Recommandations au sujet de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada : Agents pathogènes microbiologiques et dangers biologiques : Microorganismes pathogènes

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2.0 Microorganismes pathogènes

De nombreux microorganismes pathogènes peuvent être présents dans des milieux récréatifs. Les trois principaux types sont les bactéries, les virus et les protozoaires. La présence de nombre d’entre eux résulte de la contamination des eaux par des déchets humains ou animaux, tandis que d’autres sont des microorganismes libres naturellement présents dans les milieux aquatiques à vocation récréative. Les champignons constituent un quatrième type qui peut être préoccupant sur certaines plages, particulièrement pour le sable des plages. Il convient toutefois de noter que les recherches visant à caractériser les risques potentiels liés aux champignons se poursuivent.

On considère que les agents pathogènes entériques présentent le risque de maladie infectieuse le plus élevé pour la santé humaine découlant d’une exposition à des eaux récréatives. Ils s’y introduisent principalement par les déchets contaminés par des eaux usées (OMS, 2021). Les sources ponctuelles de pollution telles que les déversements d’eaux municipales ou les trop-pleins d’égout unitaire sont les principales sources de contamination par les eaux usées. Les sources non ponctuelles susceptibles de contribuer aux charges fécales des eaux environnementales sont les collecteurs d’eaux pluviales, les déversoirs (qui captent les eaux de ruissellement provenant des zones urbaines et rurales) ainsi que les fosses septiques défectueuses ou mal conçues. Les baigneurs eux-mêmes, en particulier les jeunes enfants, peuvent constituer une source de contamination par leurs selles ou le rejet accidentel de matières fécales. Les déchets animaux, qui peuvent contenir de nombreux pathogènes bactériens et protozoaires, ne posent qu’un faible risque de transmission des virus à l’humain (Cliver et Moe, 2004; Percival et coll., 2004; Wong et coll., 2012; Santé Canada, 2019a).

2.1 Bactéries entériques pathogènes

La présence de bactéries entériques pathogènes dans les eaux récréatives résulte de la contamination de celles-ci par des déchets fécaux d’origine humaine ou animale. La transmission intervient par la voie oro-fécale, à la suite de l’ingestion accidentelle d’eau contaminée. Les symptômes gastro-intestinaux comptent parmi les manifestations morbides les plus communes en cas d’infection par des bactéries entériques pathogènes, bien que certains agents pathogènes puissent provoquer des maladies ayant des conséquences plus graves. E. coli et les entérocoques sont les principaux organismes indicateurs utilisés pour déterminer le risque potentiel de maladie entérique (Santé Canada, en cours de publication-b) causée par les bactéries entériques pathogènes.

2.1.1 Campylobacter

Les bactéries du genre Campylobacter sont des bactéries à Gram négatif, mobiles, asporulées, en forme de bâtonnet incurvé, spiralé ou en forme de S. Ce sont des organismes thermophiles (leurs conditions idéales de croissance se situent à 42 °C et ils ne peuvent se développer en dessous de 30 °C) et microaérophiles (c.-à-d. qu’ils survivent le plus facilement dans des conditions partiellement anaérobies). Le genre Campylobacter (classe : Epsilonproteobacteria) compte plus de 30 espèces (LPSN, 2019); toutefois, C. jejuni et C. coli sont celles qui sont principalement préoccupantes pour la santé humaine en milieu aquatique.

Les Campylobacter sont majoritairement considérés comme des agents zoopathogènes (Fricker, 2006), mais peuvent aussi être transmis par des matières fécales humaines. Ils font partie de la flore intestinale normale d’un vaste éventail d’animaux domestiques (volaille, bovins, ovins, animaux de compagnie) et sauvages, en particulier les oiseaux aquatiques (Moore et coll., 2002; Pond, 2005; Fricker, 2006; Wagenaar et coll., 2015; Backert et coll., 2017). Parmi les sources importantes de contamination fécale, citons les eaux de ruissellement de surface contaminées par des déchets d’élevage ou des excréments d’animaux sauvages (p. ex. les oiseaux aquatiques), les déjections directes des oiseaux sauvages aquatiques (p. ex. les mouettes et goélands et les oies et bernaches) qui passent la nuit sur les plans d’eau, et les eaux usées de source humaine.

Les symptômes de l’entérite à Campylobacter comprennent des débâcles diarrhéiques aqueuses (sanglantes ou non), des crampes, des douleurs abdominales, des frissons et de la fièvre. La période d’incubation est habituellement d’un à cinq jours. En règle générale, la maladie évolue spontanément vers la guérison; il faut compter une dizaine de jours avant le rétablissement (Backert et coll., 2017). Des infections asymptomatiques (celles pour lesquelles il n’y a aucune manifestation de la maladie) par Campylobacter spp. sont également possibles (Percival et Williams, 2014b). L’information sur la relation dose-réponse concernant l’infection et la maladie causées par Campylobacter n’est pas entièrement comprise (Teunis et coll., 2005; 2018). Une forte probabilité d’infection et de maladie a été observée à des doses de 500 à 800 cellules de C. jejuni dans une étude sur l’alimentation humaine (Medema et coll., 1996). Des renseignements provenant d’une éclosion d’origine alimentaire semblent indiquer que la dose infectieuse pourrait être encore plus faible pour certaines souches ou pour les enfants (Teunis et coll., 2005; 2018). Certaines infections graves peuvent conduire à l’hospitalisation et mettre la vie en danger, mais les décès sont rares et se limitent généralement aux nourrissons, aux personnes âgées ou aux sujets atteints d’autres maladies sous-jacentes (Pond, 2005).

Certaines complications postérieures à l’infection ont été associées à l’entérite à Campylobacter, notamment le syndrome de Guillain-Barré et l’arthrite réactionnelle; il s’agit cependant de cas jugés rares. Les données probantes suggèrent également que l’infection à Campylobacter pourrait être associée au développement de maladies inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse et le syndrome du côlon irritable (Backert et coll., 2017; Huang et coll., 2015).

Bien que les Campylobacter spp. aient été fréquemment isolés dans les eaux de surface en Amérique du Nord (Hellein et coll., 2011; Khan et coll., 2013 a, 2013b; Oster et coll., 2014; Guy et coll., 2018), il n’y a eu quasiment aucune éclosion de maladies qui leur soit associée du fait d’activités menées dans des eaux récréatives. Entre 2000 et 2014, les Campylobacter spp. ont été désignés comme l’unique agent causal d’une éclosion de gastro-entérite survenue dans des eaux récréatives aux États-Unis, ainsi que d’une éclosion au cours de laquelle plusieurs agents pathogènes avaient été mis en cause (Graciaa et coll., 2018). Des flambées ont également été liées à de l’eau potable (Santé Canada, 2022). Aucune éclosion de campylobactériose n’a été enregistrée au Canada lié aux eaux à vocation récréative. Au Canada et à l’étranger, les cas de campylobactériose sont surtout sporadiques, la plupart des maladies étant liées à la consommation d’aliments contaminés (Huang et coll., 2015; Wagenaar et coll., 2015; Pintar et coll., 2017). Toutefois, le contact avec l’eau dans un contexte récréatif est un risque d’exposition potentiel (Denno et coll., 2009; Pintar et coll., 2017; Ravel et coll., 2017)) et a été associé à des cas sporadiques à l’échelle internationale (Schönberg-Norio et coll., 2004).

2.1.2 E. coli pathogènes/Shigella

Les bactéries E. coli (genre Escherichia; famille : Enterobacteriaceae; classe : Gammaproteobacteria) sont des bactéries à Gram négatif, mobiles ou non, anaérobies facultatives, asporulées et en forme de bâtonnet qui sont naturellement présentes dans l’intestin des humains et des animaux. Elles peuvent se développer dans un grand intervalle de températures (entre 7 et 45 °C), la température optimale de croissance étant de 37 °C (Ishii et Sadowsky, 2008; Percival et Williams, 2014c). La grande majorité des souches d’E. coli est sans danger. En revanche, quelques sérotypes ou souches sont dotés de facteurs de virulence qui en font des agents pathogènes pour l’humain. Les souches entériques pathogènes se divisent en six groupes en fonction de leurs caractéristiques sérologiques ou de virulence : les E. coli entérohémorragiques (ECEH), les E. coli entérotoxinogènes (ECET), les E. coli entéroinvasives (ECEI), les E. coli entéropathogènes (ECEP), les E. coli entéroagrégatives (ECEA) et les E. coli à adhésion diffuse (ECAD) (Croxen et coll., 2013; Percival et Williams, 2014c). Certaines souches d’E. coli, comme les E. coli uropathogènes (ECUP), sont également responsables d’infections extra-intestinales (Abe et coll., 2008).

Des analyses poussées par typage et séquençage moléculaire ont démontré que les bactéries du genre Shigella faisaient également partie du pathotype ECEI (Croxen et coll., 2013; Robins-Browne et coll., 2016). Le genre Shigella et la shigellose (soit la maladie causée par les Shigella spp.) sont encore nommés ainsi pour des raisons historiques (Croxen et coll., 2013). Le genre Shigella compte quatre espèces : S. sonnei (1 sérotype), S. flexneri (6 sérotypes), S. boydii (15 sérotypes) et S. dysenteriae (10 sérotypes connus). Deux espèces, S. sonnei et S. flexneri, sont responsables de la grande majorité des maladies provoquées par les Shigella en Amérique du Nord (CDC, 2005a), représentant 95 % des cas de Shigella signalés au Canada (gouvernement du Canada, 2020). Les autres espèces de Shigella sont peu fréquentes, tout en restant d’importantes causes de morbidité dans les pays en développement (CDC, 2005a).

Les principales sources d’E. coli pathogène varient d’un groupe d’E. coli à l’autre. Les ECEH sont des agents pathogènes zoonotiques, et les bovins sont considérés comme le principal réservoir de ces microorganismes, les déchets d’origine humaine étant également reconnus comme une source importante (Croxen et coll., 2013; Percival et Williams, 2014c). Quant aux autres grands groupes d’E. coli pathogènes, dont Shigella, les eaux usées domestiques constituent la principale source de contamination. Dans les eaux récréatives, les sources d’eaux usées domestiques peuvent comprendre des sources évidentes comme les rejets d’eaux usées municipales, de même que des sources moins évidentes comme les déjections des baigneurs infectés (Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998). Comme les ECEH sont des agents pathogènes zoonotiques, les eaux de ruissellement de surface contaminées par des déchets d’élevage sont une source importante de contamination fécale. Les souches d’E. coli liées à des infections extra-intestinales sont habituellement celles qui font partie de la flore commensale des intestins des humains, mais qui ont des effets indésirables sur la santé lorsqu’elles se retrouvent ailleurs que dans le système intestinal, par exemple, les voies urinaires (Shah, 2019).

