Questionnaire soumis par la juge Robyn M. Ryan Bell

Document d'information

Selon le nouveau processus de nomination des juges annoncé par la ministre de la Justice le 20 octobre 2016, tout avocat ou juge canadien intéressé et ayant les qualifications requises peut poser sa candidature en remplissant un questionnaire à cet effet. Les questionnaires sont ensuite utilisés par les comités consultatifs à la magistrature à travers le Canada pour examiner les candidatures et soumettre à l’attention de la ministre de la Justice une liste de candidats « hautement recommandés » et « recommandés ». Les candidats sont avisés que certaines parties de leur questionnaire peuvent être rendues publiques, avec leur consentement, s’ils sont nommés à la magistrature.

Ci-dessous, les parties 5, 6, 7, et 11 du questionnaire rempli par la juge Robyn M. Ryan Bell.

Questionnaire relatif au processus de nomination à la magistrature

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PARTIE 5 – EXIGENCES LINGUISTIQUES

Veuillez noter qu’en plus de vos réponses aux questions énoncées ci-après, vous serez peut-être évalué sur votre connaissance fonctionnelle des deux langues.
Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de lire ou de comprendre des documents de la cour :

  • en anglais : oui
  • en français : oui

Sans formation supplémentaire, êtes-vous en mesure de discuter d’affaires juridiques avec vos collègues : 

  • en anglais : oui
  • en français : non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de converser avec un avocat en cour :

  • en anglais : oui
  • en français : non

Sans formation supplémentaire, êtes-vous capable de comprendre les observations orales présentées en cour : 

  • en anglais : oui
  • en français : non

PARTIE 6 – ÉTUDES

Noms des établissements, années d’études, diplôme et années d’obtention du diplôme : 

  • Osgoode Hall Law School, maîtrise en droit (droit administratif) 2009
  • Université Dalhousie, baccalauréat en droit (médaille d’or) 1986
  • Université Queen’s, baccalauréat (études politiques, avec grande distinction) 1983
  • Western Ontario Conservatory of Music, diplôme associé (piano-forte) 1995

Formation continue :

  • De nombreux programmes d’éducation juridique continue, dont les programmes dans lesquels j’étais conférencière ou membre du corps enseignant, et les suivants :
  • Questions de droit autochtone 2015 (Barreau du Haut-Canada)
  • Symposium du printemps de l’Advocates’ Society (mai 2011)
  • 6th Annual National Administrative Law and Practice (Osgoode Professional Development, octobre 2010)
  • 5th Annual National Administrative Law and Practice (Osgoode Professional Development, octobre 2009)
  • Symposium du printemps de l’Advocates’ Society (mai 2007)
  • Symposium du printemps de l’Advocates’ Society (mai 2004)
  • The Cambridge Lectures (juillet 2003)
  • Symposium du printemps de l’Advocates’ Society (mai 2003)
  • Child Advocacy Training Project (Advocates’ Society, août 2002)

Distinctions académiques :

  • 1986 : médaille d’or; prix Carswell pour les meilleures notes en troisième année; prix Ronald T. Donald en assurance; prix Blake Cassels & Graydon; prix Goldberg, Ehrlich et MacDonald pour la procédure criminelle
  • 1985 : prix Carswell pour les meilleures notes en deuxième année; prix Richard DeBoo Limited Taxation; prix Canada Law Book Company pour la procédure; prix R. Graham Murray pour la deuxième année; prix Nova Scotia Barristers’ Society pour la deuxième année; bourse de la Law Foundation of Nova Scotia (renouvellement)
  • 1984 : prix Goodfellow, MacKenzie pour les deuxièmes meilleures notes en première année; bourse de la Law Foundation of Nova Scotia (renouvellement)
  • 1983 : bourse de la Law Foundation of Nova Scotia; prix Wallace Near en études politiques pour réalisation exceptionnelle
  • 1982: bourse Gordon et Myrtle Adams pour réalisation exceptionnelle; liste d’honneur du doyen, Université Queen’s
  • 1981 : bourse de l’Université Queen’s (Tricolour Scholarship) (renouvellement); liste d’honneur du doyen, Université Queen’s
  • 1980 : bourse de l’Université Queen’s (Tricolour Scholarship)

PARTIE 7 – ANTÉCÉDENTS PROFESSIONNELS

Veuillez indiquer dans l’ordre chronologique, et à partir du plus récent, les emplois que vous avez exercés, et préciser pour chacun la durée applicable et le nom de l’employeur. Concernant les emplois dans le domaine juridique, veuillez inscrire les secteurs de travail ou les spécialisations, ainsi que les années correspondantes. Au besoin, indiquez si les secteurs de travail ont changé.

