Avis scientifique sur la règlementation des produits végétaux issus de l’édition génique dans le contexte du titre 28 du Règlement sur les aliments et drogues (aliments nouveaux)

Tables des matières

1.0 Sommaire

Santé Canada a mis au point un avis scientifique portant sur la règlementation des produits végétaux issus de l'édition génétique dans le contexte du Règlement sur les aliments nouveaux. Cet avis scientifique a contribué à éclairer l'élaboration des nouvelles Orientations règlementaires de Santé Canada sur l'interprétation de la nouveauté envers les produits de sélections végétales et les Orientations règlementaires de Santé Canada sur l'évaluation préalable à la mise en marché des aliments dérivés de retransformants.

L'information qui suit est une synthèse des concepts dont tient compte cet avis scientifique :

Les risques pour les consommateurs sont fondés sur les caractéristiques des produits, non sur le processus ayant servi à les fabriquer.

Pour qu'un danger présente un risque sur le plan de l'innocuité alimentaire, il faut qu'il y ait une exposition au danger.

Les mutagènes chimiques et physiques utilisés dans la sélection végétale classique et le développement des plantes sont dangereux. Cependant, les consommateurs ne sont pas exposés à ces mutagènes par le biais de leur alimentation. Parallèlement, les consommateurs ne sont pas exposés aux technologies basées sur l'ADNr et l'édition génique dans leurs aliments, mais plutôt aux caractéristiques finales de ces derniers. Ce sont en fait ces caractéristiques qui importent pour l'identification, la caractérisation et la gestion de l'innocuité alimentaire.

Les façons dont les nouvelles caractéristiques présentent un risque pour l'innocuité alimentaire sont limitées et spécifiques.

Les nouvelles caractéristiques peuvent avoir un impact sur la santé humaine en raison de l'introduction de toxines ou d'allergènes nouveaux ou modifiés, des impacts sur la composition nutritionnelle des aliments, de la présence d'antinutriments ou de l'altération du métabolisme associé à l'aliment ou, encore, d'un changement d'utilisation de l'aliment par rapport aux nouvelles orientations de Santé Canada.

Le croisement et la sélection des plantes peuvent éliminer les caractéristiques indésirables, favorisant ainsi l'innocuité alimentaire.

La sélection végétale a beaucoup progressé au cours des deux derniers siècles. Cependant, le croisement et la sélection végétale ont toujours cours, même pour les produits issus des technologies basées sur l'ADNr et l'édition génique. Le croisement et la sélection sont utilisés pour éliminer les caractéristiques indésirables, notamment celles qui pourraient entraîner des risques pour l'innocuité alimentaire. En ce qui concerne les plantes modifiées génétiquement, le croisement et la sélection servent à éliminer de la plante les séquences d'ADN codant pour les gènes propres à la technologie d'édition génique ainsi que pour éliminer les modifications non intentionnelles.

Lorsqu'il est impossible d'éliminer les caractéristiques indésirables par croisement et sélection, les développeurs de plantes ont l'habitude d'éliminer complètement ces produits des étapes subséquentes du développement en vue de favoriser l'innocuité alimentaire.

2.0 Introduction

Le Règlement sur les aliments nouveaux du Canada (Titre 28, partie B du Règlement sur les aliments et drogues) a été publié en 1999. Ce règlement définit ce qu'est un « aliment nouveau » et exige que tous les fabricants et importateurs avisent Santé Canada avant de vendre un aliment nouveau ou d'en faire la publicité. Santé Canada examine l'avis reçu et détermine si les renseignements fournis prouvent que l'aliment peut être consommé sans danger avant d'être vendu au Canada.

Le Règlement sur les aliments nouveaux se fonde sur le fait que ce sont les caractéristiques particulières des organismes (c'est-à-dire une plante, un animal ou un microorganisme) qui peuvent présenter un risque pour l'innocuité des aliments qui en sont dérivés. Ainsi, le règlement a été conçu pour départir les aliments dérivés d'organismes en aliments nouveaux ou non nouveaux en fonction de leurs caractéristiques plutôt que des méthodes et technologies particulières ayant servi à les mettre au point. Ce type de cadre règlementaire est communément qualifié de système axé sur les produits.

Depuis l'adoption de ces règlements, les progrès technologiques ont créé de nouveaux outils d'édition génique permettant de développer de nouvelles variétés végétales. Ces outils ont été désignés collectivement comme technologies d'édition génique (ou génomique). Ces technologies sont aussi communément appelées innovations en sélection des végétaux (ISV). En Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande, on les appelle aussi nouvelles techniques de sélection (NTS) ou nouvelles techniques génomiques (NTG).

Face à ces nouveaux outils, les développeurs de plantes soulignent la nécessité d'une plus grande clarté, prévisibilité et transparence du cadre règlementant des aliments nouveaux. Plus précisément, ils ont cherché à mieux comprendre comment les produits mis au point à l'aide des technologies d'édition génique s'inscrivent dans le système canadien de règlementation des aliments nouveaux axé sur les produits.

Pour répondre à ce besoin, Santé Canada a élaboré de nouvelles orientations règlementaires afin de clarifier quels produits de sélection végétale, y compris ceux développés à l'aide de technologies d'édition génique, nécessitent un avis avant la mise en marché en tant qu'aliment nouveau.

Lors de l'élaboration de ces orientations règlementaires, les responsables de la règlementation de Santé Canada ont tenu compte des aspects scientifiques de la règlementation fondée sur les produits en ce qui concerne l'innocuité des aliments. Ils ont notamment examiné quels sont les effets des pratiques actuelles de sélection végétale sur les caractéristiques susceptibles d'avoir un impact sur l'innocuité alimentaire lors du développement de nouvelles variétés. Ces renseignements sont en adéquation avec l'approche fondée sur le risque et le produit comme stipulé dans les orientations règlementaires élaborées.

Enfin, les responsables de la règlementation ont examiné comment les produits végétaux issus de l'édition génique s'inscrivent dans l'approche règlementaire axée sur les produits adoptée par Santé Canada visant tous les produits issus de la sélection végétale. Pour ce faire, la nature des technologies d'édition génique, la possibilité de les appliquer en tant qu'outils de sélection végétale et la façon dont les changements génétiques potentiels résultant de l'utilisation de ces technologies se comparent aux modifications génétiques résultant d'autres méthodes de sélection végétale ont été examinées.

À la lumière de l'examen effectué à partir de l'information disponible, Santé Canada estime que les produits végétaux issus de l'édition génique doivent être règlementés comme tous les autres produits de sélection végétale en se concentrant sur leurs caractéristiques finales plutôt que sur leur méthode d'élaboration.

Bien que l'application des technologies d'édition génique couvre de nombreux domaines tels que la médecine (modèles cellulaires et animaux, traitement des maladies chez l'humain, etc.) et la biotechnologie (comme les biocarburants et les animaux issus de l'édition génique aux fins alimentaires), la portée de cet avis scientifique se limite à la sélection végétale et aux produits végétaux pouvant être issus de ces technologies.