Les E. coli pathogènes entériques et les Shigella provoquent des maladies moyennement graves et spontanément résolutives à graves et potentiellement mortelles, selon le groupe et la souche incriminés. Le premier symptôme est une diarrhée aqueuse ou sanglante, accompagnée de douleurs abdominales et de fièvre. La période d’incubation est d’un à trois jours, tandis que l’infection peut durer d’une à deux semaines (Percival et Williams, 2014c, 2014g). Dans la plupart des cas, les infections diarrhéiques sont spontanément résolutives. Le traitement consiste habituellement en une réhydratation par voie orale, pour préserver l’équilibre des liquides et des électrolytes. Dans certains cas, les personnes peuvent devenir des porteurs asymptomatiques capables d’éliminer les microorganismes dans leurs matières fécales durant des semaines, voire des mois, après l’infection (Croxen et coll., 2013; Percival et Williams, 2014c, 2014g). Les souches d’E. coli extra-intestinales, comme les ECUP, sont associées aux infections urinaires.

Certaines infections peuvent évoluer vers des affections plus graves et potentiellement mortelles. Le sérotype 1 de S. dysenteriae, qui produit des shigatoxines, est une cause majeure de dysenterie dans les pays en développement, mais rare en Amérique du Nord. La souche ECEH (synonymes : Escherichia coli productrice de shigatoxines et Escherichia coli vérotoxinogène) est aussi capable de produire des toxines de type Shiga semblables à celles produites par S. dysenteriae. La souche E. coli O157:H7 est le sérotype d’ECEH le plus répandu. Les infections à ECEH provoquent des colites hémorragiques, caractérisées par des diarrhées très sanglantes, de fortes crampes et douleurs abdominales, et une absence fréquente de fièvre. On estime que 4 à 17 % de tous les cas d’infection à ECEH peuvent évoluer vers ce qu’on appelle un syndrome hémolytique et urémique (SHU), une affection potentiellement mortelle qui se traduit par une destruction massive des globules rouges et une insuffisance rénale (Croxen et coll., 2013; Keithlin et coll., 2014). Les enfants, les personnes âgées et les personnes immunodéprimées présentent un risque accru de développer un SHU.

La dose d’E. coli pathogènes/Shigella nécessaire pour provoquer une infection est estimée à moins de 100 à 1 000 organismes pour les ECEH et les ECEI/Shigella à plus d’un million à 10 milliards d’organismes pour les autres groupes (Kothary et Babu, 2001; Croxen et coll., 2013; Percival et Williams, 2014c, 2014g).

Les ECEH et les Shigella figurent parmi les principales causes de maladies gastro‑intestinales bactériennes au Canada, aux États-Unis et en Europe et découlent souvent d’expositions liées à des aliments ou à des voyages en Amérique Nord (Santé Canada, 2022a). Ces microorganismes font également partie du groupe des E. coli pathogènes/Shigella le plus souvent mis en cause dans les maladies associées aux eaux récréatives. Selon des données de surveillance publiées par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis pour la période de 2000 à 2014, les E. coli pathogènes étaient associées à 14 % (19 cas sur 140) et les Shigella à 10 % (14 cas sur 140) du nombre total d’éclosions de maladies gastro‑intestinales signalées relativement aux eaux naturelles (Graciaa et coll., 2018; CDC, 2020). Des flambées ont également été liées à de l’eau potable (Santé Canada, 2022). La majorité des éclosions attribuables à E. coli ont été causées par E. coli O157:H7. La majorité des éclosions à Shigella ont été liées à S. sonnei.

Au Canada, très peu d’éclosions à E. coli/Shigella associées des eaux récréatives ont été enregistrées jusqu’à présent. En août 2001, une éclosion de maladie due à E. coli O157:H7 a frappé quatre enfants qui s’étaient baignés à une plage publique de Montréal (Bruneau et coll., 2004). Il a été établi que les échantillons d’eau prélevés toutes les semaines à l’époque de l’éclosion entraient dans les limites définies par la province de Québec pour la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives. On a avancé que la transmission de ces organismes a pu être favorisée par le nombre important de baigneurs et la faible profondeur de l’eau dans la zone de baignade. Plus récemment, en septembre 2020, sept cas confirmés d’infection à E. coli étaient liés à une zone de baignade d’une aire de conservation. La plupart des cas ont été signalés chez des personnes de moins de 12 ans (Ville de Hamilton, 2020). 

2.1.3 Salmonella

Les bactéries du genre Salmonella sont des bactéries à Gram négatif, anaérobies facultatives, mobiles, asporulées et en forme de bâtonnet qui se développent à des températures variant de 5 à 47 °C, la température optimale se situant entre 35 et 37 °C (Graziani et coll., 2017). Le genre Salmonella (famille : Enterobacteriaceae; classe : Gammaproteobacteria) comporte deux espèces : S. enterica et S. bongori (Percival et coll., 2004). S. enterica se divise à son tour en six sous-espèces (S. enterica subsp.), à savoir enterica, salamae, arizonae, diarizonae, houtenae et indica, et regroupe plus de 2 500 sérotypes (Percival et Williams, 2014f; Andino et Hanning, 2015). La plupart des sérotypes rencontrés dans les cas de gastro-entérite chez l’humain appartiennent à la sous-espèce S. enterica subsp. enterica (Lightfoot, 2004). Lorsqu’on fait référence à Salmonella, il est courant d’utiliser le nom du sérotype au lieu du nom de l’espèce. On utilisera donc S. enterica sérotype Enteridis plutôt que S. enterica subsp. enterica sérovar Enteritidis.

Les bactéries Salmonella qui sont importantes pour la santé humaine sont réparties en deux groupes principaux selon le type de maladie qu’elles causent. Les Salmonella typhoïdiques (S. enterica sérotype Typhi et S. enterica sérotype Paratyphi) sont les agents responsables de la fièvre entérique, une maladie grave et potentiellement mortelle (Sanchez-Vargas et coll., 2011). Les humains constituent le seul réservoir connu de sérotypes de Salmonella typhoïdiques (Percival et Williams, 2014f). Les Salmonella non typhoïdiques sont un grand groupe qui comporte tous les autres sérotypes de S. enterica pouvant entraîner des maladies gastro‑intestinales de gravité variable (Sanchez-Vargas et coll., 2011). Les Salmonella non typhoïdiques sont considérées comme des agents zoopathogènes. Les réservoirs de ces bactéries sont notamment la volaille, les porcins, les oiseaux, les bovins, les rongeurs, les tortues, les chiens et les chats (Percival et coll., 2004; Graziani et coll., 2017). Les humains en convalescence peuvent également constituer une source de Salmonella, et des infections asymptomatiques sont également possibles.

La gastro-entérite est de loin le type de maladie le plus fréquemment associé à Salmonella. Les principaux symptômes des infections à Salmonella non typhoïdiques sont des diarrhées légères à graves, des nausées et des vomissements. Ils apparaissent généralement entre 12 et 72 heures après l’infection, voire plus rapidement en cas d’ingestion d’un grand nombre de cellules (Percival et Williams, 2014f). La maladie est généralement bénigne et spontanément résolutive, d’une durée moyenne de quatre à sept jours. Toutefois, des complications de longue durée (arthrite réactionnelle, syndrome du côlon irritable) peuvent survenir dans environ 3 à 6 % des cas (Keithlin et coll., 2015). Le traitement des infections à Salmonella non typhoïdiques consiste à remplacer les liquides et électrolytes perdus; des antibiotiques peuvent être prescrits, mais seulement dans les cas graves. Certaines souches de Salmonella présentent une résistance aux antibiotiques. L’Agence de la santé publique du Canada, les CDC des États‑Unis et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont catégorisé les Salmonella non typhoïdiques résistantes à la ciprofloxacine, à la ceftriaxone ou à plusieurs classes (soit plus de trois) de médicaments comme des menaces à la santé publique présentant une importance grave à critique (CDC 2013a; OMS, 2017, ASPC, 2018). D’après des études sur l’infectivité des Salmonella, la dose médiane pour les espèces non typhoïdiques pourrait varier entre moins de 100 organismes et un maximum de 100 000 à 10 milliards d’organismes (Hunter, 1997; Pond, 2005; Kothary et Babu, 2001).

La fièvre entérique (fièvre typhoïde ou paratyphoïde) est une forme plus grave, et souvent mortelle, de salmonellose causée par S. Typhi et S. Paratyphi. Elle se manifeste par de fortes fièvres prolongées, des vomissements, des maux de tête et de nombreuses complications potentiellement mortelles (Sanchez-Vargas et coll., 2011). Les éclosions de fièvre entérique d’origine hydrique sont plus fréquentes dans les pays en développement où l’entassement des lieux de vie et le manque d’hygiène prévalent et elles sont souvent associées au traitement insuffisant des approvisionnements en eau potable. Les cas sont rares en Amérique du Nord.

Les Salmonella sont la deuxième cause de maladies gastro-intestinales bactériennes au Canada, où la plupart des cas sont essentiellement sporadiques ou associés à la consommation d’aliments contaminés (Santé Canada, 2022). Bien que les Salmonella soient assez fréquemment détectées dans les eaux de surface (Levantesi et coll., 2012; Jokinen et coll., 2015; Kadykalo et coll., 2020), selon les données de surveillance des CDC des États-Unis pour les années 1992-2014, les Salmonella n’ont jamais été citées comme agent causal des éclosions de gastro-entérite d’origine hydrique signalées pendant cette période (Garciaa et coll., 2018; CDC, 2020). Au Canada, aucune éclosion morbide due aux Salmonella dans les eaux récréatives canadiennes n’a été documentée.

2.2 Bactéries pathogènes d’origine naturelle

Les bactéries pathogènes d’origine naturelle sont des microorganismes libres naturellement présents dans les milieux aquatiques. Contrairement aux agents pathogènes entériques, ces bactéries peuvent survivre dans le milieu naturel dans des conditions favorables. Si ces organismes sont présents en nombre suffisant dans un plan d’eau, ils peuvent être transmis aux humains par inhalation, ingestion ou contact direct du corps avec l’eau, selon l’organisme. Les bactéries pathogènes d’origine naturelle sont diverses et provoquent toute une série de maladies, notamment des maladies gastro-intestinales et respiratoires et des infections des yeux, des oreilles ou de la peau. Comme il ne s’agit pas d’agents pathogènes entériques, il ne faut pas s’attendre à une bonne corrélation entre la présence des indicateurs fécaux et la leur. On ne connaît aucun indicateur microbiologique pour ces agents pathogènes.

2.2.1 Legionella

Les bactéries du genre Legionella sont des bactéries à Gram négatif, thermotolérantes, mobiles, de petite taille et en forme de bâtonnet qui ont des besoins nutritionnels stricts quand elles sont cultivées en laboratoire. Le genre Legionella (famille : Legionellaceae; classe : Gammaproteobacteria) compte 61 espèces et trois sous-espèces (LPSN, 2019). L. pneumophila (sérotype 1) est l’espèce la plus fréquemment associée à des maladies chez l’humain (légionellose). Toutes les espèces de Legionella sont soupçonnées de pouvoir provoquer la maladie, et au moins 30 des espèces identifiées ont été mises en cause dans des maladies chez l’humain (Hall, 2006).