Expérience de travail dans le domaine juridique :

  • De juillet 1997 jusqu’à présent : Bennett Jones LLP (associée, litiges)
  • De 1993 à juillet 1997 : Davies, Ward & Beck (associée, litiges)
  • De 1990 à 1993 : Davies, Ward & Beck (associée non actionnaire, litiges)
  • De 1988 à 1990 : Davies, Ward & Beck (avocate, litiges)
  • De 1986 à 1987 : Davies, Ward & Beck (stagiaire en droit)
  • 1985 : Davies, Ward & Beck (étudiante d’été)

Expérience de travail dans un domaine non juridique :

  • Été 1984 : adjointe de recherche, Institute of Intergovernmental Relations, Université Queen’s
  • Été 1983 : adjointe de recherche, Institute of Intergovernmental Relations, Université Queen’s

Autres expériences professionnelles :

Inscrivez toutes les associations du barreau ou comités d’affaires juridiques dont vous êtes ou avez été membre, et tous les titres des postes que vous avez occupés au sein de ces groupes, ainsi que les dates correspondantes.

  • The Advocates’ Society :
    • Directrice 1999-2002
    • Membre du comité d’éducation 2002-2003
  • Association du Barreau canadien : membre
  • Institut canadien d’administration de la justice : ancienne membre et membre de nouveau à partir du 1er janvier 2017
  • The Osgoode Society : membre
  • Federated Press : membre du comité de rédaction et participante au Corporate Liability Journal 2003-2012
  • Juris Publishing : membre du comité de rédaction de Competition Law of Canada 1995-1996
  • Bennett Jones LLP : directrice de stage 2004, 2006-2008

Activités pro bono :

  • Comité consultatif du juge en chef de l’Ontario sur le professionnalisme : membre depuis de nombreuses années, à partir du début des années 2000, et ancienne présidente du Communications Subcommittee (anciennement appelé Communications and Publications Task Force)
  • Liste d’avocats de service, Barreau du Haut-Canada : ancienne membre. Voir, par exemple, Law Society of Upper Canada v. Prentice, [2012] L.S.D.D. n° 125
  • Représentante du Simon Wiesenthal Center (Zündel); Right to Die Society (Rodriguez)

Enseignement et formation continue :

Indiquez toutes les organisations et activités de formation judiciaire ou juridique auxquelles vous avez pris part (p. ex. enseignement dans une faculté de droit, à l’Institut national de la magistrature, à l’Institut canadien d’administration de la justice, etc.)

  • Programme de plaidoirie écrite (The Advocates’ Society et Osgoode Professional Development) : membre du corps professoral de 2005 à 2016, inclusivement
  • Programme avancé de plaidoirie en première instance, offert dans le cadre du programme de maîtrise en droit, contentieux civil et résolution des différends (Osgoode, l’honorable juge Todd Archibald et Ken Jull, directeurs) : professeure invitée en 2000, 2003, 2007, 2011, 2013 et 2015
  • The Advocates’ Society : membre du corps professoral et panéliste dans de nombreux programmes, dont les suivants :
    • Mastering Winning Discovery Techniques (2016);
    • Plaidoirie en appel, ministère de la Justice (2016);
    • Train the Trainer (2015);
    • Do a Trial (2007, 2008, 2011, 2012, 2013);
    • A Trial A to Z (conférencière en 2010; coprésidente en 2005, 2006, 2011);
    • Courthouse Series (coprésidente en 2003 et 2004; conférencière en 2008);
    • Effective Cross-examinations (2005);
    • Effective Examinations-in-chief (2003);
    • Simplifying Complex Litigation (2001)
  • Atelier intensif sur la plaidoirie en première instance : professeure invitée en 1998, 2000, 2002, 2003, 2005, 2008, 2009, 2010
  • Barreau du Haut-Canada : conférencière et membre du corps professoral dans les programmes suivants :
    • Powerful Pleadings (2010);
    • Discovery Best Practices (2004);
    • The Return of the Six Minute Commercial Advocate – « Disgorgement as a Remedy in Contract » (2001);
    • Civil Motions Workshop (1999, 2002, 2003)
  • Association du Barreau canadien : conférencière à l’Annual Institute – « The Summary Judgment Motion » (1999) et à l’Ontario Annual Institute (1998)
  • Faculté de droit de l’Université Queen’s : professeure dans le programme de plaidoirie au civil, deux ans au début des années 1990

Activités communautaires et civiques :

Indiquez toutes les organisations dont vous êtes membre ou tout poste que vous avez occupé, ainsi que les dates correspondantes.

