ARCHIVÉE - Chapitre 4 : Les tendances et les problèmes en matière de justice militaire

En tant que responsable de la supervision de l'administration de la justice militaire, le JAG a demandé au Directeur juridique – Justice militaire (Politique et recherche) (DJ / JM P&R) et à l'adjuc du JAG d'effectuer personnellement une série d'entrevues auprès de certains des principaux participants au système de justice militaire, y compris les officiers présidant, les personnes chargées de porter les accusations, les officiers désignés et, pour la première fois, les militaires accusés. Ces entrevues ont été réalisées à la fin de la période visée par le rapport dans des bases ou des établissements sélectionnés partout au pays.

Avant les périodes d'entrevue annoncées, on a distribué un questionnaire à la chaîne de commandement de Victoria, d'Edmonton, de Winnipeg, de Shilo, de Saint-Jean et de Valcartier dans le but d'obtenir des commentaires de la part d'un groupe-échantillon de locuteurs des deux langues venant de diverses régions et représentant les trois éléments. Les membres des FC ont volontairement rempli le questionnaire et, finalement, le DJ / JM P&R et l'adjuc du JAG ont interrogé en personne 134 militaires au total, dans les lieux susmentionnés.

Ce chiffre représente un petit échantillon de tous les participants à la justice militaire dans le cadre d'une période de référence donnée. Cependant, les réponses se sont révélées très instructives pour déterminer les domaines dans lesquels le système de justice militaire est perçu comme efficace, et ceux où il reste des choses à améliorer. Compte tenu de la méthodologie rigoureuse utilisée et de la nature confidentielle des entrevues, le degré de confiance relatif aux résultats obtenus est élevé.

4.1 Justification

L'objectif général des entrevues était d'obtenir de vive voix des commentaires auprès d'un échantillon représentatif de participants à la justice militaire sur le fonctionnement du système. Plus particulièrement, les questions de l'entrevue étaient axées sur la collecte de commentaires pertinents afin de :

4.2 Résultats

A. Généralités

Voici les principales constatations tirées des entrevues :

B. Efficacité du système de justice militaire

La majorité des officiers présidant et des personnes chargées de porter les accusations interrogés ont exprimé une opinion positive quant au système de justice militaire et sont d'avis que le système répond aux besoins de la chaîne de commandement. Les avis positifs se fondaient en partie sur les améliorations apportées au système à la fin des années 1990. L'importance accordée à la formation juridique militaire et l'accès facilité à cette formation pour les individus ont favorisé une meilleure compréhension du système de justice militaire au sein de la communauté des FC.

Bien que la majorité des réponses ont été positives, des préoccupations ont tout de même été soulevées quant à la durée des procédures et à la complexité des exigences procédurales des procès en cour martiale et des procès sommaires. Il est important de préciser que le Cabinet du JAG travaille actuellement sur des modifications réglementaires afin de continuer à réduire la durée du processus disciplinaire.

Lorsqu'on a demandé aux personnes interrogées de nommer les domaines qui fonctionnent bien au sein du système de justice militaire, les réponses les plus courantes ont été les suivantes : le processus lié aux procès sommaires, la formation juridique militaire et le soutien juridique offert.

C. Évaluation du système lié aux procès sommaires

L'officier présidant, la personne chargée de porter les accusations et l'officier désigné jouent tous un rôle important, mais distinct, dans le processus lié aux procès sommaires. Chacun doit donc demeurer relativement indépendant des autres afin de garantir l'équité et la transparence en tout temps.

Officiers présidant

Les officiers qui peuvent juger sommairement des membres des FC sont les commandants, les officiers délégués et les commandants supérieurs. Par rapport à un accusé, un commandant est normalement le sien mais peut également être un des officiers mentionnés à l'article 101.01 des ORFC. Un commandant a compétence pour juger sommairement un élève-officier ou un militaire du rang d'un grade inférieur à celui d'adjudant. Un commandant peut aussi déléguer ses pouvoirs de juger sommairement un accusé à un officier sous ses ordres, mais avec des pouvoirs de punition limités. Finalement, un commandant supérieur peut juger sommairement un officier d'un grade inférieur à celui de lieutenant-colonel ou un militaire du rang d'un grade supérieur à celui de sergent.

Les officiers présidant interrogés perçoivent généralement leur rôle comme celui d'un juge impartial des faits présentés au cours d'un procès sommaire. Un certain nombre d'officiers présidant voient les procès sommaires comme une occasion d'éduquer, de former et de discipliner non seulement l'accusé, mais aussi les militaires de l'unité qui assistent au procès. Conformément à ces points de vue, bon nombre des officiers présidant interrogés ont pris l'habitude de demander à des membres de l'unité d'assister à chaque procès pour qu'ils aient l'occasion de voir comment fonctionne le système de justice militaire. Ils y voient également un moyen de renforcer l'objectif de dissuasion générale dans les cas où un accusé est reconnu coupable.