Les bactéries du genre Legionella ont deux habitats : un réservoir primaire dans le milieu naturel et un habitat secondaire dans les réseaux conçues pour la distribution de l'eau en eau (NASEM, 2020). Dans le milieu naturel, les Legionella sont présentes dans les systèmes d’eau douce. Elles se développement à des températures variant entre 25 et 45 °C (température optimale de 25 à 35 °C), mais peuvent survivre à des températures beaucoup plus élevées (jusqu’à 70 °C) (Allegra et coll., 2008; Cervero-Aragó, 2015; 2019). On peut les isoler dans une large gamme d’habitats d’eau douce, notamment les sédiments, les lacs, les rivières et les mares thermales naturelles à des températures allant jusqu’à 60 °C (Percival et Williams, 2014 d; Burillo et coll., 2017; NASEM, 2020). Le milieu marin ne présente généralement pas les conditions propices à leur croissance. Les protozoaires dulcicoles libres tels que les Naegleria ou les Acanthamoeba sont des hôtes naturels de Legionella. Ils offrent aux bactéries Légionnella un milieu protecteur contre les conditions hostiles (comme des températures élevées), ainsi qu’une source de nutriments et un moyen de transport (Thomas et Ashbolt, 2011; Bartrand et coll., 2014; Percival et Williams, 2014e; Siddiqui et coll., 2016; NASEM, 2020). Le passage dans les protozoaires libres augmenterait également la virulence des microorganismes résistants aux amibes, comme Legionella (Visvesvara et coll., 2007; Thomas et Ashbolt, 2011; Chalmers, 2014a). Les matières fécales humaines et animales ne sont pas considérées comme des sources de Legionella, bien que ces bactéries puissent être détectées dans les selles de personnes infectées présentant des symptômes diarrhéiques. Les animaux peuvent être infectés par Legionella, mais la transmission zoonotique de ces bactéries n’a pas encore été documentée (Surman-Lee et coll., 2007; Edelstein et Roy, 2015).

De manière générale, les Legionella sont présentes en faibles quantités dans le milieu aquatique. Une recension des éclosions associées à des eaux récréatives (notamment des eaux naturelles et des eaux traitées) a permis de conclure que le risque lié aux rivières et aux lacs naturels semble négligeable (Leoni et coll., 2018). Les sources chaudes et autres cuves hydrothermales, du fait de la température élevée de l’eau, offrent des conditions propices à la survie des Legionella et ont été liées à des cas de légionellose (Leoni et coll., 2018). Les environnements et réseaux conçues pour la distribution de l'eau (tours de refroidissement, installations de plomberie des bâtiments et des habitations) sont des endroits où, de manière générale, les Legionella peuvent atteindre des concentrations importantes, dans les bonnes conditions, ce qui augmente le risque d’exposition et de maladie pour l’humain (NASEM, 2020).

Les Legionella sont d’importants agents de deux maladies respiratoires chez l’humain : la maladie du légionnaire et la fièvre de Pontiac. La maladie du légionnaire est une forme d’affection respiratoire plus grave et parfois mortelle, alors que la fièvre de Pontiac est une maladie plus bénigne causant des symptômes pseudo-grippaux mais pas de pneumonie. Des renseignements supplémentaires sur les répercussions de Legionella sur la santé figurent dans le document de Santé Canada intitulé Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada : Conseils sur les agents pathogènes d’origine hydrique (2022a). Aucun consensus entre spécialistes ne permet d’affirmer qu’il existe un seuil détectable de concentration de Legionella en dessous duquel il n’y aurait aucun risque d’infection (NASEM, 2020).

Bien que les espèces de Legionella soient considérées comme omniprésentes dans les plans d’eau, aucune éclosion de légionellose n’a été signalée au Canada ou aux États-Unis en raison d’activités pratiquées dans des eaux récréatives naturelles. Cette situation peut s’expliquer par les faibles concentrations observées dans la plupart des eaux naturelles ainsi que par l’absence d’aérosolisation. Tous les cas répertoriés de légionellose résultant d’un contact avec des eaux récréatives concernaient des installations d’eau traitée, comme celles des établissements thermaux (Moore et coll., 1993; Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002; Yoder et coll., 2004; Hlavsa et coll., 2018).

2.2.2 Mycobactéries

Les Mycobacterium (classe : Actinobacteria) sont des bactéries aérobies à microaérophiles, non mobiles, asporulées, en forme de bâtonnet. Les mycobactéries peuvent se développer à des températures comprises entre 15 et 45 °C (George et coll., 1980; Cangelosi et coll., 2004; Kaur, 2014). Les températures de développement optimales de chaque espèce varient entre 30 et 45 °C (De Groote, 2004; Stinear et coll., 2004), mais ces mycobactéries sont relativement résistantes à la chaleur et capables de survivre à des températures supérieures à 50 °C (Schulze-Robbecke et Buchholtz, 1992; Falkinham, 2016a). La capacité des mycobactéries de causer des maladies humaines varie d’une espèce à l’autre. Certaines sont des agents pathogènes stricts, tandis que d’autres sont non pathogènes ou sont responsables d’infections non opportunistes. Les mycobactéries habituellement isolées de l’environnement sont collectivement désignées sous le terme « mycobactéries non tuberculeuses » (MNT) et sont considérées comme des agents pathogènes opportunistes (Falkinham, 2016a, b). Il faut toutefois distinguer les MNT de M. tuberculosis (l’agent responsable de la tuberculose) et de M. leprae (l’agent responsable de la lèpre), qui sont des agents pathogènes stricts. M. tuberculosis et M. leprae ne présentent aucun risque pour les eaux utilisées à des fins récréatives.

Les espèces de MNT les plus couramment décrites comme étant pertinentes pour les expositions aux eaux récréatives appartiennent au complexe Mycobacterium avium (M. avium et ses sous-espèces, M. intracellulare et M. chimaera), qui sont connues pour causer des maladies respiratoires ainsi que M. marinum et M. kansasii, qui peuvent causer des infections cutanées. Les principales voies d’infection sont l’inhalation de mycobactéries en aérosols et le contact direct avec de l’eau contaminée ou son ingestion (Percival et Williams, 2014e; Falkinham, 2015; Falkinham et coll., 2015). Il existe peu de preuves de la transmission d’une personne à l’autre. La maladie est plus souvent observée chez les personnes présentant des conditions sous-jacentes prédisposant à l’infection (peau écorchée ou traumatisée, système immunitaire affaibli ou immunodéficience). Les doses infectantes des espèces de MNT restent inconnues (Stout et coll., 2016; Hamilton et coll., 2017; Adjemian et coll., 2018).

Les mycobactéries non tuberculeuses sont considérées comme étant omniprésentes dans les eaux naturelles. On peut les trouver dans la quasi-totalité des milieux, notamment les sols, les eaux usées, les lacs, les rivières, les étangs, les cours d’eau, les eaux souterraines et les approvisionnements en eau traitée. Toutefois, on en trouve peu dans les eaux marines (Pond, 2005; LeChevallier, 2006; Falkinham, 2016b; Percival et Williams, 2014e). Les MNT sont capables de survivre et de se développer à l’intérieur de certaines espèces de protozoaires phagocytes, en particulier les membres du genre Acanthamoeba, de même que dans des biofilms (Percival et Williams, 2014e).

À l’instar des Legionella, les MNT peuvent survivre dans les sources chaudes et autres établissements thermaux en raison des températures élevées de l’eau. Selon une étude japonaise, des Legionella et des MNT ont été détectées dans ces milieux (Kobayashi et coll., 2014). Les cas d’exposition aux MNT ont été le plus fortement liés à la fréquentation de piscines et de bains chauds, entraînant généralement des infections de la peau et des tissus mous et des cas de pneumopathie d’hypersensibilité (inflammation des poumons). Bien que les mycobactéries environnementales soient considérées comme omniprésentes dans la plupart des types d’eau, aucune éclosion morbide n’a encore été associée à ces organismes du fait d’un contact avec des eaux naturelles utilisées à des fins récréatives au Canada ou aux États-Unis. On considère comme extrêmement faible le risque, pour une personne saine, de contracter une infection mycobactérienne à la suite d’activités aquatiques pratiquées dans des eaux naturelles récréatives.

2.2.3 Pseudomonas aeruginosa

Les Pseudomonas spp. sont des bactéries à Gram négatif, mobiles, aérobies strictes, produisant une réaction oxydase positive, asporulées et en forme de bâtonnet légèrement incurvé qui se développent à des températures entre 4 et 42 °C (températures optimales : de 28 à 37 °C) (Moore et coll., 2006; Chakravarty et Anderson, 2015). Le genre Pseudomonas (famille : Pseudomonadaceae; classe : Gammaproteobacteria) compte plus de 200 espèces (LPSN, 2020), P. aeruginosa constituant l’espèce la plus préoccupante pour les humains.

P. aeruginosa est largement présente dans le milieu aquatique et peut souvent être isolée dans les eaux douces, l’eau de mer et les sols (Hunter, 1997). On considère que ces bactéries font partie de la flore aquatique naturelle (OMS, 2003). L’organisme a des exigences de croissance minimes et peut proliférer dans des eaux à faible teneur nutritive. P. aeruginosa est rarement mise en évidence dans les excréments humains (Geldreich, 2006), mais on la trouve dans les eaux d’égout et les eaux usées (Degnan, 2006). Si les P. aeruginosa sont présentes en nombre suffisamment élevé dans les eaux récréatives, elles peuvent être transmises aux humains par contact corporel direct avec l’eau. L’ingestion n’est pas considérée comme une voie d’infection importante.

P. aeruginosa peut provoquer des infections des voies respiratoires, de la peau, des yeux et des oreilles, ainsi que des éruptions cutanées, ces trois dernières affections étant les plus courantes. Les infections auriculaires se déclarent lorsque P. aeruginosa réussit à s’introduire dans l’oreille externe et la coloniser. Quelques jours après la baignade, l’oreille se met à gratter et devient douloureuse, et on peut observer des écoulements de pus. Les irritations cutanées (dermatites) prennent la forme d’éruptions rouges et urticantes qui surviennent entre 18 et 24 heures après le contact avec l’eau. L’infection peut évoluer vers la folliculite (inflammation des follicules pileux de la peau) qui se caractérise par une sensibilité accrue de la zone infectée et la présence de boutons ou de phlyctènes remplis de pus autour des follicules pileux.

Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence un lien entre la présence de Pseudomonas dans les eaux naturelles et l’incidence des infections oculaires et cutanées chez les baigneurs (Seyfried et Cook, 1984; Springer et Shapiro, 1985; Ferley et coll., 1989; Marino et coll., 1995; van Asperen et coll., 1995). Les éclosions de dermatites à Pseudomonas ont presque toutes été associées à des installations d’eau traitée comme les bains chauds, les piscines et les baignoires de massage des hôtels et des spas (Moore et coll., 1993; Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002; Yoder et coll., 2004; Hlavsa et coll., 2018). On ne connaît pas la fréquence des infections à P. aeruginosa résultant d’un contact avec les eaux récréatives naturelles, car elles sont rarement signalées du fait de leur caractère bénin.