  • Diocèse anglican de Toronto
    • Vice-chancelière, présidente, commission consultative, membre, Comité Constitution et canons, de 2011 jusqu’à présent
    • Membre, comité fiduciaire, de 2008 jusqu’à présent
  • Église St. Aidan’s, Toronto
    • Marguillière, 2004-2005
    • Membre, comité de sélection, 2003

[...]

PARTIE 11 – LE RÔLE DE LA FONCTION JUDICIAIRE DANS LE SYSTÈME JURIDIQUE CANADIEN

Le gouvernement du Canada souhaite nommer des juges ayant une connaissance approfondie de la fonction judiciaire au Canada. Afin de fournir une base solide à leur évaluation, on demande aux candidats de donner leur opinion sur des sujets généraux liés à la fonction judiciaire et au système juridique au Canada. Pour chacune des questions ci-dessous, veuillez fournir une réponse de 750 à 1000 mots.

1. Que considérez-vous comme votre plus grande contribution au droit et à la poursuite de la justice au Canada?

  • Dans mon optique, mes contributions les plus importantes dans le domaine du droit et de la poursuite de la justice au Canada sont les suivantes : (i) le rôle prépondérant que j’ai joué et que je continue de jouer pour promouvoir les intérêts des provinces dans leurs litiges relatifs au recouvrement du montant du coût des soins de santé imputables au tabac; (ii) mes contributions au développement du droit relatif au respect de la vie privée au Canada par les articles présentés ci-dessus et joints à la présente demande; (iii) plus généralement, mes plaidoyers verbaux et écrits au nom de clients publics, privés, individuels et commerciaux relativement à une vaste gamme de questions liées à de nombreux contextes différents touchant le système judiciaire et les tribunaux.

(i) Litiges relatifs au recouvrement du montant du coût des soins de santé imputables au tabac

  • Au cours des huit dernières années, j’ai joué un rôle de premier plan pour représenter six provinces dans leurs demandes d’indemnisation réglementaires pour le recouvrement du coût des soins de santé visé par leurs lois respectives sur le recouvrement du coût des soins de santé imputables au tabac. Les six provinces sont les suivantes : le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et, tout récemment, la Colombie-Britannique. J’ai participé à toutes les étapes du litige tant au niveau stratégique qu’à celui de la défense des intérêts. J’ai assumé comme responsabilité principale la rédaction de la majorité des mémoires et des exposés juridiques et j’ai comparu comme avocate dans de nombreuses requêtes. Les questions qui ont surgi ont été très diverses. En plus des questions touchant la compétence, les plaidoiries et les éléments de preuve, l’entente relative à la détermination des honoraires en fonction des résultats entre la province du Nouveau-Brunswick et son avocat a été contestée en raison d’un prétendu conflit d’intérêts et de la violation de la Loi sur la gestion des finances publiques du gouvernement fédéral et de la Constitution. J’ai été l’avocate principale pour donner suite à ces contestations. À ma connaissance, à l’époque, les questions relatives à l’entente de paiement d’honoraires conditionnels n’avaient pas de précédent au Canada. Plus récemment, les intérêts touchant la protection des renseignements personnels en rapport avec les dossiers médicaux ont été au cœur des procédures interlocutoires au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. J’ai été saisie de ces questions liées aux dossiers médicaux dans les deux provinces. Au Nouveau-Brunswick, j’ai comparu devant la Cour d’appel et, plus récemment, j’ai répondu à une demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada. La portée de ce litige nécessite une connaissance et une évaluation de toutes les questions à l’échelle du Canada.

(ii) Contribution au développement du droit relatif au respect de la vie privée

  • À cet égard, je signale mes articles se rapportant au délit civil d’atteinte à la vie privée et au délit civil d’intrusion dans l’intimité, reconnus par la Cour d’appel de l’Ontario dans la décision Jones c. Tsige. Ces articles m’ont donné l’occasion de faire des recherches et d’écrire au sujet de l’état actuel de la common law au Canada et dans d’autres pays en rapport avec la protection des renseignements personnels. Plus important encore, toutefois, les articles m’ont permis d’aborder de façon plus générale le concept des valeurs de la Charte, la jurisprudence sur la protection de la vie privée dans le contexte du droit criminel et les directives de la Cour suprême du Canada que la common law doit élaborer d’une façon qui concorde avec les besoins changeants de la société. L’arrêt Jones c. Tsige confirme la capacité de la common law d’évoluer pour s’adapter aux valeurs sociétales actuelles au moyen de changements graduels. Dans le deuxième article, j’analyse la décision de la Cour suprême du Canada dans Grant c. Torstar,qui a modifié le droit de la diffamation pour reconnaître la défense de la communication responsable dans l’intérêt public. Cela m’a permis d’examiner comment une défense de l’intérêt public dans un cadre semblable à celui de Grant se déroulerait dans une affaire de protection de la vie privée, où des revendications de la protection de la liberté d’expression et de la liberté de presse peuvent aussi intervenir. Je suis reconnaissante au juge Todd Archibald pour m’avoir donné ces possibilités et pour ses judicieux commentaires en rapport avec les deux articles.