3.0 La science de la règlementation basée sur les produits

Tous les produits (y compris les aliments) comportent un certain niveau de risque, mais l'impact potentiel de ces risques sur la santé publique et l'environnement dépend de leurs caractéristiques (NAS, 2016). Pour garantir la sécurité des produits qu'il règlemente et préserver la confiance du public, le système règlementaire canadien repose sur une solide approche scientifique.

Bien qu'il existe diverses approches quant à la règlementation des produits agricoles à l'échelle internationale (NAS, 2016), le Canada a adopté une approche axée sur les produits. Cette approche mise sur les caractéristiques finales des produits plutôt que sur la méthode utilisée pour les fabriquer. Elles déterminent le niveau de surveillance règlementaire (NAS, 1987; NAS, 2016). Il s'agit de l'approche règlementaire la plus étayée scientifiquement comme l'ont établi la National Academies of Science (NAS, 2016) et le National Research Council (NRC, 2000; NRC, 2002) des États-Unis.

Les fondements scientifiques qui sous-tendent ce système estiment que les risques qu'il faut considérer ou gérer doivent résulter d'une exposition de la population ou de l'environnement (NAS, 2016). Comme le public et l'environnement sont exposés aux caractéristiques finales d'un produit, et non à la technologie utilisée pour sa production (NAS, 2016), il est logique de règlementer sur la base des caractéristiques finales. Par conséquent, même si certains produits utilisés dans la sélection végétale, comme le méthanesulfonate d'éthyle (EMS), sont extrêmement toxiques (Müller et coll., 2009), les dangers qu'ils comportent ne sont pas pertinents dans le cadre de l'évaluation des risques des produitsNote de bas de page 1, à moins qu'ils ne soient présents dans les produits eux-mêmes (par exemple, de l'EMS dans un produit). Ces concepts seront abordés plus en détail dans les sections suivantes. Un examen approfondi des technologies d'édition génique et de leur relation avec les technologies modernes de sélection végétale sera aussi présenté.

Une préoccupation souvent citée est que les technologies scientifiques modernes, comme l'ADN recombinant (ADNr) et maintenant l'édition génique, sont relativement nouvelles et que des incertitudes demeurent quant à l'impact potentiel de ces technologies sur la santé humaine et l'environnement (RCAB, 2020). Bien que cela ait pu être vrai dans le passé, et même s'il est exact que la science dans n'importe quel domaine d'étude est incomplète (Wagner, W., 1995), la règlementation a plus de 25 ans d'expérience dans l'évaluation des risques que les produits dérivés de l'ADNr pourraient avoir sur la santé humaine (Santé Canada, 2021b). À ce jour, aucun effet néfaste sur la santé n'a été directement attribué à la technologie de l'ADNr ni aux aliments dérivés de cette technologie (NAS, 2016; CE 2010; Nicolia et coll., 2014; Pellegrino et coll., 2018). De plus, cette technologie fait l'objet d'études scientifiques depuis près de cinquante ans (Jackson et coll., 1972) et, grâce à ces nombreux travaux, bon nombre des incertitudes initiales sont maintenant bien caractérisées. Il a aussi été établi que les effets non intentionnels de cette technologie ne sont pas différents de ceux qui se produisent lors de l'utilisation de technologies de sélection classiques en ce qui concerne l'innocuité du produit (Schnell et coll., 2014).

Pour l'édition génique, bien que ces technologies soient relativement nouvelles, elles font partie des outils scientifiques les plus étudiés et les plus caractérisés de l'ère moderne. Cela est attribuable à l'application élargie de ces techniques dans tous les domaines des sciences biologiques, de la biotechnologie agricole (Feng et coll., 2013) et de la médecine (Doudna, 2020), en passant par tous les domaines de recherche primaire et à leur application directe dans le développement et la commercialisation de produits (Urnov et coll., 2010; Joung et Sander, 2013; Adli, 2018; Gao et coll., 2020). Comme nous l'expliquerons dans les sections suivantes, la conséquence de l'étude soutenue de cet ensemble relativement nouveau de technologies fait que, comme pour l'ADNr, il est possible d'obtenir des informations robustes et scientifiquement fondées sur les effets intentionnels et les effets potentiels non intentionnels de ces technologies sur les produits mis au point. Dans les cas où des éléments de ces technologies soient présents dans le produit final, les outils scientifiques d'évaluation des risques existants utilisés pour étudier et évaluer ses caractéristiques s'avèrent toujours efficaces pour en définir le profil de risque.

Selon la recension des données probantes actuelles menée par Santé Canada, comme rapporté dans les sections suivantes de ce document, le maintien d'un système de règlementation axé sur les produits demeure scientifiquement valable. De plus, comme nous en ferons la démonstration, il est raisonnable d'adopter une approche axée sur les produits qui tient compte à la fois des caractéristiques des produits et de la compréhension scientifique établie de la façon dont les risques pour l'innocuité alimentaire peuvent se manifester dans les nouveaux produits issus de la biotechnologie agricole (NAS, 2016; NRC 2002, NRC, 2000).

3.1 Critères de la règlementation fondés sur le risque relatif à la surveillance règlementaire avant la mise en marché

Les critères de la règlementation fondés sur le risque permettent d'établir si un produit doit faire l'objet d'une évaluation des risques avant sa mise en marché (NAS, 2016). Toutefois, l'évaluation des risques (c'est-à-dire l'évaluation de l'innocuité avant la mise en marché proprement dite) est un exercice détaillé fondé sur des données qui est mené sur certains aliments nouveaux avant qu'ils ne soient autorisés à intégrer l'approvisionnement alimentaire (NAS, 2016). Bien que les critères fondés sur les risques et l'évaluation des risques fondée sur les produits soient des concepts connexes, il s'agit d'activités distinctes et menées séparément. Étant donné que ce document porte sur les fondements scientifiques de l'orientation adoptée par Santé Canada concernant l'interprétation de la nouveauté des produits issus de la sélection végétale, la discussion qui suit porte sur les critères de la règlementation fondés sur les risques avant la mise en marché. Le Ministère a publié des lignes directrices détaillées (Santé Canada, 2006) qui comprennent des renseignements détaillés sur la façon dont Santé Canada effectue les évaluations préalables à la mise en marché des aliments nouveaux. Ces lignes directrices sont fondées sur le cadre reconnu internationalement qui a été établi par la Commission du Codex Alimentarius (CCA, 2003a; CCA, 2003b) au sujet de l'évaluation des aliments issus de la biotechnologie.