Les officiers présidant interrogés ont tous fait des commentaires positifs au sujet du cours relatif à la Formation et à l'attestation des officiers présidant (FAOP), condition préalable obligatoire pour tous les officiers présidant avant qu'ils ne soient autorisés à instruire des procès sommaires.36 Les connaissances acquises dans le cadre de la FAOP se sont avérées d'une grande aide pendant le déroulement des procès sommaires. Elles ont également permis aux officiers présidant de mieux comprendre la justice militaire dans son ensemble. Les officiers présidant interrogés ont tous indiqué qu'il était nécessaire d'intégrer un procès fictif (jeu de rôle) à la formation de deux jours, ou de l'ajouter à titre de troisième jour d'instruction.

Un petit nombre d'officiers présidant ont indiqué qu'ils se sentaient mal à l'aise dans leurs fonctions en raison de leur manque d'expérience ou du laps de temps important qui sépare leur FAOP de leur premier procès sommaire.37 Il semble évident que ce manque de confiance a amené un certain nombre de problèmes, notamment un manque d'enthousiasme quant au recours au système du procès sommaire, une confiance démesurée en la personne chargée de porter les accusations pour s'assurer que les détails de l'accusation seront admis par l'accusé et une confiance démesurée dans le conseiller juridique pour recommander une peine précise à imposer, plutôt que de conseiller sur une gamme raisonnable de peines appropriées.

Bien que ces préoccupations n'aient pas été exprimées au cours de la plupart des entrevues d'officiers présidant, elles demeurent préoccupantes compte tenu de leur incidence potentielle sur l'efficacité du système. Par conséquent, ces perspectives minoritaires devront faire l'objet d'un d'examen et d'une discussion au cours des prochaines formations d'officiers présidant. Ces éléments ont été transmis au CDMFC aux fins d'intégration dans ses plans de formation à venir.

Personnes autorisées à porter les accusations

Les personnes autorisées à porter des accusations en vertu du CDM sont : les commandants, un officier ou un militaire du rang autorisés par un commandant à porter des accusations ou un officier ou militaire du rang de la police militaire à qui on a assigné une fonction d'enquêteur au sein du Service national d'enquêtes des Forces canadiennes. La plupart des personnes autorisées à porter des accusations interrogées ont clairement compris leur rôle et connaissaient les exigences réglementaires en vigueur. Cependant, certains participants pensent qu'une accusation qui mène à un acquittement donne l'impression que la personne autorisée à porter les accusations n'a pas fait son travail correctement. De plus, certaines personnes autorisées à porter des accusations ont indiqué qu'elles ne porteraient pas d'accusation en cas de possibilité d'acquittement, même si elles ont une croyance raisonnable que l'accusé a bel et bien commis l'infraction qui lui est reprochée.38

Le cours de FAOP n'est pas une condition préalable obligatoire pour que les personnes chargées de porter les accusations s'acquittent de cette tâche au nom de leurs commandants. Cependant, bon nombre de personnes interrogées ont suivi cette formation. Les personnes qui ont suivi le cours de deux jours l'ont trouvé très utile. En général, les personnes autorisées à porter des accusations sont d'avis qu'il était essentiel de mettre en place une certaine forme d'instruction normalisée afin de garantir qu'elles accomplissent ce rôle important de la manière requise et conformément à la loi. À l'égard de ces préoccupations, le JAG a recommandé l'élaboration d'un programme de formation précis par le CDMFC afin d'augmenter les possibilités de formation officielle offertes aux personnes chargées de porter les accusations à l'échelle des FC.

Officiers désignés pour aider l'accusé

Le rôle d'un officier désigné pour aider l'accusé (officier désigné) à un procès sommaire est d'orienter ce dernier au sein du processus, de s'assurer que l'accusé dispose de l'information appropriée et obtient la communication de la preuve afin de bien se préparer et de prendre des décisions éclairées au sujet de ses droits, et d'aider l'accusé à préparer et à présenter sa défense, dans la mesure jugée nécessaire par ce dernier.39 Il est important de noter qu'un officier désigné n'est pas un conseiller juridique et qu'il n'a pas pour rôle de défendre l'accusé.

Selon l'article 108.14 des ORFC, un officier désigné doit être nommé pour un accusé le plus tôt possible après une mise en accusation. Tous les efforts nécessaires sont déployés pour nommer l'officier désigné choisi par l'accusé, à condition que cette personne soit disponible et qu'elle soit prête à assumer cette fonction.