(iii) Contribution à la plaidoirie orale et écrite

  • Plus généralement, je pense que mes plaidoyers verbaux et écrits efficaces au nom d’une grande variété de clients (publics, privés, individuels et commerciaux)  dans divers dossiers et contextes ont contribué au droit et à la poursuite de la justice au Canada. J’inclus mes plaidoiries devant les tribunaux administratifs parce que ces tribunaux jouent un rôle essentiel pour régler les différends dans notre société. Certaines des affaires dans lesquelles je me suis engagée étaient ordinaires, mais d’autres ont été plus stimulantes ou nouvelles. Indépendamment du différend factuel, de l’allégation, de la plainte (dans le cas de certains tribunaux administratifs) ou de la question de droit, des compétences efficaces en plaidoirie orale et écrite sont essentielles pour convaincre la Cour ou le tribunal des mérites de la position du client. Il s’agit de compétences que je fais de mon mieux pour améliorer chaque fois que j’ai la possibilité de plaider une cause. Je me fais souvent demander d’enseigner des techniques de plaidoirie orale et écrite et je suis toujours ravie lorsque je constate une amélioration des compétences de plaidoirie chez les jeunes avocats que j’encadre. Je pense aussi qu’il est important d’inculquer un sens du professionnalisme et de la responsabilité, en plus de ces compétences didactiques. Selon mon expérience, lorsque nous redonnons à notre profession de cette façon, l’étudiant et l’enseignant en profitent de part et d’autre.

2. Comment votre expérience vous a-t-elle permis de saisir la variété et la diversité des Canadiens et des Canadiennes et leurs perspectives spécifiques?