2.2.4 Aeromonas

Les Aeromonas sont des bactéries à Gram négatif, anaérobies facultatives, asporulées, plus ou moins mobiles, en forme de bâtonnet ou de type coccoïde. Elles partageraient nombre des caractéristiques morphologiques et biochimiques des membres de la famille des Enterobacteriacea, qui comprend E. coli. Le genre Aeromonas (famille : Aeromonadaceae; classe : Gammaproteobacteria) est composé d’environ 30 espèces, mais on continue d’en décrire de nouvelles (Moyer, 2006; US EPA, 2006; Janda et Abbot, 2010; Percival et Williams, 2014a; LPSN, 2019). Les souches associées à des infections humaines se développent optimalement à des températures comprises entre 35 et 37 °C, bien que de nombreuses souches puissent croître entre 4 et 42 °C (Janda et Abbott, 2010; Percival et Williams, 2014a). À ce jour, 14 espèces ont causé des maladies chez l’humain, mais la plupart des infections (85 %) sont provoquées par les souches de quatre espèces : A. hydrophila, A. caviae, A. veronii (biotype sobria) et A. trota (Percival et Williams, 2014a; Bhowmick et Battacharjee, 2018).

Les espèces du genre Aeromonas sont naturellement présentes dans le milieu aquatique. On les trouve souvent dans les eaux douces, marines et estuariennes, les sédiments, les eaux d’égout et les effluents d’eaux usées. On a également trouvé de grandes concentrations d’aéromonades dans les sables de bas de plage (Khan et coll., 2009). On ne les retrouvent pas souvent en d’importantes quantités dans les excréments d’individus sains, toutefois, une certaine proportion de gens pourrait transporter l’organisme dans leurs intestins sans présenter de signes morbides extérieurs. Les aéromonades sont des agents zoopathogènes reconnus ayant été isolés dans l’intestin de nombreuses espèces animales, dont les poissons, les reptiles, les amphibiens, les oiseaux et les animaux d’élevage, avec ou sans signe de maladie (Percival et Williams, 2014a). Leur présence dans les eaux récréatives n’est pas associée à la pollution fécale, car ils peuvent survivre et se multiplier dans le milieu naturel. Toutefois, ces organismes sont présents en grand nombre dans les eaux usées et des populations importantes peuvent donc être mises en évidence dans les eaux contaminées par des eaux d’égout. Les aéromonades peuvent atteindre des concentrations assez élevées dans les eaux eutrophes (riches en nutriments) (Moyer, 2006). Comme ces organismes se développent optimalement à des températures élevées, leur concentration dans les eaux naturelles est donc maximale durant les saisons chaudes.

Les infections à Aeromonas entraînent habituellement des maladies gastro-intestinales et des infections de plaies. La maladie gastro-intestinale est généralement bénigne et autorésolutive, bien que certaines souches soient capables de causer des maladies dysentériformes ou d’allure cholérique, caractérisées par de fortes crampes abdominales, des vomissements, des diarrhées (y compris des selles sanglantes) et de la fièvre (Janda et Abbott, 2010). Les Aeromonas sont le plus fréquemment associées aux blessures infectées que les usagers des eaux récréatives présentent parfois. Pour qu’il y ait infection, il faut un traumatisme cutané quelconque, par exemple une plaie ouverte ou une lésion pénétrante. Les blessures infectées sont douloureuses, enflées, rouges, avec des accumulations de fluide autour de la zone infectée. Une cellulite (inflammation grave) est souvent observée avec ces infections, et la septicémie est considérée comme une évolution assez fréquente (Percival et coll., 2004; Janda et Abbott, 2010). Les aéromonades ont souvent été la cause d’infections transmissibles par le sang, lesquelles surviennent la plupart du temps par transfert de bactéries issues du tube digestif ou de plaies infectées. Les symptômes courants associés à ces infections sont la fièvre, la jaunisse, des douleurs abdominales et un choc septique (Janda et Abbott, 2010). Il existe d’autres complications plus rares, à savoir la fasciite nécrosante, la méningite, la pneumonie, la péritonite et l’endocardite (Percival et coll., 2004; Janda et Abbott, 2010; Bhowmick et Battacharjee, 2018).

La dose d’Aeromonas spp. nécessaire pour provoquer une infection n’est pas clairement déterminée. La seule étude de provocation accessible a utilisé l’ingestion comme voie d’exposition et a montré que seulement deux des cinq souches provoquaient une infection (14 personnes sur 57) et des diarrhées (2 personnes sur 57) à des concentrations bactériennes élevées (104 à 1010 d’unités formant colonies) (Morgan et coll., 1985).

En dépit de leur présence généralisée, aucune éclosion de maladies associée aux Aeromonas n’a été signalée à la suite d’activités aquatiques dans les eaux récréatives d’Amérique du Nord. Marino et coll. (1995) ont mis en évidence une corrélation positive entre les concentrations d’A. hydrophila et les infections cutanées sur deux plages de baignade de Malaga, en Espagne. À l’heure actuelle, aucun élément de preuve ne permet de lier les concentrations d’Aeromonas au risque de contracter une gastro-entérite en se baignant. Au Canada, les infections à Aeromonas ne font pas partie des maladies à déclaration obligatoire. Il n’existe donc aucune estimation de la fréquence probable des infections à Aeromonas par suite d’une exposition à des eaux récréatives au Canada.

2.3 Autres bactéries pathogènes

Outre les bactéries entériques et les bactéries d’origine naturelle, d’autres bactéries pathogènes peuvent s’introduire dans les eaux récréatives par l’urine ou par contamination directe des baigneurs. Si ces organismes sont présents en nombre suffisant dans un plan d’eau, ils peuvent être transmis à l’humain, habituellement par contact direct avec des parties du corps et des muqueuses. Les types de maladies observées varient des blessures infectées à des affections potentiellement mortelles. Comme il ne s’agit pas de bactéries d’origine fécale, il ne faut pas s’attendre à une bonne corrélation entre la présence des indicateurs fécaux et la leur. À l’heure actuelle, il n’existe aucun indicateur microbiologique reconnu pour ces agents pathogènes.

2.3.1 Leptospira

Les Leptospira sont des bactéries spiralées ou hélicoïdales. Ce sont des organismes à Gram négatif, aérobies, mobiles, de forme mince et allongée qui peuvent se développer à des températures situées entre 4 et 40 °C (Barragan et coll., 2017). Le genre Leptospira (classe : Spirochaetes) compte plus de 20 espèces connues, et plus de 200 sérotypes pathogènes ont été décrits. Les formes les plus graves de leptospirose ont été attribuées aux sérovars (synonyme : sérotypes) de L. interrogans (Pond, 2005; Wynwood et coll., 2014; Levett, 2015).

Les Leptospira se divisent en espèces pathogènes, environnementales non pathogènes (saprophytes) et indéterminées (génétiquement distinctes des espèces pathogènes et saprophytes). Elles sont présentes dans le monde entier et sont majoritairement associées aux environnements d’eau douce. Les leptospires pathogènes sont d’importants agents zoopathogènes transportés dans le tractus urinaire (reins) des animaux infectés et excrétés dans l’urine. Les petits rongeurs, tels que les rats, les souris et les campagnols, sont considérés comme les plus importantes sources de Leptospira pathogènes. Les organismes peuvent également être propagés par les animaux domestiques comme les bovins, les porcins, les chiens et les chats, les ovins, les caprins et les chevaux (OMS, 2003; CDC, 2005b; Barragan et coll., 2017). Leur propagation est favorisée en cas de fortes précipitations, du fait du ruissellement des eaux pluviales provenant de sols contaminés vers les eaux de surface (Pond, 2005).

Chez l’humain, l’infection peut survenir suite à un contact direct avec l’urine d’animaux infectés ou par contact indirect avec de l’eau, de la terre ou de la boue contaminée. Les leptospires s’introduisent dans le corps par des lésions ou des écorchures ou par les muqueuses des yeux, du nez ou de la bouche. La période d’incubation chez l’humain est d’environ 10 jours, mais peut varier de 2 à 30 jours (CDC, 2008). Les infections à Leptospira peuvent être de diverse gravité, allant de troubles légers de type grippal à une maladie plus grave, et parfois mortelle. La maladie se manifeste tout d’abord par de la fièvre, des frissons, des céphalées, des douleurs musculaires, des vomissements et un rougissement des yeux (ASPC, 2004). En règle générale, les patients se remettent complètement de la forme légère de la maladie, bien que la récupération puisse être longue, durant parfois des mois, voire des années (OMS, 2003). En l’absence de traitement, la maladie peut évoluer vers une forme plus grave, également connue sous le nom de maladie de Weil. Les cas graves de leptospirose peuvent être mortels, la mort survenant par insuffisance rénale, insuffisance cardiorespiratoire ou fortes hémorragies. Les raisons à l’origine de la gravité variée des infections ne sont pas parfaitement comprises; toutefois, on pense que chaque sérovar pathogène est capable de causer la forme bénigne ou la forme grave de la maladie (OMS, 2003). La leptospirose peut être difficile à diagnostiquer, car elle est souvent confondue avec d’autres infections ou troubles ayant des symptômes similaires. De même, il se pourrait que la forme légère ne soit pas toujours déclarée. L’ingestion d’à peine un à dix organismes suffirait à déclencher la maladie chez l’humain (Pond, 2005).

La leptospirose est considérée comme plus préoccupante dans les pays en développement, où les normes en matière de logement et les infrastructures locales inadéquates peuvent entraîner une exposition aux rongeurs qui servent de réservoirs, ainsi que sous les climats tropicaux. Le contact accidentel avec de l’eau contaminée, entre autres, lors d’activités professionnelles ou récréatives dans des régions endémiques, constitue aussi une source d’exposition (Haake et Levett, 2015). Un examen systématique des maladies d’origine hydrique liées à des phénomènes météorologiques extrêmes dans le monde entier a permis de déterminer que Leptospira spp. était l’un des agents pathogènes les plus fréquemment signalés et associés à des voies d’exposition environnementales (p. ex. marche dans des eaux de crue) (Cann et coll., 2013). Cependant, il n’est pas clair si l’une de ces expositions était liée à des activités pratiquées dans des eaux récréatives. Trois éclosions de leptospirose ont été signalées dans les eaux récréatives des États-Unis au cours de la période 1991-2002 (Moore et coll., 1993; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002). Entre 2000 et 2014, les Leptospira spp. ont été mises en cause dans six éclosions au États-Unis (Graciaa et coll., 2018). La plupart des éclosions étaient associées à la participation à des courses d’aventure/triathlons ou à une exposition à des eaux frappées par la sécheresse. On ne connaît pas actuellement la prévalence de Leptospira dans les eaux canadiennes, la leptospirose ne faisant pas partie des maladies à déclaration obligatoire au Canada. Aucun cas documenté d’infection à Leptospira n’a été signalé en rapport avec les activités aquatiques pratiquées dans les eaux récréatives du Canada.

2.3.2 Staphylococcus aureus

Les membres du genre Staphylococcus (classe : Bacilli) sont des cocci non mobiles à Gram positif. S. aureus est considéré comme l’espèce la plus préoccupante du genre pour la santé humaine, et c’est aussi l’espèce la plus préoccupante pour les usagers des eaux récréatives. Cela comprend la souche résistante aux antibiotiques appelée Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM). Les infections à SARM sont classées comme des infections à SARM d’origine communautaire ou des infections à SARM nosocomiales, selon l’endroit où l’infection a été contractée. Les infections nosocomiales sont plus fréquentes et ont entraîné des éclosions dans ces établissements (Gouvernement du Canada, 2022c). Les infections à SARM contractées à la suite d’expositions aux eaux utilisés à des fins récréatives seraient classées comme des SARM d’origine communautaire.

