ARCHIVÉE - Chapitre 3 : Bilan de l'année quant à la justice militaire

Le présent chapitre offre un bref aperçu du CDM et des deux types de tribunaux militaires qui traitent les violations alléguées du CDM. Il se conclut par un résumé statistique des actions en justice lancées au cours de la période visée par le présent rapport, en mettant l'accent sur plusieurs cas et tendances notables.

3.1 Le Code de discipline militaire

Le CDM se trouve dans la partie III de la LDN. Il établit le fondement du système de justice militaire canadien. Il prévoit la juridiction disciplinaire, les procédures préalables à l'instruction et celles qui régissent un procès, les infractions et les peines, ainsi que les procédures qui suivent le procès et les procédures d'appel. Le CDM est appliqué lorsqu'une infraction d'ordre militaire présumée a lieu au Canada ou ailleurs.22 Il s'applique aux membres de la Force régulière des FC en tout temps et aux membres de la Force de réserve dans des situations précises. En outre, le CDM peut également s'appliquer aux civils dans des circonstances limitées.23 Les infractions d'ordre militaire comprennent les infractions proprement militaires ainsi que celles prévues au Code criminel ou à d'autres lois fédérales.24

3.2 Tribunaux militaires – procès sommaire et cour martiale

Le CDM prévoit deux types de tribunaux militaires. L'article 2 de la LDN définit un tribunal militaire comme étant une cour martiale ou une personne présidant un procès sommaire. Le procès sommaire est présidé par un officier et vise à constituer un moyen convenable et équitable de traiter les infractions d'ordre militaire mineures et peu compliquées au niveau de l'unité. En fait, la grande majorité des questions disciplinaires sont réglées dans le cadre d'un procès sommaire. La juridiction et les pouvoirs de ces tribunaux sont cependant très limités. Les commandants militaires qui président aux procès sommaires doivent être formés et reconnus par le JAG comme étant compétents dans le cadre de leurs fonctions d'officier présidant. Ils doivent également conserver cette attestation par l'obtention d'une nouvelle attestation tous les quatre ans.25

À l'exception des cas mineurs, les ORFC exigent que les autorités chargées de porter des accusations obtiennent obligatoirement un avis juridique avant de porter une accusation, et que les officiers présidant devant qui les accusations sont soumises obtiennent un avis juridique avant d'engager un procès sommaire.26 Mises à part ces exigences réglementaires, les officiers présidant sont toujours libres de demander conseil à des avocats militaires à tout moment, avant ou pendant un procès.

Les verdicts de culpabilité et les peines infligées dans le cadre d'un procès sommaire sont soumis à l'examen d'un officier supérieur, à la demande d'un contrevenant ou sur l'initiative indépendante de la chaîne de commandement en cas de préoccupations procédurales ou d'importantes réserves au sujet des procédures.27 Les ORFC exigent que les autorités compétentes obtiennent des conseils juridiques avant de prendre une décision à propos d'un tel examen.28

Le deuxième type de tribunal militaire est la cour martiale. Les cours martiales sont présidées par des juges militaires et fonctionnent sensiblement de la même manière que les tribunaux criminels civils. Les personnes qui font l'objet d'un procès devant la cour martiale ont droit à la représentation juridique du SAD financée par l'État. Elles peuvent également faire appel à un avocat civil à leurs frais. Les poursuites sont engagées par des avocats militaires du SCPM. Les règles officielles de la preuve s'appliquent à la procédure, et les jugements de la cour martiale peuvent être portés en appel devant la CACM, qui est constituée de juges civils de la Cour fédérale et de la Cour supérieure provinciale. Le dernier niveau d'appel, qui suit la CACM, est la Cour suprême du Canada.

3.3 Tribunaux militaires saisis – Période de référence 2009-2010

Au total, 1 998 tribunaux militaires ont été saisis pendant la période visée par le rapport, ce qui représente 1 942 procès sommaires et 56 procès en cour martiale. Le nombre total d'actions en justice est demeuré relativement constant au cours des dernières années. Il est intéressant de noter que la tendance des procès sommaires se poursuit : ils représentent environ 97 % de l'ensemble des tribunaux militaires saisis au cours d'une année donnée.

3.4 Procès sommaires au cours de la période visée par le rapport

Les statistiques détaillées relatives aux procès sommaires tenus pendant la période visée par le rapport sont présentées à l'annexe E.

Pour la grande majorité des infractions, un accusé a le droit de choisir d'être jugé devant une cour martiale.29 Fait intéressant, la part des militaires qui choisissent d'être jugés devant une cour martiale a diminué de façon constante, passant de 8,5 % en 2006 à 4,69 % au cours de la période visée par le présent rapport. La baisse du nombre d'accusés choisissant d'être jugés devant une cour martiale semble confirmer que ces derniers ont confiance dans le processus des procès sommaires.