Les végétaux sont des organismes vivants complexes constitués de composants qui ont des bienfaits nutritionnels comme les huiles (Dyer et coll., 2008), l'amidon (Jennings, 2019) et des protéines (De Ron et coll., 2017), jusqu'aux composés phytochimiques biologiquement actifs aux propriétés médicinales (Balunas, Kinghorn 2005; Arnason et coll., 1981). Cependant, les plantes peuvent également accumuler des substances toxiques (Spencer et Berman, 2003), des allergènes (Breiteneder et coll., 2004) et des antinutriments (Burlingame et coll., 2009). Malgré le risque, nous consommons en toute sécurité et depuis des milliers d'années d'innombrables variétés de plantes sauvages et domestiquées pour leurs avantages nutritionnels et, dans certains cas, médicinaux (Kingsbury, 2009; Singer et coll., 2021; Conko et coll., 2016; Constable et coll., 2007). En fonction de ces informations, les instances gouvernementales de règlementation doivent déterminer quels végétaux se prêtent à une règlementation préalable à la mise en marché et lesquels nécessitent une évaluation préalable à la mise en marché.

Conformément à la règlementation axée sur les risques, les produits qui se prêtent à une évaluation préalable à la mise sur le marché doivent présenter de nouvelles caractéristiques qui présentent un danger pour l'innocuité alimentaire auquel les gens seront exposés (NAS, 2016). Dans ce contexte, certains nouveaux produits ne nécessitent pas d'évaluation de leur innocuité avant leur mise en marché parce qu'ils ne présentent pas de caractéristiques dangereuses par rapport aux aliments déjà offert sur le marché. En outre, même si un nouveau produit présente de nouveaux dangers, l'exposition à ces dangers ne se produit pas systématiquement, de sorte qu'il n'y a qu'un risque minime pour la santé publique.

Un bon exemple de caractéristiques qui ne présentent pas de nouveaux dangers est illustré par le statut règlementaire du maïs cireux de nouvelle génération au Canada (Santé Canada, 2021a). Il s'agit d'une variété de maïs issue de l'édition génique dont un gène participant à la biosynthèse de l'amylose a été supprimé du génome sans avoir apporté d'autres modifications génomiques (Gao et coll., 2020). Le résultat se traduit par une variété de maïs qui génère 100 % d'amylopectine dans les grains de maïs. Cette caractéristique est sensiblement équivalente à celles des variétés de maïs cireux qui font déjà partie de l'alimentation (Huang et coll., 2020). Par conséquent, elle ne justifie pas une évaluation des risques avant la mise en marché conformément à l'approche règlementaire axée sur les risques.

Ce principe (c'est-à-dire l'absence d'exposition à un danger) est bien illustré par la consommation de fruits à noyau comme les abricots et les pêches. Le noyau des fruits à noyau contient des glycosides cyanogènes qui les protègent contre l'herbivorie (Geller et coll., 2006; Gleadow et coll., 2014; Vetter, 2000). Pour les consommateurs, les glycosides cyanogéniques constituent un danger, car ils s'hydrolysent et libèrent du cyanure d'hydrogène qui peut, lorsque consommé en quantités suffisamment élevées, provoquer un empoisonnement au cyanure (Geller et coll., 2006; Akil et coll., 2013). Cependant, les noyaux des fruits à noyau ne sont généralement pas consommés. Par conséquent, bien que les fruits à noyau contiennent des molécules produisant du cyanure dangereux pour les consommateurs, l'emplacement de ces molécules dans le fruit fait en sorte que les gens ne sont pas censés y être exposés. Par conséquent, tant que l'on ne mange pas le noyau, les glucosides cyanogènes présents dans ces fruits ne présentent aucun risque pour l'innocuité alimentaire.

L'absence d'exposition à un danger qui élimine les risques pour l'innocuité alimentaire aide à expliquer pourquoi ce sont les caractéristiques finales d'un produit, et non la technologie ayant mené à son développement, qui déterminent le niveau de surveillance règlementaire approprié. Comme nous l'avons mentionné précédemment, certaines technologies utilisées depuis un siècle dans le développement des plantes, comme le méthanesulfonate d'éthyle (Müller et coll., 2009) et les mutagènes physiques, comme le rayonnement électromagnétique (Ahloowalia et coll., 2004), peuvent présenter des risques génotoxiques. Cependant, le public n'est pas exposé au méthanesulfonate d'éthyle ni aux mutagènes physiques utilisés dans le développement des plantes lorsqu'il consomme ces variétés végétales mutagénisées. Par conséquent, ces lignées végétales mutagénisées ne présentent aucun risque sur le plan de la génotoxicité pour les consommateurs. Ce principe est étayé dans la littérature primaire qui fait état de la dissémination mondiale de plus de 1 650 variétés de végétaux développées à l'aide de mutagènes physiques et chimiques (Maluszynski et coll., 2000; Ahloowalia et coll., 2004) sans qu'aucun effet négatif connu sur la santé publique ne puisse être attribué à ces technologies classiques de sélection végétale (NAS, 2016).

Les façons dont les nouvelles caractéristiques peuvent affecter l'innocuité alimentaire sont exprimées par la Commission du Codex Alimentarius (CCA, 2003a) ainsi que dans le la littérature primaire (Delaney et coll., 2018). Elles se reflètent déjà dans la réalisation des évaluations d'innocuité des aliments nouveaux avant leur mise en marché au Canada (Santé Canada, 2006). Ces ressources indiquent que les instances de règlementation doivent prendre en compte les effets intentionnels et non intentionnels des nouvelles caractéristiques des produits, établir s'ils créent de nouveaux dangers ou modifient les dangers existants et déterminer si ces dangers nouveaux ou modifiés sont pertinents sur le plan de la santé humaine (CCA, 2003a; CCA, 2003b). Les nouvelles caractéristiques peuvent affecter la santé humaine notamment par l'introduction de toxines ou d'allergènes nouveaux ou modifiés, leur impact sur la composition nutritionnelle de l'aliment ou la présence d'antinutriments ou d'autres facteurs pouvant influencer la nutrition alimentaire (CCA, 2003a). Par conséquent, l'intégration de ces critères pour déterminer si un produit présente une nouvelle caractéristique nécessitant ou non une évaluation d'innocuité avant sa mise en marché, et pas seulement pour structurer l'évaluation des risques se défend bien sur le plan scientifique (NAS, 2016).

4.0 Sélection végétale

En se basant sur la discussion des fondements scientifiques de l'approche règlementaire basée sur les produits, il est important d'explorer l'histoire et les principes de base de la sélection végétale pour comprendre comment les produits issus de cette technologie sont générés et les pratiques utilisées pour gérer les risques, tout comme les limites de ces pratiques.

La sélection végétale est la science qui consiste à améliorer continuellement les caractéristiques souhaitables de végétaux et à en réduire ou éliminer les caractéristiques indésirables. Ce qui est considéré comme désirable ou indésirable est fonction des besoins du producteur et du consommateur. En général, les caractéristiques qui améliorent la fiabilité et l'aptitude d'une plante dans une zone de culture donnée ainsi que celles qui améliorent et standardisent sa récolte et sa transformation sont des caractéristiques souhaitables pour les producteurs (Kingsbury, 2009). Pour les consommateurs, les caractéristiques qui améliorent l'apparence ou la saveur et qui réduisent le coût des végétaux sur le marché sont jugées souhaitables (Kingsbury, 2009). Tant pour le producteur que pour le consommateur, le rendement est une caractéristique souhaitable, en particulier dans des circonstances où la demande pour un végétal pourrait dépasser l'offre (Kingsbury, 2009).

