Section 1 : Le service canadien des Poursuites militaires : Ordo per justitia

Introduction

Ce rapport vise la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 et il est rédigé en conformité avec l’article 110.11 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), selon lequel le DPM1 est tenu de produire un rapport annuel portant sur l’exercice de ses obligations et fonctions au JAG2.

Le système de justice militaire

La nature des missions opérationnelles qui sont confiées aux FAC exige le maintien d’un niveau élevé de discipline parmi les membres des FAC. Le Parlement et la CSC reconnaissent depuis longtemps l’importance d’un CDM distinct pour guider la conduite des soldats, des marins et du personnel de la Force aérienne, et prévoir des sanctions aux infractions disciplinaires. Dans les affaires MacKay c La Reine 3 et R c Généreux4, la CSC a confirmé sans équivoque la nécessité de pouvoir compter sur des tribunaux militaires exerçant une compétence juridictionnelle pour contribuer au maintien de la discipline et de valeurs militaires connexes, ce qui est d’une importance cruciale pour l’intégrité des FAC en tant qu’institution nationale. Ces principes ont été réaffirmés à l’unanimité par la CSC en 2015 dans les affaires du Sous-lieutenant Moriarity et coll. c R; du Soldat Alexandra Vézina c R; et du Sergent Damien Arsenault c R.5

Pour déterminer s’il y a lieu de procéder à une mise en accusation devant la cour martiale, les procureurs militaires doivent effectuer une analyse en deux étapes. Ils doivent d’abord déterminer s’il existe une perspective raisonnable de condamnation si l’affaire est instruite et si l’intérêt public exige qu’une poursuite soit intentée6. Cette politique est cohérente avec les politiques suivies par les procureurs généraux partout au Canada et par les organismes chargés des poursuites ailleurs dans le Commonwealth. Certains facteurs d’intérêt public dont il faut tenir compte sont propres au système de justice militaire. Ces facteurs comprennent notamment :

L’information à propos des facteurs relatifs à l’intérêt du public est fournie par le commandant (cmdt) de l’accusé lorsque celui-ci renvoie le dossier à l’officier supérieur suivant en matière de discipline. L’officier supérieur peut également fournir ses commentaires sur les facteurs en lien avec l’intérêt du public lorsqu’il soumet le dossier au DPM.7

Le fait de tenir compte des facteurs liés à l’intérêt du public strictement militaires permet au DPM d’appuyer le ministre de la Défense nationale alors qu’il travaille avec les hauts dirigeants des FAC à « l’établissement et au maintien d’un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination ».8

Les facteurs liés à l’intérêt du public dans le contexte militaire peuvent exiger de poursuivre une personne qui était assujettie au CDM au moment de l’infraction présumée, mais qui a été libérée des FAC par la suite. La compétence du système de justice militaire s’étend à ces personnes.9 Intenter des poursuites devant une cour martiale contre un ancien membre des FAC indique aux militaires en service qu’ils seront tenus responsables de leur comportement, qu’ils soient libérés des FAC par la suite ou non.

Les cours martiales, contrairement aux cours de justice civiles, sont mobiles. Cela permet de tenir des cours martiales au sein ou à proximité de la collectivité militaire qui a été la plus touchée par les infractions commises, qu’il s’agisse d’une seule victime ou d’une unité militaire. Les cours martiales sont ouvertes au public, ce qui augmente le niveau de transparence. Les parties les plus touchées par une infraction présumée peuvent donc voir par elles-mêmes que justice est faite.

Lorsque le système de justice militaire est appelé à maintenir ou à renforcer la discipline, il y a chevauchement avec le système civil de justice pénale, mais ses objectifs diffèrent de ceux que celle-ci cherche à atteindre. Le système de justice militaire a aussi des exigences qui sont différentes. Premièrement, les personnes responsables de juger les militaires accusés d’avoir enfreint le CDM doivent non seulement avoir la compétence pour traiter des affaires qui menacent la discipline et l’efficacité, mais également connaître les fondements, les besoins et les subtilités de la discipline militaire. Deuxièmement, comme le Colonel (à la retraite) Michael Gibson (maintenant juge à la Cour supérieure de justice de l’Ontario) l’a remarqué lorsqu’il s’est penché sur les objectifs et les principes de détermination de la peine en vertu du CDM qui ont été promulgués dans une modification récente à la LDN :