Plus de la moitié de l'ensemble des accusations portées pendant la période visée par le présent rapport l'ont été en vertu de l'article 129 de la LDN relativement à des actes, des comportements ou de la négligence préjudiciables au bon ordre et à la discipline. Cette infraction permet à la chaîne de commandement de s'attaquer à diverses violations disciplinaires militaires, notamment :

Le droit de choisir d'être jugé devant une cour martiale a été donné dans 47,83 % des poursuites concernant des accusations portées en vertu de l'article 129 de la LDN, bien que 2,35 % des accusés seulement ont finalement choisi d'agir de la sorte.

Pendant la période visée par le rapport, 38 demandes de révision du verdict ou de la peine ont été présentées. Sur ces 38 demandes de révision, 18 (47 %) ont été entreprises par les contrevenants, tandis que 20 (53 %) ont été réalisées à la demande de la chaîne de commandement, en règle générale sur l'avis d'un avocat militaire réalisant l'examen des éléments matériels à la suite des procès sommaires. Ces chiffres représentent un taux d'examen global de seulement 2 % du nombre total de procès tenus. Pour 71 % des examens réalisés, l'autorité d'examen a pris des mesures en faveur du contrevenant (que ce soit pour annuler un jugement de culpabilité, réduire une peine, etc.), tandis que les 29 % restants n'ont mené à aucune modification de la décision rendue au procès sommaire.

3.5 Cours martiales pendant la période visée par le rapport

Au total, il y a eu 56 cours martiales pendant la période visée par le présent rapport, en baisse par rapport à la période visée par le rapport de 2008-2009, où il y en avait eu 65. Les rapports annuels du DPM et du DSAD présentés aux annexes C et D fournissent davantage de détails sur ces procédures.

Les cours martiales suivantes, pendant la période visée par le présent rapport, présentent un intérêt particulier, en ce qu'elles ont beaucoup attiré l'attention, de par les importantes questions de droit militaire et criminel qui y ont été débattues :

R. c. Wilcox31

Le 6 mars 2007, le cpl Megeney et le cpl Wilcox travaillaient avec d'autres membres de leur section au point de contrôle d'entrée 3 de l'aérodrome de Kandahar, en Afghanistan. À la fin de leur quart de travail, le cpl Megeney et le cpl Wilcox ont été transportés vers la tente qu'ils partageaient. Peu après, un coup de feu a été entendu, et un certain nombre de membres du personnel qui se trouvaient à proximité ont réagi à des cris provenant de la tente. En entrant dans la tente, les membres du peloton ont remarqué la présence et l'odeur de fumée de fusil. Ils ont vu le cpl Wilcox déposer le corps du cpl Megeney sur le sol. Le cpl Megeney a reçu une blessure par balle à la poitrine, blessure à laquelle il a finalement succombé.

Le cpl Wilcox a par la suite été accusé de trois infractions en vertu du CDM, à savoir homicide involontaire coupable, négligence criminelle causant la mort, et négligence dans l'exécution de tâches militaires. Le 30 juillet 2009, le cpl Wilcox a été déclaré coupable par une cour martiale générale de deux infractions : négligence criminelle causant la mort et négligence dans l'exécution de tâches militaires.

Le 30 septembre 2009, le juge militaire a condamné le cpl Wilcox à quatre ans de prison et à la destitution du service de Sa Majesté. Le cpl Wilcox a déposé un avis d'appel devant la CACM, tant pour le verdict que pour la peine imposée. À la fin de la période visée par le présent rapport, aucune décision n'avait été prise concernant l'appel.32 Des détails supplémentaires, si disponibles, seront fournis dans le prochain rapport annuel.

R. c. Semrau33

Le capt Semrau a été envoyé en mission en Afghanistan en août 2008. Il était membre de l'équipe de liaison et de mentorat opérationnel (ELMO) affectée au 2e kandak (bataillon) de l'Armée nationale afghane (ANA). Une ELMO est une unité des FC dont la principale responsabilité consiste à former les soldats de l'ANA à l'éthique, aux tactiques et aux normes des forces armées occidentales.

Le 19 octobre 2008, le capt Semrau et son équipe canadienne de mentorat composée de trois personnes ont participé à une opération d'assaut à l'extérieur de la ville de Lashkar Gah, dans la province de Helmand, voisine de la province de Kandahar vers l'ouest. Au cours de l'opération de ce matin-là, le capt Semrau et son équipe, qui accompagnaient une compagnie d'infanterie de l'ANA, ont croisé un insurgé présumé, gravement blessé. Le commandant de compagnie de l'ANA a dit aux membres des FC de ne pas soigner le blessé, ni de lui prodiguer des soins. À la suite d'une brève discussion, le personnel des FC a accepté ce plan d'action.

Les FC et l'ANA ont continué leur route, puis ils ont rencontré un deuxième insurgé présumé, apparemment décédé. Le capt Semrau, un autre membre des FC et un interprète de l'ANA sont alors retournés à l'endroit où se trouvait le premier insurgé présumé. C'est à ce moment que le capt Semrau a tiré sur le premier insurgé au moyen de sa carabine C8 fournie par les FC.