4.1 De la sélection végétale à la culture des tissus végétaux

Les humains manipulent les caractéristiques des végétaux depuis plus de 10 000 ans (Purugganan et coll., 2009). La domestication des plantes a commencé par une sélection intuitive, puis délibérée, au cours de laquelle les plantes présentant des caractéristiques souhaitables ont été identifiées à partir de variétés sauvages ou de cultivars partiellement domestiqués (Kingsbury, 2009; Purugganan et coll., 2009). Les plantes sélectionnées présentant une caractéristique souhaitée étaient souvent un mutant naturel issu de la variété existante ou un hybride résultant d'un croisement non intentionnel entre des espèces apparentées (Kingsbury, 2009). Ce n'est qu'au XIXe siècle que des programmes sophistiqués de croisement de plantes ont été lancés et ces programmes de croisement sont devenus plus prévisibles par la redécouverte des lois de l'hérédité de Mendel au début des années 1900 (Kingsbury, 2009). À ce stade de l'histoire de la sélection végétale, il y a eu un grand intérêt envers l'accélération du rythme auquel les caractéristiques souhaitables des plantes pouvaient être créées et identifiées (Kingsbury, 2009). Cependant, cette évolution était limitée par les formes et les taux naturels de mutation génétique au sein des populations de plantes sexuellement compatibles (Kingsbury, 2009). Avec la découverte de la mutagenèse chimique et, plus tard, de la mutagenèse par irradiation, le taux de génération de caractéristiques utiles a été considérablement accéléré par rapport aux taux naturels de mutation (Singer et coll., 2021; Graham et coll., 2020). En outre, grâce à une meilleure compréhension de la reproduction sexuée des plantes et, plus tard, des technologies de culture de tissus, la gamme génétique à partir de laquelle les caractéristiques souhaitables pouvaient être obtenues s'est également élargie (Kingsbury, 2009).

4.2 ADN recombinant et édition génique

Pendant la majeure partie du XXe siècle, après l'avènement de la mutagenèse chimique et radiologique, la sélection végétale a progressé grâce à une meilleure compréhension de la génétique végétale, aux technologies de culture de tissus végétaux et à la mise au point d'outils permettant d'accélérer les programmes de croisement de plantes (Kingsbury, 2009; Moose et Mumm, 2008; Evenson et Gollin, 2003). Le développement de la technologie de l'ADN recombinant (ADNr) et, plus récemment, d'édition génique, a considérablement changé les sources de production de caractéristiques nouvelles accessibles aux développeurs de plantes. Grâce à ces technologies, les développeurs de plantes peuvent obtenir des caractéristiques souhaitables à partir de plantes non sexuellement compatibles (Kingsbury, 2009; Slater et coll., 2008; Klee et coll., 1987; Sanford, 1990).

Ces technologies ont le potentiel d'introduire de nouvelles caractéristiques utiles aux plantes qui serait impossible d'obtenir à l'aide des technologies classiques de sélection végétale. Néanmoins, elles comportent toujours certaines limites. Par exemple, il est souvent avancé que l'ADNr et, maintenant, l'édition génique, permettront aux développeurs de générer de nouvelles plantes et de les commercialiser plus rapidement qu'avec les technologies classiques de sélection végétale (Niler, 2018). Bien qu'il existe des exemples de ce phénomène (Gao et coll., 2020), ils constituent plutôt l'exception que la règle en ce qui concerne l'ADNr et l'édition génique. Cela s'explique par le fait que les technologies d'ADNr et d'édition génique dépendent des technologies de transformation des plantes et de culture de tissus végétaux et que toutes les plantes ou tous les tissus végétaux ne sont pas réceptifs à ces outils (Slater et coll., 2008; Altpeter et coll., 2016; Jones, 2009; Birch, 1997).

Bien que les caractéristiques souhaitables puissent désormais provenir de plantes autres que celles qui sont sexuellement compatibles, ces caractéristiques ne sont introduites que dans des variétés végétales précises. Le plus souvent, ces variétés réceptives ne sont pas celles que l'on vend aux producteurs pour qu'ils les cultivent à des fins alimentaires, car elles ne sont pas assez performantes en milieu agricole. Par conséquent, après la transformation de la plante ou l'édition génique, les développeurs de plantes croisent les plantes transformées ou issues de l'édition génique avec des variétés commerciales sur plusieurs générations pour faire passer la nouvelle caractéristique dans les variétés commerciales. Bien que ce processus prenne beaucoup de temps et compromette le potentiel de ces technologies pour la mise sur le marché rapide de nouveaux produits, il présente un avantage du point de vue de l'innocuité alimentaire. Les pratiques standards de sélection végétale sont utilisées pour éliminer les caractéristiques indésirables qui pourraient affecter l'innocuité alimentaire et pourraient inclure des changements non intentionnels résultant de l'ADN recombinant ou de l'édition génique (Shimelis et Laing, 2012; Hickety et coll., 2019; Allard, 1999).

Grâce à cette évolution des technologies de sélection végétale, les développeurs de plantes ont surmonté les limites des taux naturels de mutation en les accélérant considérablement pour produire de nouvelles caractéristiques souhaitables. Ils ont également surmonté les limites imposées par les barrières de reproduction des plantes puis ont été en mesure d'accéder à des caractéristiques souhaitables au-delà des plantes sexuellement compatibles. Néanmoins, ces réalisations ont forcé les développeurs de plantes à composer avec certaines limites imposées par la culture des tissus végétaux et la réceptivité des variétés végétales aux technologies modernes. Un aspect positif de ces limites est que les pratiques standards de sélection végétale continuent d'être utilisées dans la plupart des programmes de développement de plantes pour produire des produits sûrs pour l'utilisation alimentaire, y compris les plantes issues de l'ADN recombinant et de l'édition génique (NAS, 2016; Prakash, 2001; Delaney et coll., 2018; Conko et coll., 2016).

5.0 Édition génique et sélection végétale

Les technologies d'édition génique désignent les outils biotechnologiques qui peuvent être utilisés pour apporter des modifications au génome d'organismes vivants en ajoutant, en supprimant ou en modifiant des séquences géniques à des endroits précis. L'édition génique peut atteindre les mêmes objectifs que les technologies de sélection classiques (Lassoued et coll., 2019; Mao et coll., 2019; Parry et coll., 2009) et d'ADN recombinant (Fichtner et coll., 2014), avec cependant une plus grande précision et sans plus de modifications génétiques non intentionnelles que ces autres technologies (Chen et coll., 2019; Graham et coll., 2020).