Les entrevues portent à croire que la plupart des officiers désignés jouent un rôle limité en ce qui concerne l'assistance de l'accusé pendant le processus lié au procès sommaire. Dans certains cas, l'accusé peut avoir décidé de préparer sa défense de manière plus indépendante. Les réponses suggèrent cependant que dans bon nombre de cas, les officiers désignés se sentent mal préparés pour s'acquitter de leurs fonctions, souvent en raison d'une formation insuffisante.

Bien qu'un guide de référence à l'intention des officiers désignés40 établissant leur rôle et leurs responsabilités clés soit accessible sur le réseau interne de la Défense, le Cabinet du JAG reconnaît néanmoins qu'une instruction plus poussée est justifiée pour garantir que cette fonction importante est assurée aussi efficacement que possible. À cette fin, comme cela a d'abord été indiqué dans le rapport annuel 2008-2009, le CDMFC a commencé à élaborer une trousse de formation de l'officier désigné à l'intention du personnel des FC. L'objectif est de rendre ce matériel disponible à l'échelle des FC à titre de programme d'autoformation sur le système MDNApprentissage d'ici l'automne 2011.

Accusés

Fait intéressant, les militaires accusés rencontrés (pour la plupart, des militaires du rang de grade subalterne) ont indiqué que leur expérience du fonctionnement du système de justice militaire, et leur exposition à ce dernier, étaient plutôt limitées, et ce, même après avoir été accusés et jugés. La formation en matière de justice militaire au niveau des recrues est élémentaire par nature. Elle ne leur permet pas d'acquérir une compréhension approfondie des processus liés aux procès sommaires et à la cour martiale.

Il est clair qu'une formation plus poussée sur le système de justice militaire est nécessaire à tous les niveaux. Un effort concerté sera fait, en collaboration avec le CDMFC, pour planifier l'offre de cette formation supplémentaire.

D. Suffisance du soutien juridique

Le niveau de satisfaction est très élevé à l'égard du soutien juridique offert aux personnes concernées par le système de justice militaire, du point de vue des officiers présidant, des personnes chargées de porter les accusations, des officiers désignés et des accusés. Selon les officiers présidant, les avocats militaires répondent assez rapidement à leurs besoins tout au long de la procédure du procès sommaire. Fait intéressant, certains participants indiquent que le soutien juridique dans le cadre des opérations de déploiement est supérieur à deux points de vue.

Tout d'abord, le soutien juridique offert par un avocat militaire envoyé en mission s'avère plus opportun que celui offert par les avocats militaires en garnison, où le délai d'exécution en matière de conseils juridiques est beaucoup plus long. Deuxièmement, les avocats militaires envoyés en mission semblent mieux comprendre les besoins de la chaîne de commandement et être beaucoup plus à l'écoute en ce qui concerne les problèmes disciplinaires en cours des unités en question.

Ces commentaires ne sont pas surprenants, compte tenu du fait que les avocats militaires envoyés en mission sont généralement intégrés au quartier général de la force opérationnelle à titre de conseillers juridiques désignés, tandis que les avocats militaires d'unités sont habituellement centralisés comme une unité hébergée sur une base, et peuvent avoir à répondre à des demandes de soutien juridique de 10 à 30 unités distinctes des FC (en moyenne) dans une zone géographique donnée. Néanmoins, les avocats militaires d'unités sont encouragés à visiter ces unités ainsi qu'à s'entraîner et à participer à des exercices opérationnels avec elles afin de mieux se familiariser avec les besoins et les défis propres à chaque chaîne de commandement.

Bien que les personnes chargées de porter les accusations aient aussi l'impression que les conseils juridiques qui leur sont offerts sont utiles dans l'ensemble, elles font la distinction entre la nature des conseils juridiques reçus dans le cadre d'opérations et celle de ceux reçus au pays des avocats militaires d'unités. Certaines d'entre elles pensent que les conseils donnés dans le cadre d'opérations sont plus succincts et que ceux donnés au pays en garnison sont plus « légalistes ». Cette constatation est largement attribuable au fait que les contextes d'opérations de déploiement demandent (et obtiennent) à juste titre des délais d'exécution plus rapides en matière de soutien juridique, en raison du rythme des opérations. Dans ces situations, les avis juridiques ont tendance à moins se concentrer sur la présentation détaillée de la justification sous-jacente de l'opinion, et plus sur les « éléments principaux ».

En général, les officiers désignés ne se tournent pas vers les avocats militaires de la base ou de l'unité lorsqu'ils cherchent à obtenir de l'aide dans le cadre de leurs fonctions, étant donné que ces personnes sont les conseillers de la chaîne de commandement et qu'elles donneront vraisemblablement des conseils concernant les accusations auxquelles fait face le militaire accusé en question. Pour éviter un éventuel conflit d'intérêts, les officiers désignés sont donc encouragés à communiquer avec le SAD et à lui poser leurs questions. Les officiers désignés qui ont parlé aux avocats militaires du SAD ont indiqué que le personnel du SAD était intéressé et qu'il apportait son aide en expliquant le rôle d'un officier désigné et en aidant l'accusé tout au long du processus.

