coupable ou a plaidé coupable à au moins une accusation. Il y a eu un arrêt des procédures au cours de la période visée par le présent rapport.

 

Dossiers de cours martiales pris en charge par le SAD

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Répartition du graphique : Dossiers de cours martiales pris en charge par le SAD
Dossiers de cours martiales pris en charge par le SAD
  Total de dossiers Reportés lors de l’exercice précédent Attribués Terminés En instance
2024-2025 64 39 25 44 40
2023-2024 105 62 43 65  
 

Résultats des affaires entendues par les cours martiales, exercice 2024-25

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Répartition du graphique : Résultats des affaires entendues par les cours martiales, exercice 2024-25
Résultats des affaires entendues par les cours martiales, exercice 2024-25
Issue des dossiers des cours martiales Accusations retirées ou aucune mise en accusation Coupable d’au moins une accusation Non coupable Arrêt des procédures
Exercice 2024-2025 12 29 2 1

22. La période visée par le rapport a vu une baisse importante du nombre de dossiers instruits devant la CM. Ceci peut s’expliquer par les motifs suivants : 1) une réduction du nombre de mises en accusations pour des infractions sexuelles visées par le Code criminel, 2) la PM décide de déposer des accusations devant le système de justice criminelle civil dans des situations qui auraient autrement été traitées par le système de justice militaire. Nous ne savons pas pourquoi la PM a adopté cette pratique, mais le SAD recueille actuellement de l’information objective afin de comprendre l'ampleur du problème et rendra compte de ses conclusions dans son prochain rapport.

Décisions notables des cours martiales

23. Dans l’affaire R c Allison (Monsieur), un civil qui était une personne à charge d’un membre des FAC affecté à l’extérieur du Canada a commis un acte qui n’était pas une infraction dans le pays en question, mais qui l’est au Canada. L’accusé a été déclaré coupable aux termes de l’article 130 de la LDN d’avoir conduit un moyen de transport alors que sa capacité de conduire était affaiblie, contrairement à l’alinéa 320.14(1)a) du Code criminel, et condamné à 30 jours d’emprisonnement. M. Allison a interjeté appel auprès de la CACM. La principale question en appel est de savoir si M. Allison aurait dû être poursuivi devant la CM; il fait valoir que cela devrait être le cas seulement : a) s’il était absolument essentiel de protéger l’appelant d’une juridiction étrangère, ou b) si cela était dans l’intérêt supérieur de l’appelant. La décision de la CM n’a pas encore été publiée et l’affaire est toujours en instance devant la CACM.

24. Dans l’affaire R c Fequet (Matc), l’accusé était inculpé de quatre infractions d’ordre militaire : ivresse contrairement à l’article 97 de la LDN, et trois infractions sur le fondement de l’article 130 de la LDN (deux chefs de voies de fait et un chef de voies de fait contre un agent de la paix). L’accusé aurait agressé deux marins avant l’arrivée sur les lieux de la PM.  L’interaction avec la PM a été enregistrée sur la caméra frontale du véhicule de la PM.  À l’arrivée de la PM, l’accusé était inconscient sur le sol.  Alors que la PM tentait de le mettre en position latérale pour s’assurer que ses voies respiratoires restaient ouvertes, l’accusé a repris soudainement conscience, s’est agité et a frappé l’un des policiers militaires au visage avec le revers de sa main.  Le JM a conclu que les actes de l’accusé à l’égard de la PM étaient des réflexes et l’a déclaré non coupable d’avoir agressé la PM. L’accusé a été acquitté d’un chef d’accusation de voies de fait et condamné pour les deux autres chefs d’accusation. La partie consacrée à la détermination de la peine par la CM n’est pas encore terminée.