  • Les idées que j’ai accumulées sur la variété et la diversité des Canadiens proviennent principalement de trois « sources » : (i) ma vie dans plusieurs régions du Canada et mes fréquents voyages dans tout le pays; (ii) mon engagement dans des affaires juridiques particulières; (iii) mes occasions de formation continue.
  • Tout d’abord, j’ai eu la chance de vivre dans plusieurs régions du Canada et d’enrichir mon expérience. Je suis née à Montréal, mais j’ai grandi à Kingston, en Ontario. Pendant de nombreuses années, nous passions du temps chaque été à rendre visite à la famille de ma mère en Saskatchewan, à Regina et dans de petites fermes de la région avoisinante. Dans ces communautés rurales, j’ai été exposée à une grande variété de questions sociales et économiques. J’ai pris conscience que le sens de la communauté et l’esprit que communiquent les gens qui vivent dans cette région contribuaient énormément à compenser leur vie difficile. Un des facteurs déterminants de ma décision de fréquenter la faculté de droit à Dalhousie a été mon désir de faire l’expérience directe de la vie et de la culture dans les Maritimes. Pendant mes trois années à la faculté et dans les années qui ont suivi, j’ai visité toutes les provinces de l’Atlantique. J’ai rencontré des personnes ayant des antécédents et des circonstances socioéconomiques très variées et j’ai partagé du temps avec des familles qui subissaient les effets du ralentissement de l’économie des Maritimes. J’ai aussi pris conscience de la diversité des Canadiens et de leurs optiques différentes en pratiquant le droit et en vivant à Toronto pendant de nombreuses années. Plus récemment, ma famille et moi-même avons déménagé à Chelsea, au Québec, en 2012. Nous avons délibérément choisi de vivre à l’extérieur d’un grand centre urbain et dans la province de Québec pour faire l’expérience de la culture canadienne-française.
  • Bon nombre de mes expériences au Canada ont été le résultat d’affaires juridiques qui m’ont fait traverser tout le pays. Un des cas les plus intéressants a été celui de Bolivar Gold, qui a été réglé au Yukon. Le traitement de cette affaire m’a amenée (en compagnie de mon époux et de mon enfant, qui avait alors 18 mois) à Whitehorse. Nous avons profité du temps dont nous disposions pour faire le plus possible l’expérience de cette communauté.
  • L’expérience a été incroyablement révélatrice. Malheureusement, nous n’avons pu organiser un voyage à Nunavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest. Toutefois, nous espérons être en mesure de visiter les deux endroits l’été prochain. Mon travail concernant le recouvrement du coût des soins de santé m’a amenée à Vancouver, à Regina, à Winnipeg et à diverses villes du Nouveau-Brunswick. Chacune de ces expériences m’a permis de mieux comprendre la diversité des Canadiens, d’une ville à l’autre et au sein de chaque ville. Enfin, je mentionne un voyage en train de l’Atlantique au Pacifique que nous avons fait en famille il y a quelques années. Être en mesure de voir le Canada et sa population à travers les yeux d’un enfant a été un véritable privilège. L’immensité de la géographie de notre pays n’est devancée que par la diversité des Canadiens eux-mêmes.
  • Deuxièmement, je pense que mon engagement dans des affaires juridiques particulières m’a permis de mieux comprendre la diversité des Canadiens. À cet égard, je me reporte à ma représentation de l’intervenant, la Right to Die Society, devant la Cour suprême du Canada dans l’affaire Sue Rodriguez, à ma représentation du Simon Wiesenthal Center dans la procédure devant le Tribunal canadien des droits de la personne (et les procédures connexes à la Cour fédérale) contre Ernst Zündel, et à mon travail comme très jeune avocate auprès de John I. Laskin dans l’affaire Arlington Crane. Mon travail dans l’affaire Sue Rodriguez m’a amenée à mieux comprendre les perspectives non seulement des malades en phase terminale, mais aussi des personnes handicapées. Dans l’affaire Ernst Zündel, Zündel était accusé d’avoir violé le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les plaintes étaient liées au matériel de déni de l’Holocauste affiché par Zündel sur un site Web des États-Unis, connu sous le nom de Zündelsite. J’ai appris à mieux comprendre les perspectives des Canadiens qui ont souffert de discrimination fondée sur la haine. J’ai aussi inclus ici mon travail dans l’affaire Arlington Crane. En bref, cette affaire comprenait une contestation d’importance, fondée sur la Charte des droits et libertés,des dispositions sur l’exclusivité syndicale de la Loi sur les relations de travail de l’Ontario. Dans le cadre de mon intervention, j’ai obtenu une meilleure compréhension des syndicats et des fabricants qui exercent leurs activités dans un environnement d’organisations syndicales.
  • Troisièmement, je me suis efforcée de tirer pleinement parti des diverses expériences de formation continue qui, à mon avis, m’ont permis de bien comprendre la perspective unique des Canadiens qui vivent dans le Nord. Comme vice-chancelière du diocèse anglican de Toronto, j’ai eu le privilège d’assister à des présentations sur la vie dans le Nord et les défis uniques que doivent relever les personnes qui vivent dans les régions nordiques. Notre église à Ottawa a formé un partenariat avec le Council of the North pour un programme de prévention du suicide (qui répond à la tragédie du suicide, telle qu’elle touche, en particulier, les jeunes Autochtones).

