Notes d’allocution de L’honorable David Lametti à l’Association du Barreau canadien - Assemblée générale de 2020

Discours

Ottawa (Ontario)
19 février 2020

Le texte prononcé fait foi

Introduction

Merci beaucoup pour votre aimable présentation et votre accueil chaleureux.

Je tiens à rendre hommage au peuple algonquin puisque nous sommes réunis aujourd’hui sur ses terres traditionnelles.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’entretenir avec vous de nouveau lors de votre assemblée générale annuelle. L’Association du Barreau canadien (ABC) joue un rôle essentiel pour soutenir la communauté juridique du Canada et défendre les lois canadiennes.

Le gouvernement du Canada partage votre engagement inébranlable à faire progresser l’accès à la justice pour tous les Canadiens. La mobilisation de l’ensemble du gouvernement fédéral, des partenaires provinciaux et territoriaux et des intervenants comme l’ABC est essentielle si nous voulons promouvoir et maintenir une approche de justice axée sur la personne.

Il y a un peu plus d’un an, peu après ma nomination comme ministre et procureur général, j’ai pris la parole lors de votre assemblée générale.

À l’époque, je vous ai parlé des valeurs et des expériences qui m’avaient motivé à entrer en politique, valeurs et expériences qui, je l’espérais, viendraient guider mes décisions en tant que ministre.

Je vous ai parlé de deux hommes qui sont pour moi des mentors, Rod Macdonald et le juge Peter Cory. Ces deux hommes d’exception étaient des modèles pour moi. Ils croyaient fermement à l’importance de l’éthique, de l’équité, de la réconciliation et à l’accès à notre système de justice.

Je vous ai aussi parlé de mon histoire personnelle – en tant qu’enfant d’immigrants de la classe ouvrière, étudiant de premier cycle à l’époque de Pierre Trudeau et de la Charte, et de professeur de droit pendant près de 20 ans à l’Université McGill. Toutes ces expériences de vie ont façonné mon point de vue sur ce qui constitue une société vraiment juste et équitable.

Toutes ces expériences ont non seulement éveillé chez moi une passion pour le droit, mais elles ont également renforcé l’importance pour moi de vivre dans un pays où nous, les Canadiens, pouvons poursuivre notre propre version du bonheur.

Récapitulatif de la dernière année

Au cours de la dernière année, nous avons réalisé d’importants progrès pour favoriser un système de justice équitable, transparent et compatissant.

En droit criminel, par l’entremise du projet de loi C-75, nous avons instauré des réformes qui permettront de réduire les retards et de moderniser le système de justice pénale. Ces réformes constituent un élément clé de la stratégie fédérale visant à transformer le système de justice pénale afin de le rendre plus efficace, plus équitable et plus accessible.

Nous avons également pris des mesures pour améliorer la transparence et renforcer la responsabilisation de la magistrature. En 2016, nous avons mis en place un nouveau système de nominations à la magistrature. Je suis très fier de ce système et des nominations que nous avons faites.

Les nominations à la magistrature sont des nominations à vie. Je prends donc cette responsabilité très au sérieux. Les comités consultatifs indépendants sur la magistrature de chaque province et territoire évaluent tous les candidats et formulent leurs recommandations. Seuls les candidats ayant fait l’objet d’une recommandation peuvent passer à l’étape suivante.

Une fois à cette étape, de vastes consultations ont lieu pour évaluer les besoins particuliers du tribunal, la diversité de la magistrature, la solidité des candidatures et l’expertise de chaque candidat.

Il m’incombe de recommander le meilleur candidat pour chaque poste, et je suis fier de la qualité et du haut calibre des juges que nous avons nommés.

Nous avons également fait beaucoup pour accroître la diversité au sein de la magistrature, afin que de plus en plus de Canadiens de tous les milieux puissent s’y reconnaître et voir leurs points de vue reflétés au sein de la magistrature.

