Communiqué - Rapport annuel du juge-avocat général 2016-17

Je suis très heureux de présenter mon rapport sur l’administration de la justice militaire dans les Forces armées canadiennes (FAC) pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017. Il s’agit du septième rapport déposé conformément à l’article 9.3 de la Loi sur la défense nationale (LDN), depuis que j’ai été nommé juge-avocat général (JAG) en 2010. Il s’agit de mon dernier rapport annuel puisque je prendrai ma retraite des FAC à l’été 2017.

Le principal objectif du système de justice militaire du Canada est de contribuer à l’efficacité opérationnelle des FAC. Le récent jugement de la Cour suprême du Canada (CSC), R. c. Moriarty, reconnaît d’ailleurs qu’il y parvient en offrant un processus qui assure « le maintien de la discipline, de l’efficacité et du moral des troupes ». Pour parvenir à ses fins, le système de justice militaire doit être rapide et équitable, tout en demeurant compatible avec le droit canadien, y compris la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). En tant que responsable de l’administration de la justice militaire, c’est mon rôle de veiller à ce que le système de justice militaire canadien fonctionne d’une manière efficiente, efficace et dans le respect de la primauté du droit, tout en tenant compte des besoins particuliers des FAC.

Pour ce faire, mon équipe et moi conseillons de façon proactive la chaîne de commandement sur les questions juridiques et de politique influant sur la discipline, tout en agissant directement et avec courage de manière à promouvoir les droits et les intérêts des membres des FAC dans les dossiers disciplinaires. À cet égard, non seulement ce rapport résume et analyse le fonctionnement du système de justice militaire pour la période de référence, mais il présente aussi diverses initiatives que j’ai entreprises pour assurer une surveillance proactive de la justice militaire, un développement réfléchi et des changements positifs au sein du système.

Au cours de l’exercice, plusieurs décisions importantes de la CSC et la Cour d'appel de la cour martiale (CACM) du Canada ont été rendues. Dans les affaires R. c. Cawthorne et R. c. Gagnon et Thibault, la CSC a confirmé que le ministre de la Défense nationale (min DN) a l’autorité d’interjeter appel des décisions d’une cour martiale et de la CACM. Par ailleurs, dans l’affaire R. c. Royes, la CACM a conclu que l’infraction prévue à l’alinéa 130(1)a) de la LDN est une infraction militaire jugeable par le système de justice militaire. Enfin, dans la cause R. c. Jordan, la CSC a établi le cadre applicable à la détermination du caractère raisonnable des délais attribuables à une cause. Cette décision, malgré qu’elle n’ait pas été rendue par un tribunal militaire, a eu et continuera d’avoir des répercussions significatives sur le système de justice militaire puisqu’elle prescrit les délais à respecter pour juger un accusé.

Cette période de rapport a mis en lumière une baisse du nombre de procès sommaires tenus au sein des FAC. Comme le maintien de la discipline dans le respect de la primauté du droit est la pierre angulaire d’une force militaire efficace, il est primordial de procéder à l’analyse de cette tendance afin d’en identifier les causes et de déterminer si des mesures devront être. J’aborde d’ailleurs ce problème plus en profondeur ainsi que les solutions actuellement développées pour parfaire l’analyse de cette tendance au chapitre deux de ce rapport.

Le rapport annuel 2015-2016 annonçait un examen complet du système des cours martiales dans le but de favoriser un développement réfléchi et d’apporter des changements positifs au système de justice militaire. Je suis heureux de vous apprendre que cette initiative a progressé tout au cours de l’année et que l’équipe responsable de l’examen a analysé le système des cours martiales actuellement en place ainsi que plusieurs options visant à en améliorer l’efficacité, l’efficience et la légitimité. Dans le cadre de cet exercice, les dirigeants des FAC ainsi que les membres du grand public canadien ont été consultés. Les systèmes de justice militaire d’autres pays ont aussi été étudiés. L’équipe en charge de la révision poursuit ses travaux avec diligence afin d’être en mesure de produire un rapport qui sera basé sur l’analyse des politiques et qui discutera des différentes options envisageables.

Au cours de la période actuelle de rapport, nous avons continué à fournir des efforts pour trouver des moyens d’améliorer ma capacité à exercer mon autorité sur l’administration de la justice militaire dans les FAC en modifiant, entre autre, notre système actuel de collecte de données et de gestion de cas. L’objectif est de me permettre d’avoir une meilleure appréciation et d’être plus conscient de l’efficacité et de l’efficience du fonctionnement du système de justice militaire afin d’être mieux positionné pour faire des recommandations fondées sur des données probantes et pour proposer des changements positifs au système. Les améliorations apportées à la collecte de données et la gestion de cas rendront l’administration de la justice militaire au niveau des unités plus efficace en fournissant aux responsables une vue d’ensemble exhaustive des dossiers disciplinaires de leur unité ce qui devrait les encourager à s’impliquer d’avantage dans le processus.

Au cours de la période de référence précédente, le chef d’état-major de la défense (CEMD) a publié un ordre concernant l’opération HONOUR qui visait à éliminer les comportements sexuels inappropriés dans les FAC. Pour compléter et appuyer la stratégie du CEMD s’attaquant aux comportements sexuels inappropriés, j’ai rencontré le Grand prévôt des Forces canadiennes et le directeur ̶ Poursuites militaires (DPM) afin d’examiner nos réponses individuelles en tant qu’acteurs indépendants du système de justice militaire et de déterminer les mesures à prendre face aux comportements sexuels inappropriés dans les FAC. Nous avons examiné plusieurs sujets, y compris plusieurs initiatives législatives, les enquêtes, les poursuites relatives aux infractions de nature sexuelle, l’éducation et les amendements du DPM à ses politiques en la matière. À la suite de cette rencontre, j’ai préparé un rapport à l’attention du CEMD soulignant les initiatives en cours et énonçant les sujets qui nécessiteront davantage de discussions. Je veux que le système de justice militaire soit le complément des efforts entrepris sous l’égide de l’opération HONOUR et qu’il soit, pour les commandants, une réponse aux besoins particuliers des FAC, y compris dans le domaine des comportements sexuels dangereux et inappropriés.

La finalisation de ce rapport annuel m’aura permis de réfléchir à mon rôle en tant que JAG et à l’ensemble de ma carrière. Au fil des ans, j’ai été fier de servir mon pays en occupant diverses fonctions au sein du Cabinet du JAG. J’y ai vécu de nombreuses expériences extraordinaires. J’ai eu l’énorme privilège d’assumer la direction du Cabinet et de servir auprès de nombreux avocats militaires très talentueux qui se dévouent à la cause de la justice et à la promotion de la primauté du droit. Mon rôle de responsable de l’administration de la justice militaire aura été exigeant, mais gratifiant. J’ai eu le privilège de surveiller un système de justice militaire qui répond aux besoins singuliers des FAC tout en protégeant les droits individuels des accusés conformément au droit canadien et au droit international. Je m’enorgueilli de savoir que le Canada a un système de justice militaire qui représente encore les valeurs canadiennes et qui promulgue la primauté du droit dans une société libre et démocratique.

Fiat justitia.

Le juge-avocat général,
Major-général
Blaise Cathcart, c.r.

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