À la suite d'une enquête menée par le SNEFC, le capt Semrau a été arrêté le 30 décembre 2008, maintenu sous garde et rapatrié au Canada. Après une audience, il a été libéré sous conditions le 7 janvier 2009. Le 17 septembre 2009, le DPM a porté trois accusations contre le capt Semrau, à savoir meurtre au deuxième degré, tentative de meurtre avec usage d'une arme à feu et cruauté ou conduite déshonorante. Le procès a commencé pendant la période visée par le rapport. Des détails supplémentaires seront fournis dans le prochain rapport annuel.

3.6 Appels déposés auprès de la cour martiale

Au cours de la période visée par le présent rapport, 21 appels ont été entendus par la CACM. Tous ces appels, sauf un, ont été déposés à l'initiative du contrevenant. La CACM a rendu une décision pour huit de ces appels pendant la période visée par le rapport.

En outre, un avis d'appel34 et une demande d'autorisation d'appel35 ont été déposés auprès de la Cour suprême du Canada, tous deux par des contrevenants dont les appels avaient été rejetés par la CACM. À la fin de la période visée par le présent rapport, la Cour suprême du Canada n'avait pas encore rendu de décision concernant ces appels.

Des renseignements détaillés sur les appels entendus par la cour martiale au cours de la période visée par le présent rapport sont disponibles à l'annexe C du rapport du DPM et à l'annexe D du rapport du DSAD.

3.7 Procès sommaires – Décharge non autorisée d'armes

Encore une fois, la majorité des accusations portées en ce qui concerne la décharge non autorisée d'une arme concernaient des membres des FC en environnement d'instruction. Au cours de la période visée par le rapport de 2009-2010, 523 accusations au total ont été entendues dans le cadre de procès sommaires pour ce type d'infraction. De ce nombre, 420 (80 %) étaient liées à des incidents dans le cadre de l'instruction, alors que les 103 autres (20 %) correspondaient à des événements ayant eu lieu durant les opérations. Ces chiffres correspondent généralement à ceux des périodes de référence antérieures, et ils continuent à refléter la même division statistique entre les décharges non autorisées qui surviennent dans le cadre de l'instruction et celles qui surviennent dans le cadre des opérations. Dans l'ensemble, les procès sommaires instruits relativement aux décharges non autorisées ont compté pour 27 % de tous les procès sommaires tenus en 2009-2010. Il s'agit d'une augmentation de 5 % par rapport à la période de référence 2008-2009. Cette hausse est attribuable, en bonne partie, à la hausse du nombre de recrues et d'élèves-officiers ayant suivi leur formation de base à l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes (ÉLRFC) pendant la période de rapport.

3.8 Procès sommaires instruits pendant les opérations

Le maintien de la discipline au cours des opérations est vital pour les commandants militaires à tous les niveaux de la chaîne de commandement. Les accusations portées pendant la période visée par le rapport montrent le sérieux que les commandants opérationnels portent aux infractions présumées du CDM, en particulier lorsque celles-ci peuvent avoir des répercussions sur la sécurité des membres des FC. Le fait que le système de justice militaire puisse être mis en place n'importe où donne aux commandants les moyens de traiter les allégations disciplinaires rapidement et de manière équitable sur le terrain. Cette souplesse permet de régler les questions disciplinaires rapidement, de manière à ce que les personnes concernées puissent continuer à assumer leurs responsabilités en nuisant le moins possible à l'efficacité opérationnelle de leurs unités.

La grande majorité des incidents disciplinaires jugés pendant les opérations au cours de la période visée par le présent rapport ont eu lieu en Afghanistan. Au total, 268 accusations ont été portées pour des infractions commises dans le théâtre d'opérations. Le plus souvent, les infractions étaient liées à la décharge non autorisée d'une arme (103 accusations portées) et à l'incapacité de protéger une arme de manière appropriée, ou au défaut de porter l'équipement de protection individuelle obligatoire (36 accusations portées).


Notes en bas de page

22 Supra nota 1, art. 67

23 Supra nota 6

24 Supra nota 1, art. 130

25 L'article 101.09 des ORFC s'applique. Il faut également noter que tous les quatre ans, les officiers présidant qualifiés doivent renouveler leur attestation en réussissant en ligne le Test de renouvellement d'attestation des officiers présidant.

26 Les articles 107.03 et 107.11 des ORFC s'appliquent.

27 Les articles 108.45 et 116.02 des ORFC s'appliquent.

28 Article 108.45(8) des ORFC

29 Article 108.17 des ORFC

30 Les infractions graves de nature sexuelle, comme l'agression sexuelle, sont jugées par les cours martiales. Au cours de la période visée par le présent rapport, 84 accusations de nature sexuelle ont été portées contre 51 accusés.

31 R. c. Caporal M.A. Wilcox, 2009 CM 2014

32 Le 18 octobre 2010, la CACM a annulé le jugement de culpabilité et a ordonné un nouveau procès de l'excpl Wilcox, au motif que la sélection des membres de la cour martiale était inappropriée. Le DPM a porté de nouvelles accusations le 29 octobre 2010.

33 R. c. Semrau, 2010 CM 1002

34 Szcerbaniwicz c. La Reine, 2009 CMAC 513, autorisation de pourvoi à la CSC demandée

35 Savaria c. La Reine, 2010 CMAC 525, pourvoi de plein droit à la CSC

Détails de la page

Date de modification :