Parmi les quelque 348 juges que nous avons nommés à la Cour supérieure depuis novembre 2015, plus de la moitié sont des femmes. Nos nominations témoignent également d’une augmentation de la représentation des juges racialisés, des juges autochtones, LGBTQ2, ainsi que de ceux qui s’identifient comme ayant un handicap.

À ce sujet, j’aimerais mentionner que nous cherchons toujours à élargir le bassin de candidats qualifiés et à pénétrer de nouveaux réseaux. Si vous ou quelqu’un que vous connaissez caressez le projet de carrière de devenir juge, le site web du Commissariat à la magistrature fédérale Canada contient tous les renseignements dont vous avez besoin pour présenter votre candidature et lancer le processus.

Le travail de l’ABC consiste à identifier des candidats méritants pour des postes de juge, ainsi que des postes au sein des comités consultatifs judiciaires indépendants, et à les encourager à présenter leur candidature. Le travail accompli par l’ABC a contribué à la nomination d’un groupe de juges des plus compétents.

Je sais que je peux compter sur tout le monde dans cette salle et sur l’ensemble de l’équipe de l’ABC pour continuer à faire passer le message.

Dans le domaine du droit de la famille, nous avons adopté le projet de loi C-78 qui, entre autres choses, fait en sorte que l’intérêt supérieur des enfants soit au cœur des décisions de nos tribunaux dans toute affaire mettant en cause des enfants.

Bien que nous soyons fiers des progrès que nous avons accomplis au cours des quatre dernières années, nous pouvons toujours faire davantage. Cela dit, j’aimerais vous parler de certaines des initiatives que nous avons l’intention d’entreprendre dans le cadre de ce nouveau mandat.

Parmi les défis qui nous attendent, nous devons travailler au renouvellement de la relation de la Couronne avec les peuples autochtones en fonction de la reconnaissance de leurs droits, du respect, de la coopération et de la volonté de partenariat.

Évidemment, cela ne peut pas se produire du jour au lendemain. Mais ce n’est surtout pas quelque chose que nous devons mettre sur la glace. Nous parlons ici d’enjeux dont nous reportons la résolution depuis beaucoup trop longtemps.

Pour reprendre les propos de Martin Luther King Jr. :

« Nous sommes maintenant confrontés au fait que demain est devenu aujourd’hui. Nous sommes maintenant confrontés à une situation d’urgence. Dans ce scénario de la vie et de l’histoire, il existe malheureusement le concept “ de ne pas être intervenu à temps ”. Il est révolu le temps de l’apathie et de la complaisance. Le moment est venu de prendre des mesures vigoureuses et constructives »

La mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration des Nations Unies) est une tâche qui m’a été confiée par le premier ministre dans ma lettre de mandat et constitue une priorité pour l’ensemble de notre gouvernement.

La Déclaration des Nations Unies servira de cadre pour appuyer les peuples autochtones dans l’exercice de leurs droits inhérents, y compris le maintien et le renforcement de leurs systèmes judiciaires, ainsi que de leurs coutumes et traditions juridiques.

Alors que nous traçons la voie à suivre, il est essentiel de changer la relation entre la Couronne et les peuples autochtones, pour la faire passer d’une relation vécue à distance, à une relation qui favorise le contrôle des Autochtones sur leur propre vie et leurs communautés.

Nous devons également prendre des mesures pour lutter contre la discrimination et la violence auxquelles trop de peuples autochtones continuent de faire face. Les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones sont plus touchées par la violence que tout autre groupe au Canada. Cela est inacceptable.

Le rapport final de l’Enquête nationale a mis au jour ces tragiques réalités, et les appels à la justice de l’Enquête soulèvent des enjeux clés auxquels doivent faire face le Canada et son système de justice pénale.