3. Décrivez le rôle que doit jouer un juge dans une démocratie constitutionnelle.

  • Le rôle d’un juge dans une démocratie constitutionnelle consiste à régler les différends de façon indépendante et impartiale. L’indépendance judiciaire est un principe fondamental de notre Constitution. La Charte canadienne des droits et libertés garantit à toute personne accusée d’un crime que son cas sera instruit par « un tribunal indépendant et impartial ». Comme le soutient la Cour suprême du Canada, l’indépendance judiciaire donne au juge la liberté « de rendre des décisions que seules les exigences du droit et de la justice inspirent » (Mackin c. Nouveau-Brunswick) et nécessite que la magistrature ait la possibilité « d’agir sans ingérence de la part de quelque autre entité » (R. c. Ell). L’indépendance judiciaire est fondamentale pour assurer la confiance du public à l’égard du système de justice. Les différends que les juges sont appelés à trancher opposent souvent des particuliers (y compris des sociétés) ou l’État et un particulier. À l’occasion, les différends peuvent opposer des échelons différents de gouvernement. Les juges de première instance doivent entendre et soupeser tous les éléments de preuve pertinents dont ils sont saisis et tous les juges doivent interpréter et appliquer le droit procédural et substantiel, de même que la Loi constitutionnelle de 1867 et la Charte canadienne des droits et libertés. Un juge doit être libre et doit être perçu comme étant libre de remplir sa fonction juridictionnelle sans interférence, y compris l’interférence des autres secteurs du gouvernement. Un juge doit en tout temps demeurer objectif et impartial et être perçu comme étant objectif et impartial.
  • Le pouvoir législatif a conféré à la magistrature une juridiction de surveillance pour déterminer si les textes de loi ou la conduite du gouvernement sont contraires à la Charte canadienne des droits et libertés et, dans l’affirmative, élaborer une réparation convenable et juste. Dans cette perspective, la magistrature joue un rôle important à l’égard de l’évolution du droit. La métaphore de l’« arbre vivant » continue d’être l’approche appropriée dans l’interprétation constitutionnelle, faisant en sorte que « le pacte confédératif puisse répondre aux réalités nouvelles » (comme l’a formulé la juge Deschamps dans Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi). Cela dit, la primauté du droit nécessite que les tribunaux appliquent des textes de loi qui sont conformes à la Constitution, même si la loi est perçue comme étant « injuste » ou « inéquitable ».
  • Lorsqu’il existe un précédent de la Cour suprême du Canada ou une décision de la cour supérieure d’une province ou d’un territoire donné qui interprète la loi, le juge du tribunal inférieur est tenu de trancher l’affaire conformément au précédent, pourvu que les faits essentiels soient les mêmes. L’affaire peut, toutefois, être une question de première impression. Si une question d’interprétation de la loi est en jeu, en interprétant une disposition législative particulière, on peut considérer que le juge développe le droit. Dans le contrôle judiciaire des décisions administratives, on peut dire que le juge développe et applique la loi dans une démocratie constitutionnelle. Dans l’examen judiciaire de l’équité des procédures administratives, la suffisance de l’autorisation légale pour les mesures administratives et l’exercice rationnel de la discrétion par les organismes publics peuvent aboutir au développement du droit applicable à un organisme particulier ou à une application plus générale.
  • Enfin, comme l’a écrit le juge Cory dans l’arrêt Hill c. Church of Scientology of Toronto, « Historiquement, la common law a évolué grâce aux changements progressifs qu’y ont apportés les tribunaux afin que le droit corresponde aux valeurs sociales contemporaines. » La common law, par le truchement de la magistrature, peut et devrait évoluer d’une manière conforme aux valeurs qui sous-tendent la Charte des droits et libertés, compte tenu du fait que les changements profonds (par opposition aux révisions progressives) doivent demeurer du ressort du pouvoir législatif. Dans ce contexte, il est important de noter que la Charte des droits et libertés affirme que le Canada est un pays multiculturel et que la Charte doit être interprétée en concordance avec la préservation et l’amélioration du patrimoine multiculturel des Canadiens. La désirabilité et la nécessité des changements progressifs à la common law ont été affirmées par la Cour suprême du Canada (par exemple dans Grant c. Torstar, où la Cour a modifié le droit de la diffamation pour reconnaître une défense de communication responsable pour des questions d’intérêt public) et par la Cour d’appel de l’Ontario (par exemple, dans l’arrêt Jones c. Tsige, reconnaissant le délit d’intrusion dans l’intimité de la common law). Cela dit, le rôle du juge dans une démocratie constitutionnelle à l’égard de l’évolution du droit est limité – ce sont les organes législatifs provinciaux et fédéraux qui ont la responsabilité de promulguer les lois à leur convenance, sous réserve de la Constitution et des droits et libertés garantis par la Charte des droits et libertés.

4. À qui s’adressent les décisions de la cour à laquelle vous vous portez candidat?