Plusieurs outils sont désignés comme une technologie d'édition génique. À l'heure actuelle, cette expression est principalement utilisée pour décrire le système CRISPR-Cas, mais elle englobe également la mutagenèse dirigée à l'aide d'oligonucléotides (ODM), les nucléases effectrices de type activateur de transcription (TALEN), les nucléases à doigt de zinc (ZFN) et les méganucléases ainsi que des variantes de ces outils. Outre les références fournies ci-dessous, de nombreux autres articles scientifiques de synthèses et perspectives ont été publiés au sujet de ces technologies (Doudna et Charpentier, 2014; Komor et coll., 2017; Hua et coll., 2019). Ces technologies continuent d'évoluer et deviennent plus précises et efficaces et plus aptes à déterminer les conditions expérimentales qui favorisent l'édition génique de nouvelles espèces végétales (Young et coll., 2019; références dans Graham et coll., 2020).

À ce jour, l'édition génique a été utilisée avec succès pour modifier plusieurs types de plantes, notamment la canne à sucre, les agrumes, le raisin, le blé, le tabac, la pomme de terre, le lin, le coton et le maïs (références dans Zaman et coll., 2019 et Songstad et coll., 2017). On s'attend à ce que les développeurs de plantes mettent à profit l'édition génique pour améliorer de nombreuses autres plantes à des fins alimentaires, entre autres.

5.1 Mutagenèse dirigée à l'aide d'oligonucléotides

La mutagenèse dirigée à l'aide d'oligonucléotides (ODM) utilise des oligonucléotides spécialement conçus qui présentent deux caractéristiques importantes : leur séquence corresponde presque à une séquence d'ADN cible tout en comportant un mésappariement de nucléotides. Ces oligonucléotides s'apparient au site de l'ADN cible, déclenchant une réparation des mésappariements, ce qui entraîne la modification de l'ADN correspondant au nucléotide mésapparié (Songstad et coll., 2017). Cette technologie et ses variantes ont été utilisées pour éditer le génome de plantes dont le tabac et le maïs (Zhu et coll., 1999; Beetham et coll., 1999).

5.2 Méganucléases, TALEN et ZFN

Les méganucléases sont des enzymes naturelles qui peuvent sectionner l'ADN après avoir reconnu des séquences cibles spécifiques d'une longueur de 12 à 40 nucléotides (références dans Songstad et coll., 2017; Takeuchi et coll., 2015). Bien que la grande séquence à reconnaître limite les options de sélection du site cible, cette caractéristique entraîne également un ciblage très spécifique des méganucléases, ce qui réduit la probabilité de retrouver des sites d'édition hors cible dans un génome donné. Les méganucléases ont été utilisées pour éditer le génome de plantes comme le coton et le maïs (D'Halluin et coll., 2013; Gao et coll., 2010), mais aucune n'a été mise au point à des fins commerciales.

Les technologies qui font intervenir les TALEN et les ZFN utilisent des protéines de liaison à l'ADN programmables et spécifiques à une séquence pour cibler un emplacement génomique, qui est ensuite clivé par le domaine de la nucléase TALEN ou ZFN pour induire un clivage de l'ADN double brin. Ensuite, la cellule répare le clivage de l'ADN par l'un des deux mécanismes possibles : la ligature des extrémités non-homologues (NHEJ) indépendante de la matrice ou la réparation homologue (HDR) dépendante de la matrice. La technologie TALEN a servi à générer une variété de plantes issues de l'édition génique, notamment la pomme de terre (Clasen et coll., 2016), le soja (Haun et coll., 2014), le tabac (Li et coll., 2016) et la canne à sucre (Jung et coll., 2016). La technologie ZFN a aussi servi à produire des plantes issues de l'édition génique comme le tabac (Townsend et coll., 2009), Arabidopsis thaliana (Zhang et coll., 2010) et le maïs (Shukla et coll., 2009).

5.3 CRISPR-Cas

Le système d'édition génique CRISPR-Cas est rapidement devenu populaire parmi les scientifiques et les développeurs de produits (Hsu et coll., 2014; Schaeffer et Nakata, 2015; Zaman et coll., 2019; Knott et Doudna, 2018). Sa popularité provient de sa simplicité sur le plan de la conception et de l'exécution technologique, de son coût d'acquisition et de son déploiement ainsi que son potentiel à modification précisément le génome de tout organisme vivant (Knott et Doudna, 2018).

Le système CRISPR-Cas est un mécanisme de défense naturel et acquis contre les pathogènes viraux chez les archées et les bactéries (Bhaya et coll. 2011; Hill et coll. 2018). Le système naturel est composé de trois éléments : l'endonucléase associée à CRISPR (Cas), l'ARN CRISPR (ARNcr) et l'ARN CRISPR transactivateur (ARNtr) (Bhaya et coll., 2011; Jinek et coll., 2012). L'ingénierie de ce système de défense viral en un outil programmable d'édition génique a nécessité sa réduction à un système à deux composants comprenant l'endonucléase Cas, qui clive l'ADN, et un ARN guide (ARNg), qui peut cibler pratiquement n'importe quelle séquence d'ADN (Jinek et coll., 2012).

Pour transporter l'endonucléase et l'ARNg dans les tissus vivants, les développeurs de plantes disposent d'une variété d'approches. Ils peuvent fournir le complexe endonucléase-ARNg fonctionnel ou des plasmides codant pour les séquences d'endonucléase et d'ARNg dans des cultures de cellules végétales vivantes (Mao et coll., 2019). Le résultat final de ces approches étant une présence transitoire des outils d'édition génique dans les tissus vivants. Les développeurs de plantes peuvent également transformer de manière stable des cellules végétales vivantes avec des séquences codant pour des endonucléases et l'ARNg en utilisant le bombardement de particules ou la transformation médiée par Agrobacterium (Mao et coll., 2019). Le résultat final produit une lignée cellulaire végétale qui possède des séquences génomiques codant et exprimant les outils d'édition génique.

En ce qui a trait à l'édition de l'ADN, l'ARNg se lie à sa cible génomique complémentaire et forme un complexe avec l'endonucléase Cas au site de l'ADN cible. La formation de ce complexe conduit au clivage de l'ADN double brin à un emplacement en amont appelé motif adjacent au proto-espaceur (PAM). Le PAM est une séquence motif essentielle, mais contraignante d'ADN se trouvant à proximité de la séquence d'ADN cible (Jinek et coll., 2012; Schaeffer et Nakata, 2015; Kleinstiver et coll., 2015; Walton et coll., 2019). Après le clivage de l'ADN, la cellule répare ensuite le site via NHEJ ou HDR. La NHEJ répare le site clivé sans matrice et génère généralement de petites insertions ou suppressions de quelques nucléotides. En insérant ou en supprimant quelques nucléotides au site cible, la séquence d'ADN résultante peut modifier la fonction ou l'expression des gènes. La cellule peut également mettre en œuvre l'HDR pour réparer le site clivé en copiant la séquence à partir d'une matrice donneur homologue, lequel est introduit au même moment que les outils d'édition génique et introduit des changements précis du génome au niveau du site cible.