Cela représente une synthèse des objectifs de la réprobation, la dissuasion générale ou ponctuelle, la réhabilitation et la restitution du prononcé de la sentence en droit criminel classique, avec ceux ciblés par les objectifs expressément militaires, comme le renforcement du devoir d’obéissance aux commandements et aux ordres légitimes, et le maintien, dans un État démocratique, de la confiance du public à l’égard des militaires en tant que forces armées disciplinées. Cette synthèse montre que le droit militaire poursuit des fins plus positives que celles du droit criminel général lorsqu’il cherche à modifier et à façonner la conduite pour qu’elle réponde aux exigences particulières du service militaire. En d’autres mots, un système de justice militaire efficace, guidé par de bons principes, est indispensable au bon fonctionnement des forces armées dans un État démocratique moderne gouverné par la primauté du droit. Il joue aussi un rôle essentiel lorsqu’il s’agit de garantir la conformité des États et de leurs forces armées aux obligations normatives du droit international en matière de droits de la personne et du droit international humanitaire.10

Comme l’a mentionné le juge en chef Lamer dans l’affaire Généreux, le CDM « ne sert pas simplement à réglementer la conduite qui compromet pareille discipline et intégrité. Le Code joue aussi un rôle de nature publique, du fait qu’il vise à punir une conduite précise qui menace l’ordre et le bien-être publics » et « Le recours aux tribunaux criminels ordinaires, en règle générale, serait insuffisant pour satisfaire aux besoins particuliers des Forces armées sur le plan de la discipline. Il est donc nécessaire d’établir des tribunaux distincts chargés de faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire. »11

Même commis dans des circonstances non directement liées à des fonctions militaires, un comportement criminel ou frauduleux peut avoir une incidence sur les normes applicables au titre de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes au sein des FAC. Par exemple, le fait qu’un militaire ait commis des voies de fait dans un contexte civil pourrait soulever des doutes sur sa capacité à faire preuve de discipline en contexte militaire et à respecter les autorités militaires. Ce n’est pas parce que l’infraction est survenue dans un contexte non militaire qu’il est illogique de conclure que les poursuites intentées relativement à cette infraction ont un lien avec la discipline, l’efficacité et le moral des troupes.12

La doctrine militaire canadienne reconnaît que la discipline est l’une des composantes essentielles de l’éthos militaire canadien. La discipline est qualifiée de facteur clé qui contribue à instaurer des valeurs communes, à assurer la capacité de faire face aux pressions des opérations de combat, à inculquer la confiance en soi et la résilience face à l’adversité et la confiance envers les dirigeants. Elle permet aux militaires et aux unités de réussir dans leurs missions là où les compétences militaires ne le peuvent pas à elles seules13. Certaines affaires peuvent sembler mineures avant d’être perçues dans leur contexte militaire comme des violations des quatre valeurs militaires canadiennes fondamentales : le devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage. La valeur d’intégrité oblige les membres des FAC à faire preuve du niveau maximum d’honnêteté, de droiture, d’honneur et de respect des normes éthiques.14 Le système de justice militaire existe partiellement pour régler les cas où l’on présume que des membres des FAC ne se sont pas acquittés de leurs obligations au niveau escompté.

À ces fins, la LDN crée une structure de tribunaux militaires comme ultime recours pour faire respecter la discipline. Parmi ces tribunaux, il y a les cours martiales. Les décisions de la cour martiale peuvent être portées en appel devant la CACM, qui est constituée de juges civils de la Cour supérieure provinciale, de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale.

Mission et vision

Notre mission

Offrir aux FAC des services de poursuite rapides, équitables et de qualité; accessibles autant au Canada qu’à l’étranger.

Notre Vision

« ORDO PER JUSTITIA » ou « LA DISCIPLINE PAR LA JUSTICE ». Le DPM est un intervenant clé du système de justice militaire canadien qui contribue à promouvoir le respect de la loi ainsi que la discipline, le bon ordre, le moral élevé, l’esprit de corps, la cohésion de groupe et l’efficacité opérationnelle.

Voir ci-dessous la description du diagramme

Vision du DPM: La dicipline par la justice

Objectifs pour tous les Canadiens - Conséquences :

  • La confiance du public dans le système de justice militaire canadien.
  • Aider à maintenir la confiance du public dans les FAC en tant que forces armées compétentes, efficientes et disciplinées.
  • La confiance du public envers le DPM.