La plupart des militaires accusés se souviennent avoir été informés de leur droit à un avocat, mais bon nombre d'entre eux n'ont pas communiqué avec un conseiller juridique du SAD ou des avocats civils. Ceux qui ont communiqué avec un avocat du SAD ont trouvé que ce dernier les avait informés et aidés.

E. Équité perçue par l'accusé

Les accusés interrogés ont un avis très positif en ce qui concerne le système de justice militaire et ils ont dans l'ensemble l'impression d'avoir été traités de manière équitable. Ils ont été informés en temps opportun, ils ont eu suffisamment de temps pour se préparer relativement à leurs options (le cas échéant) et à leur procès sommaire, et ils ont eu la possibilité de communiquer avec un avocat. Lors de leur procès sommaire, on a respecté leur choix de langue et ils ont eu la possibilité de poser des questions et de donner leur position.

Malgré cela, certains accusés ont indiqué qu'ils n'avaient pas été informés de leur droit de demander une révision du verdict ou de la peine.41 D'autres ont déclaré qu'ils avaient été informés de leur droit de révision, mais qu'on ne les avait pas informés du fait que l'autorité de révision n'avait pas le pouvoir d'augmenter la peine infligée lors du procès sommaire.42

Bien que ces éléments fassent déjà partie de la formation juridique militaire offerte aux membres des FC, les avocats militaires qui donnent cette formation (et ceux qui donnent des conseils aux officiers présidant) rappelleront qu'il est nécessaire que les officiers présidant informent les contrevenants de l'existence et de la portée du droit de révision.

4.3 Conclusion

Dans l'ensemble, les personnes concernées par ce processus ont été très reconnaissantes de pouvoir rencontrer des membres du Cabinet du JAG pour leur parler de questions liées à la justice militaire et donner leur avis sur le système de justice militaire. Chaque participant semblait à l'aise de parler de son expérience et de donner son opinion, ce qu'ont favorisé la confidentialité des entrevues et le fait qu'il est impossible d'identifier l'auteur des commentaires. Les participants étaient encouragés à faire partie d'un processus continu visant à améliorer l'efficacité et l'impartialité du système.

Dans l'ensemble, les réponses des officiers présidant, des personnes autorisées à porter des accusations, des officiers désignés et des accusés ont été très positives, malgré certaines critiques mentionnées ci-dessus. Il est évident que les participants se soucient du système de justice militaire, en particulier du système lié au procès sommaire. Tous les participants étaient intéressés par les questions posées au cours des entrevues et tenaient à partager leur expérience, bonne ou mauvaise. Ils ont perçu les entrevues comme une possibilité d'améliorer le système et ont fait preuve de franchise au sujet des éléments qui, selon eux, doivent être améliorés.

Le Cabinet du JAG continuera de rencontrer des personnes concernées par la justice militaire à l'avenir afin de fournir au JAG de précieux renseignements de première main en appui à sa fonction de surveillance. Ces entrevues prouvent également aux usagers du système de justice militaire que leur expérience compte et que leur participation contribue à façonner les changements à venir.


Notes en bas de page

36 Supra note 25

37 Ibid.

38 Article 107.02 des ORFC, Nota : Une « croyance raisonnable » est une croyance qui amènerait une personne ordinairement prudente à conclure que l'accusé est probablement coupable de l'infraction reprochée.

39 L'article 108.14 des ORFC s'applique.

40 Le choix d'être jugé par procès sommaire ou devant une cour martiale – Un guide à l'intention des accusés et des officiers désignés pour les aider (A-LG-050-000/AF-001) – disponible sur le site Web du JAG.

41 Article 108.45 des ORFC. Les contrevenants ont le droit de demander une révision du verdict ou de la peine imposée à l'issue du procès sommaire dans les 14 jours suivant la fin de la procédure.

42 L'autorité de révision qui agit en vertu de l'article 108.45 des ORFC est une autorité ayant le pouvoir d'annuler un verdict de culpabilité, de remplacer tout verdict de culpabilité par un nouveau jugement et de modifier une peine imposée à l'issue d'un procès sommaire (se reporter à l'article 116.02 – Autorités compétentes – Procès sommaires, ainsi qu'aux notes relatives à cet article) et de suspendre la mise en application d'une peine de détention (se reporter à l'article 114.02 – Autorité en matière de sursis). Il est à noter que l'autorité de révision ne peut remplacer une peine imposée à l'issue d'un procès par une peine plus élevée sur l'échelle des peines, ou remplacer un jugement de non-culpabilité par un jugement de culpabilité.

Détails de la page

2018-12-13