25. Dans R c Weston (Cpl), à la suite d’un accident d’autobus, l’accusé a été accusé d’avoir utilisé un véhicule des FAC sans autorisation, contrevenant à l’article 112 de la LDN, et d’avoir brandi un couteau en public nécessitant l’intervention de la Gendarmerie royale du Canada, contrairement à l’article 129 de la LDN. Quelques semaines avant le début prévu du procès devant une cour martiale permanente, la poursuite a porté deux accusations supplémentaires dans un nouvel acte d’accusation : 1) ivresse contrairement à l’article 97 de la LDN et 2) conduite avec facultés affaiblies, en contravention de l’article 320.14 du Code criminel. La poursuite a retiré les deux actes d’accusation et a déposé un nouvel acte d’accusation comportant les quatre chefs d’accusation, ce qui a permis à l’accusé de faire un nouveau choix de procès. L’accusé a choisi d’être jugé devant une cour martiale générale. Lors du procès, la poursuite a retiré les accusations d’ivresse et de conduite avec facultés affaiblies avant la présentation de la preuve. L’accusé a soutenu qu’il n’avait pas brandi de couteau et que la poursuite n’avait pas prouvé que le véhicule qu’il conduisait était un véhicule des FAC. Les membres du comité ont acquitté l’accusé. Les comités ne publient pas leurs motifs, de sorte qu’il n’existe aucune version publiée de la décision.

26. Dans l’affaire R c Duguay (Cpl), 2024 CM 6002, l’accusé a été déclaré coupable d’une infraction d’ordre militaire contrairement à l’article 129 de la LDN pour avoir porté trois médailles qu’il n’avait pas reçues. Le JM a imposé la peine proposée dans la recommandation conjointe, consistant en un blâme assorti d’une amende de 2 000 $.

27. Dans la décision R c Lawless (Cpl), 2024 CM 3006, la cour a jugé qu’un combat de lutte consensuel entre deux membres des FAC constitue une lutte violente impliquant la force physique, ce qui contrevient à l’article 86 de la LDN. Dans le contexte de cette infraction, les combats constituent une menace pour la discipline dans un environnement militaire, par exemple en provoquant une querelle ou le désordre ou pouvant provoquer une querelle ou le désordre. Pour condamner le militaire, le JM a pris en compte que la bagarre s’était produite dans le couloir d’un immeuble utilisé comme quartier militaire, qu’elle ne faisait pas partie d’un entraînement militaire autorisé et qu’aucune mesure n’avait été mise en place pour assurer la sécurité des participants. L’accusé a été condamné à une amende de 400 $ et à une sanction de mise en consigne au quartier pendant 7 jours.

28. Dans l’affaire R c Morin (Cplc), 2024 CM 3022, 2024 CM 3023, l’accusé a percuté un véhicule des FAC contre une bordure sur une route à accès réglementé sur les lieux du quartier général de la défense (complexe Carling). Il a été accusé aux termes de l’alinéa 111(1)a) de la LDN, de conduite d’un véhicule des FAC d’une manière téméraire ou dangereuse pour une personne ou des biens, compte tenu des circonstances. Une enquête administrative sur un dysfonctionnement possible du coussin de sécurité gonflable a permis d’extraire les données du véhicule à partir du bloc de commande des coussins gonflables, qui ont ensuite été utilisées dans le cadre de l’enquête disciplinaire sans mandat de perquisition ni consentement de l’accusé. L’accusé a, sans succès, contesté l’admissibilité de la preuve recueillie à partir du bloc de commande des coussins gonflables, comme étant une violation de ses droits à la vie privée garantis par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). La demande a été rejetée. Le JM a conclu que, bien que l’accusé ait pu avoir une attente subjective en matière de protection de la vie privée concernant les données du bloc de commande des coussins gonflables, cette attente n’était pas objectivement raisonnable étant donné que le véhicule appartenait au gouvernement et que l’incident s’était déroulé sur le lieu de travail. En fin de compte, le JM a conclu que la poursuite n’avait pas prouvé hors de tout doute raisonnable que la conduite de l’accusé s’écartait de façon marquée de celle qu’une personne raisonnable aurait adoptée dans des circonstances semblables. L’accusé a été acquitté.

Services juridiques au niveau des cours d’appel

29. Lorsqu’un militaire est l’appelant et qu’il demande à être représenté aux frais de l’État par le SAD, il doit présenter une demande au Comité d’appel, établi en vertu de l’article 101.19 des ORFC, qui évalue le bien-fondé de l’appel. Les militaires intimés par un appel du MDN peuvent être représentés de plein droit par le SAD.

30. Le SAD a demandé l’autorisation d’interjeter appel à la CSC pour deux cas. L’autorisation d’interjeter appel a été rejetée dans un cas et une décision est attendue dans l’autre. Le SAD a représenté 12 membres devant la CACM (trois appels ont été déposés par le MDN et neuf ont été déposés par l’accusé).