  • À mon sens, il y a quatre publics pour les décisions rendues par les tribunaux : (i) les parties aux différends; (ii) ceux qui pratiquent ou qui sont engagés dans le domaine, l’industrie ou le secteur du droit auquel la décision se rapporte; (iii) dans le cas des tribunaux d’appel qui établissent des précédents ou qui donnent des directives, le public comprend les tribunaux inférieurs de la juridiction; (iv) plus généralement, le grand public, y compris les médias.
  • Le public le plus immédiat pour les décisions de la Cour d’appel fédérale, de la Cour fédérale, de la Cour d’appel de l’Ontario et de la Cour supérieure de justice de l’Ontario est constitué des parties au différend devant la Cour. Les parties, qu’il s’agisse de particuliers, de sociétés ou de gouvernements, sont celles qui sont les plus touchées par la décision. La clarté des motifs écrits de la décision est essentielle pour maintenir la confiance du public envers le système judiciaire. La décision renseigne les parties et leur permet de voir que les questions de leur affaire ont été prises en compte. Elle leur permet également de déterminer si un appel est justifié. Lorsque le différend est tranché en fonction du droit constant, le public peut se limiter aux parties directement concernées par l’affaire.
  • Un public plus vaste pour les décisions de ces tribunaux est celui des personnes qui pratiquent ou qui sont engagées dans le domaine, l’industrie ou le secteur du droit auquel la décision se rapporte. Si une question est nouvelle ou nécessite une interprétation ou une évolution du droit, la décision pourrait bien avoir des répercussions pour d’autres que les parties au différend. L’arrêt Jones c. Tsige en est un exemple : même si l’affaire représentait un litige de droit privé entre des employés de banque, on peut s’attendre à ce que la décision de la Cour d’appel de l’Ontario serve d’exemple pour les tribunaux des provinces où il existe des délits civils d’atteinte à la vie privée. La décision a eu également et continuera d’avoir une incidence sur les recours collectifs, le droit de la santé, le droit de la famille, le droit des médias et le droit du travail, de même que sur les normes de preuve en common law. Dans une affaire portant sur une perquisition et une saisie abusives, le public pour la décision comprendra les autorités policières. De plus, lorsque des questions de droit public sont en jeu, par exemple dans des affaires touchant le droit administratif, la décision peut avoir une incidence sur la pratique et la procédure devant un tribunal particulier, sur ceux qui mènent des activités dans un système de réglementation particulier ou dans une industrie donnée, et (ou) sur les groupes de défense de l’intérêt public.
  • Dans le cas de la Cour d’appel fédérale et de la Cour d’appel de l’Ontario, lorsqu’un précédent est établi, le public de la décision comprend le tribunal inférieur de la juridiction. Naturellement, en plus de la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale instruit des appels de jugement de la Cour canadienne de l’impôt et a compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire des conseils et des tribunaux fédéraux visés à l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales. Lorsqu’il y a un précédent de la Cour suprême du Canada ou une décision d’une cour supérieure de la province ou du territoire particulier qui interprète la loi, le juge du tribunal inférieur est tenu de trancher l’affaire conformément au précédent (pourvu que les faits essentiels soient les mêmes).
  • Le dernier public, et aussi le plus vaste, pour les décisions rendues par les tribunaux, est le grand public, comprenant les médias qui jouent un rôle déterminant pour diffuser l’information sur les décisions des tribunaux au grand public. Chaque procès, audition ou appel est un acte de communication avec le public.
  • La confiance du public à l’égard de l’intégrité de notre système judiciaire et la compréhension par le public de l’administration de la justice sont favorisées par le principe de la publicité de la justice; il ne doit pas seulement y avoir justice, mais aussi apparence de justice. C’est particulièrement le cas dans les affaires qui touchent les questions de la Charte canadienne des droits et libertés, en raison de la nature fondamentale de ces droits et libertés et des valeurs sociétales reconnues dans la Charte. Nous sommes une société diverse et multiculturelle, comme l’affirme la Charte. La Charte affirme et reconnaît les droits des Autochtones et les droits issus de traités. À l’article 15 de la Charte, nous reconnaissons et garantissons que « la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. » En ce sens, toutes les décisions touchant les questions de la Charte nous concernent tous en tant que Canadiens.

5. Prière d’indiquer les qualités personnelles, les compétences et l’expérience professionnelles ainsi que l’expérience de vie qui, selon vous, vous rendent apte à exercer le rôle de juge.