S. aureus n’est pas considéré comme naturellement présent dans le milieu aquatique. Ses principaux réservoirs sont la peau, le nez, les oreilles et les muqueuses des animaux à sang chaud. Sa présence dans les eaux récréatives est principalement due à son émission par la bouche, le nez et la gorge des baigneurs et à des foyers infectieux existants (Plano et coll., 2011). Toutefois, l’organisme peut être isolé dans les excréments humains (Percival et coll., 2004). Les eaux usées et les eaux pluviales constituent d’autres sources (Economy et coll., 2019).

Dans les eaux récréatives, S. aureus est transmis par contact direct avec des eaux contenant un nombre suffisant d’organismes pour causer une infection. Celle-ci se déclare du fait de coupures ou d’écorchures ou, dans une moindre mesure, par contact avec les yeux et les oreilles. L’organisme peut également se propager d’une personne à l’autre. L’ingestion n’est pas considérée comme une voie d’exposition importante. Des concentrations de quelques centaines de cellules par millilitre pourraient suffire pour que l’infection se déclare sur une peau blessée ou affaiblie (Percival et coll., 2004).

S. aureus est principalement associé à des affections cutanées chez les usagers des eaux récréatives (Charoenca et Fujioka, 1995). Les infections communes sont les coupures et écorchures infectées, les furoncles, les pustules, la dermatite, la folliculite et l’impétigo (OMS, 2006). Dans la plupart des cas, les infections sont purulentes, les symptômes se déclarant souvent 48 heures après le contact. Cet organisme a également été associé aux infections de l’œil, de l’oreille externe et du tractus urinaire (OMS, 2006). Les infections à S. aureus peuvent devenir graves ou potentiellement mortelles, surtout lorsqu’elles sont causées par SARM (David et Daum, 2010). SARM a été isolé dans des milieux aquatiques naturels utilisés à des fins récréatives. Même si on a déterminé que jusqu’à 20 % des isolats de Salmonella dans les eaux naturelles étaient des SARM (Levin-Edens et coll., 2012), les études indiquent généralement que moins de 5 % des isolats sont résistants à la méthicilline (Goodwin et coll., 2012; Plano et coll., 2013).

Certaines études épidémiologiques ont exploré la possibilité d’utiliser les staphylocoques comme indicateur des effets néfastes des activités récréatives sur la santé. Plusieurs auteurs ont démontré des liens possibles entre les staphylocoques présents dans les eaux récréatives et les maladies gastro-intestinales et affections cutanées chez les nageurs (Seyfried et coll., 1985; Calderon et coll., 1991; Griffith et coll., 2016). Toutefois, cette constatation ne fait pas l’unanimité (Plano et coll., 2013; Griffith et coll., 2016). Un lien a également été établi entre les concentrations de staphylocoques et la densité de baigneurs (Calderon et coll., 1991; Plano et coll., 2013). Aucun lien manifeste n’a été signalé entre les concentrations de staphylocoques et la qualité des eaux récréatives indiquée par la présence d’E. coli ou d’entérocoques (Calderon et coll., 1991; Haack et coll., 2013; Fogarty et coll., 2015).

2.4 Virus entériques pathogènes

Les virus, dont la taille varie de 20 à 350 nm, sont beaucoup plus petits que les bactéries. Ils sont constitués d’un noyau d’acide nucléique, composé d’ARN ou d’ADN, entouré d’une capsule protéique externe appelée capside. Certains virus, dits virus enveloppés, ont aussi une enveloppe de lipoprotéines qui entoure la capside. Les virus nus (non enveloppés) sont dépourvus de cette enveloppe extérieure. Les virus sont des parasites intracellulaires stricts, ce qui signifie qu’ils doivent infecter une cellule hôte pour se répliquer. S’ils sont incapables de se répliquer en dehors d’un hôte, ils peuvent toutefois persister très longtemps à l’extérieur de ce dernier. La plupart des virus pour lesquels la transmission par l’eau est préoccupante sont des virus nus (non enveloppés), par exemple, des virus entériques. Les virus nus sont plus résistants aux conditions environnementales que les virus enveloppés. Certains virus enveloppés sont excrétés dans les selles (p. ex. les coronavirus, dont SRAS-CoV-2). Toutefois, aucune voie de transmission oro‑fécale n’a été documentée, et ils sont donc considérés comme présentant un faible risque de transmission par les milieux aquatiques (La Rosa et coll., 2020).

Les virus entériques—ceux qui infectent le tractus gastro-intestinal des humains et qui sont excrétés dans les selles—pourraient présenter le risque d’infection le plus élevé chez les baigneurs dans les eaux récréatives (Schoen et Ashbolt, 2010; Soller et coll., 2010; Dufour et coll., 2012; McBride et coll., 2013; Eregno et coll., 2016; Vergara et coll., 2016). Les eaux d’égouts urbains, les débordements des égouts unitaires et les fosses septiques, de même que les déjections des baigneurs infectés figurent parmi les sources de virus entériques. On considère que ces virus possèdent une gamme d’hôtes restreinte, ce qui signifie que les virus entériques qui infectent les animaux n’infectent généralement pas les humains, et vice versa. L’exposition aux virus entériques dans les eaux récréatives se fait par la voie oro-fécale, par l’ingestion accidentelle d’eau contaminée. Certains virus, comme les adénovirus, empruntent également d’autres voies infectieuses, telles que l’inhalation ou le contact avec la muqueuse de l’œil. Les symptômes gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhées) comptent parmi les plus fréquents en cas d’infection virale. Certaines infections virales peuvent entraîner des problèmes de santé plus graves, bien ces derniers soient considérées comme beaucoup plus rares.

Plus de 200 virus entériques reconnus peuvent être excrétés dans les selles (Haas et coll., 2014), dont 140 sérotypes connus pour causer des infections chez l’humain (AWWA, 1999; Taylor et coll., 2001). Les virus entériques sont excrétés en quantités importantes dans les selles des individus infectés, pouvant atteindre des concentrations allant jusqu’à 1010-1012 particules par gramme d’excrément (Gerba, 2000; Bosch et coll., 2008). Même les individus asymptomatiques peuvent excréter de grandes quantités de virus. La charge virale totale des eaux usées peut être passablement constante; cependant, le type et le nombre des divers virus présents dépendent étroitement de la prévalence des maladies épidémiques et endémiques dans la population qui les excrète. Résultat : la composition virale des eaux usées peut varier de façon considérable et présente souvent de fortes tendances saisonnières (Krikelis et coll., 1985; Tani et coll., 1995; Pina et coll., 1998; Lipp et coll., 2001). On s’attend à ce que la présence de virus dans les eaux de surface varie selon les régions en fonction, notamment, du degré et du type de contamination fécale et des taux d’inactivation dans l’environnement. De nombreuses études ont relevé la présence de virus entériques dans les eaux de surface partout dans le monde, y compris au Canada. On trouvera de plus amples renseignements dans les Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada –Les virus entériques (Santé Canada, 2019a).

Les virus entériques le plus souvent associés aux maladies d’origine hydrique, entre autres les norovirus, les entérovirus, les rotavirus, les adénovirus et le virus de l’hépatite A, ont été détectés dans les eaux marines et dans les eaux douces utilisées à des fins récréatives au Canada, aux États-Unis et en Europe (Payment, 1984; Puig et coll., 1994; Pina et coll., 1998; Griffin et coll., 1999; Chapron et coll., 2000; Payment et coll., 2000; Schvoerer et coll., 2001; Denis-Mize et coll., 2004; Jiang et Chu, 2004; Laverick et coll., 2004). Des éclosions ont été liées à bon nombre de ces virus (voir les sections 2.4.1 à 2.4.6). Comme il est difficile de détecter les virus pathogènes dans l’eau, des éclosions de maladies gastro-intestinales aiguës d’étiologie inconnue ont été également attribuées à des infections virales. Aux États-Unis, l’étiologie était inconnue pour 23 % (14 sur 64) des éclosions documentées entre 1991 et 2002 (Moore et coll., 1993; Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002; Yoder et coll., 2004), et pour 26 % (37 sur 140) des éclosions documentées entre 2000 et 2014 (Graciaa et coll., 2018).

E. coli et les entérocoques sont utilisés comme indicateurs de contamination fécale, et donc, de la présence possible de virus entériques. Cependant, l’absence d’organismes indicateurs ne signifie pas forcément qu’il n’y a pas de virus entériques. Des méthodes de détermination des sources de contamination fécale (p. ex. la méthode PCR quantitative pour les marqueurs fécaux propres à l’humain) peuvent servir de complément aux outils de surveillance et d’évaluation visant à repérer les sources de contamination fécale d’origine humaine pouvant contribuer au risque posé par les virus entériques. Des renseignements supplémentaires sur la gestion des risques dans les eaux récréatives et sur les organismes indicateurs de contamination fécale figurent dans les documents techniques des Recommandations au sujet de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada: Comprendre et gérer les risques dans les eaux récréatives; et Indicateurs de contamination fécale(Santé Canada, en cours de publication– a, d).

2.4.1 Norovirus

Les norovirus sont des virus nus à ARN de petite taille (35 à 40 nm de diamètre) appartenant à la famille des Caliciviridae. Les norovirus sont actuellement subdivisés en sept génogroupes (GI à GVII). Les génogroupes GI, GII et GIV renferment les génotypes de norovirus habituellement associés aux maladies humaines (Verhoef et coll., 2015). La période d’incubation des infections à norovirus est de 12 à 48 heures (CDC, 2013b; Gouvernement du Canada, 2022a). Les effets sur la santé des infections norovirales sont spontanément résolutifs et durent habituellement de 24 à 48 heures. Les principaux symptômes sont la diarrhée, les nausées, les vomissements, la douleur abdominale et la fièvre. L’apparition de vomissements en jets est considérée comme une caractéristique des infections à norovirus. Des infections asymptomatiques peuvent survenir (Graham et coll., 1994), et certaines personnes sont résistantes à l’infection (Hutson et coll., 2003; Lindesmith et coll., 2003; Cheetham et coll., 2007). Chez les adultes en bonne santé, la maladie évolue rarement vers des problèmes plus graves (p. ex. la déshydratation), mais des infections plus graves peuvent survenir dans des groupes vulnérables comme les personnes âgées.

Les norovirus sont l’agent étiologique le plus préoccupant pour la santé des baigneurs (Schoen et Ashbolt, 2010; Soller et coll., 2010; Dufour et coll., 2012; McBride et coll., 2013; Eregno et coll., 2016; Vergara et coll., 2016). Entre 1991 et 2002, les CDC des États-Unis ont révélé que 13 % (8 sur 64) des éclosions de maladie signalées dans des eaux naturelles au pays étaient attribuables aux norovirus (Moore et coll., 1993; Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002; Yoder et coll., 2004). Selon des rapports plus récents des CDC américains, entre les années 2000 et 2014, 22 % (21 sur 95) des éclosions survenues dans des eaux récréatives non traitées (dont l’étiologie était connue) ont été causées par des norovirus, ce qui représentait 47 % (1 459 sur 3 125) des cas de maladie (Graciaa et coll., 2018). Les données sur les éclosions à norovirus dans les eaux récréatives ne sont pas disponibles pour le Canada. L’exposition aux norovirus dans les zones de loisirs résulte de la contamination par des matières fécales humaines, notamment par les rejets d’eaux usées municipales et les débordements d’égouts unitaires (McBride et coll., 2013; Eregno et coll., 2016; Wade et coll., 2018) ou par l’excrétion de matières fécales par des baigneurs infectés (Schets et coll., 2018).