Compte tenu de l'intérêt que suscite le système d'édition génique CRISPR-Cas, des efforts ont été déployés pour identifier les homologues naturels de l'endonucléase Cas ou pour générer des variantes modifiées qui reconnaissent différentes séquences PAM, réduisant ainsi les contraintes liées à la sélection du site cible pour l'édition génique par CRISPR-Cas (Kleinstiver et coll., 2015; Walton et coll., 2019; Knott et Doudna, 2018; Murugan et coll., 2017). Au-delà de l'élargissement des caractéristiques reconnues issues de PAM, des variétés naturelles ou modifiées d'endonucléases Cas avec des fonctions endonucléasiques modifiées ont été identifiées, étayant d'autant plus la polyvalence de l'outil (Knott et Doudna, 2018; Murugan et coll., 2017).

L'identification et le développement de variantes de Cas ont accru les possibilités offertes par CRISPR-Cas et l'utilité de ce système a été illustrée par des technologies CRISPR modifiées telles que la « base-editing » et la « prime editing », lesquelles ne font intervenir aucun clivage de l'ADN double brin ni aucune matrice de réparation pour la modification du génome cible. Les méthodes de « base-editing » utilisent un CRISPR-Cas9 modifié rattaché à une enzyme désaminase. La désamination de A ou C au site cible génère un mésappariement de la base qui est ensuite réparé et substitué (C>T/G>A ou T>C/A>G) à la base cible (Rees et Liu, 2018). Contrairement à la « base-editing », la « prime editing » ne nécessite pas de sites PAM positionnés avec précision (Anzalone et coll., 2019) pour générer une modification ciblée. Le système « prime editing » utilise une version altérée de Cas9 fusionnée à une transcriptase inverse programmée par un ARNg de « prime editing » (pegRNA) qui spécifie à la fois le site cible et l'édition souhaitée. La « prime editing » peut être utilisée pour les substitutions de bases simples ainsi que pour les substitutions de bases multiples, les transitions (purineàpyrimidine ou pyrimidineàpurine), les insertions et les suppressions (Anzalone et coll., 2019).

6.0 Comment la technologie d'édition génique peut-elle être appliquée à la sélection végétale?

La sélection végétale dépend de la variation génétique en ce qui concerne l'identification et la sélection de caractéristiques utiles chez les plantes. Dans les programmes de sélection classiques, cette variation a évolué et continue d'évoluer naturellement au fil du temps et/ou est introduite dans l'espèce au moyen de croisements généraux (McCouch, 2004), de la culture de tissus (Jain, 2001) ou de l'application de mutagènes chimiques ou physiques (Oladosu et coll., 2016). Les développeurs de plantes utilisent également la recombinaison de l'ADN dans laquelle des séquences génétiques sont insérées dans le génome d'une plante à l'aide de la biotechnologie afin d'étendre la diversité génétique naturelle de l'espèce végétale.

L'édition génique a déjà été mise à profit dans des contextes de recherche pour améliorer les traits agronomiques, notamment pour augmenter la qualité et le rendement (références dans Zaman et coll., 2019), améliorer la résistance aux pathogènes bactériens (Peng et coll., 2017), augmenter la résistance aux maladies fongiques (Wang et coll., 2014) et aux pathogènes viraux (Ali et coll., 2015) ainsi que pour introduire une tolérance aux herbicides (Butler et coll., 2016). Sur le plan de la composition modifiée, l'édition génique a servi à ajuster la composition en glucides des grains de maïs (Gao et coll., 2020). Les développeurs de plantes ont indiqué que l'édition génique servira à introduire de nouvelles caractéristiques et à modifier les caractéristiques existantes dans des variétés de plantes commerciales afin d'améliorer le rendement agronomique (hauteur, la taille, rendement, tolérance au stress environnemental, résistance aux maladies et aux ravageurs des végétaux) et pour modifier la composition et la qualité nutritionnelle ainsi que d'autres qualités liées aux préférences des consommateurs (Zhang et coll., 2018; Cui et coll., 2020; Wang et coll., 2019; Ogbonnaya et coll., 2017; P R, Singh et coll., 2016 et références dans Tshikunde et coll., 2019). En tant qu'application potentielle pour satisfaire les préférences des consommateurs, l'édition génique a permis de réduire le brunissement des champignons (Waltz, 2016).

Les façons dont les développeurs de plantes utiliseront les technologies d'édition génique pour atteindre ces objectifs pourraient consister en l'introduction de petites insertions ou délétions sur des sites génomiques précis, des délétions précises de segments plus grands de l'ADN génomique, ainsi que des insertions de gènes entiers et de leurs éléments régulateurs (Chen et coll., 2019; Zhang et coll., 2018). En outre, les développeurs de plantes ont indiqué que l'édition génique peut aider à cerner des caractéristiques utiles dans des régions génomiques que les développeurs ont actuellement de la difficulté à manipuler à l'aide des technologies de sélection traditionnelles. Par conséquent, l'édition génique a le potentiel de définir et d'améliorer de nouvelles caractéristiques au sein des espèces végétales (Van Eck, 2020; Rönspies et al., 2021).

6.1 Création de variations génétiques dans les végétaux grâce à l'édition génique

Les technologies d'édition génique sont les outils les plus récents qui ont été mis au point pour accroître la variation génétique dont les développeurs de plantes ont besoin pour répondre aux demandes des producteurs et des consommateurs et contribuer aux objectifs mondiaux d'innocuité alimentaire et de durabilité. L'édition génique diffère de la variation génétique en sélection végétale classique et basée sur l'ADNr en ce que la variation peut être introduite à des endroits précis et prédéterminés dans le génome de la plante (Chen et coll., 2019). La grande précision de l'édition génique peut simplifier l'évaluation de nouveaux végétaux sur le plan de l'innocuité alimentaire et offre donc la possibilité de développer et de commercialiser de nouveaux produits de façon opportune et efficace.

7.0 Techniques d'édition génique – considérations clés pour les instances de règlementation

La section suivante traite de la manière dont les technologies d'édition génique sont transmises aux cellules vivantes, de leurs effets non intentionnels sur le génome des plantes, de la présence possible de composants de ces technologies dans le produit végétal final et des autres outils que les développeurs de plantes utilisent actuellement pour garantir l'innocuité de leurs produits.

7.1 Transmission des technologies d'édition génique aux cellules vivantes

Comme toutes les autres formes de biotechnologie végétale, les technologies d'édition génique doivent être introduites dans des cellules vivantes pour fonctionner. Là où les technologies d'édition génique diffèrent des outils de développement traditionnels et d'ADNr, c'est dans la façon dont les séquences d'ADN codant les composants des technologies d'édition génique peuvent, dans certains cas, être intégrées au produit de telle sorte que la technologie elle-même apporte une nouvelle caractéristique aux végétaux (Wolt et coll., 2016; Zhao et Wolt, 2017).