  • J’ai été avocate plaidante pendant 28 ans et je me suis efforcée pendant cette période de maintenir aussi large que possible la pratique du contentieux. J’ai eu la possibilité de participer à une grande variété d’affaires au nom de clients diversifiés – secteur public et privé, sociétés et particuliers – à tous les niveaux de tribunal, dans différentes provinces et leurs tribunaux particuliers. J’ai acquis de l’expérience dans une grande variété de différends commerciaux, de questions de droit administratif, d’affaires de droit constitutionnel, d’affaires de responsabilité en matière de produit, de questions de droit relatif à la protection de la vie privée, de différends en matière de responsabilité entre des directeurs et des agents, de questions liées à la concurrence et à l’accès à l’information, de contentieux relatifs aux valeurs mobilières et de recours collectifs. De bonnes compétences analytiques, jumelées à une solide éthique du travail, me permettent d’aborder différents domaines du droit, substantiel et procédural. Les nouveaux défis me passionnent. En tant qu’avocate principale représentant six provinces dans leur litige pour le recouvrement du coût des soins de santé imputables au tabac, j’ai beaucoup apprécié la possibilité de plaider dans les provinces du Nouveau‑Brunswick, de la Saskatchewan et du Manitoba. J’adore faire des recherches et m’initier à de nouveaux secteurs de droit, et je suis à même d’apprendre rapidement. Je peux aussi gérer une lourde charge de travail même si elle m’isole, et m’adapter à de nouveaux contextes et environnements. Ces habiletés m’ont bien servie en tant que plaideuse et me serviraient aussi, à mon avis, en tant juge.
  • J’ai de solides compétences en communication orale et écrite. La rédaction juridique efficace est l’une de mes passions, comme le démontrent mes publications écrites au cours de mes années de pratique. Pendant plus de dix ans, j’ai été membre de la faculté pour le programme Written Advocacy organisé par The Advocates’ Society et Osgoode Professional Development. J’aime aussi encadrer les jeunes membres de mon cabinet, en particulier dans le domaine de la plaidoirie écrite. Je crois profondément à l’importance de redonner à la profession et j’apprécie l’occasion de le faire par des programmes d’éducation juridique continue et des activités bénévoles. Dans le cadre des programmes de formation juridique continue, j’ai eu la possibilité de voir directement le dévouement des juges de notre pays pour rendre le processus judiciaire plus accessible à la profession juridique et au public.
  • Je me décrirais comme une personne travailleuse, déterminée et diligente dans tout ce que je fais, sur le plan personnel et professionnel. D’autres me décrivent comme ayant de bonnes compétences analytiques. Je suis organisée et efficace. J’aime les défis. Je m’efforce en tout temps d’être respectueuse et prévenante avec les autres. Je pense que mes collègues me considèrent comme étant d’un abord très facile. Je suis considérée comme une personne disposée à envisager divers arguments. Je suis ouverte aux critiques constructives, mais sans faire de compromis sur les faits. Je suis reconnue comme une personne qui écoute avant de présenter des commentaires. Je suis aussi reconnue pour mon esprit d’équipe, mais je travaille bien également de façon indépendante, comme c’est souvent nécessaire dans ma pratique. J’ai appris qu’un dévouement extrême à l’égard des clients ne peut se faire au détriment de la famille; communiquer avec ma famille, même quand je suis en voyage d’affaires, est une priorité. Il en est de même du maintien d’une vie saine et active.
  • Mon travail auprès du diocèse anglican de Toronto comprend mes fonctions de vice‑chancelière (qui consiste, de concert avec le chancelier, à conseiller et à aider l’évêque dans les affaires de discipline et « les cas de difficulté ou de doute »), de membre du comité fiduciaire (qui traite de questions immobilières et financières), de membre du comité Constitution et canons et de présidente de la commission consultative sur la cessation des nominations cléricales. Je pense que ce travail démontre mes capacités de faire preuve de jugement et de prendre des décisions. Ma conviction à l’égard de l’importance du professionnalisme est soulignée par mon travail pendant de nombreuses années auprès du Comité consultatif du juge en chef de l’Ontario sur le professionnalisme. Je pense que la civilité dans notre système de justice est essentielle à son efficacité; les débats vigoureux – que ce soit entre avocats ou devant un tribunal – ne devraient jamais se traduire en comportements impolis et irrespectueux.
  • J’ai eu le grand bonheur de faire l’expérience, du moins en partie, de la diversité régionale qui donne au Canada son caractère particulier : j’ai grandi à Kingston, en Ontario, j’ai fréquenté la faculté de droit à Halifax, j’ai pratiqué le droit pendant de nombreuses années à Toronto et je vis maintenant à Chelsea, au Québec. J’ai passé du temps dans les dix provinces et un territoire. Ma pratique de plaidoirie m’a aussi donné la possibilité de passer du temps et de plaider à Whitehorse, à Fredericton, à Winnipeg et à Regina. Le fait de voir et de vivre la diversité sociale du Canada a été à la fois enrichissant et éducatif; ce parcours inspirant n’aurait pas été possible sans l’amour et le soutien inconditionnel de mon époux et de notre fille.

6. Compte tenu de l’objectif voulant que les Canadiens et Canadiennes se reconnaissent et reconnaissent leurs expériences de vie au sein de la magistrature, vous pouvez, si vous le voulez, ajouter des renseignements sur vous-même que vous croyez être utiles aux fins de cet objectif.

  • Tous les Canadiens méritent le meilleur système judiciaire possible. Nous avons le meilleur système judiciaire du monde – ma participation aux conférences de Cambridge a mis en évidence ce fait. Notre système judiciaire doit continuer d’être dynamique, attentif et grandement compétent et nous devons travailler avec diligence pour améliorer l’accès à la justice pour tous les Canadiens. En tant que Canadienne de deuxième génération, d’épouse, de mère et d’avocate, je sais que j’ai beaucoup de chance. Je sais aussi qu’il y a de nombreux autres Canadiens qui ont de plus courts antécédents au Canada ou des antécédents beaucoup plus divers que les miens. Ces vérités n’ont fait que renforcer intensément ma connaissance, mon respect et mon appréciation pour les perspectives uniques de mes collègues, de mes amis et de mes voisins de toutes les parties du Canada et de tous les horizons. La diversité du Canada est notre force et notre patrimoine nous tient à cœur

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