2.4.2 Entérovirus

Les entérovirus constituent un grand groupe de virus nus à ARN de petite taille (20 à 30 nm) appartenant au genre Enterovirus et à la famille des Picornaviridae. Au sein de ce genre, quatre espèces désignées Enterovirus A, Enterovirus B, Enterovirus C et Enterovirus D ont été associées à des maladies touchant les humains (EV-A à EV-D). Les membres des espèces EV-A à EV-D comprennent les entérovirus, les poliovirus, les virus Coxsackie et les échovirus (Simmonds et coll., 2020).

La période d’incubation des entérovirus varie de 2 à 35 jours (AWWA, 2006), et les symptômes et la gravité de la maladie varient considérablement selon le type de virus. De nombreuses infections à entérovirus sont asymptomatiques. Les symptômes bénins comprennent de la fièvre, des malaises, une irritation de la gorge, des vomissements, des éruptions et des maladies des voies respiratoires supérieures. La gastro-entérite aiguë est peu courante. Des complications plus graves ont été associées à certains groupes de virus, notamment la myocardite (virus Coxsackie), la méningite aseptique (virus Coxsackie, poliovirus), l’encéphalite (virus Coxsackie, échovirus), la poliomyélite (poliovirus) et des maladies fébriles non spécifiques chez les nouveau-nés et les jeunes enfants. Toutefois, ces maladies ne sont pas considérées comme fréquentes (Rotbart, 1995; Roivainen et coll., 1998). D’autres complications comprennent la myalgie, le syndrome de Guillain-Barré, l’hépatite et la conjonctivite. Les entérovirus ont aussi été mis en cause dans l’étiologie de maladies chroniques, comme la myosite inflammatoire, la myocardiopathie dilatée, la sclérose latérale amyotrophique, le syndrome de la fatigue chronique et l’atrophie musculaire post-poliomyélite (Pallansch et Roos, 2007; Chia et Chia, 2008). De plus, certains travaux confirment l’existence d’un lien entre l’infection à entérovirus et l’apparition du diabète sucré insulinodépendant (type 1) (Nairn et coll., 1999; Lönnrot et coll., 2000; Laitinen et coll., 2014; Oikarinen et coll., 2014).

Les entérovirus sont endémiques dans le monde entier et ont été détectés dans des sources d’eau au Canada et aux États-Unis (Santé Canada, 2019a). Toutefois, peu d’éclosions ont été signalées dans le monde. Aucune éclosion associée aux eaux récréatives n’a été signalée aux États-Unis de 2000 à 2014 et seulement un cas avait été déclaré avant l’an 2000 (Sinclair et coll., 2009; Graciaa et coll., 2018). Aucune éclosion mettant en cause des entérovirus dans des zones de loisirs n’a été signalée au Canada.

2.4.3 Rotavirus

Les rotavirus sont des virus nus à ARN bicaténaire (double brin), de grande taille (60 à 80 nm) appartenant à la famille des Reoviridae. Ces virus ont été divisés en huit groupes sérologiques, désignés A à H (Marthaler et coll., 2012), dont trois (A, B et C) infectent les humains, le groupe A étant le plus courant et le plus répandu (Estes et Greenberg, 2013).

En général, les rotavirus provoquent une gastro-entérite, avec vomissements et diarrhée. Les symptômes de la gastro-entérite peuvent être bénins, et durer moins de 24 heures, ou graves et mettre la vie en danger en cas de déshydratation et de déséquilibre électrolytique. Parmi les groupes jugés vulnérables aux maladies graves et à la mortalité attribuable à la maladie figurent les jeunes enfants, les personnes immunodéprimées et les personnes âgées. Il a été déterminé que l’infection à rotavirus était la première cause de gastro-entérite infantile dans le monde. On suppose que la grande majorité des infections à rotavirus découle d’une transmission de personne à personne (Butler et coll., 2015). En raison de l’immunité acquise pendant l’enfance, les infections chez les adultes en bonne santé sont souvent asymptomatiques (Percival et coll., 2004). Les jeunes enfants peuvent présenter des manifestations extra-intestinales, telles que des symptômes respiratoires et des convulsions (Candy, 2007).

Le rotavirus du groupe A est endémique dans le monde entier, mais un vaccin existe. Les rotavirus ont été isolés dans des sources d’eau de surface au Canada et aux États-Unis (Rose et coll., 1987; Corsi et coll., 2014; Pang et coll., 2019) et dans des échantillons de selles prélevés après des expositions à des eaux récréatives (Dorevitch et coll., 2012; Hintaran et coll., 2018). Néanmoins, aucune éclosion de maladies associées aux rotavirus n’a été signalée dans les eaux récréatives.

2.4.4 Adénovirus

Les adénovirus sont des virus nusà ARN bicaténaire, de grande taille (70 à 100 nm) appartenant à la famille des Adenoviridae. On dénombre plus de 60 sérotypes susceptibles de causer des maladies chez l’humain, les caractéristiques cliniques et la gravité de la maladie variant considérablement selon le type de virus (Percival et coll., 2004). La plupart des sérotypes d’adénovirus provoquent une maladie respiratoire, qui se manifeste sous la forme d’une pharyngite, d’une toux et de symptômes semblables à ceux du rhume. La conjonctivite peut aussi survenir à la suite d’une infection de l’œil. La plupart des isolats d’origine hydrique sont les types 40 et 41; ils causent des gastro-entérites (Mena et Gerba, 2009) qui peuvent durer une semaine (ASPC, 2010). Les adénovirus seraient la deuxième cause de gastro-entérite infantile après les rotavirus (Crabtree et coll., 1997), et la majorité des maladies serait liée à une transmission de personne à personne (Butler et coll., 2015). Les infections sont généralement limitées aux enfants de moins de cinq ans (FSA, 2000; Lennon et coll., 2007) et sont rares chez les adultes. Les adénovirus ont été détectés dans des sources d’eau de surface dans le monde entier (Xagoraraki et coll., 2007; Sassoubre et coll., 2012; Lee et coll., 2014; Marion et coll., 2014; Vergara et coll., 2016; Steele et coll., 2018), mais très peu d’éclosions liées à des eaux récréatives ont été enregistrées (Sinclair et coll., 2009; Graciaa et coll., 2018). Aucune éclosion de maladies associées aux adénovirus dans les eaux récréatives n’a été signalée au Canada.

2.4.5 Virus des hépatites

Six types de virus de l’hépatite ont été identifiés (A, B, C, D, E et G), mais deux d’entre eux seulement, ceux de l’hépatite A (VHA) et de l’hépatite E (VHE), semblent transmis par la voie oro-fécale et seraient donc associés à la transmission d’origine hydrique. Les virus de l’hépatite sont très stables dans l’environnement, mais leur temps de survie dépend de la température (van der Poel et Rzezutka, 2017). Même si les virus de l’hépatite peuvent survivre dans l’environnement, aucune éclosion liée à des eaux récréatives n’a été enregistrée au Canada.

Le virus de l’hépatite A (VHA) est un virus nu à ARN monocaténaire (simple brin), de petite taille (27 à 32 nm) appartenant au genre Hepatovirus de la famille des Picornaviridae. Le foie est le principal organe cible touché par le VHA. La période d’incubation d’une infection par le VHA varie de 15 à 50 jours (CDC, 2015). La plupart des infections sont asymptomatiques. La maladie est le plus souvent déclarée chez les adultes, celle-ci s’aggravant avec l’âge. Les enfants présentent habituellement des symptômes bénins, voire aucun symptôme (Yayli et col., 2002). Les symptômes de l’infection à VHA sont notamment l’anorexie, les malaises et la fièvre, suivis de nausées, de vomissements, de douleurs abdominales et de la jaunisse. Normalement, l’infection se résorbe d’elle-même, mais, dans certains cas, le VHA peut provoquer des lésions du foie parfois mortelles. La convalescence peut aussi se prolonger (de 8 à 10 semaines) et, dans certains cas, des récidives sont possibles jusqu’à 6 mois après la maladie (CDC, 2015). Au Canada, l’incidence du VHA a considérablement diminué depuis l’introduction du vaccin contre le VHA en 1996 (PHAC, 2022). La plupart des cas de VHA surviennent chez des contacts de personnes infectées, chez des voyageurs revenant de pays où le VHA est fréquent et dans des communautés où l’assainissement est inadéquat (PHAC, 2022).

Le virus de l’hépatite E (VHE) est un virus nuà ARN monocaténaire, de petite taille (27 à 34 nm) appartenant à la famille des Hepeviridae. Les VHE infectieux chez l’humain sont répartis en quatre génotypes. Les génotypes 1 et 2 n’ont été décelés que chez l’humain, tandis que les génotypes 3 et 4 semblent être zoonotiques (transmis à l’humain par les cerfs, les porcs et les sangliers) (Smith et coll., 2014). La période d’incubation du VHE varie de 15 à 60 jours. Les symptômes, qui comprennent des malaises, de l’anorexie, des douleurs abdominales, de l’arthralgie, l’urine de couleur foncée, de la fièvre et de la jaunisse, disparaissent habituellement au bout d’une à six semaines, bien que les cas dont le système immunitaire est affaibli puissent développer des maladies de longue durée pouvant entraîner une maladie hépatique plus avancée (Gouvernement du Canada, 2022b). L’infection est le plus souvent déclarée chez les jeunes adultes et les adultes d’âge moyen, et peut être mortelle dans de rares cas. Chez les femmes enceintes, le taux de mortalité peut atteindre 20 à 25 % (Matson, 2004). Les maladies associées au VHE sont rares dans les pays développés, où la plupart des infections sont liées à des voyages internationaux.

2.4.6 Astrovirus

Les astrovirus sont des virus nusà ARN monocaténaire, de petite taille (28 à 30 nm) appartenant à la famille des Astroviridae. Les génotypes A et B sont capables d’infecter les humains (Carter, 2005). Parmi les agents viraux connus pour causer des maladies entériques, l’importance des astrovirus en tant que cause de maladie d’origine hydrique est peut-être la moins bien caractérisée (Percival et coll., 2004). Chez les personnes infectées, la maladie semble similaire à celle que causent les rotavirus, bien qu’elle soit beaucoup moins grave (diarrhée de 2 à 3 jours qui ne cause pas de déshydratation importante). Les autres symptômes comprennent les maux de tête, les malaises, les nausées, les vomissements et une fièvre légère (Percival et coll., 2004; Méndez et Arias, 2007). Les infections par les sérotypes 1 et 2 sont courantes dans l’enfance (Palombo et Bishop, 1996). Celles causées par d’autres sérotypes (4 et plus) peuvent ne survenir qu’à l’âge adulte (Carter, 2005), mais elles sont rares (Oishi et coll., 1994; Caul, 1996; Gray et coll., 1997). En général, les personnes en santé acquièrent une bonne immunité contre la maladie et la réinfection est donc rare (Gofti-Laroche et coll., 2003).