Il est important de noter que, bien qu'il s'agisse d'une façon de mettre en application l'édition génique, il n'est pas nécessaire d'inclure ces séquences d'ADN dans le génome de la plante pour la modifier. S'ils ont le choix, l'édition génique sans ADN (Tsanova et coll., 2021) semble être l'approche préférée des développeurs de plantes. C'est ce qu'a exprimé un groupe d'experts à l'occasion d'une rencontre ayant eu lieu le 16 octobre 2020 (Santé Canada, 2021c) entre les instances de règlementation gouvernementales et les experts en sélection végétale du milieu universitaire et de l'industrie. Lors de cette rencontre, il a été expliqué que si un développeur de plantes devait intégrer des séquences d'édition génique dans le génome d'une plante, il est peu probable qu'il puisse commercialiser ce produit en question sans avoir retiré ces séquences par la suite.

Si un développeur qui a créé une plante issue de l'édition génique, dans laquelle les séquences d'ADN codant les technologies d'édition génique sont conservées dans le génome de la plante, désire l'amener à l'étape de la commercialisation, ce produit serait alors considéré comme contenant de l'ADN étranger et, dès lors, les aliments dérivés de cette plante seraient considérés nouveaux (c'est-à-dire qu'elle devrait faire l'objet d'une évaluation d'innocuité préalable à la mise en marché).

7.2 Effets non intentionnels résultant de modifications hors cible

Les modifications hors cible sont des changements génétiques qui résultent de l'utilisation de technologies d'édition génique sur des sites génomiques autres que le site de modification prévu (Wolt et coll., 2016). Cela peut se produire lorsque les technologies d'édition génique ciblent les séquences génomiques par reconnaissance de l'ADN à partir d'une protéine (Bedell et coll., 2012; Bibikova et coll., 2003) ou d'une séquence d'ARN guide (Doench et coll., 2016). Par conséquent, les séquences génomiques qui présentent une similarité de séquence avec le site d'édition prévu peuvent également être modifiées par les technologies d'édition génique.

Il faut aussi noter que des modifications génétiques non intentionnelles peuvent se produire à proximité immédiate de la séquence ciblée. On parle alors parfois de changements involontaires « sur cible». Bien que l'emplacement de ces modifications puisse être jugé comme ayant « atteint la cible », la gestion par les développeurs de ces types de modifications involontaires est la même que pour les modifications hors cible. Par conséquent, les principes décrits au sujet des modifications hors cible s'appliquent à ces modifications non intentionnelles sur cible.

Étant donné que les développeurs de produits cibleront principalement des séquences génétiques qui modifieront les processus biologiques dans le but de recréer des caractéristiques existantes ou de générer des caractéristiques nouvelles ou modifiées dans les végétaux, il est possible que des sites d'édition hors cible aient par inadvertance un impact sur des processus biologiques secondaires, introduisant ainsi des caractéristiques non souhaitées et modifiant ainsi le profil de risque des aliments d'origine végétale (Wolt et coll., 2016; Zhao et Wolt, 2017). Le premier principe soutenant cette affirmation est que des séquences similaires et, certainement, l'homologie entre les séquences génétiques peuvent être prédictives de la structure et de la fonction biologiques (Gotz et coll., 2008). En effet, la similarité et l'homologie des séquences sont déjà utilisées pour évaluer les séquences allergènes ou toxiques possibles dans le cadre de l'évaluation d'innocuité des aliments nouveaux avant leur mise en marché (Santé Canada, 2006), car ce sont des aspects utiles et prédictifs dans l'évaluation de l'innocuité des produits.

Dans ce contexte, les technologies de sélection classiques, ainsi que l'ADN recombinant, peuvent également introduire des changements génétiques non intentionnels pouvant donner lieu à des caractéristiques non souhaitées et ainsi modifier le profil de risque de l'aliment d'origine végétale. Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) ont déjà déterminé que ces sources de modifications génétiques non intentionnelles ne présentent pas de risques plus élevés que d'autres technologies d'édition génique et ne nécessitent donc pas une investigation plus poussée (Schnell et coll., 2014).

Il est important de souligner que, puisque les modifications hors cible peuvent être prédites, elles peuvent également être atténuées grâce à une conception, une sélection et une expérimentation adéquates des outils d'édition génique. De plus, la présence de modifications hors cible peut faire l'objet d'une investigation directe au moyen du séquençage ciblé de l'ADN (Wolt et coll., 2016; Liang et coll., 2017), ce qui ne peut être raisonnablement accompli pour les mutations aléatoires. Des études scientifiques visant à évaluer les modifications hors cible semblent indiquer que, bien que ces modifications soient possibles, elles se produisent rarement, même sur les sites hors cible prévus dans les plantes (Young et coll., 2019, Hahn et Nekrasov, 2019 et Fichtner et coll., 2014). De plus, si des modifications hors cible devaient être présentes dans une plante issue de l'édition génique, les développeurs de plantes sont en mesure de les éliminer dans la plupart des végétaux par sélection et/ou rétrocroisement (Kaiser et coll., 2020).

En raison de ces considérations, tout risque posé par l'apparition d'une modification hors cible peut être bien géré grâce à une caractérisation appropriée et aux pratiques de sélection végétale actuelles.

7.3 Technologies d'édition génique – l'un des nombreux outils que les développeurs de plantes utilisent pour créer de nouvelles plantes.

Il est peu probable que les technologies d'édition génique soient utilisées de manière isolée lors du développement d'une nouvelle plante pour les raisons évoquées précédemment (section 4.2). En effet, à l'exception de certaines plantes à multiplication végétative (canne à sucre, pomme de terre, pommes, etc.), les plantes issues de l'édition génique feront probablement l'objet d'une sélection supplémentaire par croisement et sélection pour faire passer les caractéristiques obtenues par édition génique de la variété végétale originale issue de l'édition génique à une ou plusieurs variétés de production commerciale qui seront cultivées pour l'alimentation. À cette étape, les développeurs de plantes utilisent des technologies de sélection traditionnelles pour créer de grandes populations de plantes dont la majorité est éliminée, et seules quelques plantes sont sélectionnées et conservées en vue d'un développement ultérieur (Allard, 1999). Grâce à cette méthode de croisement et de sélection, les développeurs de plantes éliminent les caractéristiques indésirables de la population tout en faisant progresser les caractéristiques souhaitables (Kaiser et coll., 2020; Glenn et coll., 2017). Une grande partie de ce travail sur le terrain se déroule sur une période de cinq ans ou plus et dans divers environnements pour évaluer le rendement agronomique et la qualité des végétaux (Kaiser et coll., 2020).