Nous devons faire mieux. Nous déployons également des efforts soutenus pour répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Nous travaillons à l’échelle du gouvernement et en partenariat avec les peuples autochtones afin de trouver des moyens de renforcer les politiques et les programmes existants et d’ajouter de nouvelles mesures pour accroître la sécurité des femmes, des filles et des personnes LGBTQ2 autochtones au Canada.

Je suis persuadé que je pourrai compter sur le soutien et la coopération de l’ABC pour réaliser des progrès à l’égard de ces objectifs essentiels.

Bien sûr, en plus de notre travail sur la réconciliation, je suis fier de dire que nous avons également travaillé très fort sur d’autres enjeux. Comme vous le savez peut-être, avec l’appui de l’Honorable Rona Ambrose, nous avons récemment déposé le projet de loi C-5. Ce projet de loi combat les mythes et les stéréotypes auxquels les victimes d’agression sexuelle sont trop souvent confrontées.

Pour ce faire, il renforce les exigences en matière de formation de tous les juges des cours supérieures provinciales nouvellement nommés, réduisant ainsi la probabilité que ces mythes et stéréotypes nuisibles se retrouvent dans les salles d’audience au Canada.

J’espère que cela renforcera la confiance des Canadiens, principalement des victimes d’agression sexuelle, envers notre système de justice.

Nos premiers efforts ont également porté sur le droit relatif à l’aide médicale à mourir. Comme je l’ai déclaré publiquement, je prévois de déposer sous peu un projet de loi à ce sujet. Cette loi répondra en grande partie à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Truchon de septembre dernier, qui a conclu qu’une partie du régime existant était inconstitutionnelle et a donné six mois au gouvernement fédéral pour la modifier.

Lorsqu’il s’agit de questions entourant la fin de la vie d’une personne, nous comprenons l’importance d’agir de façon responsable et avec compassion.

Nous reconnaissons également les nombreuses considérations que nous devons prendre en compte, ainsi que la réalité selon laquelle les choix que nous faisons sur ces questions auront des répercussions qui vont au-delà des personnes et des familles présentement concernées. Ces choix en diront long sur les valeurs et les priorités de la société dans laquelle nous vivons.

Pour aider à encadrer notre future législation, j’ai consulté, avec mes collègues, les ministres Hajdu et Qualtrough, des praticiens, des universitaires et des défenseurs des droits des patients lors de tables rondes tenues aux quatre coins du pays.

Nous avons également lancé une consultation en ligne qui a donné à tous les Canadiens l’occasion d’exprimer leurs points de vue sur ces importantes questions. Près de 300 000 Canadiens ont donné leur avis, ce qui démontre à quel point les Canadiens se soucient de cette question profondément personnelle et complexe. Ces commentaires nous ont également permis de voir comment l’opinion publique a progressé au cours des quatre années écoulées depuis que l’aide médicale à mourir est devenue disponible au Canada.

En tant que procureur général du Canada, j’ai déposé une demande de prolongation de 4 mois à la Cour supérieure du Québec en début de semaine. Sans cette prorogation, le critère de « prévisibilité raisonnable de la mort naturelle » de la loi fédérale ne s’appliquera plus au Québec à compter du 12 mars, mais restera en vigueur ailleurs au pays.

Comme vous le savez, l’aide médicale à mourir est une question complexe mais surtout profondément personnelle.

Une décision comme celle-là chamboule nos valeurs, chamboule nos sentiments. Les gens qui font le choix de l’aide médicale à mourir sont dans une situation de souffrance inimaginable. C’est une décision qui a un impact sur la personne elle-même mais également pour ses proches.

Comme gouvernement nous avons une décision importante à prendre, nous devons être à l’écoute des besoins de la population.

Le Canada est une société progressiste. Notre réflexion a évolué au cours des dernières années et elle continuera d’évoluer. Nous continuerons à nous questionner et à réfléchir, tout en offrant aux canadiens le respect et la liberté de choisir.