Les astrovirus peuvent se transmettre par les aliments, l’eau, les matières contaminées et le contact de personne à personne (Bosch et coll., 2014; Butler et coll., 2015). On ne connaît pas le degré de transmission par l’eau, en particulier dans les eaux récréatives. On pense que le contact de personne à personne est la principale voie de transmission (Butler et coll., 2015). Aucune éclosion mettant en cause des astrovirus dans des eaux récréatives n’a été signalée au Canada. Par contre, la présence d’astrovirus a été relevée dans des sources d’eau de surface au Canada (Jones et coll., 2017; Pang et coll., 2019).

2.5 Protozoaires entériques pathogènes

Les protozoaires pathogènes importants dans les eaux récréatives comptent à la fois des espèces entériques et des espèces libres. Les protozoaires entériques sont des parasites communs qui infectent l’intestin des humains et d’autres mammifères. Ce sont des parasites stricts, c’est-à-dire qu’ils doivent infecter un hôte pour se reproduire et ils ne peuvent se développer à l’extérieur d’un hôte. Le stade principal de leur cycle biologique est la production de kystes ou oocystes qui sont libérés en grandes quantités dans les excréments. Ces kystes ou oocystes sont extrêmement résistants aux stress environnementaux et peuvent survivre pendant de longues périodes dans l’environnement. Les sources de protozoaires entériques susceptibles d’avoir une incidence sur les eaux récréatives comprennent celles qui contiennent des matières fécales d’origine humaine ou animale (p. ex. les rejets d’eaux usées, le ruissellement des terres agricoles, le dépôt direct de matières fécales). Ces organismes se transmettent à l’humain par ingestion accidentelle d’eau contaminée. Les protozoaires entériques préoccupants les plus courants dans les eaux récréatives sont Giardia et Cryptosporidium, qui provoquent des maladies qui se manifestent généralement par des symptômes gastro-intestinaux (diarrhée). E. coli et les entérocoques sont les principaux organismes utilisés comme indicateurs de contamination fécale et, de ce fait, du risque possible de maladies entériques. Cela comprend le risque de maladies causées par les protozoaires entériques. Ces derniers peuvent survivre plus longtemps dans l’environnement que les indicateurs bactériens et peuvent être présents après la mort d’E. coli et des entérocoques.

2.5.1 Giardia

Les Giardia spp. sont des protozoaires flagellés parasites. Ils ont un cycle biologique composé de deux stades, un stade trophozoïte (stade alimentaire) et un stade kystique résistant aux stress environnementaux. À l’heure actuelle, six espèces du genre Giardia sont reconnues. G. lamblia (synonymes : G. intestinalis et G. duodenalis), qu’on trouve chez l’humain et de nombreux autres mammifères, est la seule espèce pouvant infecter les humains. D’autres espèces (G. muris, G. agilis, G. microti, G. psittaci et G. ardea) ont été signalées chez les animaux, notamment les rongeurs, les oiseaux et les amphibiens. La caractérisation moléculaire de G. lamblia a permis de déterminer huit assemblages génétiquement distincts (désignés A à H) qui correspondent à leur gamme d’hôtes (Boarato-David et coll., 2017). Les assemblages A et B infectent les humains et d’autres mammifères, tandis que les assemblages restants (C, D, E, F et G) n’ont pas encore été isolés des humains et leur gamme d’hôtes semble restreinte (Plutzer et coll., 2010).

Les symptômes les plus communs de la maladie causée par Giardia, ou giardiose, sont des débâcles diarrhéiques aqueuses, pâles, graisseuses et malodorantes, des nausées, des dérangements intestinaux, de la fatigue, une faible fièvre et des frissons. La gravité des infections à Giardia peut aller d’une absence de symptômes observables (infections asymptomatiques) à des troubles gastro-intestinaux graves nécessitant une hospitalisation. L’infection par Giardia peut aussi mener à une déficience en lactase (c.-à-d. une intolérance au lactose) et au syndrome de malabsorption; des recherches donnent à penser qu’elle pourrait de plus mener au syndrome du côlon irritable ou au syndrome de fatigue chronique chez certaines personnes (Cotton et coll., 2011; Wensaas et coll., 2012; Hanvik et coll., 2014). La dose médiane d’infection serait de l’ordre de 50 kystes (Hibler et coll., 1987), bien que des sujets aient été infectés à des doses bien inférieures (Rendtorff, 1978). Le temps écoulé entre l’ingestion et l’excrétion de nouveaux kystes (période prépatente) va de 6 à 16 jours. L’infection est habituellement autorésolutive et disparaît en moyenne au bout d’une à trois semaines. Toutefois, certaines personnes peuvent rester des porteurs asymptomatiques pendant longtemps. Chez certaines personnes, en particulier les enfants, la maladie peut récidiver pendant une période pouvant aller de quelques mois à un an. Il est possible de traiter l’infection persistante grâce à un certain nombre de médicaments antiparasitaires.

Les excréments humains et animaux (notamment ceux des bovins) sont d’importantes sources de G. lamblia. Chez les animaux, les autres hôtes connus sont les porcs, les castors, les rats musqués, les chiens, les ovins et les chevaux. Nombre de ces animaux peuvent être infectés par G. lamblia de source humaine (Davies et Hibler, 1979; Hewlett et coll., 1982; Erlandsen et coll., 1988; Traub et coll., 2004, 2005; Eligio-Garcia et coll., 2005). D’après les données épidémiologiques et moléculaires, seules les souches d’origine humaine ont pu être corrélées de manière significative avec la maladie chez les humains (Hoque et coll., 2003; Stuart et coll., 2003; Berrilli et coll., 2004; Thompson, 2004; Hunter et Thompson, 2005; Ryan et coll., 2005). Les Giardia sont fréquemment observés dans les eaux usées et les eaux de surface. Dans les eaux usées, les concentrations sont en général de l’ordre de 5 000 à 50 000 kystes/L, tandis que dans les eaux usées domestiques traitées, elles se situent habituellement entre 50 et 500 kystes/L (Medema et coll., 2003; Pond et coll., 2004). Dans les eaux de surface, les concentrations varient généralement entre < 2 et 200 kystes/100 L (Gammie et coll., 2000). Des études canadiennes ont révélé que la majorité des isolats de Giardia dans les eaux de surface étaient les assemblages A et B (Edge et coll., 2013; Prystajecky et coll., 2015).

Les données de surveillance publiées par les CDC pour la période 1992-2002 montrent que Giardia était en cause dans 9 % (6 sur 64) des éclosions de gastro-entérite signalées pour les eaux naturelles (Moore et coll., 1993; Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002; Yoder et coll., 2004). Plus récemment, de 2000 à 2014, on a déterminé que Giardia était responsable de 3 % (9 cas sur 140) de ces éclosions (Graciaa et coll., 2018). Les foyers se situaient dans des lacs et une rivière utilisés à des fins récréatives, ainsi que dans un étang. Bien que les Giardia n’aient jamais été mis en cause dans les éclosions enregistrées dans les eaux récréatives naturelles du Canada, il est probable que des cas se soient produits sans avoir été détectés ou signalés.

2.5.2 Cryptosporidium

Les Cryptosporidium sont de petits protozoaires parasites non mobiles. Ces organismes présentent un cycle biologique complexe, multi-stades, qui comprend la production d’oocystes ronds à paroi épaisse et stables sur le plan environnemental. On reconnaît actuellement 29 espèces appartenant à ce genre (Ryan et coll., 2014; Zahedi et coll., 2016). Deux génotypes ont principalement été associés à la maladie chez l’humain : C. hominis (génotype 1), qui n’est signalé que chez l’humain, et C. parvum (génotype 2), observé chez l’humain, les veaux et d’autres ruminants. D’autres espèces et génotypes ont été cernés, mais bien moins fréquemment. Les humains et les bovins sont les principales sources de Cryptosporidium. Les ovins, les porcins et les chevaux sont aussi considérés comme des réservoirs (Olson et coll., 1997). Les rongeurs ne constituent pas une source importante de Cryptosporidium susceptible d’infecter les humains (Roach et coll., 1993).

Les infections à Cryptosporidium causent des troubles de gravité variable, allant du transport asymptomatique à une maladie grave potentiellement mortelle chez les individus immunodéprimés. La maladie se caractérise principalement par une diarrhée abondante, aqueuse, non sanglante et parfois mucoïde. On constate aussi des crampes, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, une perte de poids, une déshydratation, une anorexie et une faible fièvre (CDC, 2021c).

Plusieurs doses infectieuses médianes ont été rapportées pour les Cryptosporidium en dépit du fait que, comme dans le cas des autres pathogènes, un seul organisme suffise théoriquement à provoquer l’infection. La plupart des études alimentaires réalisées sur des volontaires portent à croire que la dose infectieuse médiane de Cryptosporidium se situerait entre 9 et 2 066 oocystes (DuPont et coll., 1995; Okhuysen et coll., 1998, 1999, 2002; Chappell et coll., 1999, 2006; Messner et coll., 2001). La période prépatente est d’environ 4 à 9 jours. La plupart des individus en bonne santé se remettent totalement, la maladie évoluant vers la guérison en une à deux semaines. Ils peuvent continuer à excréter des oocystes dans leurs selles pendant une courte période après leur rétablissement. Dans la plupart des cas signalés concernant des personnes dont le système immunitaire est gravement affaibli (c.-à-d. les patients atteints du sida), l’infection n’est jamais complètement éliminée et peut se transformer en une infection avec de longues périodes de rémission suivies de symptômes légers. On a fait état de cas de cryptosporidiose touchant d’autres organes que l’intestin (c.-à-d. les poumons, l’oreille moyenne, le pancréas, etc.) et de décès surtout chez les personnes atteintes du sida (Farthing, 2000; Mercado et coll., 2007), mais on considère que ce sont de rares cas. 

On trouve fréquemment des oocystes de Cryptosporidium dans des eaux souillées par des déchets humains ou par les excréments des animaux d’élevage. La contamination peut se produire par les rejets d’eaux usées, les déjections des baigneurs et les ruissellements d’eaux pluviales. Certains oiseaux aquatiques (canards, oies, bernaches) pourraient prélever ces oocystes dans leur habitat pour aller les déposer ailleurs dans leurs déjections. Les concentrations généralement mesurées dans les eaux d’égout sont de l’ordre de 1 000 à 10 000 oocystes/L (Guy et coll., 2003), tandis que dans les eaux de surface canadiennes, elles se situent habituellement entre 1 et 100 oocystes/100 L (Gammie et coll., 2000).