Objectifs des FAC - Extrans :

  • Respecter les ententes sur les niveaux de service du SNEFC.
  • Répondre à toutes les demandes de services aux tribunaux, de conseils, d’instruction et de déploiements opérationnels.
  • Appuyer et respecter toutes les initiatives pangouvernementales, ainsi que les normes juridiques, éthiques et morales.

Objectifs internes - Procédures :

  • Préserver un milieu de travail productif qui favorise l’indépendance, la discrétion, l’initiative, la prise de décision et la confiance.
  • Maintenir l’efficience, la transparence et le souci de n’exclure personne dans le service des poursuites.
  • Améliorer l’équité et l’exécution rapide de la justice militaire.
  • Fonctionner d’une manière efficace dans le cadre législatif et réglementaire des CM.
  • Entreprendre toutes les activités avec les ressources attribuées.

Objectifs pour les gens - Vecteurs :

  • Une équipe en santé et très motivée, dont le personnel est au complet.
  • Améliorer de façon permanente les compétences essentielles des avocats, des parajuristes et du personnel de soutien.
  • Offrir du perfectionnement professionnel et adapté à tout le personnel militaire et civil de l’organisation du DPM.

Obligation et fonctions du DPM

Le DPM est nommé par le ministre de la Défense nationale. En vertu de l’article 165.11 de la LDN, le DPM prononce les mises en accusation des personnes jugées par les cours martiales et mène les poursuites devant celles-ci au Canada et outre-mer. En outre, il représente le ministre de la Défense nationale dans les appels devant la CACM et la CSC. Au cours de la dernière année, les procureurs militaires ont aussi représenté les FAC aux auditions de révision de la détention et ils ont fourni des avis juridiques et dispensé de la formation au SNEFC.

Conformément à l’article 165.15 de la LDN, le DPM est assisté par des officiers de la Force régulière et de la Force de réserve qui sont avocats inscrits au barreau d’une province. Le DPM peut aussi compter sur un petit groupe très efficace d’employés de soutien civils. Nommé pour une période de quatre ans, le DPM remplit son mandat de manière juste et impartiale. Bien que le DPM agisse sous la supervision générale du JAG, il exerce ses obligations et fonctions en matière de poursuites de façon indépendante de la chaîne de commandement. Voici certaines des obligations et fonctions du DPM qui sont entre autres énoncées dans la LDN, les ORFC et les arrêtés ministériels :

Structure organisationnelle

Le DPM et son équipe de procureurs militaires et de personnel civil sont collectivement désignés sous le nom de Service canadien des poursuites militaires (SCPM). Le service est organisé par région et se compose des éléments suivants :

L’organigramme de l’équipe du DPM est fourni à l’annexe A.

CMPS Personnel

L’équipe du SCPM à la FJP du DPM 2017 à Ottawa, Ontario, le 28 Février 2017.

Force régulière

Au cours de la période visée par le présent rapport, le SCPM s’est consacré à l’intégration du nouveau personnel militaire et civil. Dans notre quartier général, un procureur expérimenté qui servait comme conseiller juridique au SNEFC a été nommé avocat responsable des appels afin de pourvoir le poste laissé vacant suite à la promotion et nomination de notre DAPM responsable des régions de l’Atlantique et du Centre à la fin de la dernière année financière. Ainsi, un de nos procureurs de la région du Centre a été nommé comme nouveau conseiller juridique du SNEFC. Son poste au sein de la région du Centre a été pourvu par un capitaine nouvellement affecté. Un autre nouveau capitaine a aussi été nommé afin de remplacer notre ancien procureur responsable des communications, de la formation et des politiques après son transfert à la division du droit administratif du Cabinet du juge-avocat général (CJAG).

Notre bureau d’Edmonton a de nouveau un effectif complet grâce au retour d’un PMR de son congé parental et de la nomination d’un capitaine nouvellement affecté. Dans la région de l’Est, nous avons connu le départ d’un de nos procureurs militaires expérimentés. Il a été remplacé par un capitaine avec de l’expérience antérieure auprès du directeur des Poursuites criminelles et pénales du Québec.

Force de réserve

Pendant l’absence prolongée de notre DAPM de la réserve, un de nos PMR de la Force de réserve les plus expérimentés a pris la relève avec brio de façon provisoire. Alors que nous avons accueilli un nouveau procureur militaire de la Force de réserve dans la région de l’Atlantique, nous sommes toujours en plein processus de recrutement d’un autre procureur pour la région du Centre.