Pour faciliter ces activités, les développeurs de plantes génèrent des marqueurs génétiques liés aux caractéristiques afin de suivre la nouvelle caractéristique lorsqu'elle passe de la plante originale issue de l'édition génique aux variétés végétales commerciales qui seront cultivées pour l'alimentation (Kaiser et coll. 2020). Les développeurs de plantes ont également établi des marqueurs génétiques à l'échelle du génome pour leurs variétés de plantes commerciales. Grâce à ces marqueurs, il est possible d'évaluer le nombre de rétrocroisements nécessaires pour reconstituer la variété commerciale présentant les nouvelles caractéristiques obtenues par édition génique. En outre, grâce à ces marqueurs pangénomiques, les développeurs de plantes peuvent sélectionner les facteurs qui contribuent aux caractéristiques agronomiques, nutritionnelles et de préférence des consommateurs. Enfin, pour les plantes produisant naturellement des toxines, ces marqueurs pangénomiques peuvent aider les développeurs à gérer les niveaux de toxines produites par les plantes, améliorant ainsi l'innocuité alimentaire (Kaiser et coll., 2020).

Dans les rares cas où une caractéristique indésirable ne peut pas être éliminée en raison de liens génétiques étroits avec le locus génétique de la caractéristique souhaitable ou d'autres facteurs pouvant mener à une erreur, les développeurs ne poursuivent habituellement pas le développement de ces produits (Prakash, 2001; Conko et coll., 2016).

8.0 Innocuité des produits avant et après la mise en marché

L'influence des caractéristiques des produits sur l'innocuité alimentaire a été bien rapportée et traitée dans les documents spécialisés (CCA, 2003a; CCA, 2003b; Delaney et coll., 2018). Par conséquent, il est possible d'identifier des critères précis fondés sur les risques pour déterminer si un produit doit faire l'objet d'une surveillance règlementaire avant sa mise en marché en fonction de ces caractéristiques. Les produits de la sélection végétale qui possèdent des modifications génétiques qui 1) n'altèrent pas une protéine endogèneNote de bas de page 2 de façon à introduire ou à augmenter la similarité avec un allergène ou une toxine connus pertinents pour la santé humaine, 2) n'augmentent pas les niveaux d'un allergène endogène, d'une toxine endogène ou d'un antinutriment endogène connus au-delà des intervalles documentés observés avec ces analytes dans l'espèce végétale, 3) n'ont pas d'impact sur la composition nutritionnelle clé ou le métabolisme et 4) ne modifient pas intentionnellement l'utilisation alimentaire de la plante ou ne présentent pas de nouveau danger plausible pour l'innocuité alimentaire et ne justifient donc pas une évaluation préalable à la mise en marché. Les produits issus de la sélection végétale qui ne répondent pas à ces critères peuvent présenter un risque pour la salubrité des aliments et justifier ainsi une surveillance règlementaire avant leur mise en marché en raison d'un risque plausible. Dans ces cas, Santé Canada procèderait à des évaluations préalables à la mise en marché conformément aux lignes directrices détaillées que le Ministère a publiées (Santé Canada, 2006). Ces lignes directrices sont fondées sur le cadre reconnu internationalement qui a été établi par la Commission du Codex Alimentarius (CCA, 2003a) au sujet de l'évaluation des aliments issus de la biotechnologie.

Cependant, les exigences qui favorisent l'innocuité alimentaire vont au-delà des exigences règlementaires avant la mise en marché. La règlementation fédérale impose des exigences relatives à la post-commercialisation pour tous les produits alimentaires et celles-ci ont mis en place des mesures de contrôle supplémentaires pour assurer l'innocuité alimentaire. Par exemple, la Loi sur les aliments et drogues (Loi sur les aliments et drogues [L.R.C., 1985, chap. F-27, Partie 1, 4(1)]) exige que tous les aliments soient dépourvus de substances toxiques ou nocives, qu'ils soient propres à la consommation humaine, qu'ils ne soient pas falsifiés et qu'ils soient entreposés de façon appropriée. Les aliments qui ne remplissent pas ces conditions ne peuvent être vendus et doivent être retirés du marché. En outre, en ce qui concerne les aliments dérivés de sources végétales, pour les 53 types de cultures soumises à l'enregistrement au Canada, le Règlement sur les semences [Règlement sur les semences, C.R.C., ch. 1400, Partie III, Enregistrement des variétés, 74] établit effectivement que si une variété peut être préjudiciable à la santé et à la sécurité des humains ou des animaux ou à l'environnement, le registraire est tenu d'annuler cet enregistrement pour un motif valable et d'ordonner le retrait des semences de cette variété du marché.

Par conséquent, grâce au chevauchement des mesures de surveillance règlementaire avant et après la mise en marché mise en place dans le cadre de la règlementation fédérale, combiné à la surveillance du rendement des variétés végétales menée par l'industrie, le Canada dispose d'un système de salubrité alimentaire robuste pour garantir que la population a accès à des aliments sûrs et nutritifs.

9.0 Conclusions

L'identification, la caractérisation et la gestion des risques pour la santé publique liés aux aliments sont plus efficaces lorsque les programmes de règlementation se concentrent sur les caractéristiques finales des produits plutôt que sur les technologies utilisées pour fabriquer ces produits. La raison en est que pour qu'un danger présente un risque pour la santé publique, le public doit être exposé à ce danger. Tout comme c'est le cas pour les mutagènes chimiques et physiques utilisés dans le développement des plantes, ça l'est aussi pour l'ADN recombinant et l'édition génique sur le plan de l'innocuité alimentaire. Dans aucun de ces cas, les consommateurs ne sont généralement exposés à ces technologies par le biais des aliments. Ils sont plutôt exposés aux caractéristiques finales des aliments.

En outre, si la sélection végétale a considérablement progressé au cours des deux derniers siècles, les technologies de base en sélection végétale comme le croisement sont toujours appliquées, et ce même pour les produits issus de l'ADN recombinant et de l'édition génique. Cela est important pour la gestion des risques liés à l'innocuité alimentaire, car les techniques classiques de sélection végétale, comme le croisement et la sélection, sont utilisées pour sélectionner les caractéristiques indésirables susceptibles d'entraîner un risque pour l'innocuité alimentaire. Dans les rares cas où il est impossible d'éliminer les caractéristiques indésirables en raison d'un lien génétique ou d'autres facteurs pouvant mener à une erreur, les développeurs de plantes éliminent habituellement l'étape ultérieure de développement de ces produits en vue de favoriser l'innocuité alimentaire.

Par conséquent, Santé Canada est d'avis que les technologies d'édition génique ne présentent pas de problèmes d'innocuité alimentaire isolés ou spécifiquement identifiables par rapport aux autres technologies de développement de végétaux. Par conséquent, les produits végétaux issus de l'édition génique devraient être règlementés comme tous les autres produits issus de la sélection végétale dans le cadre du Règlement sur les aliments nouveaux (c'est-à-dire en fonction des caractéristiques qu'ils présentent et de l'impact de ces caractéristiques sur l'innocuité alimentaire).

10.0 Références

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