Nos travaux sur la réconciliation, l’aide médicale à mourir et le processus de nomination des juges ont retenu une grande partie de notre attention au cours des premiers mois de ce nouveau mandat. Ils ne représentent toutefois qu’une partie de ce qui constitue, en définitive, un programme ambitieux pour le portefeuille de la justice.

Une grande partie du travail que nous avons l’intention d’entreprendre au cours de ce mandat aura des effets durables qui refléteront la vision progressive que les Canadiens ont choisie en octobre dernier.

Permettez-moi de nommer seulement quatre changements que j’espère que ce Parlement appuiera :

Tout d’abord, un enjeu qui touche le cœur de nombreux Canadiens — notre promesse d’interdire la thérapie de conversion, ou de réorientation sexuelle. Cette pratique est si manifestement néfaste et déphasée par rapport à la société canadienne moderne que beaucoup la considèrent déjà comme un vestige du passé.

Malheureusement, nous savons que ce n’est pas le cas, particulièrement pour les jeunes vulnérables, qui courent un plus grand risque de dépression et de suicide à la suite de traitements pour les forcer à se « guérir » de leur homosexualité.

Je salue le leadership de plusieurs villes, municipalités et provinces qui ont pris des mesures sur leur territoire. J’espère pouvoir compter sur votre soutien dans nos efforts pour éliminer cette pratique néfaste.

Deuxièmement, nous avons l’intention de lutter contre les crimes liés aux armes à feu en adoptant des politiques plus efficaces de contrôle des armes à feu, parce que tous les Canadiens ont le droit de vivre en sécurité.

Troisièmement, nous avons l’intention de répondre à un monde de plus en plus numérique en prenant des mesures pour combattre la haine en ligne. Nous reconnaissons les effets corrosifs grandissants que certains comportements nuisibles en ligne peuvent avoir sur certaines personnes, certains groupes vulnérables et la société en général.

Enfin, nous donnerons suite à notre engagement de mettre sur pied une commission indépendante d’examen des affaires criminelles. Il est essentiel de pouvoir compter sur des mécanismes efficaces pour repérer les condamnations injustifiées et y réagir correctement, et pour réparer les erreurs judiciaires. Il me tarde de travailler avec les intervenants pour relever ce défi.

Avant de conclure, je tiens à exprimer ma gratitude à l’ABC et à ses membres.

Les mesures dont j’ai parlé aujourd’hui sont ambitieuses — elles visent à transformer le système de justice et la société canadienne en général.

Ce genre de travail est impossible sans le travail fondamental et les perspectives de groupes comme l’ABC. Dans cette optique, je tiens à vous remercier sincèrement pour la contribution sans réserve et continue des membres de l’ABC.

Vos efforts sont très appréciés, notamment en ce qui a trait :

  1. au contributions de l’ABC aux travaux du Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale;
  2. au rapport novateur Atteindre l’égalité devant la justice : une invitation à l’imagination et à l’action;
  3. au soutien continu que vous offrez aux juristes et aux professionnels.

J’ai pris le chemin du droit parce que je croyais au pouvoir de la loi, et au bien qu’elle pouvait faire dans la vie des gens. Le fait qu’un enfant d’immigrants italiens peut devenir ministre de la Justice et qu’il a le pouvoir de mettre en place des lois transformatrices et progressives en est la preuve.

En tant qu’avocats, ceux d’entre nous ici présents et tous les membres de l’ABC, nous avons l’occasion et la responsabilité de continuer à prouver tout le bien que le droit peut faire, surtout dans un pays comme le Canada.

Je félicite vos membres pour leurs efforts visant à préconiser des systèmes de droit équitables, à faciliter la réforme efficace du droit, à soutenir l’égalité et la diversité au sein des professions juridiques.

Je crois que nous travaillons tous à l’atteinte des mêmes objectifs. La collaboration et le maintien de solides relations dans l’ensemble de la communauté juridique du Canada sont essentiels pour transformer efficacement notre système de justice et faire progresser l’accès à la justice pour tous.

Thank you. Merci.

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