Les PMR de la Force de réserve ont contribué de façon considérable à faire avancer les priorités du SCPM au cours de la dernière année financière (AF). En fait, le nombre de jours d’audience des PMR de la Force de réserve a plus que doublé au cours de la dernière AF par rapport à l’AF 2015-2016; ce taux est le plus élevé des cinq dernières années. Nos réservistes ont non seulement participé étroitement à la préparation des poursuites elles-mêmes, ils ont aussi contribué fortement à la prestation de la formation, notamment en occupant un rôle actif lors de la séance de formation à l’intention des nouveaux PMR en décembre 2016 et de la formation juridique permanente (FJP) du DPM en février 2017.

Par conséquent, les moyennes du nombre de jours de participation aux activités de l’unité et du nombre de jours d’audience ont toutes deux atteint le taux le plus élevé depuis cinq ans au cours de la période visée par ce rapport, et ce, malgré l’absence prolongée de notre DAPM de la réserve et d’un autre PMR de la Force de réserve. Il faut noter que les moyennes pour l’AF 2015-2016 et l’AF 2016-2017 sont fondées sur un effectif de 8 PMR de la Force de réserve et non 9, comme ce fut le cas lors des trois premières AF présentées à la figure 2.

Personnel civil

Les régions du Centre et de l’Est ont accueilli deux nouvelles adjointes administratives; la première après le déploiement de la nouvelle adjointe administrative du DPM, et la deuxième après le départ à la retraite de l’adjointe administrative précédente. Notre technicienne juridique quittera le SCPM au cours de la prochaine année financière en raison de son transfert à un autre poste au sein de la fonction publique. Les activités visant à doter le poste de technicien juridique sont en cours.

Figure 1 - Voir le tableau ci-dessous pour la description des données

Nomber de jours en service et en cour martial - procureurs militaires réservistes
2012/13 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17
Jours en service 142.5 151 199.5 247.5 260
Jours en cour martiale 22 21 13 39 84

Figure 2 - Voir le tableau ci-dessous pour la description des données.

Moyenne des jours en service et en cour martiale - procureurs militaires réservistes
2012/13 2013/14 2014/15 2015/16 2016/17
Moyenne des jours en service 16.78 16.78 22.17 30.94 32.50
Moyenne des jours en cour martiale 2.44 2.33 1.44 4.88 10.50


Notes de bas de page

1 Le Colonel Bruce MacGregor a été nommé DPM par le ministre de la Défense nationale le 20 octobre 2014 pour un mandat de quatre ans.

2 Les Rapports annuels du DPM précédents, de même que les Directives du DPM, se trouvent sur le site Internet du DPM.

3 MacKay c La Reine [1980] 2 RCS 370 aux para 48 et 49.

4 R c Généreux [1992] 1 RCS 259 au para 50.

5 R c Moriarity, 2015 CSC 55 [2015] 3 RCS 485.

6 Pour plus de renseignements, consulter la Directive du DPM no 003/00 - Révision postérieure à l’accusation.

7 Supra note 6, au paragraphe 28.

8 Lettre de mandat du ministre de la Défense nationale rédigée par le très honorable Justin Trudeau, C.P., député, premier ministre du Canada.

9 LDN, articles 60 et 69.

10 Michael Gibson, "International Human Rights Law and the Administration of Justice through Military Tribunals: Preserving Utility while Precluding Impunity" (2008) 4: 1 Intl L and Relations 1, at 12.

11 R c Généreux, [1992] 1 RCS 259 à 281 et 293.

12 R c Moriarity, 2015 CSC 55 au para 52.

13 Canada, ministère de la Défense nationale, « Doctrine militaire canadienne » publiée avec l’autorisation du chef d’état-major de la Défense, Ottawa : 2011-2009 [Doctrine militaire canadienne]. Voir notamment le chap. 2 « Mise sur pied et utilisation de la puissance militaire » et le chap. 4 « Les Forces canadiennes » aux pages 4 et 5.

14 Doctrine militaire canadienne. Voir en particulier le chapitre 2 « Mise sur pied et utilisation de la puissance militaire » et le chapitre 4 « Les Forces canadiennes ».

15 Le DAPM (Ouest et Pacifique) partage le même bureau que le PMR (Pacifique).

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