Décisions de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada

Appels déposés par le SAD

31. Dans l’arrêt R c Sutherland (Cplc), 2024 CACM 4, le membre a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité pour agression sexuelle, en faisant valoir que la JM n’avait pas correctement appliqué le droit en matière d’identification par témoin oculaire. La CACM a conclu que la JM était consciente des difficultés liées aux preuves d’identification et qu’elle n’avait pas commis d’erreur de droit, de sorte que la question de la suffisance de l’identification par témoin oculaire était une détermination d’un fait à l’égard de laquelle il fallait faire preuve de déférence. La CACM a donc rejeté l’appel.

32. Dans l’arrêt R c Meeks (Sgt), 2024 CACM 9, le membre a été déclaré coupable de voies de fait infligeant des lésions corporelles, et condamné à 30 jours de détention. Durant sa mise en liberté pendant l’appel, le membre fût réputé médicalement invalide et administrativement libéré par les FAC. Les principales questions soulevées dans l’appel étaient de savoir si une libération administrative rendait une peine de détention caduque et si le reste de sa peine de 22 jours de détention devait être suspendue. La CACM a conclu que l’arrêt R c Tupper, 2009 CACM 5, devrait être interprété de façon étroite, comme appuyant le principe que la cour d’appel, lorsqu’elle examine la justesse d’une peine, peut prendre en considération la libération administrative qui a eu lieu après l’imposition de cette peine. Lorsque la détention, la destitution ou toute autre peine propre au milieu militaire ne remplit aucun des objectifs de détermination de la peine vu la libération du contrevenant, la peine pourrait être inefficiente et inefficace ou théorique, mais elle n’est pas invalide et sans effet. La CACM a accueilli l’appel et a suspendu le reste de la période de détention.

33. Dans l’arrêt R c Kohlsmith (Sgt), 2024 CACM 8, le membre a été déclaré coupable d’agression sexuelle. L’appel soulevait la question de savoir si le droit constitutionnel du membre d’être jugé dans un délai raisonnable, conformément à l’alinéa 11b) de la Charte, avait été violé. La CACM a conclu que le JM n’avait commis aucune erreur susceptible de contrôle dans l’une ou l’autre de ses décisions relatives à l’alinéa 11b) et a rejeté l’appel.

34. Dans l’arrêt R c JL (Sdt), 2024 CACM 10, l’appel soulevait la question de savoir si les mineurs accusés d’une infraction d’ordre militaire et qui font l’objet d’une poursuite devant le système de justice militaire bénéficient du principe de justice fondamental, garantit en vertu de l’article 7 de la Charte, qui présume une culpabilité morale moins élevée. Le membre, âgé de 17 ans, avait été déclaré coupable d’agression sexuelle et de comportement déshonorant. Se fondant sur l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, la CACM a donné une interprétation atténuée du paragraphe 60(1) de la LDN lorsqu’elle s’applique aux personnes âgées de moins de 18 ans. La disposition exclut dorénavant toutes les infractions d’ordre militaire énoncées à la section 2 de la partie III de la LDN, sauf les infractions pour lesquelles les juges militaires ont le pouvoir discrétionnaire d’infliger, sur déclaration de culpabilité, une peine qui permet d’éviter les conséquences liées à l’application de la Loi sur le casier judiciaire. La CACM a ordonné l’arrêt des procédures relatives aux accusations qui avaient été portées.

35. Dans l’arrêt R c O’Dell (Cpl), 2024 CACM 5, le membre a interjeté appel de la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle et de l’imposition d’une ordonnance en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS). La CACM a conclu que la preuve et les observations présentées à la JM satisfaisaient au critère énoncé au paragraphe 140 de l’arrêt R c Ndhlovu, 2022 CSC 38. En l’espèce, l’imposition d’une ordonnance en vertu de la LERDS sur la liberté du membre serait totalement disproportionnée par rapport à l’objectif de l’article 490.012 du Code criminel ou du paragraphe 227.01(1) équivalent de la LDN. La CACM a rejeté l’appel à l’encontre de la déclaration de culpabilité, a accueilli l’appel à l’encontre de la peine et annulé l’ordonnance en vertu de la LERDS.