Les données de surveillance américaines pour la période 1992-2002 montrent que 6 (9 %) des 64 éclosions de maladies gastro-intestinales signalées comme étant liées à des eaux récréatives naturelles étaient causées par Cryptosporidium (Moore et coll., 1993; Kramer et coll., 1996; Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Lee et coll., 2002; Yoder et coll., 2004). Plus récemment, de 2000 à 2014, 12 (9 %) des 140 éclosions dans des eaux récréatives étaient attribuables à cet agent pathogène (Graciaa et coll., 2018). Dans la plupart des cas, les foyers infectieux se situaient dans des lacs à vocation récréative. Une vaste éclosion dans un lac du New Jersey en 1994, qui a touché 418 personnes, a été la première éclosion de cryptosporidiose enregistrée aux États-Unis en rapport avec des eaux récréatives (Kramer et coll., 1996). La plupart des foyers de cryptosporidiose concernaient des eaux récréatives traitées telles que les parcs aquatiques, les piscines communautaires et les piscines de motel (Hlavsa et coll., 2018). La surveillance au Canada est limitée. À ce jour, aucune éclosion de cryptosporidiose n’a été rapportée dans les eaux récréatives naturelles. Comme pour Giardia, il est probable que des cas se soient produits sans avoir été détectés ni déclarés.

2.5.3 Autres protozoaires entériques potentiellement préoccupants

Entamoeba, Toxoplasma et Cyclospora sont d’autres protozoaires pathogènes entériques potentiellement préoccupants. L’humain est le seul réservoir important d’Entamoeba. La plupart des infections se produisent par contact de personne à personne, mais elles peuvent également être contractées par l’ingestion d’eau et d’aliments contaminés par des matières fécales. Les infections à Entamoeba peuvent être asymptomatiques ou provoquer des maladies gastro-intestinales, qui peuvent s’avérer graves ou potentiellement mortelles (Kucik et coll., 2004). Les protozoaires du genre Toxoplasma infectent presque tous les animaux à sang chaud, dont les humains, et peuvent être excrétés dans les excréments humains et animaux. La transmission se fait généralement par l’ingestion de viande infectée crue ou insuffisamment cuite, par des aliments ou de l’eau contaminés, ou encore par la manipulation de terre ou de matières fécales de chat contaminées. La plupart des infections à Toxoplasma causent des symptômes bénins ressemblant à ceux de la grippe. Elles peuvent toutefois mettre la vie des personnes enceintes ou immunodéprimées en danger (Shapiro et coll., 2019). Les protozoaires du genre Cyclospora ressemblent à ceux du genre Entamoeba dans la mesure où les deux n’infectent que les humains. On pense que la transmission se fait par l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par des excréments humains. Au Canada, les aliments contaminés et les voyages sont responsables de la plupart des cas de maladie déclarés (Ortega et Sanchez, 2010). L’infection à Cyclospora provoque des symptômes semblables à ceux associés à Cryptosporidium.

Les organismes des genres Entamoeba, Toxoplasma et Cyclospora peuvent vraisemblablement contaminer des eaux récréatives. Au Canada, un lien a été établi entre Toxoplasma et une éclosion dans l’eau potable, ce qui indique que les eaux de surface peuvent être contaminées par ces agents pathogènes (Isaac-Renton et coll., 1998). Par ailleurs, aucune éclosion dans des eaux récréatives liée à Toxoplasma, Entamoeba ou Cyclospora n’a été signalée au Canada. Par conséquent, selon les données actuelles, les activités aquatiques récréatives ne constitueraient pas un facteur de risque important de maladies causées par ces microorganismes.

2.6 Protozoaires libres

À la différence des protozoaires entériques, les protozoaires libres sont naturellement présents dans les eaux récréatives et n’ont pas besoin d’un hôte pour achever leur cycle biologique. La transmission à l’humain peut intervenir dans des eaux contenant l’organisme en quantité suffisante par des voies telles que l’inhalation ou le contact direct avec les muqueuses (p. ex. celle de l’œil). Ces organismes provoquent des maladies de types variés, dont des infections du système nerveux central et des infections de l’œil. Comme ils ne sont pas d’origine fécale, il ne faut pas s’attendre à une bonne corrélation entre la présence des indicateurs fécaux et la leur. À l’heure actuelle, on ne connaît aucun indicateur microbiologique pour agents ces pathogènes.

Les protozoaires libres reconnus comme les plus importants pour les eaux récréatives naturelles sont ceux des genres Naegleria et Acanthamoeba.

2.6.1 Naegleria fowleri

Les Naegleria sont des amibes thermophiles libres vivant dans les eaux douces. Le genre Naegleria compte plus de 40 espèces, mais seul N. fowleri est pathogène chez l’humain (Marciano‐Cabral et Cabral, 2007; Yoder et coll. 2010). N. fowleri est un microorganisme thermophile qui prolifère bien à des températures situées entre 25 et 40 °C (température optimale : 37 °C) et qui peut tolérer des températures excédant 50 à 60 °C (Hallenbeck et Brenniman, 1989; Visvesvara et coll., 2007; Zaongo et coll., 2018). Il a un cycle biologique multi-stades, dont un stade trophozoïte alimentaire mobile, un stade flagellé sans reproduction et un stade kystique résistant aux stress environnementaux. Les kystes sont la forme la plus résistante de l’organisme et peuvent survivre dans des conditions environnementales défavorables.

N. fowleri peut être observé dans les eaux douces et les sols du monde entier. Il a été isolé dans des eaux chaudes naturelles et artificielles, notamment des lacs, des rivières, des sources chaudes, des piscines, des bains d’hydrothérapie et l’eau du robinet. On le détecte le plus souvent dans les eaux douces tropicales et subtropicales, ainsi que dans les sources chaudes. Bien que la survie de N. fowleri dans les eaux nordiques soit moins fréquente, l’agent pathogène a été trouvé dans l’eau de lacs dans des États aussi septentrionaux que le Minnesota (Yoder et coll., 2010, 2012). Aucun réservoir humain ou animal n’a été identifié.

N. fowleri cause une maladie du système nerveux central appelée méningo-encéphalite amibienne primitive (MEAP) qui est presque toujours mortelle. Chez l’humain, l’infection survient lorsque de les amibes dans l’eau ont été inhalées ou introduites avec force dans les voies nasales(p. ex. pendant un plongeon, un saut, une chute ou la nage sous l’eau). Suite à son introduction dans les voies nasales, l’organisme se déplace vers le cerveau, où il endommage les cellules du système olfactif et du cortex cérébral. La maladie se déclare rapidement, les symptômes se manifestant un à sept jours après l’exposition. Elle progresse rapidement, la mort survenant généralement dans les 5 jours (Visvesvara et coll., 2007; Chalmers, 2014b). Les symptômes comprennent de violentes céphalées, une forte fièvre et des vomissements, suivis d’une raideur du cou, d’un état mental modifié, de convulsions, puis un coma qui aboutit à la mort. Le taux de mortalité de la MEAP est extrêmement élevé (supérieur à 97 %) (Capewell et coll., 2015). La maladie peut être traitée, mais elle exige un diagnostic rapide et un traitement antimicrobien agressif (CDC, 2019).

Les cas de MEAP sont extrêmement rares. Aux États-Unis, on les estime à environ un cas pour 2,5 millions de baigneurs (Visvesvara et Moura, 2006). De 1962 à 2015, 138 cas de MEAP ont été déclarés aux États-Unis, soit 0 à 8 cas déclarés annuellement (Cope et Ali, 2016). La majorité des expositions ont eu lieu dans des lacs et des étangs; les expositions dans des rivières ou des ruisseaux ont été beaucoup moins signalées (Yoder et coll., 2010). On a recensé quelques cas de maladie où des piscines mal entretenues étaient les sources probables d’exposition (Yoder et coll., 2010; Cope et Ali, 2016). Les cas sont plus fréquents dans le sud des États-Unis. Cependant, avec le réchauffement climatique, des cas ont été répertoriés plus au nord, par exemple au Minnesota, au Kansas et en Indiana (Cope et Ali, 2016). Il n’y a pas à ce jour de cas de MEAP déclaré à la suite d’un contact avec des eaux récréatives canadiennes. L’essentiel des données probantes semble indiquer que la MEAP ne constitue probablement pas, au Canada, une préoccupation sanitaire. Des chercheurs ont toutefois avancé que la hausse de la température des lacs induite par le changement climatique pourrait entraîner une augmentation de la prévalence de cet organisme dans les eaux de surface canadiennes (Rose et coll., 2001; Schuster et Visvesvara, 2004).

2.6.2 Acanthamoeba

Les Acanthamoeba sont des amibes libres. Le genre Acanthamoeba compte environ 20 génotypes différents (Juárez et coll., 2018). Le génotype d’Acanthamoeba T4 est le plus fréquent dans les cas de maladie et dans l’environnement. Cependant, d’autres génotypes ont été associés à des maladies (Chalmers, 2014a; Juárez et coll., 2018).

Les Acanthamoeba sont considérés comme omniprésentes dans l’environnement. On les trouve dans les eaux douces, marines et estuariennes, les sources chaudes, les sols, les eaux usées. Les Acanthamoeba spp. ont de faibles besoins en nutriments et se développent à des températures comprises entre 12 et 45 °C (température optimale : 30 °C) (Chalmers, 2014a). Leur cycle de vie se compose de deux stades : un stade d’alimentation appelé trophozoïte (25 à 40 µm) et un stade kystique résistant (10 à 30 µm) qui peut supporter des températures comprises entre -20 et 56 °C et résister à la dessiccation et à la désinfection (Chalmers, 2014a; Juárez et coll., 2018).

Ce sont des agents pathogènes opportunistes qui peuvent provoquer des maladies rares, mais graves touchant les yeux, la peau, les poumons, le cerveau et le système nerveux central (Visvesvara et coll., 2007; Chalmers, 2014a; de Lacerda et Lira, 2021). La forme pathologique la plus commune est la kératite amibienne, une atteinte douloureuse de la cornée pouvant compromettre les fonctions visuelles (Juárez et coll., 2018). L’infection survient par contact direct avec la muqueuse de l’œil. La kératite amibienne est généralement associée à des pratiques d’hygiène inadéquates chez les porteurs de lentilles de contact (utilisation de solutions contaminées, désinfection insuffisante). Dans de rares cas, Acanthamoeba peut aussi causer des infections disséminées touchant d’abord la peau ou les poumons pour se propager ensuite à d’autres parties du corps. Un autre exemple est l’encéphalite amibienne granulomateuse, une maladie mortelle du système nerveux central. Les rares cas de maladie disséminée, qui ne seraient pas d’origine hydrique, surviennent surtout chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou qui présentent une maladie sous-jacente (Chalmers, 2014a). Malgré la présence généralisée d’Acanthamoeba dans les milieux aquatiques, le contact avec des eaux récréatives n’est pas considéré comme un facteur de risque important d’acquisition de la maladie. Comme il a été mentionné précédemment, la majorité des cas sont liés à l’utilisation de lentilles de contact (de Lacerda et Lira, 2021). L’infection peut aussi se déclarer chez des personnes portant des lentilles de contact pour se baigner dans des lacs ou des étangs. Pour réduire ce risque, il est donc conseillé de les retirer avant de pratiquer des activités aquatiques de contact primaire (CDC, 2021b).

Comme il est mentionné à la section 2.3.2, les Acanthamoeba pourraient aussi être des hôtes naturels de certaines bactéries pathogènes libres, à savoir les Legionella et les Mycobacterium (Visvesvara et coll., 2007; Juárez et coll., 2018). Le fait d’être abrités à l’intérieur des Acanthamoeba offrirait à ces organismes un milieu propice à la reproduction, tout en les protégeant des stress environnementaux.

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