Appels interjetés par le MDN

36. Dans l’affaire R c Brousseau (Cplc), 2023 CM 4005, le juge a mis fin à l’instance après avoir conclu qu’il y avait eu un abus de procédure. Dans l’arrêt R c Brousseau (Cplc), 2024 CACM 2, le MDN a invoqué deux motifs d’appel : 1) le JM a commis une erreur de droit en concluant que la conduite de la poursuite constituait un abus de procédure, et 2) le JM a commis une erreur de droit en déclarant admissible la preuve des relations sexuelles antérieures entre la plaignante et l’intimé. La CACM a conclu que le JM s’était mépris sur les faits et qu’il avait fondé sa décision sur des considérations erronées en droit dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, et elle a ordonné la tenue d’un nouveau procès sur le premier motif d’appel. La CACM a refusé de traiter du deuxième motif d’appel, en soulignant seulement que rien dans ses motifs ne devait être interprété comme cautionnant, de près ou de loin, le raisonnement du JM sur cette question.

Arrêt de la Cour suprême du Canada

37. Dans l’arrêt R c Edwards (mat1), 2024 CSC 15, la CSC s’est penchée sur la question de savoir si le double rôle des JM en tant qu’officiers des FAC et juges militaires contrevenait au droit d’un accusé d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti par l’alinéa 11d) de la Charte. La CSC a confirmé la constitutionnalité du système de justice militaire du Canada, estimant que le statut militaire des juges ne porte pas atteinte à la garantie constitutionnelle de l’indépendance judiciaire. L’opinion majoritaire a souligné que les JM possèdent les caractéristiques essentielles de l’indépendance judiciaire, à savoir l’inamovibilité, la sécurité financière et l’indépendance administrative, et que le contexte militaire ne diminue pas ces protections. Toutefois, dans une opinion dissidente, la juge Karakatsanis a conclu que le cadre existant ne protégeait pas suffisamment les JM des interférences potentielles de la chaîne de commandement militaire, violant ainsi l’alinéa 11d).

Exécution d’autres tâches conformément au paragraphe 101.11(3) des ORFC

38. Un avocat du SAD a représenté un militaire retraité devant la Cour provinciale de la Colombie-Britannique (chambre criminelle), en relation avec une demande présentée par la PM visant à prolonger la garde des biens appartenant au membre retraité qu’elle avait saisis. L'enquête de la PM s'est concentrée sur des allégations alors que le membre était justiciable du CDM.

Activités

39. Le Directeur :

  1. a participé aux réunions du Forum sur la justice militaire présidées par le JAG;
  2. a participé aux réunions du personnel de la CACM et du barreau;
  3. a donné des séances d’informations lors des cours élémentaires des avocats militaires au Centre de droit militaire des Forces canadiennes.

40. Le Directeur a répondu aux demandes de consultation concernant la mise en œuvre des recommandations issues des examens externes du système de justice militaire. Bon nombre de ces recommandations ont été réaffirmées et répétées au cours des examens menés ces dernières années. Le Directeur appuie toute modification visant à renforcer les droits des membres accusés, l'accès à la justice et l'indépendance du SAD.

41. Au cours de la période visée par ce rapport, le site internet du SAD a été mis à jour afin d’incorporer les changements législatifs récents. Ce site est disponible au public qui peut y accéder au lien suivant : <canada.ca/fr/ministere-defense-nationale/services/avantages-militaires/services-juridiques/service-avocats-defense.html>.

Perfectionnement professionnel

42. Notons, au chapitre du perfectionnement professionnel, des formations juridiques individuelles en ligne ad hoc, la conférence sur la formation juridique permanente du cabinet du JAG et le Colloque national sur le droit criminel qui s'est tenu à Halifax du 8 au 12 juillet 2024.

Conclusion

43. Je tiens à souligner, dans ce troisième rapport que je signe à titre de directeur, que, cette année encore, les juristes du SAD ont fourni des services juridiques exceptionnels aux membres de la communauté militaire qui ont sollicité notre aide. Je suis particulièrement fier de nos juristes qui ont fourni des conseils juridiques 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et qui ont voyagé à travers le Canada et à l'étranger pour protéger les droits de nos membres poursuivis au titre de la LDN. Tous les membres du SAD sont des personnes résilientes qui veillent à maintenir un mode de vie sain et équilibré afin de servir au mieux leurs clients.

44. La priorité du Directeur est de promouvoir un environnement inclusif où les clients peuvent établir une relation de confiance avec leur avocat, tout en garantissant que ce dernier est compétent sur le plan professionnel et indépendant du gouvernement.

N. Ahmed
Colonel
Directeur du Service d’avocats de la défense

24 juin 2025